Jeudi 16 février 2023

- Présidence de M. Stéphane Artano, président-

Continuité territoriale entre l'Hexagone et l'outre-mer - Audition de MM. Maël Disa, président, Saïd Ahamada, directeur général et Mme Florence Svetecz, secrétaire générale de l'Agence De l'Outre-mer pour la Mobilité (LADOM)

M. Stéphane Artano, président. - Chers collègues, dans le cadre de l'étude que nous menons sur la continuité territoriale et dont Catherine Conconne et Guillaume Chevrollier sont les rapporteurs, nous auditionnons ce matin l'acteur clé du dispositif public dans ce domaine qui intervient à travers ses aides financières : l'Agence De l'Outre-mer pour la Mobilité (LADOM).

Nous avons le plaisir d'accueillir en présentiel : son président M. Maël Disa, son directeur général M. Saïd Ahamada et sa secrétaire générale Mme Florence Svetecz.

Monsieur le président, vous allez avoir la parole afin de présenter vos observations sur la situation actuelle et les perspectives à venir, sur la base de la trame qui vous a été transmise, selon une procédure que vous connaissez bien puisque nous avons eu l'occasion de vous entendre dans le cadre de vos fonctions de délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer et la visibilité des outre-mer.

Vos observations pourront être complétées par M. Saïd Ahamada que nous avons également le plaisir de saluer dans ses nouvelles fonctions et par Mme Florence Svetecz, qui a assuré jusqu'il y a peu de temps la direction par intérim et qui connaît particulièrement bien cet établissement.

Comme vous le savez, nous nous interrogeons notamment sur la réforme de LADOM que vous avez la charge de conduire et à laquelle nous souhaitons apporter notre contribution.

Je laisserai les rapporteurs intervenir pour vous demander des précisions, ainsi que nos autres collègues qui - j'en suis certain - auront beaucoup de questions à vous poser.

Monsieur le président, vous avez la parole pour votre présentation générale avant d'entrer dans le détail des questions.

M. Maël Disa, président de l'Agence De l'Outre-mer pour la Mobilité (LADOM). - Merci, monsieur le président, de nous accueillir aujourd'hui.

Je voudrais juste préciser un point technique relatif aux différentes structures. Les délégations existent toujours. Je suis donc encore cumulard pour le moment, en tant que délégué et président du Conseil d'administration de LADOM. Un projet de rapprochement entre les structures a effectivement été annoncé par le ministre en septembre dernier. Nous y travaillons et nous en reparlerons sans doute ultérieurement. Pour l'heure, les deux structures existent encore et travaillent pour l'instant sur des périmètres distincts, qui ont vocation à se rejoindre et constituer une structure globale, avec une vision périphérique sur tous les sujets.

Je cède la parole au directeur général, Monsieur Saïd Ahamada, pour la présentation générale de LADOM.

M. Saïd Ahamada, directeur général de l'Agence De l'Outre-mer pour la Mobilité (LADOM). - Comme vous l'avez précisé, je suis nouvellement arrivé aux fonctions de directeur général de LADOM. Cela fait exactement un mois aujourd'hui que le décret est paru. Je laisserai Madame Florence Svetecz évoquer l'antériorité. Elle a su assurer l'intérim avec brio, pendant les dix derniers mois. Elle vous alimentera notamment en matière de chiffres et de résultats d'activité.

Je commencerai par une présentation de LADOM dans ses missions principales et son organisation, même si vous êtes déjà largement au fait de ces questions.

LADOM travaille à la mobilité des ultramarins. C'est l'outil principal de la mobilité des ultramarins à disposition du Gouvernement, sous tutelle du ministère des outre-mer et du ministère du budget. Elle compte dix-huit représentations, antennes ou directions territoriales sur les territoires, six en outre-mer et le reste dans l'Hexagone. Elle entretient évidemment des liens étroits avec les collectivités d'outre-mer (COM), où nous n'avons pas de représentation physique, mais avec lesquelles nous travaillons de manière quotidienne.

Pour ce qui est des outils principaux mis à disposition des bénéficiaires de LADOM, les étudiants ont accès au passeport mobilité pour les études (PME). Il permet aux étudiants boursiers d'avoir un financement à 100 % de leur billet pour venir étudier dans l'Hexagone et à hauteur de 50 % pour les autres.

Pour ce qui concerne la formation professionnelle, il existe un passeport mobilité formation professionnelle (PMFP). Il permet aux ultramarins qui souhaitent se former, soit dans leur zone régionale, y compris d'ailleurs dans les États voisins, soit en Hexagone, pour suivre des formations qui sont soit inexistantes sur place, soit saturées. C'est un point important à préciser. Nous offrons la possibilité à ces personnes d'aller se former, acquérir des compétences, puis revenir ensuite, si elles le souhaitent (c'est le cas d'une personne sur deux), dans leur territoire d'origine, pour continuer à y travailler.

Nous proposons aussi l'aide à la continuité territoriale (ACT), que vous connaissez bien. Sous conditions de ressources, elle permet tous les trois ans révolus à un ultramarin de se déplacer pour des raisons familiales, diverses ou variées, que nous ne contrôlons pas, car nous n'avons pas à connaître la raison pour laquelle ils viennent. L'ACT permet de cofinancer le billet, sous forme de bons. Florence Svetecz vous dira ce que cela représente en nombre et en pourcentage du billet. C'est un sujet important dans la période actuelle. La prise en charge du billet se situe à environ 40 %, ce qui n'est pas négligeable. Cette aide est proposée sous conditions de ressources, comme tous les dispositifs que j'ai évoqués, puisqu'il s'agit de permettre à ceux qui ont le moins de moyens de pouvoir accéder à ces dispositifs, à un épanouissement professionnel ou au bénéfice des liens familiaux.

Je terminerai par dire qu'il s'agit d'une vraie mission de service public. C'est ce qui m'anime. C'est la raison pour laquelle j'ai accepté cette mission. Nous ne sommes ni une agence de voyages ni une succursale de Pôle Emploi. En premier lieu, nous oeuvrons d'abord pour le lien entre les hommes et les femmes, entre les Français, où qu'ils soient sur le territoire. En outre, nous favorisons l'ouverture du champ des possibles pour tous les Français, où qu'ils soient, pour que la question de la mobilité ne soit pas un frein - autant que faire se peut, avec les moyens qui sont les nôtres - pour qu'un jeune ou un moins jeune, qu'il habite à Paris intra-muros, à Fort-de-France ou à Cayenne, ait les mêmes chances de réussite et qu'il soit uniquement limité par ses compétences intellectuelles, techniques ou manuelles. À mon sens, c'est le rôle de la République et c'est la mission principale de LADOM.

Mme Florence Svetecz, secrétaire générale de l'Agence De l'Outre-mer pour la Mobilité (LADOM). - Concernant les étudiants, les chiffres 2022 viennent d'être stabilisés. Les achats de billets s'effectuent à taux plein, comme vient de le dire Monsieur le directeur général, ou à demi-tarif. 9 276 étudiants ont été accompagnés sur les territoires DROM, pour un montant de 15 millions d'euros. Au titre de l'accompagnement à la continuité territoriale, c'est-à-dire l'émission de bons aller-retour pour les personnes qui veulent venir en Hexagone, soit pour le loisir (voir leur famille, pour un lien économique, etc.), soit dans le cadre du funéraire, soit dans les ACT spécifiques que sont l'accompagnement des doctorants, des sportifs « espoirs » et des artistes. 48 000 bons ont été émis, pour un montant de 14 millions d'euros, avec un report de 2 millions sur l'année suivante. Notre activité a donc généré 16 millions d'euros de frais pour LADOM de l'ACT en 2022.

Je précise que des chiffres affinés vous parviendront par mail. Sur le PMFP, LADOM a en charge les demandeurs d'emploi qui veulent exercer une mobilité vers l'Hexagone ou dans le bassin de vie. Pour les DROM 1 984 personnes ont été accompagnées et 103 personnes accompagnées dans les COM, principalement en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Saint-Pierre-et-Miquelon reste plus marginal. Le montant total est de 13,3 millions d'euros, puisque nous prenons en charge les rémunérations (si besoin), l'aide à l'installation et le billet à plein taux. Le transport lié à cette action a représenté 3,2 millions d'euros. Vous l'aurez deviné, le principal impact sur le budget de LADOM en 2022 a été l'augmentation du prix des billets d'avion, qui a représenté un surcoût de 4,6 millions d'euros. Dans ce cadre, avec le président Maël Disa, la DGOM et le ministre, nous avons travaillé sur une éventuelle augmentation des bons ACT, pour les personnes qui veulent voyager et dont le coût du billet était prohibitif. Un nouvel arrêté devrait paraître bientôt, pour augmenter le niveau du bon. Ce niveau est actuellement fixé par territoire. Il se situe entre 270 euros par aller-retour pour la zone caraïbe et 440 euros pour Mayotte, en passant par La Réunion à 360 euros.

Votre trame intégrait une question sur le partenariat avec Pôle Emploi. Depuis très longtemps, LADOM a noué un partenariat avec Pôle Emploi. En septembre 2021 a été signé un partenariat qui a pris effet au 1er janvier 2022. Il prévoit, pour une année de transition, un accompagnement différent par le personnel de LADOM. Auparavant, quand un ultramarin demandeur d'emploi avait un projet de mobilité vers l'Hexagone pour une formation, LADOM prescrivait la formation, trouvait l'organisme de formation à travers un marché et trouvait le logement, toujours à travers ce marché. Elle accompagnait la personne sur le territoire hexagonal pendant sa formation et jusqu'à six mois après. En 2022, avec la loi Liberté Travail, LADOM n'est plus prescriptrice. Désormais, nous travaillons différemment avec Pôle Emploi, avec un partage autour du bénéficiaire. Ce dernier peut soit venir à LADOM, soit se rendre à Pôle Emploi, puis un échange s'ouvre entre Pôle Emploi et LADOM pour accompagner au mieux le bénéficiaire, soit avec les aides de Pôle Emploi, soit avec les aides de LADOM. Ce partenariat change beaucoup la façon de faire, et implique la représentation de Pôle Emploi sur les territoires. Un temps d'appropriation important a été nécessaire, ce qui n'a pas conduit à une activité aussi importante qu'espérée en 2022 et qui tend à s'améliorer en 2023. Nous voyons que le travail avance. L'avantage premier de ce partenariat est qu'il donne accès aux ultramarins à tout le catalogue formation Pôle Emploi, ce qui offre a priori plus de possibilités, étant rappelé que LADOM n'apporte un accompagnement - et sans doute Pôle Emploi aussi - que si la filière ou la formation n'existe pas sur le territoire ou qu'elle est saturée. Avant tout, la réalisation de la formation sur le territoire d'origine est privilégiée.

Une question de notre trame porte sur le transport de corps. Il y a effectivement très peu de demandes. Quand des demandes sont soumises, elles ne sont pas toutes éligibles. Elles sont sous plafond de ressources. Tout l'accompagnement à la continuité territoriale en tant que tel est sous plafond de ressources, soit 11 191 euros par part fiscale et par foyer. Le PMFP est aussi sous plafond, mais à hauteur de 26 300 euros par part fiscale. Le transport de corps est soumis à plafond fiscal, puis nous intervenons sur le remboursement. Nous n'avançons pas les frais. C'est vrai que c'est un frein important car si l'avance est faite par une assistante sociale ou un centre communal d'action sociale (CCAS) local, nous ne pouvons plus intervenir, ce qui ne facilite pas l'accès à ce dispositif. La région Réunion a proposé de signer une convention avec nous pour une prise en charge immédiate de leur part, avec un système de remboursement de notre part ou un cofinancement, mais ce n'est pas permis par les textes.

M. Maël Disa. - Je répondrai à vos questions dans le désordre, vous m'en excuserez.

Madame Florence Svetecz a évoqué les évolutions législatives. Du fait de son rapprochement avec Pôle Emploi, LADOM et les missions de ses collaborateurs vont évoluer. Toute la partie prescription, qui constituait un élément fort de leur activité, est désormais « sous-traitée » à Pôle Emploi, ce qui libérera du temps pour d'autres tâches. C'est dans cet esprit que ce rapprochement entre la Délégation interministérielle et LADOM a eu lieu, afin d'utiliser au mieux ce temps libéré et donner à LADOM de nouvelles missions, en commençant par reprendre certaines missions de la Délégation, comme le logement. Jusqu'à présent, LADOM accompagnait les étudiants sur la billetterie, puis ces mêmes étudiants étaient accompagnés sur le logement par la Délégation. Désormais, les étudiants pourraient être accompagnés sur les deux thèmes par la même personne. Ce rapprochement visait aussi à faciliter l'accompagnement et rendre un meilleur service.

S'agissant des nouvelles missions de LADOM 2024, nous pouvons entrer dans le détail. C'est dans cet esprit que le sujet du rapprochement a été lancé, pour aboutir en fin d'année au nouveau LADOM 2024. Des réflexions et des concertations ont eu lieu, et doivent aboutir à une solidification de l'existant et au traitement de nouveaux sujets et de nouvelles missions. C'est dans cet esprit que nous nous inscrivons tous les trois aujourd'hui, avec à la fois des changements de personnes, ma nomination comme personne qualifiée, puis mon élection pour faciliter cette transition, du fait de ma présence dans les deux structures. Nous parviendrons à mettre en place ce changement dans l'année, grâce à la continuité apportée par Florence Svetecz et l'arrivée de Saïd Ahamada. Nous avons pour objectif de créer en 2024 un LADOM ayant des missions élargies, pour accompagner les étudiants et le public cible sur un périmètre plus large.

M. Said Ahamada vient d'évoquer l'évolution de LADOM. C'est un sujet très important, car il nous faut arriver à nous projeter. Une convention d'objectifs doit être définie avec le ministère de tutelle pour LADOM 2024. Après une période de consultation en interne et en externe, avec les locaux et les partenaires, au cours de laquelle Florence Svetecz s'est déplacée dans tous les territoires ou presque, pour prendre le pouls et savoir quels étaient les ressentis par rapport au travail actuel de LADOM, quelles étaient les attentes sur lesquelles nous étions éventuellement absents et où il nous fallait nous améliorer. Ce travail d'audit et de consultation va nous aider à nous projeter, évidemment de façon concertée avec les tutelles. Nous nous inscrivons dans une phase de co-construction de ce projet stratégique, qui devra évidemment recueillir une validation politique puis la vôtre, via le projet de loi de finances (PLF). En effet, des incidences budgétaires ne manqueront pas d'apparaître, ce qui concernera l'Assemblée et le Sénat, pour aboutir à un outil complètement opérationnel dès le 1er janvier 2024. Telle est en tout cas notre ambition.

Toutefois, avant 2024, il faut traiter l'année 2023, ce qui renvoie à votre question sur le rapport de la Cour des comptes. À ce jour, notre structure est financièrement saine. Il faut arriver à consolider nos acquis et consolider nos process, pour que nous soyons en capacité de nous projeter sur nos nouvelles missions. À mon sens, le partenariat avec Pôle Emploi est bénéfique. Il permet de faire bénéficier ou d'offrir aux ultramarins un panel de formations dont nous ne disposions pas auparavant. Il nous permet aussi de nous concentrer sur ce qui, à mon sens, constitue notre corps de métier à savoir l'accompagnement. À mon avis, nous devons être les référents mobilité pour les outre-mer et les ultramarins, avec une différence entre les deux, ce que je vous expliquerai dans un instant. L'année 2023 doit donc être l'année de la consolidation et du retour à une activité normale, après les périodes de confinement, qui ont forcément impacté les mobilités. Je pense que vous êtes très bien placés pour le savoir. Pour l'instant, nous en sommes au stade des réflexions sur la projection 2024. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il est très intéressant de pouvoir en discuter.

Je pense que LADOM, agence pour la mobilité, doit être l'agence pour la mobilité dans les deux sens. Nous devons évidemment permettre à celles et ceux qui souhaitent porter un projet professionnel qui ne peut pas se réaliser sur leur territoire ou dans leur région d'origine de le poursuivre dans l'Hexagone. Cela me semble être une promesse républicaine que nous devons tenir. Dans le même temps, LADOM doit aussi être au service des ultramarins et des outre-mer. Dans leur diversité, les outre-mer affichent tout de même certains points communs, avec notamment des métiers en tension et divers besoins. Je rappelle que nos missions sont régies par le code des transports, qui nous empêche parfois d'agir sur certains sujets, le fonctionnement restant quand même très encadré. Quoi qu'il en soit, nous devons être capables de répondre aux besoins des territoires, en formant des personnes qui répondent à ces besoins et en proposant un accompagnement. Je parlais de mobilité dans l'autre sens. Ainsi, nous devons accompagner des ultramarins (ou pas, d'ailleurs) qui se trouvent aujourd'hui dans l'Hexagone et qui souhaitent aller s'installer sur ces territoires et souhaitent apporter leur expérience et leur expertise. Il peut aussi s'agir de projets de vie de personnes qui sont à la retraite. Il faut pouvoir les accompagner. Notre travail actuel d'accompagnement des personnes en mobilité professionnelle, de recherche de logement, d'accueil à l'aéroport etc., doit aussi être proposé dans les territoires d'outre-mer. En un sens, sans affirmer qu'il s'agit là de notre ADN, c'est en tout cas notre plus-value. Comme vous le savez, il n'existe pas beaucoup d'agences qui comptent autant de représentations dans les outre-mer et dans l'Hexagone. C'est une force qu'il faut utiliser collectivement, pour être au service des territoires.

Divers items reviennent sur les besoins de ces territoires. Florence Svetecz pourra apporter un complément car elle a mené des consultations. À l'heure actuelle, nous ne nous adressons pas aux actifs qui ont besoin de formation professionnelle. Je pense qu'il faut que nous soyons en capacité de le faire demain, mais bien sûr il s'agit de propositions à valider.

Nous finançons ou cofinançons actuellement le billet d'avion aller-retour des étudiants. Comme la phase d'acclimatation est souvent assez compliquée, il serait intéressant de pouvoir offrir un aller-retour supplémentaire la première année, par exemple au moment des fêtes de Noël. La première année est en effet une année cruciale pour ces jeunes de 18, 19 ou 20 ans.

En outre, nous n'assurons pas d'accompagnement des ultramarins lorsqu'ils arrivent sur le territoire hexagonal. Les CROUS ont du mal à en proposer un. Le fait que nos équipes comptent autant d'implantations et que nous soyons forts d'une expérience de l'accompagnement sur la formation professionnelle nous incite, et c'est mon souhait, à accompagner les étudiants dans leur implantation sur le territoire hexagonal, dans leurs démarches CAF, leurs démarches de recherche de logement, de lien avec le CROUS. Il s'agirait de jouer un rôle de facilitateur sur le territoire hexagonal.

Enfin, même si nous ne traitons plus le volet de la formation, qui est exercé aujourd'hui par Pôle Emploi, il reste quand même le travail que nous menons avec les régions. Nous pouvons émarger sur certaines formations, ce qui sort du cadre de Pôle Emploi. De même, si nous nous orientions à l'avenir sur les actifs, nous ne serions pas non plus dans le cadre de Pôle Emploi. Pôle Emploi est certes un partenaire important mais ce n'est pas le seul. Nous travaillons aussi régulièrement avec les régions avec lesquelles nous signons régulièrement des accords pour accompagner des bénéficiaires. À terme, et il s'agit ici d'une réflexion personnelle, je souhaiterais que LADOM, tant en outre-mer qu'en Hexagone, soit le premier guichet de celles et ceux qui pensent outre-mer et mobilité. Il s'agirait qu'une personne de l'Hexagone qui souhaiterait se projeter dans les outre-mer ait le réflexe de s'adresser à LADOM, et que les conseillers d'insertion professionnelle (CIP) jouent pleinement leur rôle de conseiller et accompagnent ces personnes dans leur projet de vie vers les territoires ultramarins, qu'ils soient ou pas accompagnés par des politiques de LADOM, en interne. Il est important que nous soyons en capacité de bien les orienter vers les personnes et les organismes compétents, pour que la construction de ce projet de vie se fasse dans de bonnes conditions. De la même manière, il faut aussi que nous soyons les référents mobilité en outre-mer, dès qu'un jeune ou un moins jeune pense à une mobilité, une formation professionnelle ou un projet de vie ailleurs que sur son territoire. Que ce soit dans la région ou dans l'Hexagone, il faut qu'il ait le « réflexe LADOM ». De son côté, LADOM devra se charger du lien avec les organismes divers et variés, en proposant un interlocuteur à peu près unique et un parcours qui permette de ne pas laisser ces jeunes ou ces moins jeunes portant un projet de vie lié à une mobilité sur la zone ou sur l'Hexagone. Tel pourrait être l'avenir de LADOM.

Mme Florence Svetecz- Cette intervention renvoie aux conventions nouées avec les régions et départements. Des conventions financières ont été signées autour de la formation et de l'emploi. Nous menons un travail commun avec les régions et les départements. Les régions ont la capacité de prescrire des formations que nous mettons en oeuvre en cherchant l'organisme de formation, conjointement avec les régions. Les régions décident de qui part et de qui ne part pas. De notre côté, nous vérifions l'éligibilité, puis nous apportons un accompagnement sur le territoire hexagonal. Nous avons signé une convention avec la Martinique, la Guadeloupe, Mayotte et Saint-Martin. En France hexagonale, nous avons signé des conventions avec les régions. Même si c'est inscrit dans la loi et que n'importe quel Français, d'où qu'il soit, peut avoir accès à une formation, proposée par exemple par la région Rhône-Alpes, nous avons tout de même signé des accords privilégiés pour ne pas oublier de prendre en compte les besoins des ultramarins. Des conventions ont de surcroît été signées avec des bailleurs sociaux, pour trouver plus facilement des logements, ainsi que des conventions sans enjeu financier, pour sceller des partenariats et mieux travailler ensemble. Je pense, notamment, aux EPCI en Guadeloupe. Dans certains cas, des accords nous permettent de mener des actions de promotion commune, autour de la formation en mobilité. À six mois, 75 % des personnes accompagnées sont insérées dans l'emploi, tandis que 50 % des personnes retournent sur leur territoire d'origine immédiatement. Il peut aussi arriver qu'elles y retournent dans un second temps, voire qu'elles y retournent tout de suite avant de repartir, mais le suivi a alors disparu. Nous ne disposons pas de statistiques très fines. En tout cas, nous avons connaissance d'un taux de retour de 50 % car nous prenons en charge le billet de retour.

Toujours sur le sujet de la continuité territoriale, vous avez posé une question sur l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Bordeaux. En résumé, il indique que les régions ne peuvent pas prendre en charge les frais de continuité territoriale entre l'Hexagone et les territoires ultramarins. Ce sujet concerne la région Réunion qui a pris en charge cette mission. En tant qu'établissement public administratif, nous sommes garants d'une équité entre tous les territoires. Je ne peux pas tenir d'autres propos mais la Cour d'appel administrative a estimé qu'il n'était pas légal que ce soit pris en charge par les régions. Je n'ai pas d'opinion à ce sujet. En tant qu'établissement public, nous apportons les mêmes moyens à tous les territoires. Je ne peux pas cerner davantage cette décision de la Cour administrative, qui est antérieure à mon arrivée et dont je n'ai pas suivi les premiers pas. Mais nous pourrons essayer de compléter notre réponse plus tard.

Enfin, concernant la consultation LADOM 2024, la première demande des territoires ultramarins porte sur l'amélioration de nos propres dispositifs, comme l'a souligné Monsieur Saïd Ahamada, comme l'accompagnement des étudiants, ou la prise en compte du handicap. La deuxième demande porte plutôt sur la prise en charge des salariés, avec la réforme des opérateurs de compétences (OPCO) pour les frais de déplacement et d'hébergement. Enfin, le troisième point le plus cité est l'accompagnement au retour ou à l'installation sur les territoires, pour accompagner le développement des territoires et sortir de l'aide à la personne, en s'inscrivant davantage dans le développement du territoire local, pour permettre son développement économique et social.

M. Stéphane Artano, président- Je propose de céder la parole aux rapporteurs qui pourront demander des précisions, puis aux intervenants en présentiel et à distance.

Mme Catherine Conconne, rapporteure. - Plusieurs points m'interpellent, sachant que j'ai déjà été plusieurs fois auditionnée par LADOM, au moins trois fois depuis le passage de Mme Brigitte Girardin au ministère des outre-mer, sur la nouvelle LADOM que chacun appelle de ses voeux.

Le plafond de ressources pour bénéficier de l'aide de LADOM, fixé à environ 11 000 euros, m'a toujours particulièrement choquée. Ce plafond m'apparaît extrêmement bas.

Par ailleurs, tout le monde souhaite que la continuité territoriale soit la plus équitable possible entre les territoires. Nous avons auditionné la Corse et nous sommes manifestement très loin du compte en matière d'équité, même si la Corse est plus proche et que les billets sont forcément moins chers. Je ne parlerai même pas des montants. Nous avons vraiment un régime différent au niveau des conditions d'accès et des critères. Si un sujet transversal doit guider LADOM dans sa réforme, c'est cette recherche d'équité. Je ne parlerai même pas d'égalité, tant les territoires sont différents, mais il faudrait au moins de l'équité en termes d'accès à la continuité territoriale.

Troisième point, à mon sens extrêmement important, il s'agit du traitement différencié par territoire. Par exemple, la Guadeloupe et la Martinique sont des territoires en dépeuplement. Il ne faut pas donner l'impression que LADOM vient faire une saignée de plus dans ces territoires, sachant que la Martinique a perdu 50 000 âmes en un peu plus de dix ans, passant de 400 000 à moins de 350 000 habitants, avec une part de jeunes de plus en plus faible par rapport aux personnes de plus de 65 ans. Il est donc très important de travailler à des contrats territorialisés en fonction des besoins. Les formations ne doivent pas être de simples formations pour le principe. Il faut cibler les métiers en tension et travailler à la construction de projets de développement économique et humain, par territoire. C'est vraiment très important.

De plus, comment faire pour que LADOM soit plus accessible et plus visible ? Les difficultés d'accès à LADOM sont énormes. L'essentiel des procédures se passe par Internet. Or certains territoires connaissent une fracture, peut-être pas les étudiants et les jeunes, mais les personnes un peu plus âgées, qui peuvent avoir un projet de vie en termes de formation. Pour celles-ci, l'accès à Internet constitue un vrai problème.

En outre, comment travailler à un meilleur accès à la continuité funéraire, sachant que les montants restent très faibles, et à l'accès des sportifs et artistes. Il existe des fonds au ministère des outre-mer ou le fameux fonds d'échanges à but éducatif, culturel et sportif (FEBECS). Même s'il a été augmenté, sa consommation reste décevante. Une sorte de guichet unique pourrait être créé à LADOM, entre toutes ces formules. Cela permettrait à une troupe de théâtre, à un orchestre ou à des sportifs de partir plus facilement pour leur entraînement. Pour l'heure, c'est un véritable parcours du combattant pour les artistes et les sportifs qui doivent se déplacer, à tel point qu'ils renoncent souvent à un contrat. De même, des dirigeants sportifs se retrouvent pris dans des promotions qu'ils doivent assumer en passant d'une division à une autre. Ils ont toutes les peines du monde à s'en sortir et se retrouvent souvent à devoir mendier des délais de trésorerie auprès des agences de voyages. Je reçois des dirigeants sportifs qui sont parfois désespérés et peuvent ne pas partir jouer tel ou tel match ou suivre tel ou tel stage sur le territoire français. Il faut y travailler.

Enfin, il faut se pencher sur le volet retour de LADOM, qui était prévu à l'origine. Nous en avons beaucoup discuté à l'époque avec Florus Nestar et Philippe Jock, quand ils étaient membres de la gouvernance de LADOM. Il faut travailler sur le retour des populations dans leur pays. À quel moment un billet retour peut-il être donné sans avoir eu un billet aller ? À ce jour, certains jeunes veulent par exemple rentrer en Martinique, ce qui constitue des aubaines pour nous au vu de notre situation démographique. Chaque retour est précieux, mais il faut pouvoir trouver un kit de suivi et d'aide, dans le cadre de la mobilité retour sur des métiers en tension, sur des stages à effectuer au pays ou sur des jurys auxquels il faut répondre. Cette semaine encore, j'ai rencontré un jeune qui est rentré passer trois jurys. Il a dû prendre ses billets d'avion sur ses propres fonds, pour tenter d'être accepté dans un emploi en Martinique, conformément à son souhait de rentrer au pays.

M. Maël Disa. - Merci, Madame la sénatrice. Je commencerai par un point de vision, puis je laisserai Florence Svetecz et Saïd Ahamada poursuivre. En premier lieu, je tiens à dire que nous sommes totalement d'accord avec tout ce qui a été dit. Nous avons déjà eu l'occasion d'échanger précédemment. Nous partageons cette vision. D'ailleurs, si ces nominations ont été faites à la direction de LADOM, c'est aussi pour impulser les changements que vous avez évoqués. La seule limite qui se pose à nous est financière, dans les dispositifs existants. Il a été fait le choix à l'origine de les restreindre à un public très précaire. Ces dispositifs existent et ont vocation à exister pour tous car tout le monde en a besoin, même les personnes les moins précaires des territoires. Dans les conditions actuelles, un billet d'avion reste un investissement important. Sur ce sujet, je tiens à préciser un point, non pas pour vous car vous en avez conscience, mais parce que nous sommes écoutés et enregistrés. Depuis son origine, LADOM intervient exclusivement sur des formations inexistantes ou saturées. LADOM n'intervient pas quand il existe sur place la même filière. Il existe une volonté historique de LADOM, que nous partageons, de ne pas entrer en concurrence ou d'offrir d'alternative en métropole, s'il existe sur place une possibilité. C'est un point cardinal de LADOM qui sera poursuivi et pour lequel nous faisons systématiquement tous nos efforts. Ainsi, quand nous sommes sollicités, y compris en direct, par des personnes qui aimeraient être accompagnées sur un billet d'avion et quand nous nous rendons compte par nous-mêmes qu'il existe une option sur place, alors aucun accompagnement n'est possible.

Pour ce qui est ensuite de la question démographique, je ne peux évidemment en tant que Guadeloupéen qu'être d'accord concernant la baisse de population. Quoi qu'il en soit, il est important de prendre en compte qu'au moins un bénéficiaire sur deux d'une aide de LADOM par territoire pour venir en Hexagone rentre dans les six mois, sachant que d'autres retournent après, et qu'au final la contribution de LADOM au départ reste très limitée. Ce n'est pas LADOM qui est à l'origine des départs. En premier lieu, ceux qui partent par LADOM sont déjà peu nombreux, à notre grand regret, car de ce fait notre public s'amenuise, mais en plus parmi ceux qui partent, il y en a au moins un sur deux qui rentre. C'est un commentaire qui nous revient souvent. Pour le coup, LADOM ne contribue pas aux départs et nous y veillons vraiment très précisément.

Sur le sujet des dispositifs, je laisserai Florence Svetecz et Saïd Ahamada répondre. Je voudrais juste préciser une difficulté sur les plafonds de ressources. Vous avez raison, Madame la sénatrice : le chiffre de 12 000 euros par part de quotient familial reste très faible, surtout qu'il se calcule par part. Ce montant est effectivement très faible. Sur ce point, nous avons lancé une étude pour cibler le nombre de personnes qui seraient éligibles sur les territoires, pour déterminer parmi celles-ci combien font appel à LADOM et combien sont celles qui ont fait appel à LADOM mais qui ne partent pas malgré tout, parce que le reste à charge est trop important. Très clairement, et il s'agit là de l'un de nos regrets quotidiens, le dispositif de LADOM existe, ses crédits sont mobilisés, mais malgré tout, les gens ne partent pas. En effet, quand le reste à charge est de 1 000 euros, même si vous êtes aidés à 50 %, à 80 % ou à 90 %, il peut être difficile de payer les 10 % restants s'ils représentent 1 000 euros. C'est notamment le cas à Mayotte. Beaucoup de personnes soumettent une demande de bon mais ne l'utilisent pas. C'est vraiment triste de constater que les crédits existent mais que nous n'arrivons pas à les utiliser. Un important travail de refonte des critères de ressources s'impose. Notre seule limite sera celle des budgets votés en projet de loi de finances (PLF). Nous serons bien évidemment demandeurs de votre aide pour que ces budgets soient augmentés et pour pouvoir atteindre les populations les plus larges possible.

M. Saïd Ahamada. - Je propose de reprendre le fil sur les plafonds de ressources. Il est vrai que le plafond est bas. Nous avons engagé des actions, notamment avec la DGFIP. Nous souhaitons avoir la connaissance du nombre de personnes qui pourraient potentiellement s'adresser à LADOM, sur chacun des territoires. À Mayotte, par exemple, où le niveau de richesse est relativement bas par rapport aux autres territoires ultramarins, et encore davantage par rapport à l'Hexagone, il se trouve plus de personnes potentiellement éligibles que sur d'autres territoires d'outre-mer. Il est important de commencer par bien savoir de quoi l'on parle et de connaître le public éligible, ce qui nous permettra de savoir de manière très objective si, rapporté à la population, nous avons un impact potentiel sur les territoires. Si 1 % de la population d'un territoire est éligible aux aides de LADOM, il faut que l'on se pose réellement la question du plafond de ressources. Dans ce cas, il est clairement trop bas, ce qui rejoint d'ailleurs ce que disait Madame la sénatrice Catherine Conconne sur le fait de territorialiser nos aides. Si à Mayotte une personne sur deux est concernée, alors il est possible d'affirmer que le plafond de ressources est au bon niveau. Tel est le premier niveau de réflexion.

Second niveau de réflexion, il est important de connaître notre « taux de couverture », même si cette expression n'est pas très heureuse. Il s'agit de déterminer sur le potentiel existant dans les territoires, combien de personnes s'adressent à LADOM. Celles qui ne s'adressent pas à nous peuvent ne pas avoir de projet ou ne pas nous connaître. En tout cas, en comparant les territoires, on peut déterminer par exemple que nous touchons une personne sur deux en Martinique, qu'une personne sur deux s'adresse à nous ou s'est adressée à nous pour des projets de mobilité, qu'ils aboutissent ou pas, tandis que nous ne touchons qu'une personne sur quatre, voire moins, dans d'autres territoires. Ces éléments constituent des indicateurs d'activité importants, pour savoir où faire porter l'effort et déterminer ce qui est adapté ou non. Jusqu'à présent, ce travail n'a pas été mené. L'engager nous permettra d'être plus proches des territoires et de leur réalité, de leur niveau de vie. Comme je le disais, nous sommes régis par le code des transports. Or, le code les transports permet justement d'appliquer des plafonds de ressources adaptés au niveau de vie des territoires. C'est donc une approche territorialisée que l'on peut porter ou que l'on va essayer de porter, pour proposer des solutions adaptées, dans la mesure où les territoires sont très différents. Vous le savez aussi bien que moi : même s'il existe des points communs, il existe tout de même aussi de grosses différences, que nous devons être en capacité de prendre en compte.

De son côté, la démographie de certains territoires constitue un autre sujet d'importance, qui nous inquiète peut-être mais en tout cas nous interpelle tous. Nous devons tous travailler à une meilleure attractivité de certains territoires, que l'on parle des outre-mer mais aussi de certains territoires ruraux. Sur ce point, il est important d'opérer des distinctions et placer les responsabilités au bon niveau. Notre rôle - j'ai un peu insisté sur ce point et je me permets de le faire à nouveau - est de faire en sorte que le champ des possibles soit le même pour tous. Prenons l'exemple des étudiants. Cela signifie en creux qu'être né en Martinique ne doit pas devenir une « assignation à résidence ». On ne peut pas dire à un jeune Martiniquais ou un jeune Guadeloupéen que puisqu'il est né dans ce territoire, il doit absolument y revenir, tout comme on ne peut pas dire à un Breton qu'il doit revenir en Bretagne parce qu'il y est né, sous prétexte que le territoire se dépeuple. Il me semble que la promesse républicaine ne peut pas être celle-là. Il se peut que je me trompe et que les orientations politiques prennent une autre orientation, mais à mon sens ce n'est pas la promesse républicaine.

En revanche, et c'est pour cette raison que je parlais de mobilité dans les deux sens, notre rôle doit aussi être d'accompagner celles et ceux qui veulent revenir ou qui veulent venir. Je pense que ce sujet peut concerner et doit concerner les ultramarins qui veulent revenir, mais aussi n'importe quel Français qui aurait un projet de vie dans ces territoires. À mon sens, cette mission n'est pas inscrite dans le code des transports. Nous n'avons pas le droit de le faire à l'heure actuelle. Il faut être tout à fait clair là-dessus, et c'est ce que je souhaite porter. Sans rien dévoiler, je crois pouvoir dire que le ministre est complètement ouvert à cela et qu'il souhaite que la mobilité se fasse dans les deux sens. Pour quelque raison que ce soit, et notamment pour servir les besoins du territoire, c'est un sujet qu'il a évoqué à chaque fois que je l'ai rencontré. Je fais ici le lien avec les métiers en tension. Nos partenariats, notamment avec les régions d'outre-mer, mais aussi avec quasiment toutes les régions hexagonales, nous permettent d'offrir aux populations ultramarines des formations dans les métiers en tension. C'est ce que nous allons essayer de mettre en avant et de promouvoir. Nous nous en acquittions jusqu'à présent tous azimuts, en fonction du besoin personnel, comme le disait Florence Svetecz, si une personne porte un projet individuel de formation dans ce domaine, si une aide lui donne la possibilité de le faire et si la formation n'existe pas sur le territoire ou sur la zone. En parallèle, il faut aussi qu'il soit possible d'actionner des dispositifs existants sur les métiers en tension, sur chaque territoire. Sur ce point, nous comptons sur les élus locaux et les régions pour nous indiquer quels sont les métiers en tension afin que nous puissions proposer cette offre. De même, et c'est là tout l'avantage de compter autant d'antennes en France hexagonale, il s'agit aussi d'informer sur les métiers en tension auxquels ils peuvent accéder en se formant, s'ils n'ont pas encore suivi de formation, ou pour avoir des chances d'obtenir un travail de manière plus sûre. Je rejoins complètement Madame la sénatrice Catherine Conconne sur le fait que ce retour doit être mieux accompagné.

Depuis que je suis en responsabilité, c'est-à-dire depuis quelques semaines et Florence Svetecz pourrait en témoigner, c'est ce que j'indique à tous les acteurs que je rencontre. Nous sommes complètement alignés sur cet aspect-là avec le ministre, donc j'ai bon espoir que nous y arrivions. Comme le disait Maël Disa, cela dépendra aussi des moyens que nous donnera la représentation nationale pour exercer ces nouvelles missions, que nous proposerons. Nous ferons aussi les économies nécessaires, sachant que de nouvelles missions supposent une nouvelle organisation. Nous avons la chance de compter déjà des antennes, mais cela nécessitera peut-être une nouvelle réorganisation. Nous analyserons aussi quelles seront les implications financières. Vous serez évidemment associés à ces choix stratégiques.

Pour répondre ensuite à votre question sur les talents je laisserai Florence Svetecz évoquer le volet financier - ce sont des démarches que nous menons déjà et que nous voulons développer. Sur ce point, le ministre a été très clair. Les talents concernés sont les acteurs culturels et les sportifs. Il faut qu'ils puissent être accompagnés, si tant est qu'ils connaissent les services de LADOM, ce dont je ne suis pas certain. Je n'ai pas encore fait le tour des outre-mer mais j'en connais certains pour d'autres raisons. Je ne suis pas certain que tous les habitants des outre-mer sachent que LADOM peut accompagner des acteurs du domaine culturel, des artistes ou des sportifs. Il faut développer cet axe. Un travail de communication doit être mené, ce qui rejoint d'ailleurs la question de l'accueil et de la communication de LADOM sur les territoires. J'ai fait état tout à l'heure d'une consolidation de nos acquis. C'est exactement cela. Pour devenir cet acteur de la mobilité sur les territoires, LADOM doit être vue et doit être connue, ce qui passe évidemment par de la communication, mais aussi par un accueil de qualité et un accueil téléphonique de qualité. Je laisserai là aussi Florence Svetecz nous dire ce qui a déjà été fait, notamment en matière d'outils informatiques. J'étais d'ailleurs hier en démonstration, pour améliorer cet accueil. Je rejoins complètement la réflexion qui a été formulée. Certaines personnes peuvent naturellement passer par des supports dématérialisés, et nous ferons en sorte que ce soit optimal, tandis que d'autres personnes, plus nombreuses dans notre public que dans d'autres publics qui s'adressent à des administrations, n'ont pas cette capacité d'emprunter la voie dématérialisée. C'est bien pour les aider que nous disposons d'antennes sur le territoire. Sinon, nous n'aurions même pas vocation à être présents physiquement sur les départements ou les régions d'outre-mer ou de l'Hexagone. Cet accompagnement doit encore être amélioré et j'aurai l'occasion d'en discuter, pour nous adapter en fonction des environnements locaux et pour faire en sorte que l'accueil soit le meilleur possible.

Pour autant, et je vois le sénateur Thani Mohamed Soilihi devant moi, au regard de l'écart entre Saint-Laurent-du-Maroni et Cayenne, l'accueil ne peut pas être le même partout. Il est donc important d'adapter nos dispositifs d'accueil au public et à l'environnement local. Sur ce point, je pourrai réellement vous apporter une réponse définitive, ce qui figurera d'ailleurs dans le projet 2024, lorsque j'aurai fait le tour des territoires, avant la mi-2023, pour être opérationnel le plus vite possible. C'est l'une de mes priorités. Je propose à présent que Florence Svetecz évoque le sujet des talents.

Mme Florence Svetecz. - Le « dispositif talents » est en place depuis 2021. Il rencontre assez peu de succès, ce qui rejoint l'un des points soulevés lors de la rencontre avec Madame la sénatrice Catherine Conconne, en juillet. Les recours ont été assez limités. Jusqu'à trois déplacements par an sont financés en partie pour les jeunes espoirs sportifs, ainsi qu'un déplacement par an pour les artistes, pour les doctorants et post-doctorants. Nous avons délivré 21 bons à ces titres-là, sur une année entière. Nous sommes très loin du compte, ce qui rejoint la question de la communication.

Pour légitimer nos propos, nous avons mené une étude de satisfaction. 57 000 bénéficiaires de LADOM depuis 2019 ont été interrogés. Le taux de retour a été excellent. Les chiffres sont donc significatifs pour les conclusions. Commençons par les points positifs. Nous avons un taux de recommandation de 94 % et un taux de satisfaction du public encadré de 86 %. S'agissant ensuite des moyens de communication, les résultats corroborent tout à fait ce que vous avez dit et ce que vous constatez sans doute dans vos territoires : « Il est difficile de joindre LADOM au téléphone », « on n'a pas toutes les infos », etc. À court terme, nous avons déjà changé les horaires d'accueil car les unités territoriales n'étaient pas suffisamment ouvertes. Quand quelqu'un a un projet, nous savons qu'il faut répondre immédiatement, sinon il peut passer dès le lendemain ou dans trois jours. Nous avons donc élargi nos horaires d'ouverture, avec au moins cinq heures d'ouverture par jour, lissées sur la semaine ou non, mais en tout cas des horaires plus fixes. Nous avons par ailleurs amélioré la solution téléphonique, qui n'avait pas été revue depuis 2010. Nous sommes passés à la voix sur IP. Quand il n'est pas répondu à un message, il arrive directement sur la boîte mail. Nous disposons aussi d'éléments de réponse plus faciles. Nous avons mené un test en Guyane. Seuls 3 appels sur 500 n'ont pas reçu de réponse au mois de janvier. Nous nous améliorons progressivement. De plus, nous menons des contrôles plus précis, grâce à des outils de contrôle, au siège, pour améliorer concrètement le suivi et comprendre les difficultés. Il est vrai que nous faisons également face à des spécificités dans les dossiers. À Mayotte ou en Guyane, par exemple, nous rencontrons davantage de difficultés à monter les dossiers, au regard des documents administratifs qu'il faut fournir. J'ai moi-même fait le tour des DROM. Il existe énormément de dispositifs. Je pense à l'école de la deuxième chance de Guyane ou au Conseil départemental de Mayotte qui dispose d'instances spécifiques à la mobilité et l'encadrement des jeunes. Pour l'État, le service militaire adapté (SMA) permet aux territoires de disposer de forces vives. De notre côté, il nous permet d'accompagner la mobilité. Néanmoins, il demeure un problème de coordination et de réseau sur les territoires, pour que la personne ait connaissance de l'offre globale existant sur son territoire. Il existe en effet aussi d'autres dispositifs que ceux de LADOM, qui sont aussi un peu en difficulté pour être identifiés dans les territoires.

Nous avons par ailleurs pris la décision de mener une stratégie propre aux réseaux sociaux. Nous y sommes présents depuis le mois de décembre, avec des contenus récurrents, pour permettre une habituation. Nous sommes sur Instagram, Facebook, LinkedIn, Twitter et avons une chaîne YouTube. Nous allons de surcroît améliorer notre site Internet. Nous mettrons sous peu en place un simulateur d'aide, pour que ce soit plus parlant aux gens qui arrivent sur le site, qui n'est pas très clair pour l'instant. Il s'agit de devenir plus « pratico-pratique » et plus accessible. Nous discutons régulièrement avec Madame Lorraine Nativel, la vice-présidente de la région Réunion, sur les difficultés liées à l'écriture et à la lecture de la langue française. Nous proposons d'ailleurs des spots en shimaoré, pour qu'ils soient compris de tous. Nous avons également lancé une campagne spécifique à Mayotte l'année dernière. Elle a permis de faire remonter les chiffres de l'accessibilité à nos services, notamment en termes d'ACT. Nous tâchons d'être au plus proche de la diversité des territoires, pour communiquer sur les meilleurs réseaux et avec les meilleurs outils.

De leur côté, les dispositifs particuliers restent assez peu connus, comme l'accompagnement sur les oraux de concours. Il est prévu d'y travailler cette année.

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. - Merci monsieur le Président de me donner la parole. Ma collègue rapporteure a déjà abordé beaucoup de questions. Je me posais celle de l'accès aux droits et des personnes éligibles aux dispositifs qui n'en auraient pas connaissance, que vous avez largement abordées. Vous en avez parlé. J'ai noté que vous aviez l'intention de développer le champ d'action de LADOM au niveau des mobilités professionnelles. Vous indiquez être en réflexion sur une étude d'impact et sur une budgétisation de ces élargissements de compétences, ce qui dépend de la loi de finances. Néanmoins, pour pouvoir la voter, il nous faut être éclairés par des données chiffrées et des études d'impact. Pour l'heure, elles restent malheureusement insuffisamment fournies. Il serait donc intéressant que vous développiez ce point.

Il y a la mobilité entre la métropole et les outre-mer, mais aussi la mobilité entre territoires ultramarins, interne à un archipel ou entre différents territoires ultramarins. Est-ce que vous envisagez de renforcer la participation au financement, pour permettre cette mobilité ? Envisagez-vous de renforcer les liens entre la métropole et les outre-mer, mais également entre les outre-mer entre eux ?

Par ailleurs, vous n'avez pas abordé la question numéro 4 : en 2018, une décision du Défenseur des droits alertait sur des difficultés récurrentes rencontrées par des usagers, en particulier sur les délais de traitement des demandes. Depuis cette alerte du Défenseur des droits, des améliorations ont-elles été apportées ?

Enfin, quel est votre regard sur le dispositif corse ? Vous paraît-il transposable à l'ensemble des outre-mer ?

M. Saïd Ahamada. - S'agissant de l'étude d'impact, je ne dispose pas des chiffres, parce que les orientations n'ont pas été validées. Vous connaissez le rétroplanning lié au PLF. Nous sommes au stade des réflexions. Notre responsabilité à tous les trois est de faire en sorte de proposer aux ministères de tutelle un projet stratégique qui doit d'abord être validé dans ses orientations. Je sais qu'il y a aussi des réunions interministérielles, des discussions entre les services, le comité interministériel des outre-mer (CIOM) en préparation, etc. Des objets stratégiques finiront par être validés. Il nous appartiendra ensuite, en lien avec les ministères de tutelle, de budgétiser tout cela de l'inscrire dans le processus qui mènera au vote du PLF. Tout cela aura été budgétisé avant l'été. Quoi qu'il en soit, j'entends bien ce que vous dites sur l'étude d'impact. Je pense que nous serons les mieux outillés pour alimenter les effets et le principal corpus de cette étude d'impact, qui sera évidemment à la main des ministères de tutelle. Sur un outil aussi particulier, qui n'a pas beaucoup d'équivalents, nous nous chargerons tous les trois, dans les compétences qui sont les nôtres, de faire en sorte que cette étude d'impact soit la plus étayée possible et que vous ayez le maximum d'éléments, pour pouvoir prendre une décision réfléchie en matière de financement de LADOM et, de manière générale, de la mobilité des ultramarins que je souhaite, je le répète, dans les deux sens.

Vous évoquez la mobilité infrarégionale en demandant si nous renforçons le financement de la mobilité intrarégionale. Nous n'avons pas de ligne particulière relative à la mobilité infrarégionale. La ligne est la même pour la mobilité, qu'elle soit infrarégionale ou en direction de l'Hexagone. Je souhaite - et je trouve qu'il s'agit de pratiques de communication normales - que nous soyons plus clairs sur ce que nous appelons mobilité et sur le moment auquel nous intervenons. Comme indiqué, lorsque la formation professionnelle n'existe pas sur place ou est saturée, l'aide de LADOM est mobilisable. Je souhaite instaurer un deuxième niveau, celui de la non-saturation ou de l'inexistence de cette formation à l'échelle régionale pour faciliter les échanges. De tels échanges sont déjà possibles. Nous finançons déjà la formation infrarégionale, sans aucun problème. Les seuls points potentiellement limitatifs portent d'abord sur la communication, y compris la connaissance pour les CIP de tous les dispositifs existant sur la zone pour être force de proposition. Cela rejoint ce qu'a dit Florence Svetecz sur le nombre de dispositifs qui existent sur ces territoires et mon souhait, je le répète, que LADOM soit un guichet unique - terme que j'apprécie peu - ou, en tout cas, la porte d'entrée principale de la mobilité. Nous devons être en capacité d'apporter un rôle de conseil sur tous les dispositifs existants, ceux de LADOM mais aussi des autres, et sur toutes les formations possibles et imaginables, dans la zone des Caraïbes par exemple ou dans la zone de l'océan Indien, pour ce qui est de La Réunion et Mayotte. Nous devons développer cette connaissance. Je participerai au début du mois de mars à la Conférence régionale de Guadeloupe dédiée à ces sujets, afin que nous soyons au fait et que nous soyons associés à ces travaux sur la région. C'est d'autant plus important que nous devons tous avoir en tête en filigrane l'impact environnemental de ces déplacements, pour faire en sorte de les optimiser pour le bien-être des individus. En effet, ainsi, ils arriveront mieux à suivre leur formation et réussiront mieux si l'environnement dans lequel ils se projettent présente des caractéristiques les moins différentes possible de ce qu'ils connaissent déjà. Prenons l'exemple d'un Tahitien envoyé à Strasbourg. Il peut rencontrer des difficultés durant sa première année, ce qui est totalement compréhensible, de la même manière d'ailleurs que lorsque l'on envoie un Marseillais à Paris - étant moi-même Marseillais, si vous ne l'aviez pas entendu ou compris. Bien évidemment, la coopération régionale passe aussi par ces échanges régionaux, auxquels les jeunes sont de plus en plus ouverts. Il s'agit de plus en plus d'une demande de leur part. Ils souhaitent de plus en plus bénéficier d'une ouverture sur leur monde régional, pour pouvoir rejoindre des pays de la zone, pas seulement des zones françaises. On peut imaginer par exemple pour l'océan Indien que des formations en hôtellerie se passent à l'île Maurice, qui est réputée dans ce domaine. Tous ces sujets doivent être développés et c'est ce que je souhaite que LADOM fasse demain. Bien sûr, nous n'obligerons jamais personne. Si quelqu'un souhaite absolument aller dans l'Hexagone, il ira dans l'Hexagone si la formation demandée n'existe pas sur son territoire. En tout cas, cela lui sera proposé. Ensuite, c'est un choix de vie et une démarche individuelle. Pour ma part, je le répète, je ne souhaite pas qu'il y ait d'assignation à résidence. En revanche, je souhaite que LADOM soit un service du territoire ultramarin, ce qu'elle n'était pas jusqu'à présent.

Mme Florence Svetecz. - Je propose de revenir sur la question des stages dans le bassin de vie. Nous proposons des stages professionnels destinés aux étudiants, s'ils répondent à la limite fixée. Ils peuvent rejoindre tous les pays ayant une côte atlantique ou une côte océan Indien avec leur territoire d'origine. Dans les Caraïbes, ils peuvent aller aux États-Unis, au Canada et dans les provinces du Canada pour suivre un stage professionnel. Pour l'instant, ce n'est pas pour y faire des études mais pour suivre un stage professionnel. Dans l'Océan Indien, toutes les côtes des pays africains sont considérées, avec Maurice ou avec l'Inde. En 2022, à titre expérimental, nous avons permis pour les formations professionnelles qui se passent en Hexagone de retourner faire son stage sur son territoire d'origine, quand il y en a un, pour tisser le lien professionnel directement sur le territoire d'origine et pour faciliter le retour. Nous en dresserons un bilan à terme. Nous sommes passés par le Conseil d'administration pour permettre cette possibilité, qui n'était pas prévue par la loi. Nous menons quelques expérimentations de ce genre pour essayer de faire avancer les choses.

Dans notre contrat d'objectif et de performance figure un indicateur qui prévoit que nous payions en quinze jours. Nous nous en approchons. Nous devons être à 20 ou 22 jours. En 2018, le Défenseur des droits s'était appuyé sur une situation très compliquée, relative à une dette importante datant de 2015. Cette dette est à présent résorbée. Nous disposons désormais de plus grandes facilités à payer les stagiaires, tant que le dossier est complet. En tout cas, le chaînage interne à LADOM est désormais bien plus serré, compté et suivi. Nous nous sommes améliorés sur ce point

M. Saïd Ahamada. - Je tiens à apporter une précision, sur un point que les propos de Florence Svetecz m'ont rappelé, notamment pour les personnes qui s'adressent à nous. Toutes nos interventions ne sont possibles que parce qu'elles sont autorisées par le code des transports. Parfois - c'est tout à fait normal et nous en rencontrons tous les jours - nous ne pouvons pas traiter des dossiers qui sont légitimes, que nous voudrions soutenir et qui tangentent nos compétences, mais dont les textes nous empêchent le traitement, si ce n'est pas prévu, soit par le code des transports, soit par une autorisation donnée par le Conseil d'administration sur des expérimentations. En dehors de ces dispositions, nous ne pouvons rien faire. C'est ce qui explique qu'il arrive parfois que nous ayons du mal à répondre à des sollicitations, sur des cas qui sont complètement légitimes. Nous restons tenus - ce qui est normal - par le code des transports.

Mme Florence Svetecz. - S'agissant des délais de paiement, nous tâchons de minimiser le nombre d'interlocuteurs pour le bénéficiaire. Dans certaines opérations sont impliqués la préfecture, le département, un prestataire et LADOM. Le bénéficiaire ne sait jamais à qui envoyer un papier qui lui est demandé, ce qui allonge beaucoup les délais de traitement. Même si nous n'aimons vraiment pas le terme de guichet unique, il faudrait néanmoins qu'il y ait le moins possible d'interlocuteurs impliqués dans le suivi du bénéficiaire, pour qu'il sache comment s'y retrouver dans tous les dispositifs.

M. Stéphane Artano, président. - Ce qui pourrait peut-être correspondre à des groupements de moyens dans les territoires. J'imagine que certaines formules qui existent dans d'autres secteurs pourraient inspirer tous les territoires. Je propose à présent de laisser la parole aux autres sénateurs.

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. - Tout d'abord, je tiens à saluer le travail effectué par LADOM pour accompagner les mobilités des résidents des outre-mer mais, malheureusement, je tiens à soulever une injustice qui perdure depuis trop longtemps. Les aides à la continuité territoriale sont censées couvrir 40 % du prix du billet d'avion. C'est un taux et non pas un montant. J'ai effectué quelques recherches pour préparer le rendez-vous d'aujourd'hui. Dans tous les cas de figure, les familles guyanaises auront toujours un reste à charge supérieur à celui des familles antillaises. La faute, bien entendu, au tarif pratiqué par les compagnies aériennes qui desservent la Guyane. Je rappelle que la moitié de la population guyanaise vit sous le seuil de pauvreté et qu'un tiers vit en situation de grande précarité. Alors que la Guyane a besoin d'avoir des forces vives formées pour assurer son développement, trop de jeunes renoncent à poursuivre leurs études, en raison du coût exorbitant des billets.

Tous les sénateurs successifs ont tenté d'infléchir l'inflation sur le prix des billets d'avion mais sans succès. Je me tourne donc vers vous, monsieur le Président de LADOM. Que pouvez-vous faire pour diminuer le reste à charge des familles guyanaises ?

J'ai une deuxième question. Les étudiants sont de plus en plus nombreux à étudier, plus longtemps. Certains étudient même jusqu'à trente ans. Les causes sont nombreuses, comme par exemple le manque d'informations lors de l'orientation, l'année de césure pour raisons familiales ou sociales... Ne pensez-vous pas que LADOM devrait relever l'âge maximum pour déposer un dossier ?

M. Maël Disa. - En premier lieu, l'ACT est bien un taux fixe, pas un montant. C'est effectivement un débat qu'il faut ouvrir. Nous avons commencé à le faire en interne, avec le ministre récemment. Ce taux fixe est effectivement identique sur la région Antilles-Guyane. Il ne prend pas en compte le prix du billet d'avion. Nous travaillons à deux points d'amélioration. En premier lieu, une augmentation du plafond a été votée. Il restera un taux fixe, qui aura vocation en moyenne à ne plus couvrir 40 % mais 50 %, selon les périodes. Le deuxième levier à activer, sur lequel nous travaillons, consiste à faire en sorte que les compagnies, notamment pour les billets aidés par LADOM, puissent plafonner le prix du billet, au moins pour que le reste à charge présente un montant limité.

Pour cela, deux solutions existent. La première suppose que les compagnies aériennes jouent le jeu. Nous avons rencontré toutes les compagnies, à plusieurs reprises, et il existe clairement une volonté de trouver des solutions, notamment pour un public très précaire, qui est le public éligible. La seconde, qui est peut-être plus commerciale, consiste pour LADOM à changer sa façon de procéder. Actuellement, LADOM émet un bon qui permet à chaque individu de voyager avec la compagnie qu'il souhaite. Les compagnies n'ont pas d'incitation particulière. Peut-être faudrait-il - et je parle ici en mon nom - choisir un opérateur ou une compagnie parmi d'autres pour conclure un accord, peut-être en échange d'un volume garanti, sur une certaine durée. Du côté de l'État, il faut que l'aide augmente, ce qui a eu lieu. 6 millions d'euros supplémentaires ont été votés pour augmenter le plafond. Il est donc assez incompréhensible, malgré ces aides, que le public n'en ait pas conscience. On me dit souvent qu'il est appréciable d'être aidé, mais bien souvent les personnes ne voyagent pas in fine. Même si LADOM apporte une aide de 1 000 ou même 10 000 euros, s'il reste à payer un montant supérieur à ce que la personne peut supporter, elle ne se considère pas aidée et ne voyage donc pas.

Le premier levier a donc été activé, par l'augmentation du plafond de l'ACT, qui reste un taux fixe. Il aurait été trop compliqué de passer à un taux variable. Dans le même temps, nous travaillons activement à ce qu'une compagnie mette en place un dispositif qui permettrait a minima d'introduire un plafond sur les billets aidés par LADOM, pour que le reste à charge reste bien à 50 %, et que ces 50 % soient les plus bas possible.

S'agissant de la Guyane se pose effectivement un problème soulevé par Monsieur le directeur sur le périmètre de l'aide. Pour certaines personnes qui doivent venir du fleuve pour pouvoir prendre l'avion à Cayenne, les coûts de transports entre leur domicile et l'aéroport peuvent être conséquents. Pour ma part, j'habite aux Abymes en Guadeloupe. C'est facile pour moi de rejoindre l'aéroport. En revanche, il est compliqué de s'y rendre si l'on vient de la Basse-Terre, de la Guyane ou même de Mayotte en périphérie. Il y a donc un sujet de périmètre. L'aide doit-elle commencer à l'aéroport ou, dans certains cas, au domicile, si le coût de transport entre le domicile et l'aéroport est important ? Cela fait partie des sujets sur lesquels nous travaillons pour LADOM 2024.

Pour ce qui est de l'âge, je pense que vous avez raison. Nous partageons ce questionnement. Les habitudes font que les gens rentrent désormais en formation plus tardivement, pour des cursus de plus en plus longs. Il faut réfléchir à la possibilité de permettre de commencer un cursus dans le territoire, pour le premier et le deuxième cycle, avant de le finir dans l'Hexagone ou ailleurs. Un élargissement de l'âge pourrait être envisagé, peut-être pas sur le tout-venant, mais au moins dans le cas d'un projet professionnel avec une formation complémentaire en troisième cycle ou même dans les formations complémentaires. C'est une piste sur laquelle nous travaillons. Là non plus, le rouage administratif n'est pas évident, mais il figure sur la liste des éléments à améliorer et nous y travaillons.

M. Saïd Ahamada. - La question du prix du billet d'avion est effectivement un sujet extrêmement important, que j'ai commencé à étudier dès mon arrivée. Florence Svetecz vous présentera les dispositifs qui ont été mis en place pour atténuer cette hausse, par une politique de LADOM qui vise à contenir les prix. J'ai échangé avec les services concernés, qui sont au fait de ces questions. Dans la période inflationniste actuelle, le prix-kilomètre pour les territoires ultramarins n'a pas plus augmenté que le prix-kilomètre sur des destinations comme New York. Il est même plutôt en dessous. L'augmentation a été moindre. En revanche, et c'est ce qui produit ce ressenti d'augmentation (qui n'est pas juste un ressenti mais une vraie augmentation), l'écart-type entre la période de haute saison et la période de basse saison est plus important outre-mer qu'ailleurs. Comme les personnes partent surtout en période haute, ils subissent de plein fouet l'augmentation, qui est plus importante que sur les autres destinations.

Tel est le mécanisme à l'oeuvre. Il est souvent question de moyenne, mais ce n'est pas représentatif. Prenons un exemple : si vous avez les pieds dans le four et la tête dans le frigo, en moyenne, vous êtes bien, mais ce n'est qu'une moyenne. Il faut parvenir à un écart-type qui soit plus raisonnable, pour faire en sorte d'atténuer la hausse. C'est pour cette raison que Monsieur le Président Maël Disa parlait de prix plafonné. Dans notre esprit, il s'agit de maintenir les coûts, y compris par rapport à l'incidence que cela peut avoir pour les finances publiques. C'est d'ailleurs ce qui fait le lien avec le taux variable. Vous connaissez les services du budget. Si on part sur un taux variable, au regard de l'augmentation actuelle des prix des billets, dont on ne connaît pas la fin et en tout cas qu'on a du mal à maîtriser, alors j'ignore quelle ligne placer au niveau du financement et sur quelle base. À mon sens, sans être interdit, c'est plus compliqué. En tout cas, en moyenne, le taux de prise en charge pour les usagers va augmenter parce que nous bénéficions de moyens plus importants. Madame la secrétaire générale vous exposera les outils dont nous disposons pour agir.

Monsieur Maël Disa a évoqué ce qu'il est prévu de faire avec les compagnies et les acteurs du secteur, pour faciliter le service, à un prix moins élevé.

Pour terminer, je tiens tout de même à souligner que nous restons tenus - ce qui est normal - par les règles européennes de liberté des tarifs. Je pense que vous avez étudié ce sujet bien mieux que moi. Nous avons éventuellement la possibilité d'agir par les OSP, les obligations de service public. Je précise ne pas avoir répondu à votre question sur la Corse, car je ne dispose pas d'éléments à vous donner sur ce qui s'y passe réellement. Je ne connais pas les dispositifs particuliers qui y existent. Je sais en tout cas qu'ils sont très particuliers. Je vous l'accorde. En tant qu'ultramarin, je serais ravi si nous pouvions en disposer. À l'heure actuelle, nous faisons avec les moyens dont nous disposons et les textes qui sont les nôtres. En tant que directeur général, j'applique les textes et j'utilise les outils que j'ai. Nous nous interrogeons notamment sur la pertinence de passer par un marché, pour faire baisser le prix des billets. Pour ma part, je n'en suis pas convaincu, notamment parce que certains territoires, notamment Mayotte, connaissent des situations de quasi-monopole, avec très peu de compagnies, tandis que d'autres territoires en comptent beaucoup. Le sujet reste donc extrêmement complexe et je pense que c'est aussi ce qui a motivé vos travaux. Nous serons évidemment très intéressés par vos conclusions. En tout cas, à l'heure actuelle, et au regard de nos moyens - qui ont été augmentés par le ministre, je le rappelle, sur la question de l'ACT -, nous faisons ce que nous pouvons et nous ferons en sorte de passer en 2024 à l'approche territorialisée dont parlait Madame la sénatrice Catherine Conconne. Cette approche me semble en effet être la meilleure approche, pour coller aux spécificités des territoires. Or, la Guyane reste justement très spécifique, par rapport à la Martinique et la Guadeloupe, dont les situations se rapprochent.

Mme Florence Svetecz. - S'agissant de la contrainte du prix du billet, c'est d'abord l'Europe qui fixe les limites, dans la zone Europe. Le fonctionnement reste très contraint. La concurrence ne se fixe pas à l'échelle de la France, mais à l'échelle de l'Europe. Nous avons très peu la main sur ce qu'il est possible de faire en France, et encore moins LADOM. Les décisions européennes nous empêchent par exemple de constituer un marché qui pourrait couvrir la totalité de nos besoins, en lien avec les bénéficiaires.

En revanche, il existe peut-être une marge de manoeuvre, si les compagnies aériennes finissaient par comprendre que nous suivons leurs coûts, notamment sur la période de haute saison. C'est le principal travail que nous pouvons effectuer. En interne, nous travaillons avec la DGOM et la DGAC sur le suivi des compagnies aériennes et sur la mise en place de leurs obligations. Or une décision prise en 2007 sur une obligation de service public concernant les personnes endeuillées n'est pas mise en place. Elle oblige les compagnies aériennes à débarquer des passagers s'il le faut et à proposer le prix le plus bas sur le vol aux personnes qui désireraient se déplacer. Une forme de surenchère d'annonces s'est observée en 2008 entre compagnies (billets à 300 euros, etc.), mais l'application de ce texte reste difficile. En tout cas, les obligations de service public (OSP) servent aussi au développement économique des territoires. Peut-être une évolution est-elle envisageable à ce niveau, puisque LADOM forme des demandeurs d'emploi et travaille sur les projets des territoires. Nous pourrions entrer dans ce champ-là. Il s'agit de l'une des pistes que nous explorerons pour essayer de faire avancer ce sujet.

En Guyane et en Nouvelle-Calédonie, le texte du code des transports fixe la continuité territoriale intérieure. En Guyane, elle est portée par le département et LADOM participe à la prise en charge du prix par le département.

S'agissant du taux de 50 %, nous ne l'avons pas calculé en fonction du prix de marché, mais en fonction du prix payé par les personnes, pris dans le régime ACT, dans lequel les personnes sont déjà très économes. Elles prennent leur billet très en amont, quand elles le peuvent. Il existe en effet aussi un phénomène de personnes qui veulent accompagner leur enfant durant leur première année d'études. Or, les billets commencent à être achetés au mois d'avril pour l'été. Nous le voyons très nettement dans notre système. Nous avons donc calculé le prix moyen du billet, en haute période et en basse période. À partir de ces moyennes, nous avons établi trois propositions (40 %, 45 % ou 50 %). Le ministre a choisi le taux de 50 % pour les DROM et les COM. Ce taux sera suivi, pour vérifier si nous atteignons bien les 50 %. Il reste que les tarifs ont finalement peu augmenté sur certains territoires. L'effet augmentation s'explique par les prix très bas de 2021, sans parler du trafic aérien de 2020. On peut avoir l'impression que les prix ont beaucoup augmenté, mais les prix de certains territoires se situent à peine au niveau de 2019. C'est le cas en particulier en Guadeloupe. La perception et la réalité ne sont pas toujours en adéquation.

Mme Micheline Jacques. - Je vous remercie pour vos propos très éclairants. Je rejoins mes collègues. Ma question porte sur le taux de 40 %. Avez-vous mené une étude d'impact ? Quel serait l'impact si le législateur proposait que la participation atteigne effectivement 40 %, au lieu d'un bon ?

Monsieur le Président a parlé du déplacement depuis Basse-Terre pour rejoindre l'aéroport de Pointe-à-Pitre. Je peux citer par exemple le transport de Saint-Barthélemy pour aller à l'aéroport de Pointe-à-Pitre. Le prix de ce billet correspond au mile le plus cher au monde, autour de 600 euros pour une heure de vol. Je pense aussi à mes collègues de Polynésie, qui ont quatre heures de vol pour rejoindre Tahiti depuis les îles Marquises. Pourrait-on envisager d'intégrer dans le prix du billet le point de départ initial, jusqu'à la destination finale ? Il serait intéressant d'apporter une aide à ce niveau.

Enfin, il est régulièrement question de rapatriement de corps en cas de deuil, mais il arrive aussi parfois que des étudiants perdent de manière tout à fait brutale le parent qui est leur seule source d'aide. Est-ce que LADOM pourrait prévoir un dispositif spécifique, pour encadrer au mieux ces étudiants qui se retrouvent brutalement privés de source de revenus ?

Mme Florence Svetecz. - C'est arrivé encore très récemment avec une jeune femme de Nouvelle-Calédonie. LADOM n'a effectivement pas de dispositif qui permette de prendre en compte cette demande. Nous pouvons le faire à la marge, mais ce n'est pas réglementé. Dans le cadre de LADOM 2024, nous étudions la mise en place d'un fonds social LADOM qui pourrait peut-être prendre en charge cette situation. Nous ne pouvons rien faire financièrement à l'heure actuelle, mais un accompagnement humain est offert par LADOM. Cela a permis de trouver une solution pour la personne que je viens de citer, entre l'employeur et les collectivités locales. Nous avons réussi à faire arriver cette personne à temps pour les obsèques de son père et pour passer une période de deuil sur place. Notre suivi permet d'utiliser le réseau susceptible d'apporter une aide, mais sans disposer de fonds propres. C'est en cela qu'il faut faire évoluer le système.

S'agissant ensuite de la question relative à la participation effective à 50 % au lieu du bon forfaitaire, nous n'avons pas fait d'étude d'impact. Ce serait assez compliqué, car nous avons signé pléthore de conventions par territoire avec les compagnies aériennes et les agences de voyages. Cette étude n'a pas encore été lancée mais il conviendrait sans doute de la prévoir. Ce serait le système le plus souple pour l'usager.

M. Maël Disa. - Mais nous ne pourrions pas vraiment le proposer car nous ne maîtrisons pas le prix du billet. Comme celui-ci reste libre, le taux de 50 % peut correspondre à 1 000 euros comme à 2 000 euros. La principale piste consiste donc à travailler avec les compagnies, au moins pour que LADOM puisse maîtriser le plafond du prix des billets. Sinon, comme le disait Monsieur le directeur, la ligne budgétaire ne pourrait pas être plafonnée. Il n'est pas envisageable d'annoncer en amont dans un budget que le coût peut varier de 10 à 20 millions d'euros, du jour au lendemain. Voilà la principale difficulté.

Mme Micheline Jacques. - Si une étude d'impact révélait une marge de manoeuvre, avec un maximum et un minimum, ce serait notre rôle de plaider en faveur de l'abondement des fonds dans le cadre du projet de loi de finances. Nous avons réussi à atteindre, me semble-t-il, un montant de 9 millions d'euros (8 millions d'euros augmentés d'un deuxième amendement de 1 million d'euros). C'est déjà intéressant. L'objectif est en effet d'accompagner vraiment les populations, face à des souffrances qui sont bien réelles. Comme cela a été dit fort justement, certains étudiants préfèrent renoncer à des projets, malgré leur potentiel, faute de famille ou de moyens d'être accompagnés.

M. Maël Disa. - Je vois que nous réfléchissons ensemble, donc je me permets de soumettre une piste à explorer. Nous pourrions étudier une indexation des prix des billets vers les territoires ultramarins sur le prix des billets dans l'Hexagone. Dans une piste de travail émise dans la délégation que je préside, en 2014, ils avaient étudié le prix du vol le plus cher dans l'Hexagone. De mémoire, il s'agissait d'un vol entre Brest et Bordeaux (j'ignore pourquoi c'était le plus cher). Il était envisagé de ne pas dépasser environ ce montant pour un vol entre l'Hexagone et les outre-mer. Cette indexation, mais sans plafonner, permettait d'arriver à une sorte de plafond, qu'il était possible de budgéter. En revanche, sans index ou plafond, il ne sera jamais possible de quantifier le coût pour l'État. La piste du taux variable restera donc compliquée, malheureusement.

M. Thani Mohamed Soilihi. - L'inconvénient d'intervenir vers la fin de l'audition est que tout a été dit. Je voudrais commencer par saluer la nouvelle équipe de LADOM. Nous fondons beaucoup d'espoir en vous, Monsieur le président, Monsieur le directeur général, Madame la secrétaire générale. Le hasard a fait que vous connaissez très bien nos territoires et tous ses bassins. Les étudiants et les jeunes ont envie que les difficultés aillent en s'amenuisant et fondent beaucoup d'espoir en LADOM.

Tous les sujets ont été abordés, mais je voulais tout de même souligner avec quelle acuité celui évoqué par Marie-Laure Phinera-Horth se pose à Mayotte, celui de la cherté des billets. Dans le département le plus pauvre, 77 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. De plus, comme cela a été dit, il y existe un quasi-monopole d'une seule compagnie d'aviation. Sans entrer dans une compétition pour déterminer quel est le billet le plus cher, je crois que le prix du billet partant de Mayotte bat un record de cherté. Je rejoins ce qu'a dit la sénatrice de Guyane et vous y avez déjà répondu.

Je m'interrogeais sur l'articulation existant entre les dispositifs de LADOM et les aides et autres dispositifs des collectivités, notamment du département. Le jeune ne sait pas et, à la limite, se moque de savoir qui fait quoi. L'essentiel demeure qu'il soit pris en charge. Il reste des progrès à faire, en matière de coordination et d'articulation. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

J'ai un corollaire à cette question. Je m'interroge sur la coordination avec les établissements scolaires ou les dispositifs tels que le Service Militaire Adapté (SMA). Comment se passe la situation actuelle ? Qu'envisagez-vous pour l'améliorer au profit de nos jeunes ?

M. Saïd Ahamada. - Mayotte est presque l'exemple le plus emblématique de la cherté des billets, avec à la fois un territoire parmi les plus pauvres de France et un prix du billet qui est parmi les plus élevés, et je fais l'impasse sur les COM où - vous avez raison, Madame la sénatrice - on atteint des sommets. À l'échelle de Mayotte, il est vrai que les prix sont totalement exorbitants. Nous avons tous en tête des situations de familles qui souhaitent voyager, ce qui coûte entre 10 000 et 15 000 euros. C'est énorme. Alors qu'il est question de continuité territoriale, c'est une problématique qui constitue une atteinte à la République. C'est un vrai sujet, accentué par la période d'inflation actuelle, mais qui se posait déjà avant dans l'océan Indien ou dans certains territoires particuliers. Ces enjeux sont collectivement devant nous, pour parvenir à assurer la continuité territoriale. Est-ce que l'exemple corse pourra nous aider à aller plus vite et plus loin ? Je ne sais pas. En tout cas, je pense qu'il est plus que temps d'investiguer dans ce domaine.

Au sein de LADOM, pour ce qui est de nos compétences et de notre capacité à agir, nous utiliserons évidemment tous les leviers possibles, même si cela est tout de même assez compliqué quand il n'y a pas de concurrence. C'est pour cette raison que j'indiquais précédemment que si nous lancions un marché, ce serait assez problématique sur certains territoires. Une compagnie d'aviation en situation de monopole ne répond tout simplement pas quand vous lancez un marché. Le marché est alors infructueux et la compagnie continue à appliquer ses prix. Nous menons un travail commun avec le président, avec le ministre et avec les compagnies, étant entendu que des contraintes se posent aussi aux compagnies. Vous connaissez ces contraintes aussi bien que moi, notamment financières. Certaines sont en très grandes difficultés. Il faut l'avoir à l'esprit. Lorsque l'on veut travailler directement avec les compagnies se pose aussi la question des agences de voyages et de leur place dans le dispositif, dans la mesure où nous sommes un gros compte. Tout un pan d'activités pourrait aller vers les compagnies et ne plus passer par les agences, alors qu'il existe de l'emploi local. C'est un sujet complexe, auquel il faut s'atteler. Nous sommes complètement mobilisés sur la question et vous pouvez compter sur nous pour vous amener les éléments nécessaires. En tout cas, c'est une question qui me heurte et me touche car elle relève à mon sens de la cohésion nationale.

S'agissant de la coordination mise en place avec les dispositifs existants, vous avez évoqué le SMA. Il se trouve qu'ils sont localisés au ministère des outre-mer, comme nous. La coopération est donc pleine et entière. J'ai échangé avec le général du commandement du SMA très récemment. C'est un très beau dispositif, que vous connaissez bien mieux que moi. Dès qu'un projet de mobilité émerge sur les territoires, le lien se fait naturellement. En Guadeloupe, nous sommes accolés aux locaux du SMA.

Sans entrer dans le détail des collaborations existantes sur tel ou tel territoire, vous avez très bien évoqué l'importance qu'une personne suive le bénéficiaire, du début jusqu'à la fin. C'est une question lancinante, que l'on rencontre dans les services publics de l'emploi ou dans le domaine de la santé : comment faire en sorte qu'il n'y ait pas de perte, dès lors qu'un besoin est exprimé ? En Martinique, par exemple, un dispositif de collaboration entre les différents organismes a été mis en place, avec une fiche de liaison. Lorsqu'un jeune ou un moins jeune s'adresse à l'un des organismes, la fiche est envoyée à l'organisme qui le reçoit en plus, puis la personne est appelée et prise par la main, en quelque sorte, pour éviter les pertes de projet ou les limiter, car il y en a toujours. Il est important d'instaurer cette démarche sur tous les territoires, notamment pour nos publics. J'appelle de mes voeux cette collaboration avec tous les partenaires possibles et imaginables qui travaillent sur la question de la mobilité. Je souhaite que LADOM soit sur les territoires la porte d'entrée de la mobilité. Dès qu'on pense mobilité, il faut qu'on pense LADOM et ce sera la mission que je confierai à LADOM si cette stratégie est validée, pour que les conseillers en insertion professionnelle (CIP) accompagnent les porteurs de projet, du début à la fin, qu'ils bénéficient ou non d'une aide de LADOM. À mon sens, je pense que beaucoup de personnes s'adresseront à nous sans bénéficier de dispositifs de LADOM, notamment si nous travaillons dans l'Hexagone avec cette question du retour.

Même si nous sortons quelque peu du cadre, se pose aussi la question soulevée par Madame la sénatrice Catherine Conconne sur l'attractivité du territoire. Si l'on ouvrait cette possibilité du retour, nous pourrions déterminer dès la première année pourquoi certains territoires sont plus demandés que d'autres, que ce soit la Martinique, la Guyane, La Réunion, etc. Il est clair que certains territoires feront le plein et que d'autres le feront moins. À mon sens, cela nous poussera collectivement à bâtir pour chacun de ces territoires une stratégie pour améliorer l'attractivité de certaines îles. Pourquoi est-ce que La Réunion ne perd pas de population, alors que d'autres territoires en perdent ? C'est une question à laquelle il va falloir répondre collectivement. Comme Maël Disa le disait, LADOM peut porter beaucoup de responsabilités. Je pense que nous avons notre part de responsabilité dans ce qui se passe dans ces territoires, dans ce qui fonctionne bien et peut-être aussi dans ce qui fonctionne moins bien, mais sur la question de l'appauvrissement humain de ces territoires, je pense honnêtement que ce n'est pas du côté de LADOM qu'il faut regarder.

Sur ce point, j'appelle aussi de mes voeux ce travail collaboratif, sur chacun de ces territoires, pour travailler sur les métiers en tension, sur l'attractivité, sur les besoins des personnes qui veulent s'implanter, sur la présence d'écoles de qualité, sur la qualité du réseau Internet, fibré ou non, etc. C'est nécessaire pour pouvoir télétravailler depuis la Guadeloupe, la Martinique ou la Guyane, alors que l'entreprise se trouve à Paris. Nous avons tous connu des exemples pendant le confinement de personnes qui sont allées très loin pour télétravailler, pourquoi pas dans nos îles ? Comme il y en a eu moins dans nos îles, posons-nous collectivement la question, pour déterminer pourquoi ces territoires n'ont pas fait le plein de télétravailleurs, notamment chez les plus jeunes. C'est un travail qu'il faut mener ensemble. Vous pouvez compter sur nous pour reconnaître la nécessité, à mon sens, que dès qu'une personne s'adresse à LADOM ou porte un projet de mobilité, il faut qu'on s'en occupe. Nous ne nous positionnons pas ici sur une prestation sociale qui n'est pas versée et qui peut être rattrapée le mois d'après. Quand un jeune ou un moins jeune renonce à un projet de vie, c'est toute une vie qui part de côté et qui ne prend pas le chemin qu'elle devrait prendre. C'est là que je ressens le plus de responsabilités, de faire en sorte qu'on ne perde aucun bénéficiaire potentiel qui s'adresse à nous. Il faut que LADOM soit connue, que ceux qui doivent s'adresser à LADOM le fassent et que nous remplissions notre mission d'accompagnement, du début à la fin. C'est là que se situe notre mission, pas ailleurs.

Mme Vivette Lopez- Madame Florence Svetecz a évoqué l'importance de faciliter les documents à remplir. C'est un point vraiment important. En effet, j'ai cru comprendre qu'une personne qui se trompait dans ses documents devait passer son tour. Peut-être faudrait-il vraiment améliorer ces documents.

Vous avez par ailleurs indiqué, Messieurs, que l'Europe fixait les prix. Or il me semble que les pays européens disposant de territoires ultramarins sont rares, mis à part la France et peut-être les Pays-Bas. Sans doute le traitement de ce sujet incombe-t-il à la France.

Enfin, Monsieur Saïd Ahamada a cité le cas d'un jeune venant faire des études pour trois ans en France, et qui peut avoir envie de rentrer à Noël ou au bout d'une année, ce qui est tout à fait compréhensible, en sachant que le prix des billets au moment des fêtes de Noël va du simple au double. L'aide est-elle de 40 % ou de 50 % ou est-ce un prix fixe ? Le prix n'est plus du tout le même si vous voyagez au mois d'octobre ou au mois de décembre, les étudiants manquant souvent de moyens.

M. Saïd Ahamada. - Je tiens à revenir sur le sujet des billets à Noël. Il n'y en a pas. La question de la prise en charge à 40 % ou 50 % ou du bon ne se pose pas. Il n'y a qu'un seul billet par année d'étude. Pour ma part, je souhaiterais justement qu'un billet puisse être pris à Noël. Pour l'instant, nous n'avons même pas recueilli d'accord de principe de bénéficier de ce billet. En restant sur les règles actuelles, la prise en charge est de 100 % si l'étudiant est boursier (aucun plafond ne s'applique alors) et de 50 % sinon (avec un plafond).

Pour ce qui est des règles européennes, que vous aurez le temps de creuser, nous sommes effectivement contraints par certaines règles. Une liberté de tarif s'applique. On peut difficilement contraindre une compagnie à appliquer des prix, sauf à passer un marché. Il existe quelques règles, auxquelles il faut qu'on s'adapte, ce qui est normal, mais vous avez raison de souligner que ce n'est pas l'Europe qui fixe les tarifs. Ce sont les compagnies. Quoi qu'il en soit, toutes les compagnies peuvent desservir les outre-mer. Personne ne peut les en empêcher. Elles peuvent appliquer les tarifs qu'elles souhaitent. Mis à part l'obligation de service public au niveau européen, nous n'avons pas d'autres moyens de les contraindre à une baisse des prix particulière, si ce n'est de passer par un marché ou éventuellement du gré à gré, qui consiste à s'entendre avec les compagnies pour qu'elles acceptent de leur propre fait de baisser le prix du billet ou de le plafonner.

Mme Florence Svetecz. - La principale question pour l'Europe est celle de la concurrence. Les règles de la concurrence sont assez difficiles à contourner. Ce sont donc les règles de la concurrence qui nous empêchent d'être plus agiles.

Mme Catherine Conconne, rapporteur. - Je tenais à dire à nos interlocuteurs de LADOM de ne pas se restreindre. La première audition que nous avons organisée a concerné la Corse. Aujourd'hui, nous réalisons avec la jurisprudence corse que les problématiques de code des transports ou de règles européennes volent en éclat. Il existe un système idyllique pour la Corse. Or la Corse, c'est la France, tout comme la Martinique c'est la France, la Guyane c'est la France, La Réunion c'est la France et Mayotte c'est la France aussi.

Inspirez-vous de la Corse et arrêtons dès qu'il s'agit des outre-mer de parler de budgets, de PLF, etc. Je rappelle que la Corse compte le même nombre d'habitants que la Martinique. Pourtant, le dernier projet de loi de finances rectificative (PLFR), a augmenté la dotation de la Corse de près de 40 millions d'euros, pour faire face à l'inflation, etc. La Corse fonctionne avec une DSP. Je rappelle aussi que plus de la moitié de l'année correspond à la basse saison pour les billets d'avion. Pour ma part, comme vous l'imaginez, je voyage très souvent, au moins deux fois par mois. Il m'arrive certes en ce moment, puisque c'est l'hiver, d'avoir des avions pleins à craquer, mais il m'arrive aussi de voyager dans des avions de plus de 400 places dans lesquels ne se trouvent que 40 passagers. Ne serait-ce que sur les plages dites vertes, ou basse saison, on pourrait trouver les moyens de mieux servir la continuité territoriale.

Il existe aussi des systèmes dans d'autres pays européens qui ont des territoires ultramarins, pas seulement les Pays-Bas. Il y a aussi le Portugal et l'Espagne. De ce côté-là, du côté des Canaries ou de Madère, des systèmes pourtant régis par les mêmes règles européennes de transport ont été mis en place. J'appelle LADOM à faire preuve d'ambition, à ne pas se restreindre. On verra après comment on rabote, à la marge, mais quand je regarde la Corse, je le dis haut et fort, les autres territoires ultramarins sont en situation extrêmement défavorable, injuste et inéquitable par rapport à la Corse. Donc soyez ambitieux. Visez haut. Visez loin. En tout cas, nous serons présents derrière pour dire à l'État que la France ne s'arrête pas à la Corse en matière de continuité territoriale. La Corse compte certes cinquante ans de pratique de continuité territoriale mais ils n'ont pas été restreints. Ce qui se passe aujourd'hui en Corse est idyllique, sans condition de ressources, sans limitation dans l'année et avec des montants qui passent par des DSP avec les compagnies aériennes.

Citons le cas de la Martinique. Au moins trois compagnies desservent la Martinique depuis la France. Il doit être possible de passer des marchés ou de trouver une autre solution. Je vous le dis : soyez ambitieux. En effet, si notre rapport « accouche d'une souris » et qu'il n'est pas donné de moyens ambitieux à la continuité territoriale, je peux vous dire que la rupture, qui est déjà immense dans certains territoires avec la République, va s'aggraver encore plus. Donc, je vous le dis, ne vous restreignez pas dans vos demandes. Ne vous préoccupez pas des budgets. Les sénateurs, les députés et les parlementaires sont là pour travailler lors des PLF. Nous saurons l'expliquer à la France. De la même manière qu'on trouve des dizaines de millions d'euros pour la continuité territoriale avec la Corse, soit aujourd'hui plus de 200 millions d'euros pour un équivalent habitant identique à celui de la Martinique, il faudra aussi trouver des moyens pour Mayotte, pour la Guyane, pour La Réunion, etc. Sur ce point, je peux vous dire que je serai extrêmement ferme et réactive, pour que l'équité dans la République soit mieux assurée et qu'il y ait un meilleur traitement, sans condition, sans limitation dues à je ne sais quel code. Les Corses ne se sont pas embarrassés de ces sujets. C'est pourtant la France. N'oubliez pas non plus que nous bénéficions d'un régime de RUP qui est dérogatoire, avec l'article 349-3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui fait que certains aménagements sont possibles dans la République, sans que ce soit prévu par les textes européens. Dès lors, de grâce, ne soyons pas limités. Nous veillerons à ce que les principes de continuité territoriale soient aussi ambitieux pour les territoires ultramarins que ceux de la Corse, qui est au sein de la République.

M. Stéphane Artano, président. - Merci de ce cri du coeur en guide de conclusion, chère Catherine. Je crois que tu as tout dit. Merci de votre présence. Vous savez maintenant ce qu'il vous reste à faire. Inspirez-vous de nos amis corses. Bonne fin de journée, merci et à bientôt.

La séance est levée à 11 heures 25.