Mercredi 22 novembre 2023

- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -

La réunion est ouverte à 9 h 00.

Audition de M. Frédéric Pacoud, en vue de sa nomination aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Établissement français du sang (EFS)

M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, Nous allons entendre M. Frédéric Pacoud, candidat proposé par le Gouvernement aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Établissement français du sang (EFS). En application de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique, sa nomination doit être précédée de son audition par les commissions compétentes du Parlement sans que celle-ci soit suivie d'un vote.

Je vous précise que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site internet du Sénat, qui sera ensuite disponible en vidéo à la demande. J'indiquerai simplement que Monsieur Pacoud a débuté sa carrière au sein de l'administration du Sénat et qu'il était, jusqu'à cette année, chef du pôle parlementaire au cabinet de la Première ministre.

Je vous rappelle que l'Établissement français du sang (EFS) est un établissement public de l'État créé le 1er janvier 2000, en remplacement de l'Agence française du sang. Il est l'unique opérateur de la transfusion sanguine en France, qui recouvre le don de sang, de plasma et de plaquettes. Il organise les activités de collecte du sang, de préparation et de qualification des produits sanguins labiles, ainsi que leur distribution aux établissements de santé. En 2022, ce sont environ 2 700 000 dons de sang qui ont été effectués par 1 545 000 donneurs. L'EFS assure aussi l'approvisionnement en plasma du laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB) qui fabrique les médicaments dérivés du sang. Il développe enfin des activités thérapeutiques et de recherche. La mission de l'EFS est donc cruciale car elle touche à l'indépendance sanitaire de la France dès lors qu'il lui revient de garantir l'autosuffisance nationale en produits sanguins. Nous connaissons néanmoins les difficultés financières que rencontre l'EFS, qui justifient une réforme de son mode de financement inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024.

Pour commencer, Monsieur Pacoud, je vous laisse le soin de vous présenter et de nous expliquer ce qui vous conduit aujourd'hui à vous porter candidat à l'exercice des fonctions de président du conseil d'administration de l'EFS. Je vous propose de nous indiquer en suivant quelles seraient, le cas échéant, vos priorités d'action. Les membres de la commission pourront ensuite vous poser leurs questions. Monsieur Pacoud, vous avez la parole.

M. Frédéric Pacoud. - Monsieur le Président, Madame la rapporteure générale, Mesdames et Messieurs les sénateurs, je suis particulièrement honoré et ému d'être ici pour cette audition car, comme vous l'avez rappelé, j'ai travaillé pendant plus de sept ans à quelques mètres d'ici à la commission des lois.

L'EFS est un établissement exceptionnel à plus d'un titre et il occupe une place tout à fait remarquable dans notre système de santé. Il joue un rôle vital en raison des enjeux de souveraineté sanitaire qu'il concentre ; c'est aussi un établissement présent sur l'ensemble du territoire, qui incarne une forme de lien social et porte une grande capacité d'innovation. Je sais que le Sénat est particulièrement attentif à tous ces enjeux, comme l'a encore récemment montré, l'été dernier, le rapport de Madame la rapporteure générale sur le financement des organismes financés par les régimes obligatoires de base.

Tout d'abord, je reviendrai brièvement sur les principes qui ont forgé l'identité de l'établissement, avant de résumer mon parcours et d'évoquer les défis que l'EFS devra relever dans les prochaines années. J'évoquerai ces sujets avec beaucoup d'humilité car je ne connais pas l'établissement de l'intérieur mais je partagerai avec vous l'ensemble des connaissances que j'ai réunies à ce jour.

Un bref retour sur l'histoire est essentiel pour comprendre son activité. L'établissement s'inscrit dans l'architecture dessinée, après la crise du sang contaminé, par les lois de 1993 et 1998 pour assurer le plus haut niveau de sécurité sanitaire possible. Cette organisation sépare la mission de collecte confiée à l'EFS, la mission de fractionnement confiée au LFB et la mission de contrôle et de régulation aujourd'hui confiée à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). L'EFS et ses établissements régionaux sont agréés par l'ANSM qui définit les bonnes pratiques transfusionnelles et organise l'hémovigilance. Ce cadre de sécurité sanitaire est également assuré par le Haut Conseil de la santé publique, qui surveille en particulier les risques émergents, par Santé publique France, qui assure la surveillance épidémiologique des donneurs, et bien sûr par la direction générale de la santé. Cette exigence de sécurité sanitaire irrigue l'ensemble de l'établissement, qui veille à la sécurité des receveurs mais aussi des donneurs. La loi place le respect des règles relatives à la qualité et à la sécurité des produits sanguins labiles sous le contrôle d'une personne responsable, un médecin ou un pharmacien : c'est actuellement le Dr Pascal Morel, qui assure également les fonctions de président par intérim de l'établissement et dont je veux saluer ici l'action.

Outre cette exigence première de sécurité, l'EFS porte deux principes essentiels depuis sa création : l'éthique et la souveraineté sanitaire. Les principes éthiques sont fixés par la loi et comprennent le bénévolat du don, l'anonymat du don et l'absence de profit. Le modèle français de don du sang se fonde donc sur un acte de générosité et de citoyenneté inscrit dans notre fonctionnement depuis les années 1950. Chacun peut donner en France, sous réserve de respecter les conditions d'éligibilité au don, quelle que soit sa catégorie socioprofessionnelle ou son origine. Dès lors que, pour donner son sang, il faut respecter un certain nombre de conditions liées aux antécédents médicaux et aux voyages dans des zones tropicales, il apparaît préférable que les personnes qui veulent donner leur sang puissent le faire hors de toute pression. Le caractère altruiste du geste est particulièrement important puisque c'est le premier maillon de la sécurité sanitaire. Le bénévolat est aussi, à mes yeux, un atout important car il permet à l'établissement de s'appuyer sur un nombre très élevé de donneurs, ce qui, dans des situations de tension ou de crise, est une garantie de sécurité et d'efficacité. Le troisième et dernier principe est celui de la souveraineté sanitaire puisque l'EFS a pour mission d'assurer à notre pays l'autosuffisance en produits sanguins, qui restent indispensables à la médecine.

Les personnels de l'EFS font vivre la chaîne transfusionnelle au quotidien, permettant ainsi de soigner un million de malades par an. L'établissement emploie aujourd'hui 9 700 personnes réparties au sein de 13 établissements régionaux. Cette dimension territoriale est essentielle, non seulement pour la collecte qui est assurée quasiment sur l'ensemble du territoire - il n'y a pas de collecte en Guyane ou à Mayotte pour l'instant - mais aussi pour délivrer les produits sanguins labiles aux 1 500 établissements de santé. Les associations de bénévoles jouent bien sûr un rôle indispensable aux côtés des élus dans ce maillage territorial puisque 75 % des collectes sont mobiles. Nous avons donc un besoin vital de bénévoles pour organiser les collectes, promouvoir le modèle éthique, mobiliser les donneurs et enfin assurer le service public du sang.

L'EFS assure d'autres missions essentielles comme la collecte de plasma pour fractionnement ; le plasma collecté est cédé au LFB qui fabrique ensuite des médicaments dérivés du sang. L'EFS est aussi le plus grand laboratoire d'analyses biologiques de France ; il effectue des analyses sur les échantillons prélevés lors des dons du sang, ainsi que des analyses hématologiques ou immunologiques réalisées pour l'octroi des produits sanguins labiles compatibles avec les transfusions ainsi que des analyses dans le cadre de greffes de cellules ou de tissus. C'est enfin un établissement d'excellence, porteur d'innovation, avec des activités de recherche particulièrement importantes dans le contexte que nous connaissons.

J'en viens à mon parcours professionnel, consacré au service de l'État et à des questions principalement juridiques, d'organisation et de transformation, qui impliquaient le plus souvent beaucoup de dialogue et de diplomatie. Après une formation en sciences humaines et sociales - histoire et philosophie essentiellement - et à l'Institut d'études politiques de Paris, j'ai accompli mon service national au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale avant de devenir administrateur des services du Sénat, où j'ai travaillé pendant une quinzaine d'années. J'ai ensuite effectué plusieurs missions en cabinet, notamment en qualité de directeur de cabinet du ministre des relations avec le Parlement de 2014 à 2016, alors qu'était discutée au Parlement la loi de modernisation de notre système de santé de 2016, qui traitait de plusieurs aspects concernant l'EFS. Début 2016, j'ai rejoint le Conseil d'État où j'ai été, pendant six ans, rapporteur à la première chambre de la section du contentieux, qui traite en particulier des litiges liés à la santé et à l'aide sociale. J'ai ensuite été chargé d'élaborer deux études annuelles du Conseil d'État en qualité de rapporteur général adjoint de la section du rapport et des études, l'une sur le sport et l'autre sur l'évaluation des politiques publiques. J'ai enfin siégé à la section de l'intérieur. Parallèlement à ces activités au Conseil d'État, j'ai effectué plusieurs missions auprès de dirigeants d'établissements d'enseignement supérieur et de recherche pour accompagner leur regroupement et leur transformation. Début 2022, j'ai été nommé secrétaire général de la région académique d'Île-de-France où j'ai assuré le pilotage de neuf directions régionales, notamment en matière de formation, d'orientation, d'immobilier, de systèmes d'information et d'achat, avant d'être appelé au printemps de l'année dernière au cabinet de la Première ministre en qualité de chef du pôle parlementaire et des questions institutionnelles. J'ai ensuite rejoint à nouveau le Conseil d'État au début du mois de septembre dernier. Mon parcours ne fait pas de moi un spécialiste de la transfusion sanguine mais j'ai la conviction que mon expérience et mes compétences pourront être utiles à l'EFS. Mon parcours m'a permis d'acquérir une bonne connaissance du fonctionnement de l'État, m'a amené à appréhender des dossiers complexes et à préparer, dans le dialogue, des décisions sur des sujets parfois très sensibles. Je suis particulièrement attaché au caractère vital des missions de l'EFS, mais aussi à la solidarité qu'exprime le modèle éthique que j'ai évoqué et à l'expertise que porte l'établissement. Il ne m'est pas indifférent non plus que l'EFS soit un acteur important de la démocratie sanitaire : l'échange, le dialogue avec les associations de donneurs, les bénévoles et les patients sont au coeur de son fonctionnement. Compte tenu de la dimension territoriale de l'établissement, je suis également convaincu de la nécessité de travailler au plus près des territoires avec les élus et les associations qui connaissent le terrain.

L'EFS n'a cessé de se transformer depuis 23 ans. Grâce à son organisation et à sa réactivité, il a su faire face à des périodes difficiles comme les attentats, l'épidémie de covid-19 ou des épisodes climatiques qui sont des moments où les conditions de collecte sont parfois très perturbées. Je veux donc saluer le travail accompli par François Toujas, qui a présidé l'établissement pendant 11 ans, et rendre hommage à l'engagement important des personnels ainsi que des bénévoles.

Cet établissement arrive aujourd'hui à un tournant de sa jeune histoire. Je voudrais donc évoquer les principaux défis que devra relever l'EFS dans les années à venir et tracer quelques perspectives. Je citerai cinq défis : l'autosuffisance, la réforme du modèle économique, l'attractivité, la collecte de plasma et les activités de recherche.

Le premier défi pour l'EFS reste celui de l'autosuffisance nationale en produits sanguins labiles. La mission quotidienne de l'EFS est d'assurer des stocks suffisants de produits dont la durée de conservation est limitée. L'autosuffisance nationale vise aussi à garantir que les patients peuvent recevoir les produits sanguins dont ils ont besoin en temps voulu. Ce n'est jamais acquis et au-delà de la quantité, la dimension qualitative est essentielle pour garantir l'accès des patients à une transfusion sanguine compatible avec leur propre groupe et leur propre phénotype. Je rappelle qu'au-delà de la question particulière des sangs rares, notre population comporte une très grande diversité de groupes sanguins et la diversité des donneurs de sang doit refléter celle de la population. C'est particulièrement important pour soigner la drépanocytose dont le traitement peut nécessiter des transfusions régulières. Pour en rester à des notions simplement quantitatives, l'objectif est de maintenir un stock d'environ 90 000 poches de concentré de globules rouges, ce qui représente douze à quinze jours de consommation, le passage au-dessous de 80 000 poches étant un seuil d'alerte qui a été franchi deux fois en 2022.

La crise sanitaire a permis à l'établissement d'accélérer certaines avancées avec le développement du don sur rendez-vous et de la téléassistance médicale en collecte, qui permet à un infirmier de superviser une collecte sous réserve d'avoir la possibilité de contacter très facilement un médecin à distance en cas de difficulté. Cependant, l'appareil de collecte n'a pas retrouvé aujourd'hui ses repères d'avant la crise sanitaire pour plusieurs raisons : la première tient aux tensions que connaît l'établissement en matière de ressources humaines avec des collectes qui ont dû, de ce fait, être annulées. De plus, à certains moments, les donneurs, en fonction de la situation générale dans notre pays, sont moins présents et moins mobilisés. Aujourd'hui, non seulement la question qualitative que j'évoquais reste prégnante mais nous aurons aussi en 2024, par exemple, les jeux Olympiques et Paralympiques, ce qui signifie que les stocks devront atteindre un haut niveau à un moment où il est souvent plus difficile pour l'EFS de les maintenir à ce niveau élevé car, en été, les conditions de la collecte sont un peu modifiées. Il faudra également tenir compte à ce moment-là, en région parisienne, des conditions de circulation et de mobilisation des donneurs qui seront un peu différentes. L'EFS et l'ensemble des parties prenantes devront donc mettre en place une organisation adaptée pour répondre au défi permanent de l'autosuffisance. Pour relever ce dernier, j'entends poursuivre ce qui a été engagé par les équipes de l'EFS pour développer les partenariats avec les associations et les collectivités, renouveler l'expérience du don et l'inscrire pleinement dans la vie citoyenne au sens large, aller vers les jeunes et les fidéliser, promouvoir le don en menant un travail de terrain et enfin, adapter le système de collecte dans chaque région, en articulant les maisons du don et les collectes mobiles afin de répondre qualitativement aux besoins des patients.

Le deuxième défi est celui de la réforme du modèle économique de l'EFS qui, comme le rappellent les rapporteurs de votre commission sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, est considéré comme insoutenable, notamment depuis le rapport de la Cour des comptes de 2019. Ce modèle repose sur la cession de produits sanguins labiles aux établissements de santé : celle-ci a longtemps permis de financer l'ensemble des activités et représente encore la part la plus importante du chiffre d'affaires de l'établissement. Néanmoins, l'effet ciseaux évoqué dans le rapport d'information de juillet dernier de votre commission sur les organismes et fonds financés par les régimes obligatoires de base de sécurité sociale, s'est confirmé ces quatre dernières années avec une baisse de recettes et une hausse des dépenses. Les causes de ces difficultés financières sont principalement exogènes. La première est la modification du régime de TVA en 2019, qui a généré pour l'EFS une perte de près de 70 millions d'euros, compensée par une dotation de l'assurance maladie qui devait être dégressive à compter de 2019. La deuxième cause de déséquilibre financier est la tendance à la baisse sur le long terme de la cession des concentrés de globules rouges aux établissements de santé ; cette tendance s'est accentuée pendant la crise sanitaire du fait de la réduction de l'activité hospitalière, mais elle s'inscrit dans la durée puisqu'on la perçoit depuis dix ans. Cette baisse est fortement liée aux évolutions de la médecine devenue moins consommatrice de produits sanguins labiles : c'est une évolution positive car cela signifie qu'on essaie de mieux utiliser les poches de sang ;c'est ce qu'on appelle la gestion du capital sanguin - ou Blood Management - auquel contribue l'EFS par son activité de conseil transfusionnel. Cette évolution est également bénéfique pour les patients : elle leur offre plus de sécurité, une meilleure prévention contre l'anémie ou les hémorragies et permet de ne recourir à la transfusion que si la personne en a vraiment besoin. De plus, depuis la fin de la crise sanitaire, la médecine ambulatoire, qui est moins consommatrice de transfusions, s'est développée. L'EFS doit donc s'accommoder du tarissement de la cession des concentrés de globules rouges, qui est certes un signal positif pour notre système de santé, mais qui modifie profondément le modèle financier de l'EFS. Pour être complet, j'évoque également le déficit dû à la cession du plasma pour fractionnement au LFB, puisque ce plasma est cédé à un prix inférieur à son coût de revient.

Parallèlement à cette baisse des recettes, l'EFS subit une augmentation de ses coûts liés à la masse salariale et à l'inflation. L'établissement a exécuté ses budgets en déficit de 11 millions d'euros en 2019 et de 40 millions d'euros en 2022. Il a réduit ses investissements et dès 2020, la crise sanitaire a porté un coup d'arrêt au plan d'efficience qui avait été lancé en 2019. Après plusieurs années où l'EFS a été contraint de solliciter des subventions ponctuelles sans visibilité, il a été décidé dans le cadre du PLFSS 2024 d'apporter une réponse plus structurelle en deux temps avec, d'une part une redéfinition des tarifs réglementés qui devront prendre davantage en compte le coût de revient réel des produits sanguins - c'est-à-dire leur coût de production - assortie d'un objectif d'efficience et d'autre part, la création d'une dotation pérenne de l'assurance maladie à hauteur de 100 millions d'euros par an. Cette dotation constitue une évolution majeure du modèle économique, qui devient ainsi mixte : elle doit financer les missions de service public ou des activités qui ne peuvent être valorisées par la tarification, comme l'accès aux produits sanguins labiles sur l'ensemble du territoire métropolitain et ultramarin dans des délais compatibles avec les besoins hospitaliers. Elle devrait également financer les investissements dédiés au renouvellement des actifs et à la conduite des chantiers de modernisation. Ce qui me semble déterminant est que cette dotation marque une volonté claire d'assurer la pérennité de l'établissement. Elle représente un premier jalon vers une reprise de la transformation de l'établissement pour lui permettre de rester à la pointe de la sécurité sanitaire et de répondre à l'évolution des besoins du système de santé. Elle permettra au Parlement d'évoquer chaque année le montant et l'utilisation de cette dotation, ce qui va assurer une plus grande transparence et un meilleur suivi de la situation de l'établissement : j'ai noté que le rapport de juillet dernier de votre commission relatif aux organismes bénéficiant de dotations de la sécurité sociale y était particulièrement attentif. Cette dotation, à mon sens, devra être assortie d'objectifs et d'outils d'évaluation en lien avec une programmation des chantiers de modernisation à conduire, et je souhaite que le nouveau contrat d'objectifs et de performance que devra conclure l'établissement courant 2024-2025, définisse une stratégie partagée avec l'État, portant aussi bien sur les ressources de l'établissement que sur la poursuite de sa transformation, avec une trajectoire d'efficience. Afin de renforcer ce pilotage, il me paraît souhaitable de planifier les investissements et d'affiner la projection annuelle des cessions de produits sanguins labiles pour donner une plus grande prévisibilité utile à la poursuite de la réforme du modèle de l'EFS. Il convient aussi d'impliquer pleinement les établissements régionaux qui connaissent bien le terrain et travaillent avec les agences régionales de santé, les établissements de santé et les associations. Cette révision du modèle économique et de la stratégie de l'EFS ne pourra se faire que dans le dialogue avec l'ensemble des acteurs.

La relance du dialogue social sera donc un impératif, ce qui m'amène au troisième défi de l'EFS, celui de l'attractivité, auquel les autres établissements de santé sont également confrontés. L'EFS emploie 97 % de salariés de droit privé dont deux tiers sont des femmes. Il s'agit de 3 500 techniciens de laboratoire, 1 500 infirmiers diplômés d'État, 800 biologistes, médecins et pharmaciens et 400 chauffeurs, agents de collecte ou informaticiens. Le taux de rotation moyen des personnels atteint largement les 10 %. Actuellement, 320 postes sont vacants - ce qui inclut une part de renouvellement normal - dont 44 postes de biologistes qui ont un rôle déterminant. Le taux d'absentéisme est élevé, ce qui pèse sur l'organisation des collectes. Le délai pour appliquer à l'EFS une partie des accords du Ségur de la santé a pu laisser des traces en matière de dialogue social, même si une importante action de revalorisation a été conduite en 2021 et 2022. Des élections professionnelles viennent d'avoir lieu et la reprise d'un dialogue constructif sera au centre de mes préoccupations, parce que la qualité de la concertation sociale déterminera largement la capacité de l'établissement à mener à bien les transformations qui assureront son avenir.

Plusieurs évolutions ont déjà été engagées pour faire face aux difficultés de recrutement. Je mentionne ici les décrets qui ont réformé les conditions de qualification de certains professionnels pour tenir compte de leur expérience et permettre, par exemple, aux infirmiers de réaliser l'entretien préalable au don du sang après trois mois d'ancienneté, au lieu de deux ans auparavant. Je souhaite que nous puissions reprendre tous ces chantiers concernant le dialogue social et les ressources humaines, procéder enfin à la révision de la convention collective et du système de classification des emplois, afin de définir des parcours professionnels plus attractifs et dynamiques donnant envie aux personnels de rester à l'EFS, mieux prendre en compte les contraintes opérationnelles comme le travail de nuit ou de week-end, mieux faire connaître l'établissement et ses métiers et enfin, définir une politique active de formation. Mon ambition, au fond, est que la filière française du sang et du plasma reste une filière d'excellence. À ce titre, répondre à la problématique de l'attractivité permet de se donner les moyens aussi bien de moderniser l'outil de collecte que d'assurer l'autosuffisance nationale, de retrouver une meilleure productivité et une plus grande efficience.

Le quatrième défi est celui de la collecte de plasma pour fractionnement à destination du LFB, qui produit les médicaments dérivés du plasma utilisés pour soigner les personnes hémophiles ou en réanimation souffrant d'un déficit immunitaire. Dans ce domaine, les besoins en immunoglobuline enregistrent une croissance de 6 à 8 % par an au niveau mondial. Le LFB couvre 35 % des besoins de notre pays en immunoglobuline et, par conséquent, 65 % des médicaments dérivés du plasma sont issus de prélèvements effectués sur des donneurs rémunérés, essentiellement aux États-Unis. Il en résulte que le développement de la collecte de plasma en France est un enjeu à la fois d'indépendance sanitaire mais aussi de cohérence avec notre modèle éthique. La nouvelle usine du LFB ouvrira à Arras en 2025 ; elle devrait être pleinement opérationnelle en 2027 et les besoins du LFB vont augmenter. Après les difficultés rencontrées en 2022, l'EFS devrait parvenir cette année à produire 815 000 litres de plasma pour fractionnement. L'autosuffisance totale en plasma dans notre pays - comme dans la plupart des pays européens - ne paraît pas atteignable mais il paraît raisonnable d'avancer vers une couverture de 50 % de nos besoins, ce qui permettrait au moins, avec la collecte éthique, de répondre aux besoins des patients n'ayant pas d'alternative thérapeutique. Une première étape consisterait à atteindre 1,4 million de litres de plasma collectés par l'EFS d'ici 2027. Il n'est pas facile d'atteindre cette cible parce que les Français connaissent bien le don du sang mais moins celui de plasma. De plus, cette collecte mobilise les donneurs de façon plus exigeante parce qu'elle prend plus de temps, environ 1 heure 50 minutes pour un don de plasma contre50 minutes pour un don de sang. J'ajoute que cette collecte ne peut être réalisée que dans l'une des 90 maisons du don de l'EFS, ce qui peut exiger des déplacements tandis que les collectes mobiles de sang permettent de se rapprocher des donneurs. En revanche, la collecte de plasma présente des avantages sur le plan strictement médical et en termes de fréquence potentielle du don : elle est moins fatigante, comporte moins de contre-indications pour l'anémie, moins de contraintes pour les sportifs et peut être réalisée tous les quinze jours entre 18 et 66 ans, c'est-à-dire 24 fois dans l'année.

La France dispose ainsi d'un potentiel de collecte important et plusieurs pistes existent pour avancer vers une couverture de 50 % des besoins. Un décret publié le 5 novembre dernier va permettre, par exemple, de mettre en oeuvre la téléassistance médicale à la plasmaphérèse, qui est le processus de séparation du plasma et du sang. Cela va démultiplier les capacités de collecte puisque les infirmiers vont pouvoir les superviser. De plus, la baisse des cessions de concentrés de globules rouges permet d'envisager le redéploiement de l'appareil de collecte du sang total vers la collecte de plasma. L'opération n'est pas simple à réaliser, mais il y a là aussi un potentiel en complétant le parc de machines et en ouvrant de nouveaux sites. Les différents acteurs - l'EFS, le LFB et le ministère - devront, à mon sens, fixer un objectif concerté et arrêter un plan de développement mais, en toute hypothèse, l'EFS devra développer sa filière plasma.

Le cinquième et dernier défi est celui de la recherche et du développement de la filière française de bioproduction. La recherche s'est développée au sein de l'EFS parce que l'établissement détient une expertise de la cellule sanguine et a d'abord mené des travaux au service de la transfusion pour améliorer la prise en charge thérapeutique et la sécurité sanitaire des usagers. L'EFS rassemble 18 équipes de recherche - conjointes avec l'Inserm, le CNRS et les universités - présentes dans neuf établissements régionaux. À partir de ses activités de thérapie cellulaire, l'EFS a développé la recherche en médecine régénérative - sur la peau, la rétine ou le coeur - et des recherches en immunothérapie, notamment avec les cellules CAR-T (Chimeric antigenic receptor-T) qui sont des lymphocytes biologiquement modifiés pour traiter des lymphomes ou des leucémies. L'EFS propose son expertise en matière de médicaments de thérapie innovante à des structures industrielles dans le cadre de contrats de sous-traitance. Il dispose pour cela de quatre plateformes qui réalisent de la bioproduction pour le compte de tiers. Il maîtrise une chaîne de valeur qui va de la recherche fondamentale jusqu'au traitement des patients avec des essais cliniques. Aujourd'hui 95 % des médicaments de thérapie innovante sont fabriqués à l'étranger ; c'est une filière qui revêt donc une importance stratégique pour notre souveraineté sanitaire et l'activité de l'EFS vise à proposer des biomédicaments à un prix non pas vertigineux, comme c'est le cas sur le marché, mais qui soit compatible avec notre modèle de santé. Je souhaite agir pour le maintien de cet effort de recherche au sein de l'établissement en lien avec les organismes de recherche et les entreprises du secteur. C'est pour moi une activité qui s'inscrit dans l'histoire de l'EFS, assure sa capacité à innover et montre l'engagement des personnels pour les patients. Elle me paraît indispensable pour continuer à attirer les talents et les compétences.

Vous l'avez compris, je souhaite travailler pour la pérennité et la modernisation de la filière française du sang et du plasma avec un attachement intangible à la sécurité sanitaire et au modèle éthique. J'accomplirai ma mission en associant étroitement toutes les parties prenantes - organisations syndicales, associations de donneurs et de patients, sociétés savantes et bien entendu le Parlement - et en prenant pleinement en compte la dimension territoriale de l'établissement. Faire vivre la démocratie sanitaire me paraît essentiel pour construire l'avenir et maintenir la confiance. Je serai particulièrement attentif à la pleine association des établissements de transfusion régionaux à la démarche de transformation qui doit être conduite au plus près du terrain : j'y mettrai toutes mes compétences et mon énergie.

M. Philippe Mouiller, président. - Je vous remercie pour cette présentation et je donne immédiatement la parole à nos collègues pour vous interroger.

Mme Corinne Imbert. - Merci beaucoup pour votre exposé et la feuille de route que vous avez détaillée : si vous êtes nommé à la tête de l'EFS, je pense que vous ne vous ennuierez pas car les défis sont effectivement colossaux.

J'ai trois questions à vous poser. La première porte sur le modèle français du don avec son éthique fondée sur le bénévolat, l'absence de profit et l'anonymat. Vous avez rappelé ses limites et, par exemple, que nos réserves de sang sont tombées en dessous des seuils d'alerte en 2022. Notre modèle se distingue de celui de pays voisins qui autorisent la rémunération du don de sang. Comment, selon vous, favoriser la mobilisation des donneurs et le modèle français doit-il être remis en question ? Cette interrogation prolonge le constat des difficultés que vous avez mentionnées avec les annulations de collectes, constatées parfois à la dernière minute faute de personnels.

Sur l'aspect recherche, je partage évidemment vos propos sur l'importance de l'EFS dans ce domaine, notamment dans la production de biomédicaments. Vous avez également évoqué la nécessité pour notre pays d'importer du plasma américain. Pouvez-vous nous détailler comment l'EFS devrait se positionner sur cette thérapie innovante et contribuer à la consolidation de la filière française de bioproduction si importante pour les patients ?

Enfin, vous avez rappelé que le changement de régime de TVA a pénalisé l'EFS. Pensez-vous qu'un retour en arrière soit possible dans ce domaine fiscal ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Merci pour l'état des lieux que vous avez présenté et l'ambition que vous portez pour cet établissement, qui est cher au coeur de toutes les Françaises et de tous les Français. Je rappelle qu'ici au Sénat nous avons défendu l'EFS en toute occasion.

Vous avez répondu par avance à la plupart des questions que je souhaitais vous poser et je voudrais simplement faire observer que votre candidature arrive à point nommé car cet établissement était au bord de la faillite financière avec un modèle devenu inadapté. Grâce au PLFSS pour 2024, les choses vont un peu changer mais je me demande si cela sera suffisant. Le modèle de financement de l'EFS était effectivement basé sur la vente de produits sanguins labiles et, jusqu'à ce que le PLFSS prévoie une dotation forfaitaire, rien ne lui était alloué en contrepartie de ses prestations de service public, de son ouverture 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 et de ses fonctions essentielles à la démocratie sanitaire. Ce modèle de dotation forfaitaire, qui constitue une juste reconnaissance des services rendus par l'EFS, avait été amorcé et une dotation de 55 millions d'euros a été versée au titre de 2023, puis de 100 millions d'euros pour 2024. Est-il envisagé de rehausser un peu plus le montant de cette dotation annuelle ? En effet, dans la perspective de votre entrée en fonction, deux points me paraissent importants. Le premier est celui de la gestion du personnel : vous avez rappelé les difficultés dans ce domaine et j'avais moi-même interrogé le Gouvernement sur la non-application du Ségur de la santé qui a défavorisé votre institution en diminuant son attractivité par rapport aux établissements de santé. Pouvez-vous nous préciser si ce dispositif, qui a fait l'objet d'une application retardée à l'EFS, sera complété par des mesures compensatoires ? Comment rendre plus attractifs les métiers de l'EFS et en faire un établissement rayonnant pour attirer les talents?

Ma deuxième interrogation concerne la recherche, car l'objectif est de proposer à notre pays mais aussi à l'international des produits performants, de haute qualité voire innovants et susceptibles d'attirer des chercheurs pour alimenter une dynamique novatrice.

Mme Florence Lassarade. - Tout d'abord merci pour l'enthousiasme que vous manifestez pour rejoindre ce poste. Vous avez parlé de la drépanocytose et je voudrais savoir ce qu'elle représente pour l'EFS en termes de coût et de nombre de transfusions. Travaillez-vous sur la drépanocytose avec les spécialistes du sujet ? Je rappelle que la Haute Autorité de santé a recommandé la généralisation du dépistage systématique, alors qu'on se basait auparavant uniquement sur les antécédents ou sur les origines des parents pour ce dépistage. Ensuite, la thérapie génique a suscité un espoir considérable et il est probable que les drépanocytaires n'auront quasiment plus besoin de transfusions, mais cette thérapie génique est financée par la générosité populaire, en particulier par le Téléthon. J'aimerais recueillir votre point de vue sur l'avenir et le coût - qui devrait normalement diminuer si on va dans le bon sens s'agissant du dépistage et des thérapies - de la prise en charge par l'EFS des drépanocytaires.

Mme Émilienne Poumirol. - Merci pour votre présentation et votre engouement pour ce poste à la tête de l'EFS, qui est fondé sur le bénévolat et auquel nous sommes très attachés.

Vous avez beaucoup insisté sur votre volonté de dialogue social. Lors de mon intéressante visite de l'EFS d'Occitanie à Toulouse, mon attention avait été attirée sur le problème de l'attractivité. On y avait évoqué le Ségur de la santé et il est vrai que la différence de rémunération de 400 euros par mois entre les personnels de l'EFS et de l'hôpital qui se situe juste de l'autre côté de la rue ou presque a conduit un certain nombre de personnes à traverser celle-ci pour aller accomplir un travail à peu près similaire mais mieux rémunéré, même s'ils sont passionnés par leur mission. Va-t-on pouvoir rattraper ce retard salarial ?

J'insiste à mon tour sur l'importance de la recherche : le prix très élevé des médicaments innovants invite à développer des sites pour les produire sur notre territoire et réduire notre dépendance dans ce secteur, compte tenu du taux de 95 % de médicaments de thérapie innovante fabriqués à l'étranger que vous avez mentionné.

M. Frédéric Pacoud. - S'agissant du modèle français basé sur le don éthique et de la manière de relever le défi de la collecte de sang total avec la problématique permanente d'autosuffisance, je rappellerai d'abord un certain nombre de facteurs explicatifs de la baisse de la collecte. Beaucoup de jeunes donnent leur sang total ponctuellement - un tiers des donneurs ont moins de 35 ans - mais ceux qui donnent plus de deux fois par an sont plutôt les personnes de 60 à 70 ans. L'enjeu est d'inciter l'ensemble des donneurs à revenir au moins deux fois par an, en améliorant leur « générosité » pour employer le langage des statisticiens.

Pour la collecte de plasma, le défi se situe dans un contexte européen où plusieurs pays s'en tiennent à un modèle éthique sans incitation financière aux dons ; quatre pays en Europe - l'Autriche, l'Allemagne, la République tchèque et la Hongrie - ont mis en place une compensation forfaitaire, dont le niveau est plus ou moins incitatif et en général calculé en fonction du taux salarial horaire moyen : ce n'est clairement pas le modèle que je préconise. En revanche, plusieurs axes doivent permettre d'élargir la collecte. Il faut tout d'abord engager plus fortement l'EFS dans le programme Innovadon pour davantage utiliser les outils numériques attractifs et efficaces, permettant de prendre rendez-vous pour donner son sang ou son plasma, ainsi que de répondre sur une application à un pré-quiz pour savoir si vous êtes en capacité de réaliser un don. Une politique de communication doit également être déployée sur les réseaux sociaux : celle qui concerne le plasma fonctionne plutôt bien en ce moment pour les publics jeunes.

Pour améliorer l'attractivité des métiers, l'EFS a engagé, avec l'appui du ministère de la santé, des actions pour faire évoluer la qualification des personnels et la délégation des tâches, afin d'optimiser les compétences de nos personnels tout en maintenant le plus haut degré de sécurité sanitaire : je mentionne ici l'entretien pré-don infirmier, la téléassistance médicale en collecte et la possibilité pour des techniciens de remplir certaines missions sous la supervision de certains biologistes.

Au-delà de ces réponses structurelles, se pose la délicate question de l'équilibre entre les collectes mobiles et les maisons du don. Il n'existe pas d'appareils de plasmaphérèse permettant de faire des collectes mobiles - seules les 90 maisons du don en disposent - et cela peut rendre plus compliquée l'intervention des associations de bénévoles. D'un autre côté, la pression pour plus d'efficience militerait pour la réduction du nombre de petites collectes qui recueillent moins de 40 ou 30 dons de sang. Cependant, les collectes de plus grande ampleur n'atteignent aujourd'hui que 90 % de leurs objectifs, si bien que les petites collectes connaissent un regain d'intérêt, surtout si elles apportent des phénotypes rares. De nombreux paramètres doivent donc être pris en compte pour mobiliser les donneurs.

J'ajoute que tout en excluant la rémunération des donneurs, le programme Innovadon comporte une réflexion utile sur la possibilité de rembourser les frais engagés par ces derniers. En effet, la plasmaphérèse est assez chronophage et impose au donneur de se déplacer jusqu'à une maison du don : la neutralisation des dépenses assumées par le donneur - dont les modalités devraient faire l'objet d'une vaste concertation - constituerait une incitation d'autant plus justifiée que le développement de la filière plasma est un enjeu de souveraineté sanitaire.

Par ailleurs, Madame la rapporteure générale, vous avez abordé la question fondamentale de la recherche. À mon sens, la dotation de 100 millions d'euros finance les activités de service public accomplies par l'EFS. La recherche est une des missions que la loi confie à l'EFS ; elle se distingue de l'activité de bioproduction pour laquelle, concrètement, l'EFS assume des risques que des industriels ne veulent pas prendre faute de visibilité suffisante. Un établissement public comme l'EFS peut en revanche assumer ces essais exploratoires et, du même coup, intéresser les industriels installés en France au développement de nouveaux produits. Je ne suis pas certain que le coût pour l'EFS de cette démarche doive être pris en charge par l'assurance maladie ; d'autres pistes de financement sont envisageables dans le cadre du plan France 2030 ou du mécénat. Dans ces opérations, la confiance est un facteur essentiel : les entreprises privées qui nous accompagnent doivent pouvoir compter sur le fait que l'EFS soit en capacité d'inscrire ses essais dans la durée pour les voir aboutir.

S'agissant des modifications de taux de TVA, ce régime ayant été imposé par le droit européen, je doute fort que la France puisse revenir à la situation précédente de façon isolée.

Mme la rapporteure générale s'est demandée si le nouveau modèle économique de l'EFS répond à tous les enjeux d'avenir. Pour la bioproduction, j'aurais plutôt tendance à dire que l'EFS a besoin d'un complément de financement. L'avenir de la filière du plasma est également une question importante, sur laquelle je me contenterai de tracer quelques pistes car je n'ai pas encore pu en parler avec les multiples acteurs. Son aspect financier comporte deux volets. Le premier est de trouver des mesures compensatoires au déficit qu'engendre pour l'EFS la collecte de plasma et sa cession au LFB à un prix de vente inférieur à celui qui est observé dans les pays européens : la volonté de développer la production de plasma jusqu'à 1,4 million de litres par an est bien présente, mais elle entraînera un déficit accru pour l'EFS qu'il faudra combler. Le second volet est celui du financement de l'investissement, qui comprend les équipements et les dépenses engagées dans la réouverture des maisons du don pour renforcer le maillage territorial. Ces deux volets appellent une stratégie de financement adaptée et le ministre chargé de la santé y a lui-même fait allusion quand vous avez examiné l'article 31 du PLFSS pour 2024 relatif à la rénovation du modèle de financement de l'EFS.

Sur la recherche, je rejoins vos propos qui définissent très exactement l'objectif de l'EFS : attirer les chercheurs et proposer une haute qualité de ses produits. L'EFS doit garder son expertise sur la cellule sanguine et en tirer le meilleur bénéfice pour la recherche sur les médicaments de thérapie innovante ou sur la drépanocytose.

Je n'ai pas d'indications précises sur le coût de la drépanocytose pour l'EFS. Selon les données dont je dispose, environ 30 000 personnes en France sont atteintes de drépanocytose et entre 10 000 et 20 000 d'entre elles ont besoin de transfusion régulière parce qu'il n'y a pas d'autres réponses thérapeutiques. Cela suppose une capacité à fournir des poches de sang et àgarantir aux patients qu'ils ne vont pas développer une allo-immunisation génératrice de difficultés médicales. Il faut donc assurer une collecte adaptée en termes de phénotypes.

Je ne dispose pas non plus d'éléments précis sur l'articulation de nos travaux avec ceux de la Haute Autorité de santé, en particulier sur la question du dépistage systématique, et vous les transmettrai après cette audition. La recherche conduite à l'EFS porte sur la capacité à apporter la réponse la plus adaptée avec le moins d'effets secondaires. Nous travaillons non seulement sur les thérapies géniques mais aussi sur un perfectionnement de la transfusion.

Comme l'a indiqué Mme Poumirol, l'attractivité est un moteur de l'EFS et, s'agissant des modalités permettant de rattraper le retard pris en matière d'application des mesures du Ségur de la santé, sur lequel s'est interrogée Mme la rapporteure générale, je précise que la classification figurant dans la convention collective de l'EFS aurait dû être révisée il y a déjà huit ans maintenant. La question a été reportée d'année en année et il va falloir la prendre à bras-le-corps : c'est l'outil qui permettra de répondre à de nombreux enjeux comme la restructuration des parcours, la prise en compte des contraintes opérationnelles et plus généralement une modernisation qui s'inscrira dans la durée.

Mme Annie Le Houerou.- Vous avez rappelé que le réaménagement de la convention collective est reporté d'année en année, et nous comptons vraiment sur vous pour que cette tâche figure parmi les premiers défis que vous relèverez, car il est essentiel pour l'attractivité des métiers et la juste rémunération des professionnels qui travaillent dans ces établissements. Le volet recherche doit également contribuer à rendre l'EFS attractif pour les biologistes et les chercheurs. Je constate là aussi, comme dans beaucoup d'autres établissements, un déficit de démographie médicale avec un nombre de postes vacants importants. Je m'interroge sur les leviers dont vous disposez pour apporter des solutions à ces deux difficultés.

S'agissant de la collecte de plasma, ma question porte sur le maillage territorial et je signale que dans mon département, il n'y a qu'une seule maison du don : est-ce suffisant compte tenu des besoins ? Je constate également le vieillissement des bénévoles qui accompagnent l'EFS ; pour préserver le modèle auquel nous sommes très attachés, une campagne de communication autour du don serait à mon avis nécessaire. Certes, de nombreux jeunes se portent volontaires mais un effort de renouvellement du vivier des donneurs est souhaitable.

En ce qui concerne la vente de produits qui sont consentis à des prix très inférieurs à ceux du marché, la pérennité du modèle économique appelle sans doute un effort particulier à demander aux acheteurs avec une augmentation progressive des tarifs.

Mme Céline Brulin. - Merci de nous avoir précisé vos pistes de travail ; il nous semble important de faire face aux enjeux de souveraineté, d'attractivité et de reconnaissance des personnels de l'EFS qui vont de pair. J'ai l'impression qu'une sorte de course de vitesse est en train de s'engager. Votre prédécesseur et président par intérim nous avait expliqué en audition que certaines collectes doivent désormais être annulées faute de personnels en nombre suffisant. Il y a là un risque de cercle vicieux avec un manque de reconnaissance des professions qui alimenterait une diminution du nombre de collectes. Quel choc d'attractivité envisagez-vous afin d'enrayer cette situation ?

S'agissement du rajeunissement et de la fidélisation des bénévoles, imaginez-vous développer les collectes de sang sur les lieux de travail et d'études, afin d'élargir le vivier de donneurs auprès de publics en activité ?

Enfin, je me demande comme vous s'il convient de demander à l'assurance maladie de financer les activités de recherche de l'EFS. Je suis plus sceptique sur l'éventuel recours au mécénat que vous envisagez, car il pourrait en résulter des inégalités d'accès aux ressources pour les activités de recherche et il me semble que la puissance publique doit conserver son rôle d'orientation dans ce domaine.

M. François Patriat. - Monsieur Pacoud, vous avez très bien évoqué l'ensemble des défis et des efforts de l'EFS pour y répondre, ainsi que ceux qui restent à consentir. L'essentiel des questions ayant été posé, je me contente d'une interrogation subsidiaire sur la relation de l'EFS avec les collectivités locales, à la fois sur le plan des moyens techniques, des aides qui peuvent être apportées par les collectivités, et aussi de la contribution de celles-ci pour encourager un sursaut de vocations de donneurs parmi les habitants de nos territoires.

Mme Marie-Do Aeschlimann. - Ma question porte sur le déploiement de l'EFS dans les territoires ultramarins. Vous avez mentionné l'absence de maison du don à Mayotte et en Guyane. Eu égard à la prévalence de la drépanocytose dans ces territoires et à la nécessité de prendre en charge de façon soutenue les patients qui en souffrent, je voudrais savoir comment l'EFS s'organise et si vous envisagez de remédier aux lacunes existantes. J'ai cru comprendre également que les difficultés à Mayotte sont liées, d'une part aux problèmes migratoires difficiles à contenir et d'autre part à la prévalence du paludisme qui n'est pas éradiqué : quelles sont les perspectives pour gérer cette situation de façon optimale ?

Ma seconde interrogation concerne la manière dont l'EFS va faire face au défi des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. À quels moyens allez-vous recourir pour faire face à la durée de vie limitée des produits sanguins labiles : envisagez-vous un approvisionnement en faisant appel aux pays voisins ou comptez-vous renforcer les collectes et les appels aux dons ?

M. Alain Milon. - Je souhaite d'abord vous interroger sur la dotation de 100 millions d'euros annuelle prévue par le PLFSS pour 2024, que je mets au regard des résultats de l'EFS pour 2023 et qui font apparaître des pertes estimées à 58 millions d'euros pour l'instant. Je précise que l'EFS fabrique, à partir de dons, des produits dérivés qu'elle vend à l'assurance maladie et celle-ci vous alloue tout de même 100 millions d'euros. J'ai posé une question au ministre sans obtenir de réponse précise sur le point suivant : le rapport d'information du Sénat de juillet dernier que vous avez évoqué a constaté que l'assurance maladie finance beaucoup d'agences, mais qu'elle est dépourvue de pouvoir de décision au sein de ces agences. Est-ce également le cas pour l'EFS ? Je fais observer que votre désignation relève de l'État, qui ne finance pas l'EFS, plutôt que de l'assurance maladie.

M. Khalifé Khalifé. - Ma première question concerne vos relations avec les établissements usagers de vos produits. J'ai cru comprendre que plusieurs millions d'euros d'impayés vous sont dus : est-ce une information fiable ?

Je pense qu'il est nécessaire d'amplifier les actions de communication vis-à-vis du grand public pour bien expliquer les mécanismes justifiant le coût des produits sanguins fabriqués à partir de dons.

M. Frédéric Pacoud. - Tout d'abord, s'agissant de la problématique des ressources humaines et de l'attractivité, j'indique à nouveau qu'un des premiers chantiers sera de faire aboutir la révision de la convention collective et de la classification de nos métiers. Il m'est difficile aujourd'hui d'aller beaucoup plus loin dans le détail des mesures qui seront prises sur la base d'une discussion avec l'ensemble des parties prenantes. Pour l'essentiel, il s'agit de dépoussiérer cet accord et de prendre en compte l'évolution des métiers, ainsi que des besoins du système de santé qui ont évolué depuis 15 ans, à l'époque où la convention collective actuelle a été élaborée ; d'ailleurs, le modèle économique de l'EFS doit lui-même être réformé. L'EFS, avec le soutien des autorités de tutelle, a désormais une politique qui s'appuie sur tous les praticiens, intervenants en pratique avancée et infirmières, alors qu'autrefois le médecin jouait un rôle central. De la même façon, la mission des techniciens de laboratoire confirmés est devenue essentielle dans les activités qui étaient principalement assurées par les biologistes. Nous allons donc dessiner des parcours de carrière plus riches dans le temps et nous appuyer sur l'outil de formation dont dispose l'EFS qui, ayant récupéré les missions de l'INTS (Institut national de la transfusion sanguine), a pu développer le campus EFS, c'est-à-dire un outil de formation interne. Ces mesures favorisent l'attractivité car, au-delà des augmentations salariales, il est important de proposer une perspective de carrière aux personnes qui souhaitent travailler à l'EFS, dont tout le monde convient qu'il a un rôle vital. Encore faut-il que les candidats et les personnels puissent se voir offrir un parcours professionnel séduisant.

En ce qui concerne l'encouragement de la recherche, le premier impératif est de consolider notre position et de renforcer notre capacité financière, sachant que l'EFS s'inscrit dans des unités mixtes et un écosystème commun aux organismes de recherche que sont le CNRS, l'Inserm, les universités et les centres hospitaliers universitaires. L'EFS doit avant tout pouvoir participer à ces actions partenariales dans la durée.

Sur le maillage territorial, l'existence d'une seule maison du don dans les Côtes-d'Armor n'est pas un cas isolé et certains départements n'en sont pas pourvus, puisque le nombre de maisons du don en plasmaphérèse s'élève à 90 : certains donneurs potentiels renoncent donc à parcourir les 100 kilomètres qui les séparent d'une implantation. Face à cette situation, j'ai évoqué le « plan plasma » qui doit être défini avec le LFB et l'ensemble des acteurs de la filière. Nous devons aussi être en capacité d'ouvrir assez rapidement de nouveaux sites pour assurer une meilleure couverture du territoire, en prenant en compte les données démographiques pour garantir l'efficacité de la collecte.

S'agissant du vieillissement des bénévoles et de la conduite des campagnes de promotion, l'EFS a travaillé sur les déterminants du don en collaboration avec les bénévoles sous le pilotage de plusieurs directeurs régionaux d'établissement, dans le cadre de l'EFS Social Lab, qui est le dispositif d'écoute des donneurs. Ces travaux font apparaître que les jeunes souhaitent toujours s'engager dans la cause du don du sang et de plasma, ce qui conduit à nuancer la thèse univoque du vieillissement. Je fais ici le lien avec la question du président Patriat sur les actions que peuvent conduire les collectivités territoriales. En effet, parmi les pistes les plus intéressantes, je signale qu'une nouvelle convention tripartite a été signée à la fin de l'année dernière entre l'EFS, l'association des maires de France (AMF) et la fédération française pour le don de sang bénévole, qui identifie toute une liste d'actions que peuvent conduire chacun de ces trois acteurs. Pour les communes, il peut s'agir de valoriser sur le site internet de la mairie le don du sang et de plasma, en en précisant les principales modalités et en faisant apparaître les liens vers les sites de l'EFS. Celui-ci, pour sa part, pourra valoriser chaque année les communes qui se sont montrées particulièrement dynamiques dans ce partenariat et qui ont mis à la disposition de la collecte des lieux qui sortent un peu de l'ordinaire, insolites, et des équipements culturels, éducatifs ou sportifs. En faveur du rajeunissement du vivier de donneurs, il faut également pouvoir compter sur le travail conduit par les bénévoles auprès des milieux culturels, des fédérations sportives et des clubs sportifs. L'écosystème du don doit faire appel à toutes les générations car on peut donner son sang de 18 à 70 ans.

Par ailleurs, je précise que 1600 collectes ont été annulées pour des raisons tenant aux ressources humaines en 2022, et sans doute à peu près autant cette année. Je mentionne également le cas de collectes mobiles qui sont réalisées dans un format réduit, par exemple en cas d'absence d'un agent de l'EFS : elles pèsent sur notre capacité à remplir nos objectifs annuels et, dans l'ensemble, la redéfinition du format des collectes est un chantier considérable en matière de ressources humaines.

Je souligne que le pilotage des actions de recherche bénéficiant de financements du mécénat doit bien entendu rester sous la gouvernance des parties prenantes. Je fais observer que la loi permet également à l'EFS de recevoir des dons de legs. Il s'agit de donner une nouvelle dimension à ces sources de financement, mais en aucun cas de confier le pilotage des activités de recherche à de tierces parties.

S'agissant des problématiques ultramarines, tout d'abord à Mayotte et en Guyane, il n'y a pas de collecte aujourd'hui, principalement pour des raisons sanitaires et épidémiologiques avec, à Mayotte, une prévalence du paludisme ainsi que des arboviroses - c'est-à-dire principalement la dengue et le chikungunya. À Mayotte et à La Réunion, dans la perspective d'une résorption du paludisme, on peut espérer pouvoir avancer vers des conditions plus propices à la collecte ; il en va de même en Guyane, en sachant que le facteur prédominant est celui de la sécurité sanitaire. En réalité, si on procédait aujourd'hui à une collecte en Guyane ou à Mayotte, on serait amené à jeter beaucoup de poches en raison de la prévalence de certaines maladies dans ces collectivités. On y consacrerait ainsi des investissements importants pour un résultat amoindri par des exigences de sécurité.

S'agissant du traitement de la drépanocytose, ces collectivités ultramarines bénéficient de la solidarité nationale organisée au sein de l'EFS, au même titre que l'ensemble du système transfusionnel français. Je rappelle que certaines régions sont, à l'intérieur de notre territoire, exportatrices de produits sanguins et que d'autres en importent. Pour Mayotte, par exemple, l'apport des poches nécessaires et adaptées au phénotype des personnes qui sont drépanocytaires dans ce département se fait principalement depuis le dispositif transfusionnel de La Réunion et, en complément, depuis l'Hexagone : la couverture des phénotypes existants à Mayotte est ainsi très satisfaisante, et parfois même meilleure que ce qu'on peut observer dans l'Hexagone car l'apport réunionnais présente des avantages en termes de compatibilité des groupes sanguins. Je précise ici que le développement de la collecte en Guyane et à Mayotte serait bénéfique, car il donnerait accès à des phénotypes particulièrement recherchés pour traiter les personnes atteintes de drépanocytose.

Notre organisation en vue des jeux Olympiques et Paralympiques s'articulera essentiellement autour d'un dispositif qui mobilisera les ressources disponibles de l'EFS pour couvrir les besoins de l'établissement de transfusion sanguine d'Île-de-France, assorti d'un système d'astreintes. La mobilisation du système régional pourra être complétée par des apports en provenance de l'ensemble des régions qui collecteront davantage en cette période estivale grâce à des appareils de collecte mobile déployés sur les littoraux français en juillet et en août.

Je rappelle enfin que l'assurance maladie dispose d'un siège au sein du conseil d'administration de l'EFS ; j'ai bien conscience que cette information ne répond qu'imparfaitement à la question du président Milon, qui s'interroge sur les capacités de décision de l'assurance maladie au regard des dotations qu'elle alloue à l'EFS. Ce sujet mérite d'être approfondi, mais je sais en tous cas que le représentant ou la représentante de l'assurance maladie est extrêmement attentif au devenir de l'EFS, et l'augmentation des financements prévue par le PLFSS ne peut que renforcer ce suivi.

Je confirme à M. Khalifé que certains établissements de santé ont bien des dettes impayées à l'égard de l'EFS : ces situations devraient être régularisées dans le temps. Par ailleurs, la question des relations financières avec l'EFS est compliquée ; en effet, il est arrivé, au cours des dernières années, qu'après que la loi de financement de la sécurité sociale a fixé l'Ondam (objectif national de dépenses d'assurance maladie), le Gouvernement procède à des hausses de tarifs des produits sanguins dont le tarif est fixé par arrêté. Les budgets des établissements de santé étant ainsi fixés, le financement des hausses de tarifs pour acquérir des produits sanguins au sein des hôpitaux n'était donc pas programmé et certains établissements de santé connaissent des situations difficiles.

Je conclus sur la thématique très importante de la communication et de la pédagogie à l'égard du grand public. Tous les pays européens sont confrontés, comme la France, au défi de la montée en puissance de la collecte de plasma. Il faut donc expliquer à nos concitoyens que le don de plasma est tout aussi important que le don du sang, et que le premier prend plus de temps mais impose par ailleurs moins de contraintes que le second. Il faut ne jamais relâcher ce travail d'information de nos concitoyens, en leur montrant l'utilité de leur don et leur utilisation pour fabriquer des produits dérivés efficaces pour certains traitements.

M. Philippe Mouiller, président. - Merci, Monsieur Pacoud, pour vos réponses. Nous ne manquerons pas de suivre attentivement les évolutions de l'EFS.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 11 h 25.

Projet de loi de finances pour 2024 - Mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » - Examen du rapport pour avis

M. Philippe Mouiller, président. - Notre ordre du jour appelle à présent l'examen du rapport pour avis sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». - Malgré la baisse continue du nombre d'anciens combattants, qui bénéficient de pensions et d'allocations financées par la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation  », les crédits de cette mission restent quasiment stables pour 2024, après une baisse de 7,4 % entre 2022 et 2023.

En 2024, la mission bénéficierait ainsi de 1 927 millions d'euros en crédits de paiement (CP), après une enveloppe de 1 931 millions d'euros ouverte en loi de finances initiale (LFI) pour 2023.

La réduction mécanique des crédits alloués aux pensions s'accompagne donc d'une hausse des moyens affectés à d'autres actions en faveur du monde combattant. Saluons ce choix de sanctuarisation des moyens, que nous demandions depuis plusieurs années.

En raison de la baisse continue du nombre d'anciens combattants, les moyens nécessaires au versement des pensions militaires d'invalidité (PMI) baisseraient de 64,5 millions d'euros afin de s'ajuster au nombre de bénéficiaires, qui passerait de 152 000 en 2023 à 142 000 en 2024.

La tendance est la même pour l'allocation de reconnaissance du combattant, nouvelle dénomination de la « retraite du combattant » : le nombre d'allocataires, dont l'âge moyen est de 86 ans, diminuerait de 7,7 % en 2024, pour s'établir à 622 000.

Toutefois, les crédits prévus pour le versement de celle allocation augmenteraient de manière exceptionnelle, atteignant 536,4 millions d'euros en 2024, en hausse de 27 millions d'euros par rapport à la LFI pour 2023. Cette hausse est liée à une modification, en 2023, des modalités de versement entrainant un décalage de paiement de l'allocation.

La diminution des bénéficiaires - et des crédits afférents - devrait ainsi se poursuivre dans les années à venir, puisque le nombre de cartes du combattant attribuées chaque année au titre des opérations extérieures ne compense pas la baisse du nombre de décès des anciennes générations de combattants.

Ces pensions et allocations sont calculées sur la base du point de PMI qui, depuis 2005, est indexé sur l'évolution de la rémunération des fonctionnaires. En 2022, une revalorisation de 7 % du point de PMI avait été décidée à titre exceptionnel. Elle faisait suite aux travaux de la commission tripartite constituée sur ce sujet et dont le rapport, publié en mars 2021, avait constaté un écart de 5,9 % entre la valeur du point de PMI au 1er janvier 2020 et la valeur qu'aurait atteint ce point s'il avait progressé au rythme de l'inflation depuis 2005.

Ensuite, les modalités de calcul du point du PMI ont été revues par décret en 2022 afin que le point soit revalorisé au 1er janvier de chaque année sur la base de l'évolution des rémunérations de la fonction publique observée entre le 1er juillet de l'année n-2 et le 30 juin de l'année n-1.

Lors du projet de loi de finances (PLF) de l'an dernier, le Gouvernement avait fait le choix de revaloriser le point de PMI de 3,5 % au 1er janvier 2023 alors que cette hausse n'aurait dû intervenir qu'au 1er janvier 2024, pour un coût alors estimé à 41 millions d'euros pour 2023.

Pour 2024, le projet de loi de finances prévoit une quasi-stabilité du point de PMI, avec une augmentation de 0,1 %.

Toutefois, lors de son audition par la commission de la défense de l'Assemblée nationale le 11 octobre dernier, la secrétaire d'État chargée des anciens combattants a annoncé que le Gouvernement revaloriserait de 1,5 % le point de PMI dès le 1er janvier 2024, répercutant ainsi dès janvier prochain la hausse du point d'indice de la fonction publique intervenue en juillet 2023, alors qu'elle ne devrait être prise en compte qu'au 1er janvier 2025. Nous estimons que cette hausse représenterait 15 millions d'euros supplémentaires.

Cette annonce, bienvenue pour le pouvoir d'achat des anciens combattants, ne trouve toutefois pas sa traduction budgétaire dans le PLF transmis au Sénat, le Gouvernement n'ayant pas majoré en conséquence les crédits de la mission.

En dépit de cette annonce, le point de PMI ne progresse toujours pas au rythme de l'inflation. Il semble donc nécessaire, comme s'y était engagé le Gouvernement, que la commission tripartite se réunisse en 2024 pour évaluer la nécessité de prendre de nouvelles mesures correctives. Cette commission pourra s'appuyer sur le rapport que le Gouvernement doit établir en 2024 pour comparer l'évolution constatée de la valeur du point de pension et de celle de l'inflation, comme le prévoit le code des pensions militaires.

J'en viens aux moyens alloués aux opérateurs qui accompagnent les combattants et les blessés de guerre.

La subvention pour charge de service public à l'Institution nationale des invalides (INI) augmenterait de 15,41 % pour couvrir des surcoûts de fonctionnement, notamment en matière d'électricité et de restauration.

La subvention versée à l'Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG) progresserait de 3,9 %, pour s'établir à 62,6 millions d'euros, finançant notamment le fonctionnement de deux nouvelles maisons Athos.

Ces structures ont été initiées en 2019 par l'armée de terre pour proposer un accompagnement psychologique et social aux blessés psychiques des opérations extérieures, en complément de l'offre de soins proposée par le service de santé des armées. Quatre maisons ont déjà été ouvertes sur le territoire et leur gestion administrative et budgétaire a été confiée à l'ONaCVG en 2023, sous la responsabilité du ministère des armées.

La dotation d'action sociale de l'ONaCVG, maintenue à hauteur de 25 millions d'euros dans la version initiale du PLF, est rehaussée de 4 millions d'euros supplémentaires dans le texte transmis au Sénat. Cette augmentation, malgré la réduction du nombre de ressortissants de l'ONaCVG, permet d'attribuer des aides financières aux anciens combattants et à leurs conjoints survivants les plus en difficulté. Elle permet aussi de soutenir les pupilles de la Nation et les victimes du terrorisme ainsi que d'offrir un accompagnement social et administratif aux ressortissants de l'Office.

Les crédits qui permettent de soutenir les rapatriés d'Algérie seraient aussi en hausse de 11,2 %, avec une enveloppe de 112 millions d'euros.

Ces crédits permettent de verser l'allocation de reconnaissance, l'allocation viagère et des aides à la formation professionnelle, au désendettement, au bénéfice des conjoints survivants ou encore pour le remboursement de cotisations de retraite complémentaire.

Les moyens supplémentaires prévus en 2024 seraient surtout consacrés au dispositif, introduit par la loi du 23 février 2022, de réparation des préjudices subis par les harkis et autres rapatriés d'Algérie ainsi que leurs familles ayant séjourné dans certaines structures aux conditions d'accueil indignes. Il est prévu que ce dispositif coûte 300 millions d'euros sur une période de six ans.

À la fin du mois d'octobre 2023, 10 805 indemnisations ont été prononcées et 21 778 dossiers sont en attente de traitement.

Le Gouvernement a pris en septembre dernier un décret élargissant à 45 nouveaux sites la liste des structures ouvrant droit à réparation.

Pour financer cette mesure nouvelle et traiter les demandes en attente, 69,8 millions d'euros sont demandés pour 2024, soit 9,8 millions d'euros supplémentaires. En outre, l'ONaCVG bénéficiera de quatre emplois supplémentaires pour traiter les dossiers d'indemnisation, ce qui me semble souhaitable pour absorber dans des délais raisonnables l'ensemble des demandes de réparation.

Une progression des moyens consacrés aux liens armées-jeunesse et à la politique de mémoire est aussi attendue l'an prochain.

Les crédits alloués aux liens armées-jeunesse progresseraient de 6,2 % en 2024. Ils financent principalement l'organisation des journées de défense et de citoyenneté (JDC), le service militaire volontaire ainsi que de nombreux dispositifs de promotion du lien entre les armées et la jeunesse tels que les classes de défense et les cadets de la défense.

Les moyens alloués à l'organisation des JDC progressent de 1,5 million d'euros en raison d'une augmentation des coûts de transport et d'alimentation du fait de l'inflation. Pour 2024, le coût complet d'une JDC est estimé à 123 euros par participant, dont 18 % sont financés par la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Les crédits demandés pour la politique de mémoire progressent significativement, avec une hausse de 87 % par rapport à 2023.

Ces moyens supplémentaires seront principalement consacrés à l'organisation de commémorations et cérémonies pour le 80e anniversaire du Débarquement, avec 14 millions d'euros prévus pour ces manifestations.

Des fonds supplémentaires soutiendront les actions de restauration et d'entretien des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale, avec 3,13 millions d'euros.

Je salue la hausse des moyens consacrés à la politique de mémoire. Alors qu'ils seront principalement consacrés à l'organisation de manifestations ponctuelles l'an prochain, il importe de les pérenniser pour renforcer le lien armées-Nation et développer les actions de promotion de la mémoire combattante, en particulier à destination de la jeunesse.

Cette orientation des moyens de la mission me semble essentielle, alors que le nombre de ressortissants de l'ONaCVG devrait passer de 1,8 million en 2023 à moins de 1 million en 2033, selon une estimation du contrôle général des armées.

Pour accompagner cette évolution des missions de l'ONaCVG et de ses ressortissants, je rappelle que l'Office a changé de nom le 1er janvier 2023, afin que sa dénomination englobe l'ensemble du monde combattant. À cet égard, je regrette que la mission budgétaire du PLF s'intitule toujours « Anciens combattants ». Elle devrait, selon la même logique, prendre l'intitulé « Monde combattant ».

Pour l'indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale, 88,14 millions d'euros sont prévus pour 2024, soit une baisse de 3,7 % par rapport à 2023 en raison de la diminution naturelle du nombre de crédirentiers.

L'activité est stable pour l'indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites, avec un ralentissement du dépôt de nouveaux dossiers.

Quelques nouvelles demandes sont formulées pour l'indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie. Ce dispositif compterait 3 572 crédirentiers fin 2023 et dix nouveaux dossiers de rente sont budgétés en 2024 ainsi que dix dossiers d'indemnisation en capital.

Les demandes d'indemnisation des victimes de spoliations diminuent progressivement, mais quelques nouvelles demandes continuent d'être formulées auprès de la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation (CIVS). Depuis la création du dispositif en 1999 et jusqu'au 30 juin 2023, 22 921 dossiers ont fait l'objet d'une recommandation d'indemnisation à la charge de l'État et 22 790 d'entre eux ont été traités. En 2022, 61 nouveaux dossiers ont été enregistrés : 35 dossiers matériels, 19 dossiers bancaires et 7 dossiers de biens culturels spoliés.

Enfin, le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale comprend deux articles rattachés à la mission qui me semblent pouvoir être approuvés par notre commission.

L'article 50 B étend, pour le calcul des droits à la retraite, la majoration de durée d'assurance de quatre trimestres par période de dix années de service effectif aux fonctionnaires civils de la filière paramédicale du ministère des armées et de l'Institution nationale des invalides dont l'emploi est classé en catégorie active.

L'article 50 C permet, indépendamment de la présence des parents, la prise en charge des billets de train pour le frère ou la soeur des militaires morts pour la patrie, afin de leur permettre de faire un voyage gratuit vers le lieu de l'inhumation organisée par l'autorité militaire.

En conclusion, je vous invite donc à donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » ainsi qu'aux articles 50 B et 50 C qui lui sont rattachés.

Mme Marie-Pierre Richer. - Merci à Jocelyne Guidez pour son travail et son engagement. Au sujet de la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis, je tiens à saluer l'abondement prévu. Je voudrais également rendre hommage au travail réalisé par la Commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis présidée par Jean-Marie Bockel.

Je souligne que les 45 nouvelles structures pouvant donner droit à réparation ont été retenues grâce au travail de cette commission et, au-delà, du Sénat. Je rappelle que, initialement, cette loi était dénoncée parce que le dispositif était très enserré. Nous avons été ravis de la publication en septembre dernier du décret complétant la liste des structures ouvrant droit à réparation. La commission nationale poursuit son travail : d'autres structures devraient rejoindre le dispositif l'an prochain. Les quatre postes supplémentaires pour l'ONaCVG sont les bienvenus, mais il en faudra certainement d'autres pour traiter les 8 500 dossiers annuels. Je tiens à saluer toutes les personnes qui s'investissent dans cette commission, notamment les historiens.

Mme Émilienne Poumirol. - Le dossier des harkis était difficile, et on n'a pas réussi à aller aussi loin que le voulaient certaines associations concernant le dispositif de réparation. Mais on a avancé et je me réjouis également que le Gouvernement ait élargi la liste des structures pouvant donner droit à réparation, reconnaissant que ces sites n'avaient pas été bienveillants - c'est un euphémisme - envers les harkis, qui méritent notre reconnaissance et non pas un abandon de la part de la France.

Ma question porte sur les orphelins des résistants. Pouvez-vous me confirmer qu'ils ne reçoivent pas d'allocation, contrairement aux orphelins de déportés ?

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis. - Madame Richer, je rejoins vos propos sur les mesures en faveur des harkis. Nous devons poursuivre notre travail, notamment pour les veuves, car il y a toujours des demandes. Cependant, il faut rester prudents face à cette quête de reconnaissance envers ceux qui ont combattu pour la France ou les rapatriés. Les finances publiques ne sont pas extensibles.

Face à la diminution du nombre d'anciens combattants, surtout de la guerre d'Algérie, nous veillons à ce que ce budget ne soit pas diminué. Ce combat, mené par nous tous, quelle que soit notre appartenance politique, a porté ses fruits. C'est la première fois que les moyens financiers sont redistribués.

Je note au demeurant une évolution positive pour les conjoints de militaires. Aujourd'hui, quand un des conjoints décède - les femmes aussi s'engagent, ne l'oublions pas -, le conjoint survivant a droit à une reconversion professionnelle. Il faut dire qu'il est très compliqué de trouver du travail lorsque vous déménagez tous les deux ou trois ans. Il y a eu d'indéniables avancées, ne l'oublions pas, mais elles ont un coût.

Madame Poumirol, le dispositif d'indemnisation des orphelins de parents victimes de persécutions pendant la Seconde Guerre mondiale peut s'appliquer aux orphelins de résistants, dès lors que les critères sont remplis.

Mme Pascale Gruny. - Je remercie Jocelyne Guidez pour son engagement total en faveur du monde combattant. Nous pouvons nous féliciter en effet d'avoir obtenu que les crédits de la mission ne soient pas diminués, ce qui permet de financer certaines actions bienvenues.

Permettez-moi d'évoquer le devoir de mémoire. De nombreux jeunes ont du mal à s'insérer dans la société, il est essentiel d'y consacrer des moyens. Lorsque je prends la parole devant les monuments aux morts, j'exhorte les grands-parents et arrière-grands-parents présents à partager ce devoir de mémoire avec leurs petits-enfants et arrière-petits-enfants qui sont absents. C'est cela qu'on appelle « faire Nation ».

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis. - Vous avez raison, nous avons tous une responsabilité à cet égard. Et je regrette la faible présence des militaires lors des cérémonies devant les monuments aux morts. Or c'est aussi leur devoir.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Il est regrettable que le rattrapage du point de PMI ne soit pas indexé sur l'inflation. C'est une vraie préoccupation au regard de la pension des retraités, qui est faible, de l'ordre d'un peu plus de 800 euros en moyenne, même si nous pouvons nous féliciter que la loi ait étendu l'an passé l'octroi de la demi-part supplémentaire à tous les veufs et les veuves d'anciens combattants - c'est un combat que nous avons tous mené. Aussi, je déplore que les crédits de ce budget ne soient pas en augmentation.

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis. - On ne peut que rejoindre ce constat. Cependant je tiens à rappeler que la ministre s'est battue pour la revalorisation du point de 1,5 %, pour s'aligner dès 2024 sur l'augmentation du point d'indice des fonctionnaires.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », ainsi qu'aux articles 50B et 50C qui lui sont rattachés.

Projet de loi de finances pour 2024 - Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » - Examen du rapport pour avis

M. Philippe Mouiller, président. - Nous examinons à présent les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

M. Laurent Burgoa, rapporteur pour avis de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». - Les crédits de paiement (CP) de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » s'élèvent à 30,85 milliards d'euros pour 2024, en hausse de 4,64 % par rapport à 2023.

À elles seules, deux prestations représentent 78,5 % des crédits de la mission : la prime d'activité et l'allocation aux adultes handicapés (AAH). À la faveur d'une inflation persistante, les crédits de la mission ont augmenté de 18 % depuis 2021, principalement du fait de la revalorisation de ces prestations.

Ce dynamisme est principalement porté par la revalorisation légale des prestations sociales - AAH, prime d'activité, revenu de solidarité active (RSA) recentralisé -, mais également par la mise en oeuvre de la déconjugalisation de l'AAH. Cette mesure, attendue par les personnes en situation de handicap, est entrée en vigueur au 1er octobre 2023, pour un coût en année pleine évalué à 500 millions d'euros. En excluant les ressources du conjoint de la base ressource utilisée pour le calcul du montant de l'allocation, elle devrait permettre à 40 000 bénéficiaires en couple de voir leur allocation augmenter, et à 80 000 nouvelles personnes de bénéficier de l'AAH.

En 2024 de nouveau, la mission sera mise à contribution pour répondre à l'urgence sociale qui résulte de l'inflation durable, qui était de plus de 4 % sur les douze derniers mois, mais atteint près de 13 % pour les seules denrées alimentaires. Les associations de solidarité et les départements font face à la fois à une augmentation soutenue des demandes d'aides et d'accompagnement et au renchérissement de l'ensemble de leurs coûts.

Au sein du programme « Inclusion sociale et protection des personnes », doté de 14,35 milliards d'euros au total, les crédits inscrits au titre de la prime d'activité s'élèvent pour 2024 à 10,46 milliards d'euros, pour la première fois en baisse depuis la reprise économique après la crise sanitaire. L'effectif des bénéficiaires reste stable, atteignant en moyenne 4,61 millions de foyers en 2024, ce qui s'explique par un fléchissement de l'amélioration sur le marché du travail.

Je pourrais, malheureusement, endosser à l'identique les remarques de mon prédécesseur, Jean Sol que je salue chaleureusement, puisque le déploiement de la « solidarité à la source » promise par le Président de la République, visant à réduire les indus en matière de prime d'activité, n'a toujours pas été réalisé.

Parallèlement, les crédits dédiés au RSA dans les départements où il a été recentralisé, de manière pérenne en outre-mer ou à titre expérimental pour les départements de la Seine-Saint-Denis, des Pyrénées-Orientales et de l'Ariège, restent stables à hauteur de 1,56 milliard d'euros. Nous devrons être particulièrement vigilants dans la mise en oeuvre de la loi pour le plein emploi, récemment votée, concernant le contrat d'engagement des bénéficiaires du RSA. S'il est acté que la compensation de la charge liée au transfert de la compétence RSA aux départements a été une énième occasion pour le Gouvernement de diminuer l'autonomie financière de ces derniers, charge à nous de nous assurer que les quinze heures d'activités offertes aux bénéficiaires seront effectives, et dûment compensées.

Les auditions menées avec les réseaux de l'aide alimentaire ont confirmé les difficultés des banques alimentaires à répondre aux besoins croissants, alors que dans le même temps leurs coûts d'approvisionnement augmentent. Les crédits consacrés s'établiront en 2024 à 142 millions d'euros, soit 20 % de plus qu'en 2023. Pourtant, cela reste encore insuffisant pour répondre à l'augmentation de files actives et à l'apparition de nouveaux publics : 10,7 % des personnes ayant recours à l'aide alimentaire ont un contrat à durée indéterminée (CDI).

C'est pourquoi, je salue l'initiative de mes collègues de la commission des finances, rapporteurs du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023, qui ont obtenu du Gouvernement une dotation supplémentaire de 30 millions d'euros pour ces associations. Ce financement pourra ainsi être injecté plus rapidement dans la trésorerie des associations concernées que via le PLF pour 2024.

Concernant la lutte contre la pauvreté, le pacte des solidarités succède à la stratégie 2018-2022. Doté de 260 millions d'euros sur le périmètre de la mission, il comporte quatre axes pour lutter contre les inégalités dès l'enfance, amplifier l'accès à l'emploi pour tous, garantir l'accès aux droits et construire une transition écologique solidaire. Derrière les effets d'annonce, la lisibilité du plan laisse à désirer pour qui voudrait en saisir la portée réelle. La direction générale de la cohésion sociale (DGCS) m'assure qu'il permettra d'augmenter de 50 % les crédits consacrés à lutter contre la pauvreté d'ici à 2027. Mais dans le détail, une grande partie du pacte relève d'autres missions et de nombreuses dépenses fléchées dans la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » étaient auparavant abritées dans d'autres actions, si bien qu'en définitive il est impossible d'apprécier l'évolution de la dépense à périmètre constant. Cependant, je me réjouis que ce pacte poursuive la pratique de contractualisation avec les collectivités territoriales en y destinant 53 % de ses crédits.

Le programme consacre également 311 millions d'euros à la protection et à l'accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables, enregistrant une baisse de 5,92 % des crédits. Concernant la seule compensation aux départements des frais relatifs à la mise à l'abri et à l'évaluation de la minorité des mineurs non accompagnés (MNA), les 67,7 millions d'euros prévus actent d'un retrait de l'engagement de l'État à hauteur de plus de 22 millions d'euros. La DGCS justifie cette diminution par l'impact escompté des mesures prévues dans le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration sur les flux de MNA, de l'ordre de 7 millions d'euros. Même si j'espère à terme que le projet de loi portera ces effets, cette estimation me semble, à ce jour, pour le moins optimiste, alors que l'année 2023 a plutôt vu les flux repartir à la hausse. Or si l'optimisme est une vertu que je cultive à titre personnel, il est de nature à risquer de mettre en difficulté les finances déjà éprouvées des départements.

Par ailleurs, l'obligation faite à ces mêmes départements, introduite par le Sénat lors de la loi de février 2022 relative à la protection des enfants, d'accompagner les jeunes majeurs de moins de 21 ans sortant de l'aide sociale à l'enfance (ASE) sera compensée par un abondement de 50 millions d'euros en faveur des collectivités en 2024. Ce montant paraît déconnecté de la charge réelle, puisqu'il se borne à reconduire la dotation de 2023, alors que les départements ont constaté une augmentation de 15 % de la dépense.

Pour la protection juridique des majeurs, les crédits s'élèveront en 2024 à 857 millions d'euros, en hausse de 3,87 %. Cette hausse provient d'une revalorisation salariale de 2,8 % et de l'augmentation tendancielle du nombre de mesures prononcées par la justice du fait du vieillissement de la population. L'année dernière, une initiative du président Mouiller avait conduit à adopter un amendement de crédits d'un montant de 40 millions d'euros afin de répondre à cette charge de travail croissante. Cet amendement, non retenu par le Gouvernement, devait permettre d'entamer une trajectoire haussière. Afin de diminuer le nombre de mesures par mandataire - on compte actuellement 56 mesures par mandataire -, je vous proposerai de soutenir un amendement de crédits de 11 millions d'euros pour recruter 200 professionnels de plus, afin de minimiser le risque de violences institutionnelles envers les majeurs protégés.

L'évolution du programme « Handicap et dépendance » témoigne d'un engagement réel en faveur de l'autonomie des personnes handicapées, avec 15,38 milliards d'euros, soit une hausse de 9,2 % des crédits.

L'entrée en vigueur au 1er octobre 2023 de la mesure de déconjugalisation de l'AAH, longtemps soutenue par le Sénat contre l'avis du Gouvernement est une avancée, ouvrant toutefois des interrogations sur les décrochages de revenus que pourraient subir les bénéficiaires de l'AAH lorsqu'ils basculeront sur l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), qui, elle, est conjugalisée.

Le Gouvernement a également retenu deux amendements portant articles additionnels dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, lesquels ont été rattachés à la mission. L'un vise à permettre aux bénéficiaires de l'AAH de continuer à percevoir leur allocation s'ils décident de poursuivre leur activité après leur âge d'ouverture des droits à la retraite. L'autre prévoit le maintien pour les bénéficiaires de l'AAH des prestations liées - majoration pour la vie autonome et complément de ressources - lorsqu'ils perdent le bénéfice de l'AAH du fait de la revalorisation de leur pension. Ces deux articles tirent les conséquences directes de la réforme des retraites adoptée lors de la dernière session parlementaire. Aussi, je vous proposerai d'émettre un avis favorable à leur adoption.

Le programme « Handicap et dépendance » prévoit également le financement aux établissements et services d'aide par le travail (Ésat) de la garantie de ressources des travailleurs handicapés (GRTH) soit la rémunération de 120 000 travailleurs, qui représentera 1,61 milliard d'euros en 2024. Les récentes mesures adoptées dans le cadre du projet de loi pour le plein emploi visent à renforcer les droits sociaux des travailleurs en Ésat pour les rapprocher de ceux du milieu ordinaire : prise en charge des frais de transport, bénéfice d'une complémentaire santé, de titres-restaurant et de chèques-vacances. Cet alignement des droits des travailleurs handicapés sur le code du travail rend d'autant plus urgente l'évolution du modèle de financement des Ésat. Comment, sinon, absorber le seul coût de la mise en place d'une complémentaire santé évalué à 36 millions d'euros pour les Ésat, alors que 27 % d'entre eux sont en déjà en situation de déficit ?

Pour finir, les crédits du programme « Égalité entre les femmes et les hommes » s'élèvent à 76 millions d'euros pour 2024, en hausse de 16,26 % par rapport à l'année dernière. Cette augmentation s'explique par la création, sur l'initiative de notre collègue Valérie Létard, d'une allocation universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales. Dotée de 13 millions d'euros, elle entrera en vigueur au 1er janvier 2024 et permettra d'offrir aux femmes victimes de violences conjugales, sous trois jours, les moyens d'une mise à l'abri réactive et l'espoir d'un nouveau départ.

Je me félicite que le Gouvernement ait retenu un amendement de l'Assemblée nationale permettant de rétablir les crédits consacrés aux communications institutionnelles à leur niveau de 2023. Il aurait été incompréhensible que l'année où la France accueille les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 cette enveloppe diminue de moitié, alors même que de tels événements accroissent les risques de violences sexistes et sexuelles et de traite des personnes.

Au total, l'évolution de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » témoigne d'une intervention croissante de l'État face à la crise inflationniste. Son poids dans les finances publiques, plus de 6 % du budget général, doit nous conduire à suivre avec attention les chantiers qui s'ouvrent en la matière.

À l'issue de cet examen, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits de la mission, ainsi qu'aux articles 64 et 65 qui lui sont rattachés, et d'adopter un amendement augmentant de 11 millions d'euros les crédits de l'action n° 16 « Protection juridique des majeurs » du programme « Inclusion sociale et protection des personnes ».

M. Philippe Mouiller, président. - Merci au rapporteur pour la qualité de son travail.

Permettez-moi de faire une remarque sur la déconjugalisation : lors de nos travaux en commission, nous avions chiffré la mesure à 500 millions d'euros. Le Gouvernement nous avait alors objecté que celle-ci était largement sous-estimée. Je constate que notre estimation se révèle aujourd'hui fondée.

Mme Annie Le Houerou. - Cette mission regroupe quatre programmes dont l'AAH et la prime d'activité représentent, à elles seules, 75 % des crédits de la mission.

Concernant la prime d'activité, aucun crédit supplémentaire n'est prévu, alors que le taux de non-recours est très élevé, proche de 30 %. Vous avez évoqué une expérimentation en cours pour y remédier, à savoir le versement automatique, ou solidarité à la source : auriez-vous des éléments sur ce point ?

Je m'alarme également de lire dans votre rapport que quinze heures seraient « offertes » aux bénéficiaires du RSA. Or, ces heures ne sont pas offertes, les bénéficiaires du RSA vont devoir travailler pendant 15 heures pour 607 euros, encore faut-il les trouver. Nous nous étions opposés à cette contrepartie.

Plus de 10 % des personnes bénéficiant de l'aide alimentaire sont des travailleurs pauvres ; il s'agit également des personnes éligibles à la prime d'activité. Ce programme ne répond pas de manière adéquate aux besoins en matière de lutte contre la pauvreté.

Je constate deux avancées toutefois : les crédits alloués à la précarité menstruelle et à l'aide au budget, mise en place en 2023 et saluée par les associations qui la mettent en oeuvre, car c'est un bon outil de prévention pour lutter contre le surendettement.

Vous avez évoqué les difficultés des associations face à l'inflation, mais aussi face au nombre croissant de bénéficiaires, en hausse de 20 % selon une estimation de la Fédération française des banques alimentaires. En conséquence, le budget présenté n'est pas du tout à la hauteur des besoins évalués à 40 millions d'euros supplémentaires.

Au sujet des MNA, une baisse de 7 millions d'euros est prévue, car le Gouvernement miserait sur la loi Immigration, qui non seulement, n'est pas encore votée, mais de surcroît est déconnectée de la réalité. En effet, les départements qui gèrent l'accompagnement des MNA indiquent plutôt un afflux. Face aux difficultés, ils demandent déjà expressément un soutien au Gouvernement en la matière. Avec 3 millions d'enfants vivant sous le seuil de pauvreté, le budget n'est pas, encore une fois, à la hauteur des besoins.

Concernant la lutte contre les violences faites aux femmes, le budget est certes en augmentation avec le maintien du nombre de places d'accueil d'urgence. Cependant, sur la lutte contre la prostitution, favorisée par des événements tels que les jeux Olympiques et Paralympiques, rien n'est prévu dans ce budget. Je réitérerai donc notre demande concernant l'aide financière à l'insertion sociale (Afis) pour les personnes qui souhaitent sortir du système prostitutionnel : elle s'élève à 343 euros mensuels, ce qui est trop peu pour être efficace, et nous déposerons des amendements sur ce sujet.

Nous saluons l'aide universelle d'urgence, nouvelle disposition pour les femmes qui souhaitent quitter leur domicile. Pour autant, le budget ne prévoit pas les moyens donnés à l'État pour assurer cette mise en oeuvre. Dans l'ensemble, l'accompagnement humain de ces différents programmes et de ces dispositifs dans les préfectures est largement insuffisant, ce qui entraîne un ralentissement des programmes, un défaut de communication et, en conséquence, le taux de non-recours est très élevé. Pour toutes ces raisons, notre groupe ne votera pas les crédits de cette mission.

Mme Silvana Silvani. - Cette mission est particulièrement importante dans le contexte actuel : le taux de chômage augmente, tout comme le nombre de personnes pauvres, salariées ou non, qui s'élève déjà à plus de 10 millions. Ces personnes nécessitent des aides de plus en plus importantes, dont l'aide alimentaire qui répond à un besoin fondamental. Or le taux d'inflation ne sera pas nul et pourrait atteindre 2,6 % en 2024.

Tenter d'amortir financièrement une crise sanitaire et sociale est un choix politique qui a ses limites, puisqu'on n'agit pas sur la source du problème. Octroyer une prime d'activité compense de façon provisoire des revenus trop modestes - je rappelle que la prime d'activité vient en complément d'un revenu insuffisant pour vivre dignement -, mais cela ne règle en rien les causes ni l'augmentation du nombre de personnes concernées. On nous annonce un budget en augmentation de 4,6 %, mais au regard de l'inflation, la hausse n'est que de 2 %.

Je suis d'accord avec le rapporteur sur l'étranglement permanent de nos départements dans leurs missions et l'assèchement de leurs recettes. Mais s'agissant de la recentralisation du RSA, au vu de la somme importante consacrée à une expérimentation sur trois départements, je m'interroge sur son éventuelle extension à partir de 2024. Quelles en sont les modalités ?

Concernant les quinze heures dont bénéficieraient les allocataires du RSA, c'est loin d'être un cadeau : vous espérez que cette mesure sera compensée, mais pourriez-vous nous donner des précisions, notamment sur la part financée par les départements ?

Enfin, je veux dire mon étonnement sur le lien qui a été établi entre la loi Immigration et le budget consacré à la protection des jeunes majeurs. Anticiper les effets financiers d'une loi qui vient seulement d'être examinée par le Sénat pour justifier une diminution des crédits concernant la prise en charge des jeunes majeurs relève d'arguties ! C'est effrayant d'entendre cela de la part de Bercy !

Mme Pascale Gruny. - Cette mission est importante, car elle concerne l'aide aux personnes en difficulté. On aimerait qu'elles soient de moins en moins nombreuses, mais tel n'est pas le cas.

Je reviendrai sur la loi pour le plein emploi, dont j'étais le rapporteur : on ne peut pas encore en mesurer les effets et on ne connaît pas précisément les moyens financiers nécessaires à sa mise en oeuvre. Mais si l'on diminue le nombre de bénéficiaires du RSA, les crédits dédiés à la prime d'activité devraient logiquement augmenter dans la mesure où l'emploi qu'ils retrouveront sera a priori peu rémunéré. Il est préférable qu'ils soient en activité pour percevoir ce complément. Les expérimentations en cours datent seulement des mois d'avril et de mai, aucun bilan n'est donc disponible à ce jour.

Mon département - l'Aisne - comptant beaucoup de bénéficiaires, nous avions envisagé de participer à la recentralisation du RSA actuellement en expérimentation. Mais les moyens très limités à disposition nous auraient contraints à renvoyer les fonds actuellement versés aux bénéficiaires du RSA. On perd donc une politique de proximité importante sans véritable contrepartie financière. Pour ces raisons, j'espère qu'on ne nous obligera pas à mettre en oeuvre cette recentralisation.

Le budget tel qu'il nous est présenté me paraît insincère et d'un optimisme incroyable. Bien entendu, je suivrai le rapporteur, mais on risque d'avoir des déconvenues. Comme ma collègue, j'estime que tirer les conséquences d'une loi qui n'a pas encore été votée est proprement hallucinant - c'est quasiment du « jamais vu ».

À propos du financement des Ésat, nous l'avons martelé pendant la loi Plein emploi, des difficultés vont se poser, même si la convergence avec le milieu ordinaire est en revanche bienvenue.

Vous n'avez pas parlé de la pauvreté des retraités ; ce sujet est-il traité dans la mission ? Des retraités de plus en plus nombreux bénéficient des aides solidaires.

M. Daniel Chasseing. - Merci au rapporteur pour toutes ces explications très claires. Je voudrais saluer l'augmentation des crédits à hauteur de 4,6 % par rapport à la LFI pour 2023 et de 18 % par rapport à 2021, ainsi que la déconjugalisation de l'AAH.

À propos des heures compensées évoquées par plusieurs collègues, je ne pense pas qu'il s'agisse exclusivement de 15 heures de travail, car le ministre n'a pas dit cela ; je pense qu'il peut également s'agir de 15 heures d'activité pour la recherche d'un logement, pour la santé, l'accompagnement et la découverte de l'entreprise, ce qui va dans le bon sens.

En ce qui concerne les MNA, je rejoins les propos de mes collègues, les départements rencontrent de plus en plus de difficultés ; il faudrait donc revoir cette disposition.

Au sujet de la violence faite aux femmes, les aides augmentent de 16 % certes, mais les associations constatent une augmentation des violences, notamment dans les territoires ruraux. Il risque d'être difficile de maintenir des permanences dans tous les départements.

M. Laurent Burgoa, rapporteur pour avis. - Madame Le Houerou, je n'ai pas d'éléments d'information sur la retenue à la source pour la prime d'activité. Nous serons vigilants et interpellerons le Gouvernement sur ce sujet.

Concernant les quinze heures d'activité prévues dans le cadre du contrat d'engagement des bénéficiaires du RSA, je ne souhaite pas rouvrir le débat, car il s'est déjà tenu récemment dans l'hémicycle.

Concernant l'aide alimentaire, vous avez raison. Les demandes des associations atteignent même 60 millions d'euros. Nous avons travaillé en coordination avec la commission des finances qui a ajouté des crédits à hauteur de 30 millions d'euros supplémentaires dans le cadre du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 ; nous envoyons là un bon message à nos structures associatives.

Concernant les MNA, nous l'avons entendu lors de l'audition de l'Assemblée des départements de France, je rappelle que sur 10 MNA déclarés, 8 se révèlent in fine majeurs.

Concernant les problèmes liés à l'aide d'urgence sur les violences conjugales, outre les 13 millions d'euros prévus dans cette mission, d'autres crédits sont prévus dans d'autres missions, par exemple, pour la police et la gendarmerie qui disposent d'un budget dédié de 310 millions d'euros.

Madame Silvani, je partage votre point de vue sur l'étranglement des départements. À ce jour, l'extension de la recentralisation du RSA n'a été actée que pour un département, l'Ariège.

Madame Gruny, le budget ne mentionne pas spécifiquement la pauvreté des seniors, mais il est vrai que, dans la ruralité notamment, la précarité des plus âgés est un problème important qu'il faudrait prendre en compte.

Article 35

M. Philippe Mouiller, président. - L'amendement n°  II-41 vise à abonder de 11 millions d'euros le programme qui concerne la protection juridique des majeurs du programme 304.

L'amendement n° II-41 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », sous réserve de l'adoption de son amendement, et à l'adoption des articles 64 et 65.

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à faciliter la mobilité internationale des alternants, pour un « Erasmus de l'apprentissage » - Désignation d'un rapporteur

M. Philippe Mouiller, président. - Nous devons également nommer un rapporteur pour la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à faciliter la mobilité internationale des alternants, pour un « Erasmus de l'apprentissage ».

Nous examinerons ce texte mercredi 13 décembre conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce en commission. Le Sénat se prononcera ensuite en séance mardi 19 décembre.

Je vous propose la candidature de Mme Patricia Demas.

Il n'y a pas d'opposition ?

Il en est ainsi décidé.

Proposition de loi visant à prolonger en 2024 le dispositif exceptionnel d'utilisation des titres-restaurant pour soutenir le pouvoir d'achat - Désignation d'un rapporteur

M. Philippe Mouiller, président. - Enfin, mes chers collègues, il nous revient de désigner des rapporteurs pour plusieurs textes qui devraient être examinés par le Sénat d'ici la fin de l'année.

Pour ce qui concerne les titres restaurants, une incertitude demeure à ce jour sur le texte sur lequel le Sénat aura à se prononcer et, par voie de conséquence, sur le calendrier exact d'examen par la commission.

Par précaution, je vous propose de nommer un rapporteur à la fois :

- pour la proposition de loi visant à prolonger en 2024 le dispositif exceptionnel d'utilisation des titres-restaurant pour soutenir le pouvoir d'achat, déposée au Sénat par Mmes Sophie Primas ;

- et pour la proposition de loi visant à prolonger en 2024 l'utilisation des titres-restaurant pour des achats de produits alimentaires non directement consommables, déposée à l'Assemblée nationale par M. Guillaume Kasbarian.

Je vous propose la candidature de Mme Marie-Do Aeschlimann.

Il n'y a pas d'opposition ?

Il en est ainsi décidé.

La réunion est close à 11 h 3