Mercredi 24 janvier 2024

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 10 h 45.

Mission d'information « Engager et réussir la transition environnementale de sa collectivité » - Échange sur les travaux

M. Jean-François Longeot, président. - Messieurs les rapporteurs, chers Laurent Burgoa, Pascal Martin et Guy Benarroche, nous sommes heureux de vous accueillir ce matin, au sein de notre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, pour évoquer une question qui nous intéresse tout particulièrement : « comment engager et réussir la transition environnementale de sa collectivité ? » C'est le thème du rapport d'information que vous avez présenté à la délégation aux collectivités territoriales et qui a été adopté à l'unanimité en novembre 2023.

La séquence de ce matin s'inscrit dans la continuité de rendez-vous qui ont déjà amené certains de nos collègues à présenter devant notre commission les rapports qu'ils avaient réalisés pour d'autres entités du Sénat. Il me semble en effet important de décloisonner les travaux menés par les différentes instances du Sénat : les commissions doivent s'ouvrir à l'expertise des délégations, à celle des structures temporaires issues des droits de tirage, ou encore à celle de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opcest).

Par ailleurs, je note que certains travaux de notre commission se sont d'ores et déjà nourris de votre rapport d'information ; je pense notamment au rapport budgétaire de Fabien Genet, sur les problématiques de financement de la transition écologique des collectivités territoriales.

Je vous cite : ce rapport est « une boîte à outils, qui met à disposition les méthodes, ressources et exemples inspirants pour réussir sa propre transition environnementale ». Pour les représentants des collectivités territoriales et les membres de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable que nous sommes, voici un résumé alléchant !

Je vous laisse donc nous présenter les principaux constats de votre rapport d'information ainsi que ses vingt-quatre recommandations.

M. Pascal Martin, rapporteur de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. - Nous allons successivement prendre la parole pour vous présenter une synthèse de nos travaux. Notre rapport s'est voulu extrêmement concret, pragmatique et réaliste.

Les effets du dérèglement climatique sont visibles partout dans tous nos territoires, sans exception : inondations, recul du trait de côte, incendies, vagues de chaleur et canicules, raréfaction de la ressource en eau, impact sur les cultures, sécurité alimentaire, effondrement du vivant, perte de biodiversité, etc.

Les élus locaux sont, comme toujours, en première ligne face à ces difficultés et pour trouver des solutions à leur apporter. Ils agissent en matière d'atténuation, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, et d'adaptation, pour s'ajuster à la réalité du climat actuel et à venir.

Agir oui, mais comment ? Comment repérer les vulnérabilités sur lesquelles il faut intervenir en priorité ? Comment identifier, lancer ou accélérer des projets favorables à l'environnement ? Comment concilier les urgences du quotidien avec des enjeux de long terme ? Comment organiser sa gouvernance politique et mobiliser son administration sur ces sujets, quelle que soit la taille de la collectivité ? Comment trouver les relais et les échos dans son territoire pour entraîner les autres acteurs dans une dynamique vertueuse ?

Nous avons voulu éclairer cette question du « comment » en donnant la parole essentiellement aux élus de terrain de toutes sensibilités politiques et de toutes strates démographiques.

Nous avons réalisé plus d'une trentaine d'auditions d'élus, sondé près de 150 interlocuteurs et reçu 40 contributions écrites. Ce rapport a bénéficié d'un travail de défrichage important de quatre élèves fonctionnaires de l'Institut national des études territoriales (Inet) accueillis au sein du service de la délégation aux collectivités territoriales, qui sont allés sur 36 territoires répartis sur 22 départements pour interroger élus, agents et partenaires. Ils nous ont donc permis de disposer d'une matière complémentaire pour ce rapport.

J'y insiste, nous avons voulu réaliser un rapport pragmatique, conçu comme une grande boîte à outils qui fournit des exemples de bonnes pratiques, des solutions. Chaque thème est illustré de réponses concrètes, d'exemples inspirants et de ressources pratiques.

M. Laurent Burgoa, rapporteur de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. - Le premier message est clair, la clé de la réussite d'une politique de transition environnementale est la formation et la sensibilisation de tous les acteurs : élus, collaborateurs d'élus, agents publics, préfets et sous-préfets, agents des services déconcentrés et partenaires de la collectivité.

Nous avons d'ailleurs suivi une formation sur les effets du changement climatique « la fresque du climat » au début de nos travaux et cet exercice s'est révélé extrêmement enrichissant. Nous l'avons reproduit avec d'autres collègues volontaires de la délégation, qui ont aussi apprécié cet atelier. Il est essentiel de se former. Aussi, monsieur le président, je vous suggère d'organiser au sein de votre commission cet atelier afin de permettre à nos collègues de le découvrir.

Après la sensibilisation, il est nécessaire de s'investir dans des formations plus solides, qui, certes, demandent du temps, mais fournissent des leviers de passage à l'action.

La formation entre pairs est la formule à privilégier. La formation à la transition des acteurs locaux doit être un vecteur de décloisonnement et de coopération territoriale en visant une approche décentralisée, commune et mixte.

Évidemment, nous appelons tous les élus, cabinets et agents publics à se former sur ces sujets. Investissez-vous dans les réseaux spécialisés ! Vous trouverez dans le rapport toutes les informations pour le faire. Plus précisément, nous recommandons d'ajouter, dans les conditions de délivrance de l'agrément préalable aux organismes formateurs d'élus locaux, l'obligation pour toute formation d'intégrer les enjeux de transition environnementale et de résilience territoriale.

Les élus ont aussi une responsabilité pour faire monter les habitants et les acteurs du territoire en compétence sur ce sujet-clé. Le rapport présente de nombreux dispositifs de sensibilisation et d'éducation populaire. Nous insistons sur la nécessité d'éduquer et de former la prochaine génération, afin qu'elle soit à même de comprendre les enjeux environnementaux de demain, ainsi que les changements qu'ils induisent. Nous formulons ainsi plusieurs recommandations pour renforcer la formation sur ces thèmes à l'école primaire, dans le secondaire, l'enseignement technique et supérieur, ainsi que le périscolaire.

Sur ces deux sujets, les liens avec la communauté scientifique sont un enjeu majeur ; le rapport présente diverses modalités de collaboration ainsi que des exemples inspirants.

M. Guy Benarroche, rapporteur de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. - Avant d'en venir au fond, je vous précise que les icônes apparaissant dans les diapositives figurent aussi dans le rapport mis en ligne, chacune ouvrant sur des informations portant sur des domaines très particuliers, avec des recommandations spécifiques pour pouvoir aider les collectivités. Je puis vous dire que les élus du département des Bouches-du-Rhône que j'ai rencontrés se sont montrés très intéressés par notre boîte à outils, certains l'utilisant même déjà pour démarrer un certain nombre de projets, alors qu'ils étaient jusque-là un peu démunis.

Le deuxième message des élus locaux, c'est qu'une fois que l'on est vraiment formé, le travail ne fait que commencer. La formation est nécessaire, mais elle n'est pas suffisante.

Il faut connaître les enjeux environnementaux propres de son territoire et de sa collectivité pour savoir comment agir. Il faut renforcer la capacité collective à agir, à développer son ingénierie, ses méthodes, sa capacité à faire et à s'outiller.

Connaître son territoire implique de s'approprier les sujets à l'échelle de son territoire, de creuser les problématiques et de renforcer les diagnostics.

Il ne faut pas prescrire directement des solutions qui risquent d'être insatisfaisantes ou inadaptées à sa collectivité, même si elles peuvent être séduisantes de prime abord.

Le rapport documente ce qu'est un diagnostic solide pour sa collectivité avec de nombreux exemples de collectivités qui ont remarquablement mené ce travail, très souvent seules. Grâce à ces éléments, les élus disposent de véritables guides pour l'action.

Nous recommandons de nombreux leviers concrets pour renforcer la capacité à agir des collectivités.

Nous recommandons notamment que l'État et ses opérateurs mettent gratuitement à disposition des élus locaux, de façon systématique et gratuite, un bouquet de données territorialisées relatives aux enjeux environnementaux - climat, vivant -, même pour de très petits territoires.

Nous donnons aussi de nombreuses pistes très concrètes pour renforcer la capacité à faire de chaque collectivité. Nous livrons ainsi une liste des postes qui constituent l'ingénierie de demain dans les collectivités, et qui existent déjà dans celles qui sont les plus avancées : par exemple, les économes de flux, les conseillers en énergie partagée, les chargés de mission énergie, biodiversité ou adaptation au changement climatique, ou encore les chargés du projet alimentaire territorial.

Nous demandons par ailleurs au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) de continuer à documenter les compétences à détenir dans les collectivités et leurs groupements pour réussir la transition environnementale.

M. Pascal Martin, rapporteur. - Le troisième message a trait au pragmatisme des élus de terrain, qui ont souvent opté pour la même méthodologie : viser des projets concrets, déployer une démarche progressive, évoluer vers une approche globale dite « systémique ». Tous les élus ont insisté sur le fait qu'il fallait y aller progressivement pour convaincre, vaincre les doutes, les questionnements, voire les réticences.

Les élus locaux fonctionnent par projet. Face au dérèglement climatique, la transition environnementale doit s'incarner dans des projets ciblés avant de devenir une action plus intégrée. Il faut donc des projets extrêmement concrets, des actions qui engendrent des économies, améliorent le cadre de vie et profitent à la population, par exemple la fourniture d'arbres fruitiers, l'achat de vélos d'occasion ou la gratuité des transports en commun. Il faut aussi des projets à forte transversalité, comme les projets alimentaires. C'est aussi un moyen de tirer le fil des enjeux environnementaux. Ces projets doivent entraîner les acteurs et fabriquer de la confiance, de la coopération et des alliances.

Pour contribuer à cette progressivité, nous recommandons aux collectivités de s'intéresser au programme de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) « Territoires engagés pour la transition écologique », qui accompagne déjà 400 collectivités et couvre 50 % de la population nationale, et à celui de l'Office français de la biodiversité (OFB) « Territoires engagés pour la nature ».

Nous incitons aussi les collectivités à faire un bilan à mi-mandat de révision des programmes pluriannuels d'investissement à l'aune des enjeux environnementaux, et à documenter l'impact carbone de leurs projets. Je vous renvoie au rapport d'information pour plus de détails ; vous y trouverez notamment des exemples de gouvernance.

M. Laurent Burgoa, rapporteur. - Le quatrième message a trait à la méthode de travail si l'on veut réussir une politique de transition environnementale : raconter - expliquer les enjeux et perspectives, répondre aux discours fatalistes et catastrophistes -, coopérer et rechercher l'implication citoyenne. À cette fin, le rapport d'information propose des boîtes à outils pratiques.

M. Guy Benarroche, rapporteur. - Le rapport d'information relaie trois messages revendicatifs émanant des élus.

Le premier message est une interpellation de l'État. Celui-ci doit changer de méthode : les élus ont besoin d'un État stratège et d'une contractualisation pluriannuelle locale, et non d'un État qui impose une solution uniforme et générale. Ils attendent de la cohérence dans l'action des services et agences à l'échelon local.

Pour notre part, nous suggérons une feuille de route de la transition environnementale pour l'État déconcentré, ses services et opérateurs pour gagner en cohérence et en lisibilité.

Le financement de la transition doit également évoluer : il faut en finir avec les appels à projets et instaurer un cadre contractuel global pluriannuel avec une mise en oeuvre souple, centrée sur des objectifs clairs, différenciés et réalistes, avec une évaluation simple et solide. Dans ce cadre, nous suggérons que l'État fasse des contrats de relance et de transition écologique (CRTE) les supports d'une programmation pluriannuelle des financements.

M. Pascal Martin, rapporteur- Le deuxième message revendicatif porté par les élus locaux concerne l'évolution des procédures budgétaires et comptables.

Pour atteindre la neutralité carbone, la France devra investir 66 milliards d'euros par an d'ici à 2030, soit près de 12 milliards d'euros par an pour les collectivités territoriales alors qu'elles y consacrent un peu moins de la moitié aujourd'hui (5,5 milliards d'euros). C'est dire les enjeux financiers qui sont devant nous.

Pour atteindre cet objectif, les freins ne sont pas que financiers. Nos règles budgétaires et comptables pénalisent la transition environnementale : est en cause la rigidité de la séparation budgétaire entre les sections de fonctionnement et d'investissement. Cette règle donne l'impression que les dépenses d'investissement sont forcément vertueuses et les dépenses de fonctionnement par principe à réduire. Or, en pratique, toutes les dépenses favorables à l'environnement sont des dépenses de fonctionnement. Se posent également, à titre d'exemple, les questions de la dette verte, du caractère insuffisamment incitatif de la fiscalité locale, et des effets contre-productifs du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Ainsi, les dépenses de plantation d'arbres et de « débitumisation » ont été sorties de son assiette. Cela représente un montant proche de 500 millions d'euros, équivalent à l'augmentation du fonds vert décidée il y a un peu plus d'un an.

Nous suggérons de lancer une réflexion pour proposer une évolution des règles budgétaires et comptables, afin que celles-ci soient plus favorables à la transition environnementale.

Enfin, c'est un sujet récurrent, il faut pérenniser le Fonds vert, augmenter son montant et renforcer la clé d'évaluation des projets ex ante.

M. Laurent Burgoa, rapporteur. - Le troisième message des collectivités territoriales porte sur le renforcement de l'ingénierie de la transition environnementale. Les élus soulignent en effet les faiblesses et les carences de l'ingénierie publique.

Ce besoin est multiforme. Il faut d'abord une ingénierie de premier conseil, remplissant les fonctions d'accueil et d'orientation. Nous demandons à l'État de réaliser un guide de l'accompagnement des transitions environnementales à l'attention de ses services déconcentrés, plus particulièrement des sous-préfets, qui sont des interlocuteurs privilégiés de premier niveau des collectivités. Il faut ensuite une ingénierie d'animation territoriale, pour sensibiliser et faire alliance. Il faut également une ingénierie de transfert et d'essaimage entre collectivités. Les communes rurales sont des acteurs clés de la transition environnementale. Il est cependant nécessaire de passer d'une logique de pionniers à une massification des initiatives. Il faut enfin passer d'une approche en silos à une approche plus globale et à des solutions plus systématiques.

M. Guy Benarroche, rapporteur. - J'insiste sur les changements impératifs en matière de règles de la comptabilité publique ; c'est un enjeu essentiel sur lequel les collectivités territoriales n'ont pas la main. Si elles ont pu mener un certain nombre d'actions, en parallèle de ce qui leur a été proposé par l'État, elles sont contraintes par les règles budgétaires et comptables actuelles, qui les handicapent.

En conclusion, la mission d'information s'est également intéressée à la territorialisation de la planification écologique, qui est aujourd'hui une priorité nationale, dont la responsabilité incombe, comme chef de file, au Premier ministre, avec la création d'un secrétariat général à la planification écologique qui lui est rattaché.

Les élus locaux doivent être associés à cette territorialisation : un État centralisé, même déconcentré, ne suffit pas. Il faut harmoniser les méthodes et les outils fondant les stratégies de décarbonation pour permettre un dialogue plus opérationnel entre le national et le local, ainsi qu'entre les différents documents locaux. Il faut également instaurer des cadres de gouvernance locaux, notamment en région, pour assurer la convergence des stratégies et l'atteinte des objectifs. Il faut aussi expérimenter une contractualisation du plan d'action de décarbonation de quelques collectivités, afficher de façon indicative les objectifs territorialisés, notamment via les CRTE. Enfin, sur la base du volontariat, nous invitons les collectivités à instaurer un débat annuel sur leur trajectoire locale, en lien avec les objectifs nationaux.

M. Pascal Martin, rapporteur. - Quelles suites donner à ce travail ? La fresque du climat devrait être un exercice très fortement recommandé. C'est très pédagogique et très instructif. Cela permet de comprendre les enjeux du réchauffement climatique à l'échelle planétaire. Cette initiative si elle était menée à l'échelle du Sénat serait l'occasion de démontrer tout l'intérêt de l'institution sénatoriale porté au sujet. Puisque nous demandons aux élus locaux de se former, soyons nous-mêmes exemplaires !

Ensuite, il faut contribuer à diffuser ce travail, car cette boîte à outils est utile aux acteurs de terrain : élus, directeurs généraux des services, secrétaires de mairie, services déconcentrés...

Ce rapport d'information aide à y voir plus clair et à déterminer une méthodologie. Il fournit en outre des conseils très pratiques. Je pense au recensement des acteurs. La cartographie de l'accès à la donnée utile pour les collectivités ou les pages consacrées aux outils et logiciels pertinents sont des éléments très précieux pour se repérer dans un maquis particulièrement dense.

Avec Françoise Gatel, voilà quelques semaines, nous avons remis ce rapport d'information au ministre de la transition écologique, Christophe Béchu. Nous avons eu l'agréable surprise de constater que nos travaux avaient été repris par les réseaux des collectivités et les associations nationales d'élus, qui le considèrent comme un manuel de référence concret et très documenté.

Une recommandation, parmi toutes celles que contient ce rapport d'information, me semble décisive : elle a été mise en avant par tous les élus, sans exception. Tant que nous garderons les mêmes règles budgétaires et comptables, nous serons entravés. Il faut absolument les faire évoluer, voire en imaginer de nouvelles, qui ne pénalisent pas les collectivités qui oeuvrent à s'adapter au dérèglement climatique et à en réduire l'impact.

Peut-être que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, la commission des finances et la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales pourraient organiser une journée d'étude sur le sujet ? Le Sénat réaliserait ainsi un travail très utile, sur ce qui constitue encore un angle mort à l'échelon national.

M. Jean-François Longeot, président. - Les travaux qui ont été réalisés dans le cadre de cette mission d'information ont abouti à des recommandations très concrètes, qui nous permettront de proposer des sessions de formation.

Hier, Ronan Dantec et moi-même nous sommes entendus dire que le Sénat devrait s'aligner sur l'Assemblée nationale, notamment en matière de formations et de propositions, ce à quoi nous avons répondu que nous avions été précurseurs dans de nombreux domaines, notamment en ce qui concerne la problématique des feux de forêt.

Je suis très favorable à l'organisation de sessions de formation pour l'ensemble de nos collègues, car il est important de mesurer l'utilité de ce que l'on veut mettre en place. Aujourd'hui, beaucoup de ce qui est proposé par le Sénat est déformé. Le travail réalisé dans le cadre de cette mission d'information montre bien que le Sénat, loin de caricaturer, fait montre d'un bon sens paysan pratique et pragmatique.

M. Stéphane Demilly. - Le réchauffement climatique est effectivement un enjeu contemporain crucial, avec des répercussions dans tous nos territoires : incendies de forêt, sécheresse, pénuries d'eau, tempêtes, etc.

Les maires, que Christophe Béchu a qualifiés de « hussards verts de la République », sont en première ligne. Nous devons les épauler et leur proposer des solutions. Je salue donc les travaux des rapporteurs, auxquels je souhaite poser deux questions pratiques.

La première porte sur les fortes contraintes qui existent en matière de verdissement des flottes de véhicules des collectivités. Si l'objectif est évidemment louable, l'empilement de lois et de décrets rend l'ensemble peu lisible pour les maires. Et l'offre en véhicules à faible émission (VFE) est disparate : les prix sont très élevés, et le contexte réglementaire extrêmement mouvant. Si la transition vers l'électrique peut sembler simple pour les particuliers, elle est beaucoup plus complexe pour les services municipaux. D'abord, les voitures et les motos électriques ayant une puissance suffisante pour équiper les polices municipales sont trop chères. Ensuite, alors que les véhicules utilitaires plus lourds sont visés par les quotas VFE, il y a très peu de choix en électrique : les modèles sont hors de prix, et leur autonomie extrêmement faible. Enfin, pour les véhicules de collecte de déchets, l'électrique est exclu, et l'hydrogène n'est pas encore une solution mature. Ces différentes problématiques ont-elles été évoquées au cours des travaux de la commission ? Le possible durcissement des seuils européens concernant les véhicules lourds occasionnerait de nouvelles dépenses auxquelles nos collectivités ne pourraient pas faire face.

Ma deuxième question concerne les assurances des collectivités. Dans le Nord et le Pas-de-Calais, des inondations ont causé des dégâts dépassant le demi-milliard d'euros. Les aléas climatiques à répétition provoquent une fuite des assureurs. La signature de contrats d'assurance devient de plus en plus onéreuse et complexe pour les maires. Le financement de la prévention des risques face aux catastrophes naturelles a-t-il été abordé au cours de vos travaux ?

M. Pascal Martin, rapporteur. - Nous n'avons pas évoqué ces deux questions. Nous avons surtout essayé de définir une méthode, notamment sur la gouvernance et la formation.

M. Laurent Burgoa, rapporteur. - Le problème des assurances des collectivités territoriales est réel. Des communes situées près du Rhône ne trouvent plus d'assureur. La commission des finances et la délégation aux collectivités territoriales mènent actuellement une mission de réflexion conjointe sur le sujet.

M. Fabien Genet. - Je remercie les rapporteurs de leur travail. L'état des lieux qu'ils ont dressé correspond à ce que j'observe personnellement chaque semaine lorsque je rencontre les élus de mon département, la Saône-et-Loire, qu'il s'agisse des débats sur les zones d'accélération des énergies renouvelables, de la réalisation des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) ou encore de la préparation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux. Les pistes de travail proposées me semblent tout à fait intéressantes.

Les rapporteurs ont insisté sur les objectifs à atteindre. Sur le terrain, il y a des levées de boucliers et des incompréhensions dès qu'il est question de transition environnementale. Cela m'a beaucoup frappé, par exemple, lors des débats sur l'accélération des énergies renouvelables. Les maires des petites communes me demandaient pourquoi on leur imposait de nouvelles contraintes. Il est absolument nécessaire de mieux expliquer les enjeux. D'ailleurs, là où les maires ont été associés, il y a eu une ébullition positive dans les conseils municipaux, avec un effet très intéressant de diffusion des débats auprès de la population.

Mon territoire du Grand Charolais, où l'agriculture est un sujet très important, s'est engagé dans les PCAET. Lors des réunions de présentation du dispositif, on nous expliquait que c'était d'abord au secteur agricole de faire des efforts. Tout le monde a eu l'impression que les agriculteurs étaient une nouvelle fois désignés comme boucs émissaires.

Si la transition est toujours affichée comme une priorité, avec beaucoup d'effets d'annonce, il arrive que, le temps que tout redescende sur le terrain, le discours du pouvoir central ait changé. Il me paraît donc nécessaire de prévoir un temps de mise en application des décisions...

Vous avez évoqué la question des règles budgétaires. Mais il faut aussi s'intéresser à ce qui figure dans le budget et, surtout, à ce qui n'y figure plus. Je pense notamment aux baisses de dotations de fonctionnement.

Nous devons travailler sur l'écosystème - c'est un terme que nous aimons bien ici - autour des collectivités. Je pense aux partenaires que sont les bureaux d'études ou les entreprises et les entrepreneurs. Il faut que les entreprises auxquelles les collectivités s'adressent aient le réflexe de proposer des solutions économes en énergie.

Il faut aussi assurer la formation des services de l'État, qui sont chargés de faire appliquer ce que nous votons.

M. Pascal Martin, rapporteur. - Dans notre rapport, nous nous sommes limités aux questions de méthode, qui étaient déjà assez complexes. Nous n'avons pas pu aborder tous les autres sujets.

Mais nous avons bien conscience que les budgets des collectivités sont extrêmement contraints et que nos collègues élus locaux doivent opérer des choix très compliqués.

Les réunions dans lesquelles des cabinets présentent de grands enjeux planétaires aux maires se révèlent extrêmement anxiogènes. La formation entre pairs est à privilégier : quand le maire d'une commune de 1 000 habitants s'adresse à d'autres maires de communes de taille comparable, cela a plus de poids. Et il faut toujours ramener les enjeux aux problématiques concrètes des territoires concernés.

M. Guy Benarroche, rapporteur. - Nos entretiens ont permis de faire émerger un certain nombre de propositions issues de ce que des élus locaux avaient mis en place d'eux-mêmes.

Les projets qui ont abouti sont ceux qui ont fait l'objet d'une adhésion citoyenne locale. Dans l'esprit des gens, la transition écologique doit représenter une amélioration de leur vie quotidienne.

Nous avons besoin d'outils de diagnostic permettant de savoir sur quels sujets l'on pourra agir efficacement à l'échelon local.

Nous avons rencontré des élus d'environ 200 communes et intercommunalités de tailles diverses. Ce sont la transmission et le partage des expériences qui nous permettront de réussir.

Nous sommes à votre disposition pour venir dans vos départements, afin d'échanger avec les élus territoriaux.

M. Ronan Dantec. - Ce rapport d'information est extrêmement important et précieux. Le fait que nous ayons obtenu ces fameux 250 millions d'euros en provenance du Fonds vert fléchés sur des dépenses de fonctionnement est une victoire importante. L'État reconnaît enfin que c'est sur les dépenses d'ingénierie, d'animation, de fonctionnement qu'il y a un goulet d'étranglement. Reste à savoir quelles seront les conditions de mise en oeuvre. Cela passera-t-il par le CRTE ? Je pense qu'il serait intéressant d'auditionner le ministre de la transition écologique. Se pose également la question de l'articulation avec les COP régionales. Initialement, Mme Borne considérait que la territorialisation devait plutôt passer par la région. Pour ma part, je reste convaincu que l'acteur-clé est l'intercommunalité. Le Sénat, chambre des territoires, doit créer un espace de dialogue avec le ministre.

Sur les questions budgétaires, il y avait une ouverture du côté de Bercy et de l'Assemblée nationale concernant les dépenses vertes du bloc communal. La fenêtre de tir, c'est le premier semestre de cette année.

Avec le renforcement de l'ingénierie, les 250 millions d'euros en provenance du Fonds vert et la montée en puissance d'une fonction publique territoriale de la transition écologique et climatique, quid des agences existantes ? Je ne vois pas l'utilité d'en créer une nouvelle. Il serait peut-être opportun que la commission organise une table ronde avec toutes les agences concernées. L'annonce d'une trajectoire d'adaptation à un réchauffement de 4 °C devrait donner des idées dans les territoires.

Il y a effectivement un énorme problème sur les assurances.

Nous sommes à un moment charnière. Nous avons la possibilité d'être entendus par l'État. Je sens une volonté d'ouverture de la part du ministre et du secrétariat général à la planification écologique. Ce rapport, dont je salue une nouvelle fois la qualité, arrive au bon moment. Il aura, je le crois, une efficacité.

M. Laurent Burgoa, rapporteur. - Vous proposez que le rôle de coordination soit confié aux intercommunalités. Pour notre part, nous avons plutôt choisi de le confier aux départements, d'autant que, sur certains territoires, la relation commune-intercommunalité est de plus en plus complexe...

M. Ronan Dantec. - Cela ne peut pas marcher : les politiques environnementales sont une compétence de l'intercommunalité. L'urbanisme, la mobilité ou la rénovation du parc bâti, qui sont des sujets majeurs, ne sont pas des compétences départementales. Il est possible que le département joue parfois un rôle fédérateur, sous réserve toutefois que le PCAET soit départemental. Mais cela va être compliqué pour cet échelon territorial de gérer toutes les compétences intercommunales.

Dès lors que les 250 millions d'euros du fonds vert passeront par la CRTE, il faudra prévoir dans la contractualisation le renforcement de l'ingénierie en direction des petites communes.

M. Cédric Chevalier. - Les maires sont extrêmement sensibles aux sujets qui sont abordés dans ce rapport, que je salue.

Sur les énergies renouvelables, les explications de certains services de l'État diffèrent parfois d'un territoire à l'autre, ce qui ne contribue ni à la lisibilité ni à l'accompagnement. La formation par les pairs me semble une idée extrêmement intéressante.

Introduisons un peu d'agilité. Dans le débat entre intercommunalité et département, pourquoi ne pas laisser les élus déjà engagés sur ces thématiques apprécier quel est l'échelon le plus pertinent pour agir ?

La charte climat, qui permet de faire passer un message extrêmement fort, est une très bonne initiative.

Puisque vous avez aimablement suggéré de venir échanger avec les élus locaux, pourquoi ne pas organiser une visioconférence avec l'ensemble des maires de la Marne ?

M. Hervé Gillé. - Chacun doit prendre sa part dans l'adaptation au changement climatique, selon le principe de subsidiarité. C'est ce qui ressort fondamentalement de votre rapport.

Sur le plan budgétaire et comptable, je suis convaincu que nous avons besoin d'une évolution des nomenclatures, voire d'un budget annexe retraçant les politiques locales dédiées à l'adaptation au changement climatique.

Je m'interroge sur les conditionnalités. L'enjeu est crucial, mais le travail de conviction que vous appelez de vos voeux sera-t-il suffisant ? Pour ma part, je pense qu'il peut être nécessaire d'envisager des conditionnalités - c'est le sens de l'évolution des CRTE - mieux réfléchies, et plus acceptables sur la base d'un travail partagé.

Mme Marie-Claude Varaillas. - En Dordogne, le conseil départemental a déjà misé sur l'excellence environnementale en mettant en place le 100 % bio local dans les cantines de 20 collèges du département. Nous avons également mis en place une maison numérique de la biodiversité. Cette démarche a d'ailleurs été saluée par l'Europe, et de nombreuses communes ont ensuite lancé des projets similaires. Néanmoins, cela a un coût important, et l'on se demande comment financer le déploiement du bio local dans la totalité des 38 collèges du département.

Nous sommes face à des contraintes financières insurmontables. Les départements sont sous perfusion financière de l'État, car leurs ressources sont totalement aléatoires. Cette année, nous percevrons 22 millions d'euros en moins au titre des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Or nous devons faire face dans le même temps à une explosion du nombre d'enfants bénéficiaires de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Dans ces conditions, comment pouvons-nous persévérer dans cette voie de l'excellence environnementale ?

La question de l'ingénierie ne peut pas non plus être évacuée. J'ai appris incidemment que mon département n'allait pouvoir bénéficier que de deux chefs de projet affectés au programme Villages d'avenir, dont le label concerne déjà 50 de nos villages. C'est nettement insuffisant !

M. Simon Uzenat. - Il me semble essentiel que l'État associe dès le départ les collectivités à la réflexion sur la donnée. À défaut, les collectivités n'arrivent pas à se raccrocher aux projets. Cette question d'interopérabilité des données est essentielle.

Pour vous donner un exemple, quand la loi Égalim a prescrit 50 % de produits de qualité, dont 20 % de produits bio dans les cantines, tout le monde a applaudi, mais nous ne savions pas d'où nous partions. Il s'est avéré que nous étions à 6 % de produits bio et que le retard était trop important pour être comblé dans les délais impartis.

J'ai bien noté que vous souhaitiez une évolution des règles budgétaires et comptables, mais c'est toute l'architecture de la fiscalité au bénéfice des collectivités territoriales qui doit être repensé. À titre d'exemple, il n'y a aucun levier fiscal pour encourager les collectivités à prendre la direction de l'objectif de zéro artificialisation nette. Songez que les recettes fiscales perçues par les collectivités reposent pour une part importante sur les cartes grises des véhicules et sur l'essence. On marche sur la tête ! L'autonomie fiscale et financière des collectivités est centrale. Nous devons avoir aujourd'hui un levier fiscal et financier adapté ; le Sénat peut être source de propositions à cet égard.

M. Pascal Martin, rapporteur. - Cédric Chevalier a évoqué l'impérieuse nécessité de faire preuve d'agilité. Nous partageons ce point de vue. C'est pourquoi nous avons rencontré des collectivités de strates très différentes, notamment des communes de 400 habitants, qui sont à la pointe, grâce à la mise en oeuvre d'une méthode leur permettant de ne pas apporter une réponse unique à toutes les situations.

Hervé Gillé a évoqué les règles budgétaires. En tant qu'ancien président de conseil départemental, je mesure bien les difficultés budgétaires et financières des conseils départementaux.

Il a été question de l'organisation d'une table ronde entre la commission des finances, la délégation aux collectivités territoriale et la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Évidemment, nous savons bien que la question des financements est au coeur du sujet, mais cela ne figurait pas dans le cahier des charges de cette mission d'information. Nous pouvons toutefois y revenir.

J'indique qu'une étude remarquable et novatrice de l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE) documente les scénarios de financement et d'endettement vert. Il serait d'ailleurs pertinent d'entendre un jour cet institut de recherche.

M. Guy Benarroche, rapporteur. - Le Shift Project ainsi qu'un autre opérateur ont publié à la fin de l'année dernière des rapports sur les questions financières et comptables qui vont tout à fait dans le sens des remarques que nous avons formulées.

Oui, l'agilité est absolument indispensable. Tous les acteurs que nous avons entendus dans le cadre de cette mission d'information, notamment des élus locaux - maires, représentants d'exécutifs locaux... -, ont insisté sur le fait que les projets initiaux qu'ils avaient mis en place localement l'avaient été à la suite d'initiatives qu'ils avaient prises en fonction du sens que cela avait pour leur population.

Tout cela va dans le même sens : il ne faut pas les projets soient ressentis comme une contrainte venant de l'extérieur ni qu'ils soient sans conséquence directe sur le bien-être des habitants. Il faut que cela ait du sens à l'échelon local et corresponde à une volonté.

Sans autonomie fiscale et financière, rien ne sera possible ni même envisageable. Le financement est d'ailleurs lui-même lié aux règles comptables et financières. On a évoqué l'éventualité d'avoir des budgets différenciés : certains ont même émis l'idée d'un budget vert ou d'un budget différent.

Nous avons tous des exemples d'initiatives locales qui ont permis des avancées dans le domaine de la transition environnementale, malgré toutes les contraintes financières et comptables. Je rappelle que la transition écologique ne doit pas être perçue comme une contrainte dans le quotidien des habitants ni même dans les finances d'une commune. On ne peut pas prétendre que la transition écologique contraint les habitants à des efforts particuliers ni même les communes à des budgets plus difficiles. En effet, elle est aussi une source d'économies, qui ne sont jamais calculées. Aucun budget ne mesure le coût de l'inaction : les répercussions des aléas climatiques ne sont pas assez prises en compte.

M. Pascal Martin, rapporteur. - C'est ce l'on appelle « le coût du sauvé », notion qui vient du service départemental d'incendie et de secours (Sdis) des Bouches-du-Rhône.

M. Guy Benarroche, rapporteur. - Les communes qui sont engagées dans la transition environnementale ont bien conscience qu'il s'agit non pas d'un coût, mais d'une économie et que cela a des conséquences en matière de bien-être social, de relations humaines et de finances locales.

M. Jean-François Longeot, président. - Il faut approfondir la question des économies financières liées à la transition écologique.

Dans la mesure où les inondations coûtent cher, ne pourrait-on pas éviter certaines dépenses en revoyant nos politiques d'urbanisme ? Christophe Béchu a affirmé hier que l'État rachèterait probablement un certain nombre de propriétés dans le Pas-de-Calais, ce qui est une bonne chose, puisque la plupart d'entre elles ne sont plus vendables. Ne faut-il pas par ailleurs réfléchir à une politique différente qu'il conviendrait de mener, et engager une réflexion sur la possibilité de faire autrement, dans la concertation et sans que ce soit une contrainte pour les collectivités et nos concitoyens ?

Projet de loi de finances pour 2024 - Bilan

M. Jean-François Longeot, président. - Je souhaitais enfin évoquer avec vous les suites de la navette de la loi de finances pour 2024, qui a été promulguée le 29 décembre dernier. Parmi les trente-neuf amendements déposés par nos rapporteurs pour avis au nom de la commission et examinés par le Sénat en première lecture, vingt-deux avaient été adoptés en séance publique et insérés dans le texte adopté par le Sénat. À la suite de l'échec de la commission mixte paritaire et de la lecture définitive à l'Assemblée nationale, malheureusement, seule une minorité des dispositions proposées par notre commission figure dans le texte promulgué. Le Gouvernement a en effet engagé sa responsabilité, en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, sur un texte dont il a choisi de ne retenir qu'un nombre restreint des apports suggérés par le Sénat : le prolongement de deux à trois ans de l'expérimentation du prêt à taux zéro (PTZ) pour les personnes travaillant ou résidant dans ou à proximité d'une zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m), qui découlait d'un amendement de nos collègues Hervé Gillé et Philippe Tabarot déposé au nom de notre commission ; l'augmentation de 50,5 millions d'euros des autorisations d'engagement consacrées au déploiement de la fibre optique très haut débit à Mayotte, défendue par notre rapporteur pour avis Sébastien Fagnen ; enfin, l'inflexion proposée par notre rapporteur pour avis Pascal Martin consistant à abonder à hauteur de 200 000 euros la subvention accordée à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

Je regrette toutefois que l'ensemble des autres évolutions suggérées par notre commission, a fortiori les amendements adoptés au Sénat en première lecture, n'aient pas été maintenues dans la loi de finances définitivement adoptée. Je pense notamment, pour ce qui concerne le domaine des transports, aux amendements que nous avions portés afin de soutenir la décarbonation des flottes routières, ferroviaires ou aériennes, à l'heure où il est plus que nécessaire de soutenir la transition de ces secteurs vers des modes de propulsion moins polluants. De même, les amendements relatifs à la lutte contre les nuisances sonores aériennes n'ont malheureusement pas prospéré. S'agissant de nos propositions en matière de transition énergétique et de climat, je regrette que plusieurs de nos amendements, qui visaient à prolonger la dynamique de la loi d'accélération des énergies renouvelables n'aient pas été retenus dans le texte définitif.

Il n'en demeure pas moins que la loi de finances pour 2024 comporte un certain nombre d'évolutions importantes en matière d'aménagement du territoire et de développement durable, qui intéressent notre commission au premier chef.

Ainsi, le texte crée, à son article 100, une taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance, que le Conseil constitutionnel a estimé conforme à la Constitution.

Le malus automobile, prévu à l'article 97, est renforcé à travers un durcissement des barèmes des malus CO2 et masse et la suppression du plafonnement du montant du malus CO2 à 50 % du prix de vente du véhicule.

L'article 101 de la loi de finances pour 2024 relève le plafond mordant des recettes affectées aux agences de l'eau et réforme les redevances hydriques, à travers la création d'une redevance sur la consommation d'eau potable ainsi que de redevances pour la performance des réseaux d'eau potable et des systèmes d'assainissement collectif. La version promulguée n'a, en revanche, pas retenu la hausse des redevances dues par les agriculteurs sur les pesticides et l'irrigation, qui figurait dans le texte initial.

Un nouveau zonage France Ruralités Revitalisation a été instauré, à compter du 1er juillet 2024, qui se substituera aux zones de revitalisation rurales (ZRR).

Je me félicite de la prise en compte partielle des propositions de la commission, portées par Rémy Pointereau, dans la version finale : le maintien du nombre actuel de communes classées, l'exclusion de certaines communes urbaines et la prise en compte des spécificités des zones de montagne sont autant de réponses aux revendications que nous martelons depuis des mois. La réforme est cependant loin d'être parfaite : en pérennisant la maille intercommunale et en conservant les critères de classement actuels, ce projet de loi prolonge les lacunes du zonage, par facilité administrative. Le projet alternatif de notre commission, qui prend la forme d'une proposition de loi déposée par Rémy Pointereau, reste nécessaire, j'en suis convaincu. Je continuerai à plaider pour l'inscription à l'ordre du jour de ce texte indispensable. Nous attendons par ailleurs le classement par départements, que je ne parviens pas à obtenir, malgré mes demandes répétées. Je crains que nous ne tombions de l'armoire le jour où nous en prendrons connaissance !

De même, une refonte du dispositif MaPrimeRenov' est engagée, afin de renforcer l'efficacité des aides versées en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments et les crédits alloués au fonds chaleur augmentent, pour atteindre 820 millions d'euros.

Je me félicite également que le Gouvernement ait entendu les alertes du Sénat concernant le dispositif de suramortissement vert pour les navires, dont le projet de loi de finances initial conduisait à réduire grandement la portée au motif d'une mise en conformité avec le droit européen. Le Gouvernement a finalement introduit un dispositif alternatif, permettant de respecter le cadre européen tout en préservant l'efficacité de cet outil essentiel à la transition écologique du transport maritime.

Je note enfin qu'une proposition du rapport d'information de Marta de Cidrac consacré à la prévention et à la gestion des déchets d'emballages a été traduite dans la loi de finances : l'article 150 permet ainsi une instauration partielle de la tarification incitative par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dans les seuls territoires des communes qui disposent d'une proportion de logements collectifs inférieure à 20 %.

Notre commission sera particulièrement attentive, dans le cadre de ses futurs travaux législatifs ou de contrôle, aux conditions de mise en oeuvre de ces réformes d'ampleur et à leur évaluation.

Je vous remercie de l'implication de chacun d'entre vous pour la défense de nos amendements qui nous permet, au-delà de nos sensibilités politiques, de travailler collectivement au nom de la commission.

Évaluation de l'application de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement - Désignation d'un rapporteur

M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, dans le cadre de l'évaluation de l'application des lois chère au président Larcher, nous devons à présent procéder à la nomination d'un rapporteur afin de dresser un bilan de l'application de la loi de 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité (OFB), modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement.

La bonne application des lois, l'analyse de leurs effets dans le temps et leur déploiement dans les territoires sont des marques de fabrique du contrôle parlementaire exercé par le Sénat. Une fois les lois votées, le citoyen pense trop souvent que le législateur se désintéresse des mesures d'application. L'action du Sénat au quotidien vient contredire cette affirmation erronée : je mentionnerai en premier lieu le bilan de l'application des lois, que les commissions établissent chaque année pour les textes entrant dans leur champ de compétence.

Pour autant, il ne s'agit que de la partie émergée de l'iceberg du contrôle sénatorial : chaque semaine, les auditions plénières ainsi que les auditions des rapporteurs revêtent toujours une dimension évaluative des lois existantes, afin de déceler les malfaçons et les inadaptations législatives, dans une logique d'évaluation continue. À cette fin, il me paraît particulièrement opportun que notre commission s'intéresse à l'évaluation de la loi de 2019 créant l'OFB, dans un contexte où les missions confiées à cet établissement public augmentent à mesure de la progression de l'acuité des enjeux de biodiversité dans l'ensemble des politiques publiques.

Le déploiement de la stratégie nationale pour la biodiversité 2030 et le doublement des crédits budgétaires consacrés cette année à la préservation du vivant et à la restauration des écosystèmes conduisent à renforcer le rôle de l'OFB en matière d'appui aux politiques environnementales, de gestion des espaces protégés et de police de l'environnement.

Cette mission pourrait s'intéresser aux modalités d'intervention territoriale de l'OFB et de ses antennes auprès des élus locaux, des agriculteurs et des chasseurs, au renforcement des volets prévention et accompagnement des acteurs face à des normes environnementales dont la compréhension n'est pas toujours aisée, tout en évaluant la manière dont sont menés les contrôles et la police administrative.

Pour mener à bien ces travaux, j'ai reçu la candidature de M. Jean Bacci.

La commission désigne M. Jean Bacci rapporteur pour l'évaluation de l'application de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité (OFB), modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement.

La séance est close à 12 h 25.