Mercredi 3 avril 2024

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement - Examen en troisième lecture des amendements au texte de la commission

M. Claude Raynal, président. - Nous commençons notre réunion par l'examen, en troisième lecture, des amendements de séance au texte de la commission sur la proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France (EDF) d'un démembrement.

EXAMEN DE L'AMENDEMENT DU RAPPORTEUR

Article 2

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - L'amendement n°  5 vise à réintroduire dans le texte la référence au contrat décennal conclu entre l'État et l'entreprise Électricité de France, introduit par la commission des finances du Sénat. Ainsi, dans la rédaction proposée initialement, il était prévu que l'actualisation dudit contrat tous les trois ans devait aboutir à définir des perspectives pour les dix années à venir. Néanmoins, l'Assemblée nationale a supprimé la précision selon laquelle la révision triennale devait conserver le principe d'un contrat décennal.

Cet amendement a vocation à être retiré en séance publique dès lors que le ministre aura confirmé que, en pratique, c'est bien un contrat décennal qui sera redéfini à l'occasion de l'actualisation opérée tous les trois ans.

L'amendement n° 5 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article 2

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - L'avis est défavorable sur les amendements nos  3, 1, 4 et 2, la commission ayant retenu le principe d'un vote conforme de ce texte de manière qu'il soit promulgué aussi vite que possible et que la question des tarifs réglementés de vente de l'électricité soit réglée.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos  3, 1, 4 et 2.

La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :

TABLEAU DES AVIS

Article 2

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. SZCZUREK

3

Mise en oeuvre, dans un délai de quatre mois après la publication de la présente loi, d'une opération d'actionnariat salarié, portant au moins sur 2 % du capital.

Défavorable

M. CANÉVET

1 rect.

Rétablissement du caractère obligatoire de l'actionnariat salarié, tel qu'il résultait du texte adopté par le Sénat en deuxième lecture.

Défavorable

M. CANÉVET

4 rect.

Mise en oeuvre, dans un délai de trois mois après la publication de la présente loi, d'une opération d'actionnariat salarié et, à défaut, établissement d'une "prime de sortie" à destination des salariés et anciens salariés qui ont cédé leurs titres dans le cadre du retrait obligatoire.

Défavorable

M. GAY

2

Sanctuarisation, au niveau législatif, de la détention intégrale par EDF de sa filiale ENEDIS.

Défavorable

La réunion est close à 9 h 10.

La réunion est ouverte à 9 h 15.

Audition de M. Rémy Rioux, directeur général de l'Agence française de développement (AFD)

M. Claude Raynal, président. - Nous recevons ce matin M. Rémy Rioux, directeur général de l'Agence française de développement (AFD).

Comme vous le savez, mes chers collègues, l'AFD, qui est à la fois un établissement public industriel et commercial (Épic) et une société de financement, constitue désormais le principal opérateur de notre politique de développement puisque près de 30 % de l'aide publique au développement (APD) française transite par le groupe AFD. Ce dernier se compose à la fois de l'agence AFD et de sa filiale tournée vers le secteur privé, Proparco, ainsi que d'Expertise France.

Tout en restant placée sous la tutelle, à la fois, du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, du ministère de l'économie et des finances et du ministère de l'intérieur et des outre-mer, l'AFD est non seulement chargée de l'application de notre politique de développement, mais elle participe également à sa conception. L'activité de l'Agence se déploie à la fois à l'étranger et dans les collectivités d'outre-mer.

Le volume d'activité du groupe AFD s'est stabilisé ces dernières années autour de 12 milliards d'euros d'engagements après avoir atteint un pic de 14 milliards d'euros en 2020. La majeure partie de ces engagements est constituée de prêts souverains et non souverains, les dons représentant seulement 15 % de l'activité de l'agence.

Notre audition s'inscrit dans un contexte particulier pour notre politique d'aide publique au développement.

Près de trois ans après son entrée en vigueur, les orientations de la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales ont été partiellement révisées lors des réunions du Conseil présidentiel du développement et du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid) à l'été 2023. Cette révision a notamment conduit à l'abandon de la liste des 19 pays prioritaires de l'APD française au profit d'une concentration sur les 46 pays les moins avancés.

Les conclusions du comité interministériel entendent également renforcer la coordination de notre politique de développement avec d'autres politiques publiques, en particulier la politique migratoire et la diplomatie économique.

Ces nouvelles orientations devraient être traduites dans le prochain contrat d'objectifs et de moyens (COM) conclu entre l'AFD et sa tutelle. La conclusion de ce contrat et sa transmission au Parlement tardent néanmoins à se concrétiser. Nous aimerions vous entendre sur ce point.

Par ailleurs, la mission « Aide publique au développement » se trouve particulièrement concernée par les annulations de crédits opérées par le décret du 21 février dernier. Ce sont ainsi 742 millions d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et de crédits de paiement (CP) qui sont annulés pour l'exercice 2024. Si le montant total des annulations portant sur l'enveloppe budgétaire dédiée à l'AFD n'est pas connu, les informations transmises à la commission des finances par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères indiquent que l'aide-projet portée par l'agence se trouvera diminuée de 120 millions d'euros en AE et de 168 millions d'euros en CP. Sans doute pourrez-vous nous éclairer sur l'impact de la réduction de cette enveloppe ?

M. Rémy Rioux, directeur général de l'Agence française de développement. - Je suis très honoré de m'exprimer devant vous ce matin, tant les liens entre l'AFD et le Sénat sont nombreux. Ainsi, à son conseil d'administration siègent Isabelle Briquet, Alain Joyandet, Annick Girardin et Olivier Cadic. L'Agence est à votre disposition dans vos déplacements ou pour répondre à vos questions sur nos activités.

Il est plus rare que je m'exprime devant la commission des finances, le faisant habituellement devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui vote notamment sur la nomination du directeur général de l'AFD.

Je veux ce matin vous rendre compte de la transformation de l'Agence, qui est la seule institution financière publique, en dehors du groupe Caisse des dépôts. Son bilan financier était, à la fin de 2023, de 70 milliards d'euros, d'où la nécessité pour nous de rendre compte de notre gestion devant votre commission, dans des zones où la gestion du risque n'est pas toujours aisée et où la France investit.

Nous avons désormais atteint une taille critique et nous nous intéressons à la finance durable et veillons à une orientation des flux financiers plus équilibrée entre les différentes régions du monde. Le rôle des banques publiques de développement en particulier est au coeur de cette problématique.

L'AFD n'est en rien autonome. Son cadre de gouvernance est le suivant : un Conseil présidentiel du développement présidé par le Président de la République ; un Cicid présidé par le Premier ministre ; trois ministères de tutelle ; un cosecrétariat du Cicid assuré par la direction générale de la mondialisation et la direction générale du Trésor ; un comité d'orientation stratégique ; un conseil d'administration qui se réunit tous les mois pour approuver l'essentiel des projets. Depuis ma nomination en 2016 en tant que directeur général de l'AFD, je me suis rendu à environ 150 auditions.

Le pilotage à l'échelon local est assuré par nos ambassadeurs.

La loi du 4 août 2021 a mis en place une convention-cadre entre l'État et l'AFD, un COM et une lettre d'objectifs à l'attention du directeur général.

Le Gouvernement doit nous transmettre dès que possible un nouveau COM, le précédent étant parvenu à son terme. Évidemment, la correction de la trajectoire budgétaire et sa projection sur les trois prochaines années en retardent la transmission.

Vous le savez, la politique de développement est en train d'être redéfinie, avec le passage d'une politique d'aide à une politique d'investissement solidaire et durable, dont le cadre n'est pas encore fixé.

Aux termes de la loi précitée, l'AFD est désormais un groupe, auquel ont été adjoints Proparco, qui finance les clients privés, et Expertise France, agence rassemblant les opérateurs de coopération technique des différents ministères, désormais adossée, donc, à la banque internationale de la France qu'est l'AFD. À la coopération financière s'ajoutent donc de la coopération humaine et de la coopération technique.

Nous entretenons par ailleurs des liens forts avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC), notre « grande soeur » domestique.

Nous avons ouvert récemment à Marseille un grand centre de formation, le Campus Groupe AFD, où nous formons nos salariés, nos clients et tous ceux qui contribuent à cette politique.

Les résultats pour 2023 seront approuvés par notre conseil d'administration au mois d'avril ; je vous donne donc les chiffres pour 2022. L'AFD est sur un modèle économique robuste. Son produit net bancaire dépasse pour la première fois 1 milliard d'euros, avec un résultat de 456 millions d'euros. Nous versons au budget de l'État un dividende fixé à 20 % de ce résultat. J'y suis très favorable : c'est une discipline nécessaire pour les entreprises publiques.

Le bilan consolidé s'établit à un peu plus de 70 milliards d'euros à la fin de 2023, avec un ratio de solvabilité de presque 15 %. En tant que société de financement, nous sommes régulés par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

Nos engagements se sont montés à 14 milliards d'euros en 2019, avant de redescendre à 12 milliards d'euros, mais sans compter les financements européens, environ 1 milliard d'euros par an, et les financements récoltés auprès de la Fondation Gates, par exemple. C'est ce qui nous a permis de finir l'année 2023 avec des engagements à hauteur de 13,2 milliards d'euros. Il convient d'y ajouter les contrats conclus par notre filiale Expertise France, soit près de 700 millions d'euros - l'activité d'Expertise France a crû de 72 % l'année dernière par rapport à 2022, avec le déploiement de près de 1 300 experts, à mettre en regard avec les 4 500 collaborateurs que compte notre groupe.

Nos ressources budgétaires proviennent essentiellement du programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », géré par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, et du programme 110 « Aide économique et financière au développement », géré par le ministère chargé des finances, deux programmes rattachés à la mission « Aide publique au développement ».

Le programme 110 porte essentiellement sur les bonifications des prêts, qui sont très cycliques en fonction de l'évolution des taux. Ce sont 1,7 milliard d'euros qui ont été inscrits à ce titre, mais, compte tenu de la baisse des taux, nous rendons dans un premier temps 250 millions d'euros.

Le montant des crédits du programme 209 affectés à l'AFD était de 1,7 milliard d'euros en 2019, soit 45 % du programme ; en 2024, ce montant devrait être de 1,04 milliard d'euros, soit 30 %.

D'après ce qui m'a été dit, 120 millions d'euros en AE et 168 millions d'euros en CP devraient être annulés, soit 10 % de notre capacité en subventions. C'est donc un effort important, dont je me réjouis néanmoins : c'est le signe que la politique de développement est redevenue une politique publique comme les autres alors qu'elle avait plus ou moins disparu. Ayant été le directeur de cabinet d'un ministre des finances qui a ajusté de plus de 1 % les finances publiques, je considère qu'il est normal qu'un établissement comme celui que je dirige contribue à la préservation de sa note par la France.

L'AFD représente donc environ la moitié de l'aide publique au développement bilatérale de la France, soit un gros tiers du total de l'aide au développement. Elle est présente dans 160 pays, avec une organisation en quatre départements géographiques : Afrique ; Amérique latine ; Orients, qui s'étend des Balkans jusqu'à l'Indonésie ; Trois Océans - historiquement, nous sommes la banque publique des territoires ultramarins de la République et nous voulons encourager les synergies avec les territoires qui leur sont voisins.

L'AFD et Proparco investissent chaque année 5 milliards d'euros au nom de la France en Afrique, soit 40 % de l'activité de l'agence - nous avons du mal à tenir notre objectif de 50 %. Dans le cadre du programme Choose Africa, nous oeuvrons en particulier en direction de l'entrepreneuriat, de la création d'emploi, de la jeunesse africaine.

Nous sommes évidemment présents dans les autres pays en crise. Ainsi, nous confirmons un mandat du groupe en Ukraine, où nous allons ouvrir un bureau. Nous sommes déjà présents en Géorgie, en Moldavie, dans les Balkans.

Au moyen du fonds spécial Minka, nous menons de nombreuses actions au Sahel et au Proche-Orient.

Nous sommes également très présents dans les pays engagés dans la transition énergétique et la transition bas-carbone.

L'engagement de l'AFD outre-mer se chiffre environ à 1 milliard d'euros - des financements en direction des secteurs public et privé.

En tant que banque publique de développement, nous jouons un rôle particulier aux côtés des autres opérateurs nationaux.

Depuis l'accord de Paris de 2015, l'AFD porte la quasi-totalité des engagements financiers internationaux de la France en faveur du climat, soit 7,5 milliards d'euros l'année dernière. Deux ans avant l'échéance, à la fin de 2023, nous avons dépassé le milliard d'euros de financements pour la biodiversité.

En matière sociale, nous sommes très engagés en faveur de l'égalité femme-homme. Plus de la moitié de nos projets ont un effet sur l'égalité de genre. Nous oeuvrons également en faveur de la francophonie et avons fait du sport, à l'approche des jeux Olympiques, une grande cause internationale.

Bien sûr, nous rendons des comptes. De nombreuses évaluations sont disponibles en ligne et nous publions beaucoup d'informations et d'analyses, qui sont versées au débat public. Chaque année, au mois de janvier, nous publions un ouvrage synthétique et thématique sur l'économie africaine. Récemment, nous avons publié un atlas sur l'Amérique latine. Sans compter les publications plus techniques.

Notre groupe contribue aux priorités stratégiques des plans France 2030 et France Nation verte, dans le prolongement de la stratégie économique française et de réindustrialisation.

Nous essayons d'associer tous les acteurs français qui le souhaitent : les collectivités locales, au travers des projets de coopération décentralisée, que nous cofinançons ; les entreprises françaises, que nous accompagnons - nous leur avons rapporté plus de 6 milliards d'euros de contrats ces trois dernières années, et dans trois projets sur quatre de l'AFD, un acteur français est associé - ; les organisations de la société civile française et des pays du Sud, avec des financements à hauteur de presque 200 millions d'euros.

Notre agence dialogue avec beaucoup d'autres acteurs internationaux pour essayer de contribuer à la transformation et à la réorientation des systèmes financiers. Le groupe AFD est membre des trois principaux réseaux européens de banques et agences de développement : le Jefic (Joint European Financiers for International Cooperation), qui rassemble, outre l'AFD, la KfW allemande (Kreditanstalt für Wiederaufbau), l'Aecid espagnole (Agencia Española de Cooperación Internacional para el Desarrollo), la CDP italienne (Cassa Depositi e Prestiti), et la BGK polonaise (Bank Gospodarstwa Krajowego) ; Edfi (European Development Finance Institutions), qui rassemble les quinze banques publiques européennes dédiées au financement du secteur privé à l'international ; Practitioners' Network for European Development Cooperation, réseau de praticiens rassemblant les agences de coopération technique.

À ces trois piliers, il faudrait ajouter les agences de crédit export comme Bpifrance. La Commission européenne cherche, avec nos banques internationales et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd), à faire des montages financiers de taille plus importante et à revenir dans le domaine des infrastructures, en essayant de combiner les instruments de façon plus ambitieuse à l'international.

Nous sommes devenus le premier partenaire de la Banque mondiale, avec laquelle nous avons monté pour près de 20 milliards d'euros de cofinancements depuis cinq ans.

Au-delà des banques multilatérales et des banques européennes, nous avons été très actifs ces dernières années au sein de l'IDFC (International Development Finance Club), qui rassemble les 27 plus grandes banques publiques de développement du monde en deçà des banques multilatérales, c'est-à-dire plutôt des banques nationales.

En invitant les banques multilatérales de développement à se joindre à nous, nous avons lancé en 2020 un mouvement qui s'appelle Finance in Common, qui vise cette fois à mieux identifier le rôle des banques publiques et à les rassembler. Nous en avons dénombré 530 dans le monde, qui représentent 2 500 milliards de dollars d'investissement chaque année, ce qui correspond à peu près aux besoins pour financer la transition. Dans ce cadre, nous essayons de favoriser la coopération entre toutes ces institutions, jusqu'à la Caisse des dépôts en France.

Je conclus en évoquant la nouvelle situation du monde en matière de revenu par tête : entre 1970 et 2022, on est passé d'un monde « en chameau » à un monde « en dromadaire ». En lieu et place d'une dichotomie pays très pauvres/pays très riches est apparue une sorte de grande classe moyenne du monde émergent.

M. Claude Raynal, président. - Les questions qui suivront vous donneront l'occasion de préciser certains points. Par ailleurs, nous pouvons nous référer au document très complet que vous avez transmis à chacun d'entre nous.

M. Michel Canévet, rapporteur spécial de la mission « Aide publique au développement ». - Merci, monsieur le directeur général, de cette présentation. Le COM 2020-2022 est arrivé à échéance, tandis que le nouveau n'a pas été encore engagé. Dans ce précédent contrat, l'AFD s'était fixé comme objectif d'évaluer 50 % des projets financés. L'objectif sera-t-il différent dans le prochain COM ?

Concernant le siège de l'AFD, qui est chargé de la commercialisation ou de l'attribution des mètres carrés disponibles ?

Par ailleurs, le dernier Cicid a revu la liste des 19 pays prioritaires, lui substituant la notion de « pays les moins avancés », au nombre de 46. L'action de l'AFD s'en trouvera-t-elle redéfinie ?

Comment l'AFD s'est-elle saisie en particulier des conseils locaux de développement, créés par la loi du 4 août 2021 ? Fonctionnent-ils partout ?

Comment l'Agence intervient-elle outre-mer ? En dépit des investissements qu'elle y réalise, on constate encore de nombreuses insuffisances en matière d'infrastructures. Comment corriger cela ?

M. Raphaël Daubet, rapporteur spécial de la mission « Aide publique au développement ». - Je vous remercie à mon tour pour votre présentation.

Vous avez évoqué le travail que mène l'AFD avec ses partenaires européens et internationaux : au regard des dernières restrictions budgétaires, envisagez-vous de vous diversifier en particulier en mobilisant de nouveaux financements européens ?

Quel regard portez-vous sur le retard d'installation de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement ?

Dans ses dernières conclusions, le Cicid mentionnait le renforcement de la dimension d'influence économique dans le mandat de l'AFD. Comment cette orientation va-t-elle se traduire dans le nouveau COM ? L'AFD entend-elle valoriser les contributions des entreprises françaises à ses projets ? Selon quels moyens ?

L'agence Expertise France est rattachée au groupe AFD depuis le 1er janvier 2020. Quelles sont les conséquences pratiques de ce rapprochement ? À l'échelle du groupe, les fonctions supports ont-elles été fusionnées ? Sur le terrain, a-t-on observé un rapprochement entre les équipes et un partage des locaux ? Bref, comment s'est passée la fusion de ces deux structures ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Merci, monsieur le directeur général, de cette présentation. Cette audition intervient alors que le nouveau COM ne vous a pas été signifié, ce qui ne manque pas de surprendre quand on sait l'importance des réalités budgétaires, et ce dans un contexte de correction de trajectoires budgétaires. Chaque euro investi devra être un euro utile, dans un temps de frugalité. Tout le monde sera concerné.

Lors de l'examen de la dernière loi de finances, les rapporteurs spéciaux Michel Canévet et Raphaël Daubet avaient déposé un amendement visant à réduire de 150 millions d'euros les crédits de paiement ouverts au titre de l'aide-projet gérée par l'AFD. En séance, la ministre avait émis un avis défavorable en expliquant qu'il était impossible de diminuer le montant des crédits de paiement alloués à l'AFD.

Or, quelques semaines plus tard, le même gouvernement prend un décret réduisant lesdits crédits ! Avez-vous, monsieur le directeur général, des explications recevables à nous fournir ? Selon vous, quelle est la part des crédits pilotables au sein de l'enveloppe qui vous est allouée ?

Le Premier ministre et le ministre de l'économie et des finances ayant invité chacun à explorer les pistes d'économies, en avez-vous identifié dans les crédits budgétaires qui vous sont alloués ?

La présence de la France est contestée au Sahel. Ne pensez-vous pas, dès lors, qu'il faudrait mettre en valeur l'aide française au développement ? Faute de quoi, nous pourrions avoir le sentiment de payer pour être chassés, ce que je ne peux cautionner.

M. Hervé Maurey. - Le Président de la République, en juin dernier, s'était engagé en faveur d'un sursaut de solidarité internationale et d'un choc des financements publics. On sait ce qu'il en est advenu et je ne reviens pas sur le coup de rabot que vous avez à subir. Vous nous direz sans doute tout à l'heure comment vous allez faire avec cette réduction de vos crédits.

L'effort demandé à l'AFD ne pourrait-il pas être un peu plus important ? L'aide au développement a augmenté de 50 % en cinq ans, passant de 10 milliards à 15 milliards d'euros. Est-ce justifié ? Existe-t-il des gisements d'économies dans votre fonctionnement, étant entendu que vous comptez 4 500 collaborateurs et allez occuper un siège social de 50 000 mètres carrés ? De même, laissent songeur un certain nombre de projets que vous avez décidé de subventionner lors de votre comité du mois de juillet : 350 000 euros pour influencer les influenceurs ; 500 000 euros pour former les ambassadeurs à l'écocitoyenneté ; 523 000 euros pour une société dirigée par Mme Duflot afin de « réconcilier l'opinion des citoyens français avec l'immigration ».

Je n'ai pas vraiment l'impression qu'il y ait à l'AFD, comme dans d'autres institutions d'ailleurs, une culture de l'évaluation. L'objectif d'une évaluation de 50 % des projets a-t-il été atteint ? Peut-on faire mieux ? Ces évaluations sont-elles accessibles ?

M. Antoine Lefèvre. - L'AFD cherche à répondre aux besoins des populations à l'occasion des multiples crises et conflits qui créent des problématiques nouvelles et constituent un frein au développement. Pouvez-vous nous indiquer si l'AFD est directement impliquée en Ukraine et si elle envisage de s'impliquer dans la bande de Gaza, et sous quelle forme ?

Michel Canévet a évoqué la suppression de la notion de « pays prioritaires de l'aide française » pour lui substituer une liste de « pays les moins avancés ». Lors de l'examen de la loi de finances, nous avions pointé le risque de saupoudrage et de dispersion de l'aide, notamment au travers des dons-projets. Ce risque s'est-il confirmé sur le terrain ?

Mme Isabelle Briquet. - Merci, monsieur le directeur général, de cet exposé, d'autant que nous n'avons pas coutume de vous recevoir.

Bruno Le Maire a annoncé la baisse de 742 millions d'euros des crédits de l'aide publique au développement. Quelles pourront être les conséquences de ce coup de rabot sur les dons, notamment en faveur des pays les moins avancés ? Cette réduction aura-t-elle également des répercussions sur les prêts bonifiés, notamment à destination des pays les plus pauvres ? Notre soutien est important pour les aider à enclencher des mécaniques vertueuses.

Vous avez récemment reçu la présidente de la Moldavie, qui a besoin de notre soutien. Comment va s'organiser concrètement le soutien aux populations des Balkans fragilisées et quels sont les enjeux pour l'AFD et pour notre pays de la reconstruction en Ukraine ?

M. Jean-Raymond Hugonet. - En tant que rapporteur spécial de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avance à l'audiovisuel public », j'aimerais que vous nous en disiez plus sur le périmètre exact de votre action à destination de l'audiovisuel extérieur, que nous considérons ici comme un atout majeur pour le rayonnement de la France. Les crédits engagés sont-ils suffisants au regard de la concurrence internationale, notamment celle de la Russie et de la Chine en Afrique ?

Qu'en est-il de ce que j'appellerai le financement « intertutelles » et de vos rapports avec le ministère de la culture ?

M. Marc Laménie. - Je vous remercie pour cette présentation pédagogique de l'AFD.

Comment se répartissent vos effectifs entre le siège parisien et vos autres implantations ? À quel niveau vos collaborateurs sont-ils recrutés ?

Je suis le seul membre de la commission des finances à être également membre de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, présidée par Dominique Vérien. Les problématiques auxquelles elle s'intéresse sont nombreuses. Quelles actions menez-vous en la matière et avec quel budget ?

M. Vincent Éblé. - Merci de votre exposé et des documents éclairants que vous nous avez transmis. Nous mesurons l'importance de l'action de l'AFD, singulièrement en Afrique, territoire éminemment stratégique.

Vous nous avez dit avoir réuni l'ensemble des stratégies territoriales propres à l'Afrique dans une seule entité. C'est un territoire qui est marqué par des évolutions lourdes au regard des positionnements géostratégiques d'un certain nombre de nations, en particulier dans la bande subsahélienne, qui est désormais assez hostile aux intérêts français. J'ai établi des relations anciennes et assez étroites avec un certain nombre de partenaires au Maroc ; la normalisation en cours de nos relations avec ce pays est perçue par les milieux économiques et universitaires comme un moyen d'approcher l'Afrique subsaharienne par l'intermédiaire du Maroc. Est-ce votre opinion ? Avez-vous, vous-même, une stratégie d'approche de l'Afrique subsaharienne via des partenaires étrangers, en particulier en Afrique du Nord ?

M. Vincent Delahaye. - Monsieur le directeur général, j'ai trois questions à vous poser.

La première, qui avait motivé mon vote contre la loi d'août 2021, porte sur le siège social de l'AFD : 1 milliard d'euros, 50 000 mètres carrés - dont 8 300 ne seront pas occupés par vous. Cela me dépasse un peu au regard de la situation financière de notre pays.

Deuxième question : l'absence de ciblage de l'aide au développement. Celle-ci doit, selon moi, cibler principalement les pays les plus pauvres. Quelle est la part de l'AFD dans le soutien apporté aux 46 pays les moins avancés, étant entendu que, selon vos propos, vous avez du mal à atteindre le seuil de 50 % s'agissant des pays africains ?

Ma troisième question porte sur la comparaison entre les engagements et les versements annuels. Sauf erreur, il s'agit de flux et non pas de stocks. Or on constate que les versements sont nettement inférieurs aux engagements. Cet écart est-il cumulatif ? Est-ce à dire que des engagements ne sont pas honorés ?

M. Didier Rambaud. - Notre relation avec le continent africain a une longue histoire. Or une réorientation géographique de l'aide publique au développement pourrait conduire à une moindre concentration de l'activité de l'AFD sur le continent africain. J'ai noté que, en 2023, près de 38 % de ses interventions étaient tournées vers l'Afrique. En raison du contexte géopolitique, la majeure partie des projets qui étaient en cours au Mali, au Burkina Faso ou au Niger ont été clôturés ou sont sur le point de l'être. Cette moindre concentration ne risque-t-elle pas d'aggraver le ressentiment de l'Afrique vis-à-vis de la France, alimenté par la Russie et les réseaux Wagner ?

M. Pascal Savoldelli- Merci pour cet exposé. Une suggestion : l'AFD devrait communiquer davantage sur les retombées positives de ses actions pour les entreprises françaises : 71,4 % des projets du portefeuille de l'AFD impliquent des entreprises françaises, selon votre document. Je ne dis pas qu'il ne faut pas faire d'économies, mais veillons à tenir un propos équilibré - je m'adresse à mes collègues de la majorité sénatoriale.

S'agissant de la coopération décentralisée, je m'étonne que seulement 53 collectivités soient engagées dans la Facilité de financement des collectivités territoriales (Ficol), avec 10 projets en 2022 et 13 en 2023, représentant 48 millions d'euros. Qu'envisagez-vous de faire pour développer la coopération décentralisée ?

Que pensez-vous de la situation au Mali ? Les ponts ont été coupés avec la France, mais la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) vient de lever les sanctions. Que fait-on ?

Isabelle Briquet vous a interrogé à juste titre sur l'Ukraine. Pour ma part, je voudrais savoir ce que fait l'AFD dans les territoires palestiniens occupés, où la situation est dramatique.

Sinon, je n'ai pas bien compris l'image du « dromadaire » et du « chameau »... Plutôt que d'un monde à deux dimensions, il me paraît plus juste de parler d'un monde multipolaire.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Pourriez-vous nous donner des détails sur les investissements, d'un montant de 200 millions d'euros, que vous avez estampillés « jeux Olympiques » ?

M. Jean-François Rapin. - Ma question est assez politique : l'influence française est-elle proportionnelle à l'argent qu'elle consacre à l'aide publique au développement ? L'impression prévaut que plus nos contributions augmentent, moins nous gagnons en influence.

M. Christian Bilhac. - L'aide publique au développement représente 30 % de l'aide au développement de la France. Cela veut dire que 70 % de celle-ci passe par d'autres canaux. Existe-t-il des doublons et, donc, des sources d'économies ? Certains de ces doublons ne seraient-ils pas source de contradictions, au risque de perdre en efficacité ? N'existe-t-il pas notamment des doublons administratifs ?

L'AFD est chargée du développement : quelle part de vos crédits y est affectée ? Autrement dit, quelle part est consacrée à l'administration ou - pour employer un mot plus « dur » - à la bureaucratie ?

M. Victorin Lurel. - Dans la foulée de ce qu'a dit Vincent Éblé, je note un objectif de financement de 2 milliards d'euros entre 2017 et 2022 de projets au Maroc. J'imagine que vous intervenez dans d'autres régions du monde. Le monde est divisé au moins en trois parties : l'Est, le Sud - le Sud global, pour certains -, et l'Ouest - l'Occident. Or une division géopolitique est en train de se créer avec les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), groupe que de nombreux pays veulent rejoindre. En tant qu'institution financière, je suppose que vous êtes impliqué dans les échanges bancaires internationaux. Or les Brics sont en train de créer deux ou trois réseaux interbancaires internationaux, à côté de Swift. Quel est votre rôle en la matière, dans ce combat pour l'hégémonie notamment monétaire ? L'AFD a-t-elle une stratégie ?

Enfin, quelle est votre activité en Haïti ? J'ai l'impression que la France a disparu de ce pays.

M. Rémy Rioux. - De quelles marges disposons-nous pour un ajustement budgétaire ? Il faut bien comprendre que l'AFD ne reçoit pas de subventions de fonctionnement ; nous sommes rémunérés par les prêts, c'est-à-dire par les taux d'intérêt que nous pratiquons, rémunération qui représente les trois quarts de nos ressources. Les crédits publics que nous recevons - 8,5 % du total - sont supposés couvrir nos charges. In fine, aucune subvention d'équilibre n'est versée, comme pourrait en percevoir un établissement public. Ce sont donc bien nos clients qui paient l'essentiel de nos salaires. Tout comme une entreprise, nous établissons un compte de résultat, nous versons un dividende à notre actionnaire et nous ne percevons pas de subvention de fonctionnement. Cela ne nous empêche pas de nous astreindre à une gestion rigoureuse.

Nous faisons du développement. Par conséquent, notre modèle est celui des autorisations d'engagement et des crédits de paiement. Un projet de développement dure en moyenne cinq ans. Signer le contrat nécessite d'y être autorisé en termes d'engagement, de manière à pouvoir verser les fonds au cours de la vie dudit contrat. C'est ce qui explique cet écart, que nous essayons de réduire, entre les engagements et les versements de l'année. Autrement dit, les versements de l'année ne correspondent pas - ou très peu - aux engagements de la même année : ils correspondent à des projets engagés très antérieurement. Mais puisque les versements paient nos salaires, les agences locales de développement font leur possible pour réduire cet écart et aligner les engagements et les versements.

À la suite des dernières mesures d'annulations budgétaires, nous allons perdre 10 % de nos ressources en dons. L'effet est moins grave sur les prêts compte tenu de la récente baisse de taux, laquelle nous permet de moins les bonifier.

La conséquence se fait sentir dans les pays où nous intervenons. Plus le pays est pauvre et endetté, plus il a besoin de dons et d'une assistance budgétaire forte ; plus le pays est riche, moins il a besoin d'assistance. Les engagements de l'AFD se montent à environ 13 milliards d'euros ; après, la question, d'ordre politique, est de savoir à quoi est consacré cet argent.

Au-delà de l'APD, il faut prendre également en considération l'investissement solidaire, qui n'est pas considéré comme de l'aide publique au sens des règles de l'OCDE. C'est ce que fait Proparco dans de grands pays émergents.

Le système international est en train de prendre en compte l'ensemble de ces actions financières de coopération internationale. In fine, nous respectons le mandat qui nous a été confié par le Gouvernement.

L'audiovisuel extérieur, le soutien aux collectivités locales, à la société civile, entrent dans notre COM. Le précédent comptait 47 indicateurs ; j'espère que ceux qui seront inclus dans le prochain seront moins nombreux et plus stratégiques. Ces orientations sont publiques et ne relèvent pas du seul choix de l'AFD. Aussi, les choix qui peuvent faire débat ont été faits sur la base d'un mandat précis et validé par les autorités publiques.

J'en viens à la gestion des projets. Ils sont bien sûr évalués. Le ratio de 50 % d'évaluations concerne les évaluations externes, conformément à notre engagement, et tous les projets financés par l'AFD font l'objet d'un rapport de fin de gestion. Toutes les informations sont disponibles sur notre site internet.

D'ailleurs, le dernier conseil d'administration a validé le principe d'une nouvelle politique de recevabilité et d'évaluation, plus ambitieuse. À cet égard, je suis heureux que la commission d'évaluation de l'aide publique au développement créée par la loi du 4 août 2021 ait été installée. Non seulement nous y rendrons compte de nos actions, mais nous pourrons également communiquer sur notre travail, un travail difficile qui doit composer avec une réalité complexe. Je le répète, 400 évaluations sont disponibles sur notre site internet, mais, la réalité, c'est que personne ne nous interroge !

Je précise que cette commission n'a pas pour objet d'évaluer les résultats de l'Agence française de développement. Cela a été dit, l'aide publique au développement représente 30 % de l'aide au développement de la France. C'est pourquoi il convient de mesurer l'efficacité relative des différents canaux de mise en oeuvre de cette politique de développement, et comment, effectivement, il est possible d'éviter les doublons entre le canal multilatéral, qui représente entre 30 % et 40 % du total, et le canal bilatéral, qui s'exprime par différents instruments, dont le principal est l'Agence française de développement - pour plus de la moitié. À cet égard, une analyse coût-avantage et qualité-prix serait opportune. L'AFD est prête à s'y soumettre.

Conformément au mandat politique qui nous est confié, nous sommes une « machine » à optimiser la ressource publique.

Notre effectif total est de 4 500 salariés. Sur ce total, on compte 1 250 experts en projet - l'Allemagne en compte 15 000, et cet écart est anormal. Grâce à Expertise France, nous pouvons proposer à nos clients des outils et intervenir à la fois humainement et financièrement. La masse salariale que représentent ces experts est financée grâce aux prêts que nous accordons.

Les salariés propres du groupe se répartissent par moitié entre la France - à Paris et à Marseille - et les pays où nous sommes présents. Chaque agence locale de l'AFD emploie entre 10 % et 20 % d'expatriés, les autres employés étant des salariés de droit local. Ces derniers, au nombre de 1 000, sont précieux par leur connaissance du pays où ils travaillent. J'ajoute que le recours à ces salariés de droit local est une façon pour nous de gérer nos charges de manière optimisée.

Le choix de notre nouveau siège a été validé par notre conseil d'administration. On n'observe pas de dérapage pour l'instant, en dépit des recours qui ont été engagés jusque devant le Conseil d'État, lesquels nous ont fait perdre un an.

Aujourd'hui, l'AFD occupe 54 000 mètres carrés ; nous passerons bientôt à 40 000 mètres carrés. Sur le plan patrimonial, il était plus intéressant d'acheter le bâtiment, situé à côté de la gare d'Austerlitz, d'autant que nous avons réalisé l'opération à un moment où les taux étaient bas. Et, encore une fois, cet investissement est financé non pas par des fonds publics, mais par nos revenus d'activité. En outre, c'est un actif qui va prendre de la valeur : en Île-de-France, la petite couronne et la grande couronne perdent de la valeur ; en revanche, l'immobilier de centre-ville en prend. En parallèle, nous allons vendre l'ensemble de nos implantations actuelles, ce qui réduit le coût net de l'opération à 500 millions d'euros. Par ailleurs, nous prévoyons, au titre du renforcement de l'attractivité de la France et de Paris, de louer environ 8 000 mètres carrés à des organisations internationales ou d'autres acteurs de cet ordre. Nous avons de bonnes perspectives. De toute façon, nous trouverons sans difficulté des locataires pour occuper ces espaces.

Sur les aspects géographiques, je serais très schématique et rapide.

À Gaza, nous avons investi 500 millions d'euros ces dix dernières années, notamment dans la gestion des déchets au sein des camps de réfugiés, sujet de santé publique majeur - je ne sais pas ce qu'il en est à ce jour, car nous avons peu d'informations.

Nous avons également beaucoup investi dans les réseaux de distribution d'eau, à Gaza et dans les territoires palestiniens plus largement. Nous avons également investi dans le patrimoine religieux, à savoir le monastère de Saint-Hilarion.

Toutes ces actions sont évidemment suspendues. On peut continuer à travailler dans les régions en crise, mais, à Gaza, ce n'est plus possible. Nous nous tenons à la disposition des autorités le moment venu.

Prochainement sera rendu public le mandat qui nous lie à l'Ukraine. Au début de la crise, nous avons fait du soutien budgétaire ; là, nous allons agir en complément des grandes institutions internationales avec des financements principalement à destination des municipalités. Expertise France apporte déjà son assistance pour conduire les grandes réformes, notamment celle de la justice.

Nous travaillons en Moldavie depuis quelques années, en particulier sur la connexion de ses réseaux ferroviaires et énergétiques avec les réseaux européens. Ce pays ne dispose que d'une seule centrale de production d'énergie, située en Transnistrie, ce qui fait peser une menace lourde sur la vie économique et sociale du pays. De même, la présidente Maia Sandu, très préoccupée par les sujets environnementaux, nous a demandé d'agir en faveur de la reforestation de son pays.

Plus largement, les aides de l'Agence ne sont pas uniquement dirigées vers les pays les moins avancés. Le mandat de l'Agence est double. D'une part, nous appuyons et nous accompagnons les pays les plus vulnérables. Le Gouvernement a décidé que jamais moins de 50 % des ressources qui nous sont allouées par les lois de finances ne seront employées en direction des pays les moins avancés et de quelques pays très exposés aux risques climatiques, notamment de très petites îles. D'autre part, nos moyens budgétaires peuvent également être utilisés pour répondre aux enjeux relatifs au climat, afin de limiter partout dans le monde le réchauffement de la planète. C'est cela qui justifie notre présence auprès des pays émergents, et non seulement auprès des pays les plus pauvres. Agir uniquement dans ces derniers coûterait d'ailleurs plus cher au contribuable, car les besoins y sont plus importants.

Monsieur le président, je reste à votre disposition pour parler plus longuement de l'Afrique, et notamment du Sahel. Nous avons suspendu nombre de nos opérations après l'arrivée au pouvoir des juntes au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Cela ne veut pas dire que l'on ne peut pas agir dans ces pays, en passant par d'autres acteurs, notamment la société civile, les collectivités locales et le secteur privé. Parfois, le désaccord politique est d'une telle intensité que l'AFD doit tout arrêter, mais dans certains cas de figure intermédiaires l'Agence permet de garder des liens avec certains acteurs.

Plusieurs sénateurs ont mentionné notre rôle auprès des entreprises françaises. Deux institutions financières publiques ont une dimension internationale. Tout d'abord, Bpifrance gère les outils directement liés au commerce extérieur et aux entreprises françaises, c'est-à-dire à la fois les garanties, anciennement assurées par la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface), et les prêts du Trésor, réservés aux entreprises françaises à la suite d'une décision du Gouvernement.

L'AFD joue, quant à elle, un rôle plus en amont de financement des acteurs locaux étrangers. Cela ne signifie pas que l'on ne cherche pas à engager des entreprises françaises : nous sommes extrêmement heureux lorsqu'une entreprise française remporte un appel d'offres pour accompagner un client étranger. Plus d'un projet de l'AFD sur deux est remporté par une entreprise française, mais notre mission de développement nous impose aussi d'accompagner le tissu d'entreprises des pays où nous intervenons. La comparaison avec Bpifrance nous semble plutôt en notre faveur.

Dans le contexte particulier de l'Afrique, nous nous sentons parfois un peu seuls. Depuis une vingtaine d'années, les banques françaises se sont retirées du continent. L'AFD y reste l'institution française la plus présente et la plus active, celle dont l'empreinte est la plus grande. Nous devons intégrer cette donnée dans notre raisonnement et notre action.

Au sujet de la situation en Haïti, notre directrice n'a pas été évacuée. Il est extrêmement difficile de travailler dans ce pays. Nous y subventionnons encore quelques projets, et nous ne pouvons d'ailleurs intervenir dans ce pays que par le biais de subventions. Nous accompagnons toujours notre ambassadeur, dans la situation dramatique d'insécurité que traverse ce pays.

Plus largement, mon avis sur les conseils locaux de développement est très positif. La loi a permis la création d'un lieu où, périodiquement, toute l'équipe se pose la question de la meilleure utilisation des crédits d'intervention. Nous jouons pleinement le jeu, au service de nos ambassadeurs.

M. Claude Raynal, président. - Monsieur le directeur général, nous vous remercions de vos réponses. La commission des finances vous reçoit certes rarement, mais notre intérêt pour votre agence est important.

M. Rémy Rioux. - J'ajoute que je serais très heureux d'être auditionné par la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Nous cherchons à nous engager très fortement dans la lutte pour l'égalité entre les hommes et les femmes. Plus de la moitié de nos projets ont un impact direct ou secondaire sur l'égalité entre les hommes et les femmes. Nous essayons de comprendre comment le combat pour les droits des femmes et pour l'égalité fonctionne dans les contextes propres à chacun des pays, différemment de la France et de l'Europe.

Depuis six ans, nous avons aussi instauré une égalité stricte dans le management de l'AFD, non seulement au comité exécutif, mais dans chaque strate, notamment dans nos réseaux, où nous disposons maintenant d'autant de directrices que de directeurs. Cela change totalement le management dans notre agence.

M. Claude Raynal, président. - Nous vous remercions de cette précision supplémentaire.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Audition de Mme Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et de MM. Didier Martin, membre expert honoraire du Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris (HCJP), et Jean-Charles Simon, délégué général d'Europlace, sur le thème de l'attractivité financière de la France

M. Claude Raynal, président. - Mes chers collègues, nous continuons nos travaux avec la question de l'attractivité financière de la France. Trois ans après l'accord de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, nous cherchons à dresser un bilan de la capacité de la place de Paris comme plus largement de la France à attirer les investissements des acteurs financiers.

Paris est la cinquième place financière la plus attractive du monde, selon le classement de l'Open Financial Ecosystem IndeX (Ofex), et la première place financière de l'Union européenne. En matière de capitalisation boursière, elle a même dépassé Londres, pourtant toujours classée troisième place financière mondiale.

Pour autant, la Cour des comptes avait estimé en 2023 que la fin du passeport européen dont bénéficiaient les acteurs financiers de la City à Londres n'avait eu qu'un effet relativement limité, en permettant la création de seulement 2 800 emplois à Paris.

Ce constat renvoie à des observations formulées par Albéric de Montgolfier en 2017, dans son rapport d'information intitulé Places financières : quelle stratégie française face au Brexit ? Selon les conclusions de ce rapport, la France disposait d'atouts pour attirer des investisseurs financiers déçus du Brexit - elle en dispose encore -, mais des réformes étaient nécessaires pour faire de Paris l'égale de Londres en matière financière.

Certaines recommandations du Sénat se sont d'ailleurs concrétisées. Par exemple, l'Autorité bancaire européenne est localisée à la Défense depuis 2019, ce dont nous pouvons nous réjouir.

La question de l'attractivité financière demeure importante à l'heure où les besoins d'investissement pour la transition écologique sont évalués à 110 milliards d'euros par an à partir de 2030, et où le niveau du déficit public incite à la prudence quant à la capacité de l'État à apporter un soutien pourtant nécessaire.

On peut s'interroger sur le dosage correct entre financements publics et privés, mais, pour garantir une transition rapide ainsi que, plus généralement, la croissance des entreprises, la mobilisation d'investisseurs de tous horizons, dans des conditions encadrées et réglementées, constitue évidemment un atout.

Une proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France a été déposée à l'Assemblée nationale par le député Alexandre Holroyd. Elle doit y être examinée le 9 avril prochain, avant d'être transmise et examinée au Sénat le 7 mai en commission puis le 14 mai en séance publique, M. Albéric de Montgolfier ayant été nommé rapporteur. Cette proposition de loi vise à améliorer l'accès des entreprises aux marchés de capitaux et à moderniser le droit financier français.

La crise de 2008 a toutefois montré de manière flagrante la nécessité d'une régulation du marché financier. L'amélioration de l'attractivité financière de la France passe également par l'encadrement des activités du secteur financier assuré par le régulateur, qui permet de sécuriser le marché pour l'ensemble des acteurs.

Le président du directoire d'Euronext a récemment plaidé pour une supervision unique des marchés en Europe, tout en reconnaissant que celle-ci était plus difficile à mettre en oeuvre que la supervision bancaire. Pourquoi n'arrivons-nous toujours pas à réaliser pour les marchés financiers ce que nous sommes arrivés à mettre en oeuvre en matière bancaire ? Madame la présidente, nous vous avions d'ailleurs posé cette question lors de notre récente visite à l'Autorité des marchés financiers (AMF).

Par ailleurs, dès que le Gouvernement avait lui-même annoncé son intention de présenter un projet de loi relatif à l'attractivité de la place financière de Paris, banquiers d'affaires et associations professionnelles s'étaient mobilisés pour lui présenter des propositions. J'ai été assez surpris de lire que, parmi leurs priorités, figurait un nouvel assouplissement du droit du travail. Leurs voeux sont en passe d'être exaucés : l'article 12 de la proposition de loi de M. Holroyd prévoit d'actualiser les dispositions relatives aux rémunérations des preneurs de risque, afin d'exclure certains éléments de rémunération du calcul des indemnités de licenciement dues à des personnels des établissements financiers.

L'objectif, clair, est de limiter le coût des licenciements. Selon vous, le coût du travail est-il vraiment un frein à l'attractivité de la place de Paris ? Le droit du travail peut-il être, en soi, un obstacle ?

Pour nous éclairer sur ces enjeux, nous avons le plaisir d'accueillir Mme Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l'Autorité des marchés financiers, M. Didier Martin, avocat associé du cabinet Bredin Prat, membre expert honoraire du Haut Comité juridique de la place financière de Paris (HCJP) ainsi que M. Jean-Charles Simon, délégué général de Paris Europlace.

Je vous rappelle que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo, retransmise en direct sur le site internet du Sénat et sur les réseaux sociaux.

Sans plus tarder, je cède la parole à Mme Marie-Anne Barbat-Layani, pour qu'elle nous donne le point de vue de l'AMF sur cette question. Dans le cadre de ses orientations stratégiques pour la période 2023-2027, l'AMF affirme qu'elle « intégrera pleinement l'enjeu de l'attractivité de la place de Paris [...] dans un contexte d'évolution des canaux de financement des entreprises ». Comment cet objectif doit-il se décliner ? Quelles sont les actions d'ores et déjà mises en oeuvre par l'AMF pour accroître l'attractivité financière de la place de Paris et favoriser le financement des entreprises ?

Mme Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l'Autorité des marchés financiers (AMF). - Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'avoir invitée à participer à ces échanges. Monsieur le président, nous avons évoqué le sujet de l'attractivité financière de la place de Paris lors de votre récente visite à l'AMF et je vous prie par avance de m'excuser de répéter une partie de ce que je vous avais alors indiqué.

Pourquoi et comment, en tant que régulateurs, avons-nous intégré dans nos priorités stratégiques les questions de la compétitivité et de l'attractivité financière de la place de Paris ?

L'AMF est une autorité publique indépendante (API) qui intervient pour protéger les épargnants et les investisseurs, en régulant les marchés financiers et leurs infrastructures. Nos compétences s'étendent notamment aux sociétés cotées au titre de leurs communications financières, aux intermédiaires financiers autorisés à produire ou à distribuer des instruments financiers, c'est-à-dire à toutes les sociétés de gestion de portefeuille, aux prestataires de services d'investissement et aux conseillers en investissement financier, ainsi que, selon une mission qui nous a été confiée plus récemment, aux prestataires de services sur financement participatif. Nous nous occupons également des produits d'épargne collectifs investis dans des instruments financiers, donc des émissions de jetons et des prestataires de services sur actifs numériques qui s'en occupent.

Afin de remplir nos missions, nous disposons d'un certain nombre d'instruments, parmi lesquels figure l'édiction de règles. Le règlement général de l'AMF précise la manière dont sont appliquées les règles fixées à des échelons supérieurs. Nous nous assurons de leur application notamment au moyen d'actions de supervision ainsi que grâce à nos pouvoirs d'enquête et de contrôle. Nous autorisons les entités et les offres financières régulées, et nous disposons d'un pouvoir de sanction et de transaction en cas de manquement à la réglementation.

Parmi les éléments dont nous souhaitons le renforcement législatif au cours des prochains mois figurent certaines propositions visant à rendre notre action répressive plus efficace, sans la moindre contradiction avec notre objectif de renforcer l'attractivité de la place de Paris, bien au contraire.

Pour nous permettre d'exercer nos missions, nous bénéficions de moyens humains et budgétaires fixés annuellement par la loi de finances. Notre budget est d'environ 100 millions d'euros et nous employons plus de 500 collaborateurs. Pour continuer d'assurer notre mission exigeante, nous avons besoin d'un renforcement régulier de nos moyens, acté dans la loi de finances pour 2024 - j'en remercie la représentation nationale. Toutefois, nous aurons besoin de continuer à être accompagnés afin d'intégrer nos nouvelles missions.

L'attractivité de la place de Paris fait partie de nos orientations stratégiques. Elle est pour nous liée à notre positionnement de régulateur exigeant. À grands traits, selon la vision traditionnelle de la place de Paris qui prévaut dans la finance, celle-ci est caractérisée par sa bonne régulation et son intégrité, mais également par son utilité. Nous considérons ainsi, et les acteurs financiers le reconnaissent eux aussi, que l'exigence du régulateur constitue un facteur d'attractivité. Dans le cadre des évolutions post-Brexit, et dans leurs choix de localisation, certains acteurs financiers ont ainsi affirmé venir chercher à Paris une régulation exigeante, condition de leur bon développement.

Monsieur le président, vous m'interrogez sur la manière dont l'AMF perçoit son rôle de régulateur. En conformité avec la tradition française, la régulation a accompagné le développement de la place financière de Paris, devenue selon certains indicateurs la première place financière de l'Union européenne. Historiquement, l'action de ses régulateurs y a permis un haut niveau de régulation et d'exigence, que nous nous attachons à maintenir et à développer.

Le renforcement de l'attractivité de la place de Paris est une priorité stratégique dans un contexte marqué par des besoins de financement très importants. Alors que nous agissons de plus en plus à l'échelon européen, car la réglementation est de plus en plus européenne, il est nécessaire de développer les financements de marché pour répondre à une partie de ces besoins. La question du développement et de l'attractivité des marchés financiers se pose tant au niveau européen, avec la relance du projet d'union des marchés de capitaux (UMC), qu'au niveau national, avec le dépôt à l'Assemblée nationale de la proposition de loi de M. Alexandre Holroyd, qui intègre certaines des évolutions décidées à l'échelon européen.

Au niveau de l'action des régulateurs comme des évolutions législatives, la France n'est pas le seul pays à faire un effort de compétitivité. Un certain nombre de nos partenaires européens se sont récemment dotés de nouvelles législations visant à intégrer des évolutions réglementaires européennes telles que le Listing Act sur la cotation des entreprises ainsi que des évolutions que nous retrouvons dans la proposition de loi précitée.

Pour résumer, l'attractivité est pour nous une question essentielle. Notre marché est bien régulé dans un univers où, grâce au passeport européen, les acteurs financiers peuvent s'adresser aux épargnants et aux investisseurs français depuis l'ensemble des pays européens. Il nous semble important que le plus grand nombre possible d'acteurs soient placés sous notre régulation, pour assurer une application homogène des textes européens et la protection des investisseurs, d'autant plus en raison de l'absence de supervision européenne, et même si d'autres mécanismes de convergence des pratiques existent.

Par ailleurs, les besoins collectifs sont très importants pour financer la transition écologique, la transition numérique des entreprises et l'industrie de la défense. Les manières de répondre à ces besoins de financement se décident bien évidemment à l'échelon européen, mais également à l'échelon français. Nous avons intérêt à ce que les circuits de financement fondés sur l'épargne, abondante en France et en Europe, permettent de financer les besoins des entreprises européennes, notamment au travers de financements longs et comportant une part de risque.

Les financements bancaires traditionnels répondent en partie à ces besoins, mais le diagnostic est clair : nous avons besoin de développer d'autres modes de financement, qui passent par les marchés de capitaux et les fonds d'investissement. L'évolution reste aujourd'hui modeste en Europe sur ce point ;le projet d'union des marchés de capitaux se fonde aussi sur le constat que la part et le volume des financements des marchés peuvent augmenter.

Voilà pourquoi le régulateur français se préoccupe de la compétitivité de la place de Paris, aux échelons tant européen que national. Ces préoccupations sont d'ailleurs partagées par l'Autorité européenne des marchés financiers, également située à Paris, ainsi que par l'Autorité bancaire européenne. Une task force a été montée avec nos collègues de ces institutions afin de trouver les modalités permettant le développement d'une union des marchés de capitaux. Toutefois, ne soyons pas naïfs : la compétition est également intra-européenne, et ces questions doivent être posées à l'échelon national.

- Présidence de M. Stéphane Sautarel, vice-président -

M. Stéphane Sautarel, président. - Je me tourne désormais vers M. Didier Martin pour qu'il livre son expertise juridique sur l'attractivité financière de la place de Paris. Comment améliorer la compétitivité juridique de la place financière de Paris sans nuire à la conformité avec les textes européens et internationaux ?

M. Didier Martin, membre expert honoraire du Haut Comité juridique de la place financière de Paris (HCJP). - Le Haut Comité juridique de la place financière de Paris a été créé en 2015, sur l'initiative de l'AMF, de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), de la Chancellerie, de la Banque de France et du Trésor public. Il réunit des experts, magistrats, universitaires, avocats, représentants d'entreprises et des autorités, autour de divers sujets juridiques, au fur et à mesure des sollicitations des autorités. Nous avons rédigé environ soixante-dix rapports et avis ayant permis à ces autorités d'enrichir leurs réflexions et nous avons également suggéré diverses évolutions législatives et réglementaires, qui figurent d'ailleurs pour partie dans la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France.

La première réponse des étrangers en ce qui concerne l'attractivité d'une place financière est sa stabilité juridique et fiscale. Certes, il s'agit là d'une incantation, mais cet élément est fondamental. Toutefois, une proposition de loi visant à moderniser le droit et à accroître les options disponibles ne peut pas faire pas de mal.

La compétition est européenne, et la France n'est pas le seul pays à vouloir être compétitif. Par exemple, la Belgique a récemment réformé son droit des sociétés afin de renforcer son attractivité ; il est donc tout à fait logique que nous fassions de même en France.

Toutefois, il y a souvent une confusion - je la retrouve dans la proposition de loi précitée - qui consiste à nous parler du droit britannique. Très clairement, la France doit faire quelque chose en matière financière en se positionnant par rapport à ce qu'il se passe au Royaume-Uni depuis le Brexit. Toutefois, sur le plan juridique, nous devons nous tourner non pas vers le Royaume-Uni, mais vers les Pays-Bas : Airbus et Stellantis sont des sociétés néerlandaises ! En 2024, à la suite d'une scission, Sodexo est en partie devenue une société néerlandaise, tout comme la société créée par Vivendi lors de la scission d'Universal ; de même, en 2022, Ferrovial, une des plus grandes sociétés espagnoles, a choisi de transférer son siège social aux Pays-Bas.

Nous devons donc regarder ce qui se passe dans ce pays, non pas pour le copier, mais pour y trouver quelques idées. Les actions à droit de vote multiple, par exemple, y sont autorisées par le droit néerlandais.

Les autres pays européens veulent être compétitifs et attractifs. Les Pays-Bas sont en pointe et cherchent à devenir une sorte de « Delaware de l'Europe ». Le Delaware abrite la quasi-totalité des sièges juridiques des sociétés cotées américaines. Aux États-Unis comme dans de nombreux pays, mais pas en France, le droit permet la dissociation du siège juridique et du siège réel des entreprises. Des sociétés se constituent au Delaware pour profiter des règles du droit, de la jurisprudence et des tribunaux de cet État. Les Pays-Bas ont l'objectif de devenir le Delaware de l'Europe. La compétition juridique est lancée, et nous devons la développer.

Le diable est dans les détails. La proposition de loi de M. Holroyd prévoit d'accorder une compétence exclusive en matière d'arbitrage international à la cour d'appel de Paris. Vous le savez, Paris est peut-être la place mondiale la plus importante en la matière. Les intérêts sont importants : les audiences à Paris sont particulièrement suivies, le monde entier vient s'y réunir. Il y a quelques années, deux chambres commerciales internationales ont été créées, au tribunal de commerce et à la cour d'appel de Paris. En l'état, la proposition de loi dispose que seule la chambre internationale de la cour d'appel de Paris serait compétente en cas de recours contre une sentence arbitrale étrangère.

Récemment, j'ai eu à défendre auprès de la chambre internationale de la cour d'appel de Paris un État étranger condamné à verser plusieurs milliards d'euros, selon la seconde sentence la plus importante de l'histoire. Dans le même temps, se tenait à La Haye une procédure concernant l'exécution de cette sentence par rapport aux actifs de cet État aux Pays-Bas. En raison de l'engorgement de la cour d'appel de Paris, nous avons obtenu quatre heures d'audience, alors que s'y tenait le coeur de la procédure. À La Haye, où elle n'était que périphérique, l'audience a eu lieu toute la journée. On ne peut pas en vouloir à la cour d'appel de Paris, totalement engorgée. Cependant, si l'on parle de donner à la chambre internationale de la cour d'appel de Paris une compétence exclusive en matière d'arbitrage, il faut en assurer le suivi...

Par ailleurs, quelle est la carrière des magistrats qui siègent dans ces chambres ? En matière boursière, cet élément n'a pas été pris en compte. Les magistrats qui avaient passé un certain temps à ces postes n'avaient pas d'autre lieu où aller, et leurs compétences n'ont pas été valorisées. Le président de la chambre internationale de la cour d'appel de Paris part l'année prochaine, après être resté en poste à peine deux ans.

En ce qui concerne l'attractivité, il y a donc bien entendu des mesures législatives, mais il faut aussi un comité de suivi. Le Haut Comité juridique de la place de Paris s'est d'ailleurs chargé d'un tel suivi pour la chambre internationale du tribunal de commerce de Paris. Nous avons fait plusieurs propositions. Un suivi tous les deux ans des arbitrages internationaux permettrait de s'assurer que l'attractivité des juridictions dans les recours éventuels est bien maintenue à Paris.

M. Stéphane Sautarel, président. - Je m'adresse enfin à M. Jean-Charles Simon qui va pouvoir nous éclairer sur les améliorations souhaitées par les acteurs du marché financier afin d'améliorer encore l'attractivité de Paris. Quels sont les avantages compétitifs de la place de Paris ? Quels obstacles vous semblent devoir encore être levés ?

M. Jean-Charles Simon, délégué général d'Europlace. - Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité autour de ce sujet, raison d'être de notre organisation, créée en 1993 par les acteurs du marché des métiers financiers de la place de Paris. Depuis plus de trente ans, nous nous mobilisons pour faire de Paris un centre financier européen et mondial de premier plan.

Il faut mesurer à quel point le combat est féroce : la compétition internationale pour attirer ces emplois, ces activités et ces capitaux dépasse celle de tous les autres secteurs économiques. La raison en est simple : ces matières sont extrêmement volatiles. Ces emplois très qualifiés sont très bien rémunérés, les personnels peuvent très facilement déménager d'une capitale à une autre et les capitaux se déplacent également très facilement. Il faut bien le percevoir : face à d'autres villes européennes comme Francfort, Amsterdam, Dublin, Luxembourg ou Milan, la compétition est très intense et nos voisins prennent des initiatives très fortes pour tenter d'attirer ces emplois convoités, porteurs de ressources fiscales et sociales pour les pays concernés.

Avec la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, Londres s'est positionnée pour devenir le Singapour de l'Europe et concurrencer par une moindre régulation les places financières de l'Union européenne. Les acteurs des métiers financiers étudient également d'autres pays extérieurs à l'Europe, notamment les pays du Golfe, que beaucoup choisissent, y compris pour opérer en Europe.

Pour l'instant, Paris mène positivement cette forte compétition, avec des résultats concrets. Le décompte des emplois gagnés depuis le Brexit mentionné par le président de la commission me semble partiel. Entre 2017 et 2022, près de 20 000 emplois ont été créés dans le secteur financier en région parisienne, quasiment exclusivement à Paris même, ce qui montre que ce sont des emplois de siège, des emplois internationaux. Au total, le secteur emploie 360 000 personnes en région parisienne, contre 420 000 personnes à Londres, où ce nombre tend à diminuer. Le rapprochement est donc très fort, notamment si l'attractivité de la place de Paris perdure.

Autre chiffre important, la balance des services financiers a gagné près de trois milliards d'euros durant les cinq dernières années. Pour un pays qui connaît de grandes difficultés dans l'équilibre de sa balance commerciale des biens et des services, cela est très intéressant.

Ces chiffres sont majeurs, mais encore une fois ces emplois et ces capitaux sont très volatils et il faut rester attentif sur ce qui est fait.

Paris bénéficie de points forts structurels relativement durables, même si tout peut malheureusement se dégrader. Nous sommes la seule métropole européenne d'une taille comparable à celle de Londres, notamment en matière de hub de transports internationaux et de conditions de vie, ce qui représente un atout considérable par rapport à d'autres villes européennes plus petites, comme Milan, Madrid, Francfort, Dublin ou Amsterdam.

La concentration de très gros clients de la finance constitue un autre point fort. Même si, comme Didier Martin l'indiquait, les sièges sociaux de certaines entreprises sont établis dans d'autres pays, les forces des quartiers généraux restent - heureusement - pour beaucoup en région parisienne : trente-huit sièges des entreprises du CAC 40 y sont situés. Cela est très important pour le secteur financier, car ces grands clients constituent sa clientèle la plus importante. Les bonnes performances de ces entreprises, notamment dans le secteur du luxe, expliquent que Paris soit devenue, devant Londres, la première place boursière d'Europe en matière de capitalisation.

Il y a également à Paris un pool de talents. La France a un grand avantage du fait de la grande qualité des formations supérieures dispensées dans les grandes écoles scientifiques, les écoles d'ingénieurs et les universités. L'histoire centralisatrice française est à cet égard bien utile à la place financière de Paris : la concentration francilienne de ces grands établissements scientifiques ou de business est peut-être sans équivalent dans le monde. Les trois premiers établissements du classement des masters en finance du Financial Times sont français. Les grandes écoles scientifiques françaises sont également des pourvoyeurs de métiers en rapport à des recherches quantitatives ou à des solutions informatiques, métiers qui sont également extrêmement demandés par les établissements financiers.

Ces points forts structurels jouent en faveur de notre attractivité, mais des choix politiques d'organisation y ont également contribué. La stabilité évoquée par Didier Martin est évidemment extrêmement attendue par ces acteurs, qui ont parfois un siège social en dehors de la France ou même de l'Union européenne, et qui attendent qu'il n'y ait pas de retour en arrière. La proposition de loi de M. Holroyd est un bon point, car elle va de l'avant, mais l'essentiel est de ne pas revenir en arrière et de créer de l'instabilité, en particulier sur les prélèvements fiscaux et sociaux.

Le régime des impatriés est notamment extrêmement utile. Il faut le préserver, et si possible améliorer ses quelques imperfections. Nous regrettons que la proposition de loi ne comporte aucune disposition en ce sens, mais je salue le fait que depuis vingt ans les gouvernements et les majorités parlementaires aient préservé ce régime.

D'autres sujets ont également connu des améliorations ces dernières années, notamment le barème prud'homal. L'instabilité et l'imprévisibilité des coûts de séparation dans le secteur financier étaient identifiées comme un problème majeur pour l'attractivité de la France. D'autres décisions comme la baisse des impôts sur les sociétés et le début de la baisse des impôts de production ont également été favorables à l'attractivité financière de Paris.

Nous considérons, en tant qu'acteurs supervisés, que la réputation de nos superviseurs est très importante. Il s'agit d'un point fort de la France : la qualité des équipes de l'AMF et de l'ACPR, leur capacité d'adaptation en matière de traitement des dossiers et d'efficacité des procédures sont très importants dans des métiers autant régulés. La banque, l'assurance, l'asset management ou l'intermédiation financière sont des domaines où la régulation des activités est très lourde et, pour obtenir la confiance des acteurs, nous avons besoin en contrepartie d'une supervision rapide, efficace et claire, qui fonctionne bien et vite. C'est également l'un des atouts de la place de Paris et nous sommes tout à fait favorables à ce que les moyens nécessaires soient alloués à ces superviseurs et à ces régulateurs, afin que perdure cette qualité, qui avait notamment été très scrutée lors de l'implantation des acteurs à la suite du Brexit.

En revanche, il y a en France des points faibles majeurs. La question du coût du travail revient de manière constante parmi nos adhérents. Pour les métiers qualifiés, le coût du travail est considérable, mais il devient très problématique pour les métiers financiers, aux salaires relativement élevés. Le niveau de contribution sociale et patronale est sans équivalent pour les secteurs comme la finance, qui ne bénéficient pas des allègements sur les bas salaires. C'est normal, mais, par rapport aux pays voisins, les personnels sont à des niveaux de rémunération pour lesquels le niveau des contributions sociales est considérable.

Si l'on compare le taux moyen de cotisation patronale, en fonction de l'échelle des salaires, la courbe pour la France se stabilise au-dessus de 40 % du salaire brut, alors qu'en Italie, en Allemagne ou au Royaume-Uni, lorsqu'on s'éloigne du Smic, les taux moyens effectivement pratiqués sont inférieurs à 15 %. Cela ne suffit pas à rendre compte de tous les prélèvements, puisqu'à ces 40 % de cotisations il faut ajouter la taxe sur les salaires, à hauteur de 13 %. Ce point est totalement dirimant en matière de comparaison du coût du travail. Heureusement que les acteurs ne se prononcent pas qu'en fonction de ce critère... Pour qu'un employé de la finance au salaire moyen de ce secteur touche 100 euros nets après impôt sur le revenu, il faut que son employeur lui verse 250 euros bruts en France, contre 165 euros en Allemagne. Cet écart est majeur pour nos adhérents, notamment pour les étrangers.

Cela ne correspond pas, je le comprends bien, à l'objet de la proposition de loi de M. Holroyd, et ces choses sont structurellement très difficiles à changer. Nous regrettons que le projet de réforme des retraites de 2019-2020, qui prévoyait de baisser assez largement le plafond de cotisation des retraites complémentaires obligatoires pour le rapprocher des plafonds existant dans les pays voisins, n'ait pas eu de suites. Cela aurait pu jouer en faveur de Paris, puisque la retraite complémentaire obligatoire pèse très lourd dans cet écart de cotisations patronales.

Concernant les licenciements ou les ruptures conventionnelles, les dispositions françaises sont très peu compétitives pour les hauts salaires. Les niveaux d'indemnités de départ sont très élevés. L'article 12 de la proposition de loi précitée, qui concerne la rémunération variable des preneurs de risques, propose une avancée intéressante. Il s'agit de ne pas prendre en compte la rémunération variable dans les calculs des barèmes d'indemnisation, pour les indemnités légales et conventionnelles comme pour les indemnités prud'homales en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il nous semble qu'il faudrait aller au-delà, en proposant un plafond en valeur absolue du barème des indemnités prud'homales, que l'on nomme souvent « barème Macron », qui n'est en réalité pas adapté à ces hautes rémunérations. Ce barème est très apprécié, car il apporte de la lisibilité et de la prévisibilité, et il convient à 99 % des salaires. Mais pour les 1 % des salaires les plus élevés, le coût de la séparation, y compris à la demande du salarié, est parfois dix fois inférieur dans d'autres pays comme le Royaume-Uni qu'en France. Pour ces métiers très facilement délocalisables, ce point constitue un défaut de compétitivité.

Tous ces défauts, en matière de droit et de coût du travail, pourraient freiner la tendance naturelle faisant de la place de Paris la première place financière européenne, au service des besoins de financement de la transition écologique, afin que l'Europe soit le plus possible autonome en matière de stratégie financière.

M. Stéphane Sautarel, président. - Nous vous remercions de vos interventions. Pour ouvrir le débat, je donne la parole à Albéric de Montgolfier, rapporteur au nom de la commission des finances de la proposition visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France.

M. Albéric de Montgolfier. - En 2017, j'avais signé un rapport posant la question de la stratégie financière à adopter face au Brexit. J'avais proposé quelques mesures, parmi lesquelles figurait la proposition d'assouplir le droit des titres, en introduisant les actions à droits de vote multiples. Vous en avez parlé comme l'un des éléments forts d'attractivité. Pourquoi a-t-il fallu attendre 2024 pour que cette proposition devienne une réalité dans la proposition de loi inspirée par Bercy ? Les garanties paraissent-elles suffisantes aujourd'hui ?

Une autre des propositions que j'avais faites à l'époque portait sur l'assurance vie, qui est l'un des moyens d'amener des capitaux dans les entreprises. Vous connaissez la compétitivité de l'assurance vie luxembourgeoise, en raison par exemple de l'autorisation de titres non cotés. Pourquoi y a-t-il toujours des freins en la matière ? Des assouplissements sont-ils à prévoir pour mobiliser ce gisement d'épargne considérable ? La proposition de loi ne les mentionne pas...

Enfin, je profite de la présence de la présidente de l'AMF pour lui poser une question marginale, qui concerne les risques évoqués sur un produit d'épargne très demandé par les Français, à savoir les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI). En raison de la crise immobilière, il y a des problèmes de liquidités et de taux d'emprunt. Cela constitue-t-il un facteur de risques pour l'AMF ? Alors que nous entendons des propos inquiétants quant à la liquidité et à la viabilité de certaines SCPI, avez-vous entériné un assouplissement de vos positions les concernant ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'une des priorités de l'AMF est de renforcer la place de Paris en étant vigilante pour éviter toute réglementation excessive, et notamment la surtransposition. La simplification est à la mode, depuis longtemps d'ailleurs : je me souviens du « choc de simplification » de 2013... Cela étant, les textes se multiplient, du devoir de vigilance au reporting de durabilité en passant par la réforme de l'investissement de détail. Comment l'AMF pense-t-elle pouvoir exercer cette vigilance tout en mettant en oeuvre la simplification attendue ?

Au regard des actions de préférence et de la suppression de l'obligation, pour les sociétés entrant en Bourse, de prévoir une tranche destinée aux investisseurs particuliers, doit-on en conclure que l'attractivité de la place de Paris ne peut se faire que contre la protection des investisseurs non professionnels ?

Enfin, des velléités d'alourdir la fiscalité portant sur les transactions financières se font jour. Qu'en pensez-vous ?

Par ailleurs, je remercie M. Simon de sa franchise : merci d'avoir osé mettre les débats sur la table, même si cela crée une forme de dissonance contextuelle par rapport aux débats depuis quelques semaines dans notre pays !

M. Jean-Raymond Hugonet. - On se rappelle bien que les Pays-Bas sont le pays où Carlos Ghosn a pu toucher son complément de salaire... Je me souviens aussi des efforts déployés, lors de l'examen du dernier projet de loi de finances, pour attirer en France le siège de la Fifa (Fédération internationale de football association), en l'exonérant de charges fiscales. Paris est désormais la première place financière de l'Union européenne et deux banques françaises figurent dans le top 10 mondial. L'AMF exerce une régulation très exigeante. Ne pensez-vous pas que l'état financier particulièrement dégradé, voire débridé, de notre pays, nuit à son attractivité financière ?

M. Michel Canévet. - Monsieur Martin, concernant les avantages comparatifs des Pays-Bas, serait-il pertinent de procéder en France à d'autres aménagements aujourd'hui offerts aux entreprises néerlandaises, au-delà des questions de diligence relatives à l'arbitrage et des actions à droits de vote multiples ?

Vous avez évoqué la nécessaire stabilité fiscale, mais aussi, monsieur Simon, l'impérative compétitivité de nos entreprises. La financiarisation de notre économie me paraît par trop importante. Ne conviendrait-il pas, au vu du poids excessif des charges sociales dans notre pays, de faire évoluer le financement de la protection sociale en France ? Je préconise notamment, pour améliorer notre compétitivité économique, l'institution d'une taxe sur les paiements scripturaux, qui se ferait à due concurrence d'une baisse des cotisations sociales.

M. Hervé Maurey. - Quel est concrètement, selon vous, l'effet de la dégradation de nos finances publiques sur l'attractivité de la place de Paris ? Nos déficits et nos dettes atteignent des niveaux records, les prévisions gouvernementales sont peu fiables, sinon insincères, la conjoncture laisse craindre une augmentation des impôts et des prélèvements sociaux. Ce climat n'est-il pas de nature à compromettre l'attractivité financière de la place de Paris et à réduire les effets positifs de la proposition de loi dont nous aurons bientôt à débattre ?

M. Éric Bocquet. - Le site internet d'Europlace lui donne pour objectif de créer « un environnement propice aux affaires », par une « réduction du coût de la main-d'oeuvre », un « régime fiscal spécifique » et des « dispositions fiscales attrayantes ». Vous avez déjà été servis ces dernières années, avec l'abaissement de l'impôt sur les sociétés, la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ou le prélèvement forfaitaire unique ! Mais on en veut « toujours plus », selon la formule de François de Closets... Où est la limite ?

M. Martin a évoqué le petit État du Delaware, qui compte plus de sociétés enregistrées que d'habitants - 1,2 million de sociétés pour environ 1 million d'habitants - et qui est doté de dispositions législatives, mais aussi fiscales, particulièrement intéressantes. Est-ce l'objectif ? La compétition est indéniable, notamment avec les Pays-Bas mais, de nouveau, où est la limite ? L'article Fifa a été retoqué au Sénat, à l'unanimité, mais le Gouvernement l'a remis dans le texte à la faveur du 49.3. Si c'est cela qu'on veut, il faut le dire ! De quelle nature sont les réformes réglementaires annoncées par M. Le Maire en lien avec la proposition de loi visant à accroître l'attractivité financière de la place de Paris ? Correspondent-elles à celles que les acteurs de la finance souhaitent voir mettre en place ?

M. Le Maire parle aussi de mesures fiscales offensives, compréhensibles au vu du modeste déficit qu'il doit gérer, sans parler des 800 milliards d'euros de dette à son actif... Est-il sérieux ? Savez-vous de quoi il pourrait être question ?

Enfin, il ne me semble pas que le coût du travail ait empêché le secteur bancaire de prospérer ces dix dernières années, au vu de sa rentabilité record !

M. Bernard Delcros. - On évoque une évolution de la taxe sur les transactions financières instaurée en 2012, de son taux ou de son assiette. Quel effet cela aurait-il sur l'attractivité de la place de Paris ?

M. Jean-Charles Simon. - Les partisans des actions à droits de vote multiples insistent sur la compétitivité et l'attractivité des places financières, privilégiées dans le modèle américain, qui les encadre très peu, tant en durée qu'en ratio, modèle vers lequel tendent toujours plus le Royaume-Uni, les Pays-Bas et bientôt l'Allemagne. Nombre d'acteurs privés de la place de Paris défendent leur autorisation pour les introductions en bourse uniquement et non pour toutes les entreprises. Cela pourrait convaincre certains créateurs d'entreprise réticents à aller en bourse parce qu'ils craignent de perdre le contrôle de la gestion courante de leur société, crainte qui leur fait privilégier un financement par la dette, qui peut pénaliser leur développement. En face, on trouve beaucoup d'acteurs attachés au principe : « une action, une voix ». Cette opposition a pu laisser croire à une certaine hésitation sur le sujet au sein de la place.

Paris Europlace a néanmoins publié en 2021 une position sur ce sujet, qui, pour la première fois, était en faveur de ces droits de vote multiples. Il importe de trouver le point d'équilibre. La proposition de loi apparaît très offensive en la matière : ainsi, on n'y trouve pas de ratio encadrant les droits de vote multiples pour les actions de préférence sur des marchés réglementés, ce qui nous a surpris. Le point d'équilibre se trouve selon nous dans les propositions publiées par le HCJP en 2022 : un ratio maximum de dix pour un nous paraît pertinent, il permettrait tout de même de contrôler une société avec un peu plus de 5-6 % du capital. Il faudrait aussi limiter dans la durée ces droits de vote multiples : un délai de sept ans, renouvelable une fois si tous les actionnaires en conviennent, nous paraît souhaitable.

Pour ce qui concerne le droit européen, en particulier sur le devoir de vigilance, il nous semble que l'UE ne doit pas devenir un repoussoir pour le monde et les métiers de la finance. Il faut que l'Europe ait conscience de cette exigence de compétitivité et que cela soit au coeur de son action en matière financière. Or, depuis quinze ans, elle décroche par rapport à d'autres ensembles économiques. En valeur, la première banque américaine égale les dix plus grandes banques de l'Union européenne. Ce n'était pas le cas avant 2007 ! C'est regrettable pour l'Union européenne, la crise financière née aux États-Unis a eu pour effet paradoxal de creuser l'écart en faveur des établissements financiers américains.

Quant à la surtransposition, prenons garde à ne pas être moins attractifs que nos voisins. Il en est de même pour le travail des régulateurs. Après le Brexit, le Royaume-Uni a intégré la compétitivité du secteur parmi les objectifs que les régulateurs britanniques doivent prendre en considération. Il en est de même aux États-Unis. Il faudrait aussi le faire figurer explicitement dans le mandat des régulateurs français et européens. C'est notre souveraineté qui est en jeu ! Si, demain, les acteurs non-européens deviennent dominants sur le marché européen, il y aura une perte de souveraineté importante pour l'Union européenne puisque, en cas de conjoncture défavorable, ces acteurs risquent de se replier sur leur marché d'origine, privant l'Europe de capitaux nécessaires au financement de ses transitions.

Monsieur Bocquet, vous nous demandez où est la limite. Nous ne souhaitons pas que la France devienne un paradis fiscal et social ! Nous en sommes d'ailleurs bien loin, il reste des marges de manoeuvre... Je pense plutôt à nous replacer au niveau de l'Allemagne ou de l'Italie en matière de cotisations patronales, sans contester ou remettre en cause le modèle social français.

Il faut toutefois bien prendre conscience que les dépenses sociales publiques, financées par des prélèvements obligatoires, s'élèvent en France à 32 % du PIB ; c'est un record mondial et un vrai handicap. Un changement d'assiette, ou une assiette complémentaire, pourquoi pas, mais il faut surtout réduire la masse de ces dépenses. Même si on adoptait le taux maximal de TVA, à 25 %, on ne pourrait réduire que de 10 % les cotisations sociales. Je pense aussi, je le redis, au plafond des cotisations liées aux retraites complémentaires obligatoires, qui est très élevé - il faut y allouer 25 % du salaire brut jusqu'à 30 000 euros mensuels, contre environ 7 000 euros en Allemagne ! À ces niveaux de salaire, nous ne pouvons pourtant pas dire que ce sont des gens qui ont besoin d'être particulièrement protégés face au risque vieillesse. Nous sommes face à des choix lourds de conséquences, certains ajustements pourraient être très vertueux pour la compétitivité de la France.

M. Didier Martin. - L'attractivité du Delaware n'a rien à voir avec la fiscalité. Il y a une dissociation entre le siège statutaire, qui définit les règles applicables au fonctionnement de la société, et le régime fiscal applicable. Pour les Pays-Bas, c'est exactement la même chose.

Je peux citer l'exemple de Pluxee, la société fondée par Sodexo pour gérer les titres-restaurant. Son siège a été transféré aux Pays-Bas pour lui permettre de distribuer des actions aux actionnaires sans perdre les droits de vote doubles, ce que le droit néerlandais permet, au contraire de la France. Toutefois, la société Pluxee garde sa résidence fiscale en France. Le droit néerlandais est un droit plus pragmatique, qui permet aux entreprises de faire davantage ce qu'elles veulent ; ainsi, elles peuvent avoir deux présidents, ce qui est impossible en France. On peut faire du sur-mesure, sans avoir à s'embarrasser de dispositions d'ordre public censées protéger je ne sais quel intérêt.

La question de la fiscalité est avant tout politique. La Chambre de commerce internationale (CCI), aujourd'hui basée à Paris, s'est vue offrir par la Suisse un régime similaire à celui de la Fifa, pour l'inciter à y déménager. Or la présence en France de cette instance d'arbitrage est très importante pour notre soft power, par le nombre d'acteurs majeurs de tel ou tel secteur, issus de tous les continents, qui sont amenés à visiter Paris. Il y a bien sûr des principes, mais il faut aussi garder à l'esprit les effets pratiques des décisions qui sont prises.

Le devoir de vigilance existe déjà en droit français. Des carences à ce devoir sont invoquées par les parties devant les tribunaux. Cela nous place-t-il dans une situation défavorable par rapport à certains pays étrangers ? Aux Pays-Bas, même en l'absence de telles dispositions dans le droit positif, la chambre des entrepreneurs a enjoint à la société Shell de réduire ses émissions de CO2 en conformité avec l'accord de Paris, appliquant ainsi le même principe. Il ne faut donc pas exagérer le handicap que le devoir de vigilance créerait pour la France par rapport à d'autres pays européens.

La perte de temps que l'on constate en matière d'actions à droits de vote multiples est classique en France ! Chaque loi votée dans ce domaine depuis dix ans comporte des garde-fous, des contraintes telles que le régime proposé s'est révélé inapplicable. Bien des acteurs tiennent toujours au principe « une action, une voix », mais des entrepreneurs, dans le secteur de la tech et de la biotech notamment, souhaitent conserver le contrôle de leurs sociétés, tout en faisant appel aux marchés financiers. Il aura fallu du temps pour dépasser cette opposition. Nous avons pu, au cours de nos travaux, exposer aux investisseurs réticents que nul ne les obligerait à investir dans une société introduite en bourse et qui proposerait des actions à droits de vote multiples !

Cette liberté doit être donnée, mais il faut éviter que des dirigeants s'accrochent à leur pouvoir à un moment où la société va mal. C'est pourquoi nous avons proposé un ratio maximal d'un pour dix ou un système où, avec 30 % du capital, on pourrait avoir jusqu'à 82 % des droits de vote. Telle est la pratique du marché aux Pays-Bas. Le HCJP pourrait d'ailleurs faire un rapport sur l'évolution du droit des sociétés tous les deux ans, document où figureraient de bonnes idées à emprunter à d'autres pays européens. Une telle veille aurait pu alerter sur la nécessité de modifier la loi pour éviter le déménagement de Pluxee...

Là où la proposition de loi tend à limiter à dix ans ces droits de vote multiples, nos travaux proposaient sept ans, soit la durée moyenne d'un business plan. Une autre différence concerne les bénéficiaires possibles de ces droits de vote multiples : nous proposions de le limiter aux personnes exerçant des fonctions dirigeantes au sein de l'entreprise, ce qui ne figure pas dans la proposition de loi. Mais c'est assez compliqué ; je pense notamment au cas de sociétés qui font appel au marché dans un second temps, alors que l'entrepreneur a déjà pris du champ, mais souhaite toujours contrôler la direction de l'entreprise comme investisseur, ce qui arrive souvent aux États-Unis. Quoi qu'il en soit, le problème n'est pas immense, et il nous semble que la proposition de loi va dans le bon sens. Si les contraintes que nous proposions n'étaient pas intégrées au texte, il importerait surtout de faire confiance au marché. L'exemple hollandais montre que cela peut fonctionner, les droits de vote multiples n'étant pas du domaine législatif.

Enfin, pour ce qui est de l'instauration de droits de vote multiples en cours de vie d'une société cotée, certes sur les marchés les moins importants, la limite proposée à 25 pour un ne me paraît pas déraisonnable. Ce cas de figure impose toutefois plus de contraintes que quand la société n'est pas encore cotée, car il y a déjà des actionnaires.

Mme Marie-Anne Barbat-Layani. - Pourquoi aura-t-il fallu tant de temps pour faire évoluer le droit français ? D'abord, en France, ces dispositions sont de nature législative ; il faut donc trouver le véhicule pertinent, mais les textes ne sont pas si fréquents en matière financière. Une question similaire se pose quant à l'évolution du droit européen : si tant de textes nationaux sont étudiés en ce moment, en France, en Italie ou en Allemagne, c'est aussi parce que le Listing Act rend nécessaire l'introduction de droits de vote multiples dans les législations nationales - chaque pays le fait toutefois à sa manière, ce qui crée un risque de compétition réglementaire.

M. le rapporteur général nous interroge sur la surtransposition et la simplification. Tant en France qu'à l'échelon européen, on est confronté à une question d'agilité réglementaire : à quelle vitesse peut-on rectifier le tir en cas d'erreur, et à quel niveau ? En matière financière, nous sommes largement régis par le droit communautaire, qui met du temps à s'ajuster ; le Royaume-Uni dispose désormais en la matière d'un avantage compétitif. L'harmonisation des pratiques requiert également du temps. Aujourd'hui, à la différence du secteur bancaire, les superviseurs des marchés ne sont pas chapeautés par une autorité européenne des marchés financiers, ce que l'AMF déplore, car cela permettrait d'éviter une partie de cette compétition réglementaire qui peut se montrer malsaine.

L'AMF, dans le cadre de ses orientations stratégiques, s'est engagée à ne plus surtransposer les textes européens, sauf si nous estimons que cela reste nécessaire pour la protection des investisseurs, notamment des épargnants, ce qui est notre priorité. De toute façon, le droit européen est potentiellement très protecteur.

Un exercice de simplification avait été mené par l'AMF en 2019, à la demande notamment du ministre de l'économie et des finances, exercice utile, car il nous a permis d'identifier un certain nombre de règlements que nous avions mis en place et qui ont pu être simplifiés ou adaptés.

L'Union européenne surréglemente-t-elle ? Il faut relativiser. Même s'il faut observer avec vigilance ce qui se passe notamment à Londres, il faut bien souligner que la compétition est largement intra-européenne, dans un cadre convergent et harmonisé.

J'ai été interrogée sur la décision récente de l'AMF de supprimer, lors des introductions en Bourse, l'obligation de prévoir une tranche réservée aux investisseurs particuliers, la tranche retail, élément de surtransposition qui subsistait en France. Soyons clairs, il ne s'agit pas de supprimer la possibilité de prévoir une tranche réservée aux investisseurs particuliers : lors de nouvelles grandes introductions boursières, cette tranche sera probablement prévue par les émetteurs. Il ne s'agit pas non plus d'affaiblir la protection des investisseurs particuliers. D'ailleurs, leur réserver une tranche suffit-elle à toujours les protéger ? Le parcours en Bourse d'un certain nombre d'entreprises tend à montrer qu'il faut regarder les choses d'assez près quand on veut investir...

L'attractivité ne doit pas se faire contre les investisseurs. Ceux-ci pourront toujours profiter de tranches réservées et il leur sera toujours loisible d'acheter en Bourse un titre après introduction, ce qui leur permettra d'échapper à certains phénomènes de baisse brutale de titres. Les particuliers sont moins avertis, par définition, que les grands investisseurs ou les investisseurs institutionnels. Ils peuvent donc avoir un intérêt à attendre un peu avant d'acquérir des titres d'une entreprise.

En quoi cela altérait-il l'attractivité de la place de Paris, notamment par rapport à la place d'Amsterdam ? Parce que, dès lors qu'une tranche est réservée aux investisseurs particuliers, l'offre d'introduction doit durer au moins six jours, contre deux ou trois jours en l'absence de tranche réservée. Cela peut paraître mineur, mais les marchés financiers étant très volatiles, certains émetteurs sont réticents à l'idée de prendre le risque de laisser l'offre ouverte pendant quasiment toute une semaine, préférant alors opérer sur des marchés où cette tranche réservée aux investisseurs particuliers n'existe pas.

La société Planisware, qui sera prochainement introduite à la Bourse de Paris, a clairement indiqué qu'elle n'aurait pas opéré sur le marché français si elle avait dû laisser son offre ouverte pendant plusieurs jours.

Voilà donc un exemple très concret de ce qui se joue en matière de compétitivité et d'attractivité. De plus, les investisseurs particuliers auront accès plus facilement aux titres s'ils sont cotés à Paris. Donc, attractivité et protection des investisseurs ne sont pas antinomiques.

De nombreuses questions ont été posées sur les actions à droits de vote multiples. M. Martin a répondu clairement au nom du HCJP. Ce sujet a été longuement étudié et il n'émerge pas par hasard. Il s'agit d'une disposition européenne, le Listing Act, que la France va transposer, après l'Allemagne et l'Italie. Effectivement, l'objectif de ces droits de vote multiples est de permettre au fondateur d'une entreprise de lever des capitaux sur les marchés financiers, mais sans en perdre trop rapidement le contrôle. Cela permet donc de concilier l'accès aux capitaux, très important pour ces entreprises, et la préservation de leur influence par les dirigeants de ces entreprises.

Par définition, puisque nous en sommes membres, nous approuvons les limites et mesures d'encadrement qui ont été proposées par le HCJP, qui représentent un bon équilibre.

Sur les SCPI et plus généralement sur les fonds immobiliers, nous exerçons depuis quelques mois une vigilance accrue, ces fonds étant, pour beaucoup d'entre eux, investis dans l'immobilier commercial, qui a connu, comme le marché de l'immobilier plus largement, des difficultés relativement importantes, qui ont toujours cours.

Les investisseurs doivent être bien conscients qu'investir dans l'immobilier n'est pas le gage de gains garantis, contrairement à ce que pourrait donner à penser ce qu'on a pu observer ces dernières années. L'AMF a poussé les gestionnaires de fonds à actualiser plus fréquemment les valorisations pour éviter de créer des inégalités entre les investisseurs. En effet, si des investisseurs retirent leur fonds à un moment où les valorisations n'ont pas été actualisées tout en étant orientées à la baisse, ils risquent d'en pâtir. Il est donc nécessaire que la valeur de ces fonds reflète le plus étroitement possible l'évolution du marché.

Autre sujet, celui de la liquidité. Là aussi, il faut veiller à l'égalité entre les porteurs de parts. À cet égard, il est très important que les sociétés de gestion se dotent toutes d'outils de gestion de la liquidité. Ce travail très important a été mené au niveau international au sein du Conseil de stabilité financière et de l'Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV). Cela doit permettre d'agir dans les périodes de tension sans créer de désordres sur les marchés et en garantissant l'équité entre les porteurs de parts.

Les finances publiques n'étant pas du ressort de l'AMF, vous me permettez de ne pas prendre position.

La taxation des transactions financières est une question légitime. D'ailleurs, elle a été débattue aussi bien devant le Parlement français que devant les instances européennes. Simplement, dans un contexte de compétitivité, il nous semble que cette question doit être traitée au niveau européen au minimum. Il ne faudrait pas provoquer une fuite des transactions, laquelle serait problématique, car nous ne pourrions plus les surveiller.

M. Stéphane Sautarel, président. - Je vous remercie, madame, messieurs, pour ces éléments d'information précieux pour nous à la veille de l'examen de la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France.

La réunion est close à 12 h 15.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.