Mardi 7 mai 2024
- Présidence de Mme Marie-Pierre Monier, présidente -
La réunion est ouverte à 14 h 35.
Rapport de la Cour des comptes de juin 2022 consacré à « La politique de l'État en faveur du patrimoine monumental » - Audition de la Cour des comptes : MM. Emmanuel Roux, président de la Chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté, conseiller maître, Michel Bouvard, conseiller maître, et Mme Anne Le Lagadec, conseillère référendaire en service extraordinaire
Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Nous poursuivons les travaux de notre mission d'information consacrée au périmètre d'intervention et aux compétences des architectes des bâtiments de France (ABF), à l'initiative du groupe Les Indépendants-République et territoires, avec l'audition de la Cour des comptes.
Nous avons le plaisir d'accueillir en téléconférence M. Emmanuel Roux, président de la Chambre régionale des comptes (CRC) Bourgogne-Franche-Comté, et conseiller maître. Sont présents parmi nous M. Michel Bouvard, ancien sénateur et conseiller maître, et Mme Anne Le Lagadec, conseillère référendaire en service extraordinaire.
La Cour des comptes a publié en juin 2022 un rapport public thématique sur la politique de l'État en faveur du patrimoine monumental. Elle y dresse de nombreux bilans, notamment sur l'état préoccupant d'un quart des monuments historiques ; sur les réformes de la maîtrise d'ouvrage et de la maîtrise d'oeuvre, qualifiées de « décevantes » ; sur la lenteur du déploiement des nouveaux dispositifs de protection ; sur la fragilisation des ressources humaines ; et sur le besoin de stratégies globales et transversales de la politique du patrimoine.
Dans ce cadre exhaustif, vous avez abordé en particulier différentes problématiques liées aux ABF et fait des préconisations, sur lesquelles notre rapporteur vous interrogera.
Les auditions menées jusqu'à présent - nous n'en sommes qu'au début de nos travaux - nous ont déjà permis de mieux comprendre la complexité et la diversité des tâches qui incombent aux ABF dans les territoires.
Il en résulte une forme de saturation administrative, qui ne leur laisse pas toujours le temps d'effectuer leurs missions avec toute la concertation et la pédagogie nécessaires, notamment dans les territoires ruraux. Ils tiennent un rôle de conseil dont ont besoin les élus locaux. Notre collègue Guylène Pantel nous expliquait qu'un seul ABF avait la charge de tout son département de la Lozère, qui abrite 77 000 habitants, mais dispose d'un patrimoine très varié.
M. Emmanuel Roux, président de la Chambre régionale des comptes (CRC) Bourgogne-Franche-Comté, conseiller maitre (en téléconférence). - Je me centrerai sur les éléments du rapport concernant les ABF.
Nous avons analysé, à travers la politique de l'État en faveur du patrimoine, la répartition de l'ensemble des compétences scientifiques et techniques intervenant sur la chaîne des opérations patrimoniales, notamment en maîtrise d'ouvrage, en maîtrise d'oeuvre et en contrôle scientifique et technique, afin de comprendre leur rôle, leur articulation mutuelle, les difficultés de fonctionnement de cette chaîne ainsi que les difficultés inhérentes aux différentes fonctions qui seraient liées à un statut ou un corps, comme les architectes et urbanistes de l'État (AUE) et les ABF.
Il nous est apparu que dans cette chaîne patrimoniale existaient certains maillons faibles, à cause de raisons conjoncturelles comme l'irrégularité des concours, mais aussi de raisons structurelles - déficit d'attractivité de certains métiers, surcharges manifestes dans un contexte de vacance important. En conséquence, certaines professions comme les ABF sont fragilisées du fait du nombre et de l'ampleur de leurs missions, et de leur très grande exposition dans leur relation avec les élus locaux.
L'ABF est un maillon en voie de fragilisation, ce qui, de fait, fragilise toute la chaîne patrimoniale, que ce soit la gestion administrative des autorisations de travaux, l'expertise de terrain pour les élus locaux, l'entretien du patrimoine de l'État, la sécurité incendie des cathédrales... Ces fonctionnaires sont « au four et au moulin » ; ils travaillent à flux tendu voire « roulent sur la jante », et ne sont parfois pas très bien considérés. Ils sont un maillon faible, y compris en matière d'attractivité et de couverture territoriale.
Depuis quelques années, les ABF prennent plus de distance avec une culture patrimoniale et architecturale importante. Ils sont moins nombreux qu'avant à suivre l'École de Chaillot, et sont davantage relégués à des tâches administratives alors qu'ils devraient être sur le terrain. Nous tirons le signal d'alarme auprès du ministère de la culture, des parlementaires et de la société civile : notre politique du patrimoine se veut ambitieuse et a acquis une certaine surface médiatique avec les Journées Européennes du Patrimoine et le loto du patrimoine. Nous avons pris conscience de l'état sanitaire mitigé de notre patrimoine, notamment pour les collectivités territoriales qui ont eu du mal à gérer les conséquences du transfert de la maîtrise d'ouvrage et de la montée en compétences de la maîtrise d'oeuvre : désormais, il faut faire appel à un architecte du patrimoine pour un bâtiment classé... Il n'est pas toujours simple pour une collectivité de le trouver.
Au-delà de l'image assez flatteuse d'une politique du patrimoine à la française reposant sur des compétences scientifiques et techniques, on voit l'attrition de celles-ci et que les ABF ont du mal à faire face à leurs fonctions, ou les exercent dans des conditions de fragilisation croissante.
Nous voulions dire au ministère de la culture qu'on ne peut pas avoir de politique du patrimoine ambitieuse si la gestion des ressources humaines et ces ressources humaines sur le terrain sont en crise. Les ABF mais aussi les ingénieurs du patrimoine et les architectes en chef des monuments historiques sont en difficulté. Les ABF sont les interlocuteurs privilégiés des élus locaux et jouent un rôle très important. Nous mettons en lumière un réel problème.
Au-delà du problème quantitatif de vacance se pose le problème qualitatif du contenu de leurs missions et de la surcharge administrative. En matière de management, de conduite du changement, de communication institutionnelle, de capacité à dialoguer dans des contextes difficiles avec des élus de tous niveaux, obédiences politiques et sensibilités patrimoniales, on observe un déficit de savoir-faire, voire de savoir-être. Cette exposition doit être prise en compte dans leur formation et leur accompagnement.
Voilà la tonalité de ce rapport mettant l'accent sur ces métiers difficiles, en tension, qui sont moins attractifs, ce qui fragilise la chaîne patrimoniale.
M. Michel Bouvard, conseiller maître. - Je n'étais que le contre-rapporteur du rapport, mais je souhaiterais apporter trois éléments complémentaires.
Ce rapport a fait l'objet d'un travail approfondi, à fines mailles, et pas seulement de Paris : nous nous sommes déplacés dans les directions régionales des affaires culturelles (Drac) et avons rencontré les associations d'élus. Notre constat en profondeur, remonté par les rapporteurs et délibéré par la 3e chambre, correspond à une réalité non « échantillonnesque ». Il a été corroboré par des constats réalisés à l'occasion de contrôles organiques de la Cour des comptes sur des établissements publics comme Chambord, sur la gestion de la chaîne patrimoniale.
Ensuite, ce rapport a mis en évidence des dysfonctionnements qui sont la conséquence de réformes législatives ou réglementaires n'ayant pas été jusqu'au bout, ou dont on n'a pas tiré toutes les conséquences. Au-delà des ABF, se pose la question de la mise en place des réformes, une fois votées.
Enfin, parmi l'inflation de la délivrance d'avis que subissent les ABF, sont montés en puissance les avis sur les sites classés et inscrits relevant de compétences du ministère de l'écologie, avec un besoin de clarification et de coopération renforcée entre les deux ministères. Cette inflation n'est pas terminée : nous devrons gérer les conséquences de la mise en oeuvre des programmes Action coeur de ville et Petites Villes de demain - dont le volet patrimonial est souvent mis en avant - sur les avis des ABF et leur formalisme.
Mme Anne Le Lagadec, conseillère référendaire en service extraordinaire. - L'ABF, homme lige du patrimoine, remplit un éventail de missions particulièrement large. Il intervient tant sur la maîtrise d'ouvrage, par exemple d'une cathédrale, que sur la maîtrise d'oeuvre pour l'entretien courant des bâtiments de l'État, affectés en direction régionale des affaires culturelles (Drac). Il intervient parfois dans certaines régions pour l'assistance à maîtrise d'ouvrage, notamment en Bretagne, mais également dans d'autres régions auprès de petites communes.
Le volet réglementaire lié à la politique de protection provoque une saturation : le nombre d'avis des ABF a augmenté de 20 à 30 % depuis les années 2010, et encore plus depuis les années quatre-vingt-dix, en raison de l'inflation du nombre de sites inscrits ou classés.
Enfin, le volet de conseil auprès des élus est très important et ne doit pas être sacrifié. C'est la garantie d'un renforcement harmonieux de la politique du patrimoine.
L'ABF est au croisement de trois codes : environnement, patrimoine et urbanisme. Le coût d'entrée de cette enquête était donc élevé... Nous avons essayé de cerner le volet conservation, en vraie difficulté notamment en zone rurale, en raison de la remise de la maîtrise d'ouvrage aux propriétaires non étatiques : les collectivités territoriales ou les propriétaires privés pour le patrimoine classé.
Seconde difficulté, les ABF manquent de temps pour la mise en valeur patrimoniale, urbaine, paysagère. Ils sont proches de la saturation, avec une approche « pointilliste » et quantitative, très réglementaire, centrée sur la protection au détriment des deux autres volets de conservation et de mise en valeur.
M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - La présidente citait la Lozère, mais le département de l'Aisne compte 800 communes, 500 000 habitants et un seul ABF...
M. Vincent Éblé. - En Seine-et-Marne, nous avons 500 communes et 1,5 million d'habitants, mais seulement deux ABF !
M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - Il y a un effet ciseau : d'un côté on affiche une ambition et des missions élargies, une inflation des demandes, mais, de l'autre, il n'y a pas assez de personnes. Quelles sont vos préconisations ? On pourrait recruter, mais ce n'est plus trop dans l'air du temps...
Quelles missions des ABF pourraient-elles être revues ? Vous évoquiez l'engorgement des avis. Est-ce vraiment le rôle de l'ABF de toujours rendre un avis conforme lorsqu'on change des fenêtres à 500 mètres d'un bâtiment classé ? Les ABF pourraient se concentrer sur le patrimoine classé, la mise en valeur et la conservation.
Observez-vous de grandes différences de fonctionnement entre les unités départementales de l'architecture et du patrimoine (Udap), notamment dans les méthodes de travail ?
Les périmètres délimités des abords (PDA) semblent rencontrer un beau succès, mais ne sont mis en place que dans peu d'endroits. Selon vous, il faudrait plusieurs décennies pour couvrir les périmètres concernés, au rythme actuel. À mon avis, ce serait plutôt des siècles... Cette procédure peut-elle être simplifiée ou assouplie, pour que chacun puisse rentrer dans ce dispositif ?
M. Emmanuel Roux. - Je préside une CRC. En Bourgogne-Franche-Comté, nous avons lancé une enquête pour objectiver les difficultés structurelles des collectivités dans l'entretien, la conservation et la valorisation de leur patrimoine.
Le rapport de 2022 est centré sur cette politique vue depuis l'État. Nous avons traité des collectivités territoriales au travers de la réforme de la maîtrise d'ouvrage et de la maîtrise d'oeuvre, grâce aux Drac. Nous avons rencontré toutes les Drac et toutes les conservations régionales des monuments historiques (CRMH) de France. Nous avons échangé avec des élus locaux, mais de façon un peu indirecte.
Notre enquête vise à appréhender ce problème du point de vue des collectivités territoriales. Les élus ont des expériences extraordinairement hétérogènes de leurs relations avec les ABF. C'est un dysfonctionnement. Sans mettre en cause les ABF, il y a un problème dans la manière dont leur fonction est pilotée au niveau central. Il y a presque une rupture d'égalité devant le service public si, en fonction de la personnalité de tel ou tel ABF, la réponse varie. Il faut plus d'homogénéité, une sorte de doctrine. Cela rejoint le problème fondamental d'animation du réseau. Ces métiers ne sont pas animés. On peut remettre de la ressource, instaurer plus régulièrement des concours et davantage recruter, améliorer la rémunération pour attirer dans des Drac ou des Udap - actuellement moins avantageuses qu'un conseil départemental... Cette politique publique repose sur l'expertise scientifique et technique des personnes qui la portent. Si cette expertise est fragilisée, c'est toute la politique patrimoniale qui se fragilise.
Au-delà, nous devons traiter de l'animation : l'ABF est très seul pour des sujets structurants comme des prescriptions, des autorisations de travaux ou le contrôle scientifique et technique. Les ABF ont besoin de stabilité, d'opposabilité, de clarté, pas seulement sur le fond, mais aussi dans la manière de faire. Nous devons apprendre aux ABF à manager dans des environnements complexes, notamment politiquement. Ils sont livrés à eux-mêmes. C'est frappant : selon que je parle à un élu de grande ville ou de village, l'ABF est formidable ou il a tout interdit... Cette variabilité, inexplicable, est sujette à caution.
Les avis conformes doivent rester ce qu'ils sont aujourd'hui, pour un Velux ou autre... Nous avons une politique du patrimoine fondée sur des règles contraignantes que nous devons assumer. Il faut aussi un garant territorial de ces règles. Certes, il faut parfois plus de souplesse et de pédagogie, il faut normer et créer de la jurisprudence. Le problème de la politique du patrimoine ne réside pas dans ses règles, mais dans la manière dont on les fait vivre. C'est donc un sujet d'incarnation et de ressources humaines.
Nous n'avons pas parangonné ou étalonné les Udap les unes par rapport aux autres. Le rapport parle de lui-même sur les PDA.
Mme Anne Le Lagadec. - En matière de défaut d'animation, nous avons l'impression que les Udap sont loin de l'État central. Des initiatives régionales ont été prises par le conservateur régional des monuments historiques pour organiser le travail entre la CRMH et l'Udap.
Il y a aussi une question hiérarchique : l'ABF est vraiment indépendant, sans lien hiérarchique avec le CRMH. Il ne rend des comptes qu'aux Drac.
Il peut y avoir une dynamique de projet et une animation régulière, à l'échelle régionale. Mais le périmètre de l'ABF est départemental, il ne peut se déployer sur un périmètre plus important.
Il nous semble très important de conserver l'avis conforme : la politique du patrimoine doit être défendue et fondée sur une base juridique solide.
Nous proposons de réformer les PDA pour en accélérer le déploiement. Le ministère de la culture a réalisé une étude juridique : il restera toujours la dimension d'enquête publique pour les PDA, mais on pourrait imaginer des enquêtes publiques groupées de plusieurs PDA, comme le suggère Fabien Sénéchal, président de l'Association nationale des architectes des bâtiments de France (Anabf). Il propose d'assortir le PDA d'un règlement, pour simplifier l'avis conforme.
Les Udap fonctionnent bien quand il existe une véritable hiérarchisation et qu'on arrive à résoudre le problème quantitatif. Un ABF ne peut examiner 2 000 avis par an. Certains sont importants, d'autres assez répétitifs... Il faut arriver à déléguer. Soit on inscrit des éléments de protection dans des règlements d'urbanisme ou on inscrit la petite règle assortie à un PDA, soit on délègue à des personnels de moindre niveau la tâche de dire quelles sont les couleurs ou huisseries autorisées, par exemple... Le tout-venant peut être géré par du personnel non-ABF.
M. Michel Bouvard. - Nous proposons une procédure exceptionnelle pour gérer la vague de PDA. Actuellement, le problème réside dans le lien avec la révision des documents d'urbanisme.
L'ABF de Savoie m'expliquait qu'à proximité des métropoles, et donc des préfectures de région, la demande d'enquête publique était gérée rapidement par la préfecture. Dans les préfectures départementales, il semble que cela ne soit pas toujours le cas : souvent, le préfet considère qu'il revient au ministère de la culture de demander une enquête publique. C'est un problème de relation entre le ministère de l'intérieur et celui de la culture.
Une grande partie des Udap savent où sont les priorités en matière de PDA ; elles diffèrent selon les monuments. Ainsi, les Udap des deux départements de Savoie ont une liste des dix secteurs prioritaires au regard des enjeux patrimoniaux et de sécurité juridique - dans certains secteurs, les recours sont beaucoup plus nombreux. Le passage au PDA permettrait d'améliorer la sécurité juridique et de traiter prioritairement les secteurs aux plus forts enjeux patrimoniaux. Cela justifierait, temporairement, une procédure déconnectée du lien avec la révision ordinaire des documents d'urbanisme. Lors de la publication du rapport, sur 45 000 monuments historiques, il n'y avait que 1 500 PDA actifs.
Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Vous avez évoqué l'assistance à maîtrise d'ouvrage en Bretagne. Le lien avec les élus et le rôle de conseil de l'ABF sont essentiels, car les élus ont peu de personnel à disposition. Avez-vous connaissance d'autres départements où il y a de bonnes relations entre les élus et l'ABF ?
Mme Anne Le Lagadec. - En dehors de la Bretagne, il y a les Hauts-de-France et les Pays-de-Loire. De mémoire, il y a aussi la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Monsieur Bouvard, vous évoquiez les dysfonctionnements liés au fait que certaines lois ne sont pas « allées jusqu'au bout »...
M. Michel Bouvard. - Par exemple, les PDA ont été créés par la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP), sans qu'on en tire les conséquences pour qu'ils s'appliquent dans un délai raisonnable. Il y a d'autres exemples de dysfonctionnements dans la chaîne patrimoniale, et pas seulement concernant les ABF. Certains décrets d'application ne sont pas rédigés, d'autres le sont, sans être jamais publiés par le ministère de la culture !
Si la CRC Bourgogne-Franche-Comté est suivie par des enquêtes sur le volet collectivités territoriales de la politique du patrimoine, on pourrait avoir une documentation plus complète - notamment si d'aventure le Sénat voulait demander une enquête au titre de l'article 58 -2 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf)...
Mme Anne-Catherine Loisier. - Il y a matière !
M. Emmanuel Roux. - Je prends la balle au bond : nous avons un projet d'enquête avec six autres CRC qui travaillent actuellement sur ce sujet. Nous nous regrouperons sur le deuxième semestre 2024 et le premier semestre 2025. Si le Parlement nous saisit sur ces sujets, cela nous confortera et permettra une prise de conscience.
L'assistance à maîtrise d'ouvrage existe dans très peu d'endroits, mais il existe de la maîtrise d'ouvrage informelle, par exemple l'accompagnement par les ingénieurs du patrimoine de maires de petites communes pour aider à formaliser une autorisation de travaux, à passer un marché, pour expliquer les financements auxquels une commune a droit...
Lors du « plan cathédrales », le ministère de la culture a géré des financements considérables pour la conservation des cathédrales. Les ingénieurs du patrimoine ont dû mettre fin à certaines de ces collaborations informelles avec des petites communes pour réaliser cette mission pour l'État. Or il n'y a pas d'offre d'assistance à maîtrise d'ouvrage privée - sinon résiduelle - ni de coopération intercommunale. En Bourgogne-Franche-Comté, de nombreuses communes de 500 ou 1 000 habitants ont un patrimoine monumental classé ou inscrit considérable. Souvent, elles affrontent seules le problème, sans mutualisation.
M. Vincent Éblé. - En grande partie, ce sont des églises...
M. Emmanuel Roux. - Le transfert de la maîtrise d'ouvrage et de la maîtrise d'oeuvre, ainsi que la fin du monopole des architectes en chef des monuments historiques sont une réforme louable sur le papier. Mais les collectivités territoriales détiennent la moitié des 13 000 monuments historiques classés et des 33 000 inscrits. Cette réforme se fait dans l'improvisation. Si l'état sanitaire du patrimoine des collectivités locales s'est dégradé, c'est sans doute à cause de cela. La fragilisation du rôle de l'ABF s'explique aussi par la difficulté à faire face à toutes les demandes des collectivités.
Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Il n'y a pas de structure privée pour aider les petites communes. Or celles-ci font déjà face à des coûts énormes pour rénover leurs bâtiments. Mieux vaudrait que ce soit l'État qui finance l'assistance à maîtrise d'ouvrage.
La charge de travail des ABF est alourdie par leur fonction de « responsable unique de sécurité » (RUS) contre le risque incendie et de panique dans les monuments dont ils sont les conservateurs - notamment les cathédrales, dont on connaît les enjeux. Comment leur permettre de mener à bien leur mission alors que leur charge est déjà lourde ?
Vous relevez que « la compétence sur les sujets de sécurité, alarme, circuits électriques, incendie, ne fait pas toujours l'objet de formations appropriées ». Voyez-vous d'autres sujets de renforcement de la formation des ABF ?
M. Michel Bouvard. - Je ne suis pas sûr que les ABF aient la compétence totale pour être responsables uniques de sécurité sur une cathédrale ni la capacité d'exécution. J'ai conduit les deux premiers contrôles de Notre-Dame de Paris. Si le responsable unique de sécurité qu'était l'ABF en charge de Notre-Dame avait eu connaissance du fait qu'on avait baissé le niveau de qualification des intervenants venant assurer la surveillance en l'absence des personnels mis à disposition par le clergé ou par le Centre des monuments nationaux (CNM), les choses auraient peut-être été différentes.
Pour certains grands monuments, comme le château de Chambord, établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) que j'ai contrôlé avec Emmanuel Roux, ce n'est pas l'ABF qui est responsable unique de sécurité. C'est pourtant l'un des monuments majeurs du pays.
Transférer la compétence de responsable unique de sécurité aux hommes de l'art - même si l'ABF aurait son mot à dire - ne serait pas une aberration...
Mme Anne Le Lagadec. - Cette mission est ancienne, et date de 2005. Elle a été réactivée après les incendies spectaculaires de Notre-Dame de Paris et de Nantes.
M. Michel Bouvard. - Le deuxième incendie à Nantes...
Mme Anne Le Lagadec. - La mission de la sécurité, de la sûreté et de l'audit (Missa) du ministère de la culture a réaffirmé le rôle de responsable unique de sécurité des ABF, et a demandé à chaque Drac de mettre en place un plan de sécurité cathédrales, avec un diagnostic-état des lieux et des propositions. Les ABF sont très démunis, car cela relève de fonctions d'ingénieurs ou de sécurité. Ils ne sont pas formés sur le sujet et ne savent pas trop comment l'aborder.
La Drac Occitanie a lancé une initiative pour rationaliser le plan de sécurité des cathédrales avec un cahier des charges commun, en externalisant les études préalables. Ce cahier des charges a été repris par d'autres Drac et par la ville de Toulouse.
Souvent, les ABF habitent assez loin des cathédrales : comment est-il possible d'assumer ce rôle ? Cette fonction de « sacristain » tend à disparaître alors que la responsabilité reste entière. Il faudrait plutôt faire assumer cela à des ingénieurs...
Mme Anne-Catherine Loisier. - Durant votre étude, avez-vous été confrontés au problème de l'installation de panneaux solaires en toiture ? Ce sujet participe de la surcharge des ABF, car le nombre de dossiers explose, avec des situations compliquées dans de nombreuses communes et des injonctions publiques contradictoires : développer des énergies renouvelables et l'autoconsommation, et en regard, dans mon département de Côte-d'Or, des positions de l'ABF presque systématiquement négatives.
M. Emmanuel Roux. - À ma connaissance, nous n'avons pas rencontré ce problème des panneaux solaires, mais celui surtout des éoliennes...
Mme Anne Le Lagadec. - Nous avons davantage entendu parler des éoliennes. Les ABF se sentent bien seuls sur le sujet, du fait de l'ampleur du ministère de la transition écologique. Les inspecteurs des sites laissaient l'ABF juger de l'insertion paysagère. Certaines zones n'étaient pas respectées, avec des impasses juridiques.
Nous avons formulé une recommandation pour construire une doctrine commune sur des questions très âpres et disputées, comme la continuité écologique des rivières avec les moulins, car des droits d'eau sont très anciens. Rétablir la continuité écologique dure parfois une décennie.
Il faut perfectionner la doctrine. Le ministère s'est emparé de ces questions. Une directive de 2023 précise, à la faveur de la loi relative à l'accélération de la production des énergies renouvelables, les problèmes des panneaux photovoltaïques et des éoliennes.
Mme Anne-Catherine Loisier. - C'est étonnant que vous n'ayez pas été sollicités. En Côte-d'Or, si les éoliennes sont en pleine nature, les panneaux photovoltaïques sont dans tous les villages, où il y a souvent un monument historique... Nous sommes systématiquement confrontés à ce sujet. C'est un phénomène majeur sur nos territoires, avec des réponses différentes.
M. Emmanuel Roux. - C'est un sujet que nous aborderons de près dans le cadre de notre enquête de la CRC Bourgogne-Franche-Comté. Il y a des injonctions parfois contradictoires entre la volonté de préserver un patrimoine monumental, élément-clef d'attractivité, et des enjeux soit de développement économique, soit de transition énergétique.
L'année dernière, nous avions déjà publié un audit flash sur les dépenses énergétiques des collectivités territoriales, dans le contexte de renchérissement des prix de l'électricité et du gaz. Nous avions salué les efforts d'accélération des politiques d'adaptation de nombreuses collectivités territoriales. Mais il y avait des problèmes dès que le monument historique était classé ou inscrit... Nous examinerons ce sujet plus en détail dans notre enquête, et je suis à votre disposition pour échanger, même si nous avons déjà constitué notre échantillon.
M. Michel Bouvard. - Sur les problèmes esthétiques des panneaux solaires quant à la visibilité des monuments, il faudrait des règles pouvant être déclinées sur l'ensemble du territoire, et travailler sur le type de panneaux à installer. Ce serait un moyen intelligent de sélectionner des panneaux fabriqués sur le territoire national, répondant à des normes. Nous avons ce genre de prescriptions sur différents types de couverture, comme en lauze. L'ABF ou la CRMH peut prescrire tel ou tel type de couverture pour une meilleure intégration dans le paysage. La réflexion peut intégrer la règle pour dire où installer des panneaux et dans quelles conditions, mais elle peut aussi s'intéresser à la typologie de l'équipement, pour favoriser une toiture mieux intégrée, mais aussi une filière de production destinée aux monuments historiques.
Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - C'est la doctrine dont vous parliez : ce serait une aide pour les ABF. En fonction des types de toitures, l'ABF pourrait prescrire des choix.
M. Michel Bouvard. - Oui, de même que parfois il n'est pas possible de recourir à des tuiles mécaniques par exemple.
Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Cela ne concerne pas la décision de poser ou non des panneaux sur la maison : vous vous positionnez surtout sur le type de matériaux à utiliser...
M. Michel Bouvard. - Cela fait partie des sujets devant être examinés dans le cadre des PDA.
Mme Sabine Drexler. - Avez-vous pu faire des constats en matière de rénovation énergétique, notamment pour les travaux d'isolation extérieure, les remplacements de menuiseries, d'huisserie ? Je pense, par exemple, à la pose de polystyrène sur des maisons patrimoniales.
M. Michel Bouvard. - Cela ne figure pas dans le champ du rapport, qui est déjà très large.
Mme Sabine Drexler. - Mon ABF, en Alsace, me parle d'une vague d'isolation par l'extérieur qu'il n'arrive plus à endiguer, même en secteur protégé. C'est un vrai problème.
M. Michel Bouvard. - C'est en lien avec une difficulté mise en évidence par votre commission, à savoir que les diagnostics thermiques ne prennent pas en compte l'inertie naturelle de certains bâtiments anciens. L'isolation par l'extérieur n'est effectivement pas fondée.
Mme Sabine Drexler. - C'est une problématique récente que l'on découvre seulement depuis la loi Climat et résilience.
Mme Colombe Brossel. - J'ai été assez frappée par les propos de M. Roux, qui a parlé de rupture d'égalité en matière de rénovation énergétique. C'est un terme assez fort, mais tout à fait juste. Sur le territoire parisien, certaines personnes ont des doctrines non écrites différentes d'un secteur à l'autre : les accompagnements sont donc différents selon les arrondissements. L'absence de doctrine écrite renforce, de fait, cette rupture d'égalité qu'il faut combattre.
Mme Anne Le Lagadec. - L'enquête a essentiellement été réalisée pendant la période du covid. Les équipes ont donc mis en valeur les travaux de concertation, de partage d'expériences, d'élaboration d'une doctrine commune. Nous avons eu l'impression qu'il n'y avait pas tellement de variabilité entre les avis. En Côte-d'Or, la CRMH et les Udap fonctionnent très bien, elles se réunissent souvent et elles s'efforcent de perfectionner leur doctrine, qu'il s'agisse des éoliennes ou photovoltaïques. Idem en Bretagne. De nombreuses régions essaient donc de réduire ces éléments de variabilité. Mais il existe peut-être un biais...
M. Emmanuel Roux. - Le rapport a beaucoup documenté la rupture d'égalité que vous évoquez, en particulier en ce qui concerne les allocations de ressources. Les critères sont loin d'être homogènes d'une CRMH à l'autre pour l'attribution des financements, sachant que les financements de conservation sont plus importants pour les monuments classés que pour les monuments inscrits. On observe des variations très fortes d'une Drac à l'autre sans que les critères soient objectivés. Les collectivités publiques comme les propriétaires privés ne sont pas accompagnés de la même manière selon qu'ils se trouvent dans tel ou tel département, et ce dans des proportions parfois très variables d'un territoire à l'autre. La doctrine n'est donc pas homogène. Il faut évidemment permettre aux CRMH et aux Drac de s'adapter à la diversité des patrimoines et des travaux à mener.
Nous avons également été frappés par le caractère parfois inégalitaire des collectivités face à la conservation alors que certaines petites communes disposent d'un patrimoine absolument majeur. La région Bourgogne-Franche-Comté offre beaucoup d'exemples de ce type, avec parfois un patrimoine qui se fragilise. Dans certaines petites villes, les églises sont fermées et ne servent plus au culte parce qu'elles s'écroulent. Cela devrait figurer davantage dans le débat public, car cette dégradation structurelle de l'état du patrimoine matérialise également une forme de rupture d'égalité. L'expression est certes forte, mais elle correspond à un phénomène que nous observons sur le terrain.
M. Michel Bouvard. - La rupture d'égalité est liée à la sédimentation des moyens. Nous n'avons procédé à aucun rebasage depuis des décennies. On n'a pas toujours tiré les enseignements d'une politique de classement qui s'est accentuée et qui a été plus dynamique dans certains endroits que dans d'autres. Les moyens n'ont pas été réajustés et prennent en compte des situations souvent très anciennes.
M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - Vous parlez de rupture d'égalité. Je peux comprendre la différence de traitement en ce qui concerne les bâtiments classés : aucun bâtiment n'est absolument identique à un autre, tous n'ont pas la même histoire, etc. Mais il y a aussi la rupture d'égalité entre les citoyens : j'en reviens à mon exemple de changements de fenêtres à 500 mètres d'un bâtiment classé. C'est plutôt ce cas de figure qui pose problème : les maires ne savent pas quoi répondre à leurs administrés. Voilà où sont les vrais « irritants ». Quelles sont vos préconisations pour faire « baisser la température » ? Loin de moi l'idée de supprimer l'avis conforme dans le périmètre, mais comment faire si l'on n'a plus les moyens d'appliquer les ambitions que l'on se donne, au grand dam des municipalités et des citoyens ? Dans les villes où de nombreux monuments sont classés, les services de l'urbanisme sont rodés. Mais quid des autres ? Comment font-elles pour apporter des réponses à la population, d'autant que les avis rendus sur les matières ou les couleurs peuvent être très différents au fil des ans ? In fine, plus personne ne demande d'ailleurs plus rien et chacun tranche soi-même !
Mme Anne-Catherine Loisier. - Il existe des situations encore plus catastrophiques : les dossiers sont déposés, l'administration ne répond pas dans les délais et les choses se construisent quand même. C'est le comble ! Le maire ne sait plus quoi dire aux habitants...
M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - Certains ABF sont engorgés de demandes qui ne relèvent pas réellement de la conservation patrimoniale, notamment pour des bâtiments qui ne se situent pas directement aux abords d'un bâtiment classé.
M. Emmanuel Roux. - Il faudrait établir un ratio acceptable du nombre d'actes par ABF. Il existe un déséquilibre flagrant entre les moyens et les missions. Il ne s'agit pas de dire qu'il faut recruter, mais il s'agit d'établir des ratios pour que les Udap fonctionnent normalement et remplissent le service public attendu par les usagers. Voyons où sont les problèmes en termes d'attractivité et prenons les mesures permettant de rétablir la situation. Nous nous sommes attachés à examiner la question du point de vue des ressources humaines, c'est le coeur du sujet. Notre approche a été de savoir comment mener cette politique dans des conditions normales.
M. Michel Bouvard. - Sur la gestion des ressources humaines, il convient peut-être de partir de quelques constats. Il ne s'agit pas uniquement d'une question de moyens, mais aussi de compétences. Si l'adjoint d'un ABF est architecte, on ne peut lui déléguer la signature des avis. De tels ajustements ne nécessitent pas d'effectifs supplémentaires, mais uniquement que l'on nomme la bonne personne pour que le travail soit équilibré. L'ensemble des autorisations évoquées - fenêtres, velux, huisseries, etc. - nous ramène à la question des PDA. Comme l'a souligné Anne Le Lagadec, et comme le met en avant le rapport, on pourrait prévoir un document d'accompagnement, comme cela se fait déjà pour les secteurs sauvegardés. Le maire serait alors automatiquement en mesure de se prononcer sur la conformité ou non de certains projets. Les PDA facilitent donc l'instruction des dossiers et réduisent les délais. Car l'instruction est chronophage, ce qui aboutit au risque de sinistre évoqué tout à l'heure en cas d'absence de réponse : les travaux sont tout de même réalisés, ce qui crée de l'incompréhension dans la population.
Mme Anne Le Lagadec. - Parmi les différentes solutions pour rationaliser et diminuer la charge, on peut citer la désinscription des sites inscrits qui sont définitivement saccagés et abîmés. En 2019, 567 des sites inscrits, soit 12 %, étaient considérés comme devant être désinscrits.
M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - Une liste existe-t-elle ?
Mme Anne Le Lagadec. - Tout à fait, un projet de texte a abouti dans des proportions plus limitées au printemps 2022 puisque seulement une quarantaine de sites ont été désinscrits, mais c'est un vrai sujet : dans les Landes ou dans le golfe du Morbihan, beaucoup de sites inscrits au titre du paysage sont très abîmés par des zones pavillonnaires.
Sur les avis simples, les PDA seraient la solution, mais il y a l'obstacle de l'enquête publique. En 2020, 463 000 avis simples ont été rendus. On a donc pensé qu'il serait intéressant de confier une partie de cette charge aux communes, moyennant l'acquisition de certaines compétences. Les orientations d'aménagement et de programmation (OAP) pourraient, par exemple, figurer dans les documents d'urbanisme. Mais nous nous sommes montrés extrêmement prudents dans notre rédaction, car le ministère n'est pas prêt à décentraliser les avis simples - lesquels concernent les monuments quand il n'y a pas de covisibilité et les sites inscrits au titre du paysage. Les maires ont également parfois une position ambiguë, car l'avis simple de l'ABF leur est utile.
Il serait également important de faire aboutir la réforme des sites patrimoniaux remarquables (SPR), qui est l'un des éléments de la loi LCAP. Tous les sites relevant des anciens dispositifs de protection et de valorisation des espaces urbains et paysagers devraient être transformés en SPR, mais comme il faut repasser par la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture (CNPA) pour redélimiter les périmètres, cela se fait à un rythme d'escargot. Dans beaucoup de secteurs, le plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) est très long à aboutir. Celui de Tréguier a été mis en chantier en 1964 et n'est toujours pas adopté, à ma connaissance. C'est donc l'ABF qui se substitue puisqu'il n'y a pas de PSMV. Ce n'était déjà pas simple avant, mais la réforme a complexifié la procédure en prévoyant un passage systématique par la CNPA.
M. Vincent Éblé. - Si c'est bloqué depuis 1964, le problème ne vient pas du PSMV...
Mme Anne Le Lagadec. - Quoi qu'il en soit, de nombreux secteurs sauvegardés n'ont pas de règlement et l'ABF est systématiquement mobilisé.
M. Michel Bouvard. - S'agissant des avis simples, qui représentent tout de même un volume important, il y a sans doute un travail d'approfondissement à faire, notamment pour les petites communes qui ne disposent pas forcément des compétences nécessaires. Les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) sont évoqués. Les architectes-conseils sont tout à fait à même d'accompagner la production de l'avis dans le cadre de conventions. Il y a aussi les parcs naturels régionaux, qu'Anne Le Lagadec connaît bien.
Mme Sabine Drexler. - On parle du patrimoine protégé d'une manière ou d'une autre. Mais je suis aussi très inquiète pour le patrimoine qui ne bénéficie d'aucune forme de protection. Vous évoquiez les AOP. Il conviendrait de procéder à une identification systématique de l'ensemble du patrimoine français, y compris celui qui n'est pas protégé, car c'est lui qui est en péril. Je suis contente qu'il existe des avis contraignants. Heureusement que les ABF sont là !
M. Michel Bouvard. - Il y a effectivement un sujet à propos du recensement. Les lois Raffarin ont transféré l'inventaire sur les régions, mais aucun bilan n'a été fait.
Mme Anne-Catherine Loisier. - La question n'est pas de savoir si nous sommes pour ou contre les ABF, mais de savoir comment accompagner les acteurs qui gèrent les conséquences et les surcoûts de leurs avis. Dans le parc du Morvan, chacun essaie de faire de son mieux, mais on est complètement dépassé par les événements. Tout le monde croule sous la masse des sollicitations. Il faut arrêter d'en donner toujours plus aux maires, d'autant que les petites communes ne sont confrontées à ce genre de dossiers qu'une fois de temps en temps. C'est donc surtout elles qu'il faudrait accompagner, car elles n'ont pas d'antériorité. Mais dans un territoire comme la Côte-d'Or, qui compte 700 communes, les acteurs intermédiaires qui pourraient les aider - les intercommunalités ou les pôles d'équilibre territorial et rural (PETR) - n'y arrivent pas.
Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Merci beaucoup de vos contributions sur ce sujet passionnant.
La réunion est close à 16 h 00.