Convention consentement au mariage

Mme la présidente - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'adhésion de la France à la convention sur le consentement au mariage, l'âge minimum du mariage et l'enregistrement des mariages.

Discussion générale

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. - La liberté matrimoniale est un droit fondamental inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 ainsi que dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales de 1950. L'Organisation des Nations Unies a, une nouvelle fois, le 7 novembre 1962, consolidé ce principe en adoptant la présente convention dont la ratification par la France est aujourd'hui soumise à votre autorisation. La France a signé cet instrument le 10 décembre 1962.

Le Gouvernement a attendu jusqu'à aujourd'hui pour soumettre ce texte à votre examen en raison de la coexistence du droit commun avec le statut civil de droit local garanti par l'article 75 de la Constitution dans certaines de nos collectivités outre-mer : certains ajustements du droit coutumier étaient nécessaires pour permettre à notre pays de distinguer certains de nos territoires. Après les modifications législatives relatives aux collectivités d'outre-mer intervenues en 2000 et 2002, le gouvernement a décidé de le ratifier.

Les règles du droit positif français énoncées par le code civil sont en accord avec les principes fixés par la convention tandis que, sur le plan juridictionnel, le principe de la liberté du mariage est régulièrement rappelé, spécialement par notre Conseil Constitutionnel, qui en fait une composante de la liberté individuelle. En réalité, les dispositions de la convention sur le consentement au mariage, l'âge minimum et l'enregistrement des mariages sont d'ores et déjà prévues par le code civil. Ces principes ont été en outre régulièrement consolidés au fil des évolutions législatives, en particulier avec la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineures, qui frappe le mariage de nullité en cas de contrainte sur les époux, y compris lorsqu'une crainte révérencielle s'exprime envers un ascendant.

Du reste, notre droit interne pose parfois des niveaux d'exigence supérieurs, par exemple pour les dérogations au principe de comparution personnelle. Cela nous imposera de faire une déclaration interprétative sur l'article 2 de la convention en réservant les célébrations de mariage hors la présence de l'un ou l'autre des futurs époux aux seules dérogations énoncées par notre législation qui prévoit expressément le mariage posthume ou le mariage par procuration des militaires en temps de guerre ou en cas d'opérations militaires hors du territoire national.

Les États signataires s'engagent à spécifier un âge minimum avant lequel les personnes ne peuvent, sauf dispense, légalement contracter mariage. La loi du 4 avril 2006 a modifié l'article 144 du code civil pour élever de quinze ans à dix-huit l'âge du mariage pour la femme. L'autorité compétente pour célébrer le mariage devra s'assurer du libre consentement des parties, exprimé personnellement, en présence de témoins et après une publicité suffisante. En cas d'absence d'une des parties, elle devra s'assurer qu'il s'agit de circonstances exceptionnelles et que le consentement a bien été reçu dans les formes légales par une autorité habilitée. La tenue d'un registre officiel est également prévue.

À l'heure actuelle, la présente convention a été ratifiée par une trentaine d'États. Votre autorisation permettra à notre pays d'être État partie, je l'espère avant la fin de l'année, à cet instrument international important et symbolique. (Applaudissements à droite)

M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur de la commission des affaires étrangères.  - Madame la ou le ministre ? Mme Royal avait exigé par circulaire d'être appelée : madame la ministre. (Sourires)

Mme Rama Yade, secrétaire d'État. - Comme il vous plaira...

M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur.  - La France a signé cette convention le 10 décembre 1962.

Il y a déjà 45 ans ! Vous avez rappelé, madame la ministre, les raisons qui ont conduit la France à différer son adhésion à cette convention. De façon progressive, notre pays s'est mis en conformité avec les stipulations de cette convention, en modifiant le droit local de certaines collectivités d'outre-mer sur les points les plus contradictoires avec cet instrument international. Certains ajustements relatifs notamment au principe de publicité suffisante restent à réaliser pour pallier l'absence de publication des bans pour les personnes concernées par le statut relevant du droit local. Ces modifications peuvent être envisagées si la France prévoit de ratifier ce texte avant la fin de l'année.

Pour autant, les trois principes du consentement au mariage, de l'âge minimum pour le mariage et de la publicité suffisante du mariage -les deux derniers étant une déclinaison du premier- restent largement à conquérir en de nombreux points du globe et ne resteront qu'à l'état de pétition de principe en l'absence d'engagement volontariste. Nous comptons particulièrement sur votre efficacité, monsieur le ministre des affaires étrangères, dans ce domaine.

Le texte de la convention prévoit des exceptions à la présence des époux, ce qui a conduit certains des États signataires, dont la France, à formuler une série de réserves ou de déclarations interprétatives.

Le principe d'âge minimum du mariage est peu effectif si cet âge n'est pas défini. Cette question reste assez largement taboue et il est difficile d'y apporter une réponse internationale. Quant au principe de publicité des mariages, l'état-civil de nombreux États reste tenu dans des conditions qui ne garantissent pas son efficacité. Il y a là des gisements de coopération très importants pour la France, en particulier pour ses collectivités territoriales.

S'il est souhaitable que la France marque son attachement à ces principes en adhérant à cette convention, il lui reste à travailler pour sa mise en oeuvre. Notre Commission s'intéresse, madame la Ministre, à la façon dont notre outil de coopération peut prendre en considération ces principes, déterminants pour les droits de l'homme et pour le développement du monde. Au bénéfice de ces observations, votre commission vous recommande d'autoriser la ratification de cette convention. (Applaudissements à droite).

La discussion générale est close.

L'article unique du projet de loi est adopté.