Éloge funèbre de Daniel Goulet

M. le président. - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent) C'est au Moyen-Orient, à Abou Dhabi, bien loin de son « pays » du Mêle-sur-Sarthe, que notre ami Daniel Goulet a été terrassé le 25 février dernier par le mal soudain qui l'a emporté.

Ceux qui ont connu et aimé Daniel Goulet y verront comme un signe. Car Daniel était -tout à la fois- un homme d'enracinement, de conviction et de terrain et un homme d'ouverture, de vision et d'horizons lointains.

Daniel Goulet aimait profondément son « pays » du Mêle-sur-Sarthe, et plus particulièrement ce territoire entre Alençon et Donfront, qui était d'ailleurs aussi celui de son ancienne circonscription de député. Il en connaissait chaque vallon, chaque colline, chaque prairie, chaque bois et chaque carrefour.

Attentif aux autres, il en connaissait les habitants, leurs ressorts profonds, leurs attentes, leurs espoirs, leurs craintes, leurs déceptions. Avec énergie, humanité, imagination et humilité, il a consacré sa vie à en défendre l'avenir. Cet avenir, il le voulait harmonieux, dynamique, mais surtout conforme aux équilibres fondamentaux qui étaient l'aspiration de ses électeurs, mais aussi la sienne propre.

Après un engagement militaire courageux en Indochine, au service des valeurs universelles de démocratie et de paix auxquelles il croyait, Daniel Goulet a été professeur, puis -très vite- directeur dans l'enseignement privé. Son dévouement, son énergie, son intelligence aux autres l'ont conduit très jeune à la mairie de Mêle-sur-Sarthe, dont il fut le premier magistrat pendant 24 années.

Dès 1973, il fut élu député. Il le resta jusqu'à ce qu'il devienne sénateur, en septembre 1992.

Tout au long de ces trente-quatre années d'élu de la Nation, Daniel Goulet fut un parlementaire actif et respecté. Ses centres d'intérêt et d'action furent éclectiques. Mais ils furent aussi d'une grande cohérence.

Daniel Goulet considérait comme essentiel à l'harmonie de la France, le développement maîtrisé des pays et des paysages multiples et différents qui composent notre pays.

C'est cette conviction qui le conduisit à devenir l'un des pionniers de la décentralisation et de la régionalisation ; c'est cette conviction qui le conduisit à beaucoup réfléchir et à agir avec détermination pour le maintien des activités dans les zones rurales à faible densité ; c'est cette conviction qui fit de lui l'un des premiers à prôner la coopération directe entre collectivités locales d'États différents, que l'on appellera plus tard la « coopération décentralisée » ; c'est cette conviction qui lui fit consacrer une grande énergie à la lutte contre l'exode rural, à la réorientation de la politique agricole commune, à l'aménagement du territoire et au développement rural, à la préservation éclairée de l'environnement dans nos campagnes, à l'harmonisation et à l'intensification des relations entre les deux Normandies. C'est cette conviction aussi qui fit de lui un acteur efficace du désenclavement de l'Orne et un défenseur déterminé de l'axe autoroutier Calais-Bayonne.

Mais, au-delà de tout, Daniel Goulet était un homme qui aimait les autres.

Rien ne l'intéressait plus que l'examen des situations particulières, parfois difficiles, de ses concitoyens. Avec attention, chaleur et courtoisie, il aimait à les débroussailler, à les démêler, à les clarifier.

Il aimait aider.

Il aimait être utile aux autres et savait écouter ses interlocuteurs. C'est sans doute la raison pour laquelle -quels que soient ses auditoires- Daniel Goulet savaient capter l'attention, l'intérêt et, très souvent, la sympathie. L'empathie et la sympathie que suscitait spontanément Daniel Goulet ne venait pas de l'art ou de la technique dialectique du politicien habile. Elle venait tout simplement du coeur et de l'amour des autres. C'est ce qui faisait sa force.

Il est révélateur qu'en trente-six années de vie publique -parfois dans des contextes difficiles- Daniel Goulet n'ait, à une exception près, jamais connu que la victoire.

Mais Daniel Goulet a toujours su que la France ne se comprenait et que ses intérêts ne se défendaient parfois qu'avec le recul de l'éloignement. Il l'a prouvé avec courage, les armes à la main, dès le début de sa vie.

Cet engagement initial s'est poursuivi sous une forme plus pacifiée par une action déterminée dans le cadre de la diplomatie parlementaire, dont Daniel Goulet a été l'un des promoteurs et l'un des acteurs les plus éminents. Comme dans tout ce qu'il entreprenait, son action dans ce domaine s'est concentrée avec énergie sur les causes auxquelles il croyait, notamment la francophonie, la paix au Proche-Orient et le développement des relations entre la France et le monde arabe.

Dans le même temps qu'il remplissait avec un dévouement et une efficacité rares ses mandats nationaux et locaux, Daniel Goulet a développé une expérience et une activité internationale reconnues.

C'est ainsi qu'il agit en militant inépuisable de l'amitié franco-arabe : président de la fédération des groupes d'amitié France-pays arabes, vice-président de la section française de l'association parlementaire pour la coopération euro-arabe, chef de la délégation du Sénat chargée de l'observation des élections en Palestine en 2005, membre et secrétaire de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, vice-président de la délégation française aux assemblées parlementaires du Conseil de l'Europe et de l'UEO... Les références de Daniel Goulet dans ce domaine étaient aussi nombreuses qu'éminentes.

C'est avec émotion que je salue aujourd'hui la mémoire de Daniel Goulet, dans cet hémicycle où il était aimé et respecté autant pour son travail que pour ses engagements et son attention à autrui.

J'adresse mes sincères condoléances à ses collègues de la commission des affaires étrangères et des forces armées, à ses collègues du groupe UMP, à tous ses amis du Sénat. Mes pensées se tournent aussi naturellement vers son épouse, qui nous a rejoints dans cet hémicycle, et vers chacun des membres de sa famille si durement éprouvée. Nous nous associons à leur douleur et leur exprimons notre profonde sympathie. (Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. - Le gouvernement s'associe à l'hommage que le Sénat rend à Daniel Goulet, sénateur de l'Orne.

Sa disparition prive la Haute assemblée d'un membre d'une grande qualité et d'une grande humanité. Nous savons tous combien le choix de la carrière politique est d'abord un don de soi au service des autres. Homme de passion et d'engagement, Daniel Goulet aura incarné par excellence cette dévotion pour son prochain.

Né en 1928 dans ce pays ornais qu'il affectionna tant, Daniel Goulet devint, après avoir servi sous les drapeaux et obtenu la croix de guerre, enseignant puis directeur d'une école libre. Son attachement à l'enseignement privé ne faiblit jamais. Ainsi fut-il, à partir de 1992, vice-président du Syndicat autonome de l'enseignement privé.

Très vite, la passion de Daniel Goulet pour les rapports humains et son empathie naturelle le firent rentrer en politique. En parallèle de ses activités d'enseignement, il participa à la vie publique du Mêle-sur-Sarthe, dont il fut élu maire en 1971. Deux ans plus tard, il devient député de l'Orne, puis conseiller régional de Basse-Normandie. En 1992, il est élu sénateur de l'Orne, puis réélu à la Haute Assemblée en 2001. Gaulliste de la première heure, Daniel Goulet plaça toujours ses mandats sous le signe d'une fidélité indéfectible au général de Gaulle et à la vision de la France qu'il a incarnée.

La vie et la carrière de Daniel Goulet resteront à jamais liées à l'Orne. Pendant quelque quarante ans de vie publique, il sillonnera quotidiennement ce territoire qu'il connaissait mieux que personne, et dont il aimait les habitants. Ces derniers, reconnaissant la simplicité et la proximité de leur élu, sachant aussi combien il avait une connaissance intime et authentique de ses administrés, lui porteront en retour une affection dont ses nombreux succès électoraux témoignent. En tant d'année d'une vie politique si riche, Daniel Goulet n'aura perdu qu'une seule compétition électorale.

Comment ne pas mentionner l'engagement de tous les instants en faveur de la francophonie et l'exceptionnelle participation du sénateur Goulet à l'activité internationale du Parlement ? Passionné par les affaires du monde arabe, il présida avec enthousiasme les groupes France-Palestine et France-Pays du Golfe. C'est d'ailleurs sa participation au Salon international de l'armement militaire qui expliquait sa présence à Abou Dhabi, le jour fatal de son accident. Son intérêt pour la chose militaire était le corollaire de son engagement inlassable au service de la paix : il participa ainsi avec énergie à la commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel.

Toute sa vie, Daniel Goulet fut un homme d'action, ouvert aux autres, se dépensant sans compter pour ceux qu'il aimait. On peut sans doute juger un pays à l'aune des serviteurs qu'il sait se donner. La France, si l'on en juge par la vie de Daniel Goulet, a encore de beaux jours devant elle.

À sa famille, à Nathalie son épouse, à ses deux filles, à ses proches, à ses collègues de la commission des affaires étrangères, du groupe UMP, et à tous ses amis du Sénat, j'exprime, au nom du gouvernement, nos condoléances très sincères.

M. le président. - Nous y sommes très sensibles.

La séance est suspendue à 16 h 20.

présidence de M. Christian Poncelet

La séance reprend à 16 h 35.