Sécurité sanitaire

M. le président. - Nous allons examiner les crédits de la mission « Sécurité sanitaire ».

Orateurs inscrits

Mme Nicole Bricq, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - Je dois relever pour la troisième année consécutive le caractère artificiel de cette mission, notamment au regard des faibles marges de manoeuvre dont disposent les responsables de programme et de la non application des principes de la Lolf à nombre d'opérateurs qui agissent en son sein. L'avenir de la mission est en débat et la révision générale des politiques publiques devrait être l'occasion d'une réorganisation.

Au sein du programme « veille et sécurité sanitaire », l'innovation de 2008 est la création de l'Établissement de préparation des réponses aux urgences sanitaires (Eprus) ; piloté par le ministère de la santé, il a vocation à améliorer la politique d'acquisition et de gestion des produits de santé nécessaires en cas de crise : une agence de plus dans un dispositif déjà très complexe ! L'Eprus fait lui-même suite au Fonds de prévention des risques sanitaires créé six mois auparavant... Le transfert des compétences ne s'est pas accompagné des transferts de personnel ; 17 postes sont créés en 2008. De plus, les probables reports de crédits de l'exécution 2007 entraîneront la constitution d'un important fonds de roulement. Comme vous le savez, la commission des finances n'aime guère les fonds dormants... J'ajoute que les difficultés de démarrage de l'établissement altèrent la sincérité des crédits.

Le programme « sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » fait l'objet d'une sous-budgétisation récurrente. Les 2 millions prévus pour lutter contre la maladie de la langue bleue seront insuffisants pour faire face à son évolution rapide. J'avais tenu les mêmes propos l'an dernier ; le décret d'avance d'octobre m'a donné raison. Comment le Gouvernement compte-t-il financer la lutte contre cette maladie, notamment l'achat du stock de vaccins qui doit être disponible mi-2008 ?

Je relève en outre une nouvelle fois le déséquilibre financier du service public de l'équarrissage. Les aléas de ces dernières années, soulignés par la mission sénatoriale de septembre 2007, rendent peu réalistes les prévisions du Gouvernement et font douter de sa capacité à faire participer les éleveurs. Notre mission a suggéré de s'intéresser aux modèles étrangers, à la valorisation des sous-produits et à l'abandon du transport des cadavres par le service public de l'équarrissage. Quelles sont sur ces points les intentions du Gouvernement ? Que compte-t-il faire pour apurer la dette de 50 millions et faire face aux contentieux pendants, qui portent sur 1,7 milliard ?

J'ai proposé à la commission des finances l'adoption des crédits. Si aucune réponse n'est apportée aux trois points que j'ai évoqués au début de mon intervention, ce sera, en ce qui me concerne, la dernière fois.

M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - Je limiterai mon propos au programme « veille et sécurité sanitaires ». L'augmentation de 60 % de ses crédits est due à de nouveaux modes de financement, et surtout à la création de l'Eprus. Cet établissement est le dernier épisode d'un long feuilleton commencé avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 et la création du Fonds de concours commun à l'État et à l'assurance maladie, initialement destiné à l'achat, au stockage et la livraison de traitements pour les pathologies résultant d'actes terroristes ; feuilleton poursuivi avec la loi de finances pour 2005, qui a étendu ses missions à l'ensemble des menaces sanitaires graves, tandis que l'assurance maladie en devenait l'unique contributeur régulier. Puis le Conseil constitutionnel a censuré le dispositif, au motif que selon la Lolf, les versements à un fonds de concours doivent avoir un caractère volontaire. Enfin la loi de finances pour 2007 a créé le Fonds de prévention des risques sanitaires, financé par une contribution de l'assurance maladie et par une subvention de l'État, que la commission des finances a rendue obligatoire à au moins 50 %. La question a été finalement réglée par la loi du 5 mars 2007 qui a créé l'Eprus, dont les missions sont la gestion des réserves sanitaires, l'organisation d'exercices visant à valider les réponses aux crises, enfin l'acquisition, la fabrication, l'importation, le stockage et la distribution des produits de santé nécessaires en cas de crise.

Quel est l'état actuel des stocks de médicaments, de vaccins, de masques ? Les besoins de renouvellement pour 2008 ont-ils été identifiés ? Sera-t-il possible de recycler les produits périmés, notamment d'autoriser le reconditionnement du Tamiflu ?

Les subventions aux agences atteignent 140 millions, soit, Eprus mis à part, le même montant qu'en 2007. Après plusieurs années de ponction sur leurs fonds de roulement, qui ont permis à l'État de réduire ses subventions, les réserves des agences sont à leur niveau prudentiel ; l'opération ne pourra être répétée. L'État prendra-t-il ses responsabilités dès l'an prochain ?

La commission s'inquiète enfin de la complexité des structures chargées de la gestion des produits sanguins. Sont impliqués : l'Établissement français du sang (EFS), opérateur unique des opérations de transfusion et de distribution ; l'Institut national de la transfusion sanguine (INTS), dont les missions sont la formation et la recherche ; enfin le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies, seul habilité à produire des médicaments dérivés du plasma.

Ce dernier opérateur fonctionne comme un laboratoire pharmaceutique indépendant, bien qu'il remplisse une mission de santé publique. Ce n'est ni le cas de l'EFS, ni celui de l'INTS. Pourquoi ne pas regrouper ces deux organismes, sachant que l'EFS participe déjà, avec l'assurance maladie, au financement de l'INTS aux deux tiers ? Cela permettrait de réaliser des économies substantielles.

Au bénéfice de ces observations, la commission des affaires sociales recommande l'adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements)

M. Claude Biwer, en remplacement de M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.  - Je vous prie d'excuser l'absence de Daniel Soulage, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

Pour que la politique de sécurité sanitaire, essentielle pour la santé publique et l'équilibre économique de notre pays -je pense à la grippe aviaire- soit efficace et coordonnée, était-il indispensable de créer une mission interministérielle regroupant deux programmes gérés par des ministères différents ? Le comité interministériel d'audit des programmes, qui qualifie la mission d'artificielle, propose de créer un document de politique transversale et de regrouper la mission avec un autre programme du ministère de la santé. De son côté, M. Soulage observe que la configuration actuelle empêche le Parlement d'exercer les pouvoirs qui lui sont conférés par la Lolf. Il est impossible d'apprécier le nombre des agents et les crédits nécessaires à l'exécution de cette mission comme de transférer par amendement des crédits d'un programme à l'autre car ils relèvent de deux ministères différents. Nos deux rapporteurs en ont fait l'amère expérience l'an dernier. Enfin, les services concernés par la sécurité sanitaire n'ont nul besoin d'un regroupement budgétaire pour collaborer. J'en veux pour preuve la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, qui joue son rôle en matière de sécurité sanitaire bien que ses crédits ne soient pas rattachés à cette mission.

Le Gouvernement devra donc mener une réflexion de fond sur le format de cette mission dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Reste que, selon M. Soulage, l'affichage budgétaire d'une politique au sein d'une mission, même si elle est composite et peu orthodoxe au regard de la Lolf, est efficace.

J'en viens à l'Eprus. Ce nouvel établissement a pour mission d'anticiper les épidémies -notamment la grippe aviaire, objet de toutes les inquiétudes-, d'organiser la gestion des crises et d'activer la réserve sanitaire en cours de constitution. Le Parlement, dès l'an prochain, devra être tenu informé de l'origine et de l'affectation des fonds de concours qui alimentent le programme « sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation ». La commission des affaires économiques a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission.

Un dernier mot sur la lutte contre la fièvre catarrhale ovine, la FCO, appelée maladie de la langue bleue. Cette épizootie, qui a repris l'été dernier après une première alerte en 2006, cause de grandes difficultés aux éleveurs de bovins et d'ovins depuis six mois. Plus de 10 000 foyers ont été dénombrés, à 80 % bovins. La zone réglementée couvre désormais les deux tiers du territoire, dont mon département. Face à cette situation, les autorités ne sont pas restées inactives, comme le rappelle M. Soulage dans son rapport. Par parenthèse, l'application du récent accord communautaire pose problème (M. le ministre de l'agriculture et de la pêche s'exclame). Un vaccin pourrait obtenir l'autorisation de mise sur le marché l'an prochain. Dans quelles conditions et à quelle date sera-t-il disponible ? Enfin, si l'aide aux filières ovine et bovine, depuis la contribution de 6,6 millions apportée par la Fédération nationale des groupements de défense sanitaire jusqu'au plan de soutien de 13,5 millions annoncé le 19 septembre, s'est organisée, les crédits pour 2008 seront insuffisants, notamment pour acquérir 33,5 millions de doses de vaccin. Quand ces crédits seront-ils abondés ? (Applaudissements)

Mme Marie-Thérèse Hermange. - Cette mission comporte deux programmes. Les moyens consacrés au premier sont restés stables tandis que ceux alloués au second ont effectué un bond de 60 %. Cette hausse, qui est le fait de reports de crédits non consommés, est particulièrement bienvenue dans un contexte budgétaire tendu alors que nous devrons sans doute faire face à des crises animales majeures, telles la grippe aviaire et la FCO, qui se multiplient avec la mondialisation.

Cette situation appelle plusieurs observations. Tout d'abord, en cas de crise, les crédits de la mission devront être adaptés pour faire face à l'urgence. Ensuite, le coût économique des crises devra être pris en charge par les caisses de solidarité professionnelle, et non par l'État à qui revient la charge d'assurer la sécurité sanitaire.

Enfin, la nouvelle mission confiée à l'agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, en liaison avec l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS, est de procéder à l'inventaire des eaux potables contaminées. La forte dégradation de la qualité des eaux est préoccupante ; elle s'explique par la présence de nitrates et de résidus médicamenteux, mais aussi par celles de pesticide, potentiellement cancérigènes. L'exemple du chlordécone, dont on retrouve des traces dans les eaux encore aujourd'hui bien qu'il soit interdit depuis 1990 en Europe -depuis 1976 aux Etats-Unis !- montre que la sécurité sanitaire doit être pensée dans un cadre plus large. En France, on a seulement pris récemment conscience de la dangerosité des pesticides. Il faut donc encourager les travaux de recherche et l'AFSSA dans cette nouvelle mission.

A l'heure où la sécurité sanitaire préoccupe de plus en plus nos concitoyens, les réformes engagées doivent être menées à terme pour doter la France d'une organisation plus réactive face aux crises sanitaires, renforcer notre appareil de veille et de suivi et maintenir une expertise de qualité.

Le projet de loi de finances pour 2008, en préservant l'essentiel des crédits affectés à la politique de sécurité et de qualité de l'alimentation et en dégageant d'importants moyens en faveur de la veille sanitaire et de la gestion de crises, répond mieux aujourd'hui aux attentes de nos concitoyens. C'est pourquoi le groupe UMP lui apporte son soutien. (Applaudissements à droite et au centre)

M. François Autain.  - Je concentrerai mon propos sur la sécurité sanitaire et le rôle de l'AFSSAPS. Je remercie le rapporteur d'avoir souligné que le mode de financement actuel de l'agence n'est pas satisfaisant et ne garantit pas son indépendance vis-à-vis de l'industrie pharmaceutique, comme l'avait déjà démontré la mission d'information qu'il a présidée.

La subvention versée à l'agence baisse au fil des ans et ne représente plus aujourd'hui que de 8 % de son budget, ce qui ne couvre même pas les missions qu'elle doit accomplir pour l'État. Elle doit donc compter sur l'autofinancement, au risque, pour augmenter ses ressources, de multiplier les dossiers d'autorisation de mise sur le marché (AMM) en minimisant les conséquences possibles pour la santé et de négliger d'autres activités.

Des progrès ont été faits en matière de transparence, à laquelle l'AFSSAPS est tenue par la loi puisque la directive européenne de 2003 a été enfin transposée en France en février. Toutefois, si la publication des comptes rendus de la Commission d'autorisation de mise sur le marché est à jour, celle des comptes rendus de la Commission nationale de pharmacovigilance ne l'est pas, non plus que celle de la Commission chargée du contrôle de la publicité et de la diffusion de recommandations sur le bon usage des médicaments.

Je ne suis pas d'accord avec le rapporteur pour ce qui est de l'expertise : le contrôle des conflits d'intérêt touchant les experts auxquels l'AFSSAPS fait appel n'est pas mieux assuré que par le passé. Nous disposons cette année d'un luxueux fascicule de 235 pages présentant les déclarations d'intérêt des membres des conseils, commissions et groupes de travail ayant siégé en 2006, mais il ne contient aucune donnée susceptible de changer notablement la situation constatée par la mission sénatoriale. Sur 1 170 experts, 73 % ont des liens d'intérêt avec l'industrie pharmaceutique, contre 68 % auparavant, 35 % sont en retard dans leurs déclarations, 10 % n'ont fourni aucune déclaration et les experts n'ayant aucun lien d'intérêt -20 %- sont toujours aussi peu nombreux, ce que je regrette. Le directeur général de l'agence, dans son texte introductif, ne donne aucune information sur l'attitude adoptée par l'agence vis-à-vis des experts en infraction avec la loi sur les conflits d'intérêt. Les déclarations doivent être actualisées une fois par an ; à défaut, les experts défaillants sont provisoirement suspendus de participation aux commissions. On peut craindre que l'AFSSAPS persiste dans un laxisme qui fait peser doute et suspicion sur les travaux des commissions, sur l'indépendance de l'agence et sur la rigueur scientifique de ses décisions.

La sécurité sanitaire des médicaments n'est pas optimale : 134 000 personnes sont hospitalisées chaque année pour un accident lié à leur usage. En 2003, le professeur Lucien Abenhaïm, ancien directeur général de la Santé, indiquait dans son ouvrage sur la canicule que les effets secondaires des médicaments provoquaient 18 000 décès par an. C'est considérable. Ce fléau justifierait un plan d'action, d'autant que 40 à 60 % de ces accidents pourraient être évités. Et le bilan d'activité de l'AFSSAPS indique que le nombre de médicaments retirés chaque année du marché est faible, et même en diminution depuis 1999, alors que le nombre de notifications d'effets indésirables augmente.

Les mesures prises par l'AFSSAPS sont inadaptées. Ainsi, les spécialités à base de fluor ont été retirées du marché quatorze ans après les premiers signaux d'alerte et le Désuric, un médicament contre la goutte, l'a été huit ans après les premiers cas d'hépatites, parfois mortelles. Est-il compatible avec le principe de précaution que le Celebrex, un médicament de la famille du Vioxx, retiré de la vente, soit toujours commercialisé ? De nombreux médicaments interdits en Europe pour des raisons sanitaires ne le sont pas en France. La commission d'AMM de l'AFSSAPS prend très rarement l'initiative d'un retrait : elle préfère améliorer l'encadrement de la prescription, alors que celle-ci est favorisée par les visiteurs médicaux et les revues financées par l'industrie pharmaceutique, qui consacre chaque année 3 milliards d'euros à la promotion de ses produits.

M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis.  - Il y la charte des visiteurs médicaux !

M. François Autain. - Il faudrait soutenir davantage la Haute autorité de santé, qui n'a ni les moyens ni la volonté d'assurer ses missions. Le Gouvernement a pourtant refusé l'amendement présenté par Alain Vasselle, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui proposait de créer une base de données indépendante afin que les médecins disposent d'une information objective sur les médicaments et ainsi éviter les erreurs de prescription et les mésusages.

Les plans de gestion des risques et les études pharmaco-épidémiologiques sont considérés comme les pivots de toute politique sanitaire en matière de médicament. Or, si on prescrit de plus en plus de médicaments, on réalise de moins en moins d'études. Les plans de gestion des risques pourraient perdre toute leur crédibilité et ne servir que de procédures purement formelles pour mettre sur le marché des molécules nouvelles qui n'auraient pu être autorisées sur la seule prise en compte des essais cliniques. Dans un domaine aussi sensible, le Gouvernement ne semble avoir ni la volonté ni les moyens de relever les défis auxquels le pays est confronté. C'est pourquoi le groupe communiste votera contre les crédits de cette mission. (Applaudissements à gauche)

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.  - Je m'exprimerai en mon nom, puis en celui de Mme Bachelot, qui doit se rendre à la Réunion. Je remercie Mme et MM les rapporteurs et tenterai de leur répondre aussi précisément que possible.

L'alimentation est au coeur des préoccupations des Français, pour des raisons d'ordre économique, tout d'abord, avec le retournement des cours des matières premières agricoles et la demande alimentaire mondiale en forte croissance. L'Inra estime que pour nourrir une population de 9 milliards de personnes en 2050, il faudra doubler l'offre alimentaire. Les préoccupations nutritionnelles, ensuite, sont justifiées par le développement de l'obésité et des maladies cardio-vasculaires. Les préoccupations pour la qualité des aliments se développent dans un contexte de diversification de l'offre alimentaire et d'évolution des modes de consommation.

Les défis sont donc immenses, et le ministère aura pour priorité de garantir un haut niveau de sécurité sanitaire des aliments. Cet enjeu majeur de santé publique justifie l'existence d'une mission interministérielle. J'ai noté, madame Bricq et monsieur Biwer, que vous dénonciez le caractère quelque peu artificiel de cette mission. Cette question sera évoquée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, mais je suis convaincu que les objectifs des deux programmes sont convergents : les liens et la coordination sur le terrain sont étroits et encadrés par un protocole signé récemment entre les ministères et les services départementaux ont constitué des missions interservices pour intervenir efficacement.

Dans un contexte d'échanges mondiaux accrus, de réchauffement climatique et de modifications des écosystèmes, les crises sanitaires se multiplient : influenza aviaire, fièvre catarrhale ovine en donnent deux exemples. Des « pathogènes émergents » peuvent apparaître à tout moment, à tout endroit. L'opinion publique en est de plus en plus consciente et la gestion de ces crises est une action essentielle de mon ministère. Je souhaite du reste rendre hommage aux directions départementales des services vétérinaires pour leur réactivité et leur disponibilité dans la gestion de crises comme celle de la fièvre catarrhale, ainsi qu'aux 5 000 vétérinaires libéraux qui agissent pour le compte de l'État sous mandat sanitaire.

La gestion des risques repose sur un système d'information pertinent. Les crédits correspondants semblent en légère baisse mais, en réalité, en raison de la diminution du stock des farines animales et de leur meilleure valorisation, ils enregistrent une augmentation de 1,1 % : c'est une priorité. Ce budget s'appuie aussi sur les 261 millions consacrés aux 5 000 employés.

Avec 106 millions, la lutte contre les maladies animales constitue notre première priorité. Il est essentiel de maintenir une veille de haut niveau : nous y consacrons 40 millions, dont 5 pour les urgences. Nous restons vigilants sur l'influenza ovine comme sur la fièvre catarrhale dont on dénombre déjà 10 000 cas cette année en France, contre quelques-uns en 2006. Dès septembre, j'ai saisi la Commission européenne pour demander une stratégie communautaire de vaccination et son financement, une démarche que je viens de renouveler de manière pressante. Nous avons débloqué 13,5 millions pour une action d'urgence et lançons un appel d'offres pour acheter 33 millions de doses de vaccin dont nous disposerons au printemps prochain. Je serai clair sur le financement : nous connaîtrons le résultat de l'appel d'offres le 20 décembre, définirons alors le montant exact de la dépense et demanderons un financement européen. Le Gouvernement m'a assuré des crédits nécessaires en complément.

Pour ce qui est de l'impact économique de cette crise, j'ai obtenu la mise en place d'un nouveau règlement européen : il a été publié le 27 octobre et mis en oeuvre dès le 1er novembre. Je veux donner un coup de chapeau à la Commission car nous avons pu rétablir les échanges, et notamment reprendre les exportations de bovins vers l'Italie. Si nécessaire, le soutien national serait amplifié sur le budget de la mission « Agriculture ».

Deuxième priorité, la sécurité sanitaire des aliments. Les crédits pour le domaine animal sont stables. Nous avons négocié une extension et un relèvement de la taxe d'équarrissage. Le système est désormais équilibré : les inquiétudes ne sont pas fondées. Les volumes traités baissent et les 6 millions que nous avons redéployés permettront de réduire le report de charges.

Les crédits pour le domaine végétal, en augmentation de 20 %, permettront de renforcer le niveau de surveillance et de poursuivre la construction du laboratoire d'Angers. Avec le plan éco-phyto 2018, la sécurité sanitaire s'inscrit dans une perspective environnementale. Un plan interministériel est en cours de finalisation pour les pesticides aux Antilles, où nous allons multiplier les analyses. Enfin, la lutte contre la sharka reçoit 1,5 million, de même que la lutte contre les autres maladies.

Une expertise de très haut niveau -notre troisième priorité- permettra une stratégie d'évaluation des risques qui doit se renforcer au niveau européen, de même que doivent mieux s'articuler prévention et gestion du risque. Le renforcement du dispositif communautaire sera l'une des priorités de la présidence française. Nous maintenons le haut niveau de l'AFSSA : la subvention de mon ministère, qui représente 88 % de celle de l'État, augmente de 6,6 %.

Quatrième priorité, nous allons accentuer notre effort de contrôle sanitaire des importations, dans un objectif de réciprocité, comme le souhaite le Président de la République. Les produits importés doivent respecter les normes que nous nous imposons. Il ne s'agit pas de fermer la France mais d'empêcher le dumping sanitaire. Ce sera l'une des priorités de la présidence française. Nous avons déjà rédigé un mémorandum. Je propose une évolution des règles pour les rapprocher de notre évaluation des risques.

La répétition des crises appelle des mécanismes nouveaux. Je souhaite faire évoluer notre dispositif car nous n'avons pas les bons outils. Mon ambition est de créer un fonds sanitaire et de profiter du bilan de la PAC pour y faire entrer la gestion des risques et demander un financement communautaire afin que l'excellence alimentaire française puisse s'étendre à l'Europe. Le budget sert cette ambition qui répond aux attentes des consommateurs.

Soucieux de la qualité nutritionnelle, j'ai pris l'initiative d'améliorer l'accessibilité des fruits par l'expérimentation de distributeurs dans les écoles -cela se fait en Allemagne- comme dans les collèges et dans les lycées. Je réunirai la filière lundi afin de développer l'offre.

Mme Bachelot-Narquin, qui regrette de ne pouvoir présente, remercie les rapporteurs de la qualité de leurs travaux qui lui permettront de progresser.

Dans un monde plus que jamais incertain, la négligence ou l'impréparation, seraient impardonnables. Assurer la sécurité sanitaire de la population est une mission régalienne. C'est dans les situations de péril que la puissance publique, pour inspirer confiance, doit savoir démontrer son efficacité.

Mme Hermange a insisté sur la surveillance environnementale et plus particulièrement sur celle de l'eau et des sols. Les substances chimiques exogènes pourraient en effet avoir un impact sur l'équilibre hormonal et induire des effets indésirables sur la santé. C'est pourquoi a été lancé un inventaire des contaminations réalisé conjointement par l'AFSSA et l'AFSSAPS pour mettre en oeuvre les recommandations du comité d'évaluation du plan national santé-environnement et les propositions du Grenelle de l'environnement concernant l'eau.

L'expertise de l'AFSSAPS est aussi sollicitée, comme l'a rappelé M. Autain, pour la délivrance des autorisations de mise sur le marché des médicaments. Il s'inquiète de la part importante que représente la redevance due par les laboratoires pharmaceutiques pour les dossiers d'autorisations de mise sur le marché dans le budget de l'AFSSAPS. Il n'y a pas de risque de dépendance de cette agence vis-à-vis des laboratoires, car la redevance est due non pas pour la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché, mais bien pour l'examen de la demande, quelle qu'en soit l'issue. En outre, la dotation de l'AFSSAPS est en hausse de 2,7 millions, soit près de 50 %, et les subventions pour charges de service public aux agences sont en progression de plus de 6 % sur le programme « Veille et sécurité sanitaire ». Les prélèvements sur fonds de roulement permettent d'apporter un complément de ressources aux agences, sans compromettre pour autant leur sécurité financière. Compte tenu des contraintes actuelles qui pèsent sur le budget de l'État, il est de bonne gestion de mobiliser ces fonds disponibles dans les agences. La situation sera bien entendue réévaluée en 2009 au regard de l'état du fonds de roulement des agences.

Mais nos actions ne sont efficaces que si elles sont coordonnées. Comme le souligne à juste titre Mme Brick et M. Barbier, une bonne coordination et une simplification du paysage institutionnel sont donc essentielles pour garantir la performance. C'est pourquoi depuis 2003, le directeur général de la santé réunit chaque semaine les directeurs d'agences pour faire le point sur les nouveaux sujets de sécurité sanitaire, esquisser les stratégies de réponse à certaines situations et définir les bases de la coopération entre les agences. Le cabinet de Mme Bachelot y participe, de même que la direction de la défense et de la sécurité civile (DDSC) du ministère de l'intérieur et, depuis peu, l'Inserm et le directeur général de l'alimentation. Ces échanges garantissent l'efficacité des politiques de santé publique et de sécurité sanitaire. Ces réflexions ont été partagées avec les équipes actuellement en charge du chantier de révision générale des politiques publiques. Un rapprochement, voire une fusion, entre l'Établissement français du sang et l'Institut national de la transfusion sanguine, serait envisageable.

Bien sûr, ces analyses porteront aussi sur le périmètre de la mission « Sécurité sanitaire » d'autant que la Cour des comptes et le Comité interministériel d'audit des programmes estiment qu'il convient d'améliorer l'appréhension des politiques interministérielles de sécurité sanitaire. La mise en place d'un document de politique transversale (DPT) « Sécurité sanitaire » pourrait répondre à vos demandes. Concernant le maintien en l'état de la mission, les travaux actuellement conduits dans le cadre de la révision générale des politiques publiques sont de nature à éclairer les choix futurs. Il sera alors légitime d'évaluer sans complaisance la pertinence du programme « Veille et sécurité sanitaire ».

D'une manière plus générale, la possibilité d'une pandémie grippale, dérivée de la grippe aviaire, n'est pas pure hypothèse d'école. De même, des maladies connues sous d'autres latitudes apparaissent en Europe. Des plans de prévention et de gestion de crises sont déjà établis comme les plans canicule et de lutte contre la pandémie grippale. Cependant, ces plans doivent être actualisés en permanence, et de nouvelles menaces apparaissent. Des expériences passées, bien des leçons ont pu être tirées. Premier enseignement : l'urgence exclut l'improvisation et dans les situations d'extrême urgence, il faut savoir très à l'avance sur qui compter.

Les deux grandes missions confiées à l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus) qui sera doté de 75 millions d'autorisations d'engagement sur le budget État et autant sur le budget assurance maladie, répondent à ces besoins. Placé sous la tutelle du ministère en charge de la santé, cet établissement public aura la responsabilité de provisionner et de diffuser les stocks nécessaires en cas de crise. La valeur totale du stock s'élève actuellement à plus de 700 millions ; son renouvellement partiel est prévu. Afin de répondre au souci d'une optimisation de ce stock, relevé par M. Barbier, il est ainsi envisagé de recycler dans le domaine public des produits non périmés plutôt que d'atteindre leur date de péremption. L'Eprus devra aussi constituer un corps de réserve composé de professionnels. Seule l'efficacité exemplaire et l'inventivité logistique de l'Eprus justifie les moyens dont il dispose. L'opérationnalité, en effet, constitue le maître mot de cette double mission. J'ai moi-même demandé à M. Barroso, avec qui j'ai longtemps travaillé, de réfléchir à une éventuelle mutualisation de ces stocks avec d'autres pays européens ainsi qu'à la création d'une force européenne de protection civile en cas de crise majeure.

L'efficacité des mécanismes de déploiement des stocks et de la réserve sur le terrain devrait être rapidement éprouvée. A cette fin, l'exercice national sur la pandémie grippale qui aura lieu fin janvier sera l'occasion de tester l'effectivité du dispositif. La ministre de la santé a participé début novembre au sommet du G7 + Mexique à Washington où elle a rappelé que la France voulait faire avancer les connaissances afin de mieux lutter contre cette pandémie. La sécurité sanitaire devrait être un axe prioritaire de la présidence française de l'Union. Il est évident que pour répondre à la propagation de risques qui ignorent les frontières, une coordination plus étroite entre les États membres s'impose, comme l'a souligné Mme Hermange.

En définitive, La France dispose d'un des plans de préparation les plus avancés. Nous pourrons être fiers si nos efforts, le moment venu, sont couronnés de succès. C'est pourquoi l'engagement de l'État sera toujours à la hauteur des espérances qu'il suscite. Ainsi Mme la ministre a décidé de se rendre à la Réunion dès ce soir pour apprécier l'état d'avancement de la recherche et la bonne application des mesures engagées depuis la dernière épidémie de Chikungunya. Elle tient à vous assurer de sa détermination sans faille, dès lors qu'il s'agit de la protection des populations contre le risque sanitaire. (Applaudissements à droite et au centre)

Les crédits de la mission « Sécurité sanitaire » sont adoptés.