Libertés et responsabilités locales (Proposition de loi)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Marc Todeschini et des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés tendant à abroger l'article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Discussion générale

M. Jean-Marc Todeschini, auteur de la proposition de loi.  - L'article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a rendu obligatoire la participation d'une commune au financement des dépenses de fonctionnement d'une école privée d'une autre commune, sous contrat d'association, dès lors que cette école privée accueille un enfant d'une famille résidant dans cette première commune. Ce faisant, cet article remet en cause les équilibres, quant au financement, entre les écoles publiques et les établissements privés d'enseignement, impose une charge nouvelle obligatoire aux communes et il porte atteinte au principe de laïcité. Dès la rentrée scolaire 2004-2005, les maires ont exprimé leur mécontentement.

L'interprétation de la nouvelle disposition législative s'est révélée particulièrement difficile, certains considérant que l'obligation de financement incombe à toute commune dont des élèves sont scolarisés dans une école primaire privée hors du territoire communal, d'autres considérant que cette obligation ne peut dépasser celle imposée aux communes pour les élèves scolarisés dans une école publique. Cependant, aucune autorité n'a tranché entre ces interprétations. Une circulaire interministérielle du 2 décembre 2005 a confirmé l'existence d'une nouvelle obligation à la charge des communes, sans y apporter d'autre précision que le principe selon lequel les avantages accordés aux écoles privées ne peuvent être supérieurs aux avantages dont bénéficient les écoles publiques. Cette formulation très générale laissait toute la place aux divergences d'interprétation. Pour l'Association des maires de France, la commune est tenue de verser une contribution financière uniquement dans les cas prévus par l'article L. 212-8 du code de l'éducation pour les écoles publiques. Dans la plupart des cas, cette interprétation conduit à n'accorder une compensation financière que lorsque la scolarisation dans une école privée hors du territoire communal intervient, soit en raison de l'absence de capacité d'accueil dans la commune, soit avec l'accord préalable du maire de la commune de résidence, pour des raisons médicales, en raison des obligations professionnelles des parents ou en raison de l'inscription d'un frère ou d'une soeur dans un établissement de la même commune.

La deuxième interprétation, défendue par le secrétariat général de l'enseignement catholique, considère que le versement d'une participation financière est justifié dès lors qu'un élève est scolarisé dans une école privée hors de sa commune de résidence.

Dans son rapport d'application sur la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, notre collègue député UMP M. Gest a souhaité que la réglementation tranche entre ces interprétations. Les recours en annulation de la circulaire déposés en février 2006 devant le Conseil d'État, laissaient espérer une jurisprudence sur le fond. Las ! Si le juge a annulé la circulaire précitée le 4 juin 2007, il l'a fait pour des motifs de forme, ajoutant même que le fond n'en était nullement remis en cause. Aussi le ministère de l'éducation nationale a-t-il pu, dans une nouvelle circulaire du 27 août 2007, reprendre les termes de la première, en précisant toutefois la liste des dépenses de fonctionnement à prendre en compte. M. Hortefeux, en réponse à une question orale, avait pourtant reconnu qu'il fallait trancher la divergence d'interprétation ! La nouvelle circulaire confirme l'obligation faite à une commune de participer aux dépenses de fonctionnement d'une école privée d'une commune voisine où sont inscrits un ou plusieurs enfants de familles résidant sur son propre territoire, y compris lorsque la commune dispose d'une école publique.

A l'automne 2007, le comité national d'action laïque et l'association des maires ruraux de France ont déposé un recours en annulation contre la nouvelle circulaire, en souhaitant que la juridiction administrative se prononce sur le fond.

Il est donc urgent de voter une disposition législative car les associations de maires ne peuvent se satisfaire de la situation actuelle. L'association des maires ruraux de France a appelé ses membres à ne payer aucune des sommes qui pourront leur être réclamées, sauf en cas d'accords locaux préalables. L'article 89 est en effet lourd de conséquences dans les petites communes rurales, où les élus se voient contraints de financer l'école privée d'une autre commune alors qu'ils luttent pour maintenir l'école publique ouverte ! Cet article a rompu l'équilibre du régime établi depuis la loi « Debré », grâce à laquelle l'enseignement privé a été maintenu. L'AMF évalue à 60 millions le coût de cette mesure. Or, le nombre d'enfants scolarisés dans les écoles primaires privées sous contrat d'association a augmenté, grâce à cet article 89. Le forfait communal appliqué aux élèves scolarisés dans l'enseignement primaire privé sous contrat d'association varie fortement selon les communes et les départements et s'établit en moyenne à 500 euros par an

Les élèves scolarisés dans une classe élémentaire d'une école privée sous contrat située hors de leur commune de résidence représenteraient, d'autre part, environ 35 % des élèves scolarisés dans ces classes, soit plus de 120 000 élèves. C'est sur ces bases que l'on peut estimer à plus de 60 millions d'euros le coût de l'article 89. Cette disposition coûteuse intervient alors que la loi de finances pour 2008 a remis en cause le contrat de croissance et de solidarité qui assurait aux communes des dotations de l'État supérieures à l'inflation : des efforts supplémentaires sont demandés aux communes alors que leurs marges financières se réduisent.

De plus, les contraintes financières imposées aux communes en matière de financement de l'enseignement privé sont plus lourdes que celles imposées aux départements ou aux régions. Le décret du 22 avril 1960 prévoit ainsi qu'un département ne doit participer aux charges de fonctionnement des collèges privés sous contrat situés dans un autre département que dans la mesure où 10 % au moins des élèves résident dans le département. Il en va de même pour la participation des régions, à ceci près que le seuil est fixé à 5 % dans le cas d'un lycée d'enseignement professionnel.

De plus, l'article L. 442-8 du code de l'éducation prévoit que doivent participer aux réunions de l'organe de l'établissement primaire compétent pour délibérer sur le budget des classes sous contrat d'association non seulement un représentant de la commune siège de l'établissement mais également un représentant « de chacune des communes où résident au moins 10 % des élèves et qui contribue aux dépenses de fonctionnement des classes fréquentées ». Cette disposition toujours en vigueur, issue de la loi Chevènement du 25 janvier 1985, incite à penser qu'une participation financière aux dépenses de fonctionnement des classes primaires privées sous contrat ne devrait pouvoir être demandée qu'au-delà d'un seuil significatif d'élèves scolarisés dans ces classes, comme cela est prévu pour l'enseignement secondaire.

Au-delà de l'aspect financier, l'article 89 est préjudiciable au développement de l'enseignement public en ce qu'il favorise l'enseignement privé au détriment de ce dernier et l'enseignement hors du territoire communal au détriment de l'enseignement sur le territoire de la commune. Il peut encourager la fuite des élèves et rendre ainsi plus difficile le maintien dans la commune d'une école publique. Un tel maintien est au demeurant problématique dans les zones de baisse démographique non seulement à cause de la concurrence des écoles privées, les parents étant à juste titre libres de choisir le type d'enseignement qu'ils souhaitent, mais aussi parce que, pour éviter une fuite vers les écoles des communes centre, accentuée par la suppression progressive de la carte scolaire, les petites communes font des efforts considérables en faveur du secteur périscolaire.

L'enseignement privé sous contrat d'association bénéficie déjà d'un traitement au moins aussi favorable que l'enseignement public : alors qu'il n'accueille que 17,1 % des enfants, il dispose de 20 % des postes d'enseignants. Et la loi de finances pour 2008 prévoit davantage de suppressions de postes d'enseignants dans le public que dans le privé...

Or l'enseignement public est le seul qui assure pleinement le respect des principes républicains, dont la laïcité ; il accueille tous les enfants dans l'école de la République. Insensiblement, c'est le coeur du service public de l'enseignement qui aurait à pâtir d'une trop grande complaisance à l'égard de l'enseignement privé.

Il importe en outre de mettre en cohérence les dispositions législatives. Alors que le premier alinéa de l'article 89 dispose que « les trois premiers alinéas de l'article L. 212-8 du code de l'éducation sont applicables pour le calcul des contributions des communes aux dépenses obligatoires concernant les classes des écoles privées sous contrat d'association », le premier alinéa de l'article L. 442-9 dispose « l'article L. 212-8 du présent code, à l'exception de son premier alinéa, et l'article L. 216-7 du présent code ne sont pas applicables aux classes sous contrat d'association des établissements d'enseignement privés ». Il faut réduire cette contradiction manifeste.

Des motifs d'inconstitutionnalité peuvent également être soulevés. Le Conseil constitutionnel, saisi par les sénateurs socialistes de la loi relative aux conditions d'aide aux investissements des établissements d'enseignement privés par les collectivités territoriales, a censuré en janvier 1994 un article qui laissait les collectivités territoriales libres d'octroyer aux établissements d'enseignement privés sous contrat une aide aux investissements, dans la seule limite du montant des investissements réalisés dans l'enseignement public. L'un des motifs de censure était l'absence « de garanties suffisantes pour éviter que des établissements d'enseignement privés puissent se trouver placés dans une situation plus favorable que celle des établissements d'enseignement public, compte tenu des charges et obligations de ces derniers ». L'article 89 aurait pu encourir la même censure pour le même motif. Dans la même décision, le Conseil constitutionnel a considéré « que si le principe de libre administration des collectivités locales a valeur constitutionnelle, les dispositions que le législateur édicte ne sauraient conduire à ce que les conditions essentielles d'application d'une loi relative à l'exercice de la liberté de l'enseignement dépendent de décisions des collectivités territoriales et, ainsi, puissent ne pas être les mêmes sur l'ensemble du territoire ; que les aides allouées doivent, pour être conformes aux principes d'égalité et de liberté, obéir à des critères objectifs ; qu'il incombe au législateur (...) de définir les conditions de mise en oeuvre de ces dispositions et principes à valeur constitutionnelle ; qu'il doit notamment prévoir les garanties nécessaires pour prémunir les établissements d'enseignement public contre des ruptures d'égalité à leur détriment... »

En l'état actuel de la législation, la manière dont le financement des écoles primaires privées concernées est assuré dépend de l'interprétation de l'article 89 par la commune. Si le conseil municipal fait preuve de bienveillance à l'égard de l'enseignement privé, il considérera qu'il faut accorder une aide financière pour tout élève scolarisé dans l'enseignement privé hors du territoire communal ; s'il est attaché à un enseignement public, laïque et républicain, il n'accordera cette aide que dans la mesure où la scolarisation d'un élève dans un établissement d'enseignement privé sous contrat intervient soit faute d'une école publique sur le territoire communal, soit en raison de l'accord donné par le maire, soit pour l'un des trois motifs prévus par l'article L. 212-8. Une telle diversité d'application n'est pas acceptable.

J'ajoute que la disposition en cause, d'origine parlementaire, aurait probablement dû être déclarée irrecevable au titre de l'article 40.

Notre proposition de loi est enfin éclairée d'un jour nouveau par les déclarations récentes du Président de la République et sa défense d'une conception de la laïcité en rupture avec la tradition républicaine.

C'est en gardant présent à l'esprit ce contexte qu'il faut aborder l'examen d'une disposition qui conduit à traiter mieux une école privée qu'une école publique, à remettre en cause le principe de parité et à fragiliser l'école publique. J'invite mes collègues de la majorité sénatoriale à ne pas se réfugier derrière l'identité de l'auteur de l'amendement à l'origine de l'article 89 pour refuser de légiférer. M. Charasse a en effet affirmé à plusieurs reprises qu'il entendait en réserver l'effet aux seules communes ne disposant plus sur leur territoire d'une école publique.

M. Michel Charasse.  - En effet !

M. Jean-Marc Todeschini, auteur de la question.  - Je rappelle aussi que cet amendement a été voté ici dans la plus grande perplexité, la commission des lois préférant ne pas se prononcer sur le fond et le Gouvernement donnant son accord avec un empressement suspect. L'Assemblée nationale n'a pu en débattre, le Gouvernement ayant fait usage de l'article 49-3 pour faire adopter le texte.

La représentation nationale ne peut se satisfaire de la situation actuelle. Le groupe socialiste veut rétablir un équilibre rompu au détriment de l'enseignement public, le financement des écoles privées par les communes d'accueil étant automatique et celui des écoles publiques se faisant sous conditions. Chacun sait qu'il faut des aménagements ; je regrette donc le caractère un peu idéologique du rapport de M. Carle.

Pour être en conformité avec la Constitution, pour respecter l'équité, pour ne pas peser trop lourdement sur les budgets des petites communes rurales, pour simplifier notre droit, enfin pour éviter de rallumer la guerre scolaire, je vous demande de voter cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Claude Carle, rapporteur de la commission des affaires culturelles.  - L'école est une passion républicaine, mais cette passion, aussi vive et partagée qu'elle soit, ne doit pas troubler notre jugement, au risque de réveiller une querelle ancienne et heureusement éteinte. Notre premier souci doit être de retrouver la sérénité qui préside depuis toujours à nos échanges et qui fait la sagesse du Sénat.

C'est ce souci qui a animé la commission des affaires culturelles avant même qu'elle soit saisie du présent texte. Mme David, auteur d'une proposition de loi identique, s'était penchée sur les problèmes posés par l'article 89 et avait rendu compte de son excellent travail à notre commission avant de la quitter pour celle des affaires sociales. C'est fort de ses réflexions qu'il nous faut aborder avec recul le texte que nous examinons aujourd'hui, recul qui est le meilleur gage de la sagesse de nos travaux. Cette sagesse exige que nous ne séparions pas l'article 89 de tout l'édifice juridique et politique qui l'entoure, un édifice équilibré fondé sur deux principes constitutionnels : la liberté d'enseignement, un des principes fondamentaux consacrés par le Préambule de 1946 et l'organisation d'un enseignement public gratuit et laïc, dont le même Préambule fait « un des principes particulièrement nécessaires à notre temps ».

Il importe de garder ces deux principes à l'esprit et de s'efforcer de les concilier. C'est ce à quoi le Conseil constitutionnel a invité par deux fois le législateur, en 1985 et 1994 ; en ces deux occasions, la France tout entière a exigé de la majorité d'alors qu'elle ne rallume pas la guerre scolaire. Il nous revient donc de faire preuve de cette juste mesure qui est, aux yeux d'Aristote comme de Confucius, la marque de l'éternelle sagesse.

Ce souci d'équilibre a permis à la loi Debré d'apaiser les tensions durant des années. Selon le principe de parité, l'article L.442-5 du code de l'éducation prévoit qu'une école privée sous contrat d'association bénéficie d'une prise en charge dans les mêmes conditions que les classes correspondantes de l'enseignement public. Les communes sont donc tenues de financer les dépenses de fonctionnement des écoles primaires publiques et privées sous contrat d'association situées sur leur territoire.

Le législateur a veillé au respect de cet équilibre. La loi du 22 juillet 1983 -la majorité d'alors était peu suspecte d'accorder des avantages indus aux écoles privées- a prévu que, comme il est d'usage pour le public, les communes dont les enfants fréquentent une école privée sous contrat d'association doivent répartir entre elles les charges de fonctionnement de l'établissement. Cette obligation n'a pas été créée par l'article 89, puisqu'elle était déjà inscrite dans la loi depuis vingt-et-un ans. Mais si la loi de 1983 prévoyait l'obligation pour les communes de résidence des élèves de participer au financement des écoles privées extérieures sous contrat d'association, elle ne permettait pas de trancher les désaccords entre communes sur le montant de leur contribution respective et aucune sanction n'était prévue à l'endroit d'une commune récalcitrante. L'obligation restait donc lettre morte. Certaines communes d'accueil ou de résidence prirent en charge les frais de fonctionnement concernés, mais parfois aucune ne voulait les acquitter. La scolarité de certains élèves n'était prise en charge par personne.

Cette situation peu satisfaisante était contraire aux principes de la loi Debré, d'autant plus que, pour les écoles publiques, l'article L. 212-8 du code de l'éducation prévoit, en cas de désaccord entre communes, un arbitrage par le préfet, qui répartit entre elles les charges de fonctionnement. De l'existence de cet arbitrage pour les écoles publiques et de son absence pour les écoles privées découlait une inégalité que rien ne pouvait justifier. Une ligne de fracture se dessinait entre écoles publiques et privées, qui traversait aussi les écoles privées : si un enfant fréquentait un établissement situé dans sa commune, les charges de fonctionnement étaient obligatoirement prises en charge ; s'il fréquentait une école privée en dehors de sa commune, elles ne l'étaient pas.

Par un paradoxe étonnant, ce déséquilibre pouvait aussi peser sur les écoles publiques. Un maire pouvait être tenté de conseiller aux familles d'inscrire leurs enfants dans une école privée voisine, et non dans une école publique, car, dans le premier cas, sa commune n'avait rien à payer, dans l'autre, elle y était contrainte. Cela a conduit notre collègue Michel Charasse à proposer cet amendement, auquel le Gouvernement a donné un avis favorable, et que le Sénat a adopté. L'article 89 de la loi du 13 août 2004 assure un parallélisme entre écoles publiques et privées en étendant à ces dernières le principe de l'arbitrage par le préfet. Il garantit qu'un forfait communal sera versé pour chaque enfant, quelle que soit l'école fréquentée, publique ou privée sous contrat d'association. Il s'agit, dans l'esprit de la loi Debré, de faire respecter l'exigence de parité dans toutes ses dimensions. De plus, l'arbitrage tient compte des ressources de la commune de résidence, afin d'éviter qu'une petite commune rurale n'ait à acquitter des sommes excessives.

Dans son principe, l'article 89 me paraît donc indiscutable. Je ne souhaite pas, non plus que la commission ou la majorité de nos compatriotes, le contester, au risque de balayer avec lui l'équilibre institué par la loi Debré. D'où viennent alors les malentendus et les désaccords qu'il a suscités ? Ces dispositions ont fait couler beaucoup d'encre et ont éveillé bien des inquiétudes, qui trouvent leur origine dans une incertitude apparente : l'article 89 ne fait-il pas plus que rétablir l'équilibre entre public et privé, n'est-il pas plus favorable au privé ? Le doute provient du fait que, pour encadrer l'arbitrage préfectoral, le législateur a prévu que, si la commune de résidence dispose de capacités d'accueil suffisantes dans ses écoles publiques, elle ne peut être tenue de participer, sauf si le maire donne son accord à l'inscription d'un enfant dans une école publique extérieure. Si la commune de résidence ne dispose pas d'un service de garde, si l'enfant doit être scolarisé ailleurs pour des raisons médicales, si son frère ou sa soeur sont déjà scolarisés dans la commune extérieure concernée, la commune de résidence est tenue de participer. Or l'article 89 ne reprend pas explicitement ces conditions pour les écoles privées. C'est un oubli, puisque Michel Charasse a souvent rappelé qu'il souhaitait le rendre applicable aux seuls cas où la commune de résidence ne dispose pas d'une école.

Cette lacune a pu laisser penser qu'une commune pourrait être tenue de payer pour un enfant scolarisé dans une école privée extérieure alors que, dans la même situation, elle ne le serait pas pour un enfant inscrit dans une école publique. L'article 89 conduirait ainsi à un nouveau déséquilibre, défavorable à l'enseignement public. Cette interprétation ne peut être retenue. Elle serait sans doute contraire à la Constitution, en privilégiant la liberté de l'enseignement aux dépens de l'organisation d'un service public, gratuit et laïque. Or le Conseil constitutionnel, saisi de la loi du 13 août 2004, n'a pas censuré l'article 89. En cas d'inconstitutionnalité de cet article, il n'aurait pas manqué de la soulever d'office. En outre, une disposition légale ne s'interprète jamais isolément. L'article 89 doit être lu à la lumière des dispositions de l'article L. 442-5 du code de l'éducation. Les conditions prévues pour le public doivent être reprises pour le privé, dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec le principe de la liberté de l'enseignement, qui interdit par exemple qu'une famille doive recueillir l'autorisation du maire pour inscrire son enfant dans une école privée.

C'est cette interprétation de l'article 89 qui s'est imposée, telle que reprise par deux circulaires ministérielles selon lesquelles « conformément au principe de parité qui doit guider l'application de la loi, la commune de résidence doit participer au financement de l'établissement privé sous contrat dans tous les cas où elle devrait participer au financement d'une école publique qui accueillerait le même élève ». En outre, le Sénat a pris l'initiative, grâce à nos collègues Paul Girod et Yves Détraigne, d'encadrer le dispositif à l'occasion de l'examen du projet de loi sur l'avenir de l'école. La loi garantit donc désormais que les communes ne pourront en aucun cas payer davantage pour les écoles privées que pour les écoles publiques. Je rappelle qu'une première version de la circulaire, signée par les directeurs de cabinet des ministres, et non par les directeurs d'administration centrale, a été annulée pour des raisons de forme. Mais la seconde, publiée le 27 août 2007, n'a pas été annulée.

La mise en oeuvre de l'article 89 est donc éclairée par le principe de parité. Pourtant, les interprétations divergent. La lecture de l'article 89, hors contexte, va dans le sens des écoles privées pour certains, justifie l'abrogation de dispositions déséquilibrées pour les autres. C'est pourquoi la deuxième circulaire, comme la première, a été attaquée devant le Conseil d'État afin qu'il se prononce sur le fond. Dans cette attente, les différents partenaires continuent à faire ce qu'ils font déjà depuis 2006. Un protocole d'accord provisoire, élaboré sous l'égide du ministre de l'intérieur d'alors, Nicolas Sarkozy, vise à appliquer l'article 89 selon l'interprétation qu'en donnent les circulaires et à faire prévaloir l'esprit de concertation. Un esprit qui règne déjà, comme me l'ont confirmé nombre des parties concernées. La rareté des contentieux en est la meilleure preuve : cent dix neuf pour toute la France, soit quatre pour mille écoles privées. Cette application pacifiée tient aussi à l'esprit de responsabilité des maires et à la modération dont font preuve la plupart des écoles privées.

Combien de lois avons-nous votées qui permettent de régler sereinement 99,6 % des situations ? Rien ne me semble justifier l'abrogation immédiate de cette disposition. En outre, le développement de l'intercommunalité permettra de régler une large part des rares difficultés existantes en faisant disparaître la distinction entre commune d'accueil et de résidence, du moins lorsque l'EPCI est compétent en matière d'écoles primaires. Tant que le Conseil d'État n'aura pas statué, il me paraît inutile de remettre en cause ou de modifier des dispositions qui font l'objet d'un compromis juridiquement fondé et politiquement équilibré. (M. Valade, président de la commission des affaires culturelles, approuve) Lorsque le juge administratif se sera prononcé, nous pourrons clarifier, si nécessaire, la formulation de la loi. Ne rouvrons pas aujourd'hui la question. Le temps a fait son oeuvre, les tensions se sont apaisées, le dispositif fonctionne et le Conseil d'État se prononcera d'ici peu. En conséquence, la commission a décidé de rejeter cette proposition de loi. (Applaudissements à droite)

M. Yannick Bodin.  - Je rappellerai d'abord l'histoire des pratiques du financement de l'enseignement en France. Une première période démarre dès après les grandes lois scolaires de 1881 et 1882. Pendant de nombreuses années, un slogan dominait le débat idéologique : « Argent public, école publique ; argent privé, école privée ». Après plusieurs années de troubles, dus à l'hostilité de Rome à l'égard de la République et à son combat contre la loi de 1905, l'existence des nombreux établissements privés -confessionnels ou non- n'a plus été remise en question, et la liberté de l'enseignement est garantie par les lois de la République. Le combat laïc porte alors sur le financement de ces établissements.

A partir de 1945, cette question fait l'objet de nombreux débats qui aboutiront à loi Debré de 1959. Son article premier rappelle que la création d'un enseignement public est un devoir de l'État, puis il définit et organise les rapports entre l'État et les établissements privés. Pour ceux qui sont sous contrat d'association, l'enseignement est aligné sur celui des écoles publiques et, en contrepartie, l'État assure leurs dépenses de fonctionnement sur les mêmes bases que pour les établissements publics. Cette loi a connu à l'époque, et à juste titre, une forte opposition. Elle a d'ailleurs également soulevé l'opposition de la hiérarchie catholique, qui voyait remise en cause son indépendance en matière d'enseignement.

Une longue période de paix scolaire et d'apaisement politique va pourtant s'installer ensuite. Il y aura même, pendant les gouvernements de François Mitterrand, des accords d'apaisement supplémentaires, signés entre l'Éducation nationale et la direction de l'enseignement catholique -les accords Lang-Coupé. Mais l'équilibre est fragile. Si, en 1984, le projet de loi Savary d'un « grand service unifié et laïc d'Éducation nationale » n'aboutit pas, en 1993, la proposition par un gouvernement de droite de réformer la loi Falloux a été combattue et enterrée.

Aujourd'hui, les convictions demeurent, mais un modus vivendi semble avoir été trouvé. Pour preuve, les initiatives prises par les communes et ensuite les départements et les régions, grâce aux lois de décentralisation, sont souvent étendues à l'ensemble des collèges et des lycées publics et privés : je pense, par exemple, à la gratuité des livres, à l'équipement des élèves de l'enseignement professionnel, à l'aide à la cantine, aux projets éducatifs, aux bourses ou encore au partenariat dans l'élaboration des schémas de formation.

Pourquoi faut-il alors qu'un article de la loi du 13 août 2004 remette en cause ce fragile équilibre ? Pourquoi ouvrir à nouveau la boîte de Pandore ? L'auteur de l'article 89, que je salue, a sans doute cru bien faire. Son objectif était, en étendant le principe de la contribution aux scolarisations dans le privé, d'éviter que les maires de certaines communes n'encouragent les parents à envoyer leurs enfants vers des écoles privées de communes voisines plutôt que vers leurs écoles publiques ou celles de communes voisines, afin d'éviter toute charge financière à leur municipalité.

M. Michel Charasse.  - Exact !

M. Yannick Bodin.  - A l'évidence, cet article a eu des effets pervers qui, aujourd'hui, préoccupent une grande majorité de nos communes.

La question fondamentale est celle-ci : pourquoi accorder à l'enseignement privé des droits nouveaux, droits qui, ailleurs, sont soumis à des conditions très strictes lorsqu'ils concernent des établissements publics ? Les communes n'ont l'obligation de financer les écoles publiques d'une autre commune que lorsqu'elles ne peuvent scolariser leurs enfants sur leur territoire. Les conditions pour cela sont précises : que la commune ne possède pas d'école publique susceptible d'accueillir les enfants, que le maire de la commune de résidence ait donné son accord préalable à l'inscription de l'enfant et que des raisons médicales, professionnelles ou familiales justifient la scolarisation de l'enfant dans une autre commune. C'est l'article L. 212-8 du code de l'éducation. Avec l'article 89, le principe de la contribution à l'enseignement privé ne reprend pas les conditions applicables à l'école publique, ce qui rompt l'égalité entre l'enseignement public et l'enseignement privé. Pis, sur le terrain, il en résulte un déséquilibre dont beaucoup d'élus se sont émus, puisque c'est en effet une atteinte au principe de laïcité. On constate d'ailleurs qu'un grand nombre de communes ou bien ne remplissent pas, aujourd'hui, cette obligation légale ou annoncent qu'elles ne le feront pas.

Il ne s'agit pas d'une question politicienne puisque le refus de se conformer à cet article 89 concerne aussi bien des communes de droite que des communes de gauche. J'en veux pour preuve l'attitude de l'Association des maires de France. Dans mon département, la Seine-et-Marne, devant l'émoi exprimé par les maires lors de leurs deux derniers congrès annuels, notre collègue Michel Houel, président de l'Union des maires de Seine-et-Marne, s'est exprimé fortement -je le reconnais et je l'approuve. Selon lui, « ce texte annonce une série de conflits entre les communes et les établissements privés ». Il estime aussi « que les communes ne doivent participer que lorsqu'elles n'ont pas les capacités d'accueil nécessaires ou que les élèves relèvent des cas dérogatoires qui s'appliquent au secteur public ». Michel Houel maintiendra sa position au congrès suivant : « On ne peut pas imposer à une commune bien équipée en établissements scolaires de payer pour des familles qui ont choisi d'inscrire leurs enfants ailleurs ; une commune ne doit pas payer deux fois, pour sa propre école et pour une autre. C'est là un simple principe d'équité et de justice. Il faut également tenir compte du fait que certaines communes rurales ont du mal à maintenir ouverte leur école publique. La nouvelle circulaire ne règle donc rien et de nombreux maires refuseront de payer. Moi, je refuserai de payer. »

Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités et proposer une solution qui satisfasse l'ensemble des parties intéressées. Cela passe au minimum par une égalité des droits et des devoirs entre écoles privées et écoles publiques. Cela passe donc, d'abord, par l'abrogation de l'article 89. Le statu quo n'est pas supportable, c'est une source de conflit permanent, qui relance des débats inutiles. Il faut remettre de l'ordre dans cette législation. C'est le devoir du Gouvernement de rassurer les communes et de maintenir la paix scolaire. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur certains bancs du RDSE)

Mme Colette Mélot.  - Nos collègues socialistes veulent abroger un texte issu de leurs rangs, l'accusant de remettre en cause la laïcité... « Qui veut noyer son chien, l'accuse de la rage »... L'article 89 pose le principe d'une participation de chaque commune aux frais d'accueil de ses enfants scolarisés dans les écoles privées sous contrat des communes voisines. Lorsqu'il avait déposé son amendement à l'origine de cet article, Michel Charasse voulait empêcher que certains maires se défaussent sur les communes voisines de leurs obligations financières. Pour que notre collègue Charasse ait proposé que les communes subventionnent des établissements privés, c'est que la laïcité n'était vraiment pas menacée ! Si peu menacée que chacun a validé cet amendement, directement ou non : le gouvernement de l'époque en le soutenant, le Parlement en le votant, le Conseil constitutionnel en le validant, et même nos collègues socialistes en déposant devant le Conseil constitutionnel un recours contre la loi du 13 août 2004, mais pas contre son article 89. Si le caractère attentatoire à la laïcité de cet article avait échappé à la scrupuleuse vigilance de nos collègues socialistes, le Conseil constitutionnel n'aurait pas manqué d'y suppléer. Comme vous le savez, il n'en a pas jugé ainsi.

Et voilà que, plus de trois ans après, les auteurs de la proposition de loi découvrent que l'article 89 remet en cause la laïcité au prétexte qu'il imposerait aux communes de participer aux dépenses de fonctionnement des écoles privées. Comme si cette disposition était illégitime, comme si elle remontait à la loi d'août 2004, comme si elle n'avait pas été introduite par la loi Debré de 1959, qui avait posé le principe de parité entre l'enseignement public et l'enseignement privé !

Vous l'aviez tous compris dès 2004 : il s'agissait de s'assurer que les conditions de prise en charge des frais d'enseignement de nos enfants répondent à un principe de justice et ne fassent pas de discrimination entre les différents établissements, dès lors qu'ils assurent tous la même mission publique d'enseignement. Nos collègues socialistes font semblant d'avoir oublié certaines évidences que je dois donc faire semblant de leur rappeler : les écoles privées sont sous contrat d'association avec l'État pour l'immense majorité d'entre elles, leurs enseignants sont des agents publics rémunérés par l'État, les établissements sous contrat sont tenus de délivrer un enseignement dont les programmes sont définis par l'État, ce qui justifie ce financement public.

A ce jour, l'application de cette loi n'a donné lieu qu'à un nombre très faible de cas litigieux : 19 sur 5 147 écoles privées sous contrat, soit 4 pour 1 000. Si cette loi attentait à la laïcité, nous serions bien au-delà. Ces litiges doivent aboutir à une solution convenable pour l'ensemble des parties, mais ils ne peuvent justifier que le Parlement légifère de nouveau.

Je rappelle que c'est pour des motifs de pure forme que la circulaire du 2 décembre 2005 avait été annulée et c'est pourquoi celle du 27 août 2007 en reprend le contenu. Ce texte privilégie la voie du dialogue entre les collectivités et il revient au représentant de l'État de rechercher un accord entre les communes concernées. C'est la voie qu'avait suivie l'Association des maires de France en engageant des négociations avec l'Éducation nationale, l'Intérieur et l'enseignement catholique, négociations qui ont abouti au compromis de mai 2006. Je rappelle que le président de l'AMF a confirmé cette démarche en novembre dernier à l'Assemblée nationale : « Le dispositif mis en place est clair et équitable, c'est pourquoi ma démarche est celle de l'apaisement. Ne ranimons donc pas une polémique dépassée ! ».

C'est évidemment la voix de la sagesse. Je regrette que, pour des motifs bassement politiciens, elle n'ait pas résonné chez les socialistes.

M. Jean-Claude Frécon.  - Le compromis de 2006, ce n'est pas ça !

Mme Colette Mélot. - Il est vrai que la cohérence n'est pas leur fort !

Vous me permettrez donc de ne pas prendre au sérieux tous les cris d'orfraie poussés au nom de la laïcité contre cet article 89. Il est cocasse de voir les socialistes s'arroger le monopole de la laïcité au vu de leur attitude passée. Je crois me souvenir qu'en 1989 le ministre de l'éducation avait courageusement laissé au Conseil d'État le soin de trancher à la place du Gouvernement la première affaire du foulard islamique et ainsi laissé le champ libre aux vrais ennemis de la laïcité. Je crois également me souvenir que c'est notre majorité qui, en votant la loi du 15 mars 2004 sur les signes religieux, a remis de l'ordre et garanti la laïcité dans les écoles publiques.

Si la laïcité est un principe républicain que nous respectons tous ici, l'égalité inscrite au fronton de toutes nos mairies lui est supérieure et c'est l'égalité de traitement entre les élèves du public et du privé que nous défendons avant tout. Voici pourquoi le groupe UMP suivra notre rapporteur. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - L'article 89 de la loi du 13 août 2004 a introduit de fait une différence de traitement entre écoles publiques et privées. En effet, une commune peut refuser d'assumer les frais de fonctionnement liés à la scolarisation d'un de ses enfants dans une école publique située hors de son territoire. Elle ne le peut pas si l'enfant est scolarisé dans une école privée. Ce, même si les écoles de sa commune, publiques ou privées, peuvent l'accueillir. Cette disposition risque donc de fragiliser l'école publique. Cet argument avait déjà été défendu par mon groupe en 2004. A l'époque nous soulignions aussi les risques d'accroissement difficilement maîtrisables des dépenses des communes, de déstabilisation de la carte scolaire et de perte de pouvoir du maire. Nous avions raison puisque, en 2006, des associations ont déposé un recours devant le Conseil d'État qui a annulé la circulaire du ministre de l'éducation. C'est dans ce cadre que le groupe CRC avait déposé une proposition de loi demandant l'abrogation de cet article. Mme David avait alors conduit un travail très poussé d'auditions.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles.  - Un excellent travail !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Le dernier débat budgétaire a vu ressurgir cette question, sous l'impulsion de mon groupe. A chaque fois, une fin de non recevoir nous a été opposée, sous prétexte d'arguments techniques. Je me réjouis donc aujourd'hui de la tenue de ce débat.

Chacun sait ici que rien n'est réglé. La situation est en effet complexe pour les communes. M. Arthuis l'a d'ailleurs souligné, en considérant que ce dispositif « impose une double peine aux communes vertueuses ». Comment en effet justifier auprès des communes cette dépense imposée ? Je pense notamment aux communes rurales qui font des efforts pour maintenir sur leur territoire une école publique pour assurer la scolarisation de tous les enfants. Comment prévoir des investissements à plus long terme ? L'argument financier n'est pas négligeable : des associations ont estimé que cette mesure pourrait coûter de 132 à 400 millions aux communes, selon le montant du forfait communal par élève et du nombre d'élèves concernés. Ce serait un surcoût préjudiciable pour l'école publique. L'article 89 constitue un verrou supplémentaire à la création d'écoles publiques et risque donc de mettre en danger le maintien et le développement de l'enseignement public.

Il faut rappeler une réalité : en France, douze mille communes ne disposent plus d'école communale et 28 % des écoles ont au plus deux classes. La situation ne va pas en s'arrangeant. L'école privée sous contrat scolarise plus de deux millions d'élèves dans des établissements à 90 % d'ordre confessionnel. Elle dispose déjà de moyens importants avec un personnel enseignant formé et payé par l'État, mais n'est pas soumise aux mêmes obligations que l'école publique, laquelle, seule, garantit une proximité avec la population, la non-sélection des élèves, le respect des principes de neutralité, de gratuité et de laïcité.

L'article 89 inquiète aussi parce qu'il n'est pas sans impact sur les prérogatives du maire. Si des parents veulent scolariser leur enfant dans une école publique située hors de leur commune, ils doivent obtenir l'accord préalable du maire. Faute de quoi, la commune de résidence n'aura pas à payer la contribution. A l'inverse, aucune demande de dérogation n'est nécessaire si les parents veulent scolariser leur enfant dans une école privée située hors de leur commune. Le maire est contraint de payer. Toute dépense doit faire l'objet d'une délibération en conseil municipal ; avec ce dispositif, cette dépense est imposée au maire, a posteriori. Cette perte de contrôle de la gestion de la dépense communale est contraire au principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales.

Avant l'adoption de l'article 89, rien n'interdisait à un maire de prendre en charge ce type de coût, avec l'accord de son conseil municipal. Ce qui fait la différence c'est que l'article 89 rend ce financement obligatoire, sans aucune concertation entre le maire et les parents.

Le libre choix, c'est celui de donner le droit à chaque enfant d'accéder à une école laïque, gratuite, de proximité, sur tout le territoire. Autre chose est la décision souveraine de parents de faire le choix, parfaitement respectable, de l'école privée. Parler de libre choix, ce serait aussi parler de règles partagées par tous les établissements. Or les établissements privés ne sont pas soumis aux mêmes contraintes que l'école publique. Quid de la laïcité fondatrice de l'école de la République ? Les déclarations du chef de l'État à Rome et à Riyad avivent nos craintes.

Quelle est la meilleure solution ? Certainement pas le statu quo que propose le rapporteur en prétextant que la circulaire du 27 août 2007, signée conjointement par les ministères de l'éducation nationale et de l'intérieur, a tout réglé, que la situation serait apaisée. Ce n'est pas l'avis de très nombreux maires, de gauche comme de droite. C'est le cas dans les Hauts-de-Seine, et je crois savoir que c'est le cas aussi en Dordogne, monsieur le ministre, où l'Association des maires ruraux de France est partagée. L'AMRF a déposé un recours devant le Conseil d'État après la publication de la deuxième circulaire et elle appelle les maires à ne pas payer les factures qui leur seront présentées par les écoles privées.

Le nombre de contentieux est faible ? Et pour cause : les factures ne sont pas encore arrivées. En revanche, les délibérations de conseils municipaux qui refusent de payer se comptent par centaines. M. Carle estime qu'un « compromis juridiquement fondé et politiquement équilibré » aurait été trouvé. De quoi parle-t-on ? De la rencontre du 16 mai 2006 entre le secrétaire général de l'enseignement catholique et le président de l'Association des maires de France, menée sous le patronage de M. Sarkozy alors ministre de l'intérieur ? Ses conclusions précisent que le financement prévu à l'article 89 est rendu obligatoire, si la commune de résidence est « dépourvue de capacité d'accueil dans ses établissements scolaires ». Dans le cas inverse, c'est le flou car les deux parties précitées n'ont pas trouvé de compromis, des « divergences d'interprétation étant apparues ». Bref, la question est loin d'être réglée et notre travail d'aujourd'hui est parfaitement fondé.

L'abrogation est la seule voie de sagesse pour l'instant. A fortiori, si nous nous dirigions vers le modèle d'école décrit par la commission Attali : une école sans aucune carte scolaire, transformée en supermarché, pour laquelle les parents disposeront d'un chèque utilisable dans tous les établissements, publics ou privés sous contrat d'association. La généralisation du principe d'autonomie des établissements fixé par le Président de la République dans sa lettre de mission, reprise par les commissions Attali et Pochard, associée à la suppression de la carte scolaire, prend tout son sens ; elle explique votre dérobade sur l'article 89. Celui-ci prend place dans un tout cohérent qui n'aura plus grand-chose à voir avec notre école publique gratuite, laïque, d'égal accès pour tous et toutes sur le territoire. Il installe l'école dans une autre société, celle du chacun pour soi.

Nous partageons la préoccupation des milliers d'élus locaux opposés à la mis en oeuvre de l'article 89 et voterons son abrogation. (Applaudissements à gauche)

M. Yves Détraigne.  - Le financement des écoles privées est un sujet sensible et il faut peu de choses pour ranimer les passions. Je comprends donc que la commission ait émis un avis défavorable à la proposition de loi qui proposait de revenir à la situation antérieure à celle créée -involontairement du reste pour son auteur- par l'article 89 de la loi du 13 août 2004. Ce serait d'ailleurs une erreur que de revenir à l'ancien système, qui était inéquitable. Pourquoi une commune, siège d'un établissement privé, devait-elle payer pour la scolarisation de ses enfants lorsqu'une commune voisine pouvait tranquillement et sans dépenser un centime envoyer ses enfants dans cette même école ?

L'article 89 a répondu aux souhaits des responsables des établissements privés au-delà de ce qu'ils espéraient et s'il y a peu de contentieux, il n'en reste pas moins vrai que l'on est tombé d'un excès dans l'autre. Autant il était contestable qu'une commune de résidence soit totalement -et quelles que soient les circonstances- dispensée de participer au financement de la scolarisation d'un de ses enfants dans une école privée d'une commune voisine, autant il est inéquitable -voire risqué pour le maintien de son école publique- qu'une commune de résidence soit obligée de participer au financement de la scolarité d'un de ses enfants dans l'école privée d'une commune voisine quelles que soient, là encore, les circonstances.

Ces obligations peuvent conduire à vider l'école publique d'une commune au profit de l'école privée d'une commune voisine, avec cependant maintien de l'obligation, pour le maire dont l'école publique serait menacée de fermeture, de financer la fuite de ses élèves vers l'école privée voisine.

C'est quand même abracadabrantesque, comme aurait dit quelqu'un !

En clair, le maire de la commune de résidence peut être aujourd'hui tenu de financer l'école privée qui menace l'existence de son école publique qu'il a, par ailleurs, obligation de maintenir. Bref, on marche sur la tête !

Le législateur, dans sa sagesse, ne s'y est pas trompé quand il a veillé, dans le code de l'éducation, à ce que le financement de la scolarisation d'un enfant dans l'école publique d'une commune autre que celle de résidence soit parfaitement encadré.

C'est ainsi que l'article L. 212-8 du code de l'éducation prévoit que la commune de résidence n'est tenue de participer au financement de la scolarisation d'un enfant dans l'école publique d'une autre commune que dans le cas où cette scolarité est liée aux obligations professionnelles des parents et que leur commune de résidence n'assure pas directement ou indirectement la restauration et la garde des enfants, dans le cas où il y a déjà inscription d'un frère ou d'une soeur dans l'établissement scolaire extérieur ou encore pour des raisons médicales.

La solution équitable, la seule qui préserve le libre choix des parents entre le public et le privé sans faire payer deux fois la commune de résidence, c'est d'appliquer ces mêmes critères. C'est d'ailleurs ce que prévoit l'accord conclu en mai 2006 entre l'Association des maires de France, le secrétariat général de l'enseignement catholique et les ministères de l'intérieur et de l'éducation nationale : les communes qui peuvent accueillir l'élève dans leur école publique n'ont pas obligation de participer au financement de la scolarisation d'un élève dans une école privée extérieure, sauf si l'inscription de cet élève est justifiée par l'un des trois cas dérogatoires déjà cités.

C'est clair, sauf que ce n'est pas ce que dit l'actuel article 89 : si le refus d'un maire de financer la scolarisation d'un enfant de sa commune dans un établissement privé se réfère aux exceptions prévues par cet accord, il ne résistera pas, en cas de contentieux, au verdict de la juridiction administrative qui constatera que ces exceptions ne sont pas prévues par la loi. Je ne partage donc pas, sur ce point, l'optimisme de notre rapporteur.

Pour régler définitivement et équitablement ce problème, il faut inscrire dans la loi le compromis raisonnable et de bon sens de mai 2006. La proposition de loi que j'ai déposée en mars 2006 va dans ce sens, même si elle n'est pas parfaite. En tout état de cause, c'est en rétablissant l'équité, comme ma proposition de loi le prévoit, que nous éviterons la situation contestable et contestée dans laquelle nous sommes. J'espère donc bien que, dans les prochains mois, nous pourrons, sur cette base, régler définitivement la question du financement, pour la commune de résidence, de la scolarisation d'un enfant dans une école extérieure à cette commune, à moins que d'ici là, et comme l'espère notre rapporteur, le Conseil d'État n'ait confirmé l'interprétation qu'il a faite de l'article 89.

M. Michel Teston.  - Ayant le redoutable honneur d'être le dernier intervenant, je vais m'efforcer d'être bref.

L'article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales dispose que « les trois premiers alinéas de l'article L. 212-8 du code de l'éducation sont applicables pour le calcul des contributions des communes aux dépenses obligatoires concernant les classes des écoles privées sous contrat d'association ». Ainsi, les communes où il n'y a pas d'école privée sous contrat d'association doivent financer la scolarisation d'un enfant résidant sur leur territoire et fréquentant une école privée sous contrat dans une autre commune. Cet article fut proposé par notre collègue Michel Charasse afin d'éviter que certaines municipalités, ne disposant plus d'une école publique, incitent les parents à scolariser leurs enfants dans les écoles privées des communes voisines. Dans ce cas, la totalité des frais de scolarisation des enfants, y compris des non résidents était, jusqu'alors, à la charge de la commune d'accueil.

M. Michel Charasse.  - C'est exact !

M. Michel Teston.  - Or, l'amendement présenté lors de la séance du 1er juillet 2004 n'a pas traduit correctement l'objectif poursuivi par son auteur. Cet article a eu pour principale conséquence de provoquer des disparités de traitement entre les communes de résidence quand un enfant est scolarisé dans une commune voisine, ce qui est une situation fréquente : lorsque l'école est publique et hormis les cas prévus au dernier alinéa de l'article L. 212-8 du code de l'éducation, le maire de la commune de résidence peut refuser son accord et, dans cette hypothèse, sa commune ne participe pas financièrement. En revanche, s'il s'agit d'une école privée, le maire n'est pas consulté et les frais de scolarisation sont imputés à la commune de résidence même si elle peut accueillir l'élève dans son établissement public.

En plus de remettre en cause les équilibres financiers entre les écoles publiques et privées, ce texte risque de ruiner les politiques volontaristes menées par de nombreux élus pour maintenir un service public de qualité sur leur commune et de contribuer à la disparition de nombreuses écoles publiques, surtout dans les zones rurales. En outre, la commune de résidence se voit imposer de nouvelles charges en plus des dépenses lui incombant pour le fonctionnement de son école publique. Je vous avais interpellé sur ce texte, monsieur le ministre, lors d'une séance de questions orales en octobre 2007.

Constatant que le Gouvernement n'entendait pas modifier ou abroger cet article, le groupe socialiste a décidé de déposer une proposition de loi. Plusieurs voies s'offraient à nous : compléter l'article 89 par un alinéa ainsi rédigé : « les dispositions du présent article ne sont applicables qu'aux communes n'ayant pas, ou plus, d'école publique ». Il était aussi possible de modifier l'article 89 en précisant que tous les alinéas de l'article L 212-8 du code de l'éducation étaient applicables. Dernière voie possible : l'abrogation pure et simple de l'article 89.

Le groupe socialiste a retenu cette solution qui n'empêche nullement, en cas d'accord intervenu entre la commune de résidence et la commune d'accueil, le financement des écoles privées sous contrat en application de la loi Debré de 1959.

Saisie de cette proposition de loi, la commission des affaires culturelles estime que l'application de l'article 89 se fait, actuellement, dans un climat de relative sérénité, appréciation que je juge particulièrement inexacte. Elle considère qu'il n'y a pas lieu de modifier la législation et elle préconise donc le rejet de notre proposition de loi. Notre groupe ne partage évidemment pas cette analyse et nous nous prononcerons contre les conclusions de la commission. Nous estimons, en effet, que le retour à la situation d'avant la loi du 13 août 2004 est nécessaire. (Applaudissements à gauche)

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.  - Je viens d'entendre les arguments développés par les orateurs successifs et je ne doute pas de leur sincérité.

Il m'apparaît pourtant nécessaire de rappeler ce qui est en jeu. Depuis près de cinquante ans, l'article L. 442-1 du code de l'éducation prévoit que l'enseignement dispensé dans les établissements privés sous contrat est soumis au contrôle de l'État. L'établissement doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience, comme l'ont rappelé à de multiples occasions les juges constitutionnel et administratif. Les établissements d'enseignement privés se doivent donc d'accueillir tous les enfants sans distinction d'origine, d'opinion ou de croyance. C'est précisément pour cette raison que les lois Debré puis Guermeur ont instauré, pour le financement des écoles privées, un principe de parité avec l'école publique. En vertu de ce principe, les écoles privées doivent bénéficier des mêmes moyens de fonctionnement que les écoles publiques.

Voila donc l'enjeu de l'article 89 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. N'en faisons pas une question de laïcité : inspirateur de la loi du 15 mars 2004 sur la laïcité à l'école, je connais bien ce sujet et je sais qu'aujourd'hui, l'enjeu est ailleurs. Alors qu'une famille sur deux envoie son enfant à un moment de sa scolarité dans un établissement privé, le temps des grands débats idéologiques me semble révolu. (Exclamations ironiques sur les bancs CRC)

Aujourd'hui, c'est le principe républicain de liberté des familles qui prime : personne ne songe à le remettre en cause et l'article 89 n'a pas d'autre objet. Ministre de l'éducation nationale, je suis le ministre de toutes les écoles, de tous les enseignants et de tous les élèves. L'éducation nationale veille à ce que l'enseignement obligatoire soit fondé sur les mêmes principes, quel que soit le mode de scolarisation choisi par les familles. Les programmes d'enseignements sont les mêmes dans l'enseignement public et privé sous contrat d'association, les enseignants sont évalués partout selon les mêmes règles.

Nul ne souhaite ranimer le fantôme de la guerre scolaire.

L'article 89 respecte la liberté de choix des familles et assure l'équité envers les communes. Mais celle-ci ne peut se fonder sur les mécanismes applicables aux écoles publiques, puisque la liberté d'enseignement a valeur constitutionnelle.

Le principe de parité limite le coût supporté par la commune de résidence, puisque la contribution qu'elle verse pour la scolarisation dans une école privée ne peut excéder celle qu'induirait la fréquentation d'un autre établissement public.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Heureusement !

M. Xavier Darcos, ministre.  - Le cas échéant, on se fonde sur le coût moyen des écoles publiques du département. Enfin, en cas de désaccord, le préfet peut prendre en considération la capacité contributive de la commune de résidence.

Mettre en cause cette situation n'est qu'une affaire de posture ou une pétition de principe.

La circulaire de 2007, écrite en concertation avec l'Association des maires de France (AMF), ouvre la voie aux négociations entre communes, alors que le dispositif antérieur ne permettait pas de résoudre les conflits. Aujourd'hui, si le désaccord persiste, le préfet peut éventuellement intervenir. J'ajoute que la nouvelle circulaire a supprimé un certain nombre de dépenses prises en compte dans le calcul, comme celles induites par le contrôle technique des bâtiments ou par les activités extrascolaires.

Depuis trois ans, l'article 89 n'a quasiment pas suscité de contentieux : seulement 19 pour 5 547 écoles privées sous contrat. Pourquoi ranimer la discorde ? L'article 89 donne toute satisfaction. Pensons à la réussite de nos enfants, qu'ils soient scolarisés dans le privé ou le public. (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

Interventions sur l'ensemble

M. le président.  - Je mets aux voix les conclusions de la commission.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Loin d'être les anticléricaux d'antan, nous ne voulons pas raviver la guerre scolaire : nous recherchons l'apaisement et l'application du principe de parité.

Pourquoi la commission refuse-t-elle de modifier la loi en vigueur afin de consacrer le principe de parité ? Quand l'acceptera-t-elle ?

M. Jacques Valade, président de la commission.  - Quand les temps seront mûrs.

M. Jean-Marc Todeschini.  - On nous répond à chaque fois que le moment est mal choisi.

Contrairement à ce qu'a prétendu notre collègue du groupe UMP, nous ne sommes pas les ennemis de l'enseignement privé. (On paraît en douter à droite)

Mais pour que nos collègues de ce groupe puissent mettre leur vote parlementaire en cohérence avec l'opposition proclamée localement envers l'article 89, nous demandons un scrutin public. Ainsi, tout sera clair !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le rapporteur dit que le dispositif actuel suscite un large consensus. Nous ne devons pas fréquenter les mêmes maires... Comme premier vice-président délégué de l'Association des maires ruraux de France, je suis bien placé pour connaître les inquiétudes suscitées par l'amendement de M. Charasse.

Développer l'école maternelle, l'école élémentaire, la garderie et la cantine coûte très cher aux budgets municipaux. Or, malgré les efforts fournis, certains parents scolarisent leurs enfants hors de leurs communes de résidence,...

M. Jacques Valade, président de la commission.  - Ils sont libres de le faire.

M. Pierre-Yves Collombat.  - ...pour des motifs parfois sérieux, mais parfois farfelus. Les fantasmes pédagogiques jouent souvent un grand rôle. (Marques de désaccord à droite)

Jusqu'à présent, les départs vers les écoles publiques d'autres communes étaient strictement encadrés, mais pas lorsqu'il s'agissait de rejoindre une école privée. Nous avons entendu force exégèses et interprétations, mais il reste que la parité n'est pas inscrite dans la loi.

Vous êtes assis entre deux chaises, car vous savez que les maires sont très sensibles à cette question. Ils ne comprendraient pas votre refus d'un texte apaisant leurs inquiétudes.

M. Yves Détraigne.  - Certains se demandent comment le groupe UC-UDF va voter, compte tenu de mon interprétation de l'article 89 qui n'est pas identique à celle du rapporteur. Aujourd'hui, le compromis de 2006 s'applique ; dans la Marne, où les maires dénoncent pourtant l'article 89, je ne connais pas de contentieux suscité par cette disposition.

Toutefois, je ne suis pas aussi optimiste que M. Carle quant à ce que décidera le Conseil d'État car lorsque j'étais étudiant, j'ai appris que la loi l'emportait sur un simple compromis. S'il tranche comme je le crains, il faudra explicitement donner une valeur législative à ce qui n'en a pas encore.

Dans l'attente de l'arrêt de la Haute juridiction, je me rallie avec mon groupe à la position de la commission.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur.  - Notre collègue socialiste a dit que nous ne fréquentions pas les mêmes maires. Respectueux de la démocratie, j'ai rencontré l'association la plus représentative de ces élus, l'AMF (approbations à droite) qui soutient le compromis. (Exclamations à gauche)

Il faut donc attendre la décision du Conseil d'État. Par la suite, nous verrons.

M. Michel Charasse.  - Permettez à l'auteur du délit de dire un mot... (Sourires)

Tout d'abord, je remercie les orateurs qui ont rappelé dans quelles circonstances j'avais pris cette initiative. L'article 89 applique la loi Debré et la loi Chevènement de 1985, dont la mise en oeuvre était jusque-là impossible en cas de désaccord.

Mais, au-dessus de la loi Debré confirmée par la loi Guermeur, il y a le principe fondamental de parité, qui interdit de donner à l'enseignement privé plus que ce que reçoit l'enseignement public.

M. Dominique Mortemousque.  - Tout à fait !

M. Michel Charasse.  - Tel est l'objet de la circulaire de 2007 et du compromis de 2006, actuellement déféré au Conseil d'État.

Le principe de la parité s'impose. Je ne pense pas que le Conseil d'État revienne dessus car il respecte les principes fondamentaux de la République.

Je regrette que la commission n'ait pas pris l'initiative d'ajouter un paragraphe supplémentaire à l'article 89 pour sacraliser le principe de parité. Résultat, nous laissons le Conseil d'État faire la loi à notre place. Si nous avions sacralisé dans la loi l'accord auquel nous étions parvenus, et qui fait consensus, nous n'en serions pas à attendre, dans l'inquiétude, la décision du Conseil d'État. Cela étant dit, je suivrai mon groupe sur son vote.

M. le président.  - Je rappelle aux orateurs qui souhaitent s'exprimer que j'ai accepté de prolonger le débat sous réserve de leur laconisme.

M. Alain Vasselle.  - Soit, mais il serait bon, monsieur le président, que l'organisation de nos travaux permette à tous les sénateurs concernés par un sujet de participer aux débats. En tant que président de l'association des maires de mon département, j'ai un avis à donner. Or, je dois en même temps présider la mission d'évaluation et de contrôle des dépenses de la sécurité sociale, jouer mon rôle de rapporteur du projet de loi sur la dépendance... Les conditions de travail qui nous sont faites ne permettent pas à tous les parlementaires de s'investir sur tous les dossiers sur lesquels ils devraient pourtant pouvoir s'exprimer.

Je partage l'idée d'une parité stricte entre public et privé. Si l'on ne règle pas le problème aujourd'hui, je souhaite qu'au minimum une circulaire du ministre de l'éducation nationale ou du Premier ministre précise que tant que le Conseil d'État ne s'est pas prononcé, toutes les dispositions tendant au financement des écoles privées par les communes qui y comptent des élèves sont gelées. Nous pourrons alors attendre sereinement pour légiférer. (Applaudissements sur plusieurs bancs UMP)

M. Michel Charasse.  - On ne peut pas suspendre une loi par circulaire.

A la demande du groupe socialiste, les conclusions de la commission sont mises aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 328
Nombre de suffrages exprimés 327
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l'adoption 201
Contre 126

Le Sénat a adopté.

présidence de M. Christian Poncelet