Eloge funèbre d'André Boyer

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent) C'est le mercredi 24 septembre, deux jours à peine après la session extraordinaire à laquelle il avait participé, qu'André Boyer, sénateur du Lot, s'est éteint, à son domicile parisien, terrassé par un malaise brutal.

A l'annonce de cette fin que rien ne laissait présager, l'émotion que nous avons ressentie a été à la hauteur de la place importante qu'occupait André Boyer au sein de notre assemblée. Sénateur du Lot depuis vingt ans, André Boyer avait, au fil des ans, imprimé sa marque par sa compétence, sa disponibilité et son infinie courtoisie.

Né le 14 mai 1931 à Bretenoux, dans ce département du Lot qu'il représentera si bien dans notre hémicycle, notre collègue avait embrassé la carrière médicale.

Ce choix professionnel initial est hautement symbolique du destin politique qui deviendra celui d'André Boyer. Généraliste, « médecin de campagne », André Boyer ne ménagea ni son temps, ni sa peine envers ses patients et singulièrement les plus modestes. Ses débuts dans la vie professionnelle concrétisaient ainsi d'emblée sa vocation au service des autres.

A force de travail, il obtint sa spécialité en radiologie. Il exerça alors son nouveau métier de radiologue en qualité de chef de service à l'hôpital de Saint-Céré avec le même humanisme. Cette force de travail, André Boyer en fera la preuve toute sa vie.

Par sa naissance, notre collègue ne pouvait manquer de recevoir en héritage le goût de la vie publique. Son grand-père et son père avaient en effet exercé, tout au long du XXe siècle, les fonctions de conseiller général et de maire de Saint-Céré.

C'est donc tout naturellement sur sa terre natale de Saint-Céré qu'André Boyer a commencé une longue et brillante carrière politique qui l'amènera à assumer de multiples mandats locaux et nationaux.

André Boyer fit presque simultanément -en 1982- son entrée au conseil général du Lot. Il honorera ce mandat auquel il était très attaché, jusqu'au printemps dernier. Il travailla avec enthousiasme et détermination au service de son cher département pendant plus de vingt-cinq ans. Il exercera ainsi au conseil général d'importantes responsabilités, notamment dans le domaine financier : il fut tour à tour rapporteur général du budget, puis président de la commission des finances, et enfin vice-président de l'assemblée départementale.

Du fait de sa compétence et de son sens aigu du service de la République, André Boyer fut sollicité par notre ancien collègue Maurice Faure, dont il était proche et dont il partageait les convictions, pour devenir son suppléant lors des élections sénatoriales de 1983.

Son expérience du terrain, son amour du Lot et sa profonde connaissance des enjeux et des perspectives locales conféraient à André Boyer une vocation quasi naturelle pour rejoindre le Sénat. Cette vocation devint réalité en juin 1988 lorsque Maurice Faure, devenu -une nouvelle fois- membre du Gouvernement, alors dirigé par Michel Rocard, lui céda son fauteuil au sein de notre assemblée.

André Boyer allait dès lors représenter le Lot dans notre hémicycle, et cela sans interruption jusqu'à ses derniers jours. Après avoir été brillamment réélu en septembre 1992, il le fut à nouveau en septembre 2001. André Boyer fut ainsi en quelque sorte l'un des héritiers spirituels de Maurice Faure au Sénat où il fit notamment vivre les convictions européennes qu'il partageait avec lui.

Il apporta également son sens de la mesure et des solutions justes et équilibrées au sein du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, auquel il resta fidèle -sous ses appellations successives- tout au long de ses mandats sénatoriaux.

Au cours de ces deux décennies au Sénat, André Boyer allait donner toute la mesure de ses engagements et de sa valeur humaine. Alors que, par sa profession et son expérience politique locale, André Boyer aurait pu intervenir avec autorité tant sur les questions sociales que sur celles de santé, il se spécialisera dans les problèmes de défense et se passionnera pour les questions internationales.

Membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, il en devint le vice-président, unanimement respecté et apprécié de 1998 à 2008.

Sa participation active aux travaux de notre assemblée, notamment la présentation de nombreux rapports sur des projets de loi autorisant la ratification de conventions ou de traités internationaux, fera d'André Boyer, au fil des ans, un interlocuteur écouté et avisé dans le domaine des affaires étrangères. Ses interventions claires et concises, dans un langage choisi, sur des sujets souvent complexes et délicats explicitaient de façon didactique et synthétique les questions internationales les plus diverses.

En matière de défense, c'est surtout le secteur de la marine nationale qu'André Boyer affectionnait particulièrement. Il en était devenu, au fil des ans, un expert reconnu, en tant que rapporteur pour avis des crédits de la marine nationale, puis du budget du programme « équipements des forces » de la mission Défense.

Mais son intérêt pour les questions internationales avait également conduit André Boyer à assumer la responsabilité de deux groupes interparlementaires d'amitié en tant que président délégué pour le Malawi du groupe France-Afrique australe, et président délégué pour l'Estonie du groupe France-Pays Baltes.

La compétence d'André Boyer l'avait désigné par les gouvernements successifs pour devenir aussi un membre assidu de la délégation de notre commission des affaires étrangères, qui participe chaque année à l'assemblée générale des Nations Unies. Il analysait avec finesse les causes des conflits et des crises et n'était jamais insensible aux injustices, à la montée des extrémismes, ainsi qu'aux questions relatives au développement des pays les plus pauvres dans la fidélité aux valeurs qui étaient les siennes.

André Boyer ne bornait pas pour autant son horizon politique aux seules questions internationales et de défense. Ses interventions, toujours sereines, ses questions écrites ou orales, ses propositions de loi témoignent du large éventail de ses préoccupations, de sa curiosité d'esprit et de son inlassable dynamisme au service de ses concitoyens. Statut des handicapés, situation des personnes âgées, questions agricoles, problèmes de santé publique, environnement, anciens combattants... : aucun de ces sujets ne lui était indifférent.

André Boyer fut l'incarnation de l'élu local accompli et du serviteur exemplaire de la République, ancré dans ses valeurs. Il fut un parlementaire apprécié de tous. Son parcours et son action ont enrichi notre assemblée et honoré sa réputation. A l'heure où la tentation de l'individualisme tend à se répandre de plus en plus, je veux saluer à cet instant en votre nom, la vie de cet homme dévoué au service de ses concitoyens.

Par un matin d'automne ensoleillé, André Boyer a reçu dans sa chère commune de Saint-Céré, et dans son département natal et d'élection du Lot -qui a donné tant de républicains - l'hommage ému des habitants, de ses amis et des élus de la République. Nos collègues Jean-Michel Baylet et Gérard Miquel ont trouvé les mots justes pour dire tout ce que nous devions à la mémoire d'André Boyer. Le Président Christian Poncelet a tenu à se rendre personnellement à la cérémonie pour y exprimer sa tristesse, celle du Sénat tout entier et celle de la République. Cet adieu émouvant, au milieu des siens, sur cette terre du Lot qu'il a si fidèlement chérie et servie, se devait de trouver un écho dans cet hémicycle.

A ses collègues du groupe du RDSE, dont il fut l'un des membres les plus anciens, les plus fidèles et parmi les plus actifs, j'exprime la sympathie unanime de notre assemblée.

Aux membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui perd en sa personne un parlementaire et un expert, assidu et de grande valeur, j'adresse l'expression de notre profonde tristesse.

A vous, madame, à vos enfants -parmi lesquels tant de médecins !- et à tous vos proches, qui vivez l'émotion et la douleur d'une disparition aussi brutale qu'inattendue, je tiens à vous assurer de la part personnelle que je prends à votre peine, et vous témoigne, par ma voix, de la solidarité et de la sympathie attristée du Sénat tout entier.

Nul doute que la mémoire d'André Boyer restera longtemps présente dans cet hémicycle, et dans l'esprit de chacun d'entre nous.

Mmes et MM les sénateurs observent une minute de silence.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.  - Le Gouvernement tient à s'associer à l'hommage que rend le Sénat à André Boyer.

Vous avez, monsieur le président, rappelé l'essentiel de sa carrière même s'il est difficile de retracer toute une vie en quelques minutes. André Boyer est né dans un département pétri de républicanisme et de radicalisme. Il en fut l'enfant et l'héritier mais il fut, en même temps, un symbole de modernité.

Très vite ce médecin au service des autres s'est mis au service de tous. Élu de Saint-Céré à 25 ans, il s'occupera d'abord de questions budgétaires avant de se consacrer à l'avenir du Lot et de son nécessaire désenclavement.

En 1988, il rejoignit le Sénat où il fut un des meilleurs experts de la marine en même temps qu'un des spécialistes les plus consultés des affaires internationales. Il fit des propositions pour régler le conflit palestino-israélien, il fut toujours sensible aux problèmes de l'Afrique noire, il fut observateur au Kosovo, puis envoyé pour aider à la restructuration politique du Liban, il accompagna aussi le Président Chirac dans les pays baltes.

Il participa à la réflexion sur nos institutions et sur leur devenir, dans la grande tradition républicaine de ceux qui furent formés en terre laïque et radicale. Ouvert à tous, il abordait toujours cette réflexion avec courtoisie et une grande finesse d'analyse.

A vous, madame, à vos enfants, Louis, Henri et François, au groupe du Rassemblement démocratique, social et européen, à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et au Sénat tout entier, le Gouvernement présente ses condoléances.

La séance est suspendue en signe de deuil.

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

La séance reprend à 16 h 30.