Ville et logement

Mme la Présidente.  - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Ville et logement » (et articles 82 et 83).

Orateurs inscrits

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Bien que le temps qui m'est imparti soit trop bref au regard du montant des crédits de cette mission et de l'importance des questions que soulève une conjoncture qui met à mal le secteur de la construction, je ne puis manquer de saluer l'annonce faite aujourd'hui par le Président de la République, dans le cadre du plan de relance qui fera l'objet d'une loi de finances rectificative au tout début de l'année prochaine, de mesures en faveur du logement : 70 000 logements supplémentaires, un doublement du prêt à taux zéro ainsi que des mesures concernant l'Anru et l'Anah qui posent quelques questions sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir. Voilà qui démontre que les doutes que nous avions émis sur l'adéquation de ce budget à l'ampleur de la crise n'étaient pas sans justification. Cette remise à niveau est salutaire.

Ma première observation sur ce budget concerne le transfert du financement du logement vers des sources extrabudgétaires. De fait, on relève une forte diminution des crédits -moins 14,5 % en autorisations d'engagement et moins 6,22 % en crédits de paiement- qui touche plus particulièrement ceux consacrés à la rénovation urbaine, à la réhabilitation des quartiers indignes ainsi qu'au financement du logement locatif social et à l'Anah.

Ce net désengagement de l'État est le résultat du choix, a priori vertueux, d'appliquer avec volontarisme les conclusions de la révision générale des politiques publiques et les préconisations de réduction des dépenses de l'État.

Les réductions de crédits se concentrent logiquement sur les dépenses d'intervention et sont confirmées pour les trois prochaines années par la loi de programmation des finances publiques. Elles sont cependant compensées en grande partie par le recours aux ressources du 1 % logement, prévu par le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, en cours d'examen, sans laquelle ne peut s'apprécier ce projet de budget.

On peut donc vous croire, madame la ministre, quand vous affirmez que vous disposerez des moyens financiers pour atteindre l'objectif de 120 000 logements sociaux en 2009.

De même, les ressources de l'Anah seront préservées. J'ajoute que les financements extrabudgétaires étant plus sûrs que les crédits du budget de l'État (M. Jean Arthuis, président de la commission, s'amuse) soumis, eux, aux aléas de la régulation budgétaire, l'Agence disposera effectivement de l'intégralité des dotations qui lui ont été promises. Mais tout retard dans l'adoption de la loi de mobilisation pour le logement pourrait lui valoir de vrais problèmes de trésorerie...

Reste que la débudgétisation de certaines politiques du logement soulève bien des interrogations. Le risque d'un assèchement, à terme, de la ressource du 1 %, désormais consacrée en grande partie à des subventions en lieu et place des prêts, qui assuraient le renouvellement de la ressource, ne saurait être exclu. On peut de même s'inquiéter de l'avenir du Pass-travaux, destiné à la rénovation de copropriétés dégradées et jusqu'ici financé sur le 1 %. Par quoi ces prêts seront-ils remplacés, sachant que le nouvel Eco-PTZ prévu à l'article 45 du projet de loi de finances n'est pas destiné à financer ce genre de réhabilitation ? Le Président de la République vient d'annoncer la création d'un fonds temporaire, pour 2009 et 2010, de lutte contre l'habitat indigne et les dépenses d'énergie, doté de 200 millions. Ce fonds sera-t-il en mesure d'assurer les mêmes fonctions que le Pass-travaux et comment sera-t-il financé ?

Au-delà du recours au 1 %, ce budget repose sur l'hypothèse que le logement social se tournera vers de nouvelles sources de financement -produit des ventes de logements HLM, de la nouvelle taxe sur les organismes HLM, des surloyers. Cet autofinancement sera-t-il, à terme, à la hauteur des besoins de construction de logements sociaux ?

La deuxième grande interrogation porte sur l'avenir des projets Anru. Si leur réalisation n'est pas remise en cause en 2009 puisque, compte tenu de la cadence annuelle de mise en oeuvre des opérations conventionnées ou pré-conventionnées et du rythme annoncé des paiements, le plan de trésorerie du plan national de rénovation urbaine est soutenable dans les conditions actuelles, grâce aux apports de trésorerie, dès fin 2011, la trésorerie de l'Anru deviendra négative sans l'apport de crédits de paiement de l'État à hauteur de ses engagements initiaux. Les opérations de rénovation urbaine, dans lesquelles les collectivités territoriales se sont engagées avec les bailleurs sociaux, sur la base d'un engagement financier de l'État, ne seront pas soutenables au-delà de trois ans si les termes de l'équilibre budgétaire et extrabudgétaire actuel ne sont pas revus.

La suppression, à hauteur de 1,5 milliard d'autorisations d'engagement, correspondant aux conventions déjà conclues dans le cadre du PNRU, même si vous affirmez, madame la ministre, qu'elle ne doit être interprétée que comme le résultat d'une contrainte comptable, est un signal très négatif pour les collectivités territoriales qui se sont engagées dans des projets lourds de restructuration de quartiers sur la foi des engagements de l'État. Que penser, dans ces conditions, de l'annonce de l'anticipation, dès 2009, de travaux programmés pour un montant total de 600 millions ? S'agit-il d'opérations accélérées du fait de la simplification des règles d'urbanisme et de marchés publics ? D'où proviendront les 200 millions supplémentaires annoncés ? De ressources budgétaires ou extrabudgétaires ? Autant de questions qui appellent des réponses précises.

Le 1er décembre, le droit au logement opposable est entré dans la deuxième phase de sa mise en oeuvre. Désormais, le recours contentieux devant le juge administratif est ouvert aux demandeurs prioritaires qui n'auront pas obtenu satisfaction après une décision favorable de la commission de médiation. Je souhaite que les amendements que j'ai défendus sur votre projet de loi, madame la ministre, au nom de la commission des finances, et que le Sénat a bien voulu adopter, apportent certaines améliorations au dispositif, notamment en ce qui concerne l'information des publics et le traitement des demandes en région Ile-de-France.

Je m'étonne que les premiers mois d'application du Dalo ne soient pas pris en compte dans ce projet de budget. Alors que nous savons les faiblesses de la procédure d'instruction et les lacunes en matière d'enquête sociale dans les départements les plus concernés, le montant des crédits de fonctionnement pour la mise en oeuvre du Dalo, en vue du financement de l'externalisation de certaines prestations liées à l'instruction des dossiers présentés aux commissions de médiation, a été reconduit à l'identique, soit 4,12 millions. Aucune dotation n'a été inscrite au titre des condamnations auxquelles l'État est exposé en 2009. Bien que le projet annuel de performances ajoute les contentieux liés à la mise en oeuvre du Dalo à la liste des contentieux envisagés, vous n'en tirez aucune conséquence financière : les crédits restent à 700 000 euros.

J'en viens au plan « Espoir banlieues ». Les débats suscités par le financement extrabudgétaire de la politique du logement ont quelque peu éclipsé le travail accompli dans le cadre de la politique de la ville et les points positifs du projet de budget en ce domaine, comme d'ailleurs dans les domaines de l'hébergement d'urgence et de l'aide alimentaire, avec une remise à niveau des dotations qui mérite d'être saluée.

Les départements ministériels ont dû produire des programmes précis, sur trois ans, de mobilisation de leurs services sur les quartiers en difficulté : c'est une démarche novatrice. Si le suivi de ces programmes est effectivement assuré, nous arriverons peut-être à dépasser l'opposition traditionnelle entre crédits budgétaires et extrabudgétaires.

Je note aussi que les crédits contribuant au financement des associations qui interviennent dans les quartiers, gérées pour l'essentiel par l'Acsé (Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances), restent substantiels et je salue leur déblocage rapide, c'est une première.

Un bémol, cependant, sur la création des 350 délégués des préfets. Je me félicite de cette innovation qui cimente le lien entre l'administration et les habitants des quartiers, je regrette la professionnalisation de ces fonctions dont le coût, 22,4 millions, mériterait d'être comparé à celui d'une généralisation et d'un recentrage sur les quartiers prioritaires, ainsi que je les avais proposés à la suite d'un contrôle budgétaire.

La délégation interministérielle à la ville a connu une période d'incertitude. Elle doit retrouver rapidement sa capacité de coordination et d'animation de la politique de la ville, alors qu'elle devra préparer le renouvellement des contrats urbains de cohésion sociale et prendre toute sa place dans la réforme de la géographie prioritaire de la politique de la ville que le Sénat appelle depuis longtemps de ses voeux.

L'article 82 rattaché modifie en profondeur le dispositif d'exonération des charges sociales dans les zones franches urbaines en plafonnant à 1,4 fois le Smic le niveau de salaire ouvrant droit à exonération totale de cotisations, l'exonération devenant dégressive au-delà. Est également supprimé le mécanisme de sortie en sifflet en trois ans, porté à neuf ans pour les entreprises de moins de cinq salariés. Il fallait trouver à économiser 100 millions. Fort bien. Mais la commission des finances, avec d'autres, estime que c'est jouer un mauvais tour aux entreprises qui ont joué le jeu, alors que le dernier rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles juge positif l'effet du dispositif sur l'emploi. Pourquoi changer les règles en cours de route ?

Sur l'article 83, la commission des finances présentera, pour l'heure, un amendement de suppression.

Elle vous présente, enfin, deux amendements créant des articles additionnels.

Le premier, que nous avions déjà présenté lors de l'examen du budget 2007, vise à indexer la valeur du terme constant de la participation minimale des bénéficiaires des aides personnelles au logement.

M. Thierry Repentin.  - Dès 2009 !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Ce serait difficile... mais nous en reparlerons.

Le second amendement concerne le droit au logement opposable et il précise les conditions dans lesquelles l'État fait figurer dans ses comptes la provision pour risque contentieux lié au Dalo.

Sous le bénéfice de ces observations et des amendements de votre commission des finances je vous invite à adopter les crédits de cette mission en souhaitant que ce budget, et les mesures annoncées ce jour, nous permettent d'espérer une atténuation des conséquences de la crise immobilière, à défaut d'une relance immédiate de ce secteur, essentiel pour l'économie, l'emploi et la vie quotidienne de nos concitoyens, y compris ceux des quartiers concernés par la politique de la ville. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Pierre André, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.  - Cette année la politique de la ville est au coeur de nombreuses réformes : dotation de solidarité urbaine, zones franches urbaines, ou encore plan « Espoir-banlieues » qui traduit les engagements du Président de la République en direction des quartiers. Ce budget est donc l'occasion d'examiner la pertinence de mesures qui toucheront une large partie de nos concitoyens, 65 % des français vivant aujourd'hui en zone urbaine.

Pour 2009, la gouvernance de la politique de la ville évolue : programme unique, mission de la délégation interministérielle à la ville revue et recentrée sur les fonctions de secrétariat du comité interministériel des villes, rôle de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances dans les quartiers réaffirmé, ce dont nous nous félicitons puisqu'il s'agit de recommandations que nous avions formulées. Je relève toutefois que la création des délégués du préfet dans les quartiers ne répond qu'imparfaitement aux difficultés de gouvernance au niveau local. J'aurais souhaité un renforcement du rôle des préfets et des sous-préfets en matière de politique de la ville et de partenariats avec les maires.

Je suis heureux de voir que l'Agence nationale de rénovation urbaine (Anru) participera au futur programme national de rénovation des quartiers anciens dégradés. Toutefois, notre commission s'est inquiétée des perspectives de financement de cette agence, le recours au 1 % logement la faisant douter de la volonté de l'État de tenir ses engagements. Les mesures annoncées ce matin à Douai par le Président de la République nous rassurent puisque la rénovation urbaine fera partie du plan de relance pour 600 millions dont 200 supplémentaires pour l'Anru dès l'année prochaine.

Pour le développement social et économique, une mobilisation massive des politiques de droit commun a été annoncée par le Gouvernement en juin dernier. J'espère que les 4,3 milliards mobilisés par l'ensemble des ministères en 2009 seront bien déployés en faveur des quartiers. Il est indispensable de maintenir intacts les moyens spécifiques de la politique de la ville pour servir de levier à la mobilisation des crédits de droit commun. A cet égard, les contrats urbains de cohésion sociale doivent absolument être pérennisés dans l'esprit qui a animé leur création, car ce sont d'efficaces instruments de partenariat entre l'État, la ville et le tissu associatif.

Si nous nous félicitons des 22 millions du plan « Espoir-banlieues » nous souhaitons que ces financements, à l'avenir, soient à la hauteur des besoins. Je prends bonne note de l'attention particulière réservée au volet éducation et égalité des chances avec les internats d'excellence, les écoles de la deuxième chance ou encore l'accompagnement dans les classes préparatoires aux grandes écoles. J'insiste toutefois sur la nécessité d'inscrire ces mesures dans le prolongement des dispositifs existants, en complémentarité avec les stratégies locales en cours afin d'éviter toute incohérence sur le terrain.

Sur les zones franches urbaines (ZFU), la réforme, envisagée à l'article 82, du dispositif d'exonération de charges sociales sur les bas salaires est malvenue. Elle peut avoir des répercussions sur la répartition des emplois créés dans ces quartiers. Le risque est de voir les entreprises segmenter leurs activités en réservant aux quartiers difficiles les emplois à faible valeur ajoutée, ce qui est en totale contradiction avec les objectifs poursuivis.

Mme Dominique Voynet.  - Très bien !

M. Pierre André, rapporteur pour avis.  - D'autre part, cette réforme risque de toucher lourdement les entreprises installées en ZFU et donc d'avoir des répercussions majeures sur l'emploi dans les quartiers, emplois qui sortent des familles entières de la désespérance. Cette réforme est à l'opposé des excellentes mesures annoncées ce matin par le Président de la République en faveur de l'emploi. C'est pourquoi la commission des affaires économiques propose un amendement supprimant l'article 82.

M. Dominique Braye.  - Très bien !

M. Pierre André, rapporteur pour avis.  - Sous réserve de ces observations, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements à droite)

M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.  - Ce budget est un budget de contrastes. Contraste entre le discours et les actes : d'un côté on sonne, par un projet de loi, la mobilisation générale en faveur du logement, de l'autre, les dotations budgétaires de l'État sont soumises à une très forte cure d'amaigrissement. Contraste, également, entre ce désengagement budgétaire et l'ampleur de la crise économique et financière que traverse notre pays, qui rendrait d'autant plus légitime une action contracyclique de l'État.

Certes, je reconnais un effort en matière de crédits affectés à l'hébergement, qui permettent à l'État d'honorer ses engagements au titre du Plan d'action renforcé pour les sans-abri (Parsa).

Mais je m'interroge, au sujet des aides personnelles au logement, sur la sincérité d'un budget, construit sur l'hypothèse d'une baisse de 100 000 chômeurs et d'un accroissement de 4 % de la masse salariale. Comment sérieusement tabler sur une telle réduction du chômage et sur une telle croissance de la masse salariale en 2009 ? Il y a donc fort à parier qu'au cours de l'année l'État soit amené à abonder ce budget pour garantir son équilibre.

Pour les aides à la pierre, la situation est encore plus problématique puisque les dotations sont en chute libre, pour le parc social comme pour le parc privé. Pour le parc social, les objectifs de production pour 2009 sont ambitieux : 120 000 nouveaux logements sociaux mais la subvention pour chaque logement construit reste homéopathique. D'une part, la subvention budgétaire versée pour chaque logement social reste stable, d'autre part, on assiste à une réduction très importante de la « surcharge foncière » qui donne pourtant un coup de pouce aux opérations locatives sociales dans les zones tendues.

Enfin, plus aucun crédit ne sera consacré à la Palulos, entièrement remplacée par la création de prêts à taux bonifié de la Caisse des dépôts et consignations pour la rénovation thermique des logements sociaux. Certes, les organismes HLM sont invités à se tourner vers de nouvelles sources de financement : produits de cessions HLM à leurs occupants, création d'un prélèvement sur les organismes HLM qui n'investiraient pas suffisamment, augmentation des recettes de surloyer. J'avoue être sceptique. D'abord, il paraît douteux que, dans le contexte actuel, les ventes de HLM augmentent. Ensuite, le principe d'un prélèvement sur la trésorerie des bailleurs sociaux semble discutable. Enfin, il est surprenant que l'augmentation des loyers, via le surloyer, serve d'argument au désengagement de l'État.

Sur la rénovation thermique du parc HLM, il y a décalage entre les objectifs ambitieux et les moyens. Alors que le parc privé aura à sa disposition un outil puissant, l'éco-PTZ d'un montant de 30 000 euros par logement sans intérêt d'emprunt, le parc social se voit allouer des enveloppes de prêts, certes bonifiés, mais qui portent néanmoins intérêt et dont le montant n'est que de 12 000 euros par logement. Pourquoi une telle différence de traitement ?

Enfin, pour le financement du logement social, je souhaiterais obtenir, madame la ministre, quelques information sur la centralisation des fonds du livret A, dans la mesure où le projet de décret a fait l'objet de réserves de la part de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.

A propos de la réhabilitation du parc privé, je voudrais dénoncer le détournement des ressources du 1 % logement vers l'Anah, qui diminue les moyens affectés à la politique du logement. Il paraît d'ailleurs ahurissant de contraindre l'Anah à s'endetter sur les marchés financiers, par l'intermédiaire de l'agence France-Trésor, pour honorer ses paiements en début d'année, dans l'attente du déblocage des fonds du 1 %. Cela occasionnera des frais financiers prélevés sur les moyens de l'Agence, Enfin, l'augmentation des interventions du 1 % sous la forme de subventions, au détriment des prêts qui donnent lieu à des retours, pèsera gravement, à moyen terme, sur son budget et tarira une de ses ressources.

Compte tenu de ces arguments, j'ai appelé votre commission des affaires économiques à émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission. La commission, toujours soucieuse de vous accompagner, ne m'a pas suivi et vous recommande d'adopter les crédits de cette mission.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - L'examen du budget de cette mission est perturbé, cette année, par les annonces du Président de la République. Le Gouvernement est déterminé à réagir rapidement, mais les mesures proposées vident un peu de sens le budget qui nous est soumis ce soir. Nous allons en effet discuter d'un document qui ne reflète plus les choix du Gouvernement pour 2009. J'essaierai donc de commenter à la fois la mission « Ville et logement » et les mesures présentées ce matin et nous verrons que leur articulation n'est pas sans poser de problèmes.

Concernant l'hébergement, les chiffres parlent d'eux-mêmes : on dénombrait 51 000 places d'hébergement en 2004, il y en a aujourd'hui près de 70 000 et 72 000 sont budgétées pour 2009.

En 2009, le chiffre atteindra 72 000 : les 1 000 places annoncées par le Président de la République s'y ajoutent-elles ?

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville.  - Oui !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis.  - Le total est encore insuffisant, comme l'a tragiquement rappelé la mort de plusieurs SDF ces dernières semaines. Mais pour que l'augmentation régulière du budget de l'hébergement ne soit pas, selon l'expression de M. Martin Hirsch, un « rocher de Sisyphe mâtiné du tonneau des Danaïdes », il nous faut respecter certains principes. D'abord, l'hébergement d'urgence doit être régulé. Le temps n'est plus aux atermoiements d'associations qui rechignent à travailler ensemble ! Gérer des hébergements d'urgence, c'est participer à un service public, donc en accepter les contraintes. Ensuite, L'Ile-de-France exige un régime spécifique...

Mme Christine Boutin, ministre.  - Absolument.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis.  - Enfin, il faut regarder de plus près le travail des centres d'hébergement : pourquoi, à dotations égales, les prestations sont-elles si différentes d'une structure à l'autre ? Pourquoi certaines parviennent-elles mieux que les autres à orienter les personnes accueillies vers le logement durable ?

Jamais on n'a en France construit autant de logements sociaux qu'au cours de ces dernières années : 42 000 en 2000, 72 000 en 2004, 92 000 en 2007, 108 000 cette année et 120 000 en 2009. Les PLAI suivent la même courbe de progression. En commission, vous avez précisé, madame la ministre, que le budget 2009 comprenait au total 120 000 logements sociaux, contre 140 000 prévus en 2008, parce que le secteur du bâtiment, au niveau de 120 000, tourne déjà à plein régime. En annonçant 70 000 logements supplémentaires, le Président de la République n'a-t-il pas cédé à la précipitation ?

Et pourquoi vouloir maintenir le prélèvement de 850 millions d'euros sur le 1 % logement tout en prévoyant une relance des aides à la pierre et un doublement du prêt à taux zéro ? Il s'agit toujours de dépense publique, la finalité est la même ! Des explications s'imposent pour que nous percevions mieux la cohérence d'ensemble...

Aucun crédit n'est prévu pour les Palulos. Je sais que leur financement sera désormais assuré par une mutualisation des ressources des sociétés HLM, mais le Sénat a décidé de reporter cette réforme à 2011. Comment fera-t-on entre-temps ?

Le succès du plan « Dynamique espoir banlieues » repose sur la mobilisation de tous les ministères concernés. La population des quartiers sensibles a besoin de plus d'aide, pour l'éducation, l'accès aux soins, la sécurité, les services publics : tout le monde en est d'accord. Mais vous ne contrôlez, madame la ministre, que 17 % des crédits de la politique de la ville. Or cette politique plus que toute autre a besoin d'un pilote, doté de moyens de contrôle, voire de contrainte. De quels outils disposez-vous ?

La création de 350 délégués du préfet était l'une de nos demandes. Mais comment assureront-ils la coordination des actions si les parties prenantes refusent de travailler ensemble ?

Ce budget 2009 traduit un effort incontestable et important, mais il n'est pas sans contradictions et soulève des questions sensibles sur lesquelles, mesdames les ministres, nous attendons des réponses les plus claires ! (Applaudissements à droite)

La séance est suspendue à 19 h 50.

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

La séance reprend à 22 heures.

Rappel au Règlement

Mme Odette Terrade.  - Ce rappel au règlement se fonde sur l'article 36 de notre Règlement.

En effet, nous débattons d'une mission « Ville et Logement » quelque peu en décalage avec la réalité des besoins sociaux et -c'est plus surprenant- avec le discours du Président de la République prononcé aujourd'hui à Douai. En effet, le Président Sarkozy a annoncé un effort budgétaire nouveau pour le logement, renforçant les moyens de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, avec de nouvelles constructions de logements sociaux.

Un collectif budgétaire est annoncé, qui sera le troisième cette session. Mais les annonces seront-elles suivies d'effets ? 

Renforcer l'Anru est une nécessité évidente, mais les millions promis aujourd'hui sont ceux qui n'ont jamais été mobilisés, alors que l'État s'y était engagé lors de la création de l'Agence. En confisquant l'argent du 1 %, l'État s'exonère du financement de l'Agence dans le présent budget.

La construction de logements sociaux est indispensable, mais l'aide restera limitée à 6 000 euros pour chacun des 100 000 logements annoncés. Il y aura donc plus de PLS que de PLAI. On est encore loin des sommes dépensées pour le logement locatif privé, avec, notamment, les 5 milliards destinés à racheter 30 000 logements aux promoteurs engoncés dans leurs stocks d'invendus ! Ceci ramène à de justes proportions la réalité des annonces présidentielles et montre que nous sommes loin de répondre aux besoins.

Orateurs inscrits (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion des crédits de la mission « Ville et logement ».

Mme Odette Terrade.  - Ce budget 2009 de la ville et du logement est mauvais : c'est ainsi que l'on peut le résumer simplement. Il porte pourtant sur une question essentielle.

La mise en oeuvre délicate du droit au logement opposable, le plan Marshall des banlieues sans cesse annoncé mais sans cesse reporté, les discours incohérents sur le mal-logement et le traitement des difficultés des sans domicile fixe : telle est la réalité !

La situation dramatique du logement cumule demande massive de logement locatif social, hausse des loyers dans le secteur privé, persistance d'un haut niveau de prix à l'achat et déshérence de l'accession sociale à la propriété.

Depuis plusieurs mois, des phénomènes nouveaux apparaissent, avec des familles étranglées par l'endettement, la chute des mises en chantier, l'effondrement des transactions dans l'ancien et la liquidation massive d'emplois dans l'ensemble de la filière. Le décalage entre vos intentions et la réalité de votre action est marqué par des tours de passe-passe destinés à contribuer à la maîtrise du déficit. Pourtant, avec un déficit prévisionnel supérieur à 50 milliards d'euros, on n'est plus à quelques millions près, subrepticement retirés à une mission essentielle !

Ce budget 2009 consacre la quasi-disparition des crédits de la Ville. La mission « Relations avec les collectivités locales » verra émerger une dotation anecdotique de développement urbain avec 50 millions d'euros, qui ne compenseront ni la dissolution des crédits de la ville dans la présente mission, ni la mise en cause de la solidarité urbaine, même si cette dotation bénéficie d'un délai de grâce dû à l'intervention des élus locaux et des parlementaires de tous les groupes.

Ce budget 2009 consacre également les orientations de l'inutile et inefficace loi dite de « mobilisation pour le logement ».  La captation des ressources du 1 % logement, c'est-à-dire la confiscation de l'argent des salariés au profit de la régulation budgétaire, en est la plus parfaite illustration.

Vous prétendez que les ressources du 1 % seront effectivement consacrées aux besoins de logement des salariés. C'est faux ! Parce qu'il faudrait prouver que les fonds du 1 % n'ont pas permis de construire des logements sociaux, ni de financer des sociétés HLM ! Parce qu'il faudrait prouver que le Pass-travaux n'a pas permis à de nombreuses familles modestes d'accéder à la propriété de leur logement et de le rendre confortable ! A ce propos, vous avez prétendu, lors du débat sur la loi dite de mobilisation, que le Pass-travaux allait disparaître, passant de 900 millions d'euros à 200 millions aujourd'hui, parce que monterait en puissance le crédit d'impôt « gros travaux » à portée écologique. Mais les 700 millions confisqués aux petits accédants à la propriété se doublent des 550 millions que l'État va économiser sur le crédit d'impôt, qui exclut les opérations sans qualité environnementale. « Tous propriétaires donc, mais à vos frais », pouvons nous dire aux Françaises et aux Français !

Il suffit d'examiner l'évaluation des voies et moyens, notamment le tome consacré aux dépenses fiscales, pour voir de quoi il retourne. Dans cette loi de mobilisation, vous avez consacré des sommes importantes aux difficultés des promoteurs immobiliers. Comment apprécier, au moment où des milliers de personnes sans abri sont en danger, alors que certains sont déjà morts de froid aux portes de la capitale, que le Gouvernement utilise 5 milliards d'euros pour racheter aux opérateurs immobiliers 30 000 logements invendus ? C'est pratiquement l'équivalent de votre budget, c'est deux fois et demie ce que vous allez consacrer au total en 2009 à la construction de logements neufs, à la réhabilitation du patrimoine, à la politique de la ville. Expliquez à nos concitoyens qu'il est indispensable d'utiliser l'argent public à couvrir les gâchis financiers des promoteurs, plutôt qu'à répondre à l'urgence du mal logement !

Je ne peux évidemment passer sous silence le fait que les crédits de la mission soient astucieusement préservés grâce au rapatriement des crédits liés à l'hébergement d'urgence, inscrits jusqu'ici dans la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Cette opération ne doit pas masquer l'essentiel : vous allez consacrer plus de 1 100 millions d'euros à payer des nuitées d'hôtel aux mal-logés et aux victimes de la crise du logement, sans apporter de solution durable. En reprochant au Sénat de ne pas vous avoir suivie, vous voulez contraindre les collectivités locales et les collecteurs du 1 % à prendre en charge cette question. Pourtant, le mal-logement est une affaire de solidarité nationale, et relève donc de votre compétence.

Autant de raisons pour ne pas voter les crédits et amplifier la mobilisation pour imposer d'autres choix politiques et budgétaires ! (Applaudissements à gauche.)

M. Alain Vasselle.  - L'excellent rapport de M. Vanlerenberghe m'a inspiré quatre sujets de réflexion.

Nos rapporteurs veulent supprimer l'article 82, qui semble se télescoper avec les déclarations du Président de la République en matière d'emploi. Sans doute n'avons-nous pas bien compris. Il serait intéressant d'en débattre, cela pourrait peut-être modifier notre position, dans la mesure où on pourrait concilier vos objectifs et ceux du Président de la République.

Les sans-papiers n'ont pas vocation à séjourner dans les centres d'hébergements traditionnels, si bien que les pouvoirs publics leur donnent accès à des chambres d'hôtel. Sur les 10 400 places d'hôtel réservées par l'État, 8 700 leur sont accordées. Quel est le coût de cet hébergement ? Le rapporteur souhaite qu'il soit évité.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Absolument !

M. Alain Vasselle.  - Le rapporteur propose que les sans-papiers ayant de la famille régulièrement installée sur le territoire national soient régularisés. Quel lien de parenté retenir alors ?

Si l'on se contente d'une parenté éloignée, cela créera un appel d'air à nos frontières.

M. le rapporteur propose d'appliquer strictement la loi à ceux qui n'ont pas de famille sur le territoire français, c'est-à-dire de les reconduire à la frontière.

Mme Dominique Voynet.  - Ce n'est pas le sujet ! Le budget de l'immigration, c'était cet après-midi !

M. Alain Vasselle.  - J'aimerais savoir quels sont les résultats de l'évaluation de l'application de la loi.

J'en viens au 1 % logement. Le Gouvernement a décidé de détourner 850 millions d'euros du 1 % pour financer le Programme national de rénovation urbaine (PNRU) et l'Agence nationale de l'habitat (Anah). Sans doute y a-t-il des raisons à cela. Mais quelles seront les conséquences de cette mesure sur l'équilibre financier des programmes de construction de logements ? Vous affichez votre volonté de construire 110 000 logements sociaux par an au lieu de 50 000 il y a dix ans. Mais cela n'ira pas sans mal. Je suis président d'un organisme HLM qui a en charge environ 8 000 logements.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Je l'ai bien compris !

M. Alain Vasselle.  - Le taux du Livret A va probablement évoluer dans un sens favorable aux organismes HLM. Mais la plupart des opérations de construction ne sont possibles que grâce au produit du 1 % logement et aux contributions des collectivités locales, notamment par un apport du foncier. Les collectivités risquent donc d'avoir à supporter une charge supplémentaire. Il y aura moins de constructions de logements et moins de créations d'emplois.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Il y en aura davantage !

M. Alain Vasselle.  - Comment le Gouvernement entend-il concilier le financement de l'Anru et de l'Anah et la construction de plus de 100 000 logements par an ? Je le répète : l'équilibre financier des programmes de construction est assuré par les contributions des collectivités locales et le 1 %.

M. Thierry Repentin.  - C'est vrai !

M. Alain Vasselle.  - La disparition des crédits Palulos, qui s'élevaient à 60 millions d'euros, freinera la réhabilitation des logements sociaux, leur mise aux normes, l'amélioration de leur confort, la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement au titre des économies d'énergie. (M. Thierry Repentin marque son approbation) J'ai été surpris par cette mesure...

M. Thierry Repentin.  - Déçu !

M. Alain Vasselle.  - Nous ne pouvons pas rétablir ces crédits par voie d'amendement car la commission des finances veille au respect de l'article 40. Quelles solutions le Gouvernement envisage-t-il donc ?

En ce qui concerne le financement des centres sociaux, je souhaite faire part de mon inquiétude face à la diminution des crédits du Fonds national d'action sociale, qui finance ces centres. Ces derniers jouent un rôle primordial dans la politique de la ville. Ils permettent aux collectivités de mettre en oeuvre des politiques dynamiques, notamment en direction des adolescents en voie de sombrer dans la délinquance.

Je souhaite que le Gouvernement nous apporte un éclairage sur ces différents points. Cela ne fera que conforter mon intention de voter les crédits de cette mission, avec l'ensemble du groupe UMP. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Dominique Voynet.  - Le tableau terrifiant de la crise du logement que traverse notre pays, chacun le connaît. Sur la cruauté du diagnostic, le scandale de la situation présente et l'urgence d'en sortir, nous sommes d'accord et je n'épiloguerai pas. Attardons-nous plutôt sur les réponses que le Gouvernement prétend y apporter.

Voici quelques semaines, le Sénat examinait le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion. Nous dénoncions alors l'érosion des crédits et le tour de passe-passe qui consistait, pour masquer la misère, à prélever sur le 1 % les centaines de millions qui faisaient défaut pour boucler le budget de l'Anah et de l'Anru. Bien sûr, nous avions émis des doutes sur l'équilibre général d'un budget élaboré au cours de l'été, bien avant la tempête financière, et qui ne devait être revu qu'à la marge. Que s'est-il passé depuis ? L'examen du budget se poursuit imperturbablement, bien que tout le monde reconnaisse que les hypothèses de croissance qui le fondent sont au mieux optimistes, au pis fantaisistes. Le Parlement a voté un plan d'urgence qui transforme les pertes des financiers de haut vol en dettes pour nous tous, sans aucune contrepartie. Il y eut bien des voix pour insister sur l'urgence d'un plan de soutien à l'économie réelle, celle qui produit des biens utiles, prépare l'avenir et génère des emplois qualifiés non délocalisables dans la construction, la réhabilitation et l'isolation de logements ou dans les transports publics. Elles ne furent pas écoutées. Il y eut des voix pour insister sur le rôle de premier plan des collectivités territoriales, qui financent 75 % des investissements publics, pour demander s'il était raisonnable de les déstabiliser par une réforme de la dotation de solidarité urbaine (DSU) préparée sans évaluation sérieuse des impacts ou de les soumettre à un régime de rigueur. Elles ne furent pas davantage entendues, ce qui provoqua chez bien des maires incompréhension et consternation.

Dans le projet de budget qui nous est présenté, que constatons-nous ? Pas de débauche de milliards, pas de pluie de grands gestes. Bien peu de réponses à celles et ceux qui s'émeuvent d'un paradoxe saisissant : alors que tout le monde déplore la crise du logement, personne dans ce Gouvernement ne semble s'émouvoir de la baisse des crédits qui continuera l'année prochaine, et l'année suivante encore.

Mme Raymonde Le Texier.  - Très bien !

Mme Dominique Voynet.  - Madame la ministre, vous pourrez nous parler de vos valeurs, de vos convictions et de votre bonne foi. Mais je sais que vous n'êtes pas dupe des artifices de présentation de ce budget : loin d'amortir les effets brutaux de la crise, il marque un désengagement de l'État d'une ampleur inédite.

Il y a trois semaines, le quotidien Le Monde rendait publiques les conclusions d'un rapport du comité de suivi et d'évaluation de l'Anru, qui pointait sévèrement le désengagement de l'État dans les opérations de rénovation urbaine. L'information n'a pas fait l'ouverture des journaux télévisés mais elle a attiré l'attention des élus locaux et des militants associatifs. Le 24 novembre, la condamnation de l'association Droit au logement (DAL) a fait bien plus de bruit. Les arguments avancés par le tribunal ont fait frémir : les tentes installées par le DAL ont été considérées comme des objets laissés à l'abandon, assimilables à des poubelles, des gravats ou des amas d'ordures.

Ce jour-là, j'ai espéré, madame, que vous vous poseriez la même question que moi : est-ce bien la France que nous aimons, ce pays où il coûte plus cher à une association d'alerter l'opinion sur la détresse des mal logés qu'à un maire de refuser de se soumettre aux obligations de construction de logement sociaux ? Quelle déception de vous entendre, vous la ministre des mal logés, des pas logés du tout, justifier la condamnation de l'association !

Mme Christine Boutin, ministre.  - Ce n'est pas ce que j'ai dit.

Mme Dominique Voynet.  - Mardi matin devant l'Assemblée Nationale, des militants associatifs, indignés de ce qu'on trouve des milliards pour sauver les banques quand on compte si chichement les crédits destinés au logement, ont déployé sur le sol des affiches de quelques mètres carrés, d'une surface comparable à celle que doivent se partager des familles de trois, quatre ou cinq personnes... Leur indignation, madame, je veux croire que vous la comprenez, et la partagez même. Tous ceux-là, les mal logés, les militants qui les soutiennent, les élus locaux confrontés chaque jour à des familles en attente d'un logement, attendent vos réponses. Tous ceux-là auraient souhaité que votre budget fût à la hauteur. Ils ne demandent pas tout tout de suite. Ils connaissent la longueur des procédures, les délais nécessaires à la construction. Mais ce qu'ils ne comprennent pas, et ce que je ne comprends pas non plus, c'est pourquoi nous acceptons de perdre encore du temps. Ce qu'ils ne comprennent pas, c'est que nous n'augmentions pas les crédits destinés au logement, pis encore : que nous les diminuions.

Il est temps de faire les comptes. Nicolas Sarkozy a été élu Président de la République il y a plus de dix-huit mois. Il avait promis de restaurer le volontarisme en politique ; il avait pris, auprès des Français, l'engagement que tout deviendrait possible. Cet engagement, madame la ministre, vous oblige. Votre majorité gouverne le pays depuis plus de six ans. Vous disposez d'une majorité écrasante à l'Assemblée nationale et d'une majorité qui reste confortable au Sénat. Vous ne pouvez pas continuer à répéter que tout est de la faute de ceux qui vous ont précédée. Il est temps d'assumer vos responsabilités et d'entendre ceux qui vous disent qu'il y a quelque chose de scandaleux dans les choix budgétaires du Gouvernement ou dans l'idée, martelée encore et encore, d'une France de propriétaires quand tant de familles peinent à devenir locataires. II y a quelque chose de scandaleux à faire mine de s'indigner le lundi de ce que plus d'un habitant sur deux craint de devenir sans-abri avant de détricoter méthodiquement le reste de la semaine tous les filets de sécurité et de solidarité sociales qui, s'ils étaient renforcés, donneraient peut-être à chacun le sentiment d'être un peu moins exposé à basculer dans un total dénuement.

Et puis, à quoi riment ces contre-feux et ces ballons d'essai ? Je veux parler de cette invraisemblable idée d'hébergement obligatoire des sans-abri, qui n'avait pas même été soumise aux associations ni aux organisations humanitaires qui auraient dû en assumer les conséquences sur le terrain. (Marques d'impatience à droite) La polémique a enflé quelques jours puis, une annonce chassant l'autre, votre étonnante suggestion a été écartée. Était-ce une idée en l'air ? Ou partagez-vous cette vision détestable des pauvres et de la pauvreté selon laquelle, à défaut de savoir garantir leurs droits fondamentaux, il faudrait les protéger d'eux-mêmes ?

M. Dominique Braye.  - Arrêtez de donner les violons ! C'est un peu facile !

Mme Dominique Voynet.  - Je voudrais enfin revenir sur le budget de la politique de la ville, et sur la réforme non concertée de la DSU. Concentrer les moyens sur les villes qui en ont le plus besoin, pourquoi pas ? Mais cela suppose que les critères d'attribution soient incontestables : ils devraient notamment comprendre la proportion de logements sociaux, et peut-être celle des bénéficiaires de l'aide personnalisée au logement (APL).

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Ce serait une bonne idée.

Mme Dominique Voynet.  - Un minimum de visibilité doit également être accordé aux maires.

Quant au plan Marshall pour les banlieues, annoncé à grand renfort de formules choc par Mme Amara -ce devait être « la tolérance zéro pour la glandouille »...- il a rétréci comme peau de chagrin. Contestez-vous les chiffres avancés par la presse, madame Amara ?

Nous expliquerez-vous, comme votre ministre de tutelle, que ça ne va pas fort mais que tout ira mieux demain ?

Face aux grands enjeux, le Gouvernement nous appelle à l'union nationale. La solidarité est possible, à condition que les efforts soient partagés équitablement et que les moyens aillent à ceux qui en ont le plus besoin. Tel n'est pas le cas dans ce budget, vidé d'un milliard d'euros aux dépens de ceux qui en ont le plus besoin mais qui maintient un cadeau scandaleux de plusieurs milliards à ceux qui en ont le moins besoin. C'est injuste et indécent ; nous ne le voterons pas. (Applaudissements à gauche)

M. Dominique Braye.  - Démago...

Mme Raymonde Le Texier.  - Un budget qui perd 1,7 milliard et revient de 8,7 à 7,6 milliards, ce n'est pas seulement un effet d'optique, comme dit M. Woerth qui nous explique que la baisse serait due au courage d'un gouvernement qui n'aurait rien sacrifié de ses priorités. Non, moins 12 %, cela ne change rien, puisque nous sommes convaincus qu'on peut, formule miraculeuse, faire plus avec moins. En fait de courage, ce que vous dites avec cette baisse à nos 600 000 concitoyens en droit d'invoquer le droit opposable au logement, aux 6 millions de mal logés, à tous ceux qui vivent à quatre ou cinq dans 12 mètres carrés, ce que vous dites à tous ceux qui attendent un logement dans le parc social, c'est que vous les abandonnez. Évidemment, ce n'est pas comme si nous étions au début d'une terrible crise économique et que l'aide de l'État au logement était vitale...

La baisse des aides aux personnes est de 1 %. Cela peut paraître minime, mais ça ne l'est pas parce que c'est récurrent et qu'on en est à un sixième sur huit ans : ces aides ont perdu 12 à 15 % de leur pouvoir d'achat pendant que les loyers et les charges augmentaient de 30 %.

En raison de la crise, le nombre de leurs bénéficiaires potentiels va s'accroître. On les diminue au moment où elles vont être plus demandées. Faire le contraire de ce que dicte la raison, cela s'appelle marcher sur la tête. On va ainsi pénaliser deux millions de travailleurs pauvres qui ne peuvent se loger sans l'aide financière de l'État. Leur proposerez-vous des places en centre d'hébergement ? Ceux-ci accueillent déjà des personnes qui ont réussi leur parcours de réinsertion et qui n'aspirent qu'à vivre avec leur famille. Ne cédez pas, madame, à la facile tentation de les en exiler : ce serait les remettre en situation d'exclusion.

L'effort en faveur du logement social diminue fortement. Le nombre des constructions chute de 100 000 à 78 000. En trois ans, la subvention de l'État pour chaque logement social n'a pas bougé mais leur coût s'est alourdi de 4 %. Quelle conclusion en tirer sinon celle d'un désengagement de l'État ? Détourner le 1 % n'arrangera rien car ce racket programme la mort d'un outil qui avait fait ses preuves.

Le locatif social suscite la même préoccupation. Le nombre de Plus augmente bien mais 70 % des demandeurs sociaux ne peuvent y prétendre. Vous construisez moins de logements sociaux et ceux que vous construisez sont inaccessibles aux demandeurs -c'est incompréhensible. Vous voulez assurer le turn-over dans le parc locatif mais les promoteurs ont annulé des programmes et les refus de crédit par les banquiers ont quintuplé : ceux qui y sont locataires le resteront, ce qui accroîtra l'embouteillage immobilier.

Les dotations pour les sans domicile fixe et contre l'exclusion progressent de 12 %. Cette augmentation ne fait que rattraper un retard structurel et, alors que les besoins vont progresser, les crédits diminueront en 2010-2011. Au-delà de l'indignation que soulève la situation des sans domicile fixe, quelle est votre volonté d'investir dans cette mission autrement que par vos déclarations de ces derniers jours ? En désengageant l'État des aides à la personne, vous renoncez au premier outil de prévention, celui qui assure la solvabilité des locataires. Mais, dans le même temps, vous augmentez les moyens pour les logements d'urgence car le nombre de personnes condamnées à la rue va s'élever, C.Q.F.D. Le Gouvernement ne cesse de proclamer la cohérence de sa politique ; pour une fois, j'en suis d'accord.

Ce n'est pas faute d'avoir été alertée, madame. Il y a un an, lors d'une conférence de consensus, une centaine de professionnels vous a recommandé d'éviter une politique asilaire et de prendre le problème à la source en développant la prévention en amont et l'offre de logement social en aval. Sous l'Ancien Régime, on augmentait le budget de la police quand les récoltes étaient mauvaises ; dans la démocratie à la mode UMP, quand on s'attend à voir plus de sans abri dans les rues, on prépare des lits pour la nuit. Vu comme ça, c'est un progrès...

Le groupe socialiste votera résolument contre vos crédits. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Je salue la première intervention de Mme Ghali. (Applaudissements à gauche et au centre)

Mme Samia Ghali.  - L'année qui nous attend sera particulièrement difficile pour les Français. Nous le constatons déjà aux chiffres et aux indices qui tombent jour après jour, semaine après semaine, mois après mois. La situation se dégrade rapidement, le chômage vient de franchir la barre des deux millions, la pauvreté progresse, les SDF sont de plus en plus nombreux et l'hiver précoce vient de faire ses premières victimes. C'est à ces hommes et ces femmes que je pense en montant pour la première fois à cette tribune, à ces Français soi-disant égaux mais privés d'emploi et de logement.

Alors que les effets de la crise des subprimes affectent le secteur du logement et de la construction, vous avez fait le choix inacceptable d'un désengagement de l'État des quartiers et du logement social. Vos crédits baissent de 8,7 à 7,6 milliards et ils baisseront encore pour revenir à 7,3 milliards en 2011. Pour endiguer la crise, vous sauvez le monde de la finance mais rognez sur la ville et sur le logement.

« Mon premier budget véritable sera celui de 2009 » disiez-vous l'an dernier pour vous exonérer d'une première baisse, mais celle-ci est pire. Les crédits d'intervention baissent, les outils sont dénaturés, qu'il s'agisse de la manipulation du 1 % logement, de l'Anru ou encore de l'Anah, mais je ne reviens pas sur les critiques que nous avions exprimées lors de l'examen du projet dit de mobilisation pour le logement.

Il est choquant de tenter de compenser ce désengagement de l'État en demandant deux euros de plus de contribution forfaitaire aux locataires, mais en ne relevant pas les aides personnelles non plus que les barèmes, et en maintenant le non-versement jusqu'à 15 euros, pour ne rien dire de l'évaluation forfaitaire pour les moins de 25 ans : autant de mesures d'ajustement prises sur le dos des plus fragiles.

Tout aussi incompréhensible, la mise à mal des zones franches urbaines et l'article 82, à l'opposé de vos déclarations sur les quartiers en difficulté. Depuis la loi de 1996, la politique de la ville se déploie dans les zones urbaines sensibles, dans les zones de redynamisation urbaine et dans les zones franches urbaines. Ces dernières ont été créées parce que dans nos quartiers, des populations avaient été abandonnées par la République et oubliées par les politiques. Des zones de non-droit ? Peut être mais des zones de chômage et de misère, assurément.

II fallait donc déroger à la règle, même si nous ne sommes en principe pas favorables aux exonérations de charges sociales, sachant que certains chefs d'entreprises sans scrupules délocalisent au gré des subventions et autres allègements publics...

La stratégie adoptée en 1997, élargie en 2003 avec la loi sur le renouvellement urbain, puis en 2006, vise à maintenir l'emploi là où il fait défaut : les employeurs ont ainsi l'obligation d'embaucher 33 % de salariés du quartier. De fait, la création des zones franches a permis l'implantation d'entreprises dans des secteurs improbables : 12 000 nouveaux emplois dans les deux ZFU de Marseille en dix ans.

Reste que les jeunes TPE, qui constituent l'essentiel du tissu économique de ces quartiers, sont fragiles : ces partenariats sont longs à mettre en place, et la situation économique se détériore. Or c'est le moment que choisit le Gouvernement pour trahir sa parole ! L'article 82 du projet de loi de finances prévoit ainsi la suppression progressive des exonérations de charges patronales pour les salaires supérieurs à 2,5 Smic, ainsi que la suppression des sorties dégressives pour l'ensemble des salaires, au risque de mettre en danger les entreprises qui, elles, jouent le jeu !

Vous en espérez une économie de 90 millions en 2009, de 105 millions en 2010 et de 120 millions en 2011. Alors que l'on accorde des dizaines de milliards aux banques, et que l'on annonce un plan de relance de 25 milliards, ces économies dérisoires, au détriment des plus fragiles, désespèrent les élus locaux et contredisent tous vos grands discours sur la politique de la ville ! Le Président de la République en est-il seulement informé ? Gare, madame la ministre, on finira par ne plus vous croire ! C'est d'ailleurs ce qui s'est dit, dimanche, du côté d'Arcachon...

Nous avons donc déposé un amendement supprimant cet article. L'État doit augmenter ses engagements financiers. Les quartiers doivent devenir grande cause nationale ! Devant l'urgence et la gravité de la situation, je vous suggère d'organiser une table ronde avec l'ensemble des acteurs. (Applaudissements à gauche ; Mme Nathalie Goulet applaudit aussi)

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville.  - Le projet de budget de la mission « Ville et logement » prévoyait une enveloppe globale de 7,6 milliards en autorisations d'engagement et de 7,64 milliards en crédits de paiement. Le plan de relance présenté ce matin même par le Président de la République me permet de vous indiquer que ces montants seront majorés, sur deux ans, de 160 millions pour l'hébergement et les structures spécialisées, et de 400 millions pour le logement. En comptant les dépenses fiscales et la surcharge foncière, nous disposerons de 1,4 milliard supplémentaire sur les deux années à venir. A ces crédits s'ajoutent les ressources extrabudgétaires mobilisées par l'Anru et l'Anah : 1,951 milliard en autorisations d'engagement et 1,301 milliard en crédits de paiement. Ainsi consolidés, et hors plan de relance, les crédits en faveur du logement et des quartiers sensibles augmentent de 3,3 % par rapport à 2008.

Le programme « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables », désormais rattaché à cette mission, reçoit 1,117 milliard, ainsi qu'une part significative des 160 millions annoncés dans le plan de relance : 80 millions, dont la moitié dès 2009, seront consacrés à l'humanisation des centres d'hébergement.

Les moyens dédiés à l'hébergement augmentent de plus de 15 %, l'hébergement et l'accès au logement ayant été déclarés grand chantier prioritaire 2008-2012. Les engagements pris dans le cadre du Parsa seront honorés, et même majorés grâce au plan de relance, avec un objectif de 12 à 15 000 places en maisons-relais d'ici 2011 et de 5 000 logements en intermédiation locative dès 2009.

Les capacités d'accueil dépassent déjà les 99 600 places, pour environ 100 000 sans abri. Avec les 1 000 places supplémentaires du plan de relance, les besoins seront satisfaits. Il s'agit maintenant de mieux gérer les places disponibles et d'améliorer les conditions d'accueil. Il arrive souvent au 115 de ne pouvoir satisfaire des demandes alors que des places sont encore disponibles. Afin d'améliorer la coordination entre les différents prestataires, j'ai installé, le 13 novembre, un groupe de travail qui réunit le 115, la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars) et des associations gestionnaires de centres d'hébergement. Il devra me rendre d'ici la fin décembre des propositions visant d'une part à une meilleure adéquation de l'offre d'hébergement aux demandes, d'autre part, à une meilleure connaissance des publics et une amélioration globale du dispositif d'urgence et de veille sociales.

Les crédits initialement prévus pour le nouveau programme « Politique de la ville » seront majorés de 200 millions, dans le cadre du plan de relance, au profit de l'Anru pour conforter le financement du PNRU, dont le financement sera désormais assuré principalement par le 1 % logement. Une contribution complémentaire de 320 millions portera le montant total de la participation de l'UESL à 770 millions par an sur la période 2009-2011.

L'annulation d'un stock d'autorisations d'engagement de l'Anru non affectées en fin d'année n'est envisagée que pour des raisons comptables : elle ne signifie aucunement une remise en cause du PNRU. Éric Woerth s'est engagé à l'Assemblée nationale à assurer dans sa totalité le financement des 12 milliards prévus au titre du PNRU ; cet engagement figurera dans le projet de loi de mobilisation pour le logement en cours d'examen à l'Assemblée. Le Président de la République s'est engagé clairement : l'Anru, dotée de 200 millions supplémentaires, aura les moyens de faire face à ses paiements en 2012.

M. Dallier dénonce le nombre élevé des contrats urbains de cohésion sociale (Cucs). Ont reçu le label Cucs des quartiers qui ne faisaient pas l'objet d'un contrat de ville, mais bénéficiaient déjà de financements de la politique de la ville. D'autre part, certains élus n'ayant pas souhaité proroger l'approche intercommunale privilégiée jusqu'alors, un contrat de ville a pu donner naissance à deux, voire trois Cucs. Ont également été intégrés à la géographie prioritaire, des quartiers dégradés dans lesquels intervient l'Anru, ainsi que certains centres anciens, qui accueillent des populations fragiles vivant dans un habitat dégradé. Les risques de dilution des crédits sont limités, parce que cette extension a largement consisté en une labellisation unique de sites dans lesquels la politique de la ville intervenait déjà.

En outre, les quartiers prioritaires sont classés en trois catégories, selon les difficultés socio-économiques qu'ils rencontrent et les crédits sont mobilisés en fonction de l'importance des problèmes.

La politique de la ville s'appuie plus largement que par le passé sur les crédits de droit commun des ministères. C'est le principe fondateur de la dynamique « Espoir-banlieues » ce qui explique, messieurs André et Repentin, que les crédits figurant à ce titre dans le projet de loi de finances vous paraissent modestes. Ils vont servir à fédérer les initiatives des autres départements ministériels qui en assurent également le financement. Le Gouvernement a voulu que mon ministère ne soit pas le seul financeur de ce plan afin que tous les ministères le mettent en oeuvre.

La géographie prioritaire de la politique de la ville n'est pas figée. Elle sera révisée avant la fin du premier semestre 2009 et, comme l'a souhaité le Parlement, elle sera actualisée tous les cinq ans. En outre, le Conseil de modernisation des politiques publiques a décidé que « les moyens de la politique de la ville feront l'objet d'une plus grande concentration géographique et temporelle dans les quartiers les plus en difficulté où la solidarité locale est insuffisante ». Les associations d'élus seront associées à cette politique. C'est dans ce cadre que la nouvelle génération de Cucs 2010-2013 sera négociée. Comme leur nombre est appelé à diminuer, monsieur Vanlerenberghe, certaines dépenses de fonctionnement vont pouvoir être réduites comme le financement des directions de projet. La part des crédits bénéficiant directement aux habitants des quartiers ne diminuera pas.

Je vous propose de revenir sur la réforme des zones franches urbaines lorsque nous examinerons les amendements déposés sur l'article 82.

Le programme « Aide à l'accès au logement » est le principal poste de dépenses de la mission avec plus de 65 % des crédits. Il permet à plus de six millions de ménages de percevoir une aide personnelle au logement. Vous considérez que ce programme est sous-doté. Conformément au calendrier budgétaire, mes besoins ont été calculés, avec les services de l'administration des finances, au mois de mars, c'est-à-dire avant la crise économique actuelle.

M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis.  - Tout s'explique !

Mme Christine Boutin, ministre.  - A cette date, il était raisonnable de pouvoir compter sur une baisse du nombre de bénéficiaires et sur une augmentation annuelle de 4 % de la masse salariale. Le scénario retenu était donc très prudent mais pourrait ne pas se réaliser, compte tenu de la dégradation de la conjoncture économique.

M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis.  - Merci de nous donner raison.

Mme Christine Boutin, ministre.  - En tout état de cause, les APL sont des dépenses obligatoires et le Gouvernement les financera. Dès lors, une inscription en collectif budgétaire s'avérera nécessaire.

De plus, le projet de loi de finances rectificative pour 2008 prévoit une dotation complémentaire pour les APL afin de régler une grande partie de la dette de l'État envers le Fonds national d'aide au logement.

Le programme « Développement et amélioration de l'offre de logements » sera doté de 798 millions en autorisations d'engagement et de 805 millions en crédits de paiement. En outre, 480 millions seront versés par le 1 % logement et un puissant dispositif fiscal sera mis en place.

En ce qui concerne le logement social, la dotation budgétaire initialement prévue permettait d'assurer le financement de 120 000 logements locatifs sociaux, dont 20 000 logements très sociaux. Ce matin même, lors de l'annonce du plan de relance, le Président de la République a décidé que 15 000 Plai et autant de Plus donneraient lieu, en 2009, à l'inscription de crédits supplémentaires sur le programme 135.

M. Repentin m'a interrogée sur le taux de centralisation et sur la réforme du livret A. La loi de modernisation de l'économie prévoit un niveau plancher de centralisation des ressources collectées par le livret A et le livret de développement durable (LDD), qui, à ma demande, a été fixé dans la loi à 1,25 fois le montant total des prêts du logement social ce qui permet de couvrir l'ensemble des besoins de financement. Les parlementaires sont allés plus loin encore en prenant en compte dans ce calcul les prêts au logement social mais aussi les prêts consentis au bénéfice de la politique de la ville. La loi de modernisation de l'économie prévoit également que l'épargne collectée sur les livrets A sera utilisée en priorité pour le financement du logement social : ce n'est donc qu'une fois que tous les besoins de logement social auront été satisfaits que les ressources excédentaires seront affectées à d'autres priorités. Les organismes HLM sont ainsi certains de disposer des ressources nécessaires. Des décrets destinés à mettre en oeuvre le dispositif de centralisation seront publiés d'ici la fin du mois. Il faut prévoir un dispositif transitoire en attendant la stabilisation du système de collecte. La centralisation de la collecte du livret A et du LDD devrait atteindre 160 milliards au 1er janvier, soit un taux supérieur à 70 % de la collecte réalisée à ce jour. Il n'y a donc pas d'inquiétude à avoir en ce qui concerne le financement du logement social qui n'a jamais été aussi garanti par la loi qu'aujourd'hui.

L'objectif est de satisfaire la demande de logements locatifs dans les zones tendues, ainsi que de mieux répartir les logements sociaux au sein des agglomérations, pour tenir compte des objectifs triennaux des communes relevant de l'article 55 de la loi SRU, article auquel je suis très attachée.

Ce projet de loi de finances a été préparé avant la crise économique, monsieur Vanlerenberghe : à l'époque, le bâtiment connaissait une surchauffe et il n'était pas possible d'augmenter le programme de logements aidés car les appels d'offre des organismes HLM était infructueux. La baisse générale de l'activité du bâtiment permet aujourd'hui de lancer un programme supplémentaire de logements sociaux.

Comme l'a remarqué M. Vasselle, le financement de la Palulos n'est plus inscrit dans le budget de l'État car le projet de loi de mobilisation pour le logement en cours de discussion à l'Assemblée nationale prévoit d'organiser, dès l'an prochain, une péréquation financière entre organismes de logement social pour que ceux qui ont une trésorerie importante puissent aider les autres à entretenir leur parc. Le montant de cette péréquation est évalué à 60 millions. De plus, des prêts « superbonifiés » au taux de 1,9 % seront proposés par la Caisse des dépôts, soit une subvention de 2 300 euros par logement, pour aider les bailleurs sociaux à financer les travaux d'isolation thermique de leurs logements, ce qui était la principale destination de la Palulos. L'accord que j'ai passé avec les partenaires sociaux a permis d'augmenter les subventions du 1 % aux organismes HLM, en passant de 225 à 300 millions. Vous n'avez donc pas à vous inquiéter sur l'apport du 1 % au financement du logement social, monsieur Vasselle.

Je ne veux pas polémiquer avec Mme Voynet : le plan de relance présenté par M. le Président de la République se monte à 1,8 milliard pour le logement. A situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle.

Les moyens destinés à l'amélioration du parc privé, y compris la lutte contre l'habitat indigne, seront sensiblement augmentés. Par ailleurs, l'Anah contribuera avec l'Anru à un programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, prévu par le projet de loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre l'exclusion. En ce qui concerne la question de l'humanisation des structures d'hébergement, pour laquelle j'ai prévu 50 millions cette année, l'article de loi prévoyant le transfert de cette compétence à l'Anah n'a pas été adopté par le Sénat...

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Eh oui !

Mme Christine Boutin, ministre.  - ...car il n'était pas clairement établi que cette agence disposerait de ressources suffisantes.

L'Anah disposera bien des moyens suffisants pour ce transfert, d'autant que le plan de relance décidé par le président de la République prévoit d'accélérer les travaux d'humanisation en mobilisant, au cours des trois prochains exercices, 60 millions en plus des 90 millions déjà programmés. De la réalisation de ces travaux dépend l'attractivité du dispositif d'hébergement d'urgence pour les sans-abri. De plus, le plan de relance fait apparaître une dotation supplémentaire à l'Anah de 200 millions afin de lutter contre l'habitat indigne.

Monsieur Dallier s'est interrogé sur les 200 millions prévus pour le fonds exceptionnel de l'Anah et sur les 200 autres millions destinés à renforcer le programme national de rénovation urbaine. M. le Président de la République a annoncé qu'une loi de finances rectificative vous serait présentée dès le début de l'année prochaine.

M. Vasselle m'a posé une question sur les sans-papiers : les services d'accueil et d'hébergement sont le dernier filet de sécurité pour ceux qui n'ont plus rien. Les services sociaux et les associations sont très attachés au caractère inconditionnel de l'accès au service d'accueil et d'hébergement d'urgence. Devant le Conseil économique et social, le Président de la République a réaffirmé, le 17 octobre 2007, ce principe d'inconditionnalité. Les personnes déboutées du droit d'asile et les sans-papiers y ont droit dès lors qu'ils sont en situation de détresse. En outre, l'article L. 111-2 du code de l'action sociale et des familles ne conditionne pas le bénéfice de l'accès à l'aide sociale et à l'hébergement à la régularité du séjour. Je prévois 9 150 nuitées d'hôtel pour l'année prochaine, mais elles ne seront pas toutes réservées aux demandeurs d'asile. Le développement des Plai et des maisons-relais feront diminuer ce nombre de nuits d'hôtel qui coûtent très cher à l'État et qui n'offrent pas toujours des conditions très dignes.

En ce qui concerne les dépenses de fonctionnement, le Gouvernement a décidé, dans un contexte budgétaire contraint, de maintenir les effectifs de mon ministère, soit 3 155 agents en équivalents temps plein. Ces personnels permettront de faire face à la forte augmentation de la charge de travail liée à la négociation des conventions d'utilité sociale avec les organismes HLM qui doivent être conclues d'ici fin 2010 et à la mise en oeuvre de la loi Dalo. Ceci explique, monsieur Dallier, pourquoi je n'ai pas jugé utile d'augmenter les crédits me permettant d'externaliser une partie des tâches relevant des commissions de médiation. En outre, 350 emplois de délégués du préfet dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, sont en cours de recrutement. Ces postes budgétaires figurent sur le programme 135 qui sert de support à l'ensemble des dépenses de personnel de la mission. Cette création s'opère par transfert entre ministères et n'alourdit donc pas les charges de l'État. Ces délégués du préfet assureront leurs fonctions à temps plein : les personnels de l'État ainsi recrutés ne rompront pas le lien qui les unit à leur administration d'origine. Ceci est fondamental pour que la légitimité de ces délégués soit totale aussi bien aux yeux des habitants, des acteurs locaux que des services de l'État.

En ce qui concerne le contentieux Dalo, il était prématuré de demander une dotation spécifique, d'autant qu'il est encore difficile aujourd'hui même de déterminer les besoins.

Pour m'en tenir à un exemple, d'après le préfet du Nord, avec qui je me suis entretenue aujourd'hui, aucun recours n'a été déposé dans sa région qui connaît pourtant, quoique moins que l'Ile-de-France, une situation tendue.

M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis.  - C'est un peu tôt pour en tirer des conclusions...

Mme Christine Boutin, ministre.  - Reste qu'il est aussi trop tôt pour présumer de la suite. Je prends l'engagement que l'État règlera les dépenses liées à la mise en oeuvre de la loi Dalo.

Ce budget, j'en ai conscience, paraît désormais quelque peu surréaliste. Mais, en temps de crise, nous devons nous retrousser les manches. Le Président de la République vient d'annoncer un plan de relance qui comporte des crédits importants pour le logement, ce qui devrait rassurer le Sénat. Pour m'aider à donner un toit aux plus fragiles, je vous demande d'adopter les crédits de ce budget ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.  - Permettez-moi de remercier les rapporteurs de la qualité de leur expertise. Constatant, comme vous, l'empilement des plans sur la politique de la ville, j'ai privilégié, en accord avec le Président de la République, une dynamique du sur-mesure, baptisée « Espoir banlieues », articulée autour de l'éducation, l'emploi, le désenclavement et la sécurité. Pour être efficace, ce processus exige la mobilisation de tous : de l'État, parce que la solidarité est une exigence républicaine ; des collectivités territoriales, parce que les élus locaux sont les pivots de notre démocratie ; des associations, parce qu'elles tricotent au quotidien le tissu social ; des entreprises, parce que l'emploi donne la clé de la promotion sociale ; et, enfin, des habitants des quartiers, parce que je crois, comme vous, à la démocratie de proximité.

Cette dynamique, qui nécessite de constantes adaptations et, parfois, des ruptures pour lever les barrières mentales qui font obstacle à la transformation de notre société, tend vers un seul objectif : le retour de la République dans nos quartiers populaires. Pour moi, cela signifie le retour du respect et de l'émancipation, le retour de la solidarité et de l'engagement collectif, le retour de la promotion sociale et d'un cadre de vie sûr, mais aussi, comme l'a rappelé Mme la ministre, le retour du droit commun.

Les contributions triennales chiffrées de chaque ministère à cette dynamique ont été actées durant le conseil interministériel de la ville du 20 juin 2008 de Meaux. Certes, elles sont inégales et, monsieur Dallier, comptez sur moi pour ne faire aucun compromis comme je compte sur vous pour aiguillonner les ministres dont l'action reste trop modeste. Au prochain conseil interministériel de la ville du 20 janvier, nous dresserons un bilan. Signalons que les ministères de l'éducation nationale et de l'emploi ont déjà débloqué 67 et 51 millions, ce qui n'est pas négligeable.

Le retour au droit commun passe aussi par une meilleure péréquation. Nous avons réformé la DSU en ce sens et 70 millions seront réservés aux 150 communes les plus pauvres ; nous avons également créé la dotation de développement urbain, dotée de 50 millions, qui profitera aux 100 communes les plus pauvres. De plus, le programme 147 est doté de 769,3 millions de crédits. Monsieur André, pour maintenir le rythme des réformes, notre politique doit effectivement reposer sur un budget spécifique et pérenne. Veuillez croire que je serai vigilante, comme je serai attentive à la maîtrise de la dépense.

Les engagements que j'avais pris envers les associations, dont on connaît le rôle mais dont on mesure mal les difficultés, ont été tenus. Plus de 148 millions sont consacrés au financement des Cucs en 2009 et, en appui des financements territorialisés, 31,9 millions pour les acteurs de terrain. Adepte de la logique de projet, je veux systématiser les conventions pluriannuelles d'objectifs que l'État signe avec les associations et passer de 30 à 80 % de crédits versés dans le cadre de ces contrats. S'agissant des associations d'éducation populaire, je répondrai à leurs attentes à condition qu'elles se soumettent à cette logique de projet.

La rénovation urbaine, sur laquelle de nombreux élus s'interrogent, doit permettre d'améliorer le cadre de vie et, au-delà, de relancer la croissance. Mme Boutin vient de confirmer que les 12 milliards prévus seront dépensés, mais il ne faut pas fermer la porte à d'autres sources de financement. Je me réjouis que le Président de la République ait annoncé aujourd'hui 600 millions pour le PNRU, ainsi qu'une contribution de 200 millions à l'Anru. Dans mon budget, 4 millions sont consacrés à la réalisation des diagnostics. Pour que les habitants des quartiers n'aient plus le sentiment qu'on les abandonne devant la lenteur avec laquelle l'État règle leurs problèmes, nous avons pris des mesures immédiates. Dans le projet de loi de mobilisation pour le logement est mis en place un système de responsabilisation des bailleurs dans le cadre de la convention d'utilité sociale. Par ailleurs, j'ai donné instruction à l'Anru de veiller au respect des conventions de gestion urbaine de proximité et de prendre, si besoin est, des sanctions à l'égard des contrevenants. Enfin, je continuerai de soutenir les collectivités locales et les habitants qui oeuvrent à l'entretien des espaces publics.

S'agissant de la révision des zones urbaines sensibles prévue par la loi de finances pour 2008, je veux rappeler que l'évaluation des Cucs, durant le premier trimestre 2009, sera suivie d'une large concertation -j'en fixerai les contours lors du prochain conseil interministériel de la ville du 20 janvier dans le Livre vert intitulé « Améliorer ensemble la géographie et les instruments de la politique de la ville ». Les arbitrages seront rendus lors du conseil interministériel de la ville de juin 2009, après consultation du Conseil national des villes.

Enfin, je veux tracer le chemin du retour à la normalité, car l'objectif de la politique de la ville est bien de sortir, à terme, les quartiers des dispositifs dérogatoires.

Cette réforme implique une nouvelle gouvernance de la politique de la ville. Au niveau national, le Conseil interministériel des villes, qui deviendra une véritable unité de commandement, se réunira deux fois par an sous l'autorité du Premier ministre ; la fonction consultative du Conseil national des villes sera renforcée ; la délégation interministérielle à la ville, qui assure le secrétariat du conseil interministériel, sera chargée du pilotage et de la coordination de la politique de la ville et assurera la tutelle effective sur l'Anru et l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé) ; enfin, l'Observatoire national des zones sensibles concentrera les missions d'évaluation pour jouer son rôle de poil à gratter. Au niveau local, les préfets de région deviendront les délégués territoriaux de l'Acsé à partir du 1er janvier 2009 et les directions régionales de l'Acsé intégreront les directions régionales de la jeunesse l'année suivante selon des modalités qui seront discutées avec les partenaires sociaux. Monsieur André, rassurez-vous, je sais l'importance du binôme préfet-maire. Et c'est sous l'autorité du préfet que les 350 délégués incarneront le retour physique de la République dans les quartiers. Je souhaite, au reste, professionnaliser ces délégués en leur créant un véritable statut et en ouvrant leur recrutement pour qu'ils jouent leur rôle de lien entre l'État et les acteurs de terrain.

Le dispositif de la deuxième chance me tient à coeur parce qu'il est intolérable qu'autant de jeunes qui représentent l'avenir de la France quittent chaque année le système scolaire sans qualification ni diplôme. Arrêtons le gâchis ! Je veux faire de l'année 2009 l'année de la promotion de la deuxième chance. Nous allons lancer, avec les missions locales, un système de suivi sur mesure de chaque jeune en cours de décrochage. Les crédits dédiés au réseau des « Écoles deuxième chance » seront doublés et portés à 3 millions pour en créer une vingtaine de plus en 2009. Quant aux activités de l'Établissement public d'insertion de la défense, elles seront davantage orientées vers les jeunes des quartiers prioritaires : grâce à un financement de 26 millions, l'objectif est d'atteindre 75 % de sorties positives vers l'emploi ou la formation professionnelle qualifiante.

Il existe aujourd'hui une véritable attente de nos citoyens, mais aussi l'amorce d'une dynamique, comme en atteste le dernier rapport de I'Onzus, d'après lequel les évolutions sont encourageantes, dans tous les domaines. Nous traversons un moment difficile. Mais la crise est aussi un rendez-vous salutaire pour ceux qui sont porteurs d'un dessein collectif pour la France. Elle nous offre une raison d'aller encore plus loin dans notre action en faveur des quartiers populaires et de mettre en place une véritable solidarité. (Applaudissements à droite)

Examen des crédits

Article 35 (État B)

M. le président.  - Amendement n°II-202, présenté par M. Repentin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Raymonde Le Texier.  - Pour éviter à l'Anah de devoir emprunter pour honorer ses engagements en début d'année 2009, cet amendement propose de ponctionner la trésorerie qui existe dans les fonds prévus pour l'aide au logement, c'est-à-dire 125 millions sur l'action 02 du programme 177, pour les attribuer au programme 135, action 01.

Compte tenu des contraintes légales qui risquent de retarder le transfert des fonds du 1 % à l'Anah, certains propriétaires pourraient ne pas être aidés comme prévu au début de l'année 2009. Déjà, seuls les propriétaires occupants dont les revenus sont inférieurs à 50 % des plafonds sont réellement payés. Les autres ont pour consigne d'attendre des jours meilleurs...

Au lendemain de la suppression du Pass-travaux, on voit bien que vos décisions conduisent à une réaction en chaîne. La source étant tarie, les travaux d'amélioration de l'habitat disparaissent : situation dramatique au regard de vos ambitions sur le Grenelle, et révélatrice de la politique de Gribouille du Gouvernement. A l'heure où la crise du bâtiment devient la préoccupation majeure, la réhabilitation du parc existant devrait être soutenue mais vous fermez les robinets et, à terme, vous mettez l'Anah dans une situation budgétaire intenable.

Notre solution a le mérite d'imaginer une transition moins onéreuse pour le budget de l'État : une fois que les fonds du 1 % destinés à abonder l'Anah auront été débloqués, alors une régulation de trésorerie pourra être faite.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Je comprends votre préoccupation mais votre solution est techniquement difficile à réaliser. Retrait.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Je ne comprends pas : il s'agit d'une avance de trésorerie tout à fait classique et l'Anah ne connaîtra aucun problème de trésorerie. Le plafond de 125 millions a été porté à 240 millions par un amendement du Gouvernement : retrait ou rejet.

L'amendement n°II-202 n'est pas adopté.

Les crédits de la mission « Ville et Logement » sont adoptés.

Article 82

La loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville est ainsi modifiée :

1° Le premier alinéa du I de l'article 12 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« A partir du 1er janvier 2009, le montant de l'exonération décroît de manière linéaire lorsque la rémunération horaire est supérieure au salaire minimum de croissance majoré de 40 % et devient nul lorsque la rémunération horaire est égale à 2,4 fois le salaire minimum de croissance du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009 inclus, à 2,2 fois le salaire minimum de croissance du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 inclus, et à 2 fois le salaire minimum de croissance à partir du 1er janvier 2011. » ;

2° Au premier alinéa du II bis du même article 12, la date : « 1er janvier 2009 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2011 ».

3° Le V bis du même article 12 est abrogé ;

4° Au V quinquies du même article 12, les mots : « et aux deuxième et troisième alinéas du III » sont supprimés ;

5° La dernière phrase du septième alinéa de l'article 12-1 est supprimée ;

6° La dernière phrase du premier alinéa et le second alinéa du I de l'article 14 sont supprimés.

Mme Odette Terrade.  - Les exonérations fiscales et sociales sont présentées comme le moyen essentiel de favoriser le développement économique dans les quartiers en difficulté, et notamment dans les zones franches urbaines (ZFU) de première génération où environ 16 000 entreprises bénéficient, en moyenne, de 10 000 euros de remise d'impôt tandis que dans les zones franches de seconde génération, moins de 4 000 entreprises coûtent environ 35 millions au budget. Les exonérations de cotisations sociales visées expressément par cet article s'élèvent à un peu moins de 340 millions. Cette logique d'incitation fiscale et sociale est donc remise en cause pour économiser 100 millions.

Nous n'avons jamais été des partisans acharnés des incitations fiscales et sociales en faveur des petites et moyennes entreprises, ne serait-ce que parce qu'il y a belle lurette que les grands groupes ont su configurer leur localisation sur le territoire pour bénéficier de ces dispositifs. Un artisan ou une jeune entreprise de service comptant au plus trois salariés a moins besoin d'être dispensé de l'impôt sur le revenu, de celui sur les sociétés ou de payer un peu moins de cotisations sociales que de bénéficier d'un accès au crédit bancaire, d'un soutien à ses projets. Les enseignes de restauration rapide qui sont autant de réseaux de petites et moyennes entreprises bénéficient plus des exonérations fiscales et sociales que le moindre des artisans de nos quartiers.

Si l'article 82 revient à simplement économiser 100 millions pour une inavouable raison de régulation budgétaire, ce n'est pas un bon article. S'il illustre un changement de priorité, faisant de l'accès au crédit la priorité des priorités de l'État, ce peut être l'amorce une évolution intéressante. Je crains cependant que ce ne soit pas le cas et que, par cet article, vous ne fassiez contribuer la politique de la ville à la réduction du déficit ! Les habitants des quartiers sensibles qui, eux, paient l'impôt sur le revenu, la TVA ou les impôts locaux, ont aussi des comptes bancaires. II serait peut-être temps que l'argent qu'ils y déposent serve, enfin, à développer l'activité économique dans leur quartier.

En tout cas, cet article 82 montre que nous ne devons pas en rester au statu quo, comme nous y invitent les amendements de suppression. Mais nous ne devons pas sacrifier le devenir des quartiers sur l'autel de la régulation budgétaire. Nous voterons donc contre les amendements de suppression, mais aussi contre l'article 82.

Mme Raymonde Le Texier.  - Cet article a pour objectif de « recentrer les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires » dans les ZFU en modifiant profondément le dispositif qui avait été confirmé par la loi de mars 2006 pour l'égalité des chances. II supprime le mécanisme de la « sortie en sifflet » en trois ans ou neuf ans. Ces modifications ont essentiellement pour objet d'économiser 100 millions : 70 millions au titre du plafonnement des exonérations et 30 au titre de la suppression de la sortie progressive. Le coût des exonérations de charges sociales en ZFU serait ainsi ramené à 239 millions en 2009.

Si l'on ne peut être que favorable à la recherche d'économies par la suppression de dispositifs inefficaces et coûteux, le choix de concentrer les allégements de charges sur les bas salaires est contre-productif. Ces allégements ont un effet négatif sur les salaires : pourquoi mieux rémunérer le travail si l'entreprise, de ce fait, perd le bénéfice de l'allégement ?

La défiscalisation dans les ZUS est parfois détournée de son objet : certaines entreprises n'y installent que des boîtes aux lettres et en profitent pour bénéficier des exonérations ; d'autres s'y installent mais ne recrutent que des salariés qui n'habitent pas sur place ; enfin, certaines ne consentent à y créer que des emplois peu qualifiés. Cela n'est pas sans conséquences pour les habitants de ces territoires : selon le tout récent rapport de l'Onzus, entre 2004 et 2007, on constate une précarisation accrue des emplois occupés par les habitants des ZUS ainsi qu'une extension du temps partiel, souvent subi. Pour les salariés masculins, la proportion des bas salaires a progressé de trois points alors qu'elle est restée stable pour les autres salariés masculins des mêmes villes.

Les ZFU n'ont pas répondu aux attentes des habitants ni joué pleinement le rôle de levier espéré pour les territoires ciblés mais votre proposition risque de détruire le peu qui fonctionne. Dans ces zones, les besoins sont toujours aussi criants, l'exclusion se développe, le chômage augmente et vous n'abordez ces questions qu'en termes comptables. Ces économies, finalement dérisoires face aux ponctions réalisées sur le budget du logement ou celui de la ville, risquent d'avoir des conséquences plus graves encore pour nos territoires en mettant certaines entreprises, notamment les petites PME, en péril. Plutôt que de modifier le système brutalement et sans concertation, en pénalisant les entreprises comme les salariés, il est temps d'admettre qu'un dispositif fiscal ne peut pas, à lui seul, sortir les ZUS de leur situation.

Ce sont les fondements mêmes des ZFU qu'il faut revoir, en s'appuyant sur les ressources des territoires. Une partie des élus franciliens souhaite depuis longtemps, pour leurs zones franches, un système fondé sur l'origine géographique des salariés, autrement dit les aides à la personne, afin de susciter l'embauche sur place et de créer l'avantage comparatif qui manque actuellement. La situation s'aggrave, il ne faut rien négliger pour favoriser dans ces territoires l'accès à l'emploi.

M. le président.  - Amendement n°II-39, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances.

Supprimer cet article.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - C'est donc à moi qu'il revient d'ouvrir le feu ! (Sourires) Notre position est partagée sur tous les bancs, même si j'ai quelque difficulté à suivre le raisonnement de notre collègue, qui est pour, mais aussi contre les ZFU et qui veut supprimer la suppression...

Mme Raymonde Le Texier.  - Vous avez très bien compris.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Depuis deux ans, le nombre de ZFU a augmenté, des entreprises se sont installées et les élus locaux concernés n'émettent aucune critique : Neuilly-sur-Marne compte une ZFU et je n'ai jamais entendu M. Mahéas s'en plaindre. Quant à l'association des industriels de cette zone franche, elle souhaite ardemment conserver les exonérations.

Mme Raymonde Le Texier.  - Évidemment !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Le Président de la République a annoncé 700 millions d'euros d'exonérations de charges, il doit être possible d'en trouver 70 pour maintenir le système. Et s'agissant des 30 millions d'euros de la sortie en sifflet, le Gouvernement a déposé un amendement pour les inscrire. Donc, le compte y est !

M. le président.  - Amendement identique de suppression n°II-105, présenté par M. P. André, au nom de la commission des affaires économiques.

M. Pierre André.  - Mme la Ministre a dit que la politique de la ville avait besoin de lisibilité : elle a également besoin de continuité. Quelle malédiction touche les ZFU ? Lorsque M. Gaudin et M. Juppé les ont créées, en 1995, elles constituaient le troisième pilier de la politique économique ; et elles sont en train de réussir, parce que la volonté est là. Mme la secrétaire d'État a parlé de cohésion sociale et met en place un remarquable plan « Espoir banlieues ». Mais n'oublie-t-on pas le plus important, le développement économique ? Sans lui, rien ne s'améliorera dans nos quartiers difficiles. Des bas salaires ne suffiront pas, il faut ramener l'excellence dans ces territoires.

Je me réjouis que les socialistes se soient convertis aux ZFU : car la première à avoir demandé leur suppression, en 1997, fut Mme Martine Aubry ! Devenue maire de Lille, elle a bien sûr changé d'avis. Chargé d'un rapport sur les ZFU par la commission des affaires économiques, j'ai découvert avec stupéfaction que le gouvernement français - Mme Aubry, en l'occurrence- avait commandé un rapport, un an après la création des ZFU, pour démontrer qu'il n'y avait pas eu de créations d'emplois !

C'est M. Jacques Chirac, après 2002, qui a relancé le dispositif. Une nouvelle génération de ZFU est née en 2003, grâce à M. Borloo. Et 125 000 emplois ont été créés. Pas un seul maire pour s'en plaindre ! Mme le maire de Lille y voit désormais le moyen le plus sûr de la réussite économique. A présent que tous voient dans les ZFU une chance pour nos quartiers, ne la laissons pas passer. Ne cherchons pas à faire des économies de bouts de chandelle pour payer ensuite des indemnités à des chômeurs. Après les annonces du Président de la République, nous ne sommes plus à 70 millions d'euros près... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. le président.  - Amendement identique de suppression n°II-153 rectifié bis, présenté par MM. J-C. Gaudin, Gilles, Alduy, Dufaut et Juilhard, Mlle Joissains et MM. J-P. Fournier et Braye.

M. Dominique Braye.  - Les cosignataires sont tous maires de communes qui abritent une ZFU. La ville de Jean-Claude Gaudin en compte même deux !

Nous partageons les objectifs et la volonté du Gouvernement de réformer le pays en profondeur et de diminuer la dépense publique. Mais ne faisons pas aujourd'hui des économies qui dès demain entraîneraient des dépenses supérieures, sans parler du coût social et humain. Supprimer les exonérations, ce serait renier une promesse de l'État. Madame la ministre, la première vice-présidente du conseil général des Yvelines ne peut demeurer insensible au sort de Mantes-la-Jolie et de sa grande ZFU. A Marseille, entre 1996 et 2007, 2 797 entreprises et 13 000 emplois ont été créés ; à Mantes, en dix ans, 211 entreprises et 1 200 emplois. Mais, plus important encore, le retour à l'activité au sein même des quartiers a rétabli une certaine normalité. Au Val-Fourré, me disait un commerçant, on revoit enfin ce que l'on ne voyait plus depuis dix ans : des hommes en complet-cravate, un attaché-case à la main.

Je connais les contraintes qui s'imposent aux ministres : c'est donc le Gouvernement que je veux placer devant ses responsabilités. Avez-vous pensé aux entreprises que vous ferez disparaître, en revenant ainsi sur la parole donnée ? Est-ce le message que vous voulez adresser à ces quartiers, touchés de plein fouet par la crise actuelle et où je sens de nouveau une grande tension ? Une étincelle pourrait les enflammer ! Est-ce une proposition cohérente par rapport aux déclarations du chef de l'État qui veut tout faire pour aider les PME et PMI ? Pour une petite économie de 100 millions d'euros, que de faillites à venir, que de drames humains ! Enfin, est-ce le bon sens de condamner les ZFU quand une évaluation de ce dispositif a été confiée à la délégation interministérielle à la ville ? Elle n'a pas encore rendu ses conclusions.

Notre responsabilité est grande : nous entendons aider le Gouvernement à réformer et réduire la dépense publique, mais nous ne pouvons le suivre dans une voie qui n'est pas la bonne.

Il faut absolument supprimer l'article 82.

Je vous fais confiance pour trouver une solution d'ici la CMP, dans le cadre du plan de relance annoncé par le Président de la République, pour respecter la parole de l'État en soutenant les PME des zones franches urbaines. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite et au centre.)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis.  - Les orateurs, précédents ont très bien démontrés que l'article 82 était une erreur. Quand les choses sont aussi claires, supprimer l'article rend service au Gouvernement.

Comme l'a souligné M. Braye, les zones franches urbaines sont fragiles. Les chefs d'entreprise qui ont investi sont des gens courageux ; ils ont pris des risques car l'État leur avait dit qu'il les soutiendrait. Nous n'avons pas le droit de trahir leur confiance, ni celle des populations, qui comptent sur l'État plus encore aujourd'hui qu'hier !

La commission unanime a voté l'amendement.

M. le président.  - Amendement identique n°II-201, présenté par M. Repentin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Raymonde Le Texier.  - J'espère être claire. Je ne suis pas hostile aux zones franches urbaines, mais il faut que les entreprises embauchent les habitants des quartiers concernés.

Les amendements de suppression ont suscité des plaidoyers brillants. Je serai donc brève.

Le Gouvernement veut mettre progressivement fin aux exonérations de charges patronales à partir du 1er janvier 2009. Elles disparaîtraient totalement pour les rémunérations supérieures à 240 % du Smic. La Fédération des associations d'entreprises de ZFU s'inquiète de décisions susceptibles d'avoir des conséquences graves pour les entreprises qui jouent le jeu, car le bouleversement de trésorerie qu'elles subiraient les mettrait sérieusement en difficulté, alors que tous les indicateurs sociaux et économiques sont déjà au rouge.

D'autres orateurs ont rappelé qu'il faudrait au moins attendre les résultats de l'évaluation nationale en cours avant toute modification, car on ne peut voter une telle réforme à la va-vite !

M. le président.  - Amendement n°II-247, présenté par le Gouvernement.

Supprimer les cinquième (3°), septième (5°) et dernier (6°) alinéas de cet article.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Rappelez-vous l'histoire de la chèvre de M. Seguin. (Sourires)

Mme Odette Terrade.  - Qui est la chèvre ?

Mme Christine Boutin, ministre.  - Le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression, mais conscient des incidences qu'aurait une modification rapide des règles en vigueur, il propose une sortie en sifflet : le délai serait allongé de trois ans, sauf pour les petites entreprises employant moins de cinq salariés, qui sortiraient du dispositif après neuf ans.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Toute la nuit, Mme la ministre aura lutté avant de rendre les armes...

Je salue l'effort du Gouvernement en vue d'une sortie en sifflet, mais je reste favorable à la suppression de l'article. Une solution pourra être dégagée en CMP.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je salue l'attitude du Gouvernement, qui fait face ce soir à un Sénat très solidaire : tous les groupes et toutes les commissions convergent pour supprimer l'article.

L'actualité ne vous sert pas ! Vous voulez aménager l'article 82, alors que le discours du Président de la République prononcé à Douai vous oblige à revenir dans quelques semaines devant le Parlement avec un collectif budgétaire tirant les conséquences des 700 millions attribués au secteur dont vous avez la charge.

Ne prenez pas en mauvaise part la position de la commission des finances. Je serai sans doute membre de la CMP. D'ici sa réunion, nous aurons eu le temps de réfléchir ensemble. Ce soir, notre ambition est de vous aider à conduire la politique qui est la vôtre : notre vote n'est pas une mauvaise manière.

M. Thierry Repentin.  - Je serai concis.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Très bien !

M. Thierry Repentin.  - Des instants de cette nature grandissent notre institution, où une expérience partagée dans les collectivités territoriales transcende les clivages politiques pour dégager une solution pragmatique.

Conseiller général d'une ZRU, je ne jalouse pas le dispositif fiscal des ZFU. Je voterai donc l'amendement de suppression.

En effet, il ne faut pas faire croire à nos concitoyens, ni aux élus locaux, que les zones franches urbaines seraient destinées aux emplois de petite qualification, donc de petite gratification. L'article 82 inciterait les employeurs à limiter les salaires pour conserver les avantages fiscaux.

Je me souviens avec émotion de la mission d'information conduite sous la présidence de M. Türk : nous avons constaté les efforts réalisés par les maires des zones franches urbaines pour attirer les entreprises avec des emplois de toute nature.

A l'Assemblée nationale, nos collègues n'ont pas réussi à convaincre la majorité. Ce soir, notre ambition est visiblement partagée.

M. Pierre André a involontairement rendu hommage à Martine Aubry : faisant preuve d'ouverture, elle a montré que les combats du passé étaient derrière nous, et qu'il fallait regarder vers l'avenir. Voilà un signe supplémentaire de notre consensus !

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je ne souhaite ni retarder les débats, ni exercer la moindre pression. Nous avons reporté déjà deux discussions prévues pour jeudi. Elles doivent commencer samedi à 14 heures, à condition de ne pas finir trop tard la prochaine séance. Selon les meilleurs prévisionnistes du Sénat, si elle débute à 9 heures 30, nous en aurons fini à 5 heures 08 (sourires) dans la nuit de vendredi à samedi. Mais pour commencer à 9 heures 30, nous devons conclure notre débat avant minuit et demi.

M. le président.  - Nul n'a ressenti vos propos comme une pression.

A la demande du groupe socialiste, l'amendement II-39, identique aux amendements n°sII-105, II-153 rectifié bis, II-179 et II-201 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 339
Contre 0

Le Sénat a adopté. (Applaudissements)

M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis. - Bravo !

L'amendement II-39, identique aux amendements n°sII-105, II-153 rectifié bis, II-179 et II-201 est adopté et l'article 82 est supprimé.

L'amendement n°II-247 devient sans objet.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°II-40, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances.

Après l'article 82, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article L. 351-3 du code de la construction et de l'habitation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« - le terme constant de la participation personnelle du ménage. »

II. - L'article L. 542-5 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« - le terme constant de la participation personnelle du ménage. »

III. - Après le septième alinéa de l'article L. 831-4 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - le terme constant de la participation personnelle du ménage. »

IV. - Les dispositions des I à III s'appliquent à compter du 1er janvier 2010.

V. - La perte de ressources résultant pour l'État des dispositions des I à IV est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - La commission des finances avait déjà présenté un amendement similaire l'année dernière. Il s'agit d'indexer selon les mêmes règles que les autres composantes du calcul des aides personnelles au logement la valeur du « reste à payer » pour les locataires. Cette participation minimale a été portée en 2008 de 30 à 31 euros. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009, il est prévu de la porter à 33 euros, soit une hausse de 10 % en deux ans. Plutôt que de gratter ainsi quelques millions d'une année sur l'autre, il serait préférable que ce reste à payer évolue comme les autres variables des aides personnelles.

M. le président.  - Sous-amendement n°II-104 à l'amendement n°II-40 de M. Dallier , au nom de la commission des finances, présenté par M. Repentin, au nom de la commission des affaires économiques.

Dans le IV de l'amendement n°II-40, remplacer le millésime :

2010

par le millésime :

2009

M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis.  - La commission des finances propose d'indexer la participation minimale des allocataires aux dépenses de logement sur l'indice de référence des loyers (IRL). Nous souscrivons à cette démarche, qui vise à instaurer une règle claire pour les locataires.

Mais nous voulons faire de cette très bonne mesure une excellente mesure. L'amendement prévoit que la nouvelle règle ne s'appliquera qu'à partir du 1er janvier 2010 ; il laisse donc le Gouvernement libre d'augmenter à sa discrétion le reste à payer en 2009, et de récupérer ainsi une soixantaine de millions d'euros sur le dos des locataires. La commission des affaires économiques a donc adopté à l'unanimité ce sous-amendement qui tend à avancer au 1er janvier 2009 la date d'entrée en vigueur de la nouvelle règle.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Nous nous en remettons à l'avis du Gouvernement sur ce sous-amendement, qui risque d'augmenter les dépenses de l'État en 2009.

Mme Christine Boutin, ministre.  - La loi Dalo a indexé sur l'IRL le montant de l'APL : ce fut un net progrès. Votre commission des finances propose d'indexer aussi sur l'IRL le montant de la participation minimale, sorte de ticket modérateur qui représente 8,5 % des dépenses de logement. Cette participation est actuellement forfaitaire, et le projet de loi prévoit de la porter de 31 à 33 euros. Je ne suis pas favorable à son indexation sur l'IRL : il est bon que nous puissions déterminer le montant de sa réévaluation en fonction de la situation des ménages concernés et de l'évolution des autres paramètres. Cette année par exemple, cette évolution est favorable aux ménages et représente un coût de 245 millions d'euros pour l'État. Il n'est donc pas illogique d'augmenter de 2 euros le reste à charge.

Le sous-amendement de M. Repentin reviendrait à porter la participation minimale à 31,91 euros en 2009 au lieu des 33 euros prévus par le projet de loi, ce qui coûterait 37 millions d'euros à l'État.

Enfin, on peut s'interroger sur l'opportunité d'inclure dans le PLF pour 2009 la mesure proposée par M. Dallier, qui n'entrerait en vigueur qu'en 2010.

Retrait, sinon rejet de l'amendement et du sous-amendement.

Le sous-amendement n°II-104 n'est pas adopté.

L'amendement n°II-40 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°II-41, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances.

Après l'article 82, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le compte général de l'État, annexé au projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion, inscrit la provision au titre des litiges résultant de la mise en jeu de la responsabilité de l'État en application de la loi n°2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Nous craignions qu'une disposition votée par l'Assemblée nationale n'en contredît une autre, adoptée à l'initiative du Sénat dans le cadre du projet de loi de mobilisation pour le logement, mais nos entretiens avec les députés nous ont rassurés. Nous retirons donc l'amendement.

L'amendement n°II-41 est retiré.

Article 83

Le Gouvernement présente, en annexe générale au projet de loi de finances de l'année, un rapport récapitulant, pour l'exercice budgétaire en cours d'exécution et l'exercice suivant, la contribution de la participation des employeurs à l'effort de construction au financement du programme national de rénovation urbaine et de l'Agence nationale de l'habitat, en indiquant la répartition détaillée de ces crédits.

Cette annexe générale est déposée sur le bureau des assemblées parlementaires et distribuée au moins cinq jours francs avant l'examen, par l'Assemblée nationale, en première lecture, de l'article d'équilibre du projet de loi de finances de l'année.

Mme Odette Terrade.  - L'article 83 porte sur le 1 % logement. Sur la forme, il fait doublon avec un article introduit dans le projet de loi de mobilisation pour le logement, qui oblige le Gouvernement à informer le Parlement des engagements financiers contractés au titre du 1 % logement avec l'Anru et l'Anah. Il serait d'ailleurs préférable de supprimer l'article en question du projet de loi de mobilisation, plutôt que cet article 83.

Sur le fond, l'article 83 révèle l'inquiétude partagée jusque dans les rangs de la majorité sur l'avenir du 1 % logement. Ce qui était jusqu'ici une forme de salaire socialisé de l'ensemble des salariés deviendra une recette du budget général de l'État. La solution serait de ne pas voter l'article 3 de la loi de mobilisation qui organise ce véritable hold up sur les ressources du 1 %, et de ne pas voter non plus ce budget !

M. le président.  - Amendement n°II-42, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances.

Supprimer cet article.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - C'est en fait l'amendement n°II-42 que je voulais retirer tout à l'heure ! L'amendement n°II-41 présentait, lui, un véritable intérêt ! Nous n'aurions pas dû aller si vite...

L'amendement n°II-42 est retiré.

L'article 83 est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°II-180, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 83, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article L. 351-8 du code de la construction et de l'habitation est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le montant remboursé est proportionnel au nombre d'allocataires bénéficiant de l'aide. »

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis.  - Cet amendement tend à indexer le montant du remboursement versé aux Caisses nationales d'allocations familiales (Cnaf) pour les frais de gestion de l'APL sur le nombre de dossiers traités, plutôt que sur le montant des prestations versées, comme c'est le cas actuellement.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Avis favorable.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Retrait, sinon rejet. Les frais de gestion de l'APL dépendent plutôt du nombre d'actes réalisés pour chaque dossier que du nombre de bénéficiaires, ce qui rend très difficile l'évaluation de ces frais. La règle des 2 % du montant des prestations présente l'avantage de la simplicité pour le Fonds national d'aide au logement et pour les organismes payeurs. D'ailleurs la récente simplification des modalités de calcul des ressources des demandeurs, grâce à la télétransmission des données fiscales, réduira le coût de l'instruction des dossiers.

Enfin, la détermination des modalités du remboursement des frais de gestion relève du règlement et non pas de la loi.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis.  - Je comprends qu'on vous ait présenté ces arguments mais je sais qu'on peut compter les dossiers.

Mme Christine Boutin, ministre.  - C'est possible, mais cela coûte de l'argent.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis.  - C'est ce qu'on vous dit ! Je voulais vous faire faire des économies mais si le Gouvernement n'en veut pas, je retire l'amendement.

L'amendement n°II-180 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-181, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 83, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa du III de l'article 85 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 est ainsi rédigé :

« L'octroi de la garantie de l'État prévue au I et II est subordonné au respect des conditions d'éligibilité des locataires des logements concernés. Sous réserve du respect des autres conditions d'éligibilité, la garantie de l'État est accordée lorsque le montant du loyer est inférieur à 50 % des ressources du locataire. »

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis.  - La garantie de revenu locatif a été instituée en 2007 afin d'inciter les propriétaires à remettre des logements sur le marché et pour qu'ils les louent à des actifs qui ont souvent du mal à se loger, comme les travailleurs à temps partiel ou les allocataires du RMI. Or rien ne garantit que la cible visée soit atteinte car la loi ne précise pas le taux d'effort minimum. Imaginons une personne qui gagne 800 euros par mois et qui choisisse un logement dont le loyer est de 400 euros, elle aura droit à une aide personnalisée de 200 euros, ce qui ramènera son taux d'effort à 25 %. Si le minimum avait été fixé à 33 %, comme le demandent avec insistance les assurances, cette personne serait exclue du dispositif. Cet amendement est donc crucial pour les plus vulnérables. J'ajoute que selon les estimations du 1 % logement, 50 000 logements supplémentaires pourraient ainsi être remis sur le marché tandis que l'État réaliserait une économie puisque la garantie de revenu locatif développe une approche intelligente : en cas d'impayé, un auxiliaire social se déplace et dans 95 % des cas, il trouve une solution : voilà autant de frais de justice économisés.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Avis du Gouvernement ?

Mme Christine Boutin, ministre.  - La question est d'importance et je partage votre intérêt pour la garantie de revenu locatif : c'est un amendement que j'avais déposé à la loi sur le droit au logement opposable qui a affirmé son caractère universel. Il est légitime de s'interroger sur la fixation du taux d'effort par la loi, mais le hasard du calendrier fait que les négociations entre les partenaires sociaux et les assurances aboutiront demain -ils s'étaient engagés à les conclure avant la fin de l'année. Je les ai encore eus tout à l'heure et ils m'ont indiqué que prendre aujourd'hui cette décision enverrait un mauvais signal aux assurances. Vous connaissez ma détermination à aboutir et c'est précisément parce que je suis déterminée que je souhaite le retrait de l'amendement.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis.  - Je sais combien vous êtes sensible à ce sujet, mais je crois que c'est au législateur qu'il revient de définir le taux de cette garantie en fonction du public visé. Or il s'agit des publics les plus sensibles. Il restera ensuite à négocier les modalités. Je maintiens donc l'amendement.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Pouvez-vous, madame la ministre, nous rappeler la date butoir de la négociation ?

Mme Christine Boutin, ministre.  - Je vous l'ai dit : demain, il y aura un accord.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Nous pourrions prendre rendez-vous pour le collectif, qui viendra dans trois semaines.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Bien sûr !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis.  - Je me méfie toujours des rendez-vous, (sourires) mais puisque la commission des finances et le Gouvernement sont d'accord sur cette date...

Mme Christine Boutin, ministre.  - Absolument !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis.  - Je reprendrais alors l'amendement et j'espère qu'il aurait alors un avis favorable, car c'est le bon sens que de fixer un plafond et un plancher de la garantie.

L'amendement n°II-181 est retiré.

Prochaine séance aujourd'hui, vendredi 5 décembre 2008, à 9 h 45.

La séance est levée à minuit quarante.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du vendredi 5 décembre 2008

Séance publique

A 9 HEURES 45, A 15 HEURES ET LE SOIR

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l'Assemblée nationale (n°98, 2008-2009)

Rapport (n°99, 2008-2009) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation

Examen des missions :

- Action extérieure de l'État

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial (rapport n°99, annexe n°1)

M. Yves Dauge, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n°100, tome I)

M. André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Action extérieure de l'État : Moyens de l'action internationale - avis n°102, tome I)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Action extérieure de l'État : action culturelle et scientifique extérieure - avis n°102, tome II)

- Administration générale et territoriale de l'État (+ articles 56 à 58)

Mme Michèle André, rapporteur spécial (rapport n°99, annexe n°2)

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (avis n°104, tome I)

- Relations avec les collectivités territoriales (+ articles 67 à 72)

Compte spécial : avances aux collectivités territoriales

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial (rapport n°99, annexe n°24)

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (avis n°104, tome IX)

- Médias

Compte spécial : avances à l'audiovisuel (+ articles 86, 87 et 88)

M. Claude Belot, rapporteur spécial (rapport n°99, annexe n°17)

MM. Michel Thiollière et David Assouline, rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles (Avances à l'audiovisuel  -  avis n°100, tome VI)

M. Joseph Kerguéris, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Médias : audiovisuel extérieur - avis n°102, tome VIII)

- Culture (+ articles 59 octies et 59 nonies)

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial (rapport n°99, annexe n°7)

MM. Philippe Nachbar et Serge Lagauche, rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n°100, tome III)

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu de M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à la coopération dans le domaine de la défense et au statut de leurs forces.