Rappels au Règlement

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Mon rappel au Règlement concerne l'événement somme toute assez étonnant qui va se dérouler dans quelques instants au Parlement. Tandis que l'Assemblée nationale est invitée à se prononcer sur une déclaration de politique générale, seule façon qu'a trouvée ce gouvernement de rallier une majorité autour de la réintégration de notre patrie dans le commandement intégré de l'Otan, le Sénat devra se contenter d'écouter la lecture de la déclaration avant de vaquer à des occupations autres que celles qui nous ont été confiées puisque nous exprimons la volonté du Souverain tout autant que les députés. Pourtant, le Gouvernement aurait pu recourir aux dispositions de l'article 49-4 de la Constitution, qui l'autorisent à demander au Sénat l'approbation d'une déclaration de politique générale, ou encore au dispositif de l'article 50-1 de la Constitution révisée, entrée en vigueur le 1er mars dernier, qui prévoit que le Gouvernement peut faire une déclaration suivie d'un débat et, éventuellement, d'un vote sans engager sa responsabilité. Vous avez choisi de n'en rien faire. Nous en prenons acte. Cette position est cohérente avec le choix que vous avez fait de ratifier le traité de Lisbonne qui dispose, en son article 27, que l'Union européenne pourra avoir recours à une capacité opérationnelle s'appuyant sur des moyens civils et militaires dans les missions en dehors de l'Otan. Soit. Reste que nous sommes nombreux à refuser de renoncer à l'indépendance de la défense européenne. Conscients de l'honneur que représente le mandat de parlementaire et des devoirs qu'imposent la sécurité de notre continent (exclamations à droite), les sénateurs CRC-SPG n'ont d'autre possibilité que de marquer leur absolue et totale opposition à cette capitulation sans condition devant les décisions militaires de l'Empire...

M. Dominique Braye.  - Bonjour la nuance !

M. Didier Boulaud.  - La droite est gonflée !

M. Jean-Luc Mélenchon.  - ...que de quitter l'hémicycle ! (Vifs applaudissements sur les bancs CRC-SPG et les bancs socialistes)

M. Yvon Collin.  - Mon rappel au Règlement est fondé sur les articles 29 et 66 du Règlement du Sénat. Monsieur le Président, lors de la dernière Conférence des Présidents, le groupe du RDSE, par la voix de M. Fortassin, a protesté contre les conditions dans lesquelles le Sénat débattra, ou plutôt ne débattra pas véritablement, de la réintégration de la France au sein du commandement intégré de l'Otan. Dès l'organisation de nos travaux connue, je vous ai fait part, dans un courrier également adressé au Premier ministre, de notre vive déception de voir le Parlement ainsi traité. De fait, une semaine après que le Président de la République a annoncé, à l'occasion de la clôture d'un colloque à l'École militaire, sa décision, l'Assemblée nationale est appelée à se prononcer de façon globale sur la politique étrangère du Gouvernement et non, comme cela devrait être le cas dans une véritable démocratique parlementaire, sur la question du retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan après quarante ans d'absence. Quant au Sénat, il devra attendre deux semaines pour tenir un débat d'une heure et demie sur cette question stratégique, soit huit minutes de temps de parole pour mon groupe...

M. Didier Boulaud.  - C'est rien comparé à Sarkozy !

M. Yvon Collin.  - Avouez que cette manière de procéder est bien peu conforme à l'ambition affichée de la dernière révision constitutionnelle de revaloriser les droits du Parlement, et du Sénat en particulier. Dans ces conditions, la majorité du groupe RDSE n'assistera pas à la suite de la séance ! (Vifs applaudissements à gauche)

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères.  - Eh bien ! Nous nous passerons de vous !

M. Jean-Pierre Bel.  - Nous sommes de ceux qui sont toujours prêts à voir l'avenir, si j'ose dire, en rose. (Marques d'ironie sur quelques bancs à droite) Bien que nous n'ayons pas voté la dernière révision constitutionnelle, nous pensions qu'elle permettrait de nouvelles relations entre le Parlement et l'exécutif. Or, dès la première occasion, le Gouvernement en revient de manière caricaturale aux bonnes vieilles habitudes. En ôtant au Sénat la possibilité de s'exprimer sur une question aussi cruciale que la place de la France dans le monde et sa politique d'alliances militaires, vous muselez l'opposition, mais aussi la majorité.

M. Didier Boulaud.  - Bien fait ! Elle l'a pas volé !

M. Jean-Pierre Bel.  - Oui, chers collègues de droite, vous m'avez bien entendu. Je prends votre défense car, à en croire les discussions que j'ai pu avoir avec certains d'entre vous, le risque était grand que le Sénat s'oppose à cette décision.

M. Jacques Gautier.  - Vous n'êtes pas notre confesseur !

M. Didier Boulaud.  - La trouille !

M. Jean-Pierre Bel.  - Monsieur le Président, il y va de votre responsabilité de refuser pour le Sénat ce rôle de muet du sérail.

M. Didier Boulaud.  - Très juste !

M. Jean-Pierre Bel.  - Contrairement à ce qui m'a été répondu en Conférence des Présidents, nous disposions des outils constitutionnels avec les articles 49-4 et 50-1 de la Constitution pour obtenir que le Sénat se prononce. Comment s'étonner de l'image déformée de notre institution auprès de l'opinion publique, que vous déploriez le 14 octobre 2008, si le Sénat ne peut accomplir l'acte élémentaire démocratique de débattre et voter ?

M. Didier Boulaud.  - C'était des paroles verbales.

M. Jean-Louis Carrère.  - Très bien !

M. Jean-Pierre Bel.  - Monsieur le Président, pour éviter de donner raison aux ennemis du bicamérisme et de confirmer l'image d'une assemblée secondaire...

M. Josselin de Rohan.  - Une anomalie !

M. Jean-Pierre Bel.  - ...soutenez la demande officielle, que je formule de nouveau, de l'organisation d'un débat suivi d'un vote, conformément aux dispositions de l'article 50-1 de la Constitution. En attendant, chacun le comprendra, nous ne pouvons cautionner ce déni de démocratie.

M. Didier Boulaud.  - Eh oui, nous savons lire ! Nous ne sommes pas des élèves de CP !

M. Jean-Pierre Bel.  - Nous ne participerons pas à cette caricature de débat parlementaire ! (Applaudissements à gauche ; les sénateurs des groupes CRC-SPG et socialiste se lèvent et quittent l'hémicycle ainsi que la plupart des membres du groupe RDSE, à l'exception de MM. Gilbert Barbier et Aymeri de Montesquiou ; marque d'ironie à droite))