Libertés et responsabilités des universités (Question orale avec débat)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat de M. David Assouline à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur l'application de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités.

M. David Assouline, auteur de la question.  - Madame la ministre, nous revoilà !

Souvenez-vous. Quelques semaines après l'élection présidentielle, vous présentiez à notre assemblée la future loi sur les libertés et responsabilités des universités appelée à devenir, pour reprendre les termes du Premier ministre, « la plus importante réforme de cette législature ». Il fallait aller vite durant l'été pour empêcher la communauté universitaire de réagir. Sûre d'un rapport de forces qui vous était alors favorable, et de votre talent, vous avez foncé. Mais le talent ne suffit pas, non plus que le style incontestablement plus moderne que d'autres, quand vos préjugés idéologiques sentent la naphtaline. L'université n'est pas une entreprise, la connaissance n'est pas une marchandise ! Résultat : vingt mois après l'adoption de la loi, alors que la colère envahit les campus, nous nous retrouvons pour un premier bilan à l'occasion de cette question orale avec débat. Si l'exercice n'est pas tronqué et que vous répondez aux questions, nous aurons peut-être été utiles à tous ceux qui attendent que l'université et la recherche relèvent les défis de notre temps.

Ce matin, comme le 11 mars dernier, des milliers de représentants de la communauté universitaire manifestent dans la rue leur opposition à vos réformes, laquelle ne se limite pas à une contestation « autour » des projets d'établissements liés à leur application. A preuve, le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche a adopté une motion le 16 février dernier contre les « projets du ministère imposés de force » qui « fragilisent le service public de l'enseignement supérieur » ; la Conférence des présidents d'université a exigé solennellement du Gouvernement le report à la rentrée 2010-2011 de la réforme de la formation des enseignants du premier et du second degré et les directeurs d'IUT se rebellent massivement contre la mise sous tutelle de leurs établissements. C'est qu'il est singulièrement difficile de faire accepter une réforme à ceux qui en sont les principaux acteurs lorsqu'ils sont traités par le mépris... Le 22 janvier dernier, le chef de l'État vouait aux gémonies « un système d'universités faibles, pilotées par une administration centrale tatillonne », marqué par « des archaïsmes et des rigidités » et dont se satisferaient les « conservateurs de tous poils, que l'on trouve à droite en nombre certain et à gauche en nombre innombrable ».

Sans polémiquer, j'avais pourtant appelé, au nom du groupe socialiste, lors de la présentation du projet de loi, à une nécessaire réforme de l'enseignement supérieur pour « assurer à l'université les moyens de l'excellence » par le biais d'une loi de programmation pluriannuelle. Je détaillais même nos priorités : atteindre en cinq ans un budget de l'enseignement supérieur et de la recherche équivalent à 3 % du PIB ; lutter contre l'échec en premier cycle et la précarité des conditions de vie des étudiants ; valoriser les jeunes chercheurs en apportant, notamment, des garanties de carrière aux doctorants ; améliorer la gouvernance par plus d'autonomie en contrepartie d'un approfondissement de la démocratie ; enfin, organiser une évaluation régulière des établissements par l'État. Dès le début et de manière transparente, nous avons donc présenté des propositions pour répondre aux défis de l'université. Vous ne pouvez le contester en ce que vous avez estimé prioritaires l'évaluation des établissements et des enseignants-chercheurs, la réforme de la gouvernance et de l'organisation des universités. En revanche, en vertu de la philosophie libérale du Président de la République, de l'illusion du « renard libre dans un poulailler libre », vous avez octroyé des libertés aux seuls établissements qui avaient les moyens d'en tirer profit et jugé secondaire la question des moyens et des conditions de travail des étudiants et des universitaires.

Madame la ministre, dès l'été 2007, nous vous avions pourtant mise en garde contre vos vieux démons en rappelant l'échec que la droite a essuyé en voulant imposer la loi Devaquet de juillet 1986, qui visait déjà à instituer une université sélective au nom d'une prétendue autonomie et à adapter les formations aux besoins du marché du travail en revenant sur la valeur nationale des diplômes. Obnubilée par le contestable classement de Shanghai, vous êtes restée sourde aux inquiétudes des universitaires.

« Tout va bien, pour l'instant, » assuriez-vous lors du vote final du projet LRU, « et comme disait la mère de Napoléon, pourvu que ça dure ». Mais cela n'a pas duré, ainsi que cela était prévisible. Depuis plus de sept semaines, l'université et la recherche connaissent une crise sans précédent depuis vingt ans. Et qu'a fait le Gouvernement, sinon cloisonner les discussions autour des deux sujets les plus brûlants, la révision du statut des enseignants-chercheurs et la « mastérisation », c'est-à-dire la réforme de la formation des professeurs des premier et second degrés, en excluant du dialogue un mouvement comme Sauvons l'université ou des associations d'enseignants et de chercheurs à l'expertise reconnue, comme Qualité de la science française et Défense de l'université ?

Comment s'étonner du rejet par ces deux organisations, en début de semaine, de la dernière version du projet de décret et de la menace de 250 directeurs de laboratoire de démission s'ils ne sont pas entendus ?

Il est temps de juger votre action à l'aune de ses premiers résultats. L'article 51 de la LRU prévoyait la mise en place d'un comité de suivi. Constitué par un décret du 23 janvier 2008, ce comité comprend notamment quatre parlementaires dont aucun, à ce jour, n'appartient à l'opposition, contrairement à vos engagements de juillet 2007. Quant au rapport du comité de suivi, il n'a toujours pas été officiellement transmis à notre assemblée alors que la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale en est saisie depuis plusieurs semaines. Il comporte pourtant 18 recommandations, dont certaines modifications législatives et des mesures réglementaires. Il fait aussi état de difficultés dans l'application des nouvelles procédures d'élection des présidents : pouvez-vous nous rendre compte de leurs conséquences pour le fonctionnement des instances des universités ? Il s'inquiète également de l'application restrictive que certains présidents d'université feraient des nouvelles règles de gouvernance, en affaiblissant le rôle de réflexion sur la politique globale de formation dévolu au conseil scientifique et au conseil des études et de la vie universitaire. N'entre-t-on pas là dans l'hyper-présidentialisation que nous redoutions en juillet 2007 ?

Le comité de suivi conclut en insistant sur la nécessité pour les établissements de se doter d'un projet stratégique. Est-ce à dire que les conseils d'administration des universités « autonomes » peineraient à élaborer de tels projets ? Nous avons, de fait, toujours dit nos doutes quant à leur capacité à devenir des instances de pilotage stratégique. L'exemple de l'Université de technologie de Troyes, qui fonctionne déjà sous un régime dérogatoire de quasi-autonomie, montre les carences du nouveau statut. La gestion des ressources humaines du président de l'université, transformé en véritable PDG, est marquée par la flexibilité accrue des emplois -50 % de contractuels- et le manque de transparence dans les choix de recrutement des enseignants-chercheurs, aucun comité de recrutement n'ayant encore remplacé la commission de spécialistes. Les projets de recherche sont davantage sélectionnés en fonction des bénéfices financiers qui sont attendus de possibles transferts de technologie vers le secteur privé que de l'intérêt scientifique intrinsèque des travaux. Cette marchandisation rampante s'accompagne d'un management autoritaire et opaque, infantilisant jusqu'aux équipes scientifiques...

En confondant « gestion moderne » et « gouvernance d'entreprise » en même temps que vous assimilez « service public » à « archaïsme », vous, transformez nos établissements d'enseignement supérieur et de recherche en firmes régies par le seul impératif de leur compétitivité sur le marché mondial de la formation des élites.

En juillet 2007, vous vous engagiez à ce que d'ici à 2012, toutes les universités se voient confier la maîtrise pleine et entière de leur budget, pour le fonctionnement comme pour l'investissement. Cet objectif sera-t-il tenu ? Dans quelle mesure les dispositifs d'accompagnement préalables alors promis -formations des personnels administratifs, recensement du patrimoine immobilier- ont-ils été mis en place ? Selon quelles modalités, notamment financières, les locaux seront-ils transférés aux universités qui en feront la demande d'ici à 2012 ? Entendez-vous suivre les recommandations du comité de suivi qui préconise une mise en chantier des études méthodologiques et financières relatives à la gestion du patrimoine dès 2009 ?

Vous ne serez pas surprise de l'opposition des sénateurs socialistes à voir certains campus réhabilités par des investisseurs privés dans le cadre de contrats de partenariat, qui ne concerneront naturellement que les sites les plus prestigieux et les mieux dotés, ce qui ne manquera pas d'accroître les inégalités déjà existantes entre établissements. Quels contrats de partenariats sont déjà signés ou en projet ? Quels établissements concernent-ils ? Quel impact pour les finances publiques ? Rappelons qu'en loi de finances initiale pour 2009, 170 millions sont inscrits pour aider au démarrage de partenariats public-privé dans l'enseignement supérieur et que le premier plan de relance gouvernemental prévoit l'engagement de nouveaux crédits d'investissement, à hauteur de 731 millions, au bénéfice de votre ministère.

Si nous restons toujours ouverts, comme nous l'affirmions en juillet 2007, à une réforme qui mettrait fin à la bureaucratisation de l'université, dans une logique de décentralisation démocratique, nous persistons dans notre rejet de procédures de recrutement soumettant les carrières des enseignants-chercheurs à des contraintes de service purement locales, comme nous refusons de voir la définition des programmes de formation et de recherche échapper à la stricte compétence des instances de spécialistes, sauf à vouloir abandonner la formation des étudiants et la politique scientifique des universités au féodalisme et au clientélisme.

Dans le même temps, le Gouvernement veut remettre à plat le processus de formation des professeurs des premier et second degrés, sans concertation préalable et au mépris de l'indispensable apprentissage pédagogique des futurs enseignants. Et tout cela alors que vous prévoyez le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Ce dernier principe ne devait pas, selon vos déclarations, s'appliquer à l'enseignement supérieur et à la recherche, priorité gouvernementale par excellence, réaffirmée par le Premier ministre avec l'annonce d'un effort budgétaire supplémentaire de 5 milliards sur la durée du quinquennat. Or, après la progression zéro de l'année 2008, l'année 2009 est marquée, avec la suppression de 900 postes, par une régression sans précédent depuis quinze ans du volume d'emplois affectés à un secteur, qui devrait pourtant être plus que jamais prioritaire, alors le nombre d'universitaires est appelé à baisser dans les prochaines années du fait des départs à la retraite : ils devraient ainsi n'être plus que 1 506 en 2015, contre 2 062 aujourd'hui, sous le seul effet du vieillissement.

Alors que la loi LRU était censée débureaucratiser le fonctionnement des universités, les enseignants-chercheurs sont confrontés à une multiplication kafkaïenne de tâches administratives au détriment de leur démarche scientifique. Le Gouvernement refuse de revaloriser les rémunérations des emplois administratifs statutaires et de permettre ainsi le recrutement de collaborateurs qualifiés pour assumer les fonctions d'encadrement, privilégie les contrats à durée déterminée et crée de la précarité. D'où le malaise grandissant des personnels Iatos.

Comment mènerez-vous, dans ces conditions, votre plan « Réussite en licence », qui prévoit un meilleur encadrement des étudiants de premier cycle ? Confirmez-vous que pour pallier vos difficultés, le Premier ministre vous a demandé, ainsi qu'à votre collègue Darcos, d'étudier la possibilité d'augmenter le nombre de professeurs agrégés du second degré mis à disposition ? Avec cet avantage collatéral que cela masquerait les suppressions de postes statutaires et donnerait l'impression que le Premier ministre tient son engagement de maintenir l'emploi dans les universités.

Le plan « Campus » est lui aussi significatif de la volonté du Gouvernement de privilégier les puissants -les dix pôles universitaires « d'excellence »- au détriment des faibles. Nous avons dit combien nous redoutions la compétition qu'instaure votre réforme entre les composantes du service public. Comme le soulignait récemment le président de l'université d'Auvergne, le plan « Campus », combiné, au 1er janvier dernier, à un nouveau système de répartition des moyens entre les universités axé sur la performance, a été mis en place sans véritable rattrapage préalable des disparités criantes et injustifiées. Vous avez fait le choix de conduire une politique de soutien discriminante, favorisant les établissements les mieux dotés. Partageant ce constat, le comité de suivi souligne pour sa part la nécessité d'un rééquilibrage des moyens et des emplois entre les universités.

Sur 792 millions de dépenses budgétaires nouvelles prévues au bénéfice de l'enseignement supérieur en 2009, seuls un peu plus de 20 % sont destinés à abonder le financement des universités, soit 175 millions, dont 107,3 millions afin d'accompagner le passage à l'autonomie -qui ne bénéficieront donc qu'aux établissements ayant d'ores et déjà fait ce choix- et 67,9 millions pour la mise en oeuvre du plan « Réussite en licence ».

Des informations diverses ayant fait état des évolutions très inégales des dotations des universités -on évoque une augmentation de 25 % pour certains et une quasi-stagnation en valeur pour d'autres-, pouvez-vous, madame la ministre, confirmer ces données et, le cas échéant, justifier ces inégalités de traitement alors que toutes les universités sont censées bénéficier du plan « Réussite en licence » ? De nombreux dirigeants d'universités estiment que les éventuelles dotations supplémentaires ne compensent pas les nouvelles dépenses induites, pour les établissements, par la mise en oeuvre de ce dispositif.

Croyez-vous vraiment, madame la ministre, que le « bidouillage » auquel vous vous livrez dans la présentation des crédits de votre ministère pour trouver le 1,8 milliard supplémentaire promis par le Président de la République suffisent à cacher que les moyens réellement dévolus à l'amélioration des conditions de travail des universitaires et des conditions de vie des étudiants ne sont pas au rendez-vous ? Ainsi, les 58 millions supplémentaires affectés à la « Vie étudiante » en 2009 représentent un effort si ridicule qu'ils constituent presque une insulte à l'égard de milliers d'étudiants qui vivent aujourd'hui sous le seuil de pauvreté. Où est l'égalité des chances ? Des mesures urgentes s'imposent dans ce domaine, y compris en matière d'orientation. A quand un véritable service public national de l'orientation ? Nous suggérions, pour le moins, la création de bureaux d'aide dans chaque université : où en est-on ?

Vous conviendrez que notre question orale avec débat sur l'état d'application de la loi LRU, sur fond de crise profonde de confiance entre la communauté universitaire et le Gouvernement, tombe à pic.

Ce peut être l'occasion, si vous voulez bien sortir de vos certitudes, de revoir vos copies avec tous les acteurs concernés. J'espère que, comme moi, vous ne souhaitez pas que la situation pourrisse avec tous les risques que cela comporte. (Applaudissements à gauche)

M. Ivan Renar.  - Lors des débats consacrés à la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, au cours de l'été 2007, j'avais souligné les graves insuffisances de ce texte qui contrevenait aux principes essentiels au bon fonctionnement de notre système d'enseignement supérieur et de recherche : démocratie interne, collégialité, indépendance des enseignants-chercheurs, évaluation par les pairs. Nous avions également déploré le manque d'ambition de cette loi qui n'engageait pas l'État à débloquer les moyens nécessaires pour parvenir à une réelle autonomie. En outre, nous avions dénoncé le manque de concertation dans la préparation d'une loi censée réformer en profondeur l'université et présentée par le Premier ministre comme la plus importante de la législature. Faut-il rappeler que cette loi a été examinée en urgence, votée à la hussarde et promulguée à l'été 2007 ?

A tous ces travers, à cette absence de dialogue, s'ajoutent les propos arrogants, brutaux et méprisants du Président de la République à l'endroit d'une communauté scientifique présentée comme frileuse face au changement et hostile à toute forme d'évaluation de son travail. Cette accumulation, cette méfiance, cette défiance ont engendré le mouvement actuel de fronde, inédit par son ampleur.

Les orientations politiques actuelles témoignent d'un véritable mépris pour la connaissance. De l'hôpital à l'université, du tribunal aux structures culturelles, toutes les activités sont appréciées au travers d'un utilitarisme à courte vue. Les critères de rentabilité imposés ignorent les logiques et la nature même du service public et le temps nécessaire à l'accomplissement de missions souvent complexes. L'immédiateté prend le pas sur toute vision prospective. L'organisation comptable s'impose à toutes les activités : dès lors que les objectifs quantitatifs ne sont pas atteints, on supprime les postes dans une fonction publique perçue comme pléthorique et peu efficace.

Comment les scientifiques peuvent-ils accepter les déclarations du chef de l'État selon lesquelles l'enseignement supérieur et la recherche de notre pays seraient « inadaptés aux défis de la connaissance et de la croissance du XXIe siècle » ? Comment peuvent-ils entendre que la France se trouve en queue de peloton, quand notre pays, malgré une dépense publique insuffisante, se maintient au sixième rang mondial et qu'il dispose d'un CNRS fort d'une première place européenne en termes de publications ? Qui veut tuer son chien l'accuse de la rage !

Ce tableau délibérément noirci, qui montre la volonté du Gouvernement de casser notre dispositif public d'enseignement supérieur et de recherche, de remettre en cause la philosophie même de la connaissance, fondée sur la réflexion critique et l'échange désintéressé, devrait disparaître au profit d'une autre conception répondant au principe de la concurrence généralisée et à la recherche du résultat immédiat. La production et la transmission des connaissances devraient se soumettre aux règles managériales et satisfaire aux pratiques d'étalonnage des performances, selon la logique de l'Espace européen de la recherche et de la stratégie de Lisbonne. « Concurrence et performance à tous les étages ! », tel est le mot d'ordre qui sous-tend la politique du Gouvernement, lequel ne peut s'accommoder de la liberté des scientifiques, des échanges et partenariats actuellement mis en oeuvre. Le slogan anglo-saxon Publish or perish, « Publie ou crève » serait le principal impératif auquel nos scientifiques devraient désormais répondre. Tel est le message que le chef de l'État leur a adressé le 22 janvier dernier.

Mais outre ces déclarations, qui sont tout sauf une déclaration d'amour, convenez-en, madame, la communauté scientifique n'a pu rester passive face aux récentes décisions qui l'ont affectée directement. Elle ne pouvait accepter le décret bouleversant le statut des enseignants-chercheurs : il menace la fécondation réciproque de l'enseignement et de la recherche, pourtant vitale pour le développement des universités et pour la qualité des enseignements. Les universitaires ont rappelé qu'on ne saurait dissocier enseignement et recherche par souci d'économie ou pour valoriser des carrières individuelles.

De même, le projet modifiant en profondeur le recrutement et la formation des professeurs des écoles, collèges et lycées a rencontré une vive opposition, y compris au sein de la CPU, car il sacrifie l'apprentissage de la pédagogie. L'incorporation de la formation des enseignants au sein des universités marquerait la fin du cadre national de cette formation, dont les IUFM étaient les garants. Chaque université devant proposer sa propre maquette de mastère, nous assisterions à une balkanisation de la formation des professeurs.

Ces réformes rétrogrades interviennent dans un contexte général de suppression de postes. Alors que le Gouvernement ne cesse de réaffirmer le caractère prioritaire de l'enseignement supérieur et de la recherche, il diminue le nombre des emplois statutaires dans un secteur qui n'a jamais souffert de surnombre. Depuis 25 ans, l'effectif du personnel universitaire a augmenté de 30 % quand le nombre d'étudiants croissait de 300 % ! Comment s'étonner qu'un grand nombre de jeunes quittent l'enseignement supérieur sans diplôme et que les étudiants ne soient plus attirés par les carrières scientifiques et universitaires ? Comment seront produites et transmises les connaissances dans un proche avenir ?

Alors qu'il y a urgence à définir un plan pluriannuel de création d'emplois statutaires, on supprime des postes pour 2009 et l'on annonce des suppressions dans les organismes de recherche. L'opinion publique désapprouve ces suppressions de postes qui affaiblissent notre système éducatif.

Nombreux sont ceux qui vous disent qu'il y a urgence à revoir la politique du Gouvernement en matière d'enseignement supérieur et de recherche, et tous ne sont pas d'affreux révolutionnaires et des chantres de l'immobilisme ! Ceux que vous vous plaisiez à citer pour défendre vos projets vous le disent : « La politique à courte vue de coupes claires sans discernement dans la recherche et l'enseignement supérieur est suicidaire ». Ces mots sont d'Albert Fert, prix Nobel de physique 2007, membre du comité de suivi de la loi LRU, dont vous chantiez les louanges il y a quelques mois encore.

Toute la loi LRU doit être revue car elle met à mal l'indépendance des universitaires, privés de la responsabilité de définir la politique scientifique des universités, confiée dorénavant aux conseils d'administration au sein desquels figurent des représentants étrangers à l'université. L'indépendance des enseignants-chercheurs est aussi remise en cause par les prérogatives confiées aux présidents d'université pour le recrutement, la rémunération, l'évaluation des personnels et la définition des services. La mise en place d'un « système présidentiel avec confusion des pouvoirs », pour reprendre les mots d'un universitaire, doit être abandonnée au profit d'institutions collégiales. Point d'autonomie sans collégialité, sans indépendance des universitaires, sans évaluation par les pairs !

Une réforme des universités devrait tenir compte de la spécificité des disciplines ; chacune a sa propre temporalité, ses propres critères de recrutement, ses propres pratiques pédagogiques. L'autonomie des universités devrait donc s'accompagner d'une forme d'autonomie au niveau des disciplines, tant pour la recherche que pour l'enseignement, Une réforme n'est légitime que dans la mesure où la qualité des formations est assurée ; d'où l'exigence d'un recrutement des enseignants-chercheurs sur la base de critères objectifs. De plus, il est indispensable que l'État débloque des moyens inédits pour que chaque université puisse devenir pleinement autonome : toutes ne disposent pas des mêmes atouts. Il ne s'agit pas de retrancher des moyens aux plus avancées mais de porter les moyens des plus modestes au niveau des établissements universitaires d'excellence. Ce n'est qu'à ce prix que l'autonomie des universités pourra s'affirmer.

Plus que jamais l'investissement dans l'enseignement supérieur et la recherche est une dépense d'avenir. Investir dans l'avenir en améliorant le système éducatif est un devoir que nous avons à l'égard de nos enfants. Ce discours est aujourd'hui partagé par quelques chefs d'entreprise éclairés.

Pour reprendre les slogans présents dans les amphis, « l'université n'est pas une entreprise », « le savoir n'est pas une marchandise ». II est grand temps de réinscrire l'enseignement supérieur, la recherche, l'éducation et la culture au coeur d'un projet de société humaniste donnant corps aux valeurs de la République, Il faut donc substituer à la LRU une authentique réforme qui encourage la créativité et l'audace des enseignants-chercheurs et qui assure une réelle égalité des chances à tous les étudiants.

Madame la ministre, il vous appartient de sortir de cette crise par le haut, Nous vous exhortons à répondre à l'appel de la coordination nationale des universités qui demande instamment l'ouverture d'états généraux de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le Gouvernement ne peut continuer à mettre en oeuvre des projets auxquels la communauté scientifique est opposée. Il y a urgence à restaurer la confiance ! Je vous le dis solennellement : ne manquez pas cette occasion, ne méprisez pas cette main tendue. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Legendre.  - A juste titre, le Président de la République avait placé au coeur de sa campagne électorale la nécessité de réformer les universités et, dès juillet 2007, le Gouvernement nous a saisis d'un projet ambitieux tendant à instaurer l'autonomie de nos universités. Cette réforme longtemps attendue a été jugée indispensable sur tous les bancs de cette assemblée, même si nos collègues socialistes ne l'ont pas votée en raison du mode de gouvernance retenu par le projet de loi et de l'absence d'une programmation financière. Le Gouvernement a fait de la politique en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche sa première priorité budgétaire et, d'ici 2012, près de 20 milliards supplémentaires seront engagés dans ce secteur. C'est pourquoi il me paraît indispensable de réaffirmer, au nom de la commission des affaires culturelles, la nécessité du principe de l'autonomie.

Cette réforme s'inscrit dans un projet global d'augmentation du niveau des connaissances de nos concitoyens, de la maternelle à l'université. Je rappelle que l'objectif que nous partageons tous de porter 50 % d'une classe d'âge au niveau des études supérieures est loin d'être atteint et que le taux d'échec à l'université demeure élevé : près de 90 000 jeunes sortent sans diplôme de l'université. C'est pourquoi le Gouvernement a lancé simultanément plusieurs réformes ; le projet de loi relatif aux universités est l'une des pierres de l'édifice. Il a posé le socle permettant à nos universités d'accéder en cinq ans à une autonomie budgétaire et patrimoniale et de s'ouvrir au monde extérieur, pour tenter d'améliorer l'insertion professionnelle des jeunes, qui est désormais une des missions de l'université.

Nul ne conteste aujourd'hui que l'université ait aussi pour mission d'assurer l'avenir professionnel des étudiants. Du reste, nous avions tous jugé en 2007 que cette loi était nécessaire, mais pas suffisante. C'est pourquoi le Gouvernement a aussitôt ouvert cinq chantiers auxquels certains d'entre nous ont participé.

La loi n'est pas gravée dans le marbre ; certaines dispositions peuvent susciter des difficultés d'application. C'est le cas aujourd'hui pour le décret sur les enseignants-chercheurs. Leur indépendance, consacrée par le Conseil constitutionnel, est la garantie d'une pensée libre, consubstantielle à leurs fonctions. Contrairement à ce que d'aucuns prétendent, nul ne songe à porter atteinte à ce principe, mais il ne doit pas servir de bouclier à l'immobilisme de ceux qui refusent toute évolution. Il était donc bon de rappeler ce principe dans le projet de décret, tout en réaffirmant l'absolue nécessité d'adapter les dispositions en vigueur aux nouvelles missions des universités dans leur organisation actuelle.

Une large majorité de la communauté universitaire en est d'ailleurs convaincue, le texte de 1984, rigide, inadapté, devant être à l'évidence actualisé. Sa modernisation doit s'inscrire dans le cadre de l'autonomie voulue par le législateur, en introduisant une modulation entre les activités de l'enseignant-chercheur, avec une gestion adaptée de sa carrière. L'évaluation de toutes les fonctions doit mieux être prise en compte, y compris sur le plan financier. La création d'un service national de référence permettra une application cohérente.

Mais quelles que soient les difficultés, nous devons aller au bout du chantier pour mieux former notre jeunesse, car il est inconcevable de faire marche arrière moins de deux ans après le vote de la loi. Nos concitoyens ont à l'esprit le fameux classement de Shanghai, qui place nos universités loin derrière les plus prestigieuses. Certes, les critères sont contestables et la France essaye d'obtenir un classement européen qui nous soit plus favorable, mais il reste que nos universités ont besoin de se moderniser, de se regrouper et de disposer de plus de moyens pour exister à l'échelle mondiale, d'autant plus que la crise qui se profile confirme l'impératif de formation et de qualification.

Il faut aujourd'hui dissiper les malentendus. Vous avez déjà organisé, madame la ministre, un dialogue constructif, qui devrait apaiser les tensions. Notre collègue, M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour l'enseignement supérieur et membre du comité de suivi pour l'application de la loi, a reçu nombre d'universitaires. Son intervention exprimera son sentiment sur la meilleure façon de mettre fin à l'actuel climat de défiance.

En conclusion, j'insiste sur la nécessité de maintenir le cap si nous voulons relever les défis de la formation et de la recherche. Nous avons souhaité que les universités disposent de libertés et de moyens accrus pour créer de nouvelles coopérations et s'installer durablement au plus haut niveau des pays développés. C'est une exigence pour l'avenir. Notre devoir et notre responsabilité interdisent de reculer ! (Applaudissements à droite. M. Jean-Léonce Dupont applaudit également)

Mme Françoise Laborde.  - Le constat est clair : notre pays a quitté en peu de temps le cercle des nations les plus dynamiques en matière de recherche et développement. Troisième pays scientifique en 1970, septième en 1995, la France se situe au quatorzième rang mondial pour la part de son PIB consacrée à la recherche et au développement, soit à peine plus de 2 %. C'est très insuffisant ! Nous sommes loin de l'objectif ambitieux de 3 % fixé par l'Union européenne à l'horizon 2010.

Que l'on considère les dépenses par étudiant, les bourses, les crédits d'équipement ou la surpopulation des amphithéâtres, il est clair que le système universitaire se dégrade. Parallèlement, la concurrence internationale se fait de plus en plus vive. Le classement des universités mondiales -avec ses imperfections- se fait trop souvent à notre détriment.

Dans ce contexte, lutter contre l'échec à l'université doit être l'objectif premier de la réforme. Mais comment y parvenir ? Certainement pas dans la précipitation, l'urgence et l'absence de concertation. Une réforme est d'autant plus indispensable que la recherche, l'enseignement supérieur et l'innovation seront déterminants pour sortir de la crise, mais l'adoption en urgence de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités est loin d'être satisfaisante : faute d'avoir était entendu, le malaise des universitaires s'exprime dans la rue depuis de nombreuses semaines.

Comment espérer mettre en oeuvre efficacement une réforme, bancale dès le départ, dans un tel climat de défiance ? Le statu quo n'est certes pas envisageable, mais l'écoute sereine des principaux acteurs permettra d'améliorer les dispositifs inadaptés imposés il y a deux ans. La nomination un peu tardive de la médiatrice, Claire Bazy-Malaurie, va dans le bon sens. J'ai hâte de lire la nouvelle mouture du décret décrié !

Pour combattre l'échec à l'université, il faut commencer par créer de nombreux postes d'enseignants-chercheurs au lieu de multiplier les heures supplémentaires qui alourdissent le service des maîtres de conférences et nuisent à leurs travaux. La réforme cavalière du statut des enseignants-chercheurs ne résoudra aucun problème ! Il faut rapidement revoir les textes régissant les universités -et les moyens humains dont elles disposent- en respectant l'autonomie des établissements et, bien sûr, l'indépendance des enseignants-chercheurs. Les nouvelles missions confiées aux universités justifient pleinement un plan pluriannuel de recrutement.

L'autre levier indispensable concerne l'orientation, la motivation et l'accompagnement des étudiants. La question cruciale du logement constitue l'une des principales causes d'échec. L'offre des résidences universitaires est insuffisante, les loyers privés sont trop élevés. Résultat : la moitié des étudiants travaillent pour financer leurs études, souvent au point de les sacrifier.

Le plan « Campus » crée un système universitaire à deux vitesses, s'ajoutant à l'inégalité de traitement profonde avec les grandes écoles. Objectif républicain par excellence, l'égalité des chances dans l'accès aux études supérieures n'est pas près de devenir une réalité ! La réussite en licence était mise en exergue dans ce grand projet. Consacrez-y les moyens nécessaires !

J'ai déjà souligné ici l'excellence de la Haute-Garonne pour l'enseignement supérieur et la recherche, avec 100 000 étudiants représentant 10 % de l'agglomération toulousaine. Pourtant, leur avenir me préoccupe. Je souhaite aujourd'hui avoir une réponse à propos d'un cas concret. L'IUT de Blagnac a créé un DUT unique en France « aide et assistance pour le monitoring et le maintien à domicile », une formation transversale innovante en adéquation avec le besoin de services qualifiés. Mais l'autorisation d'ouverture délivrée en juillet 2008 n'a pas été accompagnée des quatre postes nécessaires. Le cursus fonctionne donc avec des enseignants vacataires et avec l'appui de personnels administratifs et techniques issus d'autres filières. Cette situation compromet la pérennité de l'expérimentation, ainsi que le parcours des étudiants inscrits, alors que la prise en charge des personnes âgées dépendantes prend une ampleur croissante dans notre société. Il est urgent d'encourager ces nouvelles filières aux débouchés professionnels assurés !

Avant la crise, le taux d'activité de notre jeunesse était insuffisant : à en croire le Pôle emploi, le nombre de jeunes chômeurs a augmenté de 23 % en un an, 46 % d'entre eux restant au chômage plus de six mois. Il est donc paradoxal qu'une formation comme celle dont je viens de parler ne bénéficie pas d'un réel appui. La réponse n'est pas l'intégration des IUT aux universités, avec une mutualisation des moyens bénéficiant au seul budget de l'État.

La réforme des universités, que nous attendions tous et qui nous a tant déçus, doit prendre un nouvel élan dans le respect de l'indépendance et de la liberté des enseignants-chercheurs, son fil rouge étant la réussite. On ne réforme pas contre, on réforme avec ! (Applaudissements à gauche)

M. Yannick Bodin.  - Ne sachant pas très bien si je devais m'adresser à vous-même ou à M. Darcos, je m'adresse au Gouvernement, comme m'y invite votre déclaration commune du 12 mars sur la formation des maîtres.

Prolongeant la loi du 10 août 2007, vous avez lancé un nouveau cursus pour les maîtres de l'enseignement primaire et secondaire, passant par un mastère. Depuis plusieurs semaines, l'actualité est ponctuée par les protestations que votre réforme a suscitées. La journée d'aujourd'hui en est une spectaculaire illustration. Après des semaines d'immobilisme, vous avez formulé quelques propositions nouvelles, mais l'ensemble reste inacceptable.

La loi Fillon a rattaché aux universités les Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM). Nous avions alors affirmé que les IUFM disparaîtraient, ce que le ministre avait nié. On voit ce qu'il en est aujourd'hui.

Il fallait réformer les IUFM tout en les conservant, pour maintenir l'apprentissage professionnel du métier d'enseignant. Jusqu'à présent, la première année en IUFM était consacrée aux enseignements théoriques nécessaires à la préparation des concours, la deuxième année permettant de fréquenter en alternance un établissement d'enseignement scolaire et de recevoir une formation devant les élèves.

Vous vous préparez à supprimer cette année d'alternance et de formation pratique, au profit de la seule logique des savoirs. Et la formation continue sera réduite de manière dramatique. Devant les contestations soulevées dans le monde enseignant, un « dispositif de stage », selon votre communiqué, devrait être mis en place : 108 heures de stages d'observation et 108 heures de stages « en responsabilité » seraient créées, respectivement pour la première et la deuxième année de mastère. Cela ne représente que quelques semaines à temps complet. La rémunération, 3 000 euros, n'est pas comparable avec celle perçue durant l'année en alternance. Vous octroyez généreusement 12 000 bourses supplémentaires, d'un montant maximum de 2 500 euros. Mais peut-on vivre une année avec cette somme ?

Je m'interroge sur les stages à responsabilité dans un établissement d'enseignement : seront-ils obligatoires pour passer le concours ? Ce n'est pas ce que votre communiqué du 12 mars laisse penser. En année de mastère, les concours seront prédominants -au détriment des stages- et l'ouverture sur la recherche on ne peut plus limitée. La formation pédagogique, c'est l'apprentissage d'un savoir-faire et d'un savoir-être, ce qui est plus qu'indispensable quand on travaille avec des enfants. La pédagogie enseignée dans les IUFM donnait aux futurs enseignants les compétences nécessaires à l'exercice de leur métier, ainsi qu'une culture professionnelle. Un métier, cela s'apprend ! Quant au concours, il sera désormais centré sur trois types de savoir : la connaissance des programmes scolaires, l'adaptation d'un savoir à une classe à travers une leçon modèle, la connaissance de l'institution scolaire. Or savoir, ce n'est pas savoir enseigner. De plus, la présentation au concours la même année que le mastère ne me semble pas judicieuse. Quels seront les résultats au mastère quand les étudiants n'auront pensé qu'à leur concours ? Votre mastère deviendra un sous-diplôme.

La réforme exige également un mastère II pour pouvoir être maître. Le but est d'élever le niveau des connaissances. Soit : qui ne souhaite cette élévation du niveau de connaissances ? Puissent même les enseignants tous connaître La princesse de Clèves... Il s'agit aussi de revaloriser le statut des maîtres. Fort bien. Mais vous supprimez ainsi une année de retraite pour les futurs enseignants, ce qui représente 800 millions d'euros d'économies. Et vous sacrifiez un objectif essentiel du système universitaire : prendre en compte la diversité sociale à l'université, lutter contre les discriminations. Je croyais, à vous écouter, que le Gouvernement poursuivait cet objectif. La République s'est toujours fait un honneur d'aller chercher les futurs enseignants parmi les classes populaires. Elle voulait des maîtres qui soient des enfants du peuple, à l'image de la France. Aujourd'hui, à peine 33 % des enfants de classe modeste accèdent à l'enseignement supérieur et seulement 16 % obtiennent les diplômes les plus élevés. En supprimant l'année de stage rémunérée, vous appauvrissez ce recrutement. Vous brisez les efforts en faveur de l'égalité des chances. Combien de filles et fils de banlieue accéderont au métier d'enseignant ? Vous instaurez l'élitisme. Qui pourra suivre cinq ans d'études sans rémunération et avec des bourses très faibles...

Et que deviendront les nombreux titulaires du mastère Enseignement qui auront raté le concours, Les réorienter après cinq ans d'études ? Les critiques se sont multipliées et, madame la ministre, vous avez tardé à y répondre. Le conseil d'administration de la Conférence des présidents d'universités vous a solennellement demandé de repousser la mise en place des nouveaux concours à la rentrée 2011. Une dizaine d'universités seulement vous a remis les fameuses maquettes, malgré les délais supplémentaires qui ont été octroyés. Les autres hésitent entre cérémonie officielle de non-remise de la maquette et simple boycott. Le bon sens impose de repousser en bloc à la rentrée 2011 toute l'application de la réforme.

La nouvelle autonomie des universités vaut en particulier pour le contenu des cours. Comment l'harmonisation de la formation des maîtres sera-t-elle préservée ? Vous n'êtes pas assez précise et catégorique sur cette indispensable unification. Et vous n'avez annoncé la semaine dernière qu'une série de mesurettes pour remettre la professionnalisation des futurs maîtres au coeur de leur formation. Aucune cohérence ! Madame la ministre, quand abandonnerez-vous votre réforme pour en construire une autre, concertée, réfléchie, combinant cours théoriques et stages de longue durée dans les classes ? Quand comprendrez-vous que les jeunes ne peuvent être instruits et bien formés que par des maîtres bien formés, digne du respect et de la confiance de la République ?

L'actualité m'incite à le rappeler : plus que jamais l'école doit être le rempart contre les intégrismes, contre l'obscurantisme, l'ignorance dont le Pape s'est fait par ses derniers propos le chef de fille. Rappelons-nous la formule de Lincoln : « L'éducation coûte cher ? Essayez l'ignorance ! » Nous ne pouvons prendre de risques : l'avenir du pays dépend pour partie de la formation des maîtres. Sauvez-la. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Léonce Dupont.  - Notre débat a lieu dans un climat d'inquiétude. En tant que rapporteur de la commission des affaires culturelles pour l'enseignement supérieur, j'ai tenu à entendre les enseignants-chercheurs et les étudiants. J'ai ainsi mieux cerné les causes du malaise. Certains sont opposés à toute réforme, mais ils sont ultra-minoritaires. La plupart juge indispensable d'évoluer.

Quant à moi, je suis favorable aux réformes annoncées et je suis un fervent défenseur de l'autonomie des universités, imposée par la nouvelle donne mondiale. Toutes les conditions de réussite n'étaient cependant peut-être pas réunies.

M. David Assouline.  - Tiens, tiens...

M. Jean-Léonce Dupont.  - Le rythme des réformes est tel que les chantiers se succèdent trop vite. Ils sont parfois trop rapidement conceptualisés, insuffisamment préparés et assortis de calendriers peu réalistes. (Marques d'approbation sur les bancs socialistes) Le temps de la concertation et de la préparation n'est pas un temps perdu : c'est un temps d'explication, de maturation, de « calage ». Quand on ne le prend pas suffisamment en amont, on y est contraint en aval, mais dans des conditions plus tendues. (On renchérit à gauche)

En outre, en dépit de moyens supplémentaires très importants, le mouvement de réformes a été terni par des mesures telles que la suppression de 900 emplois. Le signal n'était ni positif, ni cohérent. En effet, quand le Président de la République affiche aussi clairement le caractère prioritaire de l'enseignement supérieur et de la recherche, il ne paraît pas raisonnable d'appliquer à ces secteurs les règles de la Révision générale des politiques publiques (RGPP). Comme vous avez dû souffrir, madame la ministre, de devoir assumer de telles contradictions !

Je me réjouis que le Gouvernement soit revenu sur cette suppression. Les universités n'en doivent pas moins utiliser au mieux les deniers publics, renforcer les moyens humains consacrés au tutorat, à l'orientation et à l'insertion professionnelle ainsi qu'à la gestion financière et patrimoniale, aux ressources humaines, aux systèmes d'information. J'ajoute que certaines déclarations ont choqué les enseignants-chercheurs et chercheurs. Elles leur sont apparues traduire un insuffisant respect de leurs missions.

M. David Assouline.  - Vous voulez parler des déclarations du Président de la République ?

M. Jean-Léonce Dupont.  - Maladroites et injustes, elles ont navré la communauté universitaire. Je ne crois ni utiles ni efficace de tenir de tels propos vexatoires. Tout cela peut expliquer la cristallisation des oppositions et les dérives, souvent encouragées par l'extrême-gauche, qui a soufflé sur les braises pour chercher à anéantir la loi LRU.

La loi LRU est une absolue nécessité pour notre système d'enseignement supérieur et pour l'avenir des étudiants français, ceux-là même qui descendent dans la rue en réclamant une formation et des diplômes les préparant à une bonne insertion professionnelle. Le fait qu'elle soit caricaturée par une minorité n'y changera rien.

Certes, le Sénat avait anticipé certaines conséquences regrettables de cette loi. Le mode d'élection du président de l'université a parfois abouti à des paradoxes en cas d'opposition frontale entre deux listes, donnant un pouvoir d'arbitrage exorbitant aux personnels et aux étudiants, et il n'a pas toujours permis de choisir des équipes dirigeantes prêtes à affronter l'avenir. Le comité de suivi de l'application de la loi, dont je suis membre, a insisté sur la nécessité pour les établissements de se doter d'un véritable projet, qui prenne en compte l'environnement de l'université.

Ce point me semble révélateur de ce que nous, sénateurs, pouvons apporter à notre pays. Comme rapporteur de cette loi, j'ai anticipé ses difficultés d'application et ai dû me battre pour faire prévaloir des positions de bon sens. Certaines de mes propositions ont été adoptées, d'autres n'ont pas été retenues, sans parler de celles évoquées très en amont, malheureusement vite écartées, telle la création d'un sénat académique. Les préoccupations sénatoriales étaient fondées, et je souhaite que le Gouvernement prenne acte du fait que le Sénat incarne souvent la sagesse.

Ainsi, lorsque nous demandons qu'un temps suffisant soit consacré à la préparation ou à la mise en oeuvre d'une réforme, il s'agit d'une nécessité, comme dans le cas du report de la réforme de la première année des études médicales. Pour ce qui est de la mastèrisation de la formation des futurs enseignants, qui suit l'intégration des IUFM aux universités, la suppression de l'année de stage ne permettait pas d'améliorer la préparation à ce métier. Madame la ministre, les précisions que vous avez apportées ces derniers jours devraient calmer bon nombre d'inquiétudes. Quant aux délais de mise en oeuvre de la réforme, ils paraissaient peu réalistes mais ont été assouplis par la progressivité liée au degré de préparation des établissements. De nombreux étudiants s'inquiètent encore de la période transitoire : il faut préciser certains points, et s'assurer de la pertinence des parcours et de l'articulation des concours avec les formations en mastère.

J'attache également beaucoup d'importance à la réforme de l'allocation des moyens aux universités. Nos commissions des finances et des affaires culturelles ont proposé au printemps 2008 un système de répartition des moyens à l'activité et à la performance (« Sympa »), mais nous nous interrogeons sur ses modalités d'application. Philippe Adnot et moi-même prévoyons de créer dans les semaines à venir une mission de contrôle sur ce thème. Madame la ministre, pouvez-vous vous assurer que la répartition des crédits ne favorise pas les universités monodisciplinaires proposant un nombre important de mastères au détriment des universités pluridisciplinaires accueillant de nombreux élèves en licence ? Par ailleurs, les écoles internes d'ingénieurs, et surtout les IUT, craignent une diminution de leurs moyens liée à la répartition entre les différentes composantes des universités. Vous avez su les rassurer, madame la ministre, au moins pour 2009 et 2010. Pouvez-vous nous confirmer que les conséquences financières de l'équivalence établie entre travaux pratiques et travaux dirigés seront prises en compte ?

Il me semble également très important que la charte de bonne conduite soit publiée sous forme de circulaire afin de clarifier durablement les relations entre les universités et les IUT. Il convient de trouver une solution entre ce qui ne peut plus être un fléchage et un traitement inadéquat qui consisterait à déshabiller Paul pour habiller Jacques. Il ne faudrait pas que les formations professionnalisantes fassent les frais d'un éventuel manque de rationalisation des moyens dans d'autres filières. Bon sens et équité doivent prévaloir.

Enfin, chaque université doit pouvoir s'adapter et s'organiser afin de remplir au mieux ses différentes missions. La modulation des services des enseignants-chercheurs va dans ce sens. Il est indispensable d'évaluer et de valoriser leurs tâches : enseignement, recherche, pilotage -ce dernier devant être davantage pris en charge par des personnels administratifs. Les concertations sur le projet de décret ont permis de trouver un certain équilibre par la répartition à parts égales des promotions arrêtées par le Conseil national des universités et de celles confiées aux universités. Certaines missions, telle la recherche, s'évaluent plus logiquement au niveau national, tandis que d'autres nécessitent plus naturellement la proximité.

Au-delà des débats techniques, il nous faut prendre du recul et sortir de la défiance réciproque. L'évolution du système d'enseignement supérieur et de recherche est indéniable, et souvent souhaitée par ses acteurs. Elle doit aussi suivre les attentes de nos concitoyens. Il appartient à la représentation nationale de construire avec les enseignants-chercheurs et la communauté universitaire des perspectives d'avenir, qui entraînent nécessairement des changements -mais la vie n'est-elle pas changement ?

Notre pays ne sortira de cette période troublée que par le haut. Il ne faut pas renoncer aux réformes : elles sont indispensables, profitables aux enseignants-chercheurs eux-mêmes et s'accompagnent d'importantes revalorisations salariales et de carrières. Leur objectif premier est la qualité de l'enseignement supérieur et de la recherche, et l'avenir des étudiants. Je forme le voeu, au nom du groupe Union centriste, que notre débat de ce jour contribue à rétablir la confiance. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Pierre Bordier.  - La réforme des universités a jeté les bases d'une véritable refondation. Notre système universitaire a très peu évolué depuis 30 ans alors que les effectifs ont doublé, et que la mondialisation nous a imposé de nouveaux défis. Nous avons permis à de nouveaux publics d'entrer dans l'enseignement secondaire et supérieur, mais trop de jeunes le quittent aujourd'hui sur un échec et trop de diplômés n'accèdent pas au marché du travail.

L'université française a perdu de son rayonnement. Ainsi, le classement de Shanghai, qui ne retient que quatre établissements français parmi les 100 premiers mondiaux, agit comme un signal d'alarme. C'est non seulement l'avenir de notre système éducatif qui se joue, mais aussi notre potentiel d'innovation, notre compétitivité, nos emplois. A l'heure où la contestation remet en cause la réforme engagée, n'oublions pas que l'université française se trouvait dans un carcan qui l'empêchait d'évoluer. Grâce au texte que nous avons voté, elle va enfin pouvoir accéder à l'autonomie et à d'autres réformes.

Certains reprochent à la loi LRU d'instituer une autonomie concurrentielle et de conduire les universités à un développement inégalitaire. Partout, le succès des systèmes publics d'enseignement supérieur repose sur des universités autonomes. Faut-il demeurer dans un système archaïque ? Les systèmes centralisés ne permettent pas l'adaptation constante nécessaire dans un monde de compétition. Et lorsque l'on vise l'efficacité, il n'y a pas de meilleur principe que de faire confiance à l'esprit de responsabilité.

La question de la gouvernance se posait en premier lieu car elle était pour le moins atypique. Dorénavant, le conseil d'administration sera un organe stratège, ouvert sur le monde extérieur, particulièrement sur les entreprises et la région. Le président de l'université est élu par le conseil d'administration, ses pouvoirs sont élargis. Les universités sont dotées de responsabilités nouvelles, comprenant l'établissement d'un budget global et la gestion de leur patrimoine. Elles pourront créer de nouvelles formations, nouer des partenariats et drainer des fonds grâce aux fondations universitaires, et enfin recruter l'ensemble de leur personnel au rythme de leurs besoins.

La réforme du statut vise à accroître l'attractivité des carrières des enseignants-chercheurs. Pouvez-vous nous présenter les conclusions de la récente concertation, afin de rassurer pleinement la communauté universitaire ?

L'autonomie des universités est nécessaire mais pas suffisante. C'est un préalable à une stratégie de lutte contre l'échec en premier cycle : 47 % des étudiants passent en deuxième année alors que 28 % redoublent et 24 % sortent du système universitaire. Seuls 59 % des étudiants français terminent leurs études universitaires, onze points de moins que la moyenne de l'OCDE ! Il faut revoir la question de l'orientation, améliorer l'information des lycéens et des étudiants, mieux définir les parcours de formation et d'insertion professionnelle, amplifier les échanges entre le second degré et les universités.

Il faut évaluer les possibilités d'insertion offertes par chaque filière, pour que l'étudiant choisisse sa voie en toute connaissance de cause. Votre plan « Réussir en licence » vise à éviter les erreurs d'orientation afin de diviser par deux le taux d'échec en première année d'ici cinq ans. Quels sont les moyens employés ? Où en est le projet de « bureaux d'insertion » dans les universités ?

Enfin, pouvez-vous nous présenter les premiers résultats de l'opération « Campus », qui permettra aux universités sélectionnées de se lancer dans la compétition internationale avec un projet de long terme ? En obtenant la gestion de leur parc immobilier, parfois hors normes de sécurité, nos universités vont gagner en souplesse mais aussi encourir un risque financier. Quelles mesures sont prévues pour les plus petites d'entre elles ?

L'État réalise un effort financier sans précédent : 5 milliards sur cinq ans. En 2009, chaque université verra son budget augmenter d'au moins 10 %. Pour que cet investissement soit efficace, il faut des universités réellement opérationnelles. La loi que nous avons votée devrait permettre cette refondation. (Applaudissements à droite)

M. Serge Lagauche.  - Les médias ont surtout relayé les revendications sur le statut des enseignants-chercheurs et la formation des enseignants, mais vous ne pourrez faire l'impasse sur le volet recherche pour dénouer la crise. Jusqu'ici, c'est la stratégie du saucissonnage qui a prévalu, le Gouvernement tablant sur le pourrissement du conflit, et laissant une direction du CNRS largement discréditée seule face à la colère légitime des chercheurs.

Le secteur de la recherche, à commencer par le CNRS, subit depuis plusieurs années attaques, mépris et dénigrement. Les gouvernements de droite ont développé un discours « décliniste » pour mieux vendre à l'opinion la casse de notre système de recherche. La France est l'un des rares pays à accorder un tel crédit au classement de Shanghai ! Si notre recherche était si médiocre, pourquoi une telle fuite des cerveaux ? Si nos chercheurs sont aussi appréciés à l'étranger, c'est qu'ils sont bien formés !

Depuis 2004, la communauté scientifique a montré qu'elle était prête à évoluer, mais les propositions issues des états généraux de la recherche ont été balayées, voire dévoyées. Depuis sept semaines, elle est mobilisée pour défendre l'indépendance du savoir et de la connaissance contre les lois du marché et de la concurrence. Le 12 mars dernier, plus de 500 délégués de toutes disciplines se sont organisés en coordination nationale pour appeler à l'arrêt du démantèlement des organismes de recherche, de l'affaiblissement de notre potentiel de recherche, et à la création d'emplois dans la recherche publique. Samedi, ce sont plus de 250 directeurs de laboratoires qui ont décidé d'amplifier leur action. Hier, l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Aeres), symbole de votre conception purement managériale de l'université, a été occupée.

L'assemblée des personnels de l'Université technologique de Troyes, déjà passée à l'autonomie, dénonce une logique du retour sur investissement qui fait du transfert de technologies la priorité, les enseignants-chercheurs étant soumis à la Direction de la valorisation et des partenariats industriels : « Notre université est désormais gérée comme une entreprise. Ses finalités deviennent : recherche de rentabilité et marge. En appliquant chez nous des recettes qui ont prouvé leur inefficacité, le directeur peut désormais manager seul, sans contre-pouvoir, une organisation qui n'a de publique que... plus de 90 % de son budget. »

Le statut des enseignants-chercheurs, garant de l'indépendance et de la liberté d'enseignement et de recherche, est un rempart contre les pressions économiques et les instructions du pouvoir politique et administratif. On comprend que vous vouliez réduire le nombre de fonctionnaires : l'indépendance, voilà ce qui heurte le plus notre hyper-Président ! Son discours du 22 janvier, empreint de mépris pour les chercheurs, a légitimement heurté la communauté scientifique. Quelle piètre caricature des chercheurs, mauvais, archaïques, idéologues, partisans, conservateurs, aveugles, immobilistes, installés dans le confort de l'autoévaluation et travaillant dans des structures obsolètes, archaïques et rigides ! (M. Daniel Raoul s'exclame) Il faudra plus que des propos qui se veulent rassurants et des pseudo-négociations sur des sujets parcellaires pour regagner leur confiance !

Un premier signe serait d'annuler les suppressions de postes nettes et indirectes prévues dans les organismes. « Il faut rendre plus lisible la politique de recrutement dans les universités et les organismes de recherche, et donner aux acteurs de la recherche plus de visibilité sur le recrutement et le déroulement des carrières. C'est pourquoi je considère qu'il est nécessaire de mettre en place un plan pluriannuel de l'emploi scientifique », disait M. Fillon, alors ministre de l'éducation nationale, lors des assises nationales des états généraux de la recherche en 2004. Je lui dis : « chiche ! ». Cela créerait les conditions d'un retour de la confiance et d'un dialogue apaisé.

Il faut également faire le bilan du crédit impôt-recherche. On ne peut continuer d'arroser le sable avec des sommes démentielles ! Avec le plan de relance, les entreprises bénéficieront d'un remboursement anticipé du crédit impôt-recherche. Rhodia devrait percevoir 20 millions en 2008, contre 7 millions en 2007. Or cette manne supplémentaire se traduira par 23 suppressions de postes de recherche et développement, et la marge dégagée sera affectée à la réduction de la dette du groupe ! Dans le même temps, le Président de la République vilipende les modalités d'évaluation du CNRS... Si ce n'était aussi grave pour l'avenir de notre pays, c'en serait risible !

Que le Président, si prompt à prendre les États-Unis comme modèle, regarde donc les engagements de Barack Obama : doubler le financement fédéral de la recherche fondamentale en physique, biologie, mathématique et ingénierie ; rendre la recherche scientifique et technologique accessible dans toutes les universités ; améliorer les connaissances scientifiques et technologiques de la population. On pourrait ajouter le financement public de la recherche sur les cellules souches embryonnaires.

Que propose le plan de relance de Nicolas Sarkozy ? Des travaux immobiliers et une anticipation du crédit impôt-recherche ! Rien sur la recherche publique. Quant à la recherche fondamentale, c'est à se demander si le Président sait que cela existe... Le Gouvernement aurait très bien pu obtenir d'entreprises comme Total qu'elles réinvestissent une partie de leurs bénéfices record dans la recherche publique, par exemple dans les énergies alternatives ou la biodiversité marine, puisque c'est la thématique choisie par la Fondation Total pour redorer son image. Je serais curieux de connaître le crédit impôt-recherche de Total pour 2008...

Vous semblez apprécier la pensée de Jacques Derrida, madame la ministre, puisque vous avez utilisé une courte citation tirée de l'Université sans condition : « Professer, c'est s'engager », en guise de conclusion d'une tribune intitulée Ce que je veux dire aux enseignants-chercheurs. Je citerai à mon tour Jacques Derrida, toujours dans le même ouvrage : « Nous devons réaffirmer, déclarer, professer sans cesse l'idée que cet espace de type académique doit être symboliquement protégé par une sorte d'immunité absolue, comme si son dedans était inviolable... Cette liberté ou cette immunité de l'Université, et par excellence de ses Humanités, nous devons les revendiquer en nous y engageant de toutes nos forces. » (Applaudissements à gauche)

M. André Lardeux.  - Les universités vivent à nouveau un psychodrame dont seule la France a le secret. Il n'est pas l'heure de disserter sur cette ossification de notre société dont il reste à espérer qu'elle n'est pas inéluctable... La loi sur l'autonomie des universités avait suscité quelques espoirs. Comme il était prévisible, ces espoirs sont déçus. Les personnels n'ont pas constaté d'amélioration de leur situation, ne serait-ce qu'en termes de considération. Force est de constater que le mépris dont ils se sentent victimes a quand même quelques fondements. De plus à cette autonomie, à laquelle on n'a pas donné de vrais moyens d'exister, on a mis, les habitudes aidant, tellement de considérants qu'elle n'est en fait qu'une liberté surveillée. Ce qui manque le plus c'est la confiance. Pas seulement celle des citoyens ou des personnels, mais aussi, car l'exemple vient d'en haut, celle de l'État qui veut toujours tout régenter depuis Paris alors qu'il n'en a pas les moyens : il nous faut au moins passer du contrôle a priori au contrôle a posteriori et ne pas supposer que tous les présidents d'université ont des compétence en gestion et management.

Quoiqu'il en soit, dans l'état actuel des textes, on s'est arrêté au milieu du gué et l'autonomie n'est qu'une fiction dont les intéressés voient bien les inconvénients mais ne perçoivent pas les avantages. Pour qu'il y ait vraiment autonomie, deux éléments, que l'on n'a pas voulu considérer jusqu'alors, sont indispensables : les moyens financiers et la sélection.

Les moyens financiers ont certes progressé mais ils n'assurent guère l'avenir, d'autant que l'impécuniosité de l'État ne peut que s'aggraver et qu'il est condamné à une sévère cure d'amaigrissement. Même si certains enseignants sont loin d'atteindre les fameuses 128 heures, les deux seuls leviers qui existent réellement viennent du financement privé. Le premier, celui des entreprises est aléatoire, vu la conjoncture, et il sélectionnera immanquablement les domaines immédiatement utilisables sur le plan économique : inutile de dire que les juristes et les littéraires ne peuvent y compter. Le second a pour source les droits d'inscription. Quand on parle de les augmenter, les défenseurs acharnés du statu quo poussent des cris d'orfraie. Pourtant toutes les grandes universités dans le monde perçoivent des droits beaucoup plus élevés que les universités françaises. Leur augmentation présenterait quelques avantages : une pérennité de moyens plus sûre, une plus grande motivation des universités pour être plus attractives, enfin la motivation des étudiants qui ont intérêt à un retour convenable sur leur investissement financier. Cela suppose bien sûr que les étudiants d'origine modeste bénéficient d'un système de bourses dignes de ce nom. Ces bourses devraient au départ être, comme actuellement, attribuées sur des critères sociaux, mais ensuite renouvelées sur des critères académiques, pour que les étudiants soient assidus et efficaces. Tout cela suppose que les enseignants disposent de bureaux et d'équipements informatiques.

La sélection serait plus démocratique que l'actuelle situation de jungle. C'est pourtant un mot plus gros encore que le précédent et qui heurte notre mentalité égalitariste, laquelle pourtant ne s'émeut guère des inégalités existantes car elle considère finalement que certains sont plus égaux que d'autres. Les universités devraient pouvoir sélectionner les étudiants pour mettre fin à une hypocrisie peu glorieuse -sous réserve malgré tout d'une sérieuse réforme du lycée pour que celui-ci forme des jeunes aptes à faire des études supérieures. Une grande partie des études supérieures ne se fait qu'après sélection : les BTS, les IUT -dont il faut se souvenir qu'ils devaient s'adresser aux bacheliers technologiques qui ont pourtant beaucoup de mal à y accéder-, les grandes écoles, les études médicales et paramédicales, les écoles de formation sociale, les instituts d'études politiques, les établissements relevant de certains ministères, l'IGN par exemple ou la Météo, etc. Alors, envisager la sélection à l'université n'a donc rien d'incongru. Le maintien de la situation actuelle est une faute vis-à-vis des jeunes. Il est peut-être souhaitable d'augmenter le nombre de diplômés, mais pour quels diplômes ? Avec le système actuel beaucoup quittent l'université sans rien. Et pour combien de ceux qui obtiennent un diplôme, celui-ci n'est-il qu'un passeport pour nulle part avec un visa pour l'inconnu ? Certes l'université est censée dispenser la culture générale, mais il y a des limites à la tartufferie ! Je ne citerai pas d'exemple pour ne pas faire de peine à certaines filières. Je me contenterai d'un seul souvenir : il y a quelques années j'ai procédé au recrutement d'un conservateur de musée ; il s'est présenté plus de 80 candidats dont les dossiers étaient recevables. Que sont devenus les 79 candidats non retenus ? Ayons donc le courage de développer certaines formations en BTS ou NT, certes bien plus coûteuses que l'université, et d'empêcher trop d'étudiants de s'engager dans des voies sans issue. Bien sûr avec beaucoup de mauvaise foi, on va prétendre que je veux limiter l'accès à l'enseignement supérieur. Il n'en est rien : si la sélection est réalisée sérieusement en tenant compte des besoins sociaux et économiques, chacun peut y trouver sa place ; le nombre d'étudiants ne diminuera pas, mais chacun sera mieux à sa place.

Des changements s'annoncent dans l'organisation territoriale du pays, qui pourraient être l'occasion d'associer davantage les régions dans l'établissement de la carte des formations universitaires.

A l'heure où on veut donner un peu de liberté aux universités publiques, on en retire aux établissements privés. Jusqu'alors les facultés et établissements libres pouvaient, en vertu de la loi de 1975, passer convention avec n'importe quelle université publique pour la validation des examens, ou recourir à un jury nommé par le recteur d'académie. Or l'administration vient d'imposer que cela se fasse avec l'université la plus proche. Il est dommage que le Gouvernement accepte ce recul de la liberté d'enseignement. Dans le même ordre d'idées, quelle interprétation fait-il de l'accord passé en matière universitaire entre le ministère des affaires étrangères et le Saint-Siège. (Applaudissements à droite)

M. Daniel Raoul.  - Bonne question !

Mme Marie-Christine Blandin.  - Les universités sont depuis six semaines le lieu d'une mobilisation massive et transversale contre les textes du Gouvernement. La communauté universitaire demande qu'on la respecte. Les phrases prononcées par le Président le 22 janvier ne sont pas de ce registre, et la question gratuite « les prix Nobel ne sont-ils pas l'arbre qui cache la forêt? » révèle, outre le mépris, une profonde sous-estimation de l'importance de la transmission des savoirs pour une société cultivée, et une grande ignorance des mécanismes d'émergence des découvertes. Comme en biodiversité, c'est la forêt qui permet l'arbre exceptionnel. S'accrocher à un désir d'arbre exceptionnel et répandre le défoliant est contre-productif.

La communauté universitaire n'est pas respectée, quand elle voit les mots de ses revendications passées repris pour servir de cheval de Troie à des concepts très libéraux de mise en concurrence des campus, des laboratoires, des équipes, des individus, par un système mixte de précarisation et de management au mérite, sur des critères non pensés et non gérés par la communauté scientifique. Et vous qui parlez « résultats », n'avez-vous pas vu que, pour l'OCDE, malgré un investissement français au 18e rang mondial, le CNRS est au premier rang européen et au 4e rang mondial ?

Dans ce contexte de raréfaction des moyens et de management compétitif, chacun est sous tension pour être, non pas le meilleur -c'est-à-dire le plus curieux, le plus pédagogue, le plus attentif aux difficultés des autres-, mais pour être le plus performant -celui que l'on voit, celui qui publie, celui qui répond aux critères d'un conseil d'administration où la parole de la communauté scientifique et les attentes des étudiants s'effacent devant le souci du Président d'obtenir les justes subventions qui lui permettront de rénover un bâti vétuste. Ce management relève de l'esprit entrepreneurial et franchit allègrement les limites qui garantissaient un véritable service public de l'enseignement supérieur et de la recherche : fin des garanties d'emploi et d'évolution de carrière, fin de la nécessaire étanchéité entre les moyens des ressources humaines et les moyens de la logistique. Dès lors la variable d'ajustement devient l'enseignant qui exige de faire de la recherche, le chercheur qui n'a pas publié depuis deux ans, le laboratoire qui dénonce des risques sanitaires, l'équipe qui ne décroche pas de partenariat avec une entreprise, la discipline qui ne débouche pas sur les brevets... Avec cette idéologie, les spécialistes de l'archéologie ne pèsent pas lourd.

Ce management joue mécaniquement la carte de l'utilité immédiate : dans cette logique, il faut pouvoir prendre et laisser des enseignants au rythme des inscriptions, prendre et laisser des chercheurs au rythme des modes de l'ANR, et, surtout, ne pas être obligé de conjuguer la dualité fertile de la mission de recherche et de la mission d'enseignement. Vous sous-estimez l'importance pour un chercheur de confronter ses explications avec les capacités de compréhension de ses étudiants, tout comme vous sous-estimez la richesse que porte en lui chaque jeune thésard, que l'on ne saurait brider en lui confiant seulement des tâches d'enseignement. Vous jouez la carte de la rentabilité à très court terme, et c'est ainsi que la richesse intrinsèque du CNRS vous a échappé. Tout au plus avez-vous repéré quelques domaines visibles, que vous avez souhaité rapprocher des départements semblables de grands organismes. Or la richesse du CNRS, c'est sa diversité, ses échanges, sa possibilité de pluridisciplinarité, et c'est précisément cette souplesse que vous entamez. Vous péchez par défaut d'anticipation des mutations profondes qui nous attendent : changement climatique, démantèlement de l'organisation du travail, érosion de la biodiversité, migrations des peuples du sud. Ces défis-là ne sont assurément pas solubles dans un empilement de solutions techniques, fussent-elles brevetables ! Ces défis-là ont également bien peu de chance d'être éligibles au crédit d'impôt, meilleur moyen que le Gouvernement a trouvé pour gonfler l'apparence de son budget.

La communauté universitaire veut être respectée et quand elle dénonce les suppressions de poste, l'érosion des subventions, un pilotage non éclairé, des fusions à marche forcée, des mises en concurrence contre nature, il faut l'entendre, entendre ses représentants, lui donner de vrais interlocuteurs, et non pas la diviser et l'égarer dans des instances éphémères et sans légitimité. Car elle veut une réforme ambitieuse, qui repose la question des grandes écoles, qui revisite le pilotage et le rôle de l'ANR, qui s'appuie sur des évaluations repensées et qui articule intelligemment les organismes et l'université. Elle voit dans l'appui aux entreprises la contrepartie du développement de l'emploi scientifique et de vrais débouchés pour les doctorants. Elle imagine de meilleurs processus pour dialoguer avec la société, répondre à ses attentes tout en gardant sa nécessaire autonomie. Elle aspire à être mieux impliquée dans la définition et la mise en oeuvre des synergies européennes.

La scandaleuse réforme que vous projetez pour la formation des professeurs nie l'importance de l'apprentissage pratique de la pédagogie.

Les étudiants, eux aussi, veulent être respectés. Ils sont issus de cette classe qu'on appelle « les jeunes », dont 20 % vivent sous le seuil de pauvreté.

Certains, révoltés par le sort qui leur était fait, ont eu le malheur de croire que vous tiendriez les engagements pris lors des négociations sur la loi LRU. Un an après, ils attendent toujours des logements. Aucune construction n'est prévue dans le budget pour 2009 et les inscriptions de 2008 ne sont qu'à moitié affectées quand pas moins de 93 % des étudiants, contraints de se loger dans le privé, subissent la spéculation sur les loyers. Aujourd'hui, le tribunal, sur demande d'une riche propriétaire, assignent huit étudiants, qui se sont installés dans un immeuble vide depuis onze ans, à payer 6 000 euros par mois et 53 000 euros pour immobilisation de biens. Leurs ressources étant comprises entre zéro et 800 euros par mois, leurs comptes sont bloqués. Cherchez l'erreur ! Une véritable politique universitaire commencerait par se préoccuper du quotidien de ceux qui viennent apprendre, y compris des étrangers si mal accueillis chez nous, en proposant un revenu étudiant, comme au Mali, ou un revenu pour les jeunes.

Enfin, dernière catégorie à respecter, madame la ministre, celle des parlementaires en répondant aux questions justifiées par la colère du terrain. (Mme Valérie Pécresse, ministre, sourit) Combien de postes d'ingénieurs, de chercheurs et de techniciens supprimés au CNRS en 2008, en 2009 et dans les années à venir ? Combien dans les autres organismes ? Et je vous prie de ne pas parler de non-remplacement des départs en retraite, ce n'est pas une excuse, c'est un handicap transmis aux générations futures. Autre sujet : y a-t-il un milliard de plus par an, comme prévu dans la loi de programme 2006, ou s'agit-il du même milliard d'euros que celui du Grenelle ? Si les 600 millions de crédit d'impôt ne sont pas fictifs, peut-être faut-il en réorienter une partie pour des postes. Convenez que 0,23 % pour la recherche dans le plan de relance, hors engagements pris, n'est pas digne de notre ambition. Des réponses sans détour donneront à voir la réalité du soutien à l'université et la capacité que nous offre, paraît-il, notre nouveau Règlement de contrôler sur pièces l'action du Gouvernement ! (Applaudissements à gauche)

M. Yannick Bodin.  - Très bien !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Madame la ministre, mon intervention portant sur la réforme de la formation des enseignants, je vous laisse le soin de trier entre les reproches que je vous adresse et ceux qui concernent M. Darcos...

Quel talent ! Jamais pareille unanimité n'avait été réunie contre un projet. Des étudiants à la société des agrégés, en passant par les enseignants et les sociétés savantes, l'opposition est générale, seul varie le niveau de langue. Pourtant, vos intentions étaient pures : pour reprendre les termes de M. Darcos, le but était d'assurer aux enseignants français « une formation universitaire comparable à celle de l'ensemble de leurs collègues européens au terme de cinq années d'études (...) pour assurer une meilleure qualité de l'enseignement délivré à nos élèves ». Sublime effort, il était question d'augmenter les salaires. Que du bluff ! Aujourd'hui, quel enseignant, y compris les professeurs des écoles, ne totalise pas déjà, entre formation universitaire, préparation aux concours et année de formation professionnelle, cinq années d'études, voire plus ? Pourquoi n'avez-vous pas plutôt reconnu par un mastère les années de formation initiale, comme le demandent depuis longtemps les directeurs d'IUFM ? (Mme Valérie Pécresse, ministre, maugrée) A propos, vous pourriez augmenter leur rémunération ! Tout se passe comme si votre objectif était d'organiser un vaste marché d'enseignants sur le modèle anglo-saxon sur lequel les établissements d'enseignement pourraient s'approvisionner en contractuels... Belle modernisation ! Je caricature ? Hélas !, ce n'est pas le cas quand M. Darcos donne aux présidents d'université réticents cette réponse digne d'un directeur des ressources humaines : « Moi, je n'ai pas absolument besoin d'entrer dans des discussions sibyllines... » -« byzantines » voulait-il dire- « ... avec les préparateurs de mes concours. Je suis recruteur. Je définis les concours dont j'ai besoin. Je garantis la formation professionnelle des personnels que je recruterai. Après, que chacun nous suive ou pas... » Par « formation professionnelle », entendez-vous des bouts de stages et de remplacements dispersés sur les deux années de mastère ? Les nouvelles recrues seront immédiatement mises devant une classe. Les enseignants n'ont pas le droit aux simulateurs, désormais réservés aux pilotes de lignes et de chars Leclerc. Ces derniers, il est vrai, manipulent des engins coûteux... Critiquable la formation professionnelle des IUFM ? Certes, mais pas de formation professionnelle, est-ce mieux ? Disons que cela présente l'avantage de coûter moins cher...

A ses effets pervers, ajoutons qu'en repoussant d'un an l'accès aux concours, vous demandez un effort financier supplémentaire aux étudiants issus des classes populaires pour qui ces débouchés professionnels sont traditionnellement importants. En outre, qu'apportera cette année supplémentaire dans la discipline d'origine à des professeurs des écoles par définition polyvalents ?

M. Daniel Raoul.  - Très juste !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Bourses ou rémunération accessoire des stages n'y changeront rien.

A terme, ce projet signifie la disparition des IUFM, tout au moins de leurs antennes départementales maintenues à bout de bras par les collectivités. Dans mon département du Var, la moitié des postes de maîtres formateurs, associés au centre IUFM de Draguignan, est déjà supprimée. Madame la ministre, la disparition des IUFM est-elle programmée ?

Pour conclure, je vous propose de méditer les propos que Mme de La Fayette, si admirée du Président de la République, prête à la princesse de Clèves prenant congé de Nemours : « Ce que je crois devoir à la mémoire de M. de Clèves serait faible s'il n'était soutenu par l'intérêt de mon repos ; et les raisons de mon repos ont besoin d'être soutenues de celles de mon devoir ». Madame la ministre, si ce n'est pas par conviction que vous remettez votre projet en chantier, que ce soit au moins pour votre repos ! (Applaudissements à gauche)

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.  - Cette nouvelle procédure de contrôle parlementaire, je m'en réjouis, est l'occasion de réaffirmer la priorité absolue que le Président de la République accorde à l'université durant ce quinquennat...

M. Daniel Raoul.  - Il ne suffit pas de le dire !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - ... pour soutenir une université d'excellence et une recherche de qualité, inscrite dans un large continuum des laboratoires de la recherche fondamentale à l'innovation, dans cette société mondiale de la connaissance.

Cette priorité accordée à la connaissance, à la transmission du savoir et à la jeunesse se traduit dans les faits. Tout d'abord, il fallait donner aux universités les moyens juridiques de leur rayonnement, ce qu'aucun gouvernement n'avait entrepris depuis 40 ans. L'autonomie, j'ai le devoir de le dire, est l'outil du rayonnement de l'université partout dans le monde, ce que la Présidence française a d'ailleurs voulu inscrire dans une résolution européenne. Elle donne à l'université les moyens juridiques de définir sa stratégie de recherche et de formation ; nouvelles libertés qui sont le corollaire de nouvelles responsabilités ainsi que le Sénat l'a indiqué en modifiant l'intitulé de la loi. Dès l'été 2007, je me suis engagée à accompagner cette autonomie en lançant le plan « Réussir en licence », une opération de rénovation du logement étudiant, un plan de carrières universitaires, un plan de soutien aux jeunes chercheurs et, enfin, un plan concernant la vie étudiante qui ont permis des avancées significatives, mais dont les effets se feront sentir dans les années à venir.

Aujourd'hui, messieurs Assouline et Legendre, la loi du 10 août 2007 est appliquée par nos 83 universités, les nouveaux conseils d'administrations travaillent et le calendrier est respecté. De fait, nous avons prévu un passage progressif aux compétences élargies en matière financière et de ressources humaines jusqu'au 1er janvier 2012 : après que 20 universités ont accédé à l'autonomie depuis le 1er janvier 2009, 34 sont candidates pour le 1er janvier 2010 et bénéficient actuellement, à ce titre, d'audits. La liste en sera donnée en juin 2009.

Chacune des universités autonomes a reçu une subvention de 250 000 euros afin qu'elle puisse procéder aux recrutements nécessaires et récompenser les personnels impliqués avec courage et volontarisme dans la préparation de la réforme. En 2009 une nouvelle subvention de 250 000 euros leur sera allouée.

L'encadrement est renforcé par les mesures de requalification des emplois, qui ont concerné 800 personnes, tandis qu'un processus de requalification par promotion interne est en préparation pour septembre. Pour les personnels administratifs, un plan triennal de formation est en cours depuis le printemps, qui bénéficie à 1 500 agents, pour un coût de 1,5 million. J'ajoute qu'une cellule de soutien a été mise en place au ministère pour aider à mettre en oeuvre les recommandations des audits.

Quels moyens en faveur de l'autonomie ? Ce sont 1,89 milliard et 34 175 emplois de l'État dont bénéficieront les 20 universités concernées. Il convient d'y ajouter les crédits d'accompagnement : 16 millions en 2009, 52 millions sur la période 2009-2011.

La réforme des modes de financement est primordiale pour réussir le passage à l'autonomie. Contrairement à ce que prétendent certains, aucune privatisation n'est à l'oeuvre puisque 95 % de la dotation restera provenir de l'État, via une contractualisation fondée sur les objectifs de formation et de recherche de chaque établissement. Les mesures en faveur des carrières, qui en sont partie prenante, permettront de valoriser la richesse humaine, tandis que dans le cadre du plan de relance, 30 millions seront consacrés à la préparation des transferts immobiliers.

MM. Renar et Lardeux ont insisté sur la question des moyens. En 2009, avec une hypothèse d'inflation à 0,4 %, les crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche seront en augmentation de 9 %, de 26 % si l'on prend en compte la mobilisation anticipée du crédit d'impôt-recherche, dont l'augmentation est sans précédent.

Quant au budget des universités ne disposant pas de l'autonomie, il n'inclut, par définition, ni les crédits immobiliers, ni la masse salariale. J'ajoute qu'au plan immobilier, les contrats de projet État-régions seront « boostés » par le plan de relance.

Au total, en 2009, la Nation dépensera 1 000 euros de plus par étudiant : 8 500 euros, au lieu de 7 500 euros en 2007. Les universités seront dotées de 117 millions supplémentaires en crédits de fonctionnement, et de 150 millions supplémentaires crédits de mise en sécurité, soit 237 millions contre 78 millions en 2008.

Les dix-sept petites universités, monsieur Dupont, bénéficieront de moyens inédits : 11 % d'augmentation de leurs crédits de fonctionnement et de mise en sécurité, contre 3 % l'an dernier : 13 % pour l'université d'Avignon, à quoi s'ajouteront les contrats CPER pour son centre de recherche en agronomie ; 13 % pour l'université du Havre, sans compter les 20 millions consacrés à la rénovation du campus. Les universités pluridisciplinaires des villes moyennes jouent un rôle spécifique dans la formation de proximité : dans le cadre de la réflexion sur les modalités de l'allocation des moyens, elles feront l'objet d'une attention toute particulière de mon ministère.

J'en viens au sujet des emplois. Loin qu'il soit question, comme je l'ai entendu, de suppressions, l'enseignement supérieur et la recherche, érigés en priorité par le Président de la République, ne seront pas soumis à la règle de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux. L'année 2008, déjà, n'a connu aucune suppression. En 2009, 900 non-renouvellements sont prévus, ce qui représente moins de 0,6 % des effectifs du ministère. Sont concernés 433 emplois statutaires, soit le seul non-remplacement d'un départ sur douze, dont 183 dans les organismes de recherche -une centaine au CNRS, avec cette précision, madame Blandin, qu'il n'y a eu aucune suppression en 2008- et 225 dans l'enseignement supérieur, soit une moyenne de deux emplois par établissement, et qui ne concernent pas les enseignants-chercheurs qui bénéficieront au contraire d'une création nette de 85 emplois, par redéploiements entre emplois restitués par les universités, souvent de catégorie C, et emplois reversés par le ministère, d'enseignants-chercheurs pour l'essentiel, afin d'assurer l'accompagnement du plan « Licence ». Restent 467 emplois non statutaires dont 265 postes d'allocataires de recherche non pourvus.

Je précise, outre que le Premier ministre s'est engagé, pour 2010 et 2011, à un maintien des postes de l'enseignement supérieur, que l'effort demandé aux établissements est intégralement restitué aux personnels via les mesures de carrière. Des moyens exceptionnels de revalorisation des carrières sont en effet mobilisés pour la période 2009-2010 : 250 millions, qui s'ajoutent aux 750 millions de revalorisation des rémunérations de la fonction publique, soit deux fois plus de moyens nouveaux qu'en 2006-2008. Les salaires des maîtres de conférence nouvellement recrutés seront ainsi revalorisés de 12 à 25 %, grâce à la prise en compte, dans le reclassement, du doctorat et des années de « post doc » ; le taux de promotion, pour l'ensemble des grades, sera doublé d'ici à 2011 ; de nouvelles primes, pouvant aller jusqu'à 15 000 euros, viendront valoriser les activités de recherche et d'enseignement -qui fait aussi partie des missions essentielles de l'université. Au total, de 2007 à 2011 les crédits attribués aux universités pour les primes des personnels augmenteront de 32 %, et le taux de promotion progressera de 62 % d'ici à 2011. Toutes ces bonnes nouvelles entreront en vigueur dès que le statut des enseignants-chercheurs aura été adopté. (On s'amuse à gauche) Nous offrons de surcroît, ainsi que le souhaitait la conférence des jeunes chercheurs, un vrai contrat à tous les doctorants, avec toutes les garanties attachées à un contrat de droit public. Il convient en effet de valoriser les doctorats dans les carrières, y compris en entreprise. (M. Jean-Léonce Dupont approuve)

S'agissant du financement, nous sommes résolument décidés à placer l'équité au coeur des modes d'allocation : 80 % des crédits seront attribués en fonction de l'activité. Les universités qui, sur cinq ans, ont perdu beaucoup de leurs étudiants verront leurs moyens revus à la baisse, au profit de celles dont les effectifs ont cru de plus de 35 %, selon un sain principe de solidarité entre établissements. Pour la formation, les crédits seront alloués sur la base, non plus du nombre des inscrits, mais du nombre d'étudiants présents aux examens, afin d'inciter les universités à mieux accompagner leurs étudiants. Pour la recherche, la répartition se fera en fonction du nombre d'enseignants-chercheurs qui publient. La réforme de l'allocation des moyens permettra de répartir 889 millions cumulés sur la période 2009-2011. Toutes les universités verront leurs moyens fortement progresser dans les trois années à venir, les moins bien dotées au regard de leurs performances voyant leurs crédits augmenter plus vite que les autres.

En 2009, la hausse moyenne des budgets des universités sera de 6,5 %, la fourchette étant comprise entre 0,5 % pour les mieux dotées et 25 % pour les moins bien dotées.

L'objectif est de faire entrer l'Université dans une culture de responsabilité et de liberté, dans un contexte de gestion contrainte des finances publiques.

Au lieu de 3 %, ce sont dorénavant 20 % des moyens qui seront attribués en fonction de la performance, désormais appréciée selon d'autres critères : l'insertion professionnelle et la valeur ajoutée mesurée à l'aune de la fragilité des étudiants seront déterminantes. Pour les laboratoires, ce seront les évaluations indépendantes de l'Aeres, les nouveaux projets, la tenue des objectifs contractuels qui seront pris en compte.

Le classement de Shanghai évoqué par M. Bordier et plusieurs autres orateurs ? Il est certes biaisé dans la mesure où une bonne part de nos meilleurs chercheurs et de nos meilleurs étudiants ne sont pas dans les universités. Mais pour acquérir une visibilité mondiale, nous allons mener une politique d'alliance entre universités, grandes écoles et établissements de recherche, dans un cadre territorial. Cette politique de regroupement en pôles rendra notre recherche plus lisible, la gestion plus simple et contribuera à notre rayonnement. La présidence française de l'Union européenne a lancé un processus pour que l'Union fasse un classement des universités du monde selon ses propres critères, fondés sur des données fiables.

Le décret sur le statut des enseignants-chercheurs ? Le décret actuel ne correspond plus à la richesse de ce métier ; il ne permet pas de reconnaître l'investissement de chacun. L'objectif est donc de proposer un décret qui définit un statut protecteur, avec une progression de carrière, une évaluation nationale par les pairs, selon des critères publics. C'est la transparence ! Et l'indépendance et la liberté de pensée demeurent, je le rappelle, des principes à valeur constitutionnelle. Pendant dix-huit mois, la concertation a été menée par la mission Schwartz. Ce fut, je crois pouvoir le dire, un dialogue continu ! L'engagement des chercheurs doit être reconnu par une revalorisation des carrières, engagée dès que le décret sera entré en vigueur. Un service de référence sera fixé, qui servira de base au paiement des heures supplémentaires. Le décret comporte aussi la valorisation des travaux pratiques et dirigés ; il prévoit une modulation des services, avec l'accord des intéressés, dans un cadre national de référence ; des modulations pourront être engagées dans un cadre pluriannuel selon les projets pédagogiques ou scientifiques. La répartition des promotions se fera pour moitié au niveau des universités, pour moitié au niveau national, sur la base de critères publics.

Le plan « Réussir en licence » représentera 730 millions en cinq ans. La première année de ce plan a été financée au prorata du nombre d'étudiants présents en première année avec prise en compte des étudiants en retard, les plus fragiles. Dès 2009, le financement de ce plan est intégré dans le nouveau modèle d'allocations des moyens. Nous allons aussi favoriser l'orientation active afin d'assurer une meilleure transition du lycée vers l'université.

La vie étudiante est une priorité avec 100 millions en deux ans ; avec, pour les bourses, un système plus généreux, plus lisible et plus juste pour 50 000 étudiants boursiers supplémentaires en 2008-2009 ; avec un plafond porté de 27 000 à 32 000 par an. Le nombre de boursiers a augmenté de 5 % en deux ans ; nous avons doublé le nombre des bourses à la mobilité et celui des bourses au mérite qui passe de 15 000 à 30 000. Nous faisons également un effort massif sur le logement, avec 30 000 chambres rénovées, auquel s'ajoutent les crédits du plan de relance.

L'insertion professionnelle ? Les présidents d'université ont été invités à adresser à la direction générale de l'enseignement supérieur leur schéma directeur d'aide à l'insertion professionnelle au plus tard le 13 février 2009. Les documents élaborés par les universités sont très hétérogènes, tant par leur taille que par leur forme et leur contenu, témoignant de la diversité des niveaux de réflexion et de maturité en matière d'insertion professionnelle. Certaines universités se montrent très ambitieuses.

Le ministère est réorganisé en deux directions ; face à des universités autonomes, il ne doit plus se comporter en administration tatillonne. Nous avons mutualisé toutes les fonctions stratégiques entre les deux directions générales, la DG de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle et la DG de la recherche et de l'innovation. Nous avons également créé un pôle de contractualisation chargé des contrats d'objectifs et de moyens. En dix-huit mois, nous avons publié tous les textes d'application de la LRU, un effort salué par la revue générale des politiques publiques.

Le comité de suivi ? Les parlementaires qui y siègent sont les rapporteurs de la loi. On ne pouvait pas y faire figurer des représentants de tous les groupes, sauf à en faire une agora.

M. David Assouline.  - Donc, n'y sont que ceux qui ont approuvé votre loi !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Le rapport du comité a été adressé au président du Sénat.

M. David Assouline.  - Je l'ai demandé. En vain.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Le comité de suivi a pour mission de suivre l'application de la loi pour une durée de cinq ans. Cette durée est nécessaire pour mesurer les effets des différentes dispositions, qui ne peuvent être immédiats. Il a d'ores et déjà relevé quelques difficultés, notamment au moment des élections.

Le rapport décline dix-huit recommandations, dont je citerai les plus marquantes comme améliorer la participation des étudiants aux élections, tenir compte de l'engagement des représentants élus, améliorer les modalités de désignation des personnalités extérieures. Une université ne peut se permettre de rester sans gouvernance pendant plusieurs semaines en attente d'un accord sur une liste de personnalités extérieures, pour des raisons idéologiques ou politiques. Il est envisageable de suivre la recommandation du comité qui prévoit de réduire le nombre de tours de scrutin. La participation des personnalités extérieures à l'élection du président me semble aussi une bonne recommandation. Il est anormal que des membres d'un conseil d'administration participent à la définition d'une politique de l'université mais pas à l'élection du président, comme cela se fait partout.

Dès le premier semestre 2008, neuf universités ont constitué les comités de sélection qui remplacent les commissions de spécialistes. Celles-ci étaient critiquées à plusieurs titres. Les comités de sélection permettent d'effectuer des recrutements au fil de l'eau, ce que ne permettaient pas les procédures annuelles trop rigides des commissions de spécialistes ; composés pour moitié par des experts externes à l'université, ils corrigent les effets pervers du localisme et favorisent la mobilité et l'excellence. Le comité de suivi de la loi a d'ailleurs recommandé de rendre obligatoire la présence d'experts étrangers au sein des comités de sélection. Dans tous les endroits où ceux-ci ont été mis en place, ils ont fonctionné à la satisfaction générale et n'ont donné lieu à aucun litige.

Deux universités se sont prononcées très tôt pour acquérir la compétence patrimoniale. Depuis, d'autres universités nous font savoir qu'elles seraient intéressées. Plusieurs conditions doivent être remplies : les universités doivent démontrer leur savoir-faire en la matière, avoir un véritable schéma directeur, expression d'une stratégie immobilière au service d'un grand projet pédagogique et scientifique. Les audits le diront.

La loi précise que l'État met en sécurité le patrimoine avant de le transférer. Enfin, il faut faire le point sur les obligations financières que l'université assumera en matière d'amortissement ou d'assurance.

Je suis très favorable au transfert patrimonial, qui apportera d'importantes marges de manoeuvre à l'université, mais nous devons agir avec ordre et méthode. Il est possible de lancer des expérimentations avec des universités volontaires ayant un patrimoine de qualité. Dès 2009, 10 millions d'euros serviront à établir le bilan patrimonial universitaire et à évaluer les besoins, 30 millions étant attribués aux universités qui se lanceront dans cette nouvelle compétence.

J'en viens à l'opération « Campus », en précisant que 59 universités sont concernées, et non dix comme je l'ai entendu ici.

Le Président de la République a lancé cette opération pour faire émerger de grands sites universitaires français à même de compter dans la compétition internationale de la connaissance.

Dix sites -Aix-Marseille, Bordeaux, Grenoble, Lyon, Montpellier, Strasbourg, Toulouse, Condorcet-Paris Aubervilliers, Paris intra muros et Saclay- ont été initialement retenus par un jury international et indépendant, qui a apprécié les qualités scientifiques et pédagogiques, la situation immobilière, la vie de campus et le rôle structurant pour les territoires. Les deux projets labellisés postérieurement, Lille et Nancy-Metz, seront financés sur crédits budgétaires.

L'opération « Campus » a fait bouger les lignes en accélérant le regroupement des forces scientifiques françaises et en plaçant l'université au coeur du dispositif. Les douze sites comprennent 46 universités, 40 écoles et tous les principaux organismes de recherche, avec 760 000 étudiants, 24 000 chercheurs et enseignants-chercheurs publiants. Le cas francilien est révélateur, avec les rapprochements inédits entre acteurs de très haute valeur scientifique.

L'opération « Campus » marque un tournant décisif dans les relations entre universités, collectivités locales et monde économique, la participation directe des collectivités territoriales avoisinant un milliard d'euros en province.

Le Président de la République a doté cette opération de 5 milliards d'euros, un effort exceptionnel. J'ai déjà annoncé que le campus de Lyon recevrait à titre pérenne 575 millions d'euros en capital et celui de Strasbourg 375 millions, des chiffres sans précédent pour un seul projet. J'annoncerai à chaque site le montant de la dotation allouée.

M. David Assouline.  - Combien pour Paris ?

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - A terme, ces sommes deviendront une dotation en capital pour donner aux pôles une assise financière sans précédent. Les projets immobiliers prendront la forme de partenariat public-privé.

En outre, cinq campus prometteurs et quatre campus innovants percevront 400 millions d'euros entre 2009 et 2011.

Un campus prometteur a un fort potentiel et joue un rôle international. Cette mention doit inciter les collectivités territoriales à s'investir fortement dans leur université pour conforter son rayonnement. Les campus de Paris-Est, Clermont-Ferrand, Nantes, Nice et Rennes recevront 30 à 60 milliards d'euros chacun.

Un campus innovant a une taille bien plus modeste mais dispose d'un projet jugé particulièrement digne d'intérêt. En majorité, il s'agit d'universités qui recrutent sur une thématique scientifique spécifique. Les campus de Cergy, Dijon, Le Havre et Valenciennes percevront cette prime de 20 millions d'euros à l'engagement et la mobilisation.

Je compte sur tous les sénateurs pour inciter les collectivités territoriales à accompagner leurs campus prometteurs ou innovants.

Au-delà des 59 universités directement concernées par l'opération « Campus », toutes bénéficieront de crédits accrus, grâce à l'accélération des contrats de projets État-région, une annuité et demie étant incluse dans le plan de relance. Ainsi, 550 millions d'euros supplémentaires seront consacrés à la mise en sécurité de tous les établissements universitaires.

La loi de 2007 a globalisé les dotations des IUT avec celles des universités, mais en préservant les spécificités. Ainsi, les IUT conserveront un budget propre prenant en compte le coût plus élevé induit par la formation de leurs étudiants, ce qui est justifié par le succès de la préparation professionnelle délivrée. Ils seront associés à l'évaluation du dispositif de répartition. Le dialogue fructueux conduit entre les universités et les IUT sous l'égide du ministère ont abouti à une charte structurant leurs relations. Ce document sera intégré dans le code de l'éducation. Dès les prochaines semaines, universités et IUT aborderont les contrats d'objectifs et de moyens qui les lieront. A ma demande, les présidents des universités se sont engagés à sanctuariser en 2010 les moyens destinés aux IUT, comme ils l'avaient fait pour 2009. De même, les 5 millions d'euros accordés en 2008 aux IUT seront maintenus l'année prochaine. Et je consacrerai 10 millions supplémentaires à leurs équipements, grâce au plan de relance.

S'agissant de l'IUT de Blagnac, il faut se féliciter de l'accord local ayant permis d'ouvrir ce nouveau département si nécessaire à la formation des jeunes. Sans nul doute, les moyens nécessaires seront mis à la disposition de l'IUT dans le cadre du nouveau contrat d'objectifs et de moyens.

Monsieur Renar, la sortie de la crise passe par le dialogue. La formation des maîtres via un mastère a suscité des inquiétudes, actuellement en cours de résorption.

Quelle serait l'utilité d'états généraux de la recherche et de l'enseignement supérieur ? Les états généraux de la recherche ont eu lieu en octobre 2004, après plusieurs mois de réflexion au sein de la communauté scientifique. Ils ont constitué la plus ample réflexion sur l'organisation de la recherche en France, après le colloque de Caen de 1956 et les assises nationales de la recherche en 1981-1982.

De très nombreuses propositions formulées dans le rapport final sont déjà mises en oeuvre.

En 2004, les états généraux ont demandé qu'un ministère de plein exercice soit chargé de la recherche et de l'enseignement supérieur. Il existe aujourd'hui ! Le Gouvernement accorde une priorité à la recherche et à l'enseignement supérieur, en mettant les universités au coeur de la recherche, avec une formation de qualité, comme dans les grands pays développés. Nous voulons que les organismes de recherche, le CNRS en tête, deviennent des stratèges pour éliminer les redondances, mettre fin aux lourdeurs administratives et définir une stratégie nationale de la recherche et l'innovation. La démarche doit partir du terrain.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Des mots !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - En 2004, les états généraux voulaient rendre sa juste place à l'université pour qu'elle établisse des partenariats équilibrés avec les autres acteurs de la recherche.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Des mots !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Ces établissements existent : ce sont les 20 premières universités autonomes, et toutes celles qui suivront grâce à la loi de 2007 et à l'investissement sans précédent de l'État.

En 2004, les états généraux ont demandé la création d'une nouvelle structure disposant d'un budget propre et qui soit seule chargée de financer les projets de recherche. Nous l'avons fait : c'est l'Agence nationale de la recherche, dont je fais porter à 50 % la proportion des programmes dits « blancs », financés en 2010, pour que les équipes de recherche puissent faire vivre leur créativité et leur excellence.

En 2004, les états généraux ont demandé la création d'un comité d'évaluation des opérateurs de recherche, indépendant des structures d'évaluation existantes, devant veiller à la qualité de l'évaluation. La loi de 2006 a créé l'Agence d'évaluation de la recherche de l'enseignement supérieur, qui accrédite les bonnes pratiques d'évaluation, surveille le fonctionnement des commissions d'évaluation et analyse l'utilisation des moyens consacrés à la recherche.

En 2004, les états généraux appelaient à la création de pôles de recherche et d'enseignement supérieur. Il y en a douze, qui seront bientôt quatorze. L'ensemble de notre paysage universitaire et de recherche sera structuré en pôles d'ici la fin de l'année.

Le plan de relance ajoute 730 millions d'euros aux crédits votés, dont 286 millions iront à la recherche. Ainsi, 220 millions d'euros conforteront la recherche en nanosciences, celles conduites dans le cadre du Grenelle de l'environnement ou pour la défense. Par ailleurs, 46 millions seront consacrés aux très grandes infrastructures de recherche et 20 millions aux laboratoires de recherche, qui en ont un grand besoin.

Grâce au plan de relance, les crédits destinés aux organismes publics de recherche augmenteront de 5,5 %, contre 3,5 % initialement prévus. Au total, l'évolution sera onze fois supérieure à l'inflation !

Le crédit d'impôt-recherche poursuit quatre objectifs ambitieux. Le premier consiste à conserver les centres de recherche sur le territoire français, car les délocalisations seraient désastreuses. Nous voulons aussi attirer les centres de recherche des multinationales, en utilisant à cette fin la fiscalité la plus avantageuse d'Europe. Nous commençons à recueillir les fruits de cette politique avec des établissements comme Microsoft, IBM ou Général Electric. Nous voulons également stimuler l'innovation par les PME : alors qu'elles assurent 19 % des dépenses de recherche développement, elles percevront 35 % des crédits d'impôt-recherche. Plus de 450 millions d'euros bénéficieront ainsi à 5 000 PME. (M. David Assouline mentionne Total) Enfin, nous voulons développer les liens entre recherches publique et privée. Contrairement à une idée reçue, les laboratoires publics récupèrent une part de la dépense fiscale du crédit d'impôt-recherche. L'emploi de jeunes chercheurs est particulièrement encouragé.

Des crédits supplémentaires pour 3 800 millions d'euros permettront à l'État de payer aux entreprises en un an ce qu'elles auraient normalement perçu en trois. A 90 %, les sommes supplémentaires iront à des PME.

Bien sûr, il faudra évaluer ce dispositif mais on ne peut le faire dès la première année.

M. Bodin a parlé de la formation des maîtres via un mastère. Cette réforme doit revaloriser la carrière des enseignants du premier et du second degré.

C'est une chance pour les étudiants.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Une fameuse chance... en théorie.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Du reste, cinq années de formation pour les futurs enseignants sont la norme en vigueur dans tous les grands pays.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Mais ils les font déjà, les cinq ans !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - La concertation est en cours. Notre objectif est de préparer l'année 2010 afin qu'elle se déroule dans les meilleures conditions et que l'on parvienne, en 2011, à une formation approuvée par tous. L'intégration des IUFM dans les universités va dans le sens de l'histoire, tous les pays forment leurs maîtres à l'université.

M. Jacques Legendre.  - Exactement.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Et les antennes locales ?

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Elles conserveront leur rôle de formation de proximité des maîtres au plus près du terrain et des classes. Il n'y a pas de remise en cause...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Comment cela ?

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - J'ajoute que 20 000 bourses supplémentaires vont être créées, ainsi que des stages assortis d'une rémunération de 3 000 euros, des bourses au mérite...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Nous le savons, tout cela, nous lisons le journal ! A quoi sert un tel débat si vous vous bornez à répéter ce que vous dites à la presse ?

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Ce qui serait grave, c'est que mon discours à la presse et mes propos devant vous divergent !

La biodiversité est une priorité pour notre pays, madame Blandin. Nous avons créé une fondation de coopération scientifique nationale pour rassembler tous les acteurs scientifiques concernés et je me suis personnellement engagée, au G8, auprès des autorités européennes et dans le cadre du programme des Nations unies pour l'environnement, à créer un Giec, un panel international sur la biodiversité afin de mieux lutter contre l'extinction d'espèces dont le monde est menacé. Je me bats afin que le siège de cet organisme, l'IPBES (Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services), soit installé à Paris, en lien avec l'Unesco. Le Musée de l'homme, qui l'accueillerait, fait l'objet d'une rénovation pour 50 millions d'euros : vous le voyez, l'anthropologie et l'ethnologie ne sont pas, à mes yeux, des sciences inutiles, comme vous l'avez affirmé ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Le débat est clos.

La séance est suspendue à midi trente-cinq.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.