Service d'accueil des élèves dans les petites communes

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à exclure les communes de moins de 2 000 habitants du dispositif de service d'accueil des élèves d'écoles maternelles et élémentaires, présentée par M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

Mme Anne-Marie Escoffier, co-auteur de la proposition de loi.  - Cette proposition de loi, dictée par le bon sens et l'expérience, a été élaborée au terme de nombreux échanges avec les maires. Nul ne saurait la qualifier de malvenue dans cette enceinte où la majorité d'entre nous connaît les problèmes et les difficultés des petites communes.

Le dispositif de service minimum d'accueil créé par la loi du 20 août 2008 est très difficile à appliquer correctement, et sans recourir à une improvisation qui peut se révéler désastreuse. L'instauration d'un droit d'accueil n'était pas a priori une mauvaise idée, mais sa mise en place a constitué une sorte de supercherie, faisant miroiter aux familles une aide impossible à mettre en oeuvre. Il a suscité l'opposition des syndicats, qui le perçoivent comme une violation de leur droit de grève, et des parents d'élèves, inquiets de voir l'école transformée en garderie.

De nombreux élus se sont inquiétés d'un système faisant reposer sur eux l'application d'un texte qu'ils n'ont ni souhaité ni demandé. Quant à la justice, elle a, dans de nombreux cas, donné raison aux maires réfractaires. Ainsi, selon le tribunal administratif de Bobigny, « nul ne saurait être contraint de faire ce qu'il ne peut objectivement pas mettre en oeuvre ». Cet arrêt est conforme à la jurisprudence du Conseil d'État sur la recevabilité des recours en référé.

Monsieur le ministre, comment le maire d'une commune de moins de 2 000 habitants peut-il préparer un dispositif d'accueil en moins de 48 heures, trouver des collaborateurs ayant la formation nécessaire, des bénévoles, assurer un service de restauration, organiser des transports scolaires sans tomber dans le piège d'une mauvaise garderie, parfois non dénuée de risques ?

Tous, sans exception, nous avons mesuré dans nos départements, nos cantons, nos villages, l'extrême difficulté d'appliquer cette loi adoptée de manière précipitée dans une absence totale de concertation.

Cette constatation de bon sens, le groupe RDSE n'est pas seul à la formuler puisque le Président de la République, à l'occasion du Congrès des maires du 27 novembre dernier, a déclaré : « On ne peut pas demander la même obligation de service à un maire d'une commune rurale qui n'a même pas dans ses collaborateurs un employé titulaire du Bafa et au maire d'une grande ville d'un ou deux millions d'habitants. Je le comprends parfaitement et l'on doit pouvoir trouver un accord ». C'est précisément pour trouver cet accord que nous avons déposé cette proposition de loi dont l'objet est d'exclure du dispositif les petites communes de moins de 2 000 habitants, seuil qui paraît raisonnable.

En toute logique, ce texte aurait dû recueillir le soutien de la majorité du Sénat.

M. Yvon Collin.  - Juste !

Mme Anne-Marie Escoffier, co-auteur de la proposition de loi  - Mais, à mon grand étonnement, la gauche suit les conclusions du Président de la République tandis que la droite les récuse d'un revers de main avec des arguments pour le moins fallacieux.

M. Yvon Collin.  - Tout à fait !

Mme Anne-Marie Escoffier, co-auteur de la proposition de loi.  - En premier lieu, les difficultés rencontrées « ne justifieraient pas de modifier en profondeur la répartition des compétences prévues par la loi ». L'appréciation semble quelque peu arbitraire : tous les maires de mon département et les signataires de ce texte pensent le contraire et j'ose croire qu'ils ne sont pas différents des autres...

D'autres informations contenues dans le rapport trahissent une véritable méconnaissance d'un système scolaire que je connais de l'intérieur...

M. Philippe Richert, rapporteur de la commission des affaires culturelles.  - Moi aussi ! Et peut-être aussi bien que vous !

Mme Anne-Marie Escoffier, co-auteur de la proposition de loi.  - Ensuite, monsieur le rapporteur, vous affirmez que « le service d'accueil ne peut être bien organisé qu'à l'échelle locale » avant de reconnaître qu'il est « une lourde charge pour les communes, et notamment les plus petites d'entre elles » pour déplorer enfin que les maires de bonne foi aient été assignés devant les tribunaux administratifs, « l'État semblant ainsi les stigmatiser au lieu de les aider à surmonter leurs difficultés ». Faut-il y voir le signe que vous adhérez à notre proposition de loi sans pouvoir le dire ?

M. Yvon Collin.  - Bien !

Mme Anne-Marie Escoffier, co-auteur de la proposition de loi.  - Car vous continuez de vous contredire en écrivant que « le service d'accueil n'a donc rien d'impossible par principe » quelques lignes après avoir rappelé les réponses, pour ne pas dire le catalogue de bonnes intentions, (Mme Françoise Laborde acquiesce) que le ministère a apportées aux petites communes à la suite d'une prétendue concertation.

Pour finir, je veux rappeler que je m'étais rebellée...

M. Philippe Richert, rapporteur.  - Les grands mots !

Mme Anne-Marie Escoffier, co-auteur de la proposition de loi.  - ...lorsqu'avait été mise en cause la manière dont les préfets et les inspecteurs d'académie ont relayé l'information sur ce nouveau système d'accueil ; affirmation insupportable pour tous ceux qui savent la confiance dont jouissent légitimement ces hauts fonctionnaires.

Monsieur le ministre, cette question si sérieuse du service d'accueil ne peut être résolue par des réponses simples et vagues. Comme tous les maires, j'ai lu avec attention les circulaires que vous avez adressées en janvier et février 2009. Parmi les « bonnes recettes » que vous suggérez pour organiser le service d'accueil, l'une me semble particulièrement contestable : le recours aux jeunes retraités de l'éducation nationale. Monsieur le ministre, pouvez-vous en conscience imaginer des personnes qui auraient été au nombre des grévistes quelques mois plus tôt se substituer à leurs collègues ? Trahison, cela s'appelle trahison à un code d'honneur ! (Marques d'approbation sur les bancs RDSE et à gauche) Ce débat sur le service d'accueil dépasse les clivages traditionnels comme en témoigne la position du chef de l'État...

M. Philippe Richert, rapporteur.  - Mais non !

Mme Anne-Marie Escoffier, co-auteur de la proposition de loi.  - Il est l'occasion, pour le Sénat, de prendre garde à ne pas légiférer dans la précipitation, sans bien mesurer les conséquences des votes sur les collectivités locales. A mieux prévoir, nous y gagnerions tous, à commencer par cette démocratie apaisée que nous souhaitons, aux antipodes de cette culture du conflit que d'aucuns préconisent. Monsieur le ministre, puissiez-vous être sensibles à ces arguments qui, mieux que ceux du rapporteur, apportent une réponse équitable aux parents de nos jeunes élèves, à la famille de l'éducation nationale, à notre société tout entière ! (Applaudissements sur les bancs RDSE et à gauche)

M. Philippe Richert, rapporteur de la commission des affaires culturelles.  - Le service d'accueil profite d'abord aux familles qui ne pouvaient s'appuyer sur la solidarité familiale ou recourir à un mode de garde payant pour faire surveiller leurs enfants les jours de grève. Ce nouveau droit, contrairement à ce que certains craignaient il y a huit mois lors de son institution, n'a pas limité le droit de grève puisque quatre mouvements sociaux ont eu lieu depuis sans avoir perdu de leur écho. En revanche, avec 450 000 enfants accueillis le 29 janvier dernier et son organisation dans 80 % des grandes villes le 19 mars, il répond indéniablement à un besoin social.

Néanmoins, son organisation n'est pas toujours une tâche aisée, voire une gageure dans certaines communes. D'où cette proposition de loi. La question de la répartition des compétences entre l'État et les communes mérite d'être posée mais, en cas de grève massive, le service d'accueil ne saurait être organisé qu'à l'échelle locale. Quid lorsque la commune ne peut offrir ce service ? Faut-il que l'État se substitue à la commune, comme le propose le groupe RDSE en retenant le seuil de 2 000 habitants ? Non, car 75 % des communes étant concernées, cela fragiliserait le dispositif et ouvrirait la voie à sa disparition.

Pour autant, madame Escoffier, l'organisation de ce service d'accueil est une lourde tâche pour les communes, notamment les plus petites. La commission des affaires culturelles en a pris conscience dès l'examen du projet de loi. J'en veux pour preuve les amendements que le Sénat a adoptés, en grande partie à son initiative. Malgré ces améliorations, le texte reste difficile à appliquer. Madame Escoffier, le Président de la République en a convenu mais n'y voyez pas le signe qu'il adhère à votre proposition de loi. Son propos était de soutenir les maires de bonne foi qui ont été traduits en justice bien qu'ils aient tenté d'appliquer la loi. M. le ministre, au terme d'une concertation approfondie avec les représentants des maires, a identifié les difficultés principales que rencontrent les petites communes, qui recouvrent celles avancées par le groupe RDSE. Tout d'abord, le délai-limite de 48 heures pour la transmission des déclarations de grève est trop court. Si le maire connaît souvent la date d'un mouvement social longtemps à l'avance -l'actualité récente en témoigne-, il n'est pas pour autant capable de mesurer l'ampleur du conflit et, donc, d'évaluer les besoins.

C'est la raison pour laquelle le ministère de l'éducation nationale s'est engagé auprès des maires à demander aux inspecteurs d'académie de leur transmettre en temps réel l'évolution du nombre de grévistes déclarés -les maires pourront ainsi commencer à mesurer l'ampleur de la mobilisation plus de 48 heures à l'avance- et à faire en sorte que les directeurs d'école demandent aux familles quelques jours plus tôt si elles entendent ou non faire accueillir leurs enfants. Les maires disposeront ainsi des informations nécessaires pour s'organiser.

Reste le problème du personnel d'accueil. Si les grandes villes, du fait de leur taille, disposent d'un vivier important, il est plus difficile pour les communes rurales de réunir les effectifs nécessaires. Cette question est au centre de nos débats depuis l'origine. Votre commission a souhaité que chaque commune recense à l'avance, afin d'être prête, les personnes aptes à accueillir les enfants parmi ses habitants et ceux des communes voisines. Partout où cela a été fait, le service fonctionne plutôt bien. Mais Mme Escoffier a raison de souligner que cette tâche est plus ou moins facile selon les cas. C'est pourquoi le ministère de l'éducation nationale s'est engagé à aider les communes à trouver le personnel nécessaire.

La loi n'a fixé aucune norme de qualification ni aucun taux minimal d'encadrement : non par un oubli de notre part, mais parce que nous avons tenu compte des inquiétudes des associations de maires, qui craignaient que des normes trop contraignantes soient un obstacle pour les petites communes. De telles normes ne seraient d'ailleurs pas justifiées pour un service assuré tout au plus trois ou quatre fois dans l'année, et qui consiste seulement à accueillir les élèves et non à leur dispenser des enseignements.

Les faits ne nous ont pas démentis : il y eut parfois trop d'adultes, presque jamais trop peu. Les difficultés sont donc en train de s'atténuer, et elles le feront d'autant plus vite que les services de l'État y contribueront. Il est vrai que les maires ont trop souvent manqué d'interlocuteurs.

Plusieurs mesures ont d'ores et déjà été prises. Deux instructions ont été adressées aux inspecteurs d'académie, et les préfets et sous-préfets ont été alertés par les ministères de l'éducation nationale et de l'intérieur. Tout le monde s'accorde désormais à dire que les services déconcentrés de l'État doivent prendre les devants pour accompagner les maires.

Les effets s'en sont fait sentir : lors des dernières journées de grève, plus de 80 % ont assuré ce service, 95 % dans l'académie de Strasbourg. Ce progrès ne doit pas être occulté par le fait que quelques communes en vue renâclent.

Certes, des difficultés demeurent.

M. Yvon Collin.  - Ah !

M. Philippe Richert, rapporteur.  - Mais elles sont désormais bien repérées, et le comité de suivi instauré par M. le ministre y a apporté une première série de remèdes. Les communes qui n'assurent pas ce service sont de moins en moins nombreuses : elles étaient 1 900 le 29 janvier, elles n'étaient plus que 1 400 le 19 mars.

Pourquoi donc abroger une loi de mieux en mieux appliquée ? Je préfère agir avec pragmatisme et répondre à chacune des difficultés rencontrées par les communes. Certains se prévalent de leur connaissance du monde enseignant pour dénigrer cette réforme, mais j'ai moi-même enseigné pendant de nombreuses années et exercé des responsabilités dans des établissements scolaires. Cherchons des solutions sur le terrain.

La commission des affaires culturelles souhaite que la concertation engagée soit poursuivie et elle est sensible aux préoccupations des maires des petites communes, mais elle n'est pas favorable à la proposition de loi du groupe RDSE. Ne revenons pas sur une mesure très appréciée par les familles. (Applaudissements à droite)

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale.  - Il y a quelques mois, j'ai présenté devant votre assemblée le projet de loi instituant un droit à l'accueil pour les élèves scolarisés dans les écoles primaires. Ce texte a fait à l'époque l'objet de nombreux amendements pour répondre aux attentes des collectivités locales.

Depuis lors, je me suis attaché à venir en aide par tous les moyens aux communes qui rencontraient des difficultés pour répondre à cette nouvelle obligation. Ces efforts ont permis à 90 % des communes de s'en acquitter lors de la dernière grève, comme M. le rapporteur l'a rappelé. C'est une avancée majeure pour le droit des familles. C'est aussi un progrès incontestable et un signe de maturité de notre dialogue social qui peut à présent se dérouler dans des conditions plus sereines.

C'est dans ce contexte, et alors qu'une très large majorité de Français plébiscitent le nouveau droit qui leur est reconnu, que le groupe RDSE souhaite réviser les modalités d'application de la loi pour les communes de moins de 2 000 habitants en confiant à l'État la charge d'accueillir les enfants les jours de grève.

Je ne suis pas favorable à cette proposition, non seulement parce que je la crois davantage dictée par des considérations politiques que par le souci de venir en aide aux familles... (On s'indigne de cette accusation sur les bancs du RDSE)

Mme Jacqueline Gourault.  - C'est désobligeant pour le RDSE !

M. Xavier Darcos, ministre.  - ...mais parce qu'elle remettrait en cause l'équilibre juridique, politique et pratique auquel nous sommes parvenus en dialoguant avec les représentants des collectivités.

Je sais parfaitement que l'organisation du service ne saurait être définie de façon trop stricte compte tenu de l'ampleur du réseau des écoles primaires, qui sont près de 55 000 réparties dans 22 000 communes. C'est pourquoi j'ai voulu que chaque commune définisse les modalités selon lesquelles elle souhaite mettre en place ce dispositif, plutôt que l'État, qui ne saurait avoir la même connaissance des besoins des familles et de la qualité des personnes susceptibles d'assurer l'accueil.

L'État et les communes doivent s'entendre dans l'intérêt des familles, et c'est bien ce que nous avons cherché à faire au cours des derniers mois en menant un dialogue approfondi avec tous les acteurs concernés. J'ai rencontré à plusieurs reprises les principales associations des maires et le président de l'Association des maires de France, Jacques Pélissard, pour déterminer avec eux les points à améliorer.

J'ai apporté plusieurs réponses à leurs demandes. J'ai envoyé une instruction aux préfets et aux recteurs le 22 décembre dernier -Mme Escoffier sait que les préfets ont l'habitude d'appliquer les consignes du Gouvernement... Cette instruction, rédigée en commun avec Mme la ministre de l'intérieur, précisait dans quels cas des recours devaient être engagés contre les communes n'ayant pas appliqué la loi, en distinguant entre les communes de bonne foi et celles ayant délibérément refusé de mettre en place ce service pour des raisons politiques ou idéologiques...

M. Yvon Collin.  - Parce qu'elles ne le pouvaient pas !

M. Xavier Darcos, ministre.  - ...bafouant ainsi la volonté du législateur. Peu nombreuses sont aujourd'hui les villes, grandes ou petites, qui s'y risquent.

J'ai adressé le 14 janvier aux inspecteurs d'académie une instruction portant sur plusieurs points, en accord avec le président de l'Association des maires de France : liste vivier, prévision du nombre d'enseignants grévistes, évaluation du nombre d'enfants à accueillir, collaboration plus étroite entre l'État et les communes. Je leur ai rappelé ces consignes dans une autre instruction du 25 février.

Enfin, j'ai souhaité que les inspecteurs d'académie soient aux côtés des maires pour les aider et leur donner toutes les informations nécessaires à la mise en oeuvre du droit d'accueil. Les petites communes avaient besoin de ce soutien, nous le leur avons apporté et je continuerai à demander à mes services de le faire.

Ces efforts se sont traduits dans les faits lors des grèves du 29 janvier et du 19 mars puisque près de 90 % des communes ont mis en place le SMA, sans distinction entre les grandes et les petites communes. On est passé de 55 000 enfants accueillis le 7 octobre 2008 à près de 450 000 le 29 janvier dernier. Qui peut penser que l'on puisse aujourd'hui priver les familles de ce service ?

M. Yvon Collin.  - Nous n'avons jamais dit cela !

M. Xavier Darcos, ministre.  - Enfin, c'est pour rester à l'écoute des maires que j'ai mis en place le 3 mars dernier avec leurs principales associations un comité de suivi de l'application de la loi. Un rapport d'évaluation doit m'être remis au mois de septembre. Aucune association de maires ne conteste plus le bien-fondé de la loi ; les élus souhaitent au contraire la mettre en oeuvre dans les meilleures conditions possibles.

M. Yvon Collin.  - Ce n'est pas le cas de tous les maires !

M. Xavier Darcos, ministre.  - Tout démontre que le droit d'accueil a désormais trouvé sa place dans la vie quotidienne et le patrimoine de nos compatriotes. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s'exclame ; M. Jacques Legendre, président de la commission, marque son approbation)

La question que soulève cette proposition de loi est la suivante : les maires de petites communes rencontrent-ils davantage d'obstacles pour appliquer la loi ? Je ne le crois pas. Faut-il croire qu'il est plus dur d'appliquer cette loi dans une commune de moins de 2 000 habitants que dans une ville de plus de 100 000 habitants ?

M. Yvon Collin.  - Oui !

M. Xavier Darcos, ministre.  - Je ne conteste pas que la mise en oeuvre du droit à l'accueil les jours de grève constitue pour les communes un défi nouveau. Cependant mes rencontres avec l'association des maires ruraux et les échos que j'ai eus des dernières journées de grève m'ont permis de dresser le constat suivant : même si les difficultés ne sont pas les mêmes partout, il n'y en a pas davantage dans les petites communes rurales qu'ailleurs. Faut-il vous citer les milliers de communes de moins de 2 000 habitants, voire de moins de 500 qui ont parfaitement réussi à mettre en place ce service d'accueil ? (M. Yvon Collin conteste que beaucoup y aient réussi)

En outre, je considère comme M. Richert qu'il ne serait pas justifié d'appliquer la loi différemment selon la taille de la commune : peut-on en dispenser 75 % des maires ? Distinguer entre les familles des grandes et des petites communes, c'est se heurter au principe constitutionnel d'égalité : comment prétendre qu'une famille habitant une petite ville a moins besoin de ce service qu'une famille d'une grande ville ? Faudra-t-il distinguer demain les enfants des villes et les enfants des champs ? Le droit d'accueil ne peut pas être à géométrie variable. Introduire des différences entre les communes, ce serait stigmatiser celles qui n'arrivent pas à mettre en oeuvre le droit d'accueil.

Je suis néanmoins conscient que les petites communes n'ont pas les mêmes contraintes que les grandes villes. C'est pourquoi je suis décidé à poursuivre le dialogue et à donner à mon administration les instructions nécessaires pour les accompagner.

Je vous demande donc de ne pas voter cette proposition de loi qui pourrait de surcroît se heurter à l'article 40, puisqu'elle crée une nouvelle dépense pour l'État. (Exclamations sur divers bancs)

Le droit d'accueil est un service sur lequel toutes les familles doivent pouvoir compter. Les en priver serait un retour en arrière incompréhensible. (Applaudissements à droite et au banc de la commission)

M. Yvon Collin.  - La loi instituant le droit d'accueil, votée en mai dernier dans une certaine précipitation, a vite révélé ses faiblesses et ses lacunes. Elle fait porter l'organisation et le coût de l'encadrement des enfants sur les collectivités. Nouveau désengagement de l'État, nouveau transfert de charges vers les collectivités, qui n'en ont vraiment pas besoin ! Pourquoi ce service devrait-il être à la charge de la commune alors que la grève oppose l'État employeur à ses propres agents ?

Au-delà, l'expérience met en évidence le fait que le service minimum d'accueil soulève indéniablement de nombreuses difficultés d'application, en particulier dans les petites communes. Comment voulez-vous que le maire d'une petite commune rurale organise un accueil en moins de 48 heures ? D'autant que le seuil de 25 % de grévistes, qui rend le service d'accueil obligatoire, y est très vite atteint.

La question du recrutement des personnels demeure problématique. A en croire votre circulaire du 26 août 2008, aucune qualification n'est exigée pour encadrer des enfants de 2 à 10 ans. Pourtant, les conditions d'accès aux professions assurant l'accueil d'enfants sont strictement encadrées, et le baccalauréat est le minimum requis. Votre méthode me semble donc bien hasardeuse et bien risquée.

La loi a placé dans l'illégalité des élus qui ne pouvaient pas l'appliquer, ou ont refusé de le faire par respect des règles de sécurité. Elle a donné lieu à de nombreuses condamnations. La décision d'arrêter les recours déposés par les préfets traduit bien une prise de conscience de l'inadaptation de ce texte. Il n'est pas honnête d'incriminer la mauvaise volonté des maires. Chacun est conscient des difficultés des familles, mais les communes les plus petites, qui sont aussi les plus nombreuses, ne sont pas en mesure d'assurer, nous le savons tous ici, ce service minimum, qui est un véritable casse-tête pour les maires ruraux. D'autant plus que l'opinion le considère désormais comme un droit, si ce n'est même un dû. Quand auparavant les parents s'organisaient avec la famille, les voisins, ils s'en remettent dorénavant au service minimum.

Le président de l'Association des maires a rappelé que rendre obligatoire n'était pas rendre possible ce qui ne l'est pas. Il est indispensable, pour le moins, de prendre en compte la taille des communes. Nous sommes disposés, s'il le faut, à faire évoluer le seuil de 2 000 habitants.

C'est dans un esprit constructif, pragmatique, sans a priori, que le groupe RDSE a déposé cette proposition de loi et je remercie Mme Escoffier et M. Charasse, qui sont à l'origine de ce texte tant attendu, dont nous ne doutons pas, alors qu'il a reçu l'approbation de toutes les associations d'élus, qu'il connaîtra ici le seul prolongement qui s'impose : je sais la sagesse de notre assemblée, toujours soucieuse d'améliorer l'exercice du mandat d'élu.

Je rappelle enfin à nos collègues de la majorité que ce texte a le soutien du Président de la République (M. le ministre et M. le président de la commission s'exclament) qui a prononcé, au dernier congrès des maires, des mots de bon sens qui ont inspiré notre proposition : « On ne va pas demander les mêmes obligations aux maires des communes rurales, qui n'ont même pas un employé titulaire du Bafa. »

M. Jacques Gautier.  - Pas besoin du Bafa.

M. Yvon Collin.  - Je vous invite donc à apporter votre soutien à ce texte. (Applaudissements au centre et à gauche)

M. Claude Domeizel.  - Vous avez dit, monsieur le ministre, que le service minimum ne soulève aucune protestation : nous ne devons pas rencontrer les mêmes personnes.

Décidément, comme le lundi de Pentecôte, cette loi ne vous lâchera pas, comme un chewing-gum collé à la chaussure.

M. Xavier Darcos, ministre.  - J'en suis fier !

M. Claude Domeizel.  - Jamais texte n'aura suscité autant de protestations de tous bords, le chahut qu'il a déclenché lors du dernier congrès des maires en est la manifestation la plus significative. L'émoi a été exacerbé par les recours déposés par les préfets contre les maires qui n'avaient pas appliqué le service minimum. Face à la cacophonie juridique à laquelle ils ont donné lieu, votre note du 22 décembre 2008 voudrait laisser croire que, vous-même et Mme la ministre de l'intérieur, découvriez la rafale des mises en cause de maires indisciplinés. Nous ne sommes pas dupes : tout cela était bien orchestré. Dans cette note, vous demandiez aux préfets de maintenir les recours contre les communes qui avaient refusé d'appliquer la loi ; c'est-à-dire ceux qui, en quelque sorte se comportaient en grévistes contre le SMA.

Comme vous, je considère que la loi doit être respectée. Mais lorsqu'un dispositif se heurte à une opposition de cette ampleur, il faut se remettre en cause.

Votre loi est irréaliste, car difficile à mettre en oeuvre. Comment organiser, en 48 heures, un accueil, pour des enfants de 2 à 10 ans dans les meilleures conditions de sécurité ? Sans compter le malaise qu'elle peut créer chez ceux qui se considèrent comme des briseurs de grève.

Le maire peut bien sûr faire appel à son personnel communal. Faut-il encore que le personnel non gréviste soit en nombre suffisant... Il peut également se trouver confronté à des agents qui refusent d'effectuer un travail qui, soit se situe dans des horaires où ils ne peuvent se rendre disponibles, soit ne correspond pas à leur cadre habituel d'intervention. M. le secrétaire d'État chargé de la fonction publique, que j'ai questionné oralement le 18 mars dernier, m'a lui-même confirmé qu'un fonctionnaire territorial ne pouvait se voir imposer une tâche pour laquelle il n'avait pas été recruté. Qui plus est, cette astreinte, venant s'ajouter à un travail habituel, avant et après le service d'accueil, peut entraîner une trop grande amplitude horaire de travail qui placerait le maire dans l'illégalité au regard du code du travail.

Vous l'avez donc autorisé à faire appel à du personnel externe, en constituant un vivier de personnes susceptibles de présenter les qualités nécessaires pour un encadrement sécurisé, dont la liste doit être transmise à l'inspection académique afin de vérifier d'éventuelles inscriptions au fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles. Mais comment garantir que ces personnes seront disponibles plusieurs semaines, voire plusieurs mois, après l'établissement de la liste ? Comment se feront les mises à jour fréquentes ? Ces fichiers devront-ils être soumis à déclaration à la Cnil ?

Quant aux qualités exigées, le maire d'une commune rurale de mon département me faisait observer que pour conduire un tractopelle ou un engin de déneigement, pour accomplir la moindre intervention sur une installation électrique, une habilitation était indispensable. Et l'on n'exigerait rien pour encadrer des enfants ?

Dans une même école, les enseignants non grévistes et leurs élèves travailleront-ils normalement en présence ou à proximité du service d'accueil minimum, dont l'unique activité, inévitablement bruyante, est ludique ?

S'agissant des locaux, les grévistes pourront-ils refuser l'accès à leur classe ? Le personnel assurant le service minimum d'accueil devra-t-il tenir le registre des présences ? Disposera-t-il des renseignements personnels notamment concernant la santé des enfants et les personnes habilitées à les prendre en charge à la sortie de l'école ?

La loi a certes transféré la responsabilité administrative à l'État ; les intervenants doivent-ils cependant avoir une assurance personnelle ?

L'application de la loi est incertaine pour l'avenir. Selon le rapporteur, le SMA a été mis en place dans 80 % des communes -dans 90 % d'entre elles, dit le ministre ; encore ne l'est-il souvent que partiellement et, paradoxe, pour un petit nombre d'enfants accueillis. C'est dire que l'encadrement est surévalué, ce qui est sans doute rassurant, les enfants étant bien encadrés, mais aussi inquiétant : à quoi sert donc la loi ? Un nouveau service public est instauré, peu utilisé aujourd'hui ; mais demain ? Vous savez, pour avoir exercé les fonctions de maire, que l'utilisation d'un service public est toujours faible au départ mais progresse toujours. Vous me direz que la preuve sera faite de son utilité.

M. Xavier Darcos, ministre.  - Exactement !

M. Claude Domeizel.  - Les communes seront-elles alors capables d'accueillir tous les enfants avec un taux d'encadrement d'un adulte pour 15 ?

La loi est inutile. Pourquoi faut-il une loi au moindre événement ou au moindre caprice ? Loin de moi l'idée que le Gouvernement ait imaginé par ce moyen de casser les grèves... Il existait avant un dispositif, fondé sur des circulaires, qui confiait l'organisation de l'accueil aux directeurs d'école. De nombreuses réponses ministérielles en attestent ; on y lit que « le directeur d'école prend toute disposition utile pour que l'école assure sa fonction de service public », qu'il « appartient aux directeurs d'école de rechercher des solutions pour accueillir les élèves », et qu'en l'absence de solution, « les parents doivent être informés en temps utile que l'accueil ne pourra être assuré et que l'école sera fermée ». Ou encore que « le droit de grève est reconnu aux enseignants du premier degré, y compris aux directeurs d'école. »

La nouveauté, finalement, c'est que le maire est désormais responsable de l'accueil à la place de l'État. Vous avez pris un marteau pilon pour écraser une mouche. Comme pour le lundi de Pentecôte, vous devrez un jour revenir sur cette loi inapplicable ; si vous ne le faites pas et si la majorité change, nous le ferons. Le groupe socialiste profitera de l'occasion de cette proposition de loi pour en demander par amendement l'abrogation.

Le texte en discussion exclut du SMA les communes de moins de 2 000 habitants. Pourquoi pas 3 500, 5 000 ou 20 000 ? Pourquoi pas toutes les communes ? Les difficultés et les risques les concernent toutes. Je dis également nos réserves devant le dernier alinéa de l'article unique, qui crée la confusion sur le rôle du directeur d'école en cas de grève.

Cette proposition de loi ne nous donne évidemment pas pleine satisfaction. Mais comme vient de le dire M. le rapporteur : « son adoption ouvrirait la voie à la remise en cause de la compétence communale pour toutes les collectivités ». Le texte est donc un premier pas pour démontrer la fragilité du système. Le groupe socialiste la votera, parce qu'elle enfonce un coin dans une loi populiste, irréaliste, inapplicable à terme et inutile. (Applaudissements à gauche et sur plusieurs bancs du groupe du RDSE)

Mme Jacqueline Gourault.  - Comme vous le savez, monsieur le ministre, je n'ai pas voté la loi instituant le SMA. Le fil rouge des réflexions actuelles sur les collectivités territoriales, qu'il s'agisse de celles du comité Balladur ou de celles du groupe de travail sénatorial, dont je fais partie, c'est la diversité des territoires. En d'autres termes : on ne peut appliquer partout les mêmes recettes. Vous dites qu'il ne saurait y avoir l'école de la ville et l'école de la campagne ; je crois, moi, qu'il faut s'appuyer sur la diversité des territoires pour répondre correctement aux besoins de nos concitoyens. Jamais les élus n'ont demandé qu'une loi organise le service d'accueil en cas de grève, et ce pour une raison simple : ils l'ont toujours organisé quand c'était nécessaire, moi comprise. Les élus sont de grandes personnes, ils se débrouillent ! Lorsqu'un instituteur sur six ou sept faisait grève, on répartissait les élèves dans les autres classes ; quand il y en avait davantage, on prévenait les parents et on organisait un service de garderie avec des personnels compétents. Maintenant, pour assurer le SMA, c'est presque le premier qui passe qui fait l'affaire... Il y a là quelque chose de choquant. Je ne suis pas opposée à ce qu'on aide les parents, je l'ai toujours fait, mais je ne comprends pas qu'on préfère légiférer plutôt que de laisser les élus agir sur le terrain. Notre République n'est-elle pas décentralisée ? J'ai mis en place le SMA, parce que je suis respectueuse de la loi ; mais vous avez vraiment instauré une usine à gaz, il faut désormais envoyer des fax à droite et à gauche, donner l'identité et les coordonnées des personnels qui assureront la garde... C'est devenu très compliqué.

Quant à l'article 40 ! Vous avez créé une dépense supplémentaire d'État...

M. Claude Domeizel.  - Mais oui !

Mme Jacqueline Gourault.  - ...financée, dites-vous, par les économies réalisées sur les salaires des personnels grévistes. Si on exclut les communes de moins de 2 000 habitants, comme nous le proposons, ce n'est pas une dépense, c'est une économie !

M. Claude Domeizel.  - Évidemment !

Mme Jacqueline Gourault.  - L'invocation en l'espèce de l'article 40 me stupéfie. Je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement se braque dans cette affaire. Je voterai la proposition de loi avec d'autres collègues du groupe Union centriste. Nous votons selon nos convictions, c'est cela qui fait notre charme... (Sourires) Ce texte est de bon sens. (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs du groupe du RDSE)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - La loi instituant le SMA n'a même pas un an ; c'est pourtant la deuxième fois depuis le début de l'année que nous examinons un texte qui entend la modifier. Trois propositions de loi ont déjà été déposées, c'est beaucoup mais justifié au regard des difficultés réelles rencontrées sur le terrain. Je l'avais noté le 20 janvier en défendant la proposition de mon groupe : cette loi est imprécise, ne prévoit ni taux d'encadrement, ni qualification minimum des personnels. De nombreux maires savent que les conditions de sécurité ne sont pas réunies et peinent à trouver les personnels nécessaires. Dans les petites communes, notamment rurales, il suffit qu'un enseignant soit en grève pour que l'organisation du SMA incombe au maire. Mais faute de personnel, il ne peut pas l'assurer. Il en va de même dans les communes urbaines à forte densité, où les élèves sont nombreux mais les personnels communaux mobilisables en nombre insuffisant.

La proposition de loi exclut les communes de moins de 2 000 habitants -dans son propre texte déposé en octobre, M. Masson avait fixé ce seuil à 1 500 habitants. Nous n'avons pu avoir de débat le 20 janvier puisque la commission des affaires culturelles avait demandé au Sénat de se prononcer sur ses conclusions et non sur notre texte, ce qui avait empêché l'examen des amendements, dont celui de M. Collombat prévoyant une dérogation pour les communes de moins de 3 500 habitants. En réalité, le sujet dérange au sein même de la majorité.

Les propositions successives d'aménagement du texte montrent que la loi n'est pas applicable de manière égale sur tout le territoire. Le Gouvernement a présenté le SMA aux parents comme un nouveau droit relevant du service public, ce qu'a confirmé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 7 août 2008. Les éléments constitutifs d'un service public sont cependant loin d'être réunis, puisque la loi porte une inégalité de traitement des enfants : ils ne sont pas accueillis partout dans les mêmes conditions d'encadrement et de qualification.

Le maire qui doit apprécier les « qualités nécessaires » des encadrants fait avec les moyens du bord.

Le Gouvernement avait été alerté dès le mois de juillet sur ces points de blocage, qui ont parfois motivé des recours contre les maires.

De ce fait vous avez adressé des notes enjoignant aux inspecteurs d'académie d'aider les communes, notamment pour constituer la liste du « vivier ». Le recours aux jeunes retraités de l'éducation nationale a soulevé l'indignation, d'autant plus que le SMA fut instauré en prévision de conflits qui opposeraient le Gouvernement à ses fonctionnaires, consécutivement à la dégradation du service public. Que penser d'une inspection académique sollicitant les élèves d'un lycée professionnel d'Angers en formation « BEP sanitaire et social » ou d'aides-soignants ?

Autre difficulté pour les communes : anticiper le nombre d'élèves à accueillir. Votre note du 25 février demande aux inspecteurs d'estimer le nombre d'élèves concernés. Or, l'article 5 de la loi impose à la commune d'organiser un SMA dès qu'au moins 25 % des enseignants d'une école primaire ont déclaré leur intention de faire grève. La loi n'impose pas aux familles de se prononcer.

D'après l'Association des maires ruraux de France, un compromis aurait été passé avec vous le 28 janvier pour dispenser les communes de moins de 3 500 d'habitants d'organiser un service d'accueil, sauf si les parents demandaient expressément à en bénéficier. Vos services travailleraient actuellement aux modalités concrètes à inscrire dans un texte d'application. Des aménagements ont donc été entamés pour les communes rurales, (M. le ministre confirme) ce qui ne vous a pas empêché de déclarer ici le 20 janvier que distinguer les communes rurales et zones urbaines heurterait le principe constitutionnel d'égalité. (Cela paraît incontestable à M. Alain Gournac) Vous avez même ajouté : « Comment prétendre qu'un enfant des champs ait moins besoin de ce service qu'un enfant des villes ? »

Il y a donc les principes et la réalité. Et la réalité, c'est une mauvaise loi qu'il faut abroger. Mais nous sommes d'accord avec le rapporteur, M. Richert, pour qui la proposition de loi « ouvrirait la voie à la remise en cause de la compétence communale pour toutes les collectivités ». Nous voterons cette première brèche dans le service d'accueil ! (Applaudissements à gauche.)

M. Alain Gournac.  - La proposition de loi est motivée par des préoccupations légitimes quant aux contraintes spécifiques induites par le SMA pour les petites communes.

Le groupe UMP en a conscience et il comprend ce qui justifie la demande de dérogation. Il reste que toute évolution de la loi doit être compatible avec son fondement : l'égalité entre tous les parents, qu'ils aient ou non les moyens de faire garder leurs enfants en cas de grève.

Par nature, un service public suppose l'égal accès de tous, ce qui pourrait être compromis par un traitement différencié des parents selon la taille des communes.

Il me semble en outre nécessaire de rappeler que de nombreuses avancées sont intervenues depuis la promulgation de cette loi le 21 août.

Le décret du 2 décembre 2008 instaurant une négociation préalable a été mis en application pour la première fois le 29 janvier. Il a ainsi été possible d'anticiper l'ampleur de la grève grâce au dispositif d'alerte et d'évaluer la portée du conflit. Les inspecteurs d'académie ont même parfois pu l'éviter, comme dans ma commune.

La concertation que vous avez organisée avec les associations des maires vous a conduit, monsieur le ministre, à diffuser une instruction aux inspecteurs d'académie pour décompter les grévistes, aider les communes à constituer un vivier de personnes susceptibles d'accueillir les élèves et transmettre si possible des prévisions sur les enfants bénéficiaires.

Conformément à l'esprit d'apaisement qui a inspiré le Président de la République lors du dernier congrès des maires, vous avez demandé aux préfets de mettre fin aux actions contentieuses engagées contre les municipalités qui, sans avoir formulé d'opposition au principe de la loi, n'avaient pas réussi à l'appliquer. A juste titre, vous avez distingué le refus de principe et les difficultés concrètes.

Comme l'a souligné notre excellent rapporteur M. Richert, le comité de suivi de la loi permet à chacun d'énoncer ses difficultés, voire d'esquisser des solutions.

Ces aménagements peuvent satisfaire les préoccupations de nos collègues du groupe RDSE, dont la proposition traduit un souci évident de l'intérêt général.

Lors des dernières grèves 95 % des communes -comptant souvent moins de 2 000 habitants- ont organisé le SMA. Cette loi est donc parfaitement applicable.

Si nous votions cette proposition de loi, nous compromettrions le principe d'égalité entre les enseignants des petites communes et ceux des autres, entre les familles, entre les communes.

C'est pourquoi le groupe UMP ne votera pas ce texte. (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

Article unique

L'article L. 133-3 du code de l'éducation est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« L'obligation de service d'accueil n'est pas opposable aux communes de moins de 2 000 habitants.

« En outre, elle n'est opposable dans les autres communes que sous réserve du respect, par le directeur de chaque établissement ou celui qui le remplace, de ses obligations de service en ce qui concerne l'accueil des élèves. »

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Mme Laborde n'avait pas cosigné la proposition de loi déposée par notre groupe, car elle était opposée au principe du service minimum d'accueil. En effet, elle estime le SMA contraire au droit de grève des enseignants et à la sécurité des élèves, aucune garantie de compétences n'étant exigée des personnes qui pallient l'absence des grévistes. En outre, il alourdit les responsabilités pesant sur les collectivités locales.

Jusqu'à présent, les directeurs d'école devaient organiser le service sur le temps scolaire, ainsi que l'information des parents et des autorités communales, tâche dont ils s'acquittaient fort bien. Il était donc inutile de mettre en place un service aussi compliqué pour faire face à d'éventuelles difficultés ponctuelles. Inutile également d'alourdir le fardeau pesant sur les plus petites collectivités territoriales.

Toutefois, l'assouplissement inscrit dans la proposition de loi est attendu par les communes de moins de 2 000 habitants. En pensant aux 495 communes de la Haute-Garonne concernées par ce texte, notre collègue, par pragmatisme, a rejoint notre position.

M. Hervé Maurey.  - Je n'étais pas parlementaire lorsqu'a été adopté le projet de loi sur le SMA. Si je l'avais été, je n'aurais pas voté ce texte présenté sans concertation. Sur le terrain, pendant ma campagne pour les sénatoriales, j'ai mesuré l'inquiétude des maires.

Je suis attaché à l'accueil des enfants les jours de grève, car, si le droit de grève est constitutionnel, celui de travailler ne l'est pas moins.

Je reproche à la loi de transférer sur les communes des obligations qui reviennent à l'État. Des maires que j'ai rencontrés se sont félicités de ne pas devoir faire des piqûres en cas de grève à l'hôpital, ni d'avoir à conduire des locomotives lorsqu'un conflit éclate à la SNCF... (Sourires)

Maire d'une commune de 12 000 habitants, je n'éprouve pas de difficultés à organiser l'accueil des enfants, mais comment faire dans de très petites communes ? Le Président de la République a reconnu cette difficulté. En revanche, j'estime scandaleux que l'on n'ait pas accueilli les enfants à Paris jeudi dernier.

Comment traiter de la même manière petites et grandes communes ? La jurisprudence du Conseil constitutionnel est claire, l'égalité ne vaut que dans des situations comparables.

J'aurais plutôt envie de voter l'article mais des communes d'une certaine taille peuvent assurer l'accueil et aucune solution alternative n'est prévue pour mettre l'État en face de ses responsabilités. Non, monsieur le ministre, on ne peut pas dire « tout va très bien, madame la Marquise ». J'aurais donc aimé entendre des choses plus concrètes en réponse aux difficultés que m'ont exposées encore aujourd'hui des maires de mon département.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Domeizel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit cet article :

La loi n° 2008-790 du 20 août 2008 instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire est abrogée.

M. Yannick Bodin.  - Lors du vote de la loi, nous nous étions opposés à ce qu'on casse le droit de grève pour, soi-disant, assurer la continuité du service public -car vous n'avez pas concilié ces deux principes constitutionnels mais remplacé de l'éducation par un accueil, ce qui n'est pas la même chose. Ce dispositif est une usine à gaz : comment trouver du personnel, avec quelles garanties de qualification et quelle compensation de l'État ? Ces questions concernent l'ensemble des communes. Il n'est pas plus facile d'assurer l'accueil dans une ville de 100 000 habitants que dans une commune rurale. Nous refusons de cautionner une cote mal taillée qui a conduit à des situations ubuesques aggravées par le zèle de quelques représentants de l'État : ici une commune a été condamnée à 10 000 euros d'astreinte par heure de grève, là le juge a considéré que la loi n'était pas appliquée parce qu'elle était inapplicable. J'observe que les préfets sont devenus plus prudents depuis le 19 mars. Tout a bien marché, dites-vous ; et vous avez raison : quand on ferme les yeux, on ne voit pas les problèmes.

Nous avons eu des espoirs d'aménagement après le discours du Président de la République devant l'Association des maires de France mais à la magie du verbe a succédé la rudesse des faits, et aucune mesure complémentaire n'a suivi et vous refusez même cette modeste proposition de loi. Nous demandons l'abrogation pure et simple de cette source de contentieux. Il faudra y revenir car votre loi a déjà du plomb dans l'aile.

M. le président.  - Amendement identique n°4, présenté par Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Nous défendons le principe de l'abrogation d'une loi dont on vient de rappeler les difficultés qu'elle soulève. Dans les petites communes comme dans les grandes, il n'est pas facile de trouver assez de personnel qualifié pour assurer l'accueil et la sécurité des enfants. La question des conditions du service d'accueil reste posée et j'attends avec impatience le rapport d'évaluation que le ministre doit déposer avant le 1er septembre.

M. Philippe Richert, rapporteur.  - Nous en avons longuement discuté, la question peut en effet se poser dans les grandes agglomérations comme dans les petites communes, et ce n'est pas en exonérant certaines communes qu'on y répondra, car quel seuil retenir ? La commission est défavorable à ces amendements car l'accueil répond à une demande des associations que j'avais rencontrées : il faut accueillir les enfants parce que cela rend service aux familles.

Mme Jacqueline Gourault.  - Ce n'est pas la question !

M. Xavier Darcos, ministre.  - Vous comprendrez bien que je sois défavorable à l'abrogation de la loi. Avis défavorable.

Nous ne minimisons pas les difficultés pour les petites communes et le rapport d'évaluation permettra d'améliorer les choses. Nous avons déjà pris des dispositions après concertation avec l'Association des maires ruraux : des contentieux ont été abandonnés mais les maires ont insisté pour mieux connaître ceux qui ont l'intention d'utiliser ce service. Il serait absurde d'abroger la loi alors qu'elle commence à produire ses effets et a permis d'accueillir 450 000 enfants le 19 mars, dans un contexte de grève générale qui en rendait l'application encore plus difficile.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Domeizel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le dernier alinéa de cet article.

M. Yannick Bodin.  - L'exposé des motifs de la proposition de loi nous renvoie à la loi Jules Ferry mais l'obligation de présence du directeur d'école n'a aucune base légale et aucune des lois Jules Ferry, y compris celle de l'autre Jules, Grévy, ne l'énonce. Il faut attendre la circulaire de 1981 mais elle a aussitôt été abrogée. Reste le décret du 24 février 1989... qui reconnaît le droit de grève au directeur d'école, lequel n'est pas chef d'établissement. Le service minimum d'accueil n'y a rien changé et le directeur est simplement tenu d'informer le maire de la grève. Ne laissons pas croire qu'il en est autrement au détour d'un texte limitant ce service minimum. Certes, ce serait d'une grande aide pour les maires, mais il y va du droit de grève des directeurs d'école.

M. Philippe Richert, rapporteur.  - Même si l'on peut lire ainsi l'alinéa, la commission est défavorable à cet amendement d'appel.

M. Xavier Darcos, ministre.  - Avis évidemment défavorable. Sans être désobligeant envers les auteurs de la proposition, celle-ci est mal rédigée car un directeur d'école, contrairement à un principal ou à un proviseur, n'est pas un chef d'établissement. Le décret du 24 février 1989, qui a défini leurs obligations, constate qu'ils sont des professeurs des écoles et qu'ils disposent du droit de grève.

Vouloir les en priver par la réquisition pour les obliger à assurer un accueil en cas de grève c'est tout simplement injuste, inopportun et inconstitutionnel.

Mme Jacqueline Gourault.  - Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas schématiser en disant que ceux qui sont pour le service minimum sont favorables aux familles et ceux qui sont contre leur sont opposés. Lorsque cela s'est révélé nécessaire, j'ai toujours accueilli les enfants : il ne faut pas schématiser car c'est vraiment désagréable.

M. Philippe Richert, rapporteur.  - Il n'était pas dans mon esprit de vouloir blesser qui que ce soit. C'est un peu comme si l'on disait que les sénateurs qui ont voté le texte sur le droit d'accueil ne seraient pas sensibles à la situation des communes ou des élus. Je ne veux donner de leçon à personne, à condition que chacun écoute les autres. Tout sénateur est un élu de terrain versé dans tous les domaines, sinon il ne siègerait pas à la Haute assemblée...

M. Jacques Gautier. - Je voterai contre ces amendements et cet article : lorsqu'on veut répondre aux attentes des familles, on trouve des solutions. Le texte que nous avons adopté est pragmatique : il fixe des grandes règles et permet de répondre à ce besoin d'accueil dans les écoles de façon adaptée à la taille des villes, petites ou grandes. Je suis maire depuis vingt ans cette semaine et j'ai toujours mis en place ce service, avant même que la loi ne soit votée.

Lors des deux dernières grèves dans mon département, la très grande majorité des communes a mis en place ce service d'accueil. La plus grande ville qui compte 105 000 habitants comme la plus petite qui en compte 1 500 ont accueilli les enfants. Les quelques villes qui n'ont pas répondu l'ont fait pour des raisons idéologiques : elles sont toutes communistes ou socialistes. (Exclamations à gauche) C'est la réalité !

M. Claude Biwer.  - Il est souvent beaucoup plus facile de régler les problèmes d'intendance avec les parents d'élèves dans les communes rurales que dans les grandes villes : les rapports humains sont beaucoup plus aisés, du fait de la proximité. J'étais de ceux qui pensaient qu'organiser l'accueil d'élève dans les communes de moins de 2 000 habitants serait difficile à réaliser car la loi imposait un certain nombre de règles. A partir du moment où l'on nous dit que c'est à nous de nous organiser, les choses deviennent beaucoup plus faciles car nous nous retrouvons alors dans le périscolaire, et nous savons faire. Modeste président de l'Association des maires de France dans mon département, je sais que les maires ruraux veulent apporter un service à ceux qui en ont besoin.

Je voterai contre ces amendements car nous pouvons agir efficacement sur le terrain. (Applaudissements au centre et à droite)

A la demande des groupes CRC-SPG et RDSE, les amendements identiques s1 et 4 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 322
Nombre de suffrages exprimés 322
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l'adoption 141
Contre 181

Le Sénat n'a pas adopté.

Après une épreuve déclarée douteuse, l'amendement n°2, mis aux voix par assis et levés, n'est pas adopté.

A la demande des groupes CRC-SPG et RDSE, l'article unique est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 335
Nombre de suffrages exprimés 332
Majorité absolue des suffrages exprimés 167
Pour l'adoption 163
Contre 169

Le Sénat n'a pas adopté.

Prochaine séance, mardi 31 mars 2009 à 9 h 30.

La séance est levée à 21 heures.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mardi 31 mars 2009

Séance publique

A 9 HEURES 30

1. Questions orales.

A 15 HEURES ET LE SOIR

2. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2009 (n° 297, 2008-2009).

Rapport de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (n° 306, 2008-2009).