Débat sur l'adoption

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur l'adoption.

M. Auguste Cazalet, au nom de la commission des finances.  - La commission des finances et celle des affaires sociales ont souhaité mener conjointement un contrôle sur l'Agence française de l'adoption (AFA). J'ai conduit cette mission avec MM. Paul Blanc et Albéric de Montgolfier ; nous en avons rendu compte au début du mois de mars. Nous nous sommes intéressés à l'ensemble du système d'adoption, dès lors qu'un projet de loi sur l'adoption nous sera prochainement soumis -il vient d'être déposé sur le bureau du Sénat.

L'AFA, créée par la loi du 4 juillet 2005, avait reçu trois missions : informer, conseiller, servir d'intermédiaire pour l'adoption des mineurs étrangers de moins de 15 ans. L'agence, qui n'opère aucune sélection, est autorisée à intervenir comme intermédiaire pour l'adoption dans l'ensemble des départements. Dans les pays d'origine des enfants, elle intervient de droit dans l'ensemble des États parties à la convention de La Haye et peut exercer son activité dans les autres pays, sur habilitation du ministre des affaires étrangères. L'agence, dont la création avait suscité de vifs espoirs chez les candidats à l'adoption, a fait l'objet de critiques sur plusieurs aspects : nombre d'adoptions réalisées, capacité d'accompagnement des familles, stratégie d'implantation dans les pays d'origine, relations avec les organismes autorisés pour l'adoption (OAA). A nos yeux cependant, certaines difficultés ne lui sont pas totalement imputables.

Afin de donner à l'agence une seconde chance et pour améliorer le fonctionnement du système français d'adoption, nous avons identifié quatre séries principales de recommandations, pour partie reprises dans le projet de loi.

Nous souhaitons clarifier les rôles et l'organisation de notre système en renforçant le pilotage et la coordination de l'autorité centrale, tant à l'égard de l'AFA que des OAA. L'autorité centrale doit définir une véritable stratégie coordonnée d'implantation des OAA et de l'agence dans les pays d'origine des enfants, signer au plus tôt une convention pluriannuelle d'objectifs et de gestion avec l'AFA et avec chacun des OAA et créer un portail unique de l'adoption internationale afin de garantir la cohérence des informations communiquées aux familles. Il convient aussi de renforcer les OAA, dont la situation financière est parfois fragile. Des incitations financières à la mutualisation de moyens, voire aux regroupements d'organismes, pourraient être instaurées ; le ministère des affaires étrangères devrait, à notre sens, devenir l'interlocuteur budgétaire unique des OAA. Nous comptons également sur vous, mesdames les ministres, pour mobiliser l'ensemble du réseau diplomatique et consulaire afin d'améliorer le suivi des dossiers d'adoption transmis aux pays d'origine.

Certaines de nos propositions sont reprises à l'article 4 du projet de loi : l'AFA pourra agir dans l'ensemble des pays d'origine des enfants et l'autorité centrale reçoit compétence pour définir des priorités et s'assurer de la complémentarité des actions de l'AFA et des OAA. Nous y sommes favorables, mais pouvez-vous préciser ce soir, mesdames les ministres, l'état de vos réflexions touchant les points qui ne nécessiteront pas de dispositions législatives ? (Applaudissements à droite)

M. Albéric de Montgolfier, au nom de la commission des finances.  - J'aborderai pour ma part les dysfonctionnements propres à l'AFA et exposerai nos recommandations. L'agence, un GIE, a reçu chaque année une dotation de 4 millions d'euros. Or, du fait d'une mise en place assez lente, on a observé une sous-consommation des crédits -à cet égard, le maintien au même niveau de la subvention a pu apparaître comme une volonté d'affichage.

Les premiers résultats obtenus par l'agence ont été jugés décevants : le nombre des adoptions réalisées par l'agence a diminué en 2008 et, contrairement aux OAA, l'AFA n'assure pas l'accompagnement financier des familles adoptantes. Des faiblesses de gestion interne ont été identifiées, imputables à l'agence mais également aux services de tutelle, qui n'ont pas assuré un suivi suffisamment attentif. Nous avons donc recommandé une rationalisation du fonctionnement de l'AFA afin qu'elle puisse jouer pleinement son rôle. Cela implique d'adapter ses compétences et sa gouvernance. Pour s'acquitter pleinement de sa mission d'intermédiaire, l'AFA doit pouvoir accompagner financièrement les familles dans les pays d'origine, comme le font les OAA. La mise en place de régies et la mobilisation du réseau diplomatique permettront de réaliser cet objectif au meilleur coût.

L'article 4 du projet de loi aménage les missions de l'AFA, en mettant davantage l'accent sur le conseil aux familles. Pouvez-vous nous préciser, mesdames les ministres, vos orientations en matière d'accompagnement financier ? L'agence aura désormais vocation à intervenir dans l'ensemble des pays d'origine, parties ou non à la convention de La Haye...

Nous avons également préconisé d'autoriser l'AFA à mener des actions de coopération dite humanitaire, la coopération institutionnelle continuant à relever du ministère des affaires étrangères. Pour des raisons éthiques, nous avons proposé que ces actions de coopération humanitaire fassent l'objet d'une validation expresse et préalable de l'autorité centrale. Le projet de loi relatif à l'adoption donne suite à cette proposition et nous nous en félicitons. Nous avons également prôné une meilleure mise en valeur de l'effort global de coopération mené par l'État, les collectivités territoriales et les acteurs privés, afin de renforcer l'image de la France auprès des pays d'origine. Un fonds dédié ou une fondation, fonctionnant de manière souple, pourraient être étudiés. Qu'en pense le Gouvernement ?

Pour dissiper certaines incompréhensions, nous avons estimé qu'un siège d'observateur, sans droit de vote, pourrait être accordé aux associations des familles au sein du conseil d'administration de l'agence.

Certaines faiblesses administratives doivent être corrigées, ce qui ne nécessite pas de modification législative mais requiert une plus grande implication de vos services, mesdames les ministres. Le pilotage des dépenses et des effectifs doit être renforcé ; la tutelle se doit d'exercer un contrôle plus attentif et de mieux analyser les enjeux en amont. Nous considérons que les moyens de l'agence doivent être analysés de manière globale, en prenant en compte ceux dévolus par le ministère des affaires étrangères à l'adoption internationale, tant au sein de l'autorité centrale que dans les postes diplomatiques à l'étranger.

Madame la ministre, êtes-vous prête à ce que le Quai d'Orsay procède à un audit des procédures en vigueur afin de maîtriser l'évolution des effectifs en identifiant les éventuelles complémentarités et redondances ? De même, le plafond des autorisations d'emplois de l'AFA nécessite un suivi plus attentif. Pour ce faire, il devra englober, le plus rapidement possible, les correspondants locaux à l'étranger, dont la rémunération devra être alignée sur les grilles de référence correspondantes du ministère des affaires étrangères.

Au vrai, le budget pour 2010 sera un moment de vérité pour l'AFA. Nous attendons donc, mesdames les ministres, une justification plus précise des crédits proposés en projet de loi de finances ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Paul Blanc, au nom de la commission des affaires sociales.  - Si les résultats obtenus par l'AFA sont décevants au regard des espoirs suscités par la réforme de 2005, il convient de les resituer dans leur contexte, celui d'une baisse généralisée du nombre d'adoptions internationales et d'une réforme restée, à notre sens, inachevée.

Après l'intervention de mes collègues, je centrerai mon intervention sur l'harmonisation des conditions de délivrance des agréments et le développement de l'adoption nationale, deux objectifs de la réforme de 2005 qui n'ont guère été atteints. Avec plus de 28 000 agréments, soit sept fois plus de candidats à l'adoption que d'enfants à adopter, et 775 enfants adoptés en France sur les quelque 3 200 pupilles de l'État et la centaine de milliers d'enfants placés à l'aide sociale à l'enfance, les pratiques évoluent trop lentement. Certes, le projet de loi présenté le 1er avril dernier devant le conseil des ministres reprend certaines de nos recommandations, ce dont nous sommes heureux. Pour autant, il faudrait aller plus loin.

S'agissant des agréments, nous avons suggéré, pour encadrer les conditions de leur délivrance, cinq mesures. Tout d'abord, pour renforcer l'information et la formation des candidats à l'adoption avant l'agrément, nous préconisons la généralisation des réunions d'informations collectives organisées à titre expérimental par certains départements, qui permettent aux familles de mûrir le projet d'adoption et les conduisent parfois à y renoncer. Autre piste, l'harmonisation des pratiques des conseils généraux avec la création d'un référentiel national d'évaluation des candidats. La direction générale de l'action sociale envisagerait la création d'un groupe de travail associant les conseils généraux et les associations représentatives des familles. Madame la ministre, où en est la réflexion du Gouvernement sur ce point ? Ensuite, seriez-vous favorable à la mise au point d'un fichier unique de référence regroupant les candidats refusés afin d'éviter qu'ils ne postulent dans d'autres départements ? Nous recommandons également un contrôle annuel plus systématique de la validité des agréments. Au reste, ce principe est repris dans le projet de loi puisque le président du conseil général pourra suspendre ou retirer l'agrément des titulaires qui ne confirmeraient pas, chaque année, la poursuite de leur projet d'adoption. Enfin, nous suggérons l'adaptation de notre législation sur l'adoption aux nouvelles réalités familiales. N'est-il pas singulier de refuser les couples hétérosexuels concubins ou pacsés alors que les célibataires peuvent adopter ? D'autant que l'obtention de l'agrément n'exonère pas les candidats de respecter l'éthique posée dans la convention de La Haye. L'afflux de demandes, souvent ressenti comme une pression par les pays d'origine, laisse penser que le droit des familles à adopter prime sur l'intérêt de l'enfant. Est-il acceptable qu'une famille mène simultanément plusieurs démarches d'adoption au risque de devoir refuser un enfant parce qu'elle a obtenu satisfaction ? Le Gouvernement doit engager une réflexion sur ce sujet sensible avec l'AFA, les OAA et les associations de familles adoptantes.

Il convient également de renforcer le suivi des enfants après l'adoption -question chère à notre commission et sur laquelle les pays d'origine se montrent légitimement plus exigeants qu'auparavant- en transmettant les rapports de suivi dans les délais impartis et en généralisant les consultations d'orientation et de conseil en adoption sur tout le territoire.

J'en viens à l'adoption nationale. La développer passe d'abord par une meilleure information des familles sur les voies, bien souvent méconnues, de l'adoption en France, puis par l'accélération des déclarations d'abandon lorsqu'elles sont dans l'intérêt de l'enfant. La piste proposée dans le projet de loi, qui vise à contraindre les travailleurs sociaux à se prononcer chaque année sur l'état d'abandon des enfants placés, est intéressante à condition de faire évoluer la culture des professionnels de l'aide sociale à l'enfance par une formation adéquate. En revanche, nous regrettons que l'adoption simple, forme juridique plus souple que l'adoption plénière, ne figure pas dans le projet de loi alors qu'elle permettrait à des enfants placés d'être accueillis plus tôt par une famille adoptive, sans rompre leurs liens avec leur famille d'origine. Avec la multiplication des familles recomposées, les esprits sont aujourd'hui mieux préparés à cette formule.

Pour conclure, je formule le voeu que la réflexion du Sénat alimente le débat sur ce sujet passionnant auquel personne ne saurait rester insensible ! (Applaudissements à droite et au centre)

Mlle Sophie Joissains.  - Ce débat sur l'adoption nécessite une double approche : il faut répondre, d'une part, à l'attente de ceux dont l'espoir est de fonder une famille et, d'autre part, à l'angoisse des enfants victimes d'abandon. La supériorité de l'intérêt de l'enfant, posée dans la convention de la Haye que nous avons ratifiée, doit guider notre action. Ce principe inspire notamment la résolution accélérée des situations de délaissement parental que vous proposez, mesdames les ministres, dans le projet de loi prochainement soumis à notre Haute assemblée, que je salue.

Les trois quarts des adoptions effectuées par des Français sont réalisées à l'étranger et, pour 40 % des cas, en dehors de tout schéma institutionnel, soit sans passer par l'intermédiaire de l'AFA ou des 42 OAA. Face à cette situation, il nous faut faciliter l'adoption nationale et définir une stratégie globale pour l'adoption internationale, seule voie permettant un contrôle scrupuleux. D'ailleurs, je déplore la défaillance de l'autorité centrale en la matière car l'AFA ne saurait être tenue seule responsable de certains manquements. Le débat sur l'adoption internationale, qui se tient entre les 49 pays ayant ratifié la convention de La Haye, devrait être élargi aux 72 pays signataires. Ne devrait-on pas aussi approfondir la réflexion sur les liens entre adoption internationale et action humanitaire ? J'y reviendrai.

Passons maintenant à l'adoptant qui revendique le droit à un enfant. Selon la Cour des comptes, 23 000 adultes, sur les 28 000 titulaires d'un agrément, attendent un enfant. Chacun, dans son entourage, en connaît et mesure leur souffrance. Comment améliorer notre dispositif ? Tout d'abord, il convient de renforcer l'accompagnement des familles avec des réunions collectives obligatoires avant toute délivrance d'agrément et un meilleur suivi des enfants étrangers adoptés. En outre, les demandes multiples formulées par les familles posent effectivement problème et le développement de l'adoption simple, recommandée par nos rapporteurs, permettrait de venir en aide aux enfants victimes de délaissement parental avéré. Sur ces points, Mme la secrétaire d'État chargée de la famille peut-elle préciser la nature et le calendrier des mesures réglementaires envisagées ? Avec 3 200 enfants étrangers adoptés en 2008, l'adoption internationale suscite beaucoup d'espoirs et je m'étonne de la mise en oeuvre tardive de ces réformes...

Permettez-moi de revenir sur la manière qu'ont certains pays étrangers de conditionner l'agrément à l'AFA à la conduite d'actions humanitaires. L'affaire de l'Arche de Zoé a révélé la défaillance de l'autorité centrale et les effets pervers qu'emportent certaines bonnes intentions. Oui aux actions humanitaires, mais non aux opérations de don contre don. Bref, l'enfant ne peut avoir un prix. J'en appelle à votre vigilance républicaine et à votre sens de l'éthique afin de poursuivre le débat sur l'autorisation accordée par le prochain projet de loi à l'AFA, après accord de l'autorité centrale, de financer des projets humanitaires comme les OAA. Certains y favorables au nom de la souveraineté des États, d'autres y sont opposés au nom de l'éthique. Pour ma part, je préconise de découpler codéveloppement et adoption internationale.

La création d'un groupe de réflexion associant la commission des affaires sociales, la commission des affaires étrangères, la commission nationale consultative des droits de l'homme, l'AFA, et les autorités politiques permettrait de creuser cette problématique. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Gilbert Barbier.  - Je remercie nos deux commissions d'avoir organisé ce débat. Nos propos seront suivis par les 29 000 foyers agréés qui attendent de mener à terme une procédure d'adoption. Près de 5 000 enfants sont adoptés chaque année en France, deuxième terre d'accueil au monde, mais le nombre d'enfants étrangers a chuté ces dernières années, de plus de 4 100 en 2005 à 3 252 en 2008. Parallèlement, les pupilles de l'État, nés en France, peinent de plus en plus à trouver un foyer accueillant : à peine 775 sur 2 500 ont connu l'issue heureuse de l'adoption en 2005.

Ce bilan comptable démontre à l'évidence que la loi du 4 juillet 2005 n'a pas atteint tous ses objectifs. Le droit existant ne parvient pas à pourvoir la demande. Il est symptomatique que 37 % des adoptions aboutissent sans l'entremise d'un organisme officiel ou reconnu. De trop nombreuses familles candidates à l'adoption internationale se sentent lâchées dans la nature tout au long de leurs formalités et nourrissent une vive déception vis-à-vis de l'AFA.

Le rapport Colombani dénonce la faible mobilisation du réseau diplomatique et l'absence de fonds de coopération : les familles sont livrées à elles-mêmes pour entreprendre les démarches auprès des États d'origine. Le manque d'information des familles, dès la demande d'agrément, explique en partie la mauvaise évaluation qui peut être faite du projet d'adoption, à la fois par celles-ci et par les organismes officiels.

Parallèlement, le rapport d'information de notre commission des finances dresse un bilan peu concluant des trois premières années d'exercice de l'AFA, tout en souhaitant sa pérennisation. Les dotations de l'État n'ont jamais dépassé 2,9 millions sur les 4 millions programmés, mais c'est surtout la stratégie même de l'Agence qui est critiquée, la mauvaise articulation de ses compétences avec celles de l'Autorité centrale pour l'adoption internationale, son incapacité à accompagner financièrement les familles, son manque de notoriété au plan international.

Il faut rationaliser son fonctionnement budgétaire et administratif mais aussi développer une prise en charge complète, en termes d'informations et de financements, des familles demandeuses. Le trop grand nombre d'agréments accordés conduit à un engorgement des dossiers à l'international alors que, dans le même temps, les adoptions nationales ne cessent de diminuer. L'information et l'accompagnement des familles s'avèrent donc indispensables.

Le premier comité interministériel pour l'adoption, réuni le 6 février dernier, a pris acte des préconisations du rapport Colombani. Le projet de loi issu du plan d'action pour l'adoption, engagé depuis août 2008, privilégie ainsi l'accélération de la procédure de délaissement parental, le renforcement du suivi des agréments et l'amélioration des conditions d'intervention de l'AFA. Ce texte tend notamment à développer le recours à l'adoption nationale, qui peut parfaitement combler le désir de parentalité quand à peine un tiers des enfants délaissés trouvent une famille d'adoption. Alors que l'agrément est aujourd'hui valable cinq ans, sans autre condition de caducité, l'instauration d'une clause annuelle de confirmation écartera les familles moins motivées tout en assurant un meilleur traitement des demandes des familles réellement engagées dans un projet parental. L'AFA se voit enfin assignée une mission de conseil aux candidats à l'adoption et pourra intervenir comme intermédiaire dans l'ensemble des pays, et non plus seulement dans les seuls États signataires de la convention de La Haye. Cet élargissement de sa capacité d'action permettra de sécuriser ses relations avec les trois premiers pays de provenance des enfants adoptés en France, Haïti, l'Éthiopie et la Russie. L'Agence pourra ainsi mieux encadrer le parcours des candidats mais aussi apporter une plus grande sécurité juridique et financière aux États étrangers.

L'adoption est la rencontre de personnes qui souffrent d'un manque affectif. C'est un formidable acte d'amour et de générosité. Il est dommageable que notre droit ne favorise pas davantage la rencontre de familles et d'enfants dans le besoin. Je souhaite que vous puissiez donner, mesdames les ministres, l'impulsion nécessaire pour améliorer cette situation. (Applaudissements au centre, à droite et sur certains bancs à gauche)

M. Yves Daudigny.  - Ce débat nous renvoie à la question existentielle de la filiation. « Choisir quelqu'un pour fils ou pour fille et lui en donner les droits civils en remplissant certaines conditions prescrites par la loi » : voici comment le dictionnaire de l'Académie française définit l'adoption. Auguste adopta Tibère. Chez les Romains, l'adopté passait dans la famille et sous la puissance de celui qui adoptait. « Adopter » vient du latin « optare » qui signifie « choisir », « souhaiter ». L'adoptant est en position dominante, puisqu'il lui appartient de choisir. C'est l'option qui contribue à l'avènement du statut parental : la parentalité est donc consubstantielle au choix. L'administration est parfois perçue comme censeur. Le désir du candidat à l'adoption est respectable mais doit être interrogé car le droit de l'enfant prime sur le droit à l'enfant.

Par extension, adopter veut dire prendre soin d'un enfant -sans formes légales- comme si c'était son fils ou sa fille : « il m'adopta et me servit de père ». On reconnaît, en creux, l'existence d'une parentalité première, insuffisante à protéger l'enfant, à laquelle on pallie. C'est la nécessaire protection de l'enfant qui détermine le processus de substitution et de suppléance parentales.

Nos sociétés contemporaines, influencées par une logique de marché, ont trop tendance à faire du désir des adultes une priorité. L'enfant n'est pas une marchandise, un objet monnayable ! L'hypermédiatisation de célébrités entourées de leur progéniture masque la délicate question de la protection des enfants, et la difficile équation de la parentalité. L'argent ne peut pas tout !

En France, face à une subtile question de société, on légifère, puis on décrète ! Sortons de l'agitation permanente, cessons d'assimiler la réflexion à l'immobilisme. La précipitation interdit la pensée, qui risque d'être univoque et confisquée. Faut-il à nouveau légiférer sur l'adoption ? La réforme de 2005 n'a pas atteint ses objectifs : le nombre d'enfants adoptés chute, alors que le désir d'être parent redouble, y compris dans des formes familiales nouvelles. La logique du chiffre aiguise les appétits. Mais comment un texte de loi peut-il modifier le nombre d'enfants adoptables ? Nos rapporteurs évoquent une réforme inachevée, d'autres l'ont dit manquée. Le rapport Colombani fait des propositions intéressantes qui ne seront apparemment pas reprises. Dommage, même si je ne suis pas en total accord avec certaines pages, écrites d'une plume parfois acerbe, où point la passion. Car le sujet est passionnel.

Je prends, quant à moi, le parti de l'enfant et je plaide pour que son intérêt seul guide nos réflexions. Ayons la passion de l'enfance, et tout le reste sera apaisé.

On espérait de la loi de 2005 un doublement du nombre d'enfants adoptés à l'étranger ; on a, pour ce faire, créé une nouvelle agence et on lui a assigné des objectifs... irréalistes. On sait où cela nous a conduit. La réalité de l'adoption internationale est complexe, évolutive, imprévisible. L'extension de la convention de La Haye de mai 1993 a entraîné une baisse temporaire des adoptions internationales. On peut toujours tenter d'élargir les possibilités d'adoption nationale, mais l'exercice est hasardeux. Au regard du faible nombre de déclarations d'abandon, modifier l'article 350 du code civil peut paraître tentant ; mais s'il faut considérer la situation des enfants confiés aux conseils généraux, il faut se garder d'opposer adoption et préservation des liens avec la famille d'origine. Agir précocement sur la situation des enfants en souffrance doit être la priorité ; les départements ont acquis en cette matière une expertise qu'il faut respecter.

La conférence de consensus proposée par le rapport Colombani est une bonne idée, mais nous devons, plutôt qu'inventer de nouvelles normes, ouvrir sans tabou le débat sur l'adoption simple, avec comme objectif la recherche du juste équilibre entre la protection de l'enfant et le respect des liens de filiation originels. Osons un débat sur les liens de filiation !

Je suis ouvert à une évolution de notre législation. Pour moi, réformer, c'est tenir un débat de fond, adapter régulièrement notre cadre législatif et réglementaire, faire évoluer les pratiques professionnelles. Sur un tel sujet, nous devons d'abord et avant tout nous pencher sur la situation de l'enfant, son histoire, ses besoins, son évolution, sans lui opposer le désir très respectable d'être parent. La démarche d'adoption, le désir d'adopter est un acte singulier et intime ; faut-il pour autant légiférer à partir de ce seul désir ? Je ne le pense pas. L'adoption est une rencontre, qui peut être comme une naissance : magnifique ; pour l'enfant, elle peut être une véritable renaissance. C'est pourquoi l'intime de l'adopté, son parcours d'enfant et son devenir d'adulte sont des priorités absolues.

Je suis favorable à un texte centré sur l'intérêt supérieur de l'enfant. J'en appelle à une posture nouvelle bien qu'évidente, mettre l'adoption au service de l'enfance. La famille, quelles qu'en soient les formes contemporaines, en sortira grandie ; mieux : affirmer que l'enfant est un être social dès le premier jour modifie la vision que nous avons du monde.

Le Sénat vient d'ouvrir un débat capital. J'attends beaucoup du nouveau texte, qui viendra quatre ans seulement après une réforme manquée. Les législateurs que nous sommes doivent pouvoir en reconnaître demain, humblement, la paternité. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur plusieurs bancs à droite)

Mme Muguette Dini.  - La loi du 4 juillet 2005 n'a pas initié de réforme de l'adoption ni atteint son objectif de développer l'adoption. Il ne pouvait en être autrement car le sujet ne peut s'accommoder d'approximations. Faut-il rappeler que le texte du Gouvernement, adopté par les députés, avait été ici voté conforme à la demande de M. Philippe Bas, alors en charge du dossier ? Que de temps perdu ! Les améliorations que je souhaitais apporter, toutes rejetées alors, sont aujourd'hui reprises dans le rapport Colombani comme dans le plan présenté en conseil des ministres le 27 août dernier...

La loi de 2005 n'avait en réalité qu'un objectif : faciliter les adoptions internationales ; mais leur nombre a baissé. J'avais, de mon côté, lors de l'examen du texte, souligné l'intérêt de l'adoption nationale. En Grande-Bretagne, pour le même nombre d'habitants, les enfants adoptables sont plus de trois fois plus nombreux qu'en France, 2 300 pour 775. Si l'on veut remédier à cette situation, il faut rendre plus rapide l'instruction des déclarations judiciaires d'abandon et permettre une issue positive dans un plus grand nombre de cas. Si on compare le nombre de personnes ou de couples titulaires d'un agrément en cours de validité, soit environ 29 000 au 31 décembre 2007, et celui des enfants effectivement adoptés -3 260 en 2008, dont 775 seulement en France-, les mineurs adoptables apparaissent comme un « vivier » pour les adoptions nationales. La comparaison intéressante n'est pas entre le nombre d'enfants adoptables et le nombre de ceux qui sont prêts à les accueillir mais entre le nombre d'enfants adoptables et celui des enfants qui pourraient ou devraient l'être en raison de leur situation familiale.

Le nombre de pupilles de l'État n'a cessé de décroître ces quarante dernières années, passant de 63 000 en 1949 à 24 000 en 1977, 10 400 en 1985 et 2 504 en 2005. Cette baisse constante, dont il faut se réjouir, est due en grande partie à la maîtrise de la procréation ; de nombreux enfants sont pourtant ballottés pendant toute leur minorité de famille d'accueil en famille d'accueil ou de foyer en foyer, dans le cadre d'une délégation de l'autorité parentale ou d'une tutelle départementale qui ne leur assure ni présent convenable ni avenir prometteur. Si les pupilles de l'État, par hypothèse adoptables, sont de moins en moins nombreux, les mineurs sous tutelle départementale, non adoptables, sont eux en nombre croissant. A des titres divers, 98 000 enfants naviguent ainsi au sein de l'aide sociale à l'enfance. Le manque de réactivité de notre système rend difficilement adoptables des enfants qui sont pourtant durablement délaissés par leurs parents.

Depuis sa création par la loi du 11 juillet 1966, l'article 350 du code civil a été modifié à cinq reprises, à chaque fois pour faciliter la déclaration judiciaire d'abandon ; le nombre de jugements déclarant des enfants abandonnés n'a pourtant cessé de diminuer. C'est dire la difficulté, pour les travailleurs sociaux et les magistrats, à prendre le problème à bras-le-corps, à évaluer l'intérêt qu'il y a à maintenir ou non un lien de filiation avec la famille biologique et la capacité de l'enfant à se projeter dans une nouvelle famille. Depuis 1994, les personnes ayant en charge les enfants susceptibles d'être déclarés abandonnés ont l'obligation de saisir le tribunal de grande instance dès lors qu'elles constatent que les parents s'en sont manifestement désintéressés depuis un an. Mais la notion de désintérêt manifeste est difficile à apprécier et le point de départ du délai d'un an malaisé à définir en cas de manifestations épisodiques des parents ; aucun délai n'est en outre prévu, une fois le désintérêt d'une année constaté, pour la saisine du tribunal, celle-ci étant entre les mains de travailleurs sociaux que leur formation conduit à toujours privilégier les liens du sang. Il n'est pas acceptable que la société leur confie une telle responsabilité.

Une simplification des procédures de recours et une harmonisation de leurs délais sont sans doute indispensables ; de même faudrait-il clarifier les compétences des juridictions administratives et judiciaires. Mais notre droit n'est pas totalement démuni face aux situations des enfants sous tutelle départementale. L'adoption simple mériterait d'être davantage considérée, qui permet une insertion harmonieuse de l'enfant dans la famille adoptive sans effacement complet de ses liens d'origine ; c'est une filiation additive et non substitutive, même si les droits de l'autorité parentale sont transférés aux adoptants. C'est la formule la plus appropriée en cas de liens familiaux significatifs pour l'enfant. Elle doit être réhabilitée et revitalisée. Sur la seule procédure de délaissement parental, il y aurait encore beaucoup à dire et surtout beaucoup à faire...

J'espère que le projet de loi qui vient d'être déposé sera à la hauteur des attentes des couples, des services de l'enfance et surtout des enfants. Mon groupe et moi-même proposerons, si nécessaire, de l'améliorer. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Isabelle Pasquet.  - Ce débat est utile, qui nous permet d'aborder un sujet d'une grande importance. Je regrette toutefois que le Gouvernement n'ait pas jugé bon de nous convier à un débat plus complet sur sa politique familiale, ce qui nous aurait permis de traiter également du statut des beaux-parents, de l'accompagnement des familles nombreuses, de l'insuffisance du nombre de places en crèches ou encore des conséquences pour les familles du travail du dimanche.

Notre débat de ce soir est préliminaire à l'examen du projet de loi sur l'adoption, déjà déposé sur le bureau du Sénat. Il nous permet d'échanger sereinement nos points de vue sur un sujet qui préoccupe nos concitoyens.

Il n'existe pas, en matière d'adoption, de solution toute faite, adaptée à tous les cas. Nous devons respecter le projet parental des couples demandeurs et favoriser sa réalisation tout en gardant à l'esprit l'avertissement de Mme Claire Brisset, défenseure des enfants, pour qui « l'adoption consiste à offrir un foyer à un enfant qui en est privé et non pas un enfant à un foyer qui en aurait le désir ».

Le projet d'étendre au ministère public la faculté de déposer une demande de déclaration d'abandon soulève bien des problèmes. Cette mesure a pour objet de réduire les délais permettant à l'enfant d'acquérir le statut de pupille de l'État et d'être ainsi adoptable, ce qui est sans aucun doute dans son intérêt. Mais, comme nous l'avons déjà dit en juin 2005 lors de la suppression de la référence aux « parents en détresse », cela ne doit pas nous priver d'un débat de fond sur les difficultés sociales et financières que rencontrent certaines familles, qui ne souhaitent pas cependant abandonner leurs enfants.

En ce qui concerne l'adoption internationale, comme l'ensemble du groupe CRC-SPG, je m'inquiète du sort que le Gouvernement compte réserver à l'Agence française de l'adoption (AFA). Cette agence, créée en 2005 seulement, a fait l'objet en un an de trois enquêtes qui ont donné lieu notamment aux rapports de M. Jean-Marie Colombani et de nos collègues Cazalet, Montgolfier et Blanc. On voudrait jeter le discrédit sur cette agence que l'on ne s'y prendrait pas autrement. Le titre du rapport de nos collègues -Une seconde chance pour l'Agence française de l'adoption- est révélateur. Il est vrai qu'en 2008, le nombre d'adoptions réalisées par le biais de l'AFA a baissé par rapport à 2007. Mais cette agence a été conçue comme une troisième voie, à côté de l'adoption individuelle et du recours aux organismes accrédités à l'adoption (OAA). Elle ne peut satisfaire toutes les demandes d'adoptions ni réduire le nombre des adoptions individuelles. Il faut également tenir compte de son statut public -il s'agit d'un GIP- qui lui impose d'examiner toutes les demandes d'adoption sans aucune distinction alors que les OAA pratiquent une sélection afin de garantir aux familles qu'ils décident d'accompagner une adoption prochaine. Contrairement à ce que prétendent les rapports mentionnés, le statut public n'engendre aucune obligation de résultats : tordons le cou à cette idée reçue !

En outre, cette agence manque de relais dans les pays qui proposent des enfants à l'adoption. Le rapport de nos collègues souligne que la majorité des adoptions pratiquées par le biais de l'AFA est concentrée sur huit pays. Peut-on s'en étonner, quand on sait que les correspondants locaux sont au nombre de huit ? Ces derniers rencontrent des difficultés : ainsi la correspondante de l'agence au Brésil est-elle obligée d'avancer les frais... Mme Assassi l'avait prédit dès 2005 : cette agence ne peut être efficace que si le personnel consulaire collabore avec elle. Or les moyens des consulats sont réduits drastiquement : la loi de finances prévoit, dans son programme 151, la suppression de 150 équivalents temps plein. Il est inacceptable que, sous couvert de la RGGP, on demande à des associations, aussi motivées et compétentes soient-elles, de se substituer au service public de l'adoption internationale. Je vous invite à relire le rapport d'audit de la Cour des comptes sur l'association des « Volontaires pour le progrès », qui dénonce un système coûteux et peu transparent quant aux rapports entretenus avec le ministère des affaires étrangères, dont l'association est devenue « l'opérateur officiel ». Veillons à ce que de tels abus ne se reproduisent pas !

Le nombre d'enfants adoptables au niveau international s'est considérablement réduit en raison de l'application de la convention de La Haye aux nouveaux pays signataires. Attachés à l'existence de l'AFA, qui offre à tous ceux qui en font la demande, sans discrimination, notamment de revenus, l'espoir d'accueillir un enfant sans foyer, nous ne voulons pas qu'on applique à cette agence des règles purement comptables ou qu'on la compare abusivement à des organismes qui n'ont de commun avec elle que l'objet, alors que les missions et les contraintes diffèrent. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC-SPG ; Mme Claire-Lise Campion applaudit également)

Mme Janine Rozier.  - (Applaudissements à droite et au banc des commissions) « Chaque adoption est la rencontre de deux histoires : celle d'un enfant déjà né, parfois déjà grand, qui n'a pas ou plus de famille susceptible de le prendre en charge, et celle de parents ou futurs parents qui souhaitent profondément accueillir pour toute leur vie un ou plusieurs enfants, en les entourant de toute l'affection nécessaire. » Ces termes de l'exposé des motifs du projet de loi relatif à l'adoption me conviennent, mais j'insisterai, pour commencer, sur le fait que l'adoption ne consiste pas à donner un enfant à des parents qui le désirent mais à donner des parents à un enfant afin qu'il reçoive l'amour et les soins nécessaires pour devenir un adulte responsable, sain et épanoui. Dès le berceau, un enfant a besoin d'amour autant que de nourriture.

Membre de la commission des affaires sociales d'un conseil général pendant dix-neuf ans, j'ai assisté assidûment aux réunions au cours desquelles les services de l'Aide sociale à l'enfance rendaient compte de leur travail. Placé dès sa naissance dans une famille d'accueil, tel pupille reste quinze jours dans une famille d'accueil avant d'être placé dans une autre famille où quelquefois il séjourne plus longtemps et où ses vrais parents peuvent venir le voir quand ils en ont envie... S'ils envoient un courrier ou lui rendent visite deux fois par an, l'enfant n'est pas considéré comme abandonné et n'est donc pas adoptable : il reste en famille d'accueil. A chaque réunion organisée par l'Aide sociale à l'enfance, l'avis des membres de la commission est sollicité. Trois ou six mois après, nous devons nous souvenir du sentiment qu'avait fait naître en nous le petit Julien ou le petit David qui, à ce que l'on nous dit, sont des enfants tantôt épanouis, tantôt bagarreurs, tantôt tristes. Nous devons donner un avis sur leur maintien dans une famille dont nous ne connaissons rien... A l'issue de cette réunion, comment ne pas être obsédé pendant des jours par le cas de chacun de ces enfants que nous n'avons jamais vus ? Si pointilleuses et honnêtes que soient les enquêtes des assistants sociaux, si précis que soient les renseignements glanés auprès des pupilles et des référents de leur famille d'accueil, il est déchirant pour nous de juger du sort de ces enfants.

Voilà pourquoi il est indispensable d'améliorer rapidement notre législation pour faciliter la résolution des cas de délaissement parental : les enfants doivent avoir, dès leur plus jeune âge, des repères affectifs durables et ne peuvent être considérés comme des objets que l'on peut voir de temps en temps. Ces enfants qui ont déjà, depuis leur naissance, le handicap d'être des laissés-pour-compte doivent pouvoir trouver rapidement une famille d'accueil. Certaines demandes d'adoption sont en souffrance depuis des années ! Tout prouve que la plupart des adoptions sont des réussites.

Selon l'article 350 du code civil, lorsqu'ils constatent au bout d'un an le délaissement de la part de la famille biologique, les services sociaux peuvent le signaler au magistrat qui constatera l'abandon, ce qui permettra de proposer l'enfant à l'adoption. Que de temps perdu ! Une simple lettre ou quelques coups de téléphone au cours de l'année suffisent à prouver le maintien du lien avec le parent biologique. Le rapport de M. Colombani démontre que 9 à 13 % des pupilles sont en réalité abandonnés et auraient pu prétendre à être adoptés plus tôt si leur cas avait été signalé. Le problème réside surtout dans la longueur des procédures, qui peut atteindre six ans. Comme vous l'avez dit à plusieurs reprises, madame le ministre, « le temps administratif n'est pas le temps de l'enfant ». Faut-il s'accrocher à la famille biologique ou confier l'enfant à des adoptants impatients de l'aimer ? Quel bonheur de constater la joie des parents lorsqu'on leur annonce que leur enfant sera chez eux avant quinze jours et qu'ils peuvent d'ores et déjà venir faire sa connaissance ! Ils accourent ! Une étude de l'Insee a révélé qu'un tiers des sans-abri ont été des mal aimés longtemps confiés à l'aide sociale.

Le projet de loi sur l'adoption, je l'espère, lèvera ces blocages. Vous avez prévu, madame le ministre, de fixer des critères précis pour caractériser le délaissement, avec une évaluation dès la première année de placement, puis chaque année. Mais combien d'années faudra-t-il ? Le rapport Colombani proposait de réunir sur ce sujet une conférence de consensus rassemblant le parquet, le juge des enfants, le juge des tutelles, les assistants sociaux, les responsables de l'aide sociale et les pédopsychiatres. Il serait possible de mener des expérimentations dans des départements volontaires au profit de tout petits enfants placés précocement.

Qu'en pensez-vous ? Pourquoi ne pas prévoir la possibilité d'une adoption simple qui permettrait de ne pas couper tous les contacts avec les parents biologiques avant de passer à une adoption plénière ? Nous devons poser la question de l'accompagnement des parents adoptifs d'un enfant qui a déjà un passé.

Suite à un sondage réalisé en novembre 2006, le collectif des maires pour l'enfance, dont le porte-parole est le maire de Sotteville-sous-le-Val, a déclaré que l'intérêt de l'enfant exigeait le maintien d'un modèle parental avec un père et une mère. Ce collectif regroupait, en 2008, 12 594 maires, soit un tiers des maires de France ! Bien des choses sont dites à ce sujet et de nombreuses associations s'émeuvent de ce que cette précision sur le modèle parental ne figure pas dans votre projet de loi.

J'espère que ce texte redonnera espoir à toutes les familles qui ont décidé d'accomplir ce magnifique geste d'amour qu'est l'adoption d'un enfant ! (Vifs applaudissements à droite et au centre)

Mlle Sophie Joissains.  - Bravo !

Mme Claire-Lise Campion.  - Trois ans après sa mise en place effective, l'Agence française d'adoption fait l'objet d'un bilan mitigé et préoccupant. Une première alerte, lancée par les familles membres d'associations agréées, a été suivie du rapport de Jean-Marie Colombani qui dénonce tant l'absence de résultats probants que le manque de professionnalisme et d'expérience de l'agence. Puis la Cour des comptes a formulé un certain nombre de recommandations. C'est au tour du Sénat d'épingler l'AFA et de mettre en évidence son incapacité à réaliser les objectifs qui lui étaient fixés.

Créée par la loi du 4 juillet 2005, l'agence est destinée à offrir une troisième voie d'adoption aux personnes qui ne peuvent être prises en charge par un organisme autorisé pour l'adoption (OAA) et qui ne souhaitent pas entreprendre seules les démarches. L'AFA a donc une mission d'information, de conseil et d'intermédiaire. Le rapport rappelle ses moyens financiers (un budget de 4 millions) et logistiques, tant au niveau des ambassades que des conseils généraux. Or, le nombre d'adoptions réalisées par l'AFA entre 2007 et 2008 est en diminution aussi bien en valeur absolue que relative.

Malgré un contexte international difficile où une baisse généralisée du nombre d'adoptions à l'étranger dans tous les pays d'accueil est observée, les rapporteurs contestent une stratégie de déploiement et d'implantation inadéquate, une coordination avec les OAA imparfaite et une mauvaise identification par les pays où elle est présente. Le constat est plus nuancé en ce qui concerne les missions d'information et de suivi : une grande majorité de conseils généraux ont fait part de leur satisfaction à l'égard de la qualité des informations mises à leur disposition par l'AFA. L'agence elle-même a signalé quelques difficultés de transparence ou de chevauchement de compétences avec l'autorité centrale pour l'adoption internationale.

Sans vouloir jouer les Cassandre, j'avais, lors de nos débats de 2005, alerté le Gouvernement et nos collègues sur les imperfections de la réforme : la création de l'AFA ne s'est accompagnée d'aucune réflexion d'ensemble sur l'organisation institutionnelle de l'adoption internationale. Je regrette que nos craintes se vérifient. Alors que les pays d'origine réclament une plus grande lisibilité structurelle et souhaitent avoir affaire à un interlocuteur unique, on crée un quatrième organisme ! Les autres objectifs de la réforme de 2005 -harmoniser les conditions de délivrance des agréments et développer l'adoption nationale- n'ont pas davantage été atteints. On en arrive à ce que 28 000 agréments soient en cours de validité et que ne soient adoptés que 775 des 3 200 pupilles d'État.

Les préconisations des rapporteurs pour créer des conditions favorables à l'action de l'AFA vont donc dans le bon sens : accroître l'efficacité et la lisibilité de l'organisation institutionnelle de l'adoption en France ; mieux adapter les missions de l'agence aux réalités de l'adoption internationale ; poursuivre la réforme engagée pour encadrer les conditions de délivrance des agréments ; favoriser davantage l'adoption nationale à travers notamment l'adoption simple, -idée que j'avais défendue en 2005 : les esprits évoluent. Je partage le point de vue des rapporteurs, selon qui il doit s'agir d'une dernière chance.

Maintenant, il semble que le Gouvernement n'ait pas pris toute la mesure des différents avertissements, préconisations ou propositions faites ces deux dernières années. Le projet de loi présenté le 1er avril en conseil des ministres soulève des interrogations. Réduit à six articles, il s'annonce comme une réforme de plus. Seul l'article 4 vise l'AFA et prend en compte la nécessité de préciser les missions de conseils à l'attention des usagers. Il procède à l'habilitation générale de l'institution dans les pays d'origine et non plus dans les seuls États signataires de la convention de La Haye. Il fait obligation, pour le titulaire de l'agrément, de confirmer chaque année son projet d'adoption, ce que j'approuve. Mais son objet principal est de récrire une fois de plus l'article 350 du code civil, relatif à la procédure de déclaration judiciaire d'abandon. Depuis son introduction en 1966, cet article a déjà été remanié six fois ! Il ne peut être une variable compensatoire à la dénatalité, ni à un droit des adoptants.

L'accueil d'un enfant à l'ASE n'est pas une fin en soi mais un moyen pour ne pas rompre le lien parents-enfant et permettre à ce dernier de retrouver sa place auprès des siens. Certains enfants vont de foyer en foyer, de famille d'accueil en famille d'accueil et sont dans une totale instabilité affective. Des solutions doivent être trouvées. L'adoption est au carrefour de plusieurs demandes, celle du couple en désir d'enfant, celle d'enfants en manque de parents. Ces demandes sont légitimes mais c'est l'intérêt de l'enfant qui doit avant tout être privilégié.

En 2005, les cas de grande détresse ont été exclus de cet article afin d'augmenter le nombre d'enfants français adoptables. Ne peut-on tirer un premier bilan de cette évolution législative ? Pourquoi limiter le débat à ce seul article 350 ?

L'adoption simple est une solution, tout comme le parrainage. Que faisons-nous pour le millier de pupilles de la Nation qui sont en situation d'être adoptés mais qui ne trouvent pas de famille ? Encore une fois, le Gouvernement va nous demander de légiférer, sans recentrer le débat sur l'intérêt de l'enfant. Quels projets offrir aux pupilles de la Nation qui ne sont pas adoptables du fait de leur âge, de leur fratrie, ou de leur handicap ? Quel statut stable donner aux enfants dans le cadre d'un couple homosexuel ? Comment faciliter l'accès aux origines des enfants adoptés ? Je crains qu'en l'état, il ne s'agisse d'une nouvelle occasion manquée... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Brigitte Bout.  - En 2007, seulement 775 des 3 212 pupilles de l'État ont été placés en vue d'adoption. Nombre d'enfants délaissés par leurs parents biologiques et placés sous la protection de l'aide sociale à l'enfance ne peuvent être adoptés parce qu'ils n'ont pas été légalement abandonnés au sens de l'article 350 du code civil. La loi du 4 juillet 2005 devait améliorer cette situation en assouplissant les critères auxquels doit se référer le juge pour prononcer une déclaration d'abandon. On ne peut que déplorer que les pratiques n'aient guère évolué, les juges et surtout, semble-t-il, les services sociaux s'efforçant de maintenir, parfois au-delà du raisonnable, un lien si ténu qu'il soit entre l'enfant et ses parents biologiques. On voit des enfants de six ans et plus manifestement abandonnés, qui ne sont cependant pas considérés comme adoptables.

L'intérêt bien compris de l'enfant commande qu'on cesse de privilégier par principe la filiation biologique dès lors qu'elle ne correspond à aucun attachement réel de la part de géniteurs parfois peu capables d'assumer leurs responsabilités. Cet acharnement aboutit seulement à priver les enfants de parents adoptifs qui les auraient à l'évidence mieux aimés.

Pour ce qui concerne l'adoption internationale, la loi de 2005 devait mieux encadrer les procédures et apporter ainsi davantage de garanties aux candidats à l'adoption comme aux enfants étrangers susceptibles d'être adoptés ; c'est à cette fin que le législateur avait créé l'Agence française de l'adoption.

La définition d'une véritable stratégie de l'adoption internationale ne relève pas de l'AFA mais reste de la compétence de l'Autorité centrale pour l'adoption internationale, laquelle ne semble pas s'acquitter toujours au mieux de cette tâche, spécialement en matière de coordination de l'implantation de l'AFA et des organismes autorisés pour l'adoption (OAA) dans les pays d'origine des enfants. Il serait souhaitable que l'AFA puisse agir dans tous les pays d'origine, qu'ils soient signataires ou non de la convention de La Haye.

L'AFA, soumise de par son statut aux règles de la comptabilité publique, se révèle incapable d'assurer l'accompagnement financier des familles adoptantes dans les pays d'origine alors que les OAA sont en mesure d'offrir à ces familles un accompagnement qualitativement supérieur.

Enfin, les candidatures multiples de familles adoptantes posent problème. Rien ne leur interdit d'entreprendre à la fois des démarches auprès de l'AFA, des organismes autorisés et habilités pour l'adoption (OAA) et à titre individuel. L'AFA peut d'ailleurs faire elle-même des recherches dans plusieurs pays pour un candidat unique. Il s'agit évidement pour les familles adoptantes d'accroître leurs chances d'obtenir un enfant, mais lorsque plusieurs de ces demandes aboutissent simultanément, les candidats doivent choisir entre des enfants et en abandonnent plusieurs à leur sort : ces enfants se trouvent alors abandonnés deux fois, ce qui est contraire aux principes de La Haye et inacceptable sur le plan humain.

Si compréhensive et nécessaire que soit la prudence des services sociaux, si légitime et sympathique que puisse être la démarche des candidats à l'adoption, tout doit d'abord être fait dans l'intérêt bien compris des enfants susceptibles d'être adoptés.

Les auteurs de la proposition de loi du 4 juillet 2005 voulaient faire de l'adoption un des piliers de la politique familiale de la France. En dépit des excellentes intentions du législateur, cet objectif n'a pas été atteint. C'est pourquoi nous nous réjouissons que le Gouvernement ait l'intention de déposer un projet de loi relatif à l'adoption. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Dominique de Legge.  - L'adoption est un geste d'amour généreux destiné à donner une famille à un enfant. Cette démarche doit toutefois être mieux encadrée. La convention de La Haye protège l'enfant des dérives éthiques et financières qui peuvent entourer l'adoption. Des mesures sont ainsi prévues pour maintenir l'enfant dans sa famille biologique ou lui trouver une famille d'accueil dans son pays d'origine. La France, pays des droits de l'homme, ne peut que se réjouir de la réduction du nombre d'enfants abandonnés ou confiés à des orphelinats dans les 78 pays signataires. Mais cette évolution limite dans les faits les possibilités d'adoption et crée un fort déséquilibre entre la demande de parents français candidats à l'adoption et le nombre d'enfants adoptables.

Au plan national, les procédures, complexes, mériteraient d'être assouplies. La décision judiciaire de rendre adoptable un enfant n'en est pas moins lourde de conséquences tant pour l'enfant que pour ses parents. Si des améliorations sont possibles, il est illusoire de croire que quelques cas emblématiques seraient le reflet d'un dysfonctionnement généralisé et que leur règlement permettrait de répondre aux demandes de toutes les familles.

Ainsi, 28 000 familles attendent un enfant alors que 3 000 pupilles sont recensées et que n'ont lieu que 800 adoptions par an dans notre pays. Il est vrai que les familles souhaitent accueillir des enfants jeunes et en bonne santé. En 2008, de 30 à 40 000 enfants ont été adoptés dans le monde, alors que la France compte 28 000 agréments en cours de validité ! Des pays comme Madagascar, la Chine, ou le Vietnam ont récemment ratifié la convention de La Haye qui interdit toute démarche individuelle d'adoption internationale.

Dans le monde, le nombre d'adoptions internationales a diminué dans la quasi-totalité des pays d'accueil, comme les États-Unis avec moins 10 % ou la Norvège avec moins 25 %. En France, le recul s'est monté à 20,5 % entre 2006 et 2007, notamment en raison de l'allongement du délai des procédures en Chine et de la fin des procédures individuelles au Vietnam. Les parents adoptants qui disposent d'un agrément souffrent de cette situation.

Aussi est-il urgent de tenir un langage de vérité et de responsabilité. Il faut tout d'abord rappeler aux parents que l'agrément qui leur est délivré, après bien souvent un véritable parcours du combattant, ne leur donne aucune certitude d'un résultat. L'adoption consiste d'abord à donner des parents à un enfant, plutôt que d'ouvrir un droit aux parents adoptants, dont l'attente n'en reste pas moins légitime. Un travail d'information préalable des candidats est donc nécessaire.

Les pays ayant ratifié la convention de La Haye refusent désormais les démarches individuelles, d'où la création de l'AFA en 2005, mais ses résultats ont déçu les espoirs qu'elle avait fait naître.

Avant de faire le procès de l'AFA, ne convient-il pas de s'interroger sur une spécificité bien française qui veut que les candidats à l'adoption ne conçoivent d'accueillir un enfant que sous le régime de l'adoption plénière ? Cette pratique, qui efface l'état civil de l'enfant, pénalise la France par rapport aux pays pratiquant l'adoption simple, qui est moins exclusive et qui respecte l'histoire de l'enfant. Il s'agit d'un véritable paradoxe français puisque nous estimons que l'accès aux origines est un droit de l'enfant. Sans doute convient-il d'évoluer, d'autant que les droits reconnus à l'enfant, sous régime plénier ou simple, ne sont pas si éloignés les uns des autres ! C'est du reste la conclusion du rapport du Sénat proposant une « nouvelle chance pour l'Agence française de l'adoption ».

Nous devons donc engager une réflexion d'ensemble afin de faciliter l'adoption simple par une meilleure information, sensibiliser les travailleurs sociaux et les juges pour améliorer les procédures nationales, développer l'adoption internationale en intégrant mieux les cultures et sensibilités des pays concernés, réguler la délivrance des agréments pour ne pas laisser espérer en vain certains parents adoptants. La nouvelle loi ne pourra se borner à tenter d'ajuster une offre de plus en plus rare à une demande croissante. Seule une vision globale, équilibrée et mettant l'enfant au centre du processus pourra déboucher sur une solution acceptable. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille.  - (Applaudissements à droite) Je me réjouis de débattre avec vous, dans le cadre des missions de contrôle étendues du Parlement, d'un sujet sur lequel le Gouvernement est totalement mobilisé.

Je me félicite de la présence de M. Jean-Paul Monchau qui a été nommé ambassadeur en mission pour l'adoption internationale.

Ce débat démontre que, au-delà de nos clivages politiques, nous sommes tous concernés par l'intérêt supérieur des enfants. Telle est la ligne d'action qui nous guide. Vous l'avez rappelé : 28 000 familles disposent d'un agrément, alors qu'il n'y a eu que 4 000 adoptions dans notre pays et que 80 % d'entre elles étaient internationales. Vous avez également rappelé qu'il fallait avant tout chercher à donner une famille à un enfant et non l'inverse.

Vous avez également évoqué l'AFA : le rapport de MM. Blanc, Cazalet et de Montgolfier s'intitule « Une seconde chance pour l'Agence française de l'adoption ». C'est aussi l'objectif que nous nous sommes donnés avec Rama Yade et qui nous a été assigné par le Président de la République. Le temps administratif n'est pas celui de l'enfant.

Le texte que nous allons vous soumettre prochainement ne comptera que six articles mais proposera un plan global d'action. En ce qui concerne les agréments, nous ne disposons pas de chiffres totalement fiables car un tiers d'entre eux semblent sans objet, soit parce que les familles ont renoncé à adopter, soit parce qu'elles ont eu un enfant par voie naturelle, soit encore parce que les parents se sont séparés. Nous devons donc tenir un discours de vérité aux familles tout en recensant le nombre d'agréments valables.

II existe quinze consultations de conseil et d'orientation pour l'adoption dans les régions. Nous allons étendre ce dispositif à toute la France pour mieux accompagner les familles avant l'arrivée de l'enfant, mais aussi après, notamment à l'approche de l'adolescence.

En ce qui concerne l'adoption des pupilles de l'État, nous n'avons pas non plus besoin d'une loi pour mettre en place un système d'information afin que les familles qui disposent d'un agrément puissent adopter des pupilles que l'on qualifie « d'enfants à particularité ». Je préfèrerais d'ailleurs qu'on les appelle « enfants à besoins particuliers », car soit ils sont âgés, soit ils vivent dans une fratrie, soit ils ont une maladie ou un léger handicap. Le système d'information n'est aujourd'hui pas suffisamment performant pour mettre en relation ces enfants avec les familles adoptantes. Nous sommes en train d'avancer sur ce sujet.

Tous ces dispositifs entrent dans le plan d'action que nous mettons en oeuvre. Rama Yade et moi-même avons ainsi lancé un site internet le 1er avril sur l'adoption.

Pour votre rapport, vous auriez pu vous contenter d'examiner le bilan de l'AFA. Vous avez préféré élargir votre champ d'investigation pour observer le contexte international, les rapports de l'agence avec le Quai d'Orsay et la cohérence d'action de l'AFA avec les organismes agréés pour l'adoption.

Vous avez également remis en perspective l'action de l'AFA pour l'adoption nationale.

Conscient des marges de progrès existant, le Président de la République a commandé à Jean-Marie Colombani un rapport qui fait référence, et dont le Gouvernement s'est largement inspiré pour élaborer le plan que nous avons présenté le 27 août dernier en Conseil des ministres.

Le rapport a notamment souligné l'éparpillement des compétences et conseillé d'adopter une vision globale de l'adoption, à l'image du dispositif intégré existant en Italie. Il fallait mettre un pilote dans l'avion : j'ai proposé de créer un comité interministériel, sous l'autorité du Premier ministre et animé par le ministre chargé de la famille. Il s'est tenu pour la première fois le 6 février dernier et concerne, outre les ministères des affaires étrangères et de la famille, ceux de la santé, de la justice, de l'intérieur, et même du budget. Cette structure de coordination souple, chargée du suivi de la réforme, se réunira en tant que de besoin et rendra compte de son activité devant le Parlement à l'aide d'un rapport triennal.

Nous pouvons aussi compter sur un Conseil supérieur de l'adoption (CSA) dynamique, au sein duquel le Sénat et l'Assemblée nationale sont représentés. Cette instance consultative, composée d'associations de parents et d'enfants adoptés, d'administrations, de magistrats, de représentants des départements, se prononce sur les projets de textes concernant son champ de compétence et assure une mission prospective. Nous souhaitons donner à « notre » CSA -pour le distinguer de l'autre organisme du même nom-, partenaire indispensable dans la conduite de la réforme, plus de visibilité et l'associer étroitement à nos travaux.

Comme l'ont rappelé les rapporteurs de la mission d'information, l'AFA est un opérateur jeune, issu de la loi du 5 juillet 2005, qui a commencé à fonctionner en mai 2006, délai justifié par l'élaboration et l'approbation de la convention constitutive et la mise en place opérationnelle de l'agence. Je souhaite nuancer le réquisitoire que vous avez dressé, ainsi que Jean-Marie Colombani. J'ai pris le temps de rendre visite à l'Agence, où j'ai rencontré des techniciens performants. Son activité dépend de l'évolution de l'adoption internationale dont la baisse, initiée en 2006, s'est confirmée en 2007 avant de se stabiliser l'année dernière. Il faut en outre compter avec les conditions posées par les pays, ainsi qu'avec la durée des procédures d'adoption, qui varient entre un et trois ans. L'AFA est active dans 25 pays et suivait, au 31 décembre 2008, 10 803 dossiers. L'année dernière, 582 enfants ont pu être accueillis.

Ce bilan n'est pas idéal, et des marges de progrès existent. Le Gouvernement a décidé de renforcer la tutelle de l'État, sur le plan financier mais également l'implication de ses représentants au conseil d'administration. Vous avez constaté la sous-consommation des crédits alloués à l'AFA, en regrettant que son budget soit maintenu chaque année à 4 millions d'euros. Toutefois, la limitation des crédits à 2,9 millions d'euros a permis que le fonds de roulement, issu de la surdotation de 2006, n'enfle pas. Le conseil d'administration doit veiller à ce que celui-ci n'excède pas les besoins provisionnels destinés à pallier un retard dans le versement de la subvention -une première tranche de 2 millions d'euros sera d'ailleurs versée très prochainement.

Les crédits alloués en loi de finances initiale n'étaient pas une mesure d'affichage mais devaient permettre à I'AFA d'assurer ses missions sans rupture en cours d'exercice. Ses besoins ont été surestimés du fait de l'absence de vision prospective de son activité. Comme pour les autres opérateurs publics dans le champ social, une convention d'objectifs et de gestion (COG) triennale sera conclue dans les prochaines semaines. L'agence devra notamment définir une stratégie d'action dans les pays d'origine et améliorer le suivi des procédures d'adoption. En liaison avec le Quai d'Orsay et l'AFA, elle s'assurera de la cohérence entre la stratégie arrêtée par l'autorité centrale et celle de l'opérateur. Ensuite, elle optimisera l'information et la communication sur l'adoption internationale et aidera les adoptants à mieux connaître l'avancement de leur dossier. Elle devra également renforcer l'accompagnement de ces derniers en France et à l'étranger, ainsi que le suivi par les correspondants locaux de la procédure d'adoption dans le pays d'origine. Enfin, la professionnalisation des correspondants de l'AFA doit être améliorée.

L'AFA pourra bientôt financer sur son budget propre des micro-projets de coopération avec les orphelinats, attendus par certains pays d'origine. Le projet de loi que vous examinerez prochainement étendra également son habilitation aux pays non signataires de la convention de La Haye. La France se dotera en outre d'un dispositif concerté d'adoption à l'international. Les services de l'État réfléchissent aux possibilités d'une intermédiation financière de l'AFA entre les parents adoptifs et les opérateurs dans le pays d'origine, en tenant compte des contraintes de la comptabilité publique. Pour chaque pays, une expertise doit déterminer les besoins, la nature des opérations à couvrir et les modalités de paiement -certains orphelinats n'ont même pas de comptes bancaires ! Nous pourrons ensuite nous adresser au ministère du budget pour établir des règles de fonctionnement, sans préjuger du caractère empêchant du caractère public de la comptabilité de I'AFA...

Vous soulignez la nécessité de maîtriser l'évolution des effectifs de l'agence et de respecter les plafonds d'emplois qui lui sont assignés. La COG intégrera ces paramètres, avec les correspondants locaux à l'étranger dès 2011. Pour ce qui est de l'information délivrée aux familles, l'AFA est associée à la réalisation du portail internet gouvernemental www.adoption.gouv.fr, lancé le 1er avril, et qui a été visité plus de 20 000 fois.

Enfin, je regrette que l'on ait résumé les difficultés de fonctionnement de cet opérateur à une simple question de personne : l'AFA est un groupement d'intérêt public dans lequel l'État a une voix prépondérante, mais son conseil d'administration est autonome. Nous avons néanmoins obtenu qu'un recrutement ouvert ait lieu au terme du mandat de la précédente directrice générale. Les candidats ont fait l'objet d'auditions répondant aux critères de transparence nécessaires et le conseil d'administration a désigné Béatrice Biondi. La nouvelle directrice générale, dont le profil et le parcours professionnels présentent toutes les qualités requises, est entrée en fonction le 1er avril.

S'agissant, plus largement, du dispositif de l'adoption en France, nous devons dire la vérité aux candidats à l'adoption. L'agrément n'est ni un permis d'adopter, ni un droit à l'enfant. Ce désir ne peut être régi par une logique consumériste : c'est ainsi que nous pouvons nous prémunir contre certaines dérives. Nous n'avons pas une obligation de résultats chiffrés mais une obligation de moyens afin que notre dispositif soit le plus efficient possible. Je comprends le désir d'enfant et l'adoption vécue comme un ultime recours, mais nous ne pouvons entretenir de faux espoirs. Oui, monsieur de Legge, il faut dire au plus tôt la vérité aux candidats à l'adoption qui parfois, désespérés, sollicitent les représentants de la nation que vous êtes.

Pour améliorer notre dispositif, le premier moyen est l'information. Votre mission, soutenue par Sophie Joissains, propose la généralisation progressive à l'ensemble des départements des réunions collectives préalables à la confirmation de la demande d'agrément. Grâce à une meilleure prise de conscience de la réalité de l'adoption, elles ont abouti en 2007 à l'abandon de leur projet par 2 800 candidats à l'agrément.

L'avant-projet de loi comportait l'obligation d'une réunion d'information collective avant confirmation de l'agrément, sauf pour les petits départements, autorisés à la remplacer par un entretien individuel. Le Conseil d'État ayant jugé la disposition réglementaire, c'est finalement un projet de décret que nous présenterons au Conseil supérieur de l'adoption.

S'agissant de l'information, je travaille avec les départements pour élaborer des outils de référence ; l'Assemblée des départements de France et les départements pilotes sont mobilisés et je compte sur vous, monsieur Daudigny, en tant que président de la commission des affaires sociales de cette instance, pour que nous aboutissions avant l'été !

En 2007, nous avons enregistré 11 000 demandes nouvelles d'agrément ; 8 500 agréments ont été délivrés, 900 refusés. Pourquoi rendre plus difficile l'obtention de l'agrément, puisque les candidats à l'adoption internationale sont clairement informés des difficultés qu'ils peuvent rencontrer ? Je ne veux pas non plus fixer une limite ou un écart d'âge et entrer ainsi dans des considérations discriminatoires ; du reste, peu de personnes âgées demandent un agrément et le président du conseil général est parfaitement à même d'apprécier chaque cas. Et quelles limites poser pour les conjoints ayant une grande différence d'âge ? On ne saurait enfin définir des critères de refus d'agrément, car l'évaluation n'est pas l'examen du code de la route et nous refusons d'enfermer les travailleurs sociaux et les élus dans une analyse stéréotypée. En revanche, il me semble bon de rappeler qu'une décision administrative doit respecter les principes d'égalité et de non-discrimination. Une information technique sera prochainement diffusée auprès des conseils généraux pour préciser ce point de droit, comme nous y invitent la Cour européenne des droits de l'homme ainsi que la Halde. Nous élaborons un guide de l'agrément destiné aux travailleurs sociaux, afin de les aider à harmoniser les pratiques. Un fichier national des agréments et des refus ? Certes, un candidat à l'adoption débouté dans un département, ne pouvant déposer une nouvelle demande avant trente mois, peut être tenté de s'adresser à un autre département. Mais combien le font ? L'investissement financier réclamé pour une harmonisation des fichiers est-il justifié ?

Il faut mieux vérifier la validité des agréments, suggèrent certains d'entre vous : précisément, le projet de loi prévoit une mesure de caducité avec mise en demeure préalable, lorsque les titulaires ne confirment pas leur agrément chaque année, comme ils le doivent. Ainsi nous serons assurés que les agréments sont actifs. Les modalités de mise en demeure doivent être simples, dans le respect des droits des intéressés. Vous souhaitez un débat sur l'adaptation de la réglementation aux évolutions de la famille. Le Gouvernement n'entend pas revenir sur le cadre actuel : adoption par les époux mariés ou par une personne célibataire. Néanmoins, un débat pourrait se tenir au sein du Conseil supérieur de l'adoption.

Vous suggérez de faciliter l'adoption nationale en raccourcissant et simplifiant les procédures d'abandon. Je suis très attachée au droit de l'enfant à vivre avec sa famille de naissance : il nous incombe d'aider les adultes à exercer leur autorité parentale dans l'intérêt supérieur de l'enfant. C'est tout le sens de notre dispositif de protection de l'enfance, conforté par la loi du 5 mars 2007. Mais parfois, les parents se désintéressent totalement de l'enfant, ballotté de famille d'accueil en famille d'accueil. L'article 350 du code civil prévoit alors une procédure de déclaration d'abandon, à l'issue de laquelle l'enfant devient pupille de l'État. Un projet de vie, si possible d'adoption, est alors défini dans les meilleurs délais. Mais l'abandon est lourd d'implications : gardons-nous de toute précipitation. Et, vous avez raison, évitons les fausses promesses aux candidats à l'adoption. Nous ne pouvons considérer que nous avons là un réservoir d'enfants à adopter ! Merci à M. Barbier de soutenir notre démarche. Je précise que les pupilles de l'État ne répondent guère, par leur âge notamment, aux attentes des candidats à l'adoption.

Pourtant, la procédure d'abandon peut être améliorée ; Mme Dati et moi-même proposons de faciliter la détection plus précoce des situations d'abandon, pour accélérer les procédures. Le rapport annuel sur la situation de l'enfant comprendra désormais un avis sur l'éventualité d'un abandon. J'ai également chargé l'Igas d'évaluer les pratiques sur le terrain et de réfléchir à un outil d'analyse du délaissement parental. Parallèlement, l'Observatoire national de l'enfance en danger (Oned) examinera les expériences étrangères. Nous voulons mutualiser les expériences des travailleurs sociaux, pour les aider et pour harmoniser les pratiques. Je partage votre avis, deux cartes postales par an ne sauraient attester le maintien du lien familial. Mais il faut éviter la précipitation. Le projet de loi autorisera le ministère public à saisir le tribunal de grande instance d'une procédure judiciaire d'abandon en cas de carence des services ou des personnes habilités à engager une telle procédure.

J'ajoute qu'une circulaire du 28 octobre 2008 enjoint les juges d'examiner les demandes de déclaration d'abandon dans un délai de trois mois. Et le décret du 10 avril 2009 améliore la communication des pièces entre juge aux affaires familiales, juge des enfants et juge des tutelles.

J'en viens à l'adoption simple. Le Conseil supérieur de l'adoption me semble l'instance appropriée pour réfléchir sur cette question et je lui confierai une mission en ce sens. Je ne crois pas qu'il faille modifier le dispositif juridique ; ce sont les esprits qu'il faut faire évoluer, dans notre pays qui est culturellement si attaché à l'adoption plénière. Aujourd'hui, l'adoption simple est utilisée presqu'exclusivement dans le cas des adoptions intrafamiliales. Nous devons sensibiliser les travailleurs sociaux afin qu'ils s'efforcent de persuader les parents de naissance de consentir à l'adoption simple...

Je veux apporter quelques précisions supplémentaires concernant les adoptions de pupilles de l'État. Au 31 décembre 2007, sur les 2 312 pupilles, 775 seulement étaient placés en vue de l'adoption. Pour 500, le tuteur considère que l'adoption ne s'impose pas parce que l'enfant s'épanouit dans sa famille d'accueil ; 800 sont trop âgés, handicapés ou ont une fratrie ; finalement, seuls 400 environ sont adoptables. Je viens de mettre à disposition des DDASS et des conseils généraux un système d'information pour l'adoption des pupilles de l'État. Je souhaite maintenant que les tutelles s'emparent de cet outil, colonne vertébrale de la communication entre tous les acteurs concernés. A l'automne prochain, j'organiserai une journée technique nationale sur l'adoption des pupilles de l'État.

Enfin, au-delà du suivi imposé par les pays d'origine des enfants, Mme Bachelot-Narquin et moi-même souhaitons généraliser les consultations médicales spécialisées dans l'adoption pour parvenir à une par région... Et les DOM ne seront pas oubliés ! (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme.  - Permettez-moi de saluer la grande qualité du travail accompli par le Sénat, dont je partage les conclusions : donnons à l'Agence française de l'adoption une seconde chance. Les difficultés qu'elle a rencontrées au cours de ces premières années de fonctionnement ne sont pas de son seul fait. Plutôt que de renoncer à cet outil utile pour les familles françaises, donnons-lui les moyens de remplir son ambitieuse mission d'assurer l'égalité des chances devant l'adoption. D'où la mission confiée par le Président de la République à M. Colombani, dont le rapport, déposé en mars dernier, inspire largement cette réforme que Mme Morano et moi-même menons de concert sous le pilotage du Premier ministre. Un ambassadeur chargé de l'adoption internationale, M. Jean-Paul Monchau, a été nommé en juin, un premier conseil interministériel de l'adoption s'est réuni en janvier 2009 et un projet de loi sera prochainement examiné par le Parlement.

Avant le lancement de la réforme, je me suis mobilisée pour régler les dossiers d'adoption bloqués, notamment au Népal et à Haïti. Ce travail a porté ses fruits en 2008 puisque les adoptions internationales, qui avaient brutalement chuté, ont, pour la première fois depuis longtemps, progressé de 3,6 %. Quand 80 % des adoptions par des familles françaises sont réalisées à l'étranger, ce chiffre n'a rien d'anodin...

Pour autant, l'adoption, plus qu'une histoire de chiffres et de dossiers administratifs, est d'abord une aventure humaine chaleureuse et, parfois, douloureuse. Trop souvent, elle relève du parcours du combattant. Mme Morano et moi-même ne sommes donc pas trop de deux pour engager cette réforme où le droit de l'enfant doit l'emporter sur le droit à l'enfant. L'adoption engage, en effet, une certaine conception de l'éthique.

La réforme avait pour premier but de reconstruire une autorité centrale de l'adoption internationale capable de remplir ses missions. Depuis la parution du décret du 14 avril, il existe désormais, au sein du ministère des affaires étrangères, un service de l'adoption internationale, dirigé par l'ambassadeur chargé de l'adoption internationale. Par parenthèse, madame Joissains, l'affaire de l'Arche de Zoé, opération menée en toute illégalité, n'est en rien imputable à une défaillance de l'autorité centrale. Fort de 22 agents à plein temps, ce service accueille également des personnels provenant de la Chancellerie et du ministère du travail afin de préserver le caractère interministériel de sa mission. Si ces effectifs sont proches de ceux de l'ancienne mission pour l'adoption internationale, alors que la création de I'AFA devait le décharger de certaines compétences, ses missions ont été élargies aux fonctions de stratégie et de régulation, qui constituaient la principale faiblesse de notre dispositif soulignée par le rapport Colombani, la Cour des comptes ainsi que le rapport du Sénat. Or ces missions, pour être remplies, doivent s'accompagner des moyens humains correspondants, d'autant que ce secteur connaît une professionnalisation accrue. Pour autant, des marges de progression sont possibles. J'accueille avec intérêt l'idée d'un audit fonctionnel, dont l'effet serait de réduire les procédures d'adoption. Dans cet esprit, j'ai d'ailleurs demandé à M. Monchau d'étudier un projet de système d'information unique entre les ministères, les ambassades et l'agence. Ce projet, qui aura un coût, pourra être présenté lors du prochain comité interministériel de l'adoption.

En attendant, le nouveau service s'est mis au travail depuis septembre dernier. Il a renforcé la politique de coopération avec les OAA en les associant systématiquement à la définition de la « stratégie-pays » et en les incitant à se regrouper, via un mécanisme financier incitatif doté d'une enveloppe de 300 000 euros. Ensuite, il a mis au point un programme de formation pour les personnels diplomatiques, dont bénéficieront pour la première fois 15 agents dès les 18 et 19 mai, et participé à la rédaction de la convention d'objectifs et de gestion de I'AFA qui sera examinée par le conseil d'administration de l'agence dans les prochaines semaines. Outre sa contribution au site internet gouvernemental sur l'adoption, ouvert depuis le 1er avril dernier, il s'est rapproché de la conférence de La Haye de droit international privé et d'autres pays afin de redonner à la France sa place dans l'adoption internationale. Après huit mois, l'organisation institutionnelle de l'adoption internationale a donc considérablement évolué.

J'en reviens à l'agence. Sa gouvernance avait été fortement critiquée. Je place toute ma confiance en sa nouvelle directrice générale depuis le 1er avril, Mme Béatrice Biondi, magistrate, qui doit renouer le dialogue avec les associations de familles adoptantes et les OAA. De plus, le projet de loi vise à corriger certaines difficultés. Désormais, l'AFA interviendra dans tous les pays, et non dans les seuls États signataires de la convention dite « La Haye I » ; elle pourra, avec la notion qui lui est rattachée de « pays qui répondent le mieux au projet », mieux orienter les familles en n'étant pas tenue par une stricte obligation de neutralité et, comme les OAA, mener des actions dans les trois pays que sont le Népal, l'Éthiopie et le Vietnam, qui exigent une contrepartie humanitaire, sous le strict contrôle de l'autorité centrale. Reste que ces pratiques ne lassent pas de nous interroger...

Pour construire une stratégie concertée de l'adoption internationale, l'autorité centrale dispose de deux outils. Premièrement, le Fonds de coopération doté de 3 milliards pour 2009, dont 2 pour les pays situés dans la zone de solidarité prioritaire pris sur le Fonds social de développement et 1 pour les autres pris sur les crédits centraux du ministère. L'utilisation de ces crédits dédiés à la coopération, dont 300 000 euros pour les OAA, sera décidée en liaison avec nos ambassades. A cet égard, le découplage de l'adoption internationale et de la politique de co-développement préconisé par Mme Joissains me semble une piste intéressante. Le deuxième outil est constitué par le réseau des volontaires de la protection de l'enfance que j'ai lancé en juillet dernier, avec succès puisque huit d'entre eux sont désormais en ambassade, principalement en Asie et en Afrique, grâce à un effort financier historique de l'État et de certaines collectivités territoriales, telle la ville de Bordeaux, et d'entreprises privées. Au total, 760 000 euros ont été dégagés pour deux ans, dont 400 000 provenant du secteur privé. Avant la fin de l'année, mon objectif est de déployer 20 volontaires dont la mission sera, au sein des ambassades, de concrétiser notre nouvelle approche de l'adoption internationale.

Ils n'ont pas vocation à se substituer aux agents consulaires mais assisteront les ambassades dans l'évaluation des opérateurs et l'accueil des familles ; à ce titre, ils pourront bénéficier de financements de la coopération. J'attends qu'ils fassent la preuve de notre nouvelle approche de l'adoption, fondée sur le respect et l'application des principes de la convention de la Haye.

L'adoption internationale n'est pas une fin en soi mais un outil de protection de l'enfance. Elle doit être le dernier recours, une fois épuisées toutes les solutions d'intégration locale. C'est l'esprit des textes et la conviction des responsables politiques des pays d'origine : leurs enfants sont mieux chez eux. De grands pays comme les États-Unis ou l'Italie ne se contentent dès lors plus de financer un orphelinat ici ou là. Ils dialoguent d'égal à égal avec les autorités des pays d'origine, car ils ont su montrer qu'ils travaillaient aussi avec eux pour que les enfants aient un avenir sur place. Or notre pays donne l'impression d'être plus préoccupé de la satisfaction de ses familles que de l'avenir des enfants... Or ces familles sont aussi une chance pour ces enfants.

Nous sommes aujourd'hui à un tournant. La plupart des recommandations des récents rapports ont été mises en oeuvre. L'enjeu se situe désormais sur le terrain, là où se décide la place donnée aux candidatures françaises. Je souhaite moi aussi une approche globale des efforts de coopération, mais la solution reste à inventer. Nous devons veiller à ne jamais donner l'impression de payer un prix pour l'enfant car, vous l'avez dit, un enfant ne s'achète pas. D'autre part, les efforts de coopération devront avoir un lien réel avec la protection de l'enfance. Le défi est de devenir un véritable partenaire des pays en matière d'aide sociale à l'enfance. C'est la condition pour donner une seconde chance à l'AFA, mais surtout à l'adoption en France, quand, chaque année, la moitié des demandes sont vouées à l'abandon et 4 000 familles restent sans solution.

Je souhaite que demain, cette demande ne soit plus un problème pour nous mais une chance pour les enfants. Nous devons nous donner les moyens de rencontrer ces enfants qui ont réellement besoin d'être adoptés. La moitié du chemin est faite. Nous devons continuer d'avancer. (Applaudissements sur les bancs UMP, centristes et socialistes)

Prochaine séance, mercredi 29 avril à 14 h 30.

La séance est levée à minuit cinq.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 29 avril 2009

Séance publique

A QUATORZE HEURES TRENTE

1. Proposition du président du Sénat tendant à la création d'une commission spéciale sur le projet de loi portant réforme du crédit à la consommation (n°364, 2008-2009) et nomination des membres de cette commission spéciale.

2. Débat sur la crise financière internationale et ses conséquences économiques.

3. Question orale avec débat n°31 de Mme Christiane Demontès à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur le bilan de la politique de défiscalisation des heures supplémentaires.

4. Débat sur la politique de lutte contre l'immigration clandestine.

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu de :

- Mme Michèle André un rapport d'information fait au nom de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sur les Actes de la rencontre avec les maires élues en 2008, organisée le 9 mars 2009 ;

- M. le Premier ministre un projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2009-112 du 30 janvier 2009 portant diverses mesures relatives à la fiducie et modifiant le livre IVe du code civil ;

- M. Jean Desessard, Mmes Marie-Christine Blandin, Alima Boumediene-Thiery, Dominique Voynet et M. Jacques Muller une proposition de loi relative à la réglementation de l'implantation des antennes-relais de téléphonie mobile et à la réduction de l'exposition des personnes aux champs électromagnétiques ;

- M. le Premier ministre un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour le développement économique des outre-mer ;

- M. Nicolas About une proposition de loi relative aux dispositifs d'assistance aux joueurs dans le cadre des jeux de hasard ;

- MM. François Rebsamen, Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, une proposition de loi visant à créer une contribution exceptionnelle de solidarité des entreprises ayant réalisé des bénéfices records ;

- M. le Premier ministre un projet de loi ratifiant diverses ordonnances en matières financière et comptable ;

- Mme Nathalie Goulet une proposition de résolution européenne, présentée en application de l'article 73 bis du Règlement, sur les relations entre l'Union européenne et l'État d'Israël ;

- M. Alain Lambert une proposition de loi modifiant le code général de la propriété des personnes publiques ;

- M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'avenant à l'accord de siège du 11 janvier 1965 entre le gouvernement de la République française et le bureau international des expositions relatif au siège du bureau international des expositions et à ses privilèges et immunités sur le territoire français ;

- M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République du Monténégro, d'autre part ;

- M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Croatie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure ;

- M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation des amendements aux articles 25 et 26 de la convention sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux ;

- M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de l'État des Émirats Arabes Unis.

- M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sur l'enseignement bilingue entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la Roumanie ;

- M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres relatives à la garantie des investisseurs entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco ;

- M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la Géorgie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

- M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le gouvernement de la République française et l'Organisation internationale de la Francophonie relative à la mise à disposition de locaux pour installer la Maison de la Francophonie à Paris ;

- M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord de coopération en matière de sécurité intérieure entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Slovénie.