Hôpital, patients, santé et territoires (Urgence - Suite)

Discussion des articles (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires. Nous en étions parvenus à l'article 12.

Article 12 (Suite)

M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - Monsieur Cazeau, le fait que nous débattions désormais en séance du texte de la commission n'empêche nullement le Gouvernement de déposer des amendements. Chacun dans cet hémicycle dispose encore de ce droit.

L'article 12 tend à créer les communautés hospitalières de territoire. Le bilan des restructurations hospitalières passées n'est pas bon, c'est le moins que l'on puisse dire. La moitié des opérations consistent en regroupements géographiques d'activité, dont les premières victimes sont les établissements de proximité établis dans des zones déjà mal dotées : zones périurbaines, arrière-pays du littoral, campagnes isolées, petites villes. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant -il est même légitime- que les nouveaux projets se heurtent au rejet des populations et des collectivités locales.

Il est à la fois nécessaire de recomposer notre système de soins et de sauvegarder le maillage sanitaire du territoire. Une étude menée il y a quelques années par les présidents de CME a montré que les restructurations doivent leurs succès à l'implication locale et leurs échecs à la contrainte des tutelles. Il convient donc d'encourager les initiatives de terrain et de faire prévaloir une nouvelle approche de la coopération entre établissements. Le dépérissement des hôpitaux de proximité n'est pas une fatalité : même à la montagne, on peut avoir accès à des soins de qualité grâce aux efforts conjugués des élus, de l'administration et des médecins.

Le rapport Larcher recommandait d'offrir aux acteurs de terrain le moyen de bâtir ensemble leur propre projet. C'est le sens de la nouvelle communauté hospitalière de territoire, inspirée des coopérations intercommunales qui furent porteuses d'un réel dynamisme même si tous ne s'y engagèrent pas avec un égal enthousiasme.

La commission a souhaité modifier cet article pour jeter les bases d'une coopération contractuelle, fondée sur une convention de communauté hospitalière qui traduira l'accord des parties sur un projet et fixera les modalités de sa réalisation. Les établissements devront en discuter avec l'ARS qui détient tous les leviers d'action : autorisation et contractualisation.

Nous avons donc privilégié une organisation souple, basée sur le volontariat : les acteurs locaux pourront ainsi faire preuve de leur esprit d'initiative et de leur imagination habituels et donner un second souffle à la coopération entre établissements publics.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.  - J'entends depuis quelques jours sur les bancs de cette assemblée une petite musique pernicieuse. On voudrait bâillonner le Gouvernement. (Exclamations)

M. Bernard Cazeau.  - Cela ne risque pas d'arriver !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Certains considèrent comme inconvenant ou attentatoire aux droits du Parlement que le Gouvernement expose ses thèses sur tel ou tel sujet. Je fais le plus grand cas des travaux de la commission ; sur 1 500 amendements, je n'en ai déposé qu'une soixantaine.

M. Guy Fischer.  - Ce n'est déjà pas mal...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Désormais, le Sénat examine en séance publique le texte adopté par la commission ; il est normal que le Gouvernement, sur des points importants, puisse rappeler sa position. Le vote de la commission n'est pas définitif ! Les sénateurs qui n'y siègent pas ont le droit de se prononcer.

S'agissant de l'architecture des communautés hospitalières de territoire (CHT), la commission a voulu modifier le texte du Gouvernement.

Je me félicite de certaines modifications que vous avez apportées, mais d'autres pourraient affaiblir la portée des communautés hospitalières de territoire.

Je pense notamment à la disparition de l'établissement-siège, notion qui a inquiété certains, alors qu'elle désigne un facilitateur et un organisateur, non un dominateur. Si trois hôpitaux locaux créent une communauté hospitalière de territoire avec un centre hospitalier, celui-ci peut les faire profiter de ses compétences en matière de systèmes d'information et de gestion prévisionnelle des emplois médicaux. On retiendra plus facilement un neurologue en lui offrant une activité partagée entre plusieurs établissements qu'avec un simple temps partiel. Plusieurs hôpitaux, dont aucun ne pourrait s'offrir une équipe de qualité, peuvent mutualiser leurs moyens en vue de la certification et combattre les infections nosocomiales.

M. Alain Fauconnier.  - On peut le faire par convention.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Chacun est prêt à travailler avec autrui, mais le passage à l'acte est plus difficile. Il faut donc organiser la coopération en instituant une gouvernance spécifique à la communauté. A cette fin, je vous proposerai trois amendements qui remplaceront le 1195 rectifié.

Le premier tire les conséquences pour l'article 12 d'amendements à l'article 5, adoptés par le Sénat. Ainsi, les conseils de surveillance formuleront un avis sur les communautés hospitalières de territoire, l'adhésion étant proposée par les directoires. Le deuxième dispose que l'approbation d'une communauté la constitue et désigne l'établissement-siège. En vertu du troisième, cet établissement sera choisi par les deux tiers des commissions de surveillance représentant les trois quarts de l'activité de médecine-chirurgie-obstétrique (MCO).

Il y aura donc un pilote dans la communauté, mais pas de nouvelle couche administrative. Comme pour la coopération intercommunale, quelques compétences devront obligatoirement être déléguées par les établissements. Je pense notamment à la politique du système d'information, à la gestion des cadres et aux investissements lourds, sans oublier les Cepom. Votre commission des affaires sociales souhaite instituer une commission de communauté réunissant les présidents des conseils de surveillance, les directeurs et les présidents des CME. Cette sorte d'assemblée générale satisfait mon objectif d'associer toutes les parties prenantes, mais le primat de l'efficacité me fait préférer un conseil de surveillance, un directoire et une CME communautaires.

Par ailleurs, j'ai accepté que le directeur de l'établissement-siège ne nomme plus les directeurs des autres établissements. Avant de créer une communauté hospitalière de territoire, il faudra recueillir les avis des conseils de surveillance, qui devront systématiquement délibérer si la participation d'un CHU est envisagée.

J'ajoute qu'un amendement à l'article 13 limitera strictement les pouvoirs dont dispose le directeur général de l'ARS pour imposer la création d'une communauté hospitalière de territoire : il devra faire valoir des impératifs de sécurité et de qualité des soins.

Ces suggestions devraient enrichir le débat.

M. le président.  - Nous allons donc examiner trois nouveaux amendements (vives protestations à gauche), ce qui impose de réunir la commission. (Marques de satisfaction sur les mêmes bancs)

La séance, suspendue à 14 h 55, reprend à 15 h 30.