Ville et logement

M. le président.  - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Ville et logement ».

Intervention des rapporteurs

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Après les nombreuses turbulences qu'a connues cette mission en 2009, qui touchaient tant à sa structure qu'à son administration et à son financement, nous espérons que le Gouvernement, par les réponses qu'il apportera à nos questions, saura nous convaincre que nous en revenons à la stabilité, ce qui rassurera les acteurs de la politique de la ville et du logement.

L'intégration du programme « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » -conséquence de la mise en oeuvre du droit au logement opposable-, la création du programme « Politique de la ville » -résultat de la disparition des crédits budgétaires destinés à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine en 2009- étaient, pour notre commission, synonyme d'une plus grande cohérence, d'autant que la mission conservait son statut de mission ministérielle. Patatras ! Avec le remaniement de juin dernier, la mission est éclatée entre deux ministères, ce qui n'est pas véritablement source d'efficacité et de revalorisation de ces politiques étroitement liées. Monsieur le ministre, pouvez-vous me confirmer que cette architecture budgétaire ne sera pas une nouvelle fois modifiée et que le programme « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » sera maintenu au sein de la mission, contrairement à la recommandation du comité interministériel d'audit des programmes ?

Ensuite, permettez-moi d'insister sur la nécessité de réduire l'écart entre les engagements et leur mise en oeuvre. En la matière, nous avons encore des marges de progression importantes. Je pense à la laborieuse mise en place de la garantie universelle des risques locatifs, considérés par d'aucuns comme une usine à gaz, après plus de deux ans de négociations, mais aussi au droit au logement opposable. Sur ce dernier point, les commissions départementales n'ont toujours pas été doublées, bien que le Parlement ait voté les crédits pour. Monsieur le ministre, l'argument de la distorsion de décision d'une commission à l'autre est tout simplement absurde puisque nous avons adopté le principe de la régionalisation de la demande en Ile-de-France. Il faut donc, sans plus attendre, faire appliquer les décisions du Parlement pour accélérer le traitement des demandes sans quoi nous pouvons redouter le pire pour la seconde phase de généralisation en 2012. Je pense également à la réflexion inaboutie sur la géographie prioritaire, que notre commission avait pourtant engagée en faisant adopter le principe d'une actualisation du zonage prioritaire tous les cinq ans à partir de 2009. Certes, il y a eu une concertation durant le premier semestre de cette année, le Livre vert du comité interministériel des villes, le rapport de MM. André et Hamel. Mais que reste-t-il en fin d'année ? Une controverse sur la suppression des zones urbaines sensibles. Enfin, le nouveau report de la réforme de la DSU, heureusement compensé par l'allocation de 70 millions supplémentaires aux 250 villes les plus pauvres. Autant de débats non tranchés et de polémiques qui jettent le doute sur l'engagement du Gouvernement à mener une politique ambitieuse de rééquilibrage au profit des zones urbaines les plus en difficultés.

Madame Amara, monsieur Apparu, votre charge est lourde, les politiques de la ville et du logement complexes et les résultats difficiles à obtenir. Il est donc particulièrement dommageable que l'on ne souligne pas davantage les efforts budgétaires de ces huit dernières années. Hier, le maire de Paris a parlé de désengagement ignoble de l'État en matière d'hébergements d'urgence. Mais les collectivités locales doivent aussi assumer leurs responsabilités et, grâce à une augmentation très sensible des crédits ces dernières années, l'État a globalement respecté le plan d'action renforcé en direction des personnes sans abri, sauf en matière de construction de logements financés en Plai. Sur des sujets aussi sensibles, il faut donc faire, et bien faire -c'est le rôle premier des politiques-, mais aussi faire savoir. Encore faut-il des objectifs clairs et des politiques lisibles, c'est ce à quoi le Parlement vous invite.

Les dotations de la mission connaissent une heureuse progression de 3,5 % en autorisations d'engagement et de 4,5 % en crédits de paiement par rapport à l'an passé. Pour autant, il faut nuancer cette évaluation positive en constatant que, d'une part, cette évolution est largement imputable à la progression des aides personnelles au logement liée à la crise et, d'autre part, que le plan de relance, une ressource par nature non permanente, a été mis à contribution pour financer les aides à la construction à hauteur de 80 millions, la rénovation urbaine pour 150 millions et l'Agence nationale de l'habitat pour 67 millions et parfois d'autres dépenses que celles d'investissement, notamment l'intermédiation locative ou l'aide alimentaire.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.  - Hélas ! C'est vrai !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Notons également que le programme « Développement et amélioration de l'offre de logements » prévoit le financement de 110 000 logements sociaux, avec 130 millions d'euros supérieurs en autorisations d'engagement par rapport au budget prévisionnel triennal 2009-2011, et que les crédits d'intervention de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité, inscrits dans le programme « Politique de la ville », accusent une baisse qui, compte tenu de l'exécution budgétaire 2008 et du prévisionnel pour 2009, relève plutôt de la quasi-stabilité.

Les contrats urbains de cohésion sociale ayant été prolongés d'une année dans l'attente de la refonte de la géographie prioritaire, collectivités locales et associations voient leurs moyens reconduits pour 2010, mais quid des années suivantes ? Madame la ministre, pourriez-vous éclaircir ce point ?

Enfin, la mission reste marquée par des sous-budgétisations, ce qui porte atteinte au principe de sincérité budgétaire. Sont principalement touchés en 2010 le programme « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables »...

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - C'est exact.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - ...et le programme « Aide à l'accès au logement ».

Pour le premier programme, la simple comparaison du montant des crédits consommés en 2008 et des crédits inscrits au projet de loi de finances 2010 fait apparaître, à structure constante, un écart de 131 millions d'euros, soit 12 % du montant des crédits. Ces prévisions à la baisse pour l'hébergement d'urgence et l'aide alimentaire nous paraissent fort peu réalistes compte tenu de la crise, de l'accroissement des frais de fonctionnement correspondant aux nouvelles places d'hébergement et des engagements pris pour humaniser les centres d'hébergement d'urgence. A l'évidence, il ne s'agit pas là d'un désengagement de l'État mais bien de sous-budgétisations qui apparaîtront d'autant plus visiblement en 2010 que les actions du programme ne seront pas abondées, comme en 2009, par les crédits de plan de relance.

En ce qui concerne les aides personnelles au logement, les effets de la crise et les simplifications administratives ont été pris en compte : la subvention d'équilibre versée par l'État au Fonds national d'aide au logement (Fnal) augmentera de 423 millions d'euros. Les reports de charges étaient devenus systématiques ces dernières années et les prévisions d'exécution actualisées faisaient apparaître un défaut de financement de plus de 550 millions d'euros pour 2009. Il était donc indispensable que le programme 109 fasse l'objet d'une rallonge budgétaire : c'est chose faite dans le projet de loi de finances rectificative pour 2009, qui procède à une ouverture de crédits de 558,7 millions d'euros. Ce complément permettra de couvrir les besoins de l'année en cours et de rembourser la dette de l'État vis-à-vis des organismes sociaux au titre des années antérieures. Il vous appartiendra, monsieur le ministre, de veiller à ce qu'une nouvelle dette ne se reconstitue pas. Nous aurons besoin de beaucoup d'argent l'an prochain pour répondre aux besoins liés à la montée en puissance des projets de rénovation urbaine.

J'évoquerai pour finir un lourd chantier que nous devrons mener à bien l'année prochaine pour en finir avec un pis-aller budgétaire. Pour la période triennale 2009-2011, le financement de pans entiers de la politique du logement et de la ville a été transféré à la charge du 1 % logement, à hauteur de 480 millions d'euros pour l'Anah et de 770 millions d'euros pour l'Anru, auxquels il faut rajouter 150 millions pour le financement du PNRQAD. Mais aucune réponse pérenne n'a été apportée au problème de financement des opérateurs.

Le changement de mode de financement fut si brutal pour l'Anah que sa situation financière fut mise en péril. Fin 2008, l'agence dut clôturer l'exercice en novembre, faute de trésorerie, et négocier avec l'agence France Trésor une convention d'avance de trésorerie d'un montant maximal de 240 millions d'euros. Dans le même temps, l'État a transféré à l'Anah sa compétence pour résorber l'habitat insalubre, mais aussi un reliquat de « dettes » d'engagements dépassant 50 millions d'euros ; au total, le montant des engagements restant à couvrir à la fin de l'année 2009 s'élève à un milliard d'euros, ce qui n'est pas rien...

La situation de l'Anru n'est pas meilleure et deviendra tout simplement intenable à compter de la fin 2010. Le programme national de rénovation urbaine (PNRU) entre en effet dans une phase active : les opérations prévues dans les conventions vont être réalisées. Fin 2010, la trésorerie de l'Anru sera définitivement asséchée et il faudra prévoir dès 2011 des ressources annuelles de l'ordre de 1,6 milliard d'euros, largement supérieures à la contribution du 1 % logement.

Le système de financement de l'Anah et de l'Anru mis en place en 2008 n'est donc pas viable. Il conduit en outre inexorablement à l'épuisement des ressources du 1 % logement.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - C'est faux !

M. Philippe Dallier.  - Non, monsieur le ministre, puisqu'on remplace des prêts à l'Anru par des subventions ! L'année 2010 doit donc être mise à profit pour mettre en place un mode financement réaliste et pérenne.

Sous réserve de ces observations et de l'amendement à caractère budgétaire qu'elle vous présentera, la commission des finances vous demande d'adopter les crédits de la mission. (M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, applaudit)

M. Gérard Cornu, en remplacement de M. Pierre André, rapporteur pour avis de la commission de l'économie.  - Je m'exprimerai au nom de notre collègue M. Pierre André qui n'a pas pu être présent ce soir.

La politique de la ville a pour objet de réduire les écarts entre les quartiers urbains en difficulté et les autres. Comme le rappelait le Président de la République dans son discours du 8 février 2009, elle « a été conçue pour intervenir de manière spécifique, comme effet levier, dès lors que les politiques de droit commun de l'État et des collectivités territoriales se sont pleinement exercées ».

Plus de 8 millions de nos concitoyens vivent dans un quartier éligible à la politique de la ville : c'est dire l'enjeu pour la cohésion nationale. Pourtant, c'est sans doute l'action publique qui suscite les plus vifs débats. Les uns doutent de son utilité, surtout quand les médias relatent les faits divers survenus dans les quartiers « sensibles ». Les autres considèrent que la politique de la ville fonctionne plutôt bien et craignent qu'une réforme ne provoque le désengagement financier des différents partenaires.

Votre rapporteur estime que cette politique est plus que jamais pertinente. Ce budget présente peu de changements. L'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances reste le principal opérateur de la politique de la ville. La nouvelle gouvernance est désormais bien établie et repose sur le secrétariat général du comité interministériel des villes, l'instance de pilotage et de décision présidée par le Premier ministre. En revanche, l'avenir des zones franches urbaines est incertain, alors même que leurs effets sur l'emploi ont été démontrés par l'Observatoire national des zones urbaines sensibles. Il faut enfin saluer les efforts de l'agence nationale pour la rénovation urbaine, qui participe à la fois aux programmes nationaux de requalification des quartiers anciens dégradés et de rénovation urbaine. Toutefois, le financement de cette agence deviendra problématique à partir de 2012. Qu'en pense le Gouvernement ?

Malgré la stabilité de la maquette budgétaire, on peut s'interroger sur les modalités d'intervention de la politique de la ville. M. André s'est vu confier, en avril, une mission par le Premier ministre pour définir une méthode de révision de la géographie des zones urbaines sensibles et des contrats urbains de cohésion sociale. Son constat est simple : « l'action par zonage n'a pas fait la preuve de son efficacité ». Selon lui, malgré les nombreuses actions conduites dans les territoires prioritaires, les écarts avec le reste de la ville ne se sont pas réduits, notamment dans le domaine de l'emploi. Le zonage trop strict a même produit des effets pervers. M. André propose de remplacer le contrat urbain de cohésion social et les nombreux dispositifs associés par un contrat unique signé entre le maire et le préfet pour la durée du mandat municipal. Les crédits devront être répartis suivant de nouveaux critères, de telle sorte que les communes les plus pauvres soient aidées en priorité. Notre collègue suggère donc de redonner un véritable rôle au maire.

Madame le ministre, nous savons que vous êtes loin de partager toutes ces options mais nous sommes d'accord sur les constats et nous espérons que le Gouvernement fera preuve de sagesse en suivant les recommandations d'élus locaux concernés au premier chef par cette politique.

Sous le bénéfice des ces observations, la commission de l'économie vous propose d'adopter les crédits de la mission. (Applaudissements à droite)

Mme Bariza Khiari, en remplacement de M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis de la commission de l'économie.  - J'interviens au nom de M. Thierry Repentin, empêché.

La crise économique n'est pas sans conséquence sur le logement : seuls 340 000 logements ont été mis en chantier au cours des douze derniers mois, soit 20 % de moins qu'au cours des douze mois précédents.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - C'est vrai.

Mme Bariza Khiari, rapporteur pour avis.  - Or 270 000 ménages arrivent chaque année sur un marché qui accuse déjà un déficit de 800 000 logements. La France manque de logements, surtout là où elle en aurait le plus besoin puisque c'est là où les besoins sont les plus importants que la construction coûte le plus cher.

L'augmentation de 6 % du budget du logement s'explique non pas par un effort supplémentaire du Gouvernement mais par la hausse mécanique des aides personnalisées au logement sous l'effet de la montée du chômage et de la dégradation de la situation financière des ménages. Le financement de ces aides provenant en partie des cotisations des employeurs, amenées à décroitre sous l'effet de la crise, on peut légitimement être inquiet.

Le logement est devenu un bon indicateur des inégalités de conditions de vie. Les ménages y consacraient 14 % de leurs revenus en 1988 ; cette proportion se monte aujourd'hui à 30 %.

J'en viens à présent à la prévention de l'exclusion et à l'insertion des personnes vulnérables. Je dois vous dire mon étonnement lorsque j'ai découvert, le 20 novembre dernier, que 56 % des Français estiment qu'ils pourraient un jour se retrouver sans abri. Près de 8 millions de personnes en France sont confrontées à la pauvreté. Je m'étonne donc de la diminution des crédits consacrés à cette politique alors que la situation sociale se dégrade.

S'agissant du développement et de l'amélioration de l'offre de logements, comment expliquer que les crédits accusent une baisse de plus de 15 % alors que ces dotations sont indispensables à la construction de logements sociaux et à la réhabilitation du parc privé ?

Je doute de l'efficacité de la réforme du 1 % logement. Celui-ci doit normalement contribuer au financement de l'Anah à hauteur de 480 millions d'euros par an entre 2009 et 2011 ; or ce versement accuse déjà un retard en 2009.

Je remarque que 480 millions d'euros sont prévus cette année pour produire 110 000 logements sociaux. C'est bien, mais c'est insuffisant pour répondre aux besoins car 60 % des ménages sont éligibles. En outre cette enveloppe est en diminution de 70 millions d'euros : n'y a-t-il pas un paradoxe à voir l'État réduire sa participation alors qu'il prétend développer le logement social ?

Pour finir, je voudrais aborder un sujet qui touche particulièrement notre commission : la promotion de l'habitat durable. J'ai la conviction que le secteur du logement peut apporter sa contribution à la lutte contre le changement climatique car il est responsable de 40 % de la consommation d'énergie finale dans notre pays.

Près de sept millions de logements demeurent énergivores. Or, les propriétaires concernés sont souvent modestes et la rénovation est très coûteuse. C'est pourquoi notre commission soutient le verdissement de la législation fiscale dans ce domaine.

En définitive, la crise actuelle doit être l'occasion de refonder la politique du logement pour l'adapter aux besoins des personnes et l'orienter résolument vers l'édification d'un habitat durable. Répondre à cette exigence permettrait d'assurer la pérennité d'un parc respectueux de l'environnement, de réduire la facture de nos concitoyens et de créer des emplois.

A titre personnel, le rapporteur a appelé à voter contre ce budget mais la commission de l'économie a émis un avis favorable à son adoption. (Applaudissements à gauche)

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - Notre rapporteur, retenu dans son département, m'a confié la lourde tâche de vous présenter la position de la commission sur cette mission.

Je concentrerai mes propos sur les points qui nous ont paru essentiels.

Tout d'abord, nous approuvons la réorientation des politiques publiques en matière d'hébergement des personnes sans abri afin d'organiser une véritable « filière » du logement : l'accueil d'urgence ne doit être qu'un passage pour que les personnes qui ont retrouvé une certaine stabilité puissent obtenir un logement durable. Le budget pour 2010 conforte cet objectif. Pour autant, il ne faut pas fragiliser le tissu associatif par des évolutions trop brutales. De plus, les crédits du plan de relance en faveur de l'hébergement et des structures d'accueil, qui ont été importants en 2009, ne sont pas reconduits en 2010, malgré le caractère récurrent de certaines dépenses.

De plus, la loi permet désormais une meilleure coordination des capacités d'accueil des personnes sans abri. Il faut poursuivre en ce sens, notamment en région parisienne où se concentre une grande part des difficultés en matière d'hébergement ou de logement.

2010 sera l'année européenne de lutte contre la pauvreté et les exclusions : souhaitons que l'État complète les dotations si certains crédits s'avèrent insuffisants, notamment pour l'aide alimentaire.

En ce qui concerne la construction de logements locatifs sociaux, les crédits de paiement progressent alors que les autorisations d'engagement régressent. Bien sûr, le plan de relance a produit ses effets dans le secteur du logement et il continuera de le faire en 2010. Pour autant, cette baisse des nouvelles opérations ne peut pas être un signal positif pour les opérateurs. Peut-on au moins espérer qu'elle s'accompagnera d'une meilleure concentration des opérations sur les territoires où l'offre et la demande sont les plus déséquilibrées ?

J'en viens au financement de la rénovation urbaine. L'Anru a quasiment achevé la phase de contractualisation avec les collectivités territoriales. Elle a engagé la presque totalité de ses moyens financiers. Les paiements commencent à atteindre un volume élevé et, à partir de 2011, ils seront compris entre 1,3 et 1,6 milliard par an, pendant au moins quatre années. Or, il manquera à l'Anru entre 140 et 400 millions en 2011, selon le rythme d'avancement des travaux. La réforme de 2009, qui mobilise les fonds du 1 % logement, ne prévoit rien après 2011. Comment le Gouvernement entend-il financer la montée en charge des subventions versées par l'Anru ?

En ce qui concerne la politique de la ville, les crédits sont en légère diminution. Pourtant, les problèmes persistent dans les quartiers défavorisés, comme le confirme le récent rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles.

Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour mobiliser enfin les différents ministères en faveur de ces quartiers ? Comment entend-il réformer la géographie prioritaire de la politique de la ville ? De ce point de vue, les orientations des parlementaires en mission, dont notre collègue Pierre André, nous ont semblé très positives : elles préconisent de globaliser les crédits au niveau d'un territoire, dans un cadre contractuel entre l'État et les élus locaux, ce qui permettrait une plus grande souplesse de gestion. Qu'en pensez-vous, madame la ministre ?

Avant de conclure, voici deux questions de M. Vasselle. La Caisse des dépôts a-t-elle l'intention de modifier ses financements en faveur des bailleurs sociaux qui rachètent leur logement à des ménages surendettés pour leur permettre de rester chez eux ?

Certains foyers logements sont aujourd'hui sous-occupés, en raison de la politique de maintien à domicile des personnes âgées : des aides de l'État peuvent-elles être accordées pour des opérations de transformation de ces foyers ?

De nombreuses questions restent posées mais les axes prioritaires de ce budget ont reçu le soutien de la commission des affaires sociales. (Applaudissements au centre et à droite)

Interventions des orateurs

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Les crédits de cette mission, à laquelle je suis particulièrement attachée parce qu'elle défend la dignité de l'homme, connaissent une hausse modeste imputable à la progression des aides personnelles au logement.

Avec 3,5 millions de personnes non ou mal logées, la situation est toujours aussi difficile. Sous l'effet de la crise, les personnes vulnérables sont de plus en plus nombreuses et c'est bien la faillite de tout un système dont elles témoignent. A nous d'en inventer un autre qui veillera plus efficacement sur les plus faibles.

Le programme « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » est doté de 1,1 milliard, dont 900 millions financeront des structures d'accueil, d'hébergement et de logement adapté pour les personnes sans abri. Cette somme ne sera sans doute pas suffisante.

Je ne pense pas non plus que l'on ait prévu les inévitables victimes que feront l'augmentation du chômage puisque, malgré l'optimisme de certains, la crise n'est pas encore derrière nous. La représentation nationale ne saurait se contenter de bonnes paroles lorsqu'il s'agit de la précarité et elle doit affirmer que la sous-budgétisation de ce programme, de même que celle du programme « Aide à l'accès au Logement », n'est pas acceptable. Certes, les crédits de ce dernier ont été augmentés pour faire face à la progression du nombre de familles en difficulté, mais aucune augmentation des allocations n'a été prévue. Avec la baisse des plafonds de ressources pour accéder au parc social et le relèvement du montant des surloyers, toute une frange de la population a été exclue du logement social.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Ce sont quand même des personnes qui gagnent plus de 5 000 euros par mois !

Mme Anne-Marie Escoffier.  - En dépit des avancées législatives de ces dernières années, les politiques publiques en faveur du logement ne se sont pas montrées à la hauteur des défis, soit par le désengagement financier de l'État, soit parce que le droit au logement opposable s'est révélé décevant, soit parce que les incitations fiscales ont favorisé le développement anarchique de l'offre, tandis que le parc locatif social continue d'être incompatible avec les besoins et le parc privé hors d'atteinte des plus modestes.

Que dire aussi de l'engorgement des dispositifs d'hébergement, de l'existence des discriminations sociales et ethniques dans l'accès au logement, de l'assignation à résidence des plus démunis dans des quartiers en difficulté et de la totale pénurie d'offres dans certaines zones ?

Depuis que l'abbé Pierre a lancé son appel, il y a plus de cinquante ans, il ne saurait y avoir de réelle politique de lutte contre l'exclusion sans politique du logement.

Certes, les crédits de la mission « Ville et Logement » augmentent mais je m'inquiète de la part sans cesse croissante des dépenses fiscales et des financements extra budgétaires, comme le 1 % logement, pour financer l'agence nationale de l'habitat (ANAH), le programme national de rénovation urbaine (PNRU) et le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD). D'après nos rapporteurs, d'inévitables tensions apparaîtront dès 2011 sur la trésorerie de l'Anru, tandis que certains s'interrogent sur le maintien du 1 % qui, devenant une ressource quasi fiscale, est en train de perdre son sens.

Nous écouterons avec intérêt vos réponses, madame et monsieur les ministres, réponses qui pourraient permettre au groupe RDSE de ne pas émettre un avis défavorable à l'adoption de ce budget. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Odette Terrade.  - La France manque cruellement de logements : il y a plus de 1,4 million de demandeurs de logements HLM, 500 00 sans domicile, 2 millions de personnes mal logées et 860 000 précaires. Plus de 3,5 millions de personnes sont donc en situation de mal logement.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Mais d'où sortez-vous tous ces chiffres ? N'importe quoi !

Mme Odette Terrade.  - Vous ne lisez pas les rapports de la fondation Abbé Pierre ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Je comprends mieux ! Ces chiffres sont fantaisistes !

Mme Odette Terrade.  - Voyez aussi les statistiques de votre ministère, monsieur le ministre !

Depuis le milieu des années 1970, le logement n'est plus considéré comme un bien devant répondre à des besoins sociaux et humains mais comme une marchandise susceptible de générer des pertes ou des profits. Cette évolution s'est traduite par un glissement des aides de l'État en faveur de la construction de logements sociaux vers un système de financement de la construction poussant à la spéculation. L'aide personnalisée au logement (APL) permettait de solvabiliser les locataires du parc social dont les loyers devaient s'aligner sur ceux du privé. En outre, vous avez multiplié les aides aux propriétaires pour qu'ils investissent dans l'immobilier.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Il fallait changer tout cela pendant les quatorze ans où vous avez été au pouvoir !

Mme Odette Terrade.  - Vous ne pouvez contester toutes ces lois, monsieur le ministre !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Qu'avez-vous fait ?

Mme Odette Terrade. - Je vous prie de m'écouter ! Vous me répondrez tout à l'heure.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Pardonnez-moi.

Mme Odette Terrade.  - Dans ce contexte, Nicolas Sarkozy a dit son espoir d'une « France de propriétaires ». On connaît la suite ! Les aides de l'État sont en diminution constante et n'assurent pas la priorité au logement pour les plus modestes. Quant aux classes moyennes, elles n'ont plus les moyens d'accéder à la propriété mais elles ne bénéficient pas non plus du logement social. C'est donc une impasse.

Depuis de nombreuses années, nous déplorons le manque d'ambition de l'État dans ce secteur. Nous sommes passés de 210 000 logements locatifs sociaux en 2000 à 153 000 en 2007.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - C'est quand même impensable de mentir à ce point !

Mme Odette Terrade.  - Aujourd'hui, votre Gouvernement annonce la mise en chantier de 110 000 logements alors qu'il faudrait en construire 450 000 pour commencer à répondre aux besoins.

Ce budget se situe donc dans la continuité du désengagement de l'État de ce secteur. Si les crédits globaux augmentent, cela cache des disparités contestables : c'est un budget en trompe-l'oeil.

Le programme « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables »devrait être la priorité pour 2010, année européenne de lutte contre l'exclusion, mais il est en nette diminution, et notamment en ce qui concerne la prévention de l'exclusion, en baisse de 23 %. Selon le rapporteur, « la sous-budgétisation chronique de ce programme est d'autant plus criante que pas un euro n'est prévu à ce titre dans le plan de relance. »

Les autorisations d'engagement du programme 135, qui correspond notamment aux aides à la pierre, diminue de 15 % et on note une sévère diminution de la subvention moyenne par Plus : 1 000 euros contre 2 700 en 2009. D'autre part, le nombre de Plus programmés est en diminution de 10 000 unités. La conclusion est nette : on construira moins avec moins d'argent.

En diminuant ses crédits, l'État reporte les besoins de financement des opérations sur les autres intervenants. Pourtant, les collectivités, du fait de la suppression de la taxe professionnelle, ne pourront pas maintenir un tel effort.

La lutte contre l'habitat indigne est désormais de la compétence de l'Anah. Cependant, vu la situation déplorable de cette agence, nous doutons de la pérennité de cette action. Il en est de même de l'Anru qui pourrait se trouver en cessation de paiement dès 2011. Pour la période 2009-2011, les deux agences de l'État chargées de la rénovation urbaine sont quasi exclusivement financées par le 1 % logement, ce qui permet à l'État de se désengager.

Parallèlement, nous ne disposons pas d'éléments permettant d'apprécier l'efficacité de la dépense fiscale. Nous pouvons simplement constater son « verdissement », destiné à en renforcer la légitimité. Pourtant, le montant total de ces exonérations atteint des sommets -11,3 milliards dont seulement 1,5 pour le logement social. Cette politique fiscale se donne d'autres priorités que la nécessaire construction de logement sociaux et elle privilégie les investissements fonciers de ceux qui disposent déjà d'un toit.

Quant aux aides personnelles, le rapporteur note très justement que les indicateurs liés au taux d'effort des ménages font apparaître des résultats médiocres, en régression par rapport à 2008. Ils illustrent, selon lui, « la diminution de l'effet solvabilisateur des aides personnelles malgré l'importance des volumes financiers ». La hausse effective des crédits consacrés aux aides personnelles résulte uniquement de la situation économique déplorable du pays. De ce fait, elle reste insuffisante alors que, en 2009, les loyers et les charges locatives ont davantage augmenté que les salaires. Nous demandons une revalorisation de 20 % de l'APL depuis de nombreuses années. Le rapporteur va même jusqu'à parler de l'insincérité de ce programme au regard des grandes difficultés financières du Fnal.

Parallèlement à un budget peu ambitieux, tout un arsenal législatif est mis en place pour réformer et dévoyer les prescriptions appliquées au logement. Ainsi, la loi Boutin, et les fameuses « Conventions d'utilité sociale » dont elle institue l'obligation -faute de se donner les moyens de construire et d'assurer le droit au logement-, impose d'éjecter les locataires dépassant les plafonds. En abaissant en même temps les plafonds de ressources, cette loi réduit le nombre des demandeurs en attente et exclut du logement social de nombreux salariés. Elle contraint également les organismes HLM à vendre une partie de leur parc -la bagatelle de 40 000 logements représentant 2 milliards !- afin de dégager de la trésorerie face à la baisse des concours de l'État. La Caisse des dépôts et consignations a été invitée à se défaire de ses filiales logement. Dans ce contexte, la loi Dalo n'offre aucun débouché concret puisqu'on continue à ne pas construire assez de logements. Le comité de suivi du Dalo indique que, sur toute la France, 7 250 ménages prioritaires n'ont pas reçu une offre dans le délai légal, dont 6 500 sont en Ile-de-France.

A ce triste bilan, il faudrait ajouter la banalisation du livret A et la mise en concurrence des réseaux bancaires qui fragilisent les ressources du logement social. Nous déplorons la disparition, depuis mai dernier, de 6,49 milliards des livrets A. Il faudrait également mentionner le pillage du 1 % logement à travers la loi Molle. Tout cela sans compter le retard à l'allumage dans l'application de la loi SRU qui impose 20 % de logements locatifs sociaux et qui est régulièrement remise en cause par votre majorité. Pour finir, la Commission européenne remet en cause -au nom de la libre concurrence- la possibilité pour les pouvoirs publics locaux ou nationaux de soutenir financièrement les opérateurs du logement social. Nous assistons donc sans doute à la phase ultime de l'attaque contre le droit au logement pour tous et à la tentative délibérée de marchandisation complète du logement.

Face à cette situation exceptionnelle, et à la faiblesse de ce budget, nous demandons solennellement la relance d'une grande politique de construction, adossée à la constitution d'un grand pôle public de financement du logement locatif. Nous demandons aussi que, face à l'urgente nécessité de construire, le budget de l'État pour le logement soit élevé à 2 % du PIB. Pour toutes ces raisons, et parce que ces crédits ne permettent pas un grand service public de l'habitat, nous ne voterons pas les crédits de cette mission.

M. Serge Dassault.  - Voici quelques remarques et propositions que j'ai déjà présentées ici, sans succès jusqu'à présent, et qui concernent tous les maires. Il faudrait changer la répartition des contingents de logements sociaux de façon que les maires disposent d'au moins 50 % des logements construits sur leur territoire, au lieu de 20 % actuellement. Aujourd'hui, les logements sociaux sont à 50 % pour le1 %, à 30 % pour le préfet et à 20 % pour le maire. Comme souvent, le 1 % ne remplit pas son contingent ; ce sont les bailleurs sociaux qui les utilisent sans en informer le maire. Or, celui-ci doit faire face à de nombreuses demandes de ses administrés qui le harcèlent pour obtenir un nouveau logement. Il doit en supporter les conséquences, y compris électorales... De plus, les bailleurs, le 1% et le préfet font venir des locataires d'autres communes aux dépens des administrés. La mairie pourrait prendre dans son contingent des familles répondant au critère des 1 %. Mais cette opération est aussi liée aux garanties d'emprunt imposées aux communes pour bénéficier des actuels 20 % de logements. Cette obligation est profondément injuste et dangereuse. D'une part parce que les communes ne disposent d'aucune réserve financière pour couvrir cette garantie, d'autre part parce que les autres bénéficiaires des contingents ne sont pas soumis à cette garantie. Je vous demande, monsieur le ministre, de revoir ces dispositions. Ou bien les municipalités ne conservent que 20 % des logements et ne garantissent plus que 20 % des emprunts, ou elles obtiennent 50 % des logements et garantissent 50 % des emprunts. La meilleure solution serait que la garantie d'emprunt soit supportée par le bailleur, qui se garantirait auprès d'une société spécialisée.

Je voudrais évoquer une autre disposition qui, jusqu'à présent, a échappé à tout le monde. Lorsque l'on impose de déménager aux locataires d'une tour à démolir, les bailleurs leur garantissent que leur futur loyer sera identique à l'actuel. Mais on oublie la taxe d'habitation, calculée sur les éléments de confort du nouveau logement et qui est beaucoup plus importante que la précédente. Le nouveau locataire, incapable de la payer, est souvent obligé de quitter ce logement.

Il faudrait décider qu'en cas d'opération de démolition et de reconstruction, les habitants ne paient pas dans leurs nouveaux logements sociaux une taxe d'habitation supérieure à celle qu'ils acquittaient dans les anciens. Car ils ne le peuvent pas ! Le problème, que personne n'avait anticipé, est apparu sur le terrain. La solution entraîne un manque à gagner pour les communes et les départements mais il faut que les maires soient d'accord.

On ne s'occupe pas suffisamment des familles monoparentales. Elles ne trouvent pas de logements et ne figurent pas dans la liste des catégories prioritaires dans l'accès aux logements sociaux. Il me semblerait normal qu'elles le soient.

Il faudrait allouer des crédits supplémentaires à l'Anru. La rénovation a été une excellente opération sociale et politique dans les communes qui en ont profité mais les coûts de rénovation ont augmenté et aujourd'hui, l'argent manque. Conformément au projet de Mme Boutin, les quartiers délaissés, en centre-ville par exemple, doivent être eux aussi reconstruits, faute de quoi cela entraîne des conséquences politiques que j'ai moi-même subies. Car les habitants voient les quartiers sensibles rénovés, dotés de parcs et de beaux bâtiments, tandis que rien ne se passe en centre-ville. Ils sont mécontents et ne votent pas pour le maire sortant : cela m'est arrivé et a bien failli me coûter la mairie.

C'est pourquoi je vous présente ces propositions, de bon sens. Je ne présenterai pas d'amendements, car je sais la difficulté à les faire adopter, mais je souhaiterais que le Gouvernement s'en inspire. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Bariza Khiari.  - « Comment peut-on parler de République quand la réussite scolaire et l'avenir professionnel dépendent non de l'intelligence, non du courage, non de l'ardeur au travail, non du mérite mais d'abord du milieu social d'où l'on vient, du quartier où l'on habite, du nom que l'on porte, de la couleur de sa peau ? Le plus grand danger qui menace notre modèle républicain, c'est que la République devienne une idéologie désincarnée. » C'est en ces termes que s'exprimait... le Président Sarkozy. Mais dans les politiques concrètes et dans les arbitrages ministériels, il en va autrement ! Les décisions présidentielles contreviennent aux discours élyséens. Les frontières de la République s'arrêtent-elles là où la question sociale est la plus aiguë ? Plus encore qu'en 2005, année marquée par des semaines d'affrontements violents, les quartiers dégradés sont les grands oubliés, les « territoires perdus » de la République. Le Gouvernement détourne le regard et néglige le sort de 8 millions de nos concitoyens qui vivent dans des territoires éligibles à la politique de la ville et, le plus souvent, aiment leur quartier.

Les grandes promesses du plan « Espoir banlieue » n'ont pas de traduction concrète. Le Président de la République annonçait une « mobilisation sans précédent pour casser les ghettos ». Or l'écart entre les zones urbaines sensibles et le reste du territoire ne s'est pas réduit depuis 2005. L'insécurité n'a pas reculé. La suppression de la police de proximité répondait à un parti pris idéologique du ministre de l'intérieur Sarkozy et elle a eu les effets néfastes que l'on sait. Le rétablissement des unités territoriales de quartier est intervenu bien tardivement. La sécurité, pour vous, c'est la vidéosurveillance, le taser, les contrôles au faciès, les innombrables procédures pour outrage. La tâche des policiers est difficile dans ces quartiers mais les fautes doivent être sanctionnées car sinon, les dérapages de quelques-uns font oublier le professionnalisme de tous les autres. Il faut soutenir les policiers, reconnaître leur rôle, renforcer leurs effectifs.

Le chômage frappe durement les habitants des zones sensibles : un jeune sur quatre contre un sur huit dans le reste de la France. Une personne sur trois vit en dessous du seuil de pauvreté. Le taux de chômage s'établit à presque 17 %, moitié plus qu'ailleurs. En dépit de ce tableau très sombre, le Gouvernement a, dans un premier temps, refusé de réserver une partie de la dotation de solidarité urbaine aux villes les plus pauvres. Pourtant, de l'avis de M. Dilain, maire de Clichy-sous-Bois, comme de la ministre Mme Amara, il faut concentrer la DSU sur les villes les plus pauvres, non la saupoudrer sur les 750 ZUS. Et la mobilisation de tous les ministères s'impose pour s'attaquer à ce que Jean-Louis Borloo avait qualifié de « cancer de la République ». Le diagnostic existe ; les conséquences sont connues ; les moyens, notoirement insuffisants.

Le Gouvernement se satisfait fort bien de l'existence de ces ghettos et ne fait rien pour eux : il y a non-assistance à population en danger. L'an passé, le Gouvernement avait fait voter contre l'avis des commissions concernées la limitation des avantages fiscaux et sociaux consentis aux zones franches urbaines, pourtant efficaces puisque le taux d'activité y progresse de 20 % par an. Le budget de l'État peut absorber un manque à gagner de 3 milliards d'euros en faveur des restaurateurs, un paquet fiscal de 15 milliards pour les plus favorisées ; mais impossible de trouver 65 millions pour l'emploi dans les quartiers difficiles...

Les crédits de la politique de la ville reculent et le changement de périmètre n'explique pas toute la baisse. Les financements de l'Anru ne sont pas acquis pour l'avenir et déjà les collectivités ont du mal à obtenir les fonds. Et surtout, le comité interministériel qui devait se réunir en octobre pour coordonner le plan d'action a été repoussé sine die. Sans dynamique interministérielle, la politique de la ville se réduit comme peau de chagrin. Revient-il au groupe socialiste de dénoncer la très grande solitude de Mme Amara ? Nous avons le sentiment que ses collègues du Gouvernement ne jouent pas le jeu.

Pour implanter, dans le cadre du Grand Paris, un métro souterrain en forme de grand huit, les moyens ne manquent pas. On trouve 25 milliards d'euros pour relier Roissy, Orly, la Défense et Saclay pour quelques privilégiés, mais rien pour les autres, les plus nombreux. La région et le Stif proposent, eux, des liaisons de banlieue à banlieue pour favoriser la circulation de tous et non de quelques-uns seulement. Nous voulons une agglomération durable qui ne fasse pas de tri sélectif parmi les Franciliens.

L'énergie et le temps dépensés dans le débat sur l'identité nationale auraient été mieux employés à l'amélioration des conditions de vie de nos concitoyens les plus fragiles. Dites à M. André Valentin, maire UMP à la célébrité éphémère, que « les 10 millions que l'on paie à rien foutre », dont je fais partie, contribuent à la vitalité de la France. Les habitants des quartiers populaires souffrent d'être les otages des campagnes électorales. Ils veulent être des citoyens à part entière et non des citoyens à part. Il ne faudra pas s'étonner si une « journée sans immigrés » vient à être célébrée, tous ceux qui se sentent injustement traités et stigmatisés cessent toute activité et toute consommation. Il est toujours déplaisant de jouer les Cassandre mais je demande au Premier ministre de réunir le comité interministériel et de mettre un terme au débat sur l'identité nationale, opération politicienne qui vire au nauséabond, ouvrant grand les vannes du racisme et de la bêtise.

Les crédits diminuent, l'incertitude plane sur le financement de l'Anru, la suppression de la taxe professionnelle suscite le doute sur l'avenir des zones franches. C'est aussi la fin de la clause de compétence générale des départements et régions. L'avenir est sombre et les maires de droite comme de gauche s'inquiètent. Le groupe socialiste votera contre les crédits. (Applaudissements à gauche)

M. Gérard Cornu.  - J'évoquerai le dispositif Scellier ou, plus exactement, la discrimination qu'il institue entre les zones éligibles et celles qui en sont exclues. C'est une véritable question d'aménagement du territoire. Aujourd'hui, dans certaines zones rurales ou périurbaines, on observe un phénomène d'inversion : certaines communes voient leurs programmes entièrement gelés à cause de l'effet d'aspiration du dispositif Scellier.

Or ces territoires occupent parfois une position stratégique pour le développement harmonieux d'une agglomération. Classés en zone C, ils seront, après l'arrêt du Robien et du Borloo, privés d'outils pour le locatif privé. Or une politique du logement efficace allie locatif et accession à la propriété. Nous ne pouvons pas avoir un pays coupé en deux parties, dont l'une concentrerait l'essentiel de l'offre locative privée. Il faut trouver un zonage cohérent.

Monsieur le ministre, j'ai une proposition à vous faire par le biais d'un amendement à un article non rattaché de ce projet de loi de finances. L'article 44 bis, introduit par l'Assemblée nationale, permet une certaine souplesse d'agrément après une procédure un peu lourde se terminant par une décision du ministre. Je propose d'alléger la procédure lorsque des outils d'urbanisme et d'aménagement du territoire existent, tel un schéma de cohérence territoriale (Scot) ou un programme local de l'habitat (PLH). Il est inconcevable que, dans ce cas, les communes se trouvent dans des zonages différents, surtout lorsque les élus locaux, qui connaissent leur territoire mieux que personne, ont décidé de répartir harmonieusement les logements locatifs en s'appuyant sur des études approfondies.

Je prendrai un exemple dans mon département, car c'est en se référant à des expériences concrètes, de terrain, que l'on légifère le mieux. L'Eure-et-Loir -comme la Marne, monsieur le ministre- se situe en frange francilienne. Certaines communes sont éligibles au dispositif Scellier, dont Chartres et son agglomération, au contraire des communes périphériques, régies par un Scot. C'est dans les communes de banlieue, où se trouvent déjà beaucoup de logements locatifs publics sociaux, que l'on rajoute du Scellier. Nous avons cherché à encourager un développement harmonieux afin de prévoir des logements locatifs dans les petites communes et répartir judicieusement les logements locatifs dans le cadre du Scot.

Monsieur le ministre, je souhaite avoir votre avis sur cette proposition. C'est le rôle des parlementaires de terrain que d'apporter leur contribution à un système qui fonctionne mais dont il faut améliorer le zonage. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.  - Je me réjouis de constater votre intérêt pour la politique de la ville. Les actuelles ZUS comprennent environ 4 millions d'habitants. Avec les quartiers situés en contrat de cohésion sociale, ce sont 8 millions d'habitants concernés par les actions menées au titre de la politique de la ville. La Dynamique Espoir Banlieues mobilise tous les acteurs concernés pour répondre aux exigences et aux besoins des habitants des quartiers. Le contexte budgétaire est difficile, mais, compte tenu des enjeux, les crédits de la politique de la ville doivent non seulement être maintenus mais renforcés. La sécurisation de ce budget est une de mes priorités. Le dernier rapport de l'observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus) a mesuré l'ampleur de la précarité, qui a augmenté sous l'effet de la crise économique, comme l'a signalé Bariza Khiari. Plus que jamais, nous devons redoubler d'efforts pour réduire cette fracture sociale.

Dans cette perspective, une de mes priorités est la rénovation urbaine. Depuis 2007, le chemin parcouru par l'Anru est considérable. Avec 375 projets dans 475 villes, ce sont près de 42 milliards d'euros de travaux générés par les 12 milliards apportés par l'Anru, et une véritable force d'entraînement pour notre économie. La forte augmentation du volume d'opérations, ou « bosse de l'Anru », sur la période 2009-2011 suscite des inquiétudes mais le financement de l'agence sur cette période est assuré et une concertation avec les partenaires sociaux débutera dès l'année prochaine pour l'après 2012. Le succès de l'agence est salué par tous les élus. Il faut terminer le travail et c'est pourquoi je milite pour un deuxième programme national de rénovation urbaine.

Les 350 millions alloués à l'Anru par le plan de relance, rapidement consommés, ont permis la montée en puissance d'opérations qui ont généré 4,4 milliards d'euros de travaux. Un projet de rénovation urbaine ne peut être réussi que lorsqu'il rejoint la préoccupation première des habitants : l'emploi. Les clauses d'insertion vers l'emploi introduites dans les marchés publics de l'Anru ont déjà bénéficié à près de 7 000 personnes des quartiers populaires. Afin de poursuivre cette action, j'ai demandé à l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances de consacrer 10 millions à des actions renforçant celles menées par les régies de quartier ou les structures d'insertion par l'activité économique au bénéfice de l'emploi.

S'y ajouteront les mesures annoncées par le Président de la République afin de faire reculer le chômage des jeunes. Le contrat d'autonomie s'adresse aux plus éloignés de l'emploi : 500 contrats sont signés chaque semaine, 18 000 jeunes en bénéficient et 46 % des jeunes ayant ainsi reçu une formation profitent d'une sortie positive, dans l'emploi ou dans une formation qualifiante. Ces résultats sont très encourageants mais il faut aller plus loin. Une évaluation, menée par l'Onzus et par un cabinet indépendant, présentera bientôt des résultats statistiques détaillés sur ce dispositif.

Je souhaite que la République soit présente dans nos quartiers. A défaut, nous ne pouvons bâtir un pacte républicain solide. La mise en place de délégués du préfet dans les quartiers prioritaires est un levier nouveau de la politique de la ville. Au 30 novembre, 301 délégués ont été recrutés, soit 85 % de l'objectif fixé pour 2008-2010. Les deux tiers sont affectés dans les régions comportant les plus fortes concentrations de quartiers en difficulté. Les ministères -surtout l'intérieur et la justice- ainsi que les établissements publics, les associations, la fonction publique hospitalière et territoriale ont participé au recrutement. Près de 5 % des délégués sont issus de la société civile et des associations.

La politique de la ville ne peut se penser sans une vision claire des enjeux, et des zones d'intervention. Une réforme de la géographie prioritaire s'impose, conformément au souhait de la représentation nationale lors de l'examen du dernier projet de loi de finances. En janvier 2010, un comité interministériel des villes validera le calendrier de cette révision ainsi que ses grands principes afin de disposer d'une nouvelle carte des ZUS avant l'été 2010. Les contrats urbains de nouvelle génération devront être opérationnels en janvier 2011. Ainsi que l'a rappelé le Président de la République, il faut donner plus à ceux qui ont moins et concentrer l'action sur les territoires les plus en difficulté. La réduction des écarts territoriaux, base du pacte républicain, répond aussi aux impératifs de la lutte contre les discriminations et de la promotion de la diversité.

« Je n'ai jamais séparé la République des idées de justice sociale, sans laquelle elle n'est qu'un mot », a dit Jean Jaurès. C'est l'essence même de la Dynamique Espoir Banlieues. Il faut continuer à désenclaver, à lutter contre la pauvreté et le chômage, à favoriser la diversité, à promouvoir l'excellence et à réduire la fracture sociale. Je peux vous assurer ce soir de ma totale et ferme détermination pour y parvenir. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.  - Ce budget, que j'ai l'honneur de vous présenter pour la première fois, a pour ambition d'intervenir sur l'ensemble de la chaîne du logement afin d'agir pour les plus fragiles d'entre nous. II a également pour objectif de renforcer la production des logements locatifs sociaux. Enfin, grâce aux aides personnelles au logement, il aidera les ménages modestes à assumer leurs dépenses de logement. Les autorisations de programme de ce budget augmentent de 4,7 % pour atteindre près de 7 milliards d'euros. Avec la contribution du 1 % logement, ce sont 8 milliards qui sont consacrés à cette politique.

Plus d'un milliard d'euros sont destinés à la prévention de l'exclusion et à l'insertion des personnes les plus vulnérables. La légère diminution par rapport à 2009 s'explique par la baisse des crédits pour le traitement des dossiers de désendettement des rapatriés et l'allocation aux orphelins.

L'essentiel des dépenses, soit 980 millions d'euros, est consacré aux dispositifs d'accueil, d'hébergement et de logement adapté des personnes sans abri, avec trois priorité : l'accompagnement du passage de la rue à l'hébergement, la sanctuarisation de l'enveloppe des CHRS, qui progresse de 39 millions d'euros, et le doublement de l'enveloppe finançant le logement adapté. Le rapporteur a évoqué une sous-budgétisation. Le programme 177 est étroitement corrélé au contexte économique et social ; il est logique qu'une partie des dépenses soit constatée en fin d'exercice. La prévision est d'autant plus difficile que le programme subit d'importants déports d'autres politiques, dont celle de l'asile -les demandes d'asile augmentent fortement, ce qui n'est évidemment pas sans conséquences budgétaires. Encore faut-il aussi pouvoir apprécier les coûts des opérateurs subventionnés. La réforme annoncée le 10 novembre s'appuiera sur trois leviers : un système d'accueil et d'orientation dans chaque département, une planification territoriale et une harmonisation des prestations et des coûts -en un mot, l'établissement d'un référentiel. C'est sur cette base que pourra être élaboré le budget 2011. Une enquête va être lancée auprès de 2 000 structures associatives qui interviennent auprès des personnes sans abri. J'ai la volonté de repositionner l'État comme le vrai pilote de cette politique, de créer un vrai service public du logement adapté.

L'année 2010 verra la poursuite du plan de relance dans le domaine de la construction ; 2009 a été historique, avec 125 000 à 130 000 logements sociaux, trois fois plus qu'en 2000, dont 24 500 Plai. Nous en construirons 27 000 en 2010, soit un chiffre très supérieur aux 20 000 prévus dans la loi Dalo. Je remercie les élus locaux pour leur engagement et tous les intervenants de la chaîne du logement qui ont permis ces résultats.

Mme Khiari a déploré la baisse des aides à la pierre. Les 480 millions d'euros prévus pour 2010 dépassent de 130 millions les prévisions de la loi de programmation triennale. Il faut ensuite prendre en compte les 120 millions de la deuxième tranche du plan de relance et les 300 millions du 1 % logement en investissements directs -225 en 2009. Nous souhaitons surtout réorienter la production de logements locatifs sociaux. On peut toujours battre des records dans ce domaine mais si on en produit pour 60 % dans des zones non tendues, on crée de la vacance d'un côté et on allonge les listes d'attente de l'autre.

Il faut voir au-delà de la ligne « Aide à la pierre » et prendre en compte la TVA à 5,5 %, les exonérations de foncier bâti et les aides aux taux. Les 480 millions d'euros ne représentent que 8 % des dépenses de l'État en faveur du logement social ; il faut se souvenir que, sur 100 euros d'aide au logement social, 66 viennent de l'État. J'ai entendu des critiques sur les ventes de logements par les organismes HLM. Pour le Gouvernement, c'est une façon de faire vivre la mixité sociale ; il n'y a pas de raison que les locataires ne puissent accéder à la propriété.

Mme Raymonde Le Texier.  - Ça donne Clichy-sous-Bois !

Mme Odette Terrade.  - Des copropriétés dégradées !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - J'ajoute que la remontée de fonds propres des organismes des zones les moins tendues vers les zones les plus tendues dégagera potentiellement 2 milliards d'euros supplémentaires. Je tiens à vous rassurer : si le Gouvernement souhaite accompagner les organismes pour qu'ils mutualisent leurs moyens et qu'ils se constituent en groupes plus importants, il n'entend pas les y obliger. Il n'est pas question qu'il contraigne les organismes de moins de 10 000 logements à fusionner. C'est avec tous ces outils que nous financerons, en 2010, 140 000 logements sociaux.

Je veux répondre aussi aux interrogations de M. Dassault. La garantie d'emprunt des collectivités territoriales n'est jamais appelée par la Caisse des dépôts. La Caisse de garantie du logement locatif social peut intervenir en cas de difficulté et établir des plans de redressement avant que les collectivités territoriales ne soient sollicitées. Quant aux contingents, c'est le principe « qui paye décide » qui s'applique ; ils sont attribués en fonction de la contribution de chacun au financement des opérations. Je note que l'État finance 47 % du logement social et dispose d'un contingent de 30 %, que je souhaite voir utilisé à plein ce qui est loin d'être le cas, notamment en Ile-de-France.

Je regrette, comme le rapporteur spécial, que les dépenses fiscales ne figurent pas dans cette mission. En 2009, le plan de relance avait prévu une mesure de soutien provisoire au secteur de la construction, le doublement du prêt à taux zéro pour l'accession populaire à la propriété. Cette mesure sera maintenue au premier semestre 2010, puis dégradée de 50 % au second. Je pense aussi au verdissement des aides fiscales à la construction. Je ne veux pas anticiper sur vos débats de la semaine prochaine sur le dispositif Scellier, qui trancheront la différence d'appréciation entre les deux chambres.

Le Gouvernement, monsieur Cornu, ne souhaite pas qu'on renouvelle les erreurs du dispositif Robien. Sans zonage, ce qui est un dispositif d'investissement devient une niche fiscale. Et on se retrouve avec des logements vides un peu partout. Le Gouvernement, en accord avec l'Assemblée nationale et le Sénat, a décidé de réserver le Scellier aux zones les plus tendues, qu'il reste maintenant à définir. Il existe un autre dispositif pour aider les investisseurs privés : le PLS privé, certes moins avantageux que le Scellier, offre néanmoins une possibilité de déduction fiscale intéressante. Et il est ouvert sur tout le territoire.

J'évoquerai également l'avenir du 1 % logement. La réforme de 2009 en a revu en profondeur le fonctionnement et la gouvernance. Début 2010, nous n'aurons plus que 23 collecteurs contre 103 aujourd'hui. Transparence et efficacité y gagneront. La réforme permet également de réorienter les ressources : au-delà de l'effort de l'État, ce sont près de 1,4 milliard d'euros qui seront affectés au logement, principalement sous forme de subventions à l'Anru, à l'Anah ou au programme national de requalification des quartiers anciens dégradés.

Je suis attaché à la pérennité de l'Anah mais les financements actuels ne sont prévus que pour trois ans. Nous verrons à ce moment-là comment les pérenniser.

Dès le début de l'année, nous allons uniformiser l'ensemble des procédés de garantie des risques locatifs, qui sont actuellement inefficaces. Les décrets sont au Conseil d'État. Nous allons mettre en place un produit très simple pour les assureurs et pour les propriétaires ; ce sera aussi un bon outil de prévention des expulsions.

Voici donc un budget ambitieux, pragmatique et efficace. (Applaudissements à droite et au centre)

Examen des crédits

M. le président.  - Amendement n°II-18, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables

300.000

 

300.000

 

Aide à l'accès au logement

 

 

 

 

Développement et amélioration de l'offre de logement

 

 

 

 

Politique de la ville

 

300.000

 

300.000

TOTAL

300.000

300.000

300.000

300.000

SOLDE

0

0

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Le comité de suivi et d'évaluation de l'Anru devait être une vraie « vigie républicaine », selon M. Borloo. Il a été très utile à l'origine de l'agence mais désormais, celle-ci fonctionne bien, avec un conseil d'administration où nous sommes représentés ainsi que des personnalités qualifiées. Le travail d'évaluation s'effectue désormais là ainsi qu'à la Cour des comptes. Le recours à des cabinets extérieurs peut donc être évité. Nous proposons en conséquence de déplacer ces 300 000 euros vers une autre action de Mme Amara, le programme « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » pour ajuster les dotations de l'aide alimentaire inscrites à l'action 2 « Actions en faveur des plus vulnérables ».

Mme Fadela Amara, secrétaire d'État.  - Ce rééquilibrage sera utile ; j'y suis favorable.

Mme Raymonde Le Texier.  - Alors que les maires des banlieues les plus défavorisées ne cessent d'alerter sur la transformation de leurs quartiers en ghettos et que les inégalités entre territoires ne cessent de s'accroître, la baisse de 6 % du programme « Politique de la ville » est incompréhensible. Cette diminution consacre un abandon. Les banlieues ne sont décidément pas la priorité du Gouvernement. Le ghetto a ceci de commode qu'il permet de concentrer la pauvreté sur des territoires déjà considérés comme sinistrés, de façon à ce que les autres continuent à vivre comme si de rien n'était. Ancien maire de Villiers-le-Bel, élue de ce territoire depuis plus de trente ans, je connais bien la réalité des quartiers.

On n'en est plus à se battre pour restaurer la mixité sociale. Cette bataille-là est déjà perdue. Les maires demandent avant tout les moyens de tirer vers le haut les habitants de ces quartiers. Rien n'est plus difficile pour un élu que de constater la détresse des habitants et de voir les difficultés s'enkyster. Qu'il s'agisse de chômage, de pauvreté ou d'éducation, les inégalités continuent de se cumuler sur ces territoires.

L'Observatoire national des zones urbaines sensibles constate que 33 % des habitants des ZUS vivent en dessous du seuil de pauvreté contre 12 % pour le reste du territoire. Les difficultés d'accès à l'emploi y sont toujours aussi importantes et le décrochage entre territoires ne cesse de s'accentuer. Le chômage y est d'autant plus enraciné que 66 % des actifs de moins de 25 ans n'ont aucun diplôme et que ceux qui en ont un sont confrontés à la discrimination. Et ces statistiques ne tiennent pas compte des effets de la crise, que ces quartiers fragiles ont encaissés de plein fouet. Dans le Val d'Oise, le chômage des jeunes a augmenté de 42 % sur l'année 2009. Le plan « Espoir banlieue » n'a pas seulement échoué, il a installé un sentiment de trahison, que partagent les élus.

L'épisode de la répartition de la DSU lors de la discussion de cette mission à l'Assemblée nationale l'atteste. Alors que les maires demandaient que les 60 millions supplémentaires de DSU soient concentrés sur les villes les plus pauvres plutôt que saupoudrés, le Gouvernement a refusé tout aménagement, malgré le souhait de Mme Amara. Même si l'alliance informelle d'élus de banlieue issus de droite et de gauche a fini par décrocher un vote favorable, les maires ont mesuré à quel point ils ne pouvaient compter que sur eux-mêmes. Ils ont dit leurs inquiétudes face aux réformes permanentes de la politique de la ville. « Tous les ans, on est obligé de se battre pour sauver les crédits de la politique de la ville, rien n'est jamais acquis, tout est toujours remis en cause », soulignait le maire de Clichy-sous-Bois. « La politique de la ville reste brouillonne, on n'arrive pas à imposer une solidarité financière minimale entre communes pour éviter qu'il y ait des ghettos de riches et des ghettos de pauvres », s'alarme le maire de Drancy.

L'écart entre les territoires qui se délitent et ceux qui ont les capacités de rebondir devraient encore se creuser, d'autant que le Gouvernement réduit les moyens consacrés à la politique de la ville.

La France ne peut tolérer que subsistent autant de quartiers qui sont devenus de véritables ghettos. Ou alors il faudra accepter de vivre avec le spectre permanent de nouvelles crises urbaines. La population de ces quartiers se sent isolée et rejetée pour des raisons indissociablement sociales et ethniques. Didier Lapeyronnie, sociologue spécialisé sur ces questions l'exprime très bien : face à cette situation s'est élaborée une véritable contre-société, le ghetto, lequel fonctionne comme une cage, on est forcé d'y vivre du fait de la pauvreté et la discrimination ; c'est comme un cocon au sein duquel on se replie et dont on connaît au moins les règles.

S'affirmer comme individu revient à rompre toutes les solidarités et devient impossible. Ce que nous dit cette population, c'est : « Puisque vous ne voyez en moi que ma différence et non pas ce qui nous rassemble, et bien, ma différence, je l'exhibe ». Quant l'intégration à la société devient impossible, c'est sur sa seule différence que l'on construit son identité.

M. Laurent Béteille.  - Vous l'avez déjà dit !

Mme Raymonde Le Texier.  - Il faut le redire ! Votre dédain est responsable du désespoir de ces populations et sera responsable, demain, de l'enfermement communautaire et de ses conséquences.

L'absence de volonté politique que traduit ce budget, alors que vous ne pouvez ignorer la gravité de la situation, nous met en colère. Lorsque de nouveaux événements graves se produiront dans les banlieues, gardez pour vous vos larmes de crocodile ! (Applaudissements à gauche)

L'amendement n°II-18 est adopté, Les crédits de la mission sont adoptés.

Articles additionnels après l'article 63

M. le président. - Amendement n°II-19, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances.

I.- Après l'article 63, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le compte général de l'État, annexé au projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion, inscrit la provision au titre des litiges résultant de la mise en jeu de la responsabilité de l'État en application de la loi n°2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

II.- En conséquence, faire précéder cet article de l'intitulé :

 Ville et logement

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Nous précisons que l'État fait figurer la provision pour risque contentieux lié au droit au logement opposable dans le compte général annexé au projet de loi de règlement. C'est un amendement que nous aurions dû faire adopter l'an dernier.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Sagesse.

L'amendement n°II-19 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°II-20, présenté par M. Dallier au nom de la commission des finances.

I.- Après l'article 63, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

A la fin du II de l'article 101 de la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, l'année : « 2009 » est remplacée par l'année : « 2011 ».

II.- En conséquence, faire précéder cet article de l'intitulé :

Ville et logement

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.  - Le concours 1 % relance ayant été prorogé jusqu'en 2011, il paraît logique de maintenir jusqu'à cette échéance le dispositif prévu dans la loi portant engagement national pour le logement, selon lequel les deux tiers des sommes collectées l'année précédente par les collecteurs non associés de l'Union d'économie sociale pour le logement sont reversés aux collecteurs associés de l'UESL.

L'amendement n°II-20, accepté par le Gouvernement, est adopté et devient article additionnel.

Prochaine séance aujourd'hui, samedi 5 décembre 2009, à 14 h 30.

La séance est levée à 2 heures.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du samedi 5 décembre 2009

Séance publique

A 14 HEURES 30 ET LE SOIR

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l'Assemblée nationale (n°100, 2009-2010).

Discussion des articles de la seconde partie, non rattachés aux crédits : incidences de la suppression de la taxe professionnelle sur l'année 2011.

Rapport (n°101, 2009-2010) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.