SÉANCE

du lundi 10 mai 2010

96e séance de la session ordinaire 2009-2010

présidence de M. Roger Romani,vice-président

Secrétaires : Mme Christiane Demontès, M. Philippe Nachbar.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Application de la loi sur l'audiovisuel public

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur l'application de la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de télévision.

M. Hervé Maurey, pour le groupe Union centriste.  - Notre groupe, notamment Mme Morin-Desailly et notre désormais ancien collègue M. Thiollière, a joué un rôle important sur la loi relative à l'audiovisuel public, adoptée l'an dernier.

Le Président de la République a maintes fois regretté qu'on n'évalue jamais les réformes, se contentant de les empiler. Les centristes que nous sommes sont très attachés au rôle de contrôle de l'action publique qui revient au Sénat, alors que le Gouvernement est trop souvent tenté de nous cantonner au rôle de voter les lois -quelquefois déjà appliquées comme pour la suppression de la publicité le soir.

Depuis lors, la situation économique a évolué, le déficit public est passé de 40 à 150 milliards.

M. David Assouline.  - Il est bon de le rappeler !

M. Hervé Maurey, pour le groupe Union centriste.  - Nous avons soutenu cette réforme de l'audiovisuel dont nous pensions qu'elle moderniserait le service public en faisant de la télévision un média global et en favorisant la synergie des sociétés de service audiovisuel public. Nous étions cependant critiques sur le financement du service public -qui ne saurait dépendre de la publicité du secteur privé ni toucher le secteur des communications numériques.

La commission de l'économie avait jugé que les 380 millions ainsi récupérés grâce aux nouvelles taxes auraient pu financer nombre de fibres optiques. Contre l'avis du Gouvernement et du président Copé (« moi vivant, jamais ! »), nous avons augmenté la redevance, qui ne l'avait pas été depuis 2001. Nous avons exclu de l'assiette de la taxe sur les fournisseurs d'accès les investissements pour la couverture numérique du territoire et la taxe Cosip de celle sur la publicité.

Un an après, les faits nous donnent raison. L'audiovisuel public est modernisé ; la société France Télévisions couvre les 49 anciennes sociétés de l'audiovisuel public, la convention collective devrait être adoptée en juin, les programmes culturels sont été multipliés par quatre et ont recueilli l'attention des téléspectateurs, même face au football. Les 12 000 collaborateurs de France Télévisions ont relevé les défis et montré que la qualité pouvait être au rendez-vous avec l'audience, le public résistant mieux que le privé à la montée de la TNT.

La question des financements reste insatisfaisante. La Commission européenne a engagé une procédure contre la taxe sur les opérateurs ; la taxe sur la publicité a été ramenée de 1,5 % à 0,5 %, sans que l'on puisse savoir ce qu'elle rapporte.

La fragilisation de ces deux taxes ne remet pas en cause, me direz-vous, la solidité des taxes publicitaires. Sans doute, mais elle touche les recettes de l'État qui ne sont pas infinies.

On en vient donc, et M. Copé le premier, à s'interroger sur la légitimité de la suppression de la publicité, qui n'améliore pas les programmes mais coûte 300 millions. Cette question n'est ni tabou ni prématurée, non plus que celle de la redevance, dont nous avions proposé l'an dernier d'augmenter son produit sans relever son montant : en en élargissant l'assiette. Le Gouvernement nous avait assuré qu'il allait créer un groupe de travail sur la redevance. Mme Albanel voyait là « la voix de la sagesse ». Un an après, on n'a pas avancé. Le 23 mars, vous m'avez répondu que l'urgence était désormais de ne rien faire... J'attends des explications.

Le comité de suivi prévu par l'article 75 de la loi n'a pas encore vu le jour, non plus du reste que les décrets d'application de cette loi que le Gouvernement disait si urgente. L'extension aux programmes culturels du mécénat d'entreprise n'est pas non plus opérationnelle

Nous ne pouvons accepter ce non-respect des engagements pris et de la loi votée. J'attends du Gouvernement un bilan clair, précis, complet. Les objectifs affichés à France Télévision ont-ils été atteints ? Quel sera le mandat de celui qui présidera France Télévision cet été ? Quid de la vente de la régie publicitaire ? Des règles déontologiques strictes devraient s'appliquer en la matière...

Le Sénat a été malmené dans le cadre de cette réforme ; son engagement historique pour l'audiovisuel public ne faiblit pas. Nous espérons que vous aurez à coeur de dépasser les affronts subis par le Sénat.

M. David Assouline.  - Ce débat arrive à point. Il aurait pu être utile s'il s'agissait d'un vrai débat, susceptible de prendre en compte les réflexions nécessaires. S'il avait un enjeu, nous serions peut-être plus nombreux cet après-midi, fût-il un lundi... On galvaude le contrôle parlementaire en ne nous donnant pas les moyens de juger ni de prendre les décisions que requiert la situation. J'ai vu la même chose l'autre jour avec le débat sur l'application de la loi LRU : à nos questions très précises, la ministre n'a répondu qu'en lisant un texte préparé à l'avance.

M. Ralite a rédigé une proposition de loi. Mme Morin-Desailly a une mission. Aujourd'hui, nous ne disposons pas des documents nécessaires à la réflexion. Nous aurons les évaluations plus précises un de ces jours... Néanmoins, aujourd'hui nous jouons le jeu. Si notre travail n'a d'autre objectif que d'améliorer les programmes de l'audiovisuel public, comme chacun le prétend, il faudra prendre des décisions. Quand les choses ne vont pas comme prévu, il est à l'honneur d'un ministre de l'admettre et de rectifier.

Nous avions souri d'entendre le Président de la République dire son souhait de sortir le service public de la dictature de l'audimat. La gauche partage à 100 % cette option. C'est pourquoi nous voulions que ce soit la redevance qui finance l'audiovisuel public. La redevance n'est pas une taxe pour le budget de l'État, c'est une sorte d'actionnariat du public. Nous prenions ce chemin avec la loi Tasca. Ce n'est pas utopique, cela se fait en Grande-Bretagne, en Allemagne. On peut aussi admettre la coexistence de la publicité avec la redevance, celle-ci empêchant celle-là d'imposer sa dictature.

Du théâtre à France Télévisions ? Ce n'est pas nouveau, cela fait vingt ans que, progressivement, la télévision publique constituait son public. Reportez vous aux études de Dominique Wolton.

Les sénateurs UMP de la commission de la culture ont toujours défendu avec nous l'idée que la redevance devait être la source du financement.

Dire que c'est au budget de l'État de financer l'audiovisuel public, c'est mettre celui-ci sous la dépendance du politique, quelque parti qui soit au pouvoir -en 2012, ce sera peut-être nous, mon analyse ne changera pas.

Imaginez que les caisses de l'État soient encore plus vides, que celui-ci fasse des coupes budgétaires partout. Gardera-t-il à sa charge l'audiovisuel public ? Il évoquera bientôt la nécessité de vendre une chaîne. M. Maurey a évoqué le déficit budgétaire croissant ; j'observe que c'est la droite qui a creusé ce trou à cause de sa mauvaise gestion.

Il y a eu un transfert de la publicité vers les chaînes privées, quoique pas seulement vers TF1, qui s'est contentée de jouir de sa rente, et M6, mais les nouvelles chaînes de la TNT en ont profité. Il y a donc eu une modification en loi de finances pour diminuer le taux sur les publicités, donc la recette espérée.

Comme nous vous en avions averti, la taxe sur les opérateurs est attaquée par Bruxelles. Vous disiez que le risque était nul. On voit aujourd'hui que vos arguments étaient faibles. Donc, encore 300 millions de manque à gagner avec, si la sanction tombe, l'obligation de rembourser les années précédentes.

Nos collègues centristes sont pris dans la contradiction : ils critiquent mais votent ! C'était d'abord une affaire de financement, sans lequel il n'y a pas les moyens de la rénovation ni de l'indépendance.

Dans la commission Copé, nous avions évalué à 200 millions annuels les investissements nécessaires pour le média global. Nous étions tous d'accord là-dessus. L'an dernier, on a amputé ce qu'on devait donner pour le fonctionnement du service public. Parce que les recettes publicitaires étaient au rendez-vous ? Sans doute, mais il fallait alors penser à l'avenir et provisionner pour investir.

La modernisation, ce n'est pas seulement la restructuration pour faire faire des économies. Le média global, cela commence par coûter ! Si rien ne va sur les questions financières, ce ne peut-être une bonne réforme !

Que faire alors ? Puisque l'on constate que les recettes ne sont pas tout à fait au rendez-vous et que les caisses de l'État sont vides, on peut revoir l'idée de la suppression absolue après 2011. On veut des programmes de qualité sans dictature de la publicité après 20 heures. La régie publicitaire a dégagé 430 millions, que l'État ne pourra pas fournir. Ne supprimez pas la publicité avant 20 heures, ne privatisez pas cette régie, c'est un joyau du service public. Ce savoir-faire, partagé sur tout le territoire, doit être gardé dans le patrimoine public. Il est indispensable.

M. Copé en personne, mais la commission était unanime, avait dit que s'il y avait deux étapes, c'était pour voir s'il fallait passer à la suppression totale de la publicité. Ne laissons pas ce débat filer !

La nomination par le Président de la République du président de France Télévisions, comment va-t-elle se passer ? Ce peut être à la hussarde, le Président de la République propose un nom et on ne voit pas la majorité voter contre. Il peut aussi y avoir un appel à candidatures, comme nous avons fait ici pour le président de Public-Sénat, qui a été désigné à l'unanimité. S'il n'y a qu'un nom, ce ne sera pas un bon moyen de renforcer l'autorité du nouveau président pour affronter les défis de l'avenir... Et même sur la signature de la convention collective en juin, j'ai un doute. Je connais la légitime détermination du personnel. La personne investie doit avoir la confiance de tous.

La liberté des débats et le pluralisme ont valeur constitutionnelle ; j'espère qu'il n'y aura pas d'entêtement sur le sujet. (Applaudissements à gauche)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Ce débat n'est pas au coeur des préoccupations de nos concitoyens, qui en ignorent les tenants et les aboutissants ; mais il est significatif de la fonction de contrôle du Sénat. La loi votée l'an dernier avait polarisé l'attention autour de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques - déjà entrée en vigueur quelques semaines plus tôt. Le RDSE avait regretté cette pratique et s'était prononcé contre ce texte, certains de ses membres s'abstenant.

La Cour des comptes, dans son rapport d'octobre 2009, fait état d'un audiovisuel public peu ambitieux et au financement fragilisé. Il faut des recettes incontestables car nul ne comprendrait que l'État dépense plus pour un résultat inchangé.

Tous les ingrédients ne sont pas là pour faire de cette aventure une parfaite réussite. La loi de finances pour 2010 a résonné comme une menace, en réduisant de 450 à 415 millions son financement. Le pourcentage de la taxe sur les publicités des chaînes privées a été réduit ; la taxe sur les fournisseurs d'internet est contestée par Bruxelles.

Que penser de ces retards pris pour l'application de la loi ? Les décrets d'application ne sont pas encore publiés, sur des points essentiels.

D'autres mesures non réglementaires manquent aussi, alors que nous devons respecter les contraintes que nous nous sommes fixées.

Comment seront mises en oeuvre les 27 préconisations de la Cour des comptes ? Mon groupe attend des réponses. (Mme Catherine Tasca applaudit)

M. Jean-Pierre Leleux.  - je vous prie d'excuser le président de la commission de la culture, retenu en Afrique, où il défend la francophonie.

Ce n'est pas la première fois que nos ambitions se heurtent aux contraintes budgétaires ; ni la première fois que nous devons arbitrer entre le principal et le subsidiaire.

Il y a quelques mois, le président de France Télévisions estimait que l'année 2010 serait éclairante, fondatrice et déterminante.

Nos échanges passionnés de l'année dernière ont illustré notre attachement commun à une télévision publique de qualité afin qu'elle ait une couleur singulière dans le paysage audiovisuel, en élevant les esprits par la culture et en stimulant l'esprit critique du public. Ajoutons le partage des enjeux des mutations en cours dans notre société et la capacité de la télévision publique à nourrir le lien social.

La télévision publique met du temps à conquérir son public, mais le contrat d'objectifs et de moyens a déjà assuré l'originalité des chaînes publiques. Pour accentuer leur dissociation, la loi de 2009 a supprimé la publicité en deux étapes : immédiatement d'abord, puis à l'automne 2011, quand le passage au tout-numérique rendra possible des économies techniques de diffusion. Sur ce sujet aussi, nous sommes au milieu du gué.

La fin de la publicité après 20 heures a largement satisfait les téléspectateurs, qui sont plus nombreux en début de soirée à regarder des programmes libérés de la pression de l'audimat. Au demeurant, la publicité n'est pas une manne inépuisable. Pour moi, sa suppression totale sur le service public est donc souhaitable, à condition qu'un financement pérenne vienne la compenser.

Je ne vois rien d'anormal aux deux taxes introduites à cette fin. Le dégel de la redevance suffira-t-il, après le blocage en vigueur depuis 2001 ?

M. David Assouline.  - A cause de la droite !

M. Jean-Pierre Leleux.  - La redevance s'apparente à un abonnement ouvrant l'accès à des programmes pour l'équivalent d'une place et demie de cinéma par mois. Sa majoration ne me choquerait pas.

Je sais que Bruxelles remet en cause la taxe sur les opérateurs et fournisseurs d'accès ; mais à l'heure du média global, est-il légitime de ne pas payer de redevance parce que l'on regarde le journal télévisé sur son ordinateur ?

De nombreuses pistes restent à explorer pour financer France Télévisions. La subvention budgétaire est discutée chaque année. Je comprends la tentation de la contenir, surtout dans le contexte actuel ; à nous de proposer des pistes alternatives.

Je suis très réservé envers tout report des échéances inscrites dans la loi car la suppression de la publicité est un objectif sain. Nous ne disposons pas d'un bilan de la loi, car pas plus le comité de suivi que le groupe de travail sur la redevance n'ont été mis en place. Où en est-on, monsieur le ministre ?

M. Jack Ralite.  - Nous voici au deuxième acte de l'examen en paroles de la situation financière de l'audiovisuel public. Il y a cinq jours, il a été décidé en commission, sans vote, que notre proposition de loi ne serait pas examinée ; aujourd'hui nous discutons sans voter ; le 4 juin, pas de vote non plus lors des questions crible. Pendant ce temps la situation perdure, alors que le candidat Sarkozy se disait en 2007 ambitieux pour l'audiovisuel public et reconnaissait son sous-financement.

Devenu Président, il annonce unilatéralement la suppression de la publicité après 20 heures ; cette suppression par la loi du 5 mars 2009 a été validée par le Conseil constitutionnel à la condition expresse qu'elle fût compensée chaque année, sauf à affecter l'indépendance de France Télévisions. Cette réserve reste non appliquée ; je crains qu'il en aille de même en 2011 après les récentes décisions de M. Fillon. Et que feront l'Élysée et le Gouvernement de la remarque de la Cour des comptes sur le périmètre du groupe ? En bon français, une privatisation partielle de France Télévisions est envisagée. Nos débats ne sont que vaine parlote. Or, je ne veux pas être un parlementaire détroussé de ses droits ! Je rejette ce management qu'on veut nous imposer.

Allons-nous accepter que les diagnostics soient toujours remis au lendemain en attendant que les médicaments adaptés soient inventés, fût-ce après la mort du malade ? Je connais la mission de Mme Morin-Desailly ; je sais que le Gouvernement doit faire son point à l'automne, mais accepterait-on qu'un médecin remette ses soins à six mois ?

Aucune entreprise privée n'accepterait le sort fait à France Télévisions. Bouygues et TF1 se sont mobilisés contre la taxe sur la publicité ; la majorité du Sénat l'a ramenée de 3 % à 1,5 %. Pourquoi cette urgence réservée au seul Bouygues ? Il est temps de transformer en urgence la longue durée réservée au secteur public ! Sauf que le mal est fait...

Bruxelles a tout contesté, jusqu'à l'aide publique au média global ! L'État a lui-même réduit de 35 millions les 450 millions votés part le Parlement, au lieu de récompenser les performances -ce mot qu'on entend désormais partout- de France Télévisions ; 800 millions à un milliard sont en jeu ! Le plan de rigueur qu'on nous annonce s'appliquera-t-il à France Télévisons ?

Pierre Legendre nous dit que l'homme symbolise comme il respire. Il respire mal, va-t-il symboliser mal aussi ?

Monsieur le ministre, vous avez déclaré que la culture était d'autant plus indispensable en temps de crise, car elle donne des repères. Vous avez raison ! Conservez donc la partie diurne de la publicité : vous feriez ainsi preuve de courage. Les marchés se croient les maîtres du monde, mais les fondamentalistes financiers assènent des réponses pour endormir les questions. Les citoyens ne peuvent accepter d'être des invités de raccroc.

La déclaration de Philadelphie tendait à ériger un nouvel ordre social international. C'était un texte fondamental.

« Nous, chefs d'État, sommes comme des chefs d'entreprise » a dit le Président de la République lors d'une rencontre avec le président Obama. Non et non ! Il n'était pas chef d'entreprise lorsque député il disait en 1989 que l'indépendance des présidents des chaînes publiques était évidemment une exigence de caractère constitutionnel !

L'envahissement publicitaire est un mal, mais le sacrifice de l'indépendance n'est pas un remède !

J'appelle la commission de la culture à revenir sur son refus d'examiner notre proposition de loi tendant à proroger la publicité diurne. Ne restons plus sans vote sur ce dossier ! (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Ce point d'étape est utile avec le nombre de chantiers ouverts par la loi de l'an dernier. Nous avions posé des conditions à la réforme, qui n'ont pas toutes été respectées. Rien n'est prévu pour compenser la suppression de la publicité à compter de 2012. D'où la clause de revoyure, fondamentale afin que le législateur se penche sur les conséquences de son vote. Un comité de suivi devait apporter son expertise mais il reste à constituer. De même, le groupe de travail sur la redevance ne s'est pas réuni.

Mon groupe a toujours soutenu qu'un service public devait être principalement financé par une ressource publique, une redevance indexée et régulièrement réévaluée.

Lors de la discussion, nous avons retiré certains de nos amendements sur l'assiette de celle-ci, en échange de la constitution du groupe de travail qui devait voir le jour... Une double incertitude pèse en outre sur les deux taxes créées en 2009, alors que la conjoncture budgétaire est difficile.

Le concept de média global a un coût, ignoré à ce jour comme sont inconnues les économies à réaliser et les éventuelles recettes à venir. Nous avions proposé que, de même qu'en Allemagne, une autorité indépendante évalue les besoins de l'audiovisuel public, et que le CSA remette un rapport sur le sujet préalable à chaque loi de finances. Hélas, cette disposition n'a pas survécu à la CMP, faute d'être soutenue par la gauche -qui prétend aujourd'hui nous donner des leçons.

Je présenterai avec M. Belot un rapport d'étape en juin mais je suis déjà persuadée qu'il faut poursuivre une réforme qui a déjà produit des effets sous l'impulsion du président de Carolis. Nous mesurons l'ampleur de la fusion en une société unique des 49 entités existantes et de leurs 11 000 salariés.

Le média global est en route. Les programmes sont accessibles pendant une semaine sur internet et adaptés aux malentendants. Il reste à développer la diversité ainsi que le sous-titrage. France Télévisions a affecté 382 millions au soutien à la création, au-delà de l'objectif de 375 millions.

Au cours des trois années à venir, nous devrons stabiliser le modèle économique. La défense de la publicité par M. Ralite, grand défenseur des libertés face à la finance, me surprend.

Mme Catherine Tasca.  - Il n'y a pas de liberté sans financement, voyons !

Mme Catherine Morin-Desailly.  - La non-indexation de la redevance a coûté 30 millions d'euros par an.

Monsieur le ministre, comment envisagez-vous le problème soulevé par la vente de la régie publicitaire ? La multiplication des parrainages atténue l'effet produit par la suppression de la publicité. Quand le rapport sur la protection des mineurs sera-t-il remis au Parlement ? Le CSA n'est-il pas légitime à prévoir une signalisation des programmes télévisés disponibles sur internet ?

Le rapport de la Cour des comptes insiste sur l'incertitude économique mais aussi sur la stabilité dont doit disposer l'équipe dirigeante de France Télévisions. Nous insistons sur l'application de l'ambitieuse réforme que nous avons votée. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.  - Merci pour ces questions essentielles, qui manifestent votre intérêt profond pour l'avenir de l'audiovisuel public, un intérêt que je partage comme ministre, mais aussi en raison de mon passé personnel et professionnel. Plus que jamais, culture et communication sont liées : les deux compétences de mon ministère se renforcent l'une l'autre.

La loi du 5 mars 2009 répond à une ambition culturelle sans précédent dans l'histoire récente pour la télévision publique : elle doit être un vecteur de la culture pour chacun, alliant popularité et qualité. Cette ambition n'est pas une utopie -M. Assouline a fort justement rappelé que le mouvement avait commencé avant.

Les inquiétudes sont légitimes, s'agissant d'un service public aussi important, mais les critiques initialement émises par les Cassandre cathodiques qui nous annonçaient l'Apocalypse sont loin des réalités d'une réforme bien accueillie par les téléspectateurs.

A ce jour, les principaux décrets d'application sont en vigueur ; d'autres sont en cours d'élaboration, notamment pour les vidéos à la demande, autour desquels les dernières consultations s'achèvent.

La TNT outre-mer ? Le Gouvernement a respecté les délais, les ultramarins en bénéficieront dès fin 2010.

L'ambition culturelle est revenue au coeur de la télévision publique grâce au nouveau cahier des charges, publié en mai 2009. De même, le soutien à la création est renforcé.

L'autre apport de la réforme est une réorganisation historique en une société unique. M. Assouline n'est pas fondé à redouter une vente à la découpe. L'objectif est avant tout d'élaborer une stratégie du média global.

La suppression de la publicité est plébiscitée par les téléspectateurs, dont 70 % en sont satisfaits. La loi dispose que la publicité sera totalement supprimée avec le basculement intégral vers la TNT, fin 2011. La fin de la diffusion analogique sera source d'économies. Un rapport faisant le bilan de la suppression partielle devra être remis au Parlement dans un an. Où est donc l'urgence de revenir sur la loi votée l'an dernier ?

M. David Assouline.  - Pour anticiper.

M. Frédéric Mitterrand, ministre.  - La régie publicitaire... Les recettes publicitaires devraient encore être diminuées par trois d'ici 2012. Une restructuration s'imposait. France Télévisions a décidé d'ouvrir le capital de la régie. Un processus transparent est engagé, encadré par le conseil d'administration.

Le Gouvernement veut mener à leur terme les réformes inscrites dans la loi. La suppression de la publicité a eu des effets vertueux. Une recette publicitaire incertaine a été remplacée par une ressource budgétaire certaine. L'avenant signé avec l'État prend en compte la disparition progressive de la publicité.

France Télévisions, la commission de la télévision publique et le Gouvernement avaient évalué à 450 millions d'euros le montant de la dotation compensatrice, mais l'évolution réelle des recettes publicitaires a permis de concilier l'équilibre des comptes de France Télévisions avec une saine gestion budgétaire. France Télévisions a terminé 2009 avec un résultat positif.

En ce qui concerne la taxe sur les fournisseurs d'accès à internet, nous contestons les griefs de Bruxelles : le financement de la télévision publique est assuré par une subvention de l'État votée en loi de finances.

La volonté sénatoriale de garantir la pérennité du financement de l'audiovisuel public est partagé par le Gouvernement. Mais le débat ouvert en 2008 sur la redevance ne se pose plus dans les mêmes termes depuis que celle-ci a été indexée sur l'inflation à compter de 2009 et portée à 120 euros en 2010. Le projet de loi de finances pour 2010 a été élaboré en parfaite cohérence avec ces dispositions.

Le Gouvernement réfléchit à un éventuel élargissement de l'assiette. Un rapport, en cours de transmission au Parlement, estime qu'il n'y a pas lieu de modifier les dispositions actuelles. Monsieur Leleu, vous pourrez encore regarder le journal télévisé de France 2 sur votre portable, mais attention : cela ne durera pas toujours...

La suppression de la publicité en journée a été fixée par la loi à novembre 2011 ; il n'y a pas lieu de revenir sur ce point.

La nouvelle procédure de nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public met fin à une hypocrisie et offre de nombreuses garanties. Le Conseil constitutionnel a considéré qu'elle n'entamait nullement l'indépendance de ces sociétés. Cette nouvelle procédure a fait ses preuves : on l'a vu avec la nomination de M. Hees à la présidence de Radio-France ; le même sérieux présidera au choix du prochain président de France Télévisions. Nous attendons d'un professionnel accompli qu'il assure l'évolution de France Télévisions vers la télévision du XXIe siècle, tout en défendant les valeurs de service public auxquelles nous sommes tous attachés. Les Parlementaires seront étroitement associés à cette nomination.

Le deuxième grand chantier de la loi du 5 mars 2009 porte sur la réforme de la publicité.

Les chaînes de télévision financent massivement la création française ; cela a nécessité un assouplissement des règles régissant la publicité. Le placement de produits dans les programmes audiovisuels a été autorisé mais strictement encadré. Sur ce sujet très complexe, le CSA a développé une grande expertise ; c'est donc à lui plutôt qu'à un décret que la loi a confié la tâche d'édicter les règles.

Troisième chantier : la réforme de la production audiovisuelle. L'élaboration d'accords interprofessionnels a permis de soutenir la création d'oeuvres patrimoniales. Des accords ont ainsi été conclus pour ce qui concerne les nouvelles chaînes de la TNT. Dès 2012, tous les diffuseurs seront dans des conditions équivalentes de couverture du territoire.

J'en viens au quatrième chantier : l'adaptation de notre réglementation aux évolutions technologiques. Les nouveaux services de médias audiovisuels à la demande étaient au coeur de la révision de la directive « Télévisions sans frontières », devenue « Services de médias audiovisuels ». Nous avons lancé une concertation publique auprès des professionnels ; le décret sera publié d'ici à la rentrée 2010.

Tel est le bilan d'étape que nous pouvons dresser de la loi du 5 mars 2009. Il est très positif ; cette réforme répond parfaitement à l'ambition originelle du Président de la République : remettre le service public au service du public. C'est sa raison d'être, c'est en train de redevenir sa marque de fabrique. (Applaudissements à droite et au centre)

Prochaine séance demain, mardi 11 mai 2010, à 14 h 30.

La séance est levée à 17 h 15.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mardi 11 mai 2010

Séance publique

À 14 HEURES 30,

1. Débat sur la fiscalité des énergies alternatives.

DE 17 HEURES À 17 HEURES 45

2. Questions cribles thématiques sur la politique industrielle.

À 18 HEURES

3. Question orale avec débat n°54 de Mme Michèle André à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur la situation des personnes prostituées.

LE SOIR

4. Question orale avec débat n°38 de M. Charles Revet à M. le secrétaire d'état chargé des transports sur le bilan d'application de la loi n°2008-660 du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire.