Modernisation de l'agriculture (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°488, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 551-3 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :

« Art. L. 551-3. - Les organisations de producteurs reconnues peuvent se regrouper, à un échelon territorial pertinent en fonction des filières, pour constituer des associations d'organisations de producteurs. Ces associations d'organisations de producteurs pourront exercer, sur délégation de leurs membres, tout ou partie de leurs missions.

« Le transfert de propriété entre l'organisation de producteurs et l'association d'organisations de producteurs n'est pas nécessaire dès lors que le transfert de propriété est effectif au premier niveau de l'organisation de producteurs.

« Les associations d'organisations de producteurs pourront mettre en oeuvre un fonds de mutualisation pour faire face aux risques économiques et financer les mesures de prévention - gestion de crises. »

M. François Marc.  - Il convient de renforcer le pouvoir de négociation des producteurs face aux acheteurs. Si le Gouvernement promeut cette solution à Bruxelles, il convient de l'aider en votant cet amendement, d'autant plus que le présent texte est en navette et qu'il pourra être modifié en fonction des négociations.

M. Gérard César, rapporteur.  - Nous sommes dans le même débat que celui que nous avons eu avec M. Soulage. Avis défavorable.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Même avis. Je prends le même engagement que celui que j'ai pris auprès de M. Soulage. Je persiste à penser que l'adoption de cet amendement nous poserait des problèmes.

L'amendement n°488 n'est pas adopté.

Article 9

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Nos agriculteurs sont les premiers touchés par les catastrophes climatiques, sanitaires ou environnementales. Certains sont même obligés de mettre fin à leur exploitation. En six mois, 40 000 d'entre eux ont demandé à percevoir le RSA.

Le président de la commission des finances a pourtant estimé que deux de nos amendements devaient être déclarés irrecevables parce qu'ils aggravaient les charges publiques. Le premier visait à assurer l'égalité de traitement entre agriculteurs en cas de calamité : lorsqu'un agriculteur assuré est moins bien indemnisé qu'un agriculteur qui ne l'est pas mais bénéficie du régime des calamités agricoles, on est en droit de se poser des questions ! Le second tendait à la généralisation de l'assurance-récolte.

Sur 350 000 exploitations, seules 70 000 sont assurées ; les plus petites ne les sont généralement pas, qui ne peuvent assumer les primes. Il est indispensable de prévoir une assurance obligatoire mais à des tarifs raisonnables. L'assurance agricole est essentielle, le monde agricole ne peut se permettre de manquer cette mutation.

M. Yannick Botrel.  - Nous en arrivons au quatrième pilier de ce projet de loi : la gestion des risques en agriculture. La profession est exposée par nature à des risques de toutes sortes, tempêtes majeures, ESB, grippe aviaire, avec des conséquences désastreuses.

Garant de la solidarité, l'État doit jouer son rôle. Avec la crise, de nombreux agriculteurs ne peuvent faire face à leurs charges -et donc payer des primes d'assurance. Beaucoup se retrouvent au RSA. Il est essentiel de faire appel à la mutualisation et à la solidarité.

Mme Évelyne Didier.  - Le régime des calamités agricoles a été mis en place en 1962 et complété en 1982, mais on a toujours privilégié depuis l'assurance privée, qui plus est au profit des plus riches et des cultures les moins vulnérables. Or, le système doit être fondé en priorité sur la solidarité et venir d'abord en aide aux petites et moyennes exploitations. L'article 9 est aux antipodes de nos convictions.

M. Michel Teston.  - De nombreux agriculteurs ardéchois souhaitent que l'assurance récolte soit obligatoire. M. le ministre préfère, lui, une incitation forte, relevant qu'une obligation nous ferait perdre 100 millions d'aides européennes. Le président Émorine estime que l'assurance récolte bute sur la mauvaise volonté des céréaliers. Mais il s'agit surtout de volonté politique. La ressource publique pourra intervenir en ultime recours et dans les cas exceptionnels, nous a dit M. le ministre. Soit. L'État doit permettre un fonctionnement équilibré du fonds de mutualisation -nous aurons un amendement en ce sens.

Cet article marque une avancée certaine, mais il faudra aller plus loin à l'avenir.

M. Bruno Retailleau.  - Les lois sont faites pour répondre à des situations concrètes. En tant que président de la mission commune d'information sur la tempête Xynthia, j'ai constaté sur place le désespoir de bien des exploitants. Les champs sont maintenant gorgés de sel, ce qui empêche les plantes de pousser. Pour l'instant, ils n'ont pas reçu un euro du Fonds national de garantie des calamités agricoles. Pourquoi ? Parce que la France doit rendre compte de ses aides auprès de Bruxelles, qui nous soupçonne de vouloir surcompenser nos agriculteurs. Un comble, puisque l'indemnisation est plafonnée à 75 % des dommages ! Vous souhaitez attendre l'accord de la Commission mais trois mois se sont déjà écoulés. Je sais les efforts que vous déployez ; mais comment faire comprendre aux agriculteurs touchés que des procédures administratives kafkaïennes les privent d'un simple revenu de subsistance ?

Si Bruxelles tarde, il faudra que vous agissiez. Je demande une réponse politique et non pas administrative. Accordez une sorte d'avance à ces exploitants, entendez leur souffrance. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Paul Émorine, président de la commission de l'économie.  - Je souscris à l'intervention qui vient d'être faite.

Le monde agricole connaît deux difficultés majeures, la question des prix, à laquelle nous avons tenté de répondre, et celle des aléas climatiques et sanitaires. Aujourd'hui, les contrats d'assurance se sont développés grâce à l'aide de l'État. Sur 300 000 exploitations, 70 000 sont assurées. Comme ce sont les plus exposées aux risques, l'assurance est inévitablement déficitaire. Je rends hommage à votre prédécesseur M. Barnier, qui a obtenu de Bruxelles un complément de financement, aujourd'hui 100 millions d'euros.

L'Europe n'accepte pas que l'assurance récolte soit obligatoire ; et il faut encore convaincre les céréaliers. Lier la dotation pour aléas à l'existence d'une assurance est une bonne chose ; quid de la dotation pour investissement ? Je m'interroge.

Avec cet article, nous disposons d'un outil indispensable, assorti d'un financement exceptionnel. En 2013, la PAC sera réformée. Il faudra qu'alors la plupart des exploitations soient assurées. (Applaudissements à droite)

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Ce texte doit permettre à notre agriculture de prendre un tournant majeur de son histoire. Le système actuel d'indemnisation est à bout de souffle ; il n'est adapté ni à la réalité des risques, ni à leur mesure. Soit on n'y touche pas, mais ce serait irresponsable car ce système prend l'eau de toute part ; il n'est prévu que 180 millions par an, alors que la moindre calamité coûte plus de 120 millions ! Soit on développe un système assurantiel, en s'appuyant sur le dispositif de subvention européen. C'est la solution retenue par le Gouvernement.

Le système doit-il être obligatoire ou facultatif ? Je plaide pour l'incitation, car l'obligation nous ferait perdre le bénéfice des 100 millions d'euros d'aides communautaires.

Je me suis rendu deux fois en Vendée et en Charente-Maritime. Je suis ce dossier au jour le jour et je reviendrai très prochainement en Vendée pour expliquer l'action du Gouvernement. Mais il faut aussi tirer toutes les conséquences de ce drame. Seuls 5 % des exploitants agricoles étaient assurés, et ils ont été indemnisés ; les autres n'ont encore rien perçu. Le fonds national de garantie ne couvre que 20 à 30 % du montant des pertes, et pas les pertes de récoltes à venir.

Nous avons dû bricoler un dispositif pour que l'indemnisation soit plus généreuse tout en restant dans les clous européens. Le Gouvernement a débloqué 20 millions pour épandre du gypse et il a fallu aussi prévoir une indemnisation des récoltes futures, ce qui n'avait jamais été fait. Nous avons notifié le dispositif à Bruxelles, où le concept d'indemnisation des pertes futures est inconnu. Je le dis clairement : je ne verserai aucune aide avant d'avoir le feu vert de Bruxelles. Je ne donnerai pas un euro d'aide d'État qui serait susceptible de devoir être remboursé dans quelques années par les agriculteurs.

En revanche, je comprends l'urgence absolue que vous invoquez, monsieur Retailleau. Les aides nationales qui doivent être débloquées le seront très rapidement. Je m'y engage.

Tirons les leçons de cet exemple dramatique. Le système actuel n'est plus tenable. Je vous propose de la refondre. (Applaudissements à droite)

M. le président.  - Amendement n°277, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - L'assurance privée coûte cher et a l'inconvénient d'être organisée par culture -or les risques sont très variables. Nombre d'agriculteurs n'ont plus les moyens de s'assurer. Le dispositif doit reposer sur la solidarité nationale, concerner tous les agriculteurs et toutes les productions et être complété par un régime d'assurance mutuelle. Son financement serait être assuré par les agriculteurs, mais aussi par l'État, les entreprises de l'amont et de l'aval, les banques et les compagnies d'assurance.

M. Gérard César, rapporteur.  - Je suis totalement opposé à cet amendement. L'article 9 est indispensable, qui est la clé de voûte de ce texte. Je tiens à rendre hommage à M. Soulage pour son travail sur l'assurance aléas.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je partage l'avis de M. le rapporteur : avis très défavorable.

Mme Évelyne Didier.  - Quand bien même les agriculteurs de Vendée auraient été assurés, l'auraient-ils été pour le bon sinistre ?

D'autre part, est-il normal que les politiques ne puissent réagir, alors que les victimes de la tempête ont perdu jusqu'à la source même de leurs revenus ? L'assurance ne peut suffire.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Certains sont pessimistes, nous sommes optimistes en demandant qu'on aille plus loin. Monsieur le ministre vous dites que les textes européens nous en empêchent.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je n'ai pas dit cela.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - La Vendée n'est pas le seul département frappé par un aléa climatique. Les Landes, chères à M. Carrère, ont subi deux tempêtes en dix ans : vous auriez pu y pousser, l'autre jour, quand vous vous êtes rendu dans le Lot-et-Garonne. Dans ce département où la sylviculture occupe une place déterminante, les sylviculteurs victimes de la tempête de 1999 n'ont pas encore été tous indemnisés.

L'amendement n°277 n'est pas adopté.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission.  - La commission va se réunir environ une demi-heure pour examiner les derniers amendements.

La séance est suspendue à 19 h 35.

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

La séance reprend à 21 heures 35.