Équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques

Discussion générale

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.  - Le cinéma fut dès le début un objet d'interrogations. Antoine Lumière déclara à Georges Méliès : « jeune homme, le cinématographe n'a pas d'avenir ». Méliès finit ruiné, tenant une petite boutique de jouets à la gare Montparnasse. Depuis, cet art devenu industrie a séduit par sa magie des millions de spectateurs.

Nous abordons aujourd'hui une proposition de loi claire et clairvoyante, issue d'une large concertation, conduite notamment avec le CNC. Ce texte répond à un besoin urgent de modernisation et de régulation.

De nombreuses révolutions ont bouleversé le cinéma au cours de son histoire, avec le passage au parlant, puis à la couleur, sans oublier les inventions de la Nouvelle Vague, sur le plan esthétique comme des modes de production.

Je m'associe à l'hommage rendu par M. Legendre aux cinéastes et acteurs récemment disparus.

Aujourd'hui, le cinéma est confronté au défi de la numérisation ; déjà utilisée par Éric Rohmer pour sa jolie fresque sur la Révolution, l'Anglaise et le duc.

Certains restent attachés au support traditionnel, mais la technologie numérique est déjà largement utilisée en France, dont la réputation est internationale. Grâce au crédit d'impôt, un long métrage d'animation américain a été réalisé en France, puis s'est hissé en haut du box office outre Atlantique.

Aujourd'hui, le succès d'Avatar rappelle le choc du Chanteur de jazz, le premier film sonorisé en 1927.

La mutation numérique doit se produire, mais non sans encadrement.

En 2009, on a décompté 200 millions d'entrées dans les salles, un record. En ont bénéficié des films très différents, de Tournée à Des hommes, des dieux. Plus de 63 % de nos concitoyens se rendent au cinéma au moins une fois pas an : bel exemple de la culture pour chacun !

La France a le premier parc de cinémas en Europe. Grâce aux exploitants et aux distributeurs, le désir de spectacle cinématographique reste intact. Bien sûr, le soutien sans faille de l'État contribue à ce résultat. Le Président de la République vient de rappeler son attachement à ce dispositif unique au monde, le compte de soutien à l'industrie du cinéma, géré par le CNC.

Dès ma nomination, j'ai dit ma volonté d'accompagner la numérisation, tout d'abord en accompagnant la concertation entre exploitants et distributeurs. Ceux-ci bénéficient du progrès, ce qui légitime une contribution temporaire en faveur des distributeurs. Le refus opposé par l'Autorité de la concurrence à la création d'un fonds de mutualisation impose le recours à la loi.

Ainsi, le présent texte permet de financer l'équipement de nombreuses salles, que son coût -80 000 euros- ne met pas à portée de tous les exploitants, notamment dans les petites villes et pour les circuits itinérants. Une aide spécifique du CNC couvrira jusqu'à 90 % de l'investissement.

Il est déjà possible de demander cette aide en ligne. Une première réunion de la commission du CNC aura lieu en octobre.

Une réforme du dispositif encadrant la programmation dans les salles s'imposait aussi. Un décret du 8 juillet y a pourvu. En outre, les aides aux salles « art et essai » seront liées au respect des engagements de programmation.

Je salue le remarquable travail conduit par le rapporteur et par la commission. Ce texte fixe les principes, renvoyant pour l'application au médiateur du cinéma et instituant un comité de concertation ad hoc. Ainsi, tous les cas particuliers et toutes les situations inédites seront pris en compte. S'y ajoute le comité de suivi parlementaire.

Cette loi s'inscrit dans le cadre de la numérisation du patrimoine cinématographique, qui concerne près de 6 500 longs métrages, de 1929 à nos jours.

Notre pays compte 500 entreprises techniques du cinéma, principalement des PME très innovantes qui investissent pour rester à la pointe de la technologie, dans un contexte de forte concurrence internationale.

J'en viens au « 3D ». Le CNC a créé une nouvelle aide, qui s'ajoute au crédit d'impôt. Enfin, je souhaite une nouvelle convention collective : j'ai bon espoir que la médiation menée à cette fin permette d'obtenir un accord.

En France, nous demeurons convaincus que le cinéma n'est pas seulement une industrie mais une forme d'expression artistique que ce texte contribuera à préserver. (Applaudissements)

M. Serge Lagauche, rapporteur de la commission de la culture.  - Avec plus de 140 millions d'entrées au cours des huit premiers mois de l'année, la fréquentation des salles augmente encore. Cette proposition de loi forme le premier étage de la fusée de l'aide à la numérisation, pour organiser une contribution temporaire des distributeurs favorisant la numérisation des salles. Nous assurerons ainsi le libre accès aux films et aux salles.

Le texte assure l'étanchéité entre les contrats de distribution et le recours au numérique. Ainsi, la contribution ne sera pas exigible pour les exploitations « en continuation ». Fonder le calcul sur la diffusion pendant les deux premières semaines prend en compte l'économie réalisée par la numérisation.

J'ajoute que la contribution couvrira la première installation, non son renouvellement, tout en devant cesser avant fin 2021.

En l'absence d'un système obligatoire, seules les plus grandes salles pourraient s'équiper.

La contribution numérique sera due aussi pour le hors film.

Le montant de la contribution restera inférieur à la différence de coût entre support photochimique et les exemplaires numériques. Par ailleurs, toute clause établissant un lien entre diffusion d'oeuvres numériques et versement de la contribution serait nulle de plein droit.

Le comité de suivi, le comité de concertation professionnelle et le médiateur du cinéma, personnage unanimement respecté, veilleront sur l'application du texte.

Un amendement de l'Assemblée nationale permet d'établir un lien avec l'engagement de programmation : c'est essentiel.

Cette proposition de loi consensuelle est très attendue. Son dispositif équilibré comporte une large souplesse.

Le deuxième étage de la fusée consiste en un dispositif d'aide publique versée via le CNC. En effet, les salles dites de continuation -soit 1 050 écrans sur 5 400- auront besoin d'une aide supplémentaire. Ces exemptions sont placées sous le régime européen de minimis.

Principalement suitées dans de petites villes et en zones rurales, ces salles contribuent à l'aménagement du territoire et à maintenir la diversité de l'offre de films.

J'ajoute que nombre de collectivités territoriales appuient aussi la numérisation des salles : Aquitaine, Ile-de-France, et bientôt Rhône-Alpes.

Troisième étage de la fusée, des textes réglementaires pour encadrer la diffusion en salle de hors film, très souvent la retransmission de manifestations sportives. Certains imaginent une concurrence pour le théâtre ou l'opéra, mais cette technique joue aussi un rôle positif.

Je vous propose d'adopter conforme ce texte équilibré, qui préserve l'unité de notre parc, le premier en Europe et le quatrième au monde, et la diversité cinématographique du pays. (Applaudissements sur tous les bancs)

Mme Françoise Laborde.  - Voyage au centre de la terre, Avatar, Piranhas : ces films à gros budget qui font encore frissonner les spectateurs rencontrent un grand succès. Les films en 3D sonnent-ils le clap de fin pour l'exception française ? Cette proposition de loi vise à retenir le couperet. Il était urgent d'agir pour sauver notre maillage territorial.

Désormais, la résolution numérique se projette sur tous les écrans, avec des perspectives encore inimaginables.

Un bouleversement économique s'annonce. Il fallait donc sauver les petits exploitants, ainsi que les salles « art et essais ».

Grâce à ce texte, nous pourrons mutualiser le coût d'installation du numérique, assurant ainsi la diversité de l'offre cinématographique.

Selon l'Observatoire européen de l'audiovisuel, la 3D serait le principal moteur de croissance du cinéma.

Les qualités de la numérisation sont avérées mais celle-ci reste hors de portée des petits exploitants. Depuis 2007, la numérisation des multiplex est soutenue par les distributeurs, mais les petites salles restent à l'écart. Une solution de regroupement et de mutualisation doit donc être envisagée.

Ce texte organise la solidarité entre professionnels, puisque les distributeurs verseront une contribution aux salles à qui une oeuvre numérique sera remise. Cette contribution sera obligatoire pendant les deux premières semaines d'exploitation d'un film. Il faudrait au moins trois semaines pour que davantage de salles en bénéficient. L'action du médiateur du cinéma et du comité de concertation explique le consensus des professionnels.

Cette proposition de loi permet d'assurer le maillage territorial. Les collectivités locales pourront plafonner les loyers, mais aussi verser des subventions, afin d'éviter le « nettoyage » du territoire. Les petites salles jouent un rôle majeur au service de la diversité, mais aussi de l'aménagement du territoire : elles évitent les déserts culturels.

Les vieux films seront-ils tous numérisés ? Quelle sera la durée de vie de ce nouveau support ? Comment assurer le respect des engagements de programmation, la limitation du hors film ?

Ce texte, même imparfait, constitue une avancée. Grâce aux professionnels il a été possible d'aboutir à un consensus.

Le groupe RDSE votera la proposition de loi, dont il espère une application rapide. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Leleux.  - « Le cinéma est une invention sans avenir » avait dit Louis Lumière. Pourtant, il a connu une succession d'innovations techniques qui lui ont permis à chaque fois de rebondir.

La France dispose d'une salle pour 12 100 habitants, contre une moyenne européenne de 14 000, mais une moyenne américaine de 7 750. Au cours des derniers dix-huit mois, un tiers des cinémas se sont équipés d'un projecteur numérique. Avec le numérique, toute l'économie du secteur va être bouleversée

Les enjeux sont divers, à commencer par la diversité culturelle et l'aménagement du territoire. Vient ensuite l'enjeu financier : la numérisation exige un matériel coûteux, ainsi que des travaux d'adaptation des cabines de projection. Enfin, n'oublions pas l'enjeu social, avec les mutations professionnelles qui imposent formation et reconversions.

Le passage au numérique fait réaliser aux distributeurs d'importantes économies. La contribution contractuelle des distributeurs à la numérisation ne pouvant, dans une stricte logique du marché, concerner que les grandes salles, il a fallu instituer une mutualisation. Le premier projet tendait à confier ce rôle au CNC, mais l'Autorité de la concurrence a rendu un avis défavorable, au nom de la concurrence sur le marché du financement.

Le CNC a donc renoncé au fonds de numérisation, qui aurait versé des aides directes en cas de défaillance du marché. Il a élaboré une solution alternative, en concertation étroite avec les professionnels et les parlementaires membre du groupe de suivi : M. Lagauche et moi-même pour le Sénat.

Le dispositif élaboré nous semble satisfaisant. Une proposition de loi a donc été déposée simultanément à l'Assemblée nationale et au Sénat -par M. Legendre et moi-même. Les députés ont voté le texte à la quasi-unanimité, le groupe GDR s'abstenant. Nous avons tous travaillé ici dans un objectif consensuel, aujourd'hui atteint.

Nous nous sommes interrogés sur le maintien du formalisme des contrats de location de films, conclus souvent chaque semaine de façon orale.

Les contrats sont conclus en début de semaine entre distributeurs et exploitants, de manière généralement orale, ce qui rend plus difficile la preuve de l'intégrité du consentement.

Les professionnels nous ont convaincus de ne pas imposer la forme écrite, pour des raisons de délai et de réactivité. Leur inquiétude s'est dissipée ; elle était due à une incompréhension de l'articulation et de la complémentarité de la proposition de loi avec les autres volets, financier et réglementaire, de la réforme.

La France, à la différence de nombre de ses partenaires européens, n'accepte pas la fatalité de la disparition des salles.

Ce texte a suscité un très large consensus dans notre commission. La modernisation des salles de cinéma profite au spectateur et n'est pas étrangère à l'augmentation de leur nombre. Selon une enquête d'Opinionway, les trois quarts des Français ont le sentiment que leurs salles ont été modernisées depuis dix ans.

Nous pouvons nous réjouir de ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jack Ralite.  - Le passage au numérique est un grand défi et un vrai danger. Cette évolution technique risque de rendre obsolètes tous ceux qui ne s'adapteraient pas. Elle bénéficie d'abord aux distributeurs, bien plus qu'aux exploitants. Les nombreuses petites salles aux faibles moyens pâtissent de cette inégalité.

L'objectif est d'assurer le maintien d'un maillage dense du territoire, avec une pluralité de salles garantissant le pluralisme des films.

Depuis 50 ans, en tant qu'élu et que citoyen, je n'ai cessé de me passionner pour ces questions. Cela n'a pas été un chemin de velours, mais nous avons réussi à préserver l'intérêt général.

Voici que l'intervention massive des investisseurs crée une non-concurrence guère libre et certes faussée. Les marchés financiers deviendraient les acteurs majeurs de l'identité du cinéma. Les rapports de force deviendraient des rapports de droit. Le bloc de pouvoir s'est torsadé sans limite.

Le CNC, dans un réflexe heureux, a proposé un fonds de mutualisation ; près de 2 800 salles, sur les 5 400 que compte le pays, ont salué cette solution de solidarité. Le 1er février, l'Autorité de la concurrence a donné un avis défavorable : les grands circuits risquaient sans doute d'en pâtir ! Le CNC a aussitôt envisagé une taxe sur les distributeurs, mais elle aurait été trop longue à mettre en place du fait de la nécessité d'obtenir l'accord de l'Europe.

Ce texte est donc une solution de repli. Je ne suis pas une petite souris, mais j'ai appris qu'une grande personnalité du cinéma verrait d'un bon oeil une diminution du nombre de salles. Cette loi d'accommodement crée un clivage entre le cinéma du marché et le cinéma hors marché et trahit le financement solidaire issu de la Libération.

J'ai reçu un courrier du propriétaire d'une salle dite fragile. Il craint que la loi ne provoque une concentration du marché, une atteinte à la diversité et la création de deux circuits. Toutes les personnes auditionnées partagent ces craintes, exprimées également par le médiateur du cinéma.

Les amendements que notre groupe a déposés veulent plus qu'un filet de sécurité ; ils exigent des garanties. Le gré à gré est toujours en faveur du plus fort. Il faut aider les salles ; oui, toutes !

La confusion dévastatrice de l'époque se ressent dans l'accord consensuel qui accueille ce texte ; nous nous abstiendrons, même si la profession, de guerre lasse, soutient ce texte.

En haut lieu, on veut nous empêcher de parler clair et de dire que nous refusons que la finance, qui méprise le travail bien fait, domine le monde. Lui vont comme un gant ces titres de films de Claude Chabrol que nous honorerons avec émotion demain : L'ivresse du pouvoir, Les plus belles escroqueries du monde, Folies bourgeoises, Masques, Le scandale et Au coeur du mensonge.

Jour après jour, le bloc du pouvoir a érigé le mensonge en pratique usuelle. Nous ne pouvons plus le croire. Il devrait relire Kant : « Le mensonge est une violation grave du devoir envers soi-même ». Un beau scénario... nous nous abstiendrons. (Applaudissements à gauche)

Mme Françoise Cartron.  - Je me réjouis du consensus suscité par ce texte. Il montre que les initiatives parlementaires peuvent être fructueuses, a fortiori lorsqu'elles s'appuient sur une large concertation avec les professions concernées.

Ce virage technologique du numérique s'imposera à tous. Nos 5 400 salles devront donc pouvoir s'équiper dans un délai bref. Le coût ? Quelque 80 000 euros par salle. Il faut donc rétablir un certain équilibre dans l'industrie du cinéma. Dans un premier temps, les avantages financiers bénéficient aux distributeurs, les diffuseurs étant pénalisés par le coût des nouveaux équipements.

L'accès à la culture doit être assuré pour tous, sur tout le territoire. Les petites salles doivent donc être soutenues, sous peine de ne plus pouvoir accéder aux copies, ce qui mettrait en jeu leur survie.

La numérisation aura d'importantes conséquences sociales pour les salariés, qui ne doivent pas être condamnés au chômage.

Certes, l'équipement des grandes salles aurait pu être laissé au marché, grâce à la contribution versée par les grands distributeurs. Mais il faut une intervention publique pour que les diffuseurs ne dépendent pas des distributeurs.

L'Autorité de la concurrence a jugé que le CNC ne pouvait être à la fois régulateur et opérateur sur ce marché. D'où la nécessité de ce texte qui favorise la collecte mutualisée de la contribution, en incluant l'ensemble des activités rendues possibles par l'équipement numérique. Les petites salles ne seront pas mises dans l'impossibilité de diffuser certains films. Les aides du CNC sont particulièrement importantes pour les salles des petites villes ou des zones rurales.

Après l'adoption de ce texte consensuel, nous devrons veiller à sa bonne application. Le passage d'une à deux semaines du délai de distribution est une bonne chose ; il pourrait même être prolongé à trois ou quatre semaines. Les collectivités territoriales aident déjà de nombreuses salles rurales ou des petites villes ; c'est le cas en Seine-et-Marne. Attention devra aussi être portée à l'évolution des emplois, car la révolution numérique représente en ce domaine, selon la Ficam, un véritable électrochoc ; si elle devait se traduire par la fermeture de nombreuses petites salles et la destruction de nombreux emplois, elle serait une terrible régression.

Notre devoir de vigilance n'enlève rien à la qualité du texte proposé, que nous voterons. (Applaudissements sur les bancs socialistes, sur les bancs RDSE et sur certains bancs au centre et à droite)

Mme Colette Mélot.  - Comme le livre et la musique, le cinéma est confronté au défi de la numérisation. L'adaptation à cette révolution technique est une question de survie pour les petites salles, notamment en milieu rural.

L'objet de ce texte de loi, adopté par l'Assemblée nationale le 16 juin dernier, est simple : soutenir la modernisation de toutes les salles de cinéma en France, en généralisant le versement par les distributeurs d'une « contribution numérique » en faveur des exploitants des salles de cinéma.

L'actuelle période transitoire peut rencontrer des difficultés. Toute la profession a cherché d'un commun accord les moyens de mutualiser le coût de la numérisation des salles. Le principe de cette contribution -qui n'est pas un impôt !- est juste et efficace, car elle est fondée sur l'idée d'une mutualisation interne à la profession.

Alors que la fréquentation globale est en hausse, les petites salles, les salles d'art et d'essai, les salles rurales voient leur fréquentation baisser. Nous avons à Mons-en-Montois, village de 400 habitants proche de Provins, un minuscule cinéma d'art et d'essai, qui ne survit que grâce à une subvention du CNC, mais qui bénéficie d'une clientèle assidue de quelques dizaines de cinéphiles.

Les collectivités ont racheté nombre de salles pour les sauver... La ville de Melun, dont je suis l'adjointe à la culture, a déjà racheté les murs de la dernière salle de cinéma, confiée à un gérant. Face aux multiplexes de périphérie, nous avons besoin de faciliter la numérisation de cette salle de centre ville.

Conformément à une demande insistante de la profession, la référence pour le calcul des loyers des salles de cinéma sera le chiffre d'affaires de l'exploitant.

Je me réjouis, mes chers collègues, que cette proposition de loi très attendue et porteuse d'avenir fasse l'objet d'un consensus sur le fond et sur la méthode. (Applaudissements à droite, au centre et sur divers bancs socialistes)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Au chapitre Ier bis du titre III de la deuxième partie du livre Ier du code général des impôts après la section II bis, il est inséré une section ainsi rédigée :

« Section ...

« Taxe sur les copies numériques d'oeuvres et documents cinématographiques

« Art. ... - Il est institué à compter de la promulgation de la présente loi une taxe sur les ventes et locations des copies numériques d'oeuvres et documents cinématographiques destinées à la projection publique.

« Cette taxe est due par les redevables qui vendent ou louent leu copie numérique à un établissement de spectacles cinématographiques

« La taxe est assise sur le montant hors taxe sur la valeur ajoutée du prix acquitté au titre des opérations visées ci-dessus.

« Le taux est fixé à 2,35 %. Il est porté à 10 % lorsque les opérations visées au présent article concernent des oeuvres et documents cinématographiques ou audiovisuels à caractère pornographique ou d'incitation à la violence. Les conditions dans lesquelles les redevables procèdent à l'identification de ces oeuvres et documents sont fixées par décret.

« La taxe est exigible dans les mêmes conditions que celles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée.

« Elle est constatée, liquidée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.

« Le produit de la taxe est affecté au Centre national du cinéma et de l'image animée. »

M. Ivan Renar.  - Nous proposons de financer l'équipement numérique des salles grâce à une taxe sur les copies numériques, afin de permettre une participation proportionnée des distributeurs, ainsi qu'un financement équitable de toutes les salles.

Cette taxe a pour intérêt de se dégager des rapports de force économiques ; elle n'influe pas sur les plans de sortie des films, et ne contribue donc pas à la massification et à l'uniformisation de notre paysage cinématographique.

On nous oppose les 18 à 24 mois nécessités par l'indispensable consultation européenne. Notre amendement répond à cette objection.

M. Serge Lagauche, rapporteur.  - Un tel dispositif doit être soumis à la Commission européenne. Or la numérisation est en cours et l'urgence s'impose. En outre, il n'est pas sûr que Bruxelles approuve cette taxe. Enfin, certains distributeurs craignent de devoir payer deux fois.

Le système de financement du cinéma résiste, monsieur Renar ! Le CNC continue à s'engager en faveur des salles en difficulté.

Je souhaite vivement que vous retiriez cet amendement.

M. Frédéric Mitterrand, ministre.  - Une nouvelle taxe n'est vraiment pas nécessaire : elle serait injuste, car les distributeurs participent déjà à la numérisation des salles. Retrait, sinon rejet.

M. Ivan Renar.  - Je maintiens l'amendement ; ce n'est ni de l'opposition systématique, ni de la méchanceté (sourires), mais quoi qu'en dise M. Lagauche, nous sommes à un carrefour dangereux : nous voulons rester honnêtes avec nous-mêmes.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

Article premier

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 4

Remplacer les mots :

des salles des établissements de spectacles cinématographiques existantes

par les mots :

de toutes les salles des établissements de spectacles cinématographiques existantes

Mme Marie-Agnès Labarre.  - L'exception culturelle française se caractérise par certaines spécificités. Le 7ème art français participe largement au cinéma mondial. La qualité de notre réseau d'art et d'essai fait de la France un pays particulièrement cinéphile.

Nous devons garantir la pérennité du soutien du cinéma commercial au cinéma d'auteur. Le coût du passage au numérique risque de contraindre à la fermeture un tiers des petites salles. Ce texte ne vise en fait que les moyennes salles ; il faut que toutes les salles en bénéficient.

Le cinéma 3D ne concerne encore qu'un très petit nombre de films et guère le cinéma d'auteur, qui fait la gloire du cinéma français. Nous tenons à défendre la qualité et la diversité de notre cinéma.

M. Serge Lagauche, rapporteur.  - Je maintiens qu'avec ce texte, je défends la qualité et la diversité du cinéma français. On voit mal comment le dispositif que vous proposez pourrait fonctionner concrètement ; de plus, les petites salles bénéficieront de l'aide du CNC et de celle, éventuelle, des collectivités locales. Retrait, sinon rejet.

M. Frédéric Mitterrand, ministre.   - Je partage votre souhait de faire bénéficier toutes les salles du dispositif, mais l'article premier, alinéa 4, suffit à sa réalisation. L'amendement est donc superfétatoire : retrait, sinon rejet.

M. Ivan Renar.  - Le rapporteur ne doit pas se sentir personnellement visé par nos amendements, pas plus que je ne me sens vexé quand Frédéric Mitterrand, que j'apprécie, estime l'amendement superfétatoire !

Je suis un enfant de Marx et de Coca-Cola. Toutes mes jeunes années ont été marquées par les éclats de rire et les sanglots de nombreux spectateurs dans les salles de cinéma. C'était une véritable leçon de civilisation ! Je souhaite retrouver cet esprit ; nous ne refusons pas la technologie, mais nous refusons que l'argent dicte sa loi.

Les affaires de l'esprit ne doivent pas être laissées à l'esprit des affaires !

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 5, deuxième et troisième phrases

Remplacer le mot :

deux

par le mot :

quatre

M. Ivan Renar.  - Pour les salles de petite taille, qui assurent la diversité de notre cinéma, il est vraiment question de survie. Cette proposition de loi risque de creuser la différence entre les grands circuits qui connaissent une rotation rapide des films et les salles hors circuit. Ce risque s'amoindrit, selon le CNC, à compter de la troisième semaine d'exploitation. Nous voulons échapper à un cinéma à deux vitesses.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par Mme Laborde et M. Collin.

Alinea 5, deuxième et troisième phrases

Remplacer le mot :

deux

par le mot :

trois

Mme Françoise Laborde.  - La limitation du versement de la contribution aux deux premières semaines d'exploitation risque de favoriser les grandes salles au détriment des petites, car les distributeurs chercheront à placer leurs films dans les salles les plus rentables. De plus, le CNC a constaté que les films à forte potentialité attirent le plus de spectateurs après la deuxième semaine.

Il serait inacceptable d'exonérer trop rapidement les distributeurs de leur obligation de financement.

M. Serge Lagauche, rapporteur.  - En majorité, les professionnels approuvent le délai de deux semaines, correspondant au pic de circulation des copies. Ce dispositif est au plus près de la logique de diffusion des films en 35 millimètres. Après de nombreuses discussions, les représentants des exploitants ont approuvé ce dispositif. Les salles qui ne seraient pas suffisamment financées seront aidées par le CNC.

M. Frédéric Mitterrand, ministre.  - La contribution sera due si le plan de sortie était augmenté après les deux semaines. En outre, l'extension proposée pénaliserait la circulation des films vers les petites salles.

L'équilibre établi prend en compte le financement des salles de continuation. D'ailleurs, le CNC a déjà annoncé des aides sur le fondement du décret du 1er septembre 2010.

M. Ivan Renar.  - Le débat est apaisé ; je maintiens tranquillement mon amendement...

M. le président.  - Vous dites cela avec un tel sourire !

M. Ivan Renar.  - Je ne suis pas obligé de brandir en permanence une banderole sur une barricade ! (Sourires)

Mme Françoise Laborde.  - Espérons que le médiateur du cinéma jouera son rôle.

L'amendement n°6 est retiré.

L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 12

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Toutefois cette contribution est maintenue en cas de remplacement nécessaire du matériel.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - L'évolution-révolution en cours n'est pas exempte d'aléas. Une mutation se profile pour les projectionnistes, dont la profession est menacée. Quant à la durée de vie des équipements numériques, elle est d'environ sept ans ; quid du financement de leur renouvellement ? Quid de leur maintenance ? Les petites salles ne seront-elles pas mises en danger ? Le financement du passage au numérique doit être assuré sur le long terme.

M. Serge Lagauche, rapporteur.  - Ce texte concerne uniquement la transition au numérique. Nous verrons par la suite si des problèmes se posent pour le renouvellement des équipements. J'ajoute que le soutien du Fonds d'aide à la modernisation devrait perdurer.

M. Frédéric Mitterrand, ministre.  - La loi instaure à juste titre un dispositif transitoire entre ceux réalisant des économies et ceux qui doivent financer des équipements ; il est équilibré. Il ne s'agit pas de mettre en place un dispositif de financement pérenne. Défavorable.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°5 rectifié, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 15

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ce montant est compris entre 400 et 600 euros.

M. Ivan Renar.  - Il faut encadrer la contribution numérique. L'enjeu est fondamental, pour éviter que le montant de la contribution ne favorise trop les multiplexes au détriment des petits distributeurs, ou les grands distributeurs à celui des petits exploitants. Il faut limiter l'incidence des rapports de force.

M. Serge Lagauche, rapporteur.  - Nous y avons beaucoup réfléchi. Cette disposition pourrait avoir des effets pervers et être contreproductive. Mieux vaut se fier au marché, qui semble bien s'autoréguler. Le médiateur du cinéma et, le cas échéant le juge, pourront intervenir. Nous aurons aussi un rapport d'évaluation d'ici un an.

M. Frédéric Mitterrand, ministre.  - Mieux vaut laisser les parties fixer librement le montant de la contribution tout en encadrant la négociation. Retrait, sinon rejet.

L'amendement n°5 rectifié n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

Les articles 2, 3, 4, 5 et 6 sont adoptés.

Vote sur l'ensemble

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je rends hommage à Serge Lagauche dont la ténacité a permis l'élaboration puis le vote de cette proposition de loi. Un texte similaire avait été déposé à l'Assemblée nationale ; leur bon aboutissement illustre l'intérêt de l'initiative parlementaire.

Malgré son caractère positif, ce texte laisse certaines questions en suspens. Une certaine mutualisation est nécessaire, de sorte que toutes les salles soient en mesure de s'équiper. La France compte 2 700 cinémas et 7 400 salles, dont un tiers sont déjà numérisées ; cette loi permettra la numérisation d'un autre tiers.

Restent les petites salles, notamment en milieu rural, souvent portées à bout de bras par des associations ou des collectivités locales, dont le sort me tient particulièrement à coeur -j'ai présenté en 1992 un texte permettant aux communes d'investir pour assurer leur survie. Je souhaite que le processus engagé par cette loi accompagne leur mutation, ce qui n'est pas absolument garanti. Je souhaite donc un suivi très fin du texte. Des mesures complémentaires seront peut-être nécessaires.

M. Serge Lagauche, rapporteur.  - Enfant de Jaurès et de Blum, j'ai tenu, avec mon groupe, à défendre une nouvelle fois la culture et le cinéma. Je comprends l'abstention du groupe CRC-SPG comme un geste de confiance.

M. Jean-Pierre Leleux.  - Avec le rapporteur, le CNC et nos collègues de l'Assemblée nationale, nous avons élaboré un bon texte, très attendu par les professionnels, qui ménage des espaces de souplesse toute en les encadrant. Nous pourrons en dresser dans un an le bilan.

M. Jack Ralite.  - Nous assistons aujourd'hui dans tous les domaines, économique, social, éducatif, à de grands retournements. Le cinéma n'est pas sous cloche, malgré la protection dont il a longtemps bénéficié en France. L'intervention de tiers investisseurs, la pénétration des intérêts financiers est une innovation dangereuse qui motive mon abstention... dynamique.

M. Ivan Renar.  - Positive ! (Sourires)

M. Jack Ralite.  - Dans le cinéma comme ailleurs, les choses vont bien pour ceux qui vont déjà bien...

L'ensemble de la proposition de loi est adopté.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture.  - Je me réjouis que cette proposition de loi soit adoptée sans opposition. Je salue la coopération avec l'Assemblée nationale, le consensus entre majorité et opposition, le travail de MM. Lagauche et Leleux. Tout cela contribue à la satisfaction des spectateurs et à l'aménagement du territoire.

Nous offrons aujourd'hui aux professionnels du cinéma le cadre législatif de modernisation qu'ils attendent. Le comité de suivi sera vigilant, auquel notre commission sera représentée. Si certaines salles subissent des difficultés, il faudra y remédier.

Nous suivrons avec attention les réformes en cours dans le secteur du cinéma. Des tensions sont apparues cet été entre le CNC et la profession ; la nomination d'un médiateur est bienvenue.

Enfants de Jaurès et Blum pour certains, enfants de Malraux pour d'autres...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce n'est pas incompatible !

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture.  - ...nous savons tous que le cinéma est partie de la culture. Sa cause doit nous rassembler. (Applaudissements)

M. Frédéric Mitterrand, ministre.  - Merci à tous les contributeurs au débat. Avec ce texte nous adressons un message fort au monde du cinéma.

Enfants de Jaurès, de Blum ou de Malraux, nous sommes aussi ceux de Greta Garbo et de Marcel Carné, si tant est qu'ils se soient jamais rencontrés... (Sourires)

J'ai consacré quinze ans de ma vie à faire vivre de petites salles d'art et d'essai. Projectionniste dans des moments difficiles, j'ai connu la hantise de l'appareil à charbon qui ne fonctionne pas, puis la panique lorsque le film de l'unique et énorme bobine s'échappe jusque dans les couloirs comme un serpent. Nostalgique de ces années de jeunesse, je serai très attentif à l'application de ce texte, singulièrement aux petites salles.

Monsieur Legendre, j'ai eu hier un échange sérieux avec les représentants de la profession cinématographique ; je leur ai annoncé la nomination d'un médiateur. J'espère parvenir à un consensus d'ici un mois. Mon arbitrage est rendu plus facile par le maintien de la TVA à 5,5 % pour Canal +, auquel l'action de mon ministère n'est pas étrangère. (Applaudissements)