Débat sur l'application des lois

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur l'édiction des mesures réglementaires d'application des lois.

M. Yvon Collin, président du groupe du RDSE, auteur de la demande.  - Si nous avons souhaité débattre de ce sujet, c'est qu'il est apparu qu'il y avait un vrai déséquilibre entre la volonté du Parlement et l'amélioration de la qualité de la loi.

Le droit ne peut être efficace que s'il est bien produit. Le Conseil d'État a transmis au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité sur la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance. La Haute juridiction a rappelé qu'un décret n'avait pas été publié et que l'article incriminé risquait de ne pas être conforme à la Constitution.

Il revient au Parlement de voter la loi en fonction de l'article 34. Le pouvoir réglementaire, compétence du Premier ministre, doit veiller à sa bonne application.

Notre Haute assemblée contrôle l'application des lois depuis quarante ans. Le dernier rapport montre que l'exécution des lois souffre de retard, voire de carence. Sur les 1 605 lois promulguées depuis 1982, 30 % sont toujours en attente de mesures réglementaires. Certains textes n'en ont reçu aucune. Seuls 71 % des mesures réglementaires depuis le début de la législature ont été publiés. Cette dernière année, une loi sur quatre n'est pas applicable. Ce taux d'inexécution n'est pas acceptable, d'autant que le Gouvernement impose un rythme soutenu de travail au Parlement sans mettre ensuite les lois en application. Plus le Gouvernement demande la procédure accélérée, moins il publie les textes réglementaires. Il faut changer les choses.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Yvon Collin, auteur de la demande.  - L'inflation législative doit cesser. Il y a eu moins de lois entre l'édit de Villers-Cotterêts, en 1539, et le début de la Ve République, que depuis 1958.

Le recueil des lois de l'Assemblée nationale est passé de 620 pages en 1971 à 2 556 en 2004. On a tenté de remédier à ce phénomène : la récente proposition de loi de simplification des lois n'en est que le dernier avatar.

La qualité rédactionnelle des lois a pâti de cette inflation. Les lois sont mal rédigées, ce qui multiplie les difficultés d'application. La frontière entre les domaines de la loi et du règlement perd toute netteté. A propos de ces textes de loi qui relèvent en fait du règlement, le président Mazeau parlait de « neutrons législatifs ». Une proposition de révision prévoyait que les commissions parlementaires compétentes se substituent au pouvoir réglementaire en cas de carence.

Votre gouvernement n'a pas la responsabilité de tous ces retards mais la révision de 2008 devait revaloriser le rôle du Parlement. Elle n'a pas eu les effets escomptés. La loi doit être solennelle, brève et permanente. Aujourd'hui, elle est bavarde, précaire et banalisée, disait Renaud Denoix de Saint-Marc, alors vice-président du Conseil d'État. L'émotion ne saurait remplacer la raison quand il s'agit de l'intérêt général. Trop souvent, des faits divers tragiques entraînent le dépôt d'un projet de loi. De plus, l'encre des textes n'a pas le temps de sécher qu'ils sont remplacés par de nouvelles lois pas plus appliquées.

Mme Nathalie Goulet.  - O tempora, o mores !

M. Yvon Collin, auteur de la demande.  - L'administration est encombrée par la multiplication des lois à appliquer. Face à ce constat, il existe des solutions. Il faudrait mieux rythmer la production législative : Portalis disait que la loi permet, ordonne et interdit. Mais je ne suis pas sûr que le mouvement puisse être inversé : vous dites, monsieur le ministre, que l'ordre du jour est plein à craquer jusqu'en 2012.

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.  - Non : fin 2011 !

M. Yvon Collin, auteur de la demande.  - La solution est d'abord politique : le Gouvernement devrait s'astreindre à présenter les projets de décret en même temps que les projets de loi. En 1990, M. Rocard avait ainsi procédé. Cette solution est évidente et le projet de loi sur la simplification du droit impose que les décrets soient publiés six mois après le vote de la loi. Au sein de chaque administration, une cellule devrait être créée pour suivre l'application des lois.

Si le Gouvernement a pris soin depuis 2008 de procéder à un suivi des textes, les résultats ne sont pas à la hauteur. Votre gouvernement a encore beaucoup de travail pour mieux informer le Parlement.

Nos assemblées devraient également mieux contrôler l'action du Gouvernement. Les députés qui rapportent un projet de loi sont désormais chargés de contrôler leur application. Le Sénat devrait s'inspirer de cet exemple.

J'en viens à la responsabilité juridique : les parlementaires doivent pouvoir ès qualité agir pour une application des textes. Or, la jurisprudence administrative ne reconnaît pas la demande d'un parlementaire à poursuivre le Gouvernement en cas de non-application d'une loi. Le RDSE a déposé une proposition de loi pour modifier la donne et elle viendra en discussion prochainement.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Excellente initiative !

M. Yvon Collin, auteur de la proposition.  - La volonté du Parlement doit être respectée par le pouvoir réglementaire. Les membres du RDSE se montrent vigilants quant à l'application des lois. (Applaudissements)

M. Patrice Gélard.  - Je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce que vient de dire M. Collin. Un grand quotidien du soir a repris les conclusions de notre rapport sur l'application des lois. Je me limiterai à quelques réflexions générales sur le bilan, les difficultés et les solutions à apporter.

Le bilan est peu satisfaisant. Ce n'est pas nouveau mais la situation ne s'améliore guère.

Pourquoi? Le nombre de lois est excessif. On ne peut adopter soixante lois par an, qui sont en général insuffisamment préparées, et en assurer le suivi. Le président Guy Braibant soulignait que la formation juridique des hauts fonctionnaires laissait à désirer. Rédiger un projet de décret ou de loi, cela ne s'improvise pas.

Certains textes adoptés par nos assemblées ne plaisent pas au Gouvernement. J'avais été le rapporteur, en 2002, de la loi sur la création de la fondation des études comparatives. Ce texte n'a jamais eu de décret d'application. La proposition de loi Warsman l'a abrogée alors qu'elle était mort-née.

Autre exemple : la loi Littoral, adoptée à l'unanimité par nos deux assemblées -méfions-nous de ces unanimités !- : il a fallu dix-huit ans pour que tous les décrets d'application soient publiés.

Pendant ce temps, la loi a été appliquée de façon incomplète et le juge administratif a fait le reste, jouant ainsi le rôle du législateur.

Quid aussi des lois anciennes complètement oubliées ? On les abandonne progressivement et on finit par les abroger les unes après les autres. Nous insérons allègrement des dispositions réglementaires à l'intérieur des lois alors que le Gouvernement devrait déclarer ces amendements irrecevables.

Mme Nathalie Goulet.  - Que fait Charasse ? (Sourires)

M. Patrice Gélard.  - Quelles solutions ?

Les études d'impact sont insuffisantes, trop rapides. Quand nous avons une bonne étude, la loi est le plus souvent bien faite et les décrets déjà rédigés.

Le secrétariat général du Gouvernement devrait proposer des calendriers d'adoption des textes législatifs et réglementaires afin d'assurer la coordination entre les ministères et avec le Parlement. Il faut donc étoffer ce secrétariat pour que le travail soit plus approfondi.

Les lois doivent être aussi plus courtes : une loi de dix articles, c'est cent amendements et trois décrets d'application. Une loi de cent articles, c'est dix fois plus...

Le Parlement fait certes des erreurs mais certaines anomalies apparaissent : le Gouvernement ne répond pas toujours à nos questions écrites. En Grande-Bretagne, au début de chaque séance, le ministre est interrogé pendant trente minutes sur l'application des lois qui le concernent. Pourquoi ne pas faire de même ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien !

M. Patrice Gélard.  - Pourquoi ne pas demander au rapporteur de suivre l'application de la loi, comme le suggère M. Collin ?

Les lois s'accumulent mais nous ne les nettoyons pas. Peut-être avons-nous trop de travail. Il faut parfois savoir souffler pour avancer ! (Applaudissements)

Mme Nathalie Goulet.  - Nous avons tous souhaité un jour ou l'autre une loi balai pour faire le ménage. L'actuelle fougue législative a pour conséquence une incertitude juridique mais nous avons même eu droit à des innovations comme l'application de lois avant leur vote, comme pour la publicité à la télévision ou la suppression de la taxe professionnelle.

Membre de la commission des affaires étrangères, je sais qu'une vingtaine de projets de loi de ratification de traités internationaux sont en attente d'être examinés et une quarantaine de conventions en attente de leur projet de loi... Peut-être pourriez-vous en parler à Mme la ministre des affaires étrangères.

Le Gouvernement doit publier les décrets dans les six mois qui suivent le vote de la loi. C'est loin d'être le cas.

Un exemple, qui intéresse la sénatrice renouvelable que je suis. En ce qui concerne la réforme des collectivités locales, adoptée sereinement dans cette enceinte, un article permet la refonte de l'intercommunalité. Une circulaire a été publiée, le 27 décembre, relative aux schémas intercommunaux, qui mentionne les décrets à venir, et souligne que les délais sont resserrés. Les CDCI doivent être renouvelées avant le 16 mars. Sauf que... les décrets ne sont toujours pas publiés !

Les élus et les préfets sont donc dans l'ignorance des textes. De surcroît, il y aura interférence avec les élections cantonales.

La CDCI ne pourra correctement fonctionner au mieux que début avril. Ce n'est pas acceptable de procéder ainsi à l'occasion d'une réforme importante qui bouscule bien des départements. Comme l'a dit la présidente emblématique de la CDCI du Pays de camembert, nous ne sommes pas des veaux que l'on change d'herbage ! (Sourires) Faites donc décaler ce calendrier intenable pour éviter une parodie indigne de la démocratie et des élus locaux !

J'en viens au mode de calcul des grands électeurs. Celui-ci varie considérablement d'un département à l'autre. Une commune qui passe de 498 à 502 habitants passe de un à trois grands électeurs. La circulaire doit être publiée en juin ; ne pourrions-nous disposer de ce document un peu plus tôt ? La campagne sénatoriale n'est pas un long fleuve tranquille. Merci de répondre à cette intéressante question. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je remercie notre collègue Collin pour ce débat et pour la pertinente initiative qu'il a amorcée. Monsieur le ministre, vous avez sans doute lu le rapport sur l'application des lois. Il faut en faire bon usage. La situation n'est pas bonne car « d'une année parlementaire à l'autre, le taux d'application s'est nettement dégradé ». C'est anormal. De plus, quand on regarde les lois adoptées selon la procédure accélérée, le taux de publication des textes réglementaires est encore plus faible et chute d'une année sur l'autre.

Si j'exclus les lois de finances, ce taux est de 12,5 %. Il y a là un dévoiement de la procédure accélérée : vous nous dites : votez, c'est urgent. Comment se fait-il qu'ensuite, les textes réglementaires ne soient pas prêts à être publiés ?

La procédure accélérée, qui devrait être une exception, n'est qu'une procédure de facilité, sauf quelques cas précis. En décembre 2004, le Sénat a adopté un projet de loi sur le distilbène. Les filles des femmes qui ont pris ce médicament ont des grossesses difficiles. Elles devaient bénéficier d'un congé spécifique. Entre le jour où la loi a été promulguée et le jour où le deuxième décret a été publié, il s'est passé cinq ans, six mois et quatorze jours ! Comment comprendre que pendant cinq ans, ces femmes n'aient pas bénéficié de ce congé indispensable ? Je suis intervenu à de multiples reprises, et encore auprès de Mme Bachelot lors de la loi HPST : elle était indignée de ce retard mais il a fallu encore attendre. Il ne s'agit pas seulement de réalité statistique. La non-publication du décret peut avoir des conséquences très préjudiciables sur nos concitoyens. Le Parlement fait son travail. On ne s'en sortira pas sans mesures plus coercitives.

Le Conseil d'État peut condamner le Gouvernement pour non-application de la loi. Cette procédure doit être utilisée plus souvent. Je me suis trouvé devant le Conseil d'État pour non-application d'une ordonnance. L'initiative de M. Collin est excellente car les parlementaires doivent pouvoir intervenir auprès du Conseil d'État pour non-application d'une loi qu'ils ont votée.

Une proposition de loi constitutionnelle a été déposée pour modifier l'article 34. Ne serait-il pas possible que la Constitution prévoie que dès lors qu'un texte réglementaire n'est pas publié dans les deux ans, la loi est caduque ? Pourquoi ne pas suivre l'idée de M. Rocard : que les décrets soient publiés en même temps que les projets de loi ?

Il faut en finir avec ce pouvoir exorbitant du Gouvernement de ne pas appliquer la loi ! (Applaudissements)

Mme Françoise Laborde.  - Années après années, les retards s'accumulent dans l'édiction des décrets, en dépit d'une certaine amélioration.

La loi est en vigueur dès qu'elle est promulguée par le Président de la République, et le pouvoir réglementaire doit respecter la volonté du législateur. Mais ce schéma ne fonctionne que sur le papier : seuls 25 % des textes réglementaires sont publiés dans les temps.

L'augmentation du nombre de lois adoptées chaque année explique cette situation. Le Parlement légifère dans la précipitation et l'administration peine à suivre le rythme. En outre, comme l'a relevé le Conseil d'État, on fait souvent fi de la hiérarchie des normes. La loi du 10 mars 2010, qui impose des détecteurs de fumée dans les habitations, relève clairement du domaine réglementaire. Le partage de l'ordre du jour entre le Gouvernement et le Parlement est loin d'avoir résolu le problème. Le Gouvernement propose toujours des projets de loi en fonction des faits divers, pour plaire à l'opinion publique ou flatter une certaine démagogie.

La loi sur la sécurité intérieure, de 2003, n'a pas reçu tous ses décrets d'application. Le Gouvernement devrait avoir le même zèle à publier les décrets d'application qu'il en met à nous demander de voter les lois ! Grâce à la RGPP, les fonctionnaires ne peuvent plus assurer le suivi réglementaire ni produire les textes d'application. L'accumulation de ces retards n'est acceptable ni par le Parlement ni par nos concitoyens. Comment expliquer à ces derniers qu'une loi votée est inapplicable ?

Des solutions existent. M. Collin a tracé des pistes. Le Gouvernement doit nous éclairer sur les raisons de ces retards intolérables. Il doit respecter la volonté du Parlement. (Applaudissements au centre)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le Gouvernement nous dit qu'il se préoccupe de la question de la publication des décrets d'application. Mais les choses ne s'améliorent pas.

Est préoccupant aussi le nombre considérable de mesures réglementaires prévues par les lois votées : 35 des 59 lois votées l'an dernier appelaient 670 mesures d'application ! On voit pourquoi les procédures accélérées requièrent un grand nombre de décrets : c'est logique, dès lors qu'on dépossède le Parlement de son pouvoir.

Présenter les décrets en même temps que les projets de loi ? Cela signifierait que le Parlement voterait exactement le texte présenté par le Gouvernement.

Depuis 2008, l'inflation législative s'est emballée ; on instrumentalise la loi pour répondre à une opinion publique elle-même instrumentalisée par les médias : nous avons examiné plus de vingt lois pénales, et ce n'est pas fini !

Selon le procureur général Nadal, « le propre de la justice est de fixer les repères qui nous viennent de la loi ». Ce qui sous-entend que la loi donne des repères suffisamment pérennes...

Certaines mesures d'application ne sont pas prises parce que le texte voté est inapplicable. Les études d'impact, théoriquement obligatoires désormais, ne suffisent pas. La réforme des collectivités locales, telle qu'elle a été adoptée, est significative de l'impuissance du Parlement dans notre système institutionnel... Encore le décret n'a-t-il pas, cette fois, précédé le vote de la loi, comme pour la publicité à la télévision.

La -très modeste- loi pénitentiaire finalement votée en 2009, n'a bénéficié que de trois décrets d'application...

Il faudrait cesser cette inflation législative ; le Gouvernement n'en prend pas le chemin. La loi doit être claire et simple, pas explicative. Cela supposerait aussi que l'on cesse de nous faire voter à répétition sur le même sujet. Il faudrait aussi limiter les pouvoirs de l'exécutif sur la procédure législative. (Applaudissements à gauche)

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Le constat est affligeant : 35 des 59 lois publiées l'an dernier prévoyaient 670 mesures réglementaires. Il n'y en a eu que 135 publiées... Voilà la preuve que votre politique n'est que d'affichage. Vous préférez l'inflation législative à l'efficacité. Nous n'avons eu de cesse d'appeler l'attention du Gouvernement sur cette inapplication des lois. Les délais de publication des décrets atteignent 33 mois. Pourquoi légiférer si ce n'est pas pour appliquer les lois votées ?

La loi pénitentiaire de 2009 était bien timide. Nous l'avons dit et répété, et justifié ainsi notre abstention, alors même que ce texte contenait aussi d'indéniables avancées. Or, sur dix-neuf mesures réglementaires prévues, il n'y en a eu que deux de publiées, si bien qu'en pratique, aucune des avancées de ce texte n'est mise en oeuvre. En revanche, quand il s'agit de mesures répressives nouvelles, les décrets paraissent. La France reste donc en contradiction avec les normes européennes en matière de droits des détenus. Le Gouvernement doit enfin prendre ses responsabilités ! Pourquoi ne pas faire une loi organique rendant caduques les lois dont aucun décret d'application n'aurait été publié ? Le Gouvernement doit s'attacher moins à l'affichage et plus à l'efficacité. (Applaudissements à gauche)

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.  - Ce débat résulte d'une initiative inédite et utile, dont je vous remercie. Beaucoup de travail reste à faire mais une partie a déjà été faite. M. Fillon a pris conscience du problème dès le début de la législature et une circulaire a été prise le 28 février 2008. Il y a là un enjeu de sécurité juridique, de responsabilité politique et de démocratie. Le Premier ministre a donc posé une obligation de résultat : la sortie des décrets dans les six mois de la publication des textes.

En 2009, 71 % des décrets d'application ont été publiés ; on est arrivé à 81 % en 2010. Vous avez montré en quoi la bouteille était à moitié vide ; je vois aussi qu'elle est à moitié pleine : le rapport sénatorial reconnaît qu'il y a eu des progrès.

La circulaire prévoit que, dans chaque ministère, un haut fonctionnaire a la responsabilité du suivi des textes. Un tableau des publications est transmis aux présidents des deux assemblées ; il est accessible sur le site Légifrance.

Depuis plusieurs semestres, la situation a grandement évolué.

M. Jean-Pierre Sueur.  - On en est à 20 %, dont 12 pour les lois en urgence ! Le reste est poudre aux yeux.

M. Alain Gournac.  - Vous n'avez pas voté la révision !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cela ne change rien !

M. Patrick Ollier, ministre.  - On progresse : on en est à 81 %.

Aucune loi de la législature n'aurait été paralysée par l'absence de tout décret, contrairement à la situation antérieure. La réforme constitutionnelle de 2008 a apporté un acquis considérable : la jonction d'une étude d'impact à tout projet de loi. Il y même, là, les projets de décrets. Le Gouvernement ne peut quand même pas déposer la loi avec les décrets tout rédigés ! Le Parlement a droit d'amendement !

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est pourquoi je parle de projets de décrets.

M. Patrick Ollier, ministre.  - J'ai présidé une commission pendant huit ans, je sais ce que c'est que voter une loi !

On peut bien dresser la liste des textes réglementaires dans l'étude d'impact ; la liste, pas la rédaction définitive, bien sûr ! Je remercie la majorité d'avoir voté la réforme constitutionnelle de 2008, qui a rendu cela possible. Mais, je le répète, il ne peut s'agir de présenter le texte des décrets avec le projet de loi, monsieur Gélard.

Le premier qui a parlé de loi bavarde, c'est Montesquieu. Et je ne suis pas sûr que les choses se soient améliorées depuis...

Une législature ne dure que cinq ans. C'est pourquoi il faut voter un grand nombre de textes, afin de remettre la France en état de marche. Cela n'a rien à voir avec l'applicabilité ou non de ceux-ci. Quant à la procédure accélérée, elle sert seulement à s'assurer que la navette ne va pas s'éterniser.

La situation décrite par M. Collin est celle d'avant 2007 ; depuis lors, les choses se sont grandement améliorées. Les textes réglementaires ne peuvent se faire du jour au lendemain : harmoniser les positions des différents ministères, cela prend du temps !

Je propose -je vous le dis à titre personnel mais je ferai le nécessaire pour que ma suggestion devienne réalité- que le Gouvernement vienne devant vous chaque année pour vous faire part de son action en matière de publication de textes réglementaires.

Le Parlement a les moyens de contrôler l'exécution des lois. Quand je présidais l'Assemblée nationale, j'ai insisté sur ce point ; j'y ai associé l'opposition lorsque je présidais une commission.

Grâce à la révision de 2008, le Gouvernement doit faire connaître au Parlement les études d'impact. Il ne s'agit pas non plus de confondre les pouvoirs législatif et exécutif. Vous avez déjà le pouvoir de contrôler l'exécution des lois, n'allez pas saisir le tribunal pour le faire statuer à votre place !

M. Patrice Gélard.  - Exact !

M. Patrick Ollier, ministre.  - Monsieur Collin, je crois au succès de la ligne fixée par M. Fillon en 2008.

Oui, monsieur Gélard, il y a besoin d'une meilleure formation juridique des hauts fonctionnaires.

Madame Goulet, le décret relatif à l'intercommunalité a été transmis au Conseil d'État le 24 décembre ; il sera publié avant les cantonales. S'agissant du mode de calcul des grands électeurs, je saisirai M. Hortefeux dès demain matin. Frapper de caducité les lois dont les décrets ne sont pas satisfaits, monsieur Sueur ? C'est une fausse bonne idée qui permettrait à un gouvernement, en restant inactif, de faire disparaître une loi qui lui déplaît. Je préfère que ce soit le Parlement qui voie les carences éventuelles et les moyens d'y remédier.

La loi sur les détecteurs de fumée, madame Laborde ? Oui, c'est réglementaire mais le Gouvernement n'était pas en capacité de le faire. Le décret d'application est sorti il y a trois jours. C'est le premier cas où la CMP a été convoquée à l'initiative des présidents des deux assemblées, grâce à la réforme constitutionnelle.

La loi pénitentiaire comptait cent articles ; six décrets ont été pris, madame Boumediene-Thiéry. Le décret sur la réserve civile est en cours de publication ; les autres ne devraient pas tarder. Le Gouvernement est à jour pour la loi sur les violences faites aux femmes et pour celle sur le crédit à la consommation.

Les lois sur la sécurité ne sont pas trop nombreuses, madame Borvo Cohen-Seat. Les modes d'insécurité évoluent sans cesse, les délinquants font preuve d'une grande imagination ; nous ne pouvons rester en retard.

La question de l'application des lois est une question de qualité juridique sur laquelle le Gouvernement et le Parlement doivent s'accorder afin que la loi soit bien conçue et bien appliquée. Dès la semaine prochaine, je vais créer une cellule pour inciter à la vigilance nécessaire afin de pouvoir vous présenter, à la fin de cette année, un bilan encore plus positif que l'an dernier.

C'est l'intérêt du Gouvernement, celui du Parlement, celui des Français. (Applaudissements à droite)

Prochaine séance demain, jeudi 13 janvier 2011, à 9 heures 30.

La séance est levée à 16 heures 25.

René-André Fabre,

Directeur

Direction des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du jeudi 13 janvier 2011

Séance publique

A 9 heures 30

1. Question orale avec débat n°2 de M. Didier Guillaume à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire sur « La ruralité : une chance pour la cohésion et l'avenir des territoires ».

M. Didier Guillaume attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire sur les conditions nécessaires à réunir pour définir le nouveau visage de la ruralité française, facteur de cohésion et d'avenir pour les territoires.

Le secteur rural représente 80 % de la superficie de la France, où réside 50 % de sa population (soit plus de 32 millions d'habitants). Or, avec la disparition progressive des services publics (santé, justice, éducation,...), le recul des implantations territoriales de l'État et les conséquences désastreuses de cette révision générale des politiques publiques (RGPP) qui symbolise le désengagement de l'État, ces territoires sont de plus en plus fragilisés et leurs habitants en difficulté croissante du fait de l'absence de facilité d'accès aux services publics de base.

La ruralité constitue pourtant un secteur économique bien plus large que l'agriculture à laquelle elle est le plus souvent associée. Les territoires ruraux, ce sont aussi des PME, des artisans et commerçants dynamiques et innovants. C'est aussi une économie sociale et solidaire génératrice d'emplois, comme en témoigne la multiplication des services d'aide à la personne. C'est un laboratoire d'innovation.

A travers ces initiatives, les territoires ruraux retrouvent un dynamisme qu'il faut contribuer à encourager collectivement afin de créer les bases d'une harmonie territoriale retrouvée en cohésion avec les territoires urbains.

C'est pourquoi il souhaite, à travers ce débat, demander au ministre chargé de la ruralité et de l'aménagement du territoire comment le Gouvernement entend se réengager aux côtés des collectivités territoriales et de tous les acteurs locaux pour le développement des territoires ruraux et s'il est prêt à mener une politique volontariste à l'égard de ces zones pour réduire une fracture territoriale de plus en plus marquée.

A 14 heures 30

2. Débat sur la désertification médicale.