Eau et assainissement (Deuxième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la solidarité dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement.

Discussion générale

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.  - Ce texte représente une avancée pour le droit à l'eau inscrit dans la loi du 30 décembre 2006 : chacun a le droit d'accéder à l'eau dans des conditions économiques acceptables. Les dispositions de ce projet devront permettre de sécuriser juridiquement l'attribution de subventions par les services publics d'eau et d'assainissement à des organismes départementaux chargés de l'aide sociale, alors même que l'aide sociale n'entre pas dans leurs attributions.

Les services d'eau et d'assainissement pourront renforcer, de façon volontaire et dans une limite de 0,5 % du montant de la facture d'eau, le Fonds de solidarité logement. Ils pourront donc contribuer à l'aide des ménages en situation d'impayés de factures d'eau, sans passer par le dispositif d'abandon de créances.

Le dispositif proposé, s'il repose sur le FSL et conforte bien le rôle du département comme chef de file en matière d'aide sociale, n'en néglige pas pour autant le rôle extrêmement important du maire. Ainsi, le maire sera informé dès la saisine du FSL sur les difficultés du demandeur.

Certains s'inquièteront que ce texte ne comporte pas de volet préventif.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Avec Mme Kosciusko-Morizet, nous avons affirmé, lors des débats à l'Assemblée Nationale, le 1er décembre dernier, notre volonté de présenter dans le cadre du PLF pour 2012 les modifications législatives nécessaires à la mise en place d'un tel dispositif.

Ce mécanisme est novateur, nous l'accompagnerons. Le Conseil national de l'eau (CNE) s'est également saisi des personnes exclues de l'accès à l'eau.

Nous accueillerons l'an prochain, à Marseille, le 6e forum mondial de l'eau ; nous devons d'être à la hauteur de nos engagements internationaux. (Applaudissements à droite)

M. Michel Houel, rapporteur de la commission de l'économie.  - Cette proposition de loi, initialement déposée en février 2009 par M. Cambon, compte désormais deux articles. L'eau est peu chère en France, mais son coût reste important pour les ménages ; pour 200 000 foyers, la facture d'eau dépasse 3 % du revenu total du ménage.

L'accès à l'eau est devenu un droit de l'homme, mais son coût a augmenté, en raison de normes environnementales toujours plus exigeantes, et son prix varie du simple au double selon le département.

Le droit à l'eau n'a de valeur constitutionnelle qu'indirecte, mais l'article premier de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques, la loi Lema, adoptée en 2006, a consacré un droit d'accès à l'eau potable pour chaque personne « dans des conditions économiques acceptables par tous ».

C'est dans ce contexte que cette proposition de loi renforce le dispositif d'aide en vigueur. Initialement, il s'agissait d'améliorer le curatif, c'est-à-dire d'aider mieux ceux qui ne parviennent plus à payer la facture d'eau. Les moyens affectés au FSL ne suffisent pas, en particulier dans l'habitat collectif.

L'Assemblée nationale a encore amélioré le texte, renforçant l'information et la participation des communes.

La rédaction de l'article premier a été précisée, pour que la participation du FSL ne se fasse pas au détriment des autres interventions de ce fonds.

L'article 2 prévoit que le Gouvernement doit remettre, dans un délai de six mois, un rapport au Parlement sur les modalités et les conséquences de l'application d'une allocation de solidarité pour l'eau.

Nous sommes tous favorables à ce que cette proposition de loi soit complétée par un volet préventif. Je me félicite de l'évaluation prévue, qui devra s'accompagner d'une consultation des collectivités locales et des opérateurs.

Lors des débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'est engagé à présenter des mesures dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012. Pouvez-vous, monsieur le ministre, renouveler sur ce point l'engagement ferme du Gouvernement à traiter du volet préventif de l'accès à l'eau des plus démunis dans de brefs délais ?

Cette proposition de loi améliore l'accès à l'eau des plus démunis et replace les communes au centre du dispositif d'aide. La commission de l'économie vous recommande de l'adopter. (Applaudissements à droite et au centre)

M. François Fortassin.  - Comme l'a écrit Saint-Exupéry, l'eau n'est pas nécessaire à la vie, elle est la vie ! La France oeuvre pour le droit à l'eau pour tous : reconnu par la loi en 2006, il n'est pourtant pas universel en pratique, car de trop nombreuses familles modestes ne peuvent faire face à leurs factures.

La facture ne représenterait que 1 % du budget des ménages, mais le prix de l'eau est très variable. En première lecture j'avais déjà exprimé quelques réserves sur ce texte, notamment à cause de son manque d'ambition ; c'est toujours le cas. Au-delà cette proposition de loi, les élus attendent de l'État, faute d'argent, qu'il soit un régulateur, un facilitateur et un arbitre.

Ce texte améliore l'existant, avec la contribution volontaire plafonnée. Ce plafond, cependant, ne nous paraît pas suffisant : nous vous proposerons de le porter à 1 %.

Nous regrettons aussi le silence sur la tarification sociale de l'eau. Le CNE s'est prononcé pour un système préventif, avec une grande politique nationale déclinée par territoire : cette échéance ne doit pas être éloignée, nous vous proposerons de la rapprocher.

Les élus attendent de l'État qu'il régule le prix de l'eau, mais aussi garantisse la ressource, même en cas de sécheresse.

Monsieur le ministre, je ne résiste pas à la tentation de fustiger l'Onema, dont les cerbères galonnés et armés sillonnent nos campagnes avec pour seul objectif de faire passer les maires pour des délinquants. (Applaudissements sur plusieurs bancs)

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Tout en nuances !

Mme Évelyne Didier.  - Nous regrettons que cette loi n'ait pas été l'occasion de mettre en place une grande politique de l'eau : nous en avions le temps.

L'Onu estime que la facture d'eau ne doit pas dépasser 3 % des ressources des ménages, nous sommes à 5 % pour les allocataires du RSA.

La contribution volontaire est plafonnée à 0,5 %, nous vous proposerons 1 %. Le nouveau dispositif fera faire des économies aux opérateurs et, il est volontaire : nous aurions préféré une obligation légale.

L'habitat collectif n'est pas concerné par ce texte, c'est regrettable. Nous proposerons de rendre obligatoire la création d'un volet eau au sein du FSL.

Nous prenons acte de l'insertion par l'Assemblée nationale d'un nouvel article 2, même si nous regrettons qu'il s'agisse simplement de la remise au Parlement, dans un délai de six mois, d'un rapport « sur les modalités et les conséquences de l'application de l'allocation solidarité eau ». Nous pensons, en effet, que les volets curatif et préventif devraient faire l'objet d'une articulation cohérente et complémentaire afin de garantir effectivement le droit à l'eau, comme le préconise le CNE, qui propose une allocation « eau » sur le modèle des APL. C'est ce que nous avions proposé en 2009, mais nos amendements avaient été jugés irrecevables au titre de l'article 40.

Le problème de la régulation du prix de l'eau reste entier. Il est inadmissible que l'eau soit l'occasion de profits exorbitants : en 2009, 5,5 milliards d'euros pour Veolia rien qu'en France !

M. Roland Courteau.  - Eh oui !

Mme Évelyne Didier.  - Nous ne sommes pas, par principe, contre l'idée d'une tarification sociale de l'eau ; pour autant, nous préférons le modèle d'une allocation permettant de tenir compte de la recommandation de l'ONU et de l'OCDE de ne pas dépasser les 3 % des ressources d'un ménage, et de faire contribuer directement les entreprises à hauteur de 1 % de leur chiffre d'affaires. Et comment ne pas rappeler également la nécessaire implication de l'État au titre de la solidarité nationale, puisque celui-ci perçoit, entre autre, la TVA sur l'eau ?

Le droit à l'eau n'est pas garanti, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Claude Biwer.  - L'eau potable est vitale, mais elle est une denrée de plus en plus chère pour un nombre toujours plus grand de nos concitoyens.

Les prix varient sur le territoire ; ils sont plus élevés en ville, mais les tarifs plus avantageux dans le monde rural tiennent beaucoup à l'implication personnelle des élus locaux.

La contribution volontaire devrait apporter 50 millions, cela devrait suffire. Je suis favorable à une tarification sociale.

Quant à l'évaluation prévue, je souhaite que son délai soit strictement tenu.

Fort de ces considérations, le groupe de l'UC soutient cette initiative et se félicite d'en débattre aujourd'hui. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Paul Raoult.  - Cette proposition de loi vient à point nommé, parce que la pauvreté se développe : 1,6 million de ménages bénéficient de la CMU, 20 000 ménages sont coupés d'eau chaque année et 475 000 sont susceptibles d'en être privés. Et le prix de l'eau augmente à un rythme très supérieur à l'inflation et au revenu moyen. Si bien que la part des revenus consacrée au paiement des factures d'eau s'accroît, jusqu'à atteindre 10 % dans certains cas.

M. Roland Courteau.  - C'est anormal !

M. Paul Raoult.  - Il ne faut pas oublier que plus de la moitié du prix payé pour l'eau va au traitement des eaux usées. Mon syndicat, qui réunit 700 communes et compte 180 petites stations d'épuration, augmente chaque année le prix de l'eau, car il a encore de lourds investissements à réaliser. Et ce n'est pas fini ! Et je ne parle pas des normes de qualité de l'eau et des nécessaires interconnexions pour garantir la sécurité des approvisionnements.

L'explosion de la pauvreté est venue s'ajouter à cette situation. Certains ménages démissionnent, se disant qu'ils ne pourront jamais faire face à leurs factures. Comme les recettes des distributeurs diminuent parce que la consommation d'eau diminue, ils font donc pression pour obtenir le paiement de leurs factures ; mais les moyens des services de l'État diminuent et les inscriptions en non-valeur s'accumulent...

Cette proposition de loi est curative, on répare le mal grâce au FSL. Elle est judicieuse mais insuffisante, puisque certains départements n'ont toujours pas de FSL, que ce soit par indifférence ou par manque de moyens financiers ; et ceux qui en ont créé un n'ont pas toujours un volet « eau ». Il y a de grandes inégalités d'un département à l'autre.

À l'heure actuelle, 50 000 ménages seulement bénéficient d'une aide pour l'eau, de l'ordre de 130 euros par an. C'est trop peu. Les CCAS interviennent ? Quand ils en ont les moyens : dans les grandes agglomérations.

Il faut donc trouver des moyens pérennes. On pourrait commencer par une mensualisation des factures ; on pourrait aussi imaginer que les vingt ou cinquante premiers mètres cubes fussent facturés à un prix inférieur -mais on peut avoir une faible consommation et des revenus élevés. On pourrait aussi installer des bornes fontaines auxquelles on pourrait se fournir gratuitement.

Si l'on met en place un dispositif simple, juste et pérenne pour les plus démunis, les CAF et la Cnaf devront en être parties prenantes et accepter de communiquer leurs fichiers. Il y aura sans nul doute des résistances à vaincre...

Les entreprises d'eau doivent tirer de leur activité un profit raisonnable mais les usagers doivent avoir une facture juste et proportionnée à leurs revenus. Il faut que les 100 000 ménages concernés aient un accès à l'eau dans des conditions dignes. Personne ne doit être laissé au bord du chemin. (Applaudissements à gauche)

M. Christian Cambon.  - Je tiens à vous faire part de mon émotion bien naturelle : dès mon premier mandat, j'aurai réussi à faire voter une proposition de loi ! Je salue le président Émorine et le rapporteur, M. Houel, avec qui j'ai collaboré. Je remercie aussi le rapporteur de l'Assemblée nationale, qui s'est soucié du rôle du maire.

L'eau est devenue un produit coûteux pour nombre de familles, toutes celles pour qui une charge de 400 ou 500 euros annuels n'est pas acceptable. Ma proposition de loi apporte une part de la réponse, en créant une vraie solidarité entre les usagers. J'ai souhaité que les élus locaux soient au centre du dispositif d'aide ; les députés ont simplifié ce dispositif et prévu un mécanisme d'information mutuelle entre les gestionnaires du FSL, les élus et les CCAS.

Je sais bien que ma proposition de loi ne règle pas tous les problèmes mais c'est un pas de plus. La France reste un des pays les plus avancés en matière d'accès social à l'eau potable.

Nos collègues CRC souhaitaient aller plus loin dans la mise en place d'un volet préventif. Leurs amendements ont été victimes de l'article 40, mais le problème reste entier.

Actuellement, 73 départements sont signataires de conventions FSL ; il faudrait que tous le soient à court terme.

Pendant des années, le droit social à l'eau n'a fait l'objet que de motions et de colloques ; voici un texte législatif dont j'espère qu'il sera bientôt de la plus grande efficacité pour les familles touchées par la crise. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jacques Blanc.  - Très bien !

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - M. Cambon a su faire court et efficace, ce qui est rare. Le dispositif retenu par nos deux assemblées rendra possible une solidarité entre usagers et une vraie solvabilisation des ménages en difficulté. Les contributions volontaires pourraient fournir 50 millions, somme qui devrait suffire. Le dispositif curatif est donc renforcé.

Le maire sera tenu informé et restera au centre du dispositif. J'approuve l'idée avancée par les députés de mettre en place un volet préventif. Cela n'a rien d'extravagant et existe pour l'électricité ou le téléphone. Tarification sociale ? Allocation différentielle ? Il appartiendra au Gouvernement de faire son choix.

La France, qui milite pour que le droit à l'eau soit reconnu par la communauté internationale, accueillera le Congrès mondial de l'eau à Marseille en mars 2012. Notre pays est exemplaire et n'a pas à rougir de ses actions, notamment en matière d'aide au développement. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Soibahadine Ibrahim Ramadani.  - Mayotte, qui connaît une croissance démographique et urbaine soutenue, une immigration importante, souhaite l'application rapide de cette proposition de loi sur son territoire. Mayotte deviendra un département d'outre-mer à compter de la première réunion suivant le renouvellement de son assemblée délibérante, probablement le 1er avril 2011. Les lois actuellement en vigueur en métropole et dans les DOM, qui ne seront pas étendues par les lois de départementalisation, le seront par voie d'ordonnances dans les douze mois suivant la publication de la loi pour le code des communes, et dans les dix-huit mois pour les autres matières.

La proposition de loi doit entrer en vigueur au 1er janvier 2012 ; son application sera différée outre-mer. Or ne sont applicables à ce jour à Mayotte ni la loi du 31 mai 1990, créant notamment le FSL, ni le code de l'action sociale et des familles. Il importe donc que les ordonnances relatives à ce dernier comme au code des communes paraissent dans les délais prévus à l'article 30 de la loi ordinaire relative au département de Mayotte ; et que le Gouvernement étende dans les mêmes conditions la loi du 31 mai 1990. C'est le sens de l'amendement adopté par l'Assemblée nationale.

Le FSL pourra contribuer encore plus fortement à aider les personnes démunies. Je soutiens cette excellente proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Benoist Apparu, ministre.  - Je note votre consensus sur cette avancée majeure, qui doit donc aboutir au plus vite.

L'Assemblée nationale a légèrement modifié le dispositif pour le simplifier en ce qui concerne le rôle du maire.

On évalue les impayés à 0,1 % ou 0,2 % des recettes ; prévoir une contribution de 0,5 % est donc prudent et suffisant.

Le Gouvernement ne veut pas un rapport pour le plaisir du rapport mais entend bien en tirer les conséquences dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012. Le délai de six mois ? Il faut prendre le temps de faire travailler ensemble les acteurs de l'eau et ceux de l'action sociale. Je réitère mon engagement.

Des ordonnances pourront rendre applicables à Mayotte, après adaptation éventuelle, certaines dispositions de la loi de 1990. Le dispositif s'y appliquera sans délai dès lors que les dispositions relatives au FSL y seront en vigueur.

Le seuil de 3 % vient d'un rapport britannique ; il n'a pas de valeur internationale.

L'absence de FSL dans certains départements ? Ils existent dans tous les départements, mais le volet « eau » n'est pas mis en place partout. Après adoption du texte, nous rappellerons que l'aide aux impayés d'eau a un caractère obligatoire dans le règlement intérieur des FSL.

Une péréquation nationale ? Le prix de l'eau n'est pas celui de la ressource mais de l'accès à celle-ci. Avec 16 000 services de l'eau, mettre en place un outil adapté serait très délicat ...

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Raoult et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Après la première phrase de l'article L. 2224-12-1, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Le Conseil municipal ou l'assemblée délibérante du groupement de collectivités territoriales peut définir une catégorie d'usagers éprouvant des difficultés particulières au regard notamment de son patrimoine, de l'insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d'existence et bénéficiant en conséquence d'un tarif social de l'eau en application de l'article L. 210-1 du code de l'environnement. »

M. Roland Courteau.  - Il faut laisser aux maires la possibilité de mettre en place une différenciation tarifaire fondée sur des critères sociaux, et pas seulement sur la différence entre usages industriels, agricoles ou domestiques. Cela donnerait les moyens d'intervenir en amont, avant d'avoir à aider au paiement d'impayés. Pourquoi ne pas faire pour l'eau ce que l'on fait déjà pour l'électricité et le gaz ?

M. Michel Houel, rapporteur.  - L'amendement a été rejeté en première lecture. Je n'y suis pas hostile par principe mais la question est de celles qui feront l'objet du rapport.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Cet amendement est fragile juridiquement et constitutionnellement. De telles différenciations sont au profit de services publics administratifs gérés directement par les collectivités locales, cantines ou crèches, mais non pour ceux gérés par un Épic.

En outre, la procédure proposée serait très lourde et supposerait communication d'informations confidentielles sur les revenus des ménages. Le rapport au Parlement évaluera toutes les solutions.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Raoult et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° La première phrase du III de l'article L. 2224-12-4 est complétée par les mots : « soit sur la base du tarif applicable à la catégorie d'usagers correspondante » ;

M. Paul Raoult.  - La tarification progressive existe, qui allège la facture des plus modestes ; mais elle bénéficie à tous les usagers. D'où cet amendement.

M. Michel Houel, rapporteur.  - Votre demande est déjà satisfaite et l'on ne saurait différencier la tarification en fonction des revenus des usagers.

L'amendement n°6, repoussé par la Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Raoult et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 4

Après le mot :

versement

insérer les mots :

au volet « eau » des fonds de solidarité pour le logement

M. Paul Raoult.  - Depuis 2005, les fonds d'aides aux impayés d'énergie, d'eau et de services téléphoniques ont été progressivement intégrés aux FSL dont l'action était centrée sur l'accès au logement ou le maintien dans le logement. L'eau doit payer l'eau, sans que l'aide accordée aux plus démunis pour cette facture entre en concurrence avec l'aide au logement.

M. Michel Houel, rapporteur.  - Cet amendement, partiellement satisfait, est trop restrictif car il ne pourrait s'appliquer aux usagers résidant en habitat collectif.

L'amendement n°3, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Raoult et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 4

Remplacer le pourcentage :

0,5 %

par le pourcentage :

1 %

M. Paul Raoult.  - Les sommes allouées par les communes au FSL ne peuvent suffire à leurs charges et c'est le département qui doit les compléter. Puisque l'article 40 a été opposé à notre souhait d'une contribution obligatoire, il nous reste à demander que le prélèvement puisse atteindre 1 %.

Un très grand nombre de ménages ne pensent même pas à faire valoir leurs droits ; les chiffres dont nous disposons sont probablement sous-évalués, si bien que le seuil de 0,5 % risque fort d'être très insuffisant.

M. le président.  - Amendement identique n°11, présenté par Mme Didier et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Évelyne Didier.  - Il est regrettable que le Sénat ait divisé par deux le plafond de contribution. Les chiffres avancés divergent selon les sources ; certains parlent d'un besoin de financement de 16 millions rien que pour l'Île-de-France, ce qui nous rapproche de 90 millions pour la France entière, que le taux de 0,5 % ne suffirait pas à couvrir. Si on compte aujourd'hui 60 000 bénéficiaires, ce sont en fait près de 500 000 de nos concitoyens qui sont potentiellement concernés.

Sans cet amendement, la portée au long cours de cette proposition de loi serait sensiblement amoindrie.

M. le président.  - Amendement identique n°16, présenté par MM. Collin et Fortassin.

M. François Fortassin.  - Nous allons dans le même sens, pour plus d'efficacité, en revenant au texte initial.

M. Michel Houel, rapporteur.  - La commission a choisi 0,5 %, à mon initiative, ce plafond nous étant apparu suffisant : 50 millions suffiront pour le volet curatif, ce qui laissera de la marge pour le volet préventif.

M. Benoist Apparu, ministre.  - On estime les besoins à 0,1 %, il y a donc de la marge avant d'atteindre 0,5 %. Il est sage, ensuite, de réserver une marge d'action au volet préventif. Avis défavorable.

M. Claude Biwer.  - Plus on laisse de champ libre, plus il y aura d'impayés. C'est déjà lourd pour les petites collectivités. La taxe d'assainissement est-elle prise en compte ? Dans ma commune, les impayés progressent de 40 % l'an et au bout de deux ans, le percepteur nous demande de les inscrire en non-valeur. Pour un syndicat qui regroupe trois communes et 1 000 habitants, ce n'est pas rien.

Tout ceci est très concret, j'aurais aimé plus de précision : si nous en sommes à 0,1 %, pourquoi demander plus ?

M. Paul Raoult.  - La difficulté, c'est de limiter la solidarité aux consommateurs. Le recours à la fiscalité est exclu, alors que la solidarité devrait passer par là. J'en prends note. Mais à s'en tenir aux seuls usagers, on trouve vite les limites à la solidarité, surtout dans les petits syndicats.

Mon syndicat dessert 700 000 habitants, il lui est plus facile de se soucier de solidarité que dans un syndicat de 1 000 habitants comme celui de M. Biwer.

Les amendements identiques n°s 2, 11 et 16 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Raoult et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

M. Roland Courteau.  - Nous reprenons l'examen de ce texte un an après la première lecture, ce n'est pas si mal pour une proposition de loi, car beaucoup ne sont même pas inscrites à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale quoique nous ayons dû accepter une remise à plus tard du volet préventif. Cependant, les députés ont reporté l'application de cet article à 2012 : nous préférons une application immédiate.

M. le président.  - Amendement identique n°17, présenté par MM. Collin et Fortassin.

M. François Fortassin.  - Effectivement, pourquoi repousser, alors même qu'on ne sait rien du calendrier pour le préventif ?

M. Michel Houel, rapporteur.  - Ce délai a été introduit par la commission des lois de l'Assemblée nationale, dans un souci d'efficacité : il faut un délai pour passer les conventions. Défavorable.

M. Benoist Apparu, ministre.  - Même avis.

Les amendements identiques n°s4 et 17 ne sont pas adoptés.

L'article premier est adopté.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par Mme Didier et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger ainsi cet article :

Le Gouvernement remet au Parlement avant le 28 février 2011 un rapport étudiant les conditions de mise en oeuvre d'une allocation de solidarité pour l'eau plafonnant la charge d'eau des ménages à 3 % de leurs ressources, versée sous condition de ressources, financée par les entreprises et gérée démocratiquement au niveau régional par les usagers, les élus et des représentants de l'État et des services publics de l'eau et de l'assainissement. 

Mme Évelyne Didier.  - On reproche aux CAF leur manque d'entrain, mais il faut tenir compte de leurs effectifs. Le volet préventif est repoussé au lendemain d'une étude plus approfondie, recommandée par le Conseil national de l'eau. Nous prévoyions qu'un rapport intervienne avant le 28 février 2011, qui prévoie une participation éventuelle des entreprises de l'eau, qui réalisent des profits colossaux -alors que l'eau est un bien commun de l'humanité.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Raoult et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Remplacer les mots :

six mois

par les mots :

trois mois

M. Paul Raoult.  - Lors des débats au Sénat, le Gouvernement s'était engagé à introduire un dispositif préventif rapidement et avait désigné le Grenelle II comme le véhicule législatif le plus adapté.

Près d'un an plus tard, il réclame un délai supplémentaire de six mois pour présenter un rapport sur une allocation solidarité pour l'eau et envisage une mesure dans la loi de finances pour 2012.

Au vu des débats et des prises de position du Conseil national de l'eau et de l'Observatoire des usagers de l'assainissement de l'Ile-de-France (Obussas), trois mois seront suffisants pour préparer des mesures concrètes.

La France, qui va accueillir à Marseille le Forum mondial de l'eau, doit se montrer exemplaire en la matière.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Raoult et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le mot :

afin

rédiger ainsi la fin de cet article :

que les charges liées aux consommations d'eau au titre de la résidence principale ne représentent pas plus de 3 % du revenu du ménage

M. Paul Raoult.  - Le droit à l'eau est loin d'être effectif, la facture d'eau représente déjà 5 % du RSA, au-delà du seuil de 3 % jugé comme économiquement acceptable. Nous introduisons ce seuil dans le texte.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Raoult et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Les différentes voies de financement de cette allocation de solidarité pour l'eau seront étudiées.

M. Paul Raoult.  - Le Gouvernement s'engage à faire un rapport dans les six mois mais rien n'est dit sur le financement d'une solidarité pour l'eau. La solidarité, manifestement, serait limitée aux usagers ; nous pensons que les entreprises doivent participer.

M. Michel Houel, rapporteur.  - Faut-il préciser les axes préventifs ? Le rapport ne doit en privilégier aucun, pour être le plus large possible. Même chose pour le financement. Avis défavorable à l'amendement n°12. Mieux vaut prévoir six mois pour consulter le plus largement possible : avis défavorable à l'amendement n°8. Cela ne nous empêchera pas d'être au rendez-vous du forum mondial de l'eau, à Marseille.

Faut-il introduire le seuil de 3 % dans la loi ? Il fait consensus, le mentionner n'ajouterait rien et risquerait de limiter les pistes : avis défavorable à l'amendement n°9.

Quid, enfin, des financements ? Ils seront nécessairement étudiés par le rapport : avis défavorable à l'amendement n°10.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Avis défavorable aux quatre amendements. Le délai du 28 février 2011 est peu raisonnable et l'amendement n°12 mentionne un niveau régional qui n'existe pas et qui compliquerait le dispositif.

Nous avons besoin de temps, effectivement, pour définir un dispositif efficace qui sera mis en place dans la loi de finances pour 2012. Le seuil de 3 % n'a pas la force d'un standard international, il est simplement mentionné dans un rapport de l'OCDE. Toutefois, nous en ferons la base de notre réflexion. L'amendement n°10 est satisfait par la rédaction de l'article 2.

L'amendement n°12 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos8, 9 et 10.

L'article 2 est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Raoult et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cette aide peut être versée soit de façon préventive lorsqu'il est établi que la personne ne peut accéder à l'eau potable pour son alimentation et son hygiène, dans des conditions économiquement acceptables, soit de façon curative lorsque la personne se trouve dans l'impossibilité d'assumer ses obligations relatives au paiement des fournitures d'eau. »

M. Roland Courteau.  - Le code de l'action sociale et des familles introduit un droit à une aide, trop souvent conçue comme curative, pour payer ses factures. Nous proposons une rédaction moins restrictive, pour préciser que l'aide peut être préventive.

M. Michel Houel, rapporteur.  - Toute personne, effectivement, a droit à une aide pour disposer d'eau. Concrètement, l'aide, qui relève du droit au logement, passe par le FSL et les CCAS. Vous voulez que l'aide puisse être préventive : c'est tout le but de l'article 2. Vous êtes satisfait : retrait.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Roland Courteau.  - Nous le maintenons.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

Vote sur l'ensemble

M. Paul Raoult.  - Nous nous abstiendrons, mais notre abstention sera positive. Cette proposition de loi ne va pas assez loin. Pour aider 100 000 ménages, on prévoit que chaque Français donne un verre d'eau par jour.

Nous avons besoin de mieux connaître la performance du volet eau du FSL et de mieux renseigner nos concitoyens sur son existence ; il faut inciter les départements à activer cette aide, impliquer les distributeurs, les petites et les grandes régies et enfin augmenter le volume de l'aide.

C'est ainsi qu'on pourra éviter les problèmes de paiement des factures et que les gens cesseront de désespérer à l'idée qu'on va leur couper l'eau.

Mme Évelyne Didier.  - Le Sénat va voter... la loi « Cambon » (sourires), mais nous nous abstiendrons, de façon positive.

Nous prenons acte que le seuil de 3 % n'a pas valeur de norme internationale mais il indique tout de même une orientation. Nous savions bien que le délai du 28 février 2011 était court mais comme le vote allait être conforme, nous n'avons pas retravaillé nos amendements. Il faudra en faire plus, d'autant que les normes vont se multiplier, enchérissant le coût de l'eau. Les plus modestes ne devront pas en être privés car le droit à l'eau, c'est le droit à la vie.

M. François Fortassin.  - Avant de voter sur ce texte, j'exprimerai quelques regrets. D'abord, tous nos amendements ont été repoussés.

L'accès à l'eau, c'est bien, mais est-ce toujours à une eau de qualité ? Il faut, autant que faire se peut, puiser l'eau gravitaire.

Dans le sud-ouest, le syndicat de Barousse, Comminges, Save alimente 80 000 habitants, avec un réseau de 9 000 kilomètres, intégralement alimenté en eau gravitaire : pourquoi les grandes villes à proximité des montagnes ne font-elles pas de même au lieu de puiser dans les rivières une eau qu'elles doivent dépolluer ?

Nous nous abstiendrons, nous aussi, de façon positive.

M. Marc Laménie.  - Ce texte a le mérite d'essayer de répondre aux préoccupations des élus locaux. Le budget consacré à l'eau peut être très élevé dans les petites communes, qui sont souvent confrontées à des difficultés de recouvrement. Les collectivités investissent, elles mènent un combat permanent pour l'eau. Cette proposition de loi leur vient en aide. Le groupe UMP la votera.

L'ensemble de la proposition de loi est adoptée. (Applaudissements au centre et à droite)

La séance, suspendue à 18 heures 15, reprend à 18 heures 30.