Immigration, intégration et nationalité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.

Discussion générale

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.  - Comme tous ses grands partenaires, la France doit relever le défi de la régulation des flux migratoires et de la lutte contre l'immigration clandestine. Sous l'impulsion du président de la République, nous approfondissons la politique volontaire et concertée menée depuis 2002, qui s'inscrit dans un mouvement européen. On se souvient, en effet, que j'avais fait adopter sous présidence française de l'Union, à l'unanimité des 27, un Pacte européen sur l'immigration.

Je veux rendre hommage à M. Besson, qui a porté ce texte à l'Assemblée nationale en septembre, au président et au rapporteur de la commission, à M. Longuet, président du groupe UMP, à Mme Troendle, à MM. Nègre et Jacques Gautier pour les améliorations qu'ils ont proposées. Je sais aussi l'attention que porte le groupe de l'Union centriste à ces questions.

M. David Assouline.  - La drague commence.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Notre politique est cohérente, organisée et concertée. Elle se bâtit d'abord sur des principes simples et justes : comme tous les pays, la France a le droit de choisir qui elle souhaite accueillir sur son territoire ; tous les étrangers en situation irrégulière ont vocation à être reconduits dans leur pays d'origine, même si des situations particulières, humanitaires ou politiques, peuvent être prises en compte ; les étrangers accueillis légalement ont, pour l'essentiel, les mêmes droits que les Français. C'est une politique humaine et ferme dans la lutte contre l'immigration clandestine et les formes d'esclavagisme moderne qui vont avec.

Une administration unique créée en 2007, baptisée à juste titre d'état-major et regroupée au sein du ministère de l'intérieur, pilote cette politique qui donne lieu à une concertation approfondie avec les pays d'origine des immigrants. Pas moins de quinze accords de gestion concertée ont été signés avec le Burkina Faso, le Brésil, le Sénégal ou le Monténégro. Le Sénat examinera bientôt l'accord avec le Cameroun.

N'en déplaise à certains, notre politique est non seulement comprise mais soutenue, partagée par tous nos partenaires européens. Je l'ai vérifié il y a quelques jours à Athènes : le Premier ministre grec, socialiste, l'approuve. Et je ne veux pas croire que les socialistes français soient isolés au sein de l'Internationale socialiste.

M. David Assouline.  - Nous le sommes. Voyez Ben Ali !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Vous persistez donc à être minoritaires parmi les minoritaires. (Applaudissements à droite) Je m'adresse aussi aux communistes, dont les camarades cypriotes mènent la même politique d'immigration que nous. Au printemps, je poursuivrai en réunissant à Paris l'Espagne, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie ainsi que les principaux pays d'entrée en Europe : Malte, Chypre et la Grèce.

Je souhaite que le débat soit constructif et que personne ne campe sur des positions idéologiques ou ne fasse preuve d'archaïsme dogmatique.

M. David Assouline.  - On vous fait confiance !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Notre politique a donné des résultats positifs, à considérer le nombre de reconduites à la frontière mais aussi les moyens que nous avons mobilisés pour démanteler les filières -pas moins de 183 ont été démantelées- et l'augmentation du nombre d'opérations de lutte contre le travail illégal. C'est dire notre volontarisme car, pour nous, il ne s'agit pas de dossiers mais d'hommes et de femmes, et parfois d'enfants, livrés à la cupidité des passeurs, et parfois de patrons sans scrupule...

M. David Assouline.  - Eux ne sont pas en prison !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Ce combat juste nous concerne tous.

Nous avons réformé le regroupement familial. Des conditions de logement et d'intégration ont été introduites. L'immigration par regroupement familial représente aujourd'hui 15 000 cas contre 26 000 autrefois. Parallèlement, nous avons encouragé l'immigration professionnelle des travailleurs. Celle--ci a progressé, quoique moins que nous ne l'aurions voulu en raison de la crise. Nous avons assoupli les conditions de délivrance de la carte « salarié en mission » et amélioré la gestion du travail saisonnier.

Pour lutter contre le communautarisme, nous avons lancé le contrat d'accueil et d'intégration depuis 2003. Le nombre de contrats signés -près de 500 000 depuis 2006- n'a cessé de progresser, ce qui est une bonne chose.

Notre pays, par tradition, accueille chaque année 10 000 réfugiés politiques. Leurs demandes sont examinées par l'Ofpra et la CNDA. Cette tradition n'est pas remise en cause mais l'asile ne doit pas être le passeport pour la clandestinité. Or, le nombre de demandes progresse : plus de 12 000 demandes supplémentaires entre 2007 et 2009. Le phénomène n'est d'ailleurs pas propre à la France : l'Allemagne et la Belgique connaissent la même situation.

La réponse est d'abord opérationnelle. J'ai obtenu dix postes supplémentaires à l'Ofpra et trente à la CNDA. Je n'accepte pas les délais actuels. Ils sont de dix-neuf mois, ce n'est pas digne pour un véritable réfugié politique.

M. Guy Fischer.  - On ne saurait dire mieux !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Il faut les ramener à moins d'un an, quelques mois si possible.

Il faut de nouveaux outils juridiques, non de nouvelles cathédrales législatives. D'où ce texte...

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est une chapelle ?

M. Brice Hortefeux, ministre.  - ...qui transpose trois directives : la directive Carte bleue européenne, qui vise à encourager une immigration qualifiée sans pour autant piller les cerveaux des pays émergents ; la directive Retour, de 2008, qui encadre les conditions d'éloignement des étrangers en situation irrégulière ; enfin, la directive Sanctions, qui protège les droits des travailleurs étrangers illégaux.

En outre, ce projet de loi procède à des ajustements juridiques en matière d'accès à la nationalité. Nous créons une voie d'accès rapide à la nationalité pour ceux -pas seulement les sportifs- qui témoignent d'un parcours exceptionnel. L'intégration doit être la base de la naturalisation, d'où la signature d'une charte des droits et devoirs du citoyen qui s'appuiera sur l'adhésion à nos valeurs ainsi que sur une évaluation plus objective de la maîtrise de la langue française. En regard, comme le président de la République s'y est engagé à Grenoble, un nouveau cas de déchéance de la nationalité est prévu pour ceux qui portent atteinte à la vie de personnes dépositaires de l'autorité publique.

Je précise qu'il ne s'agit aucunement de créer des apatrides : ne seraient visés que les binationaux. La mesure n'est pas une innovation, l'article 25 du code civil prévoit plusieurs cas de déchéance de nationalité. Je note que jusqu'en 1998, soit pendant les deux septennats de François Mitterrand, le droit était en la matière plus rigoureux que le droit actuel, plus rigoureux même que ce que propose ce texte. Le constat est simple : on ne peut vouloir devenir français et porter atteinte à la vie de quelqu'un qui incarne la Nation tout entière. Rien de scandaleux dans cette affaire. Le Conseil d'État n'a rien trouvé à y redire. (Mme Catherine Troendle approuve) Il s'agit de tirer les conséquences d'un acte qui, par nature, place son auteur hors de la communauté nationale.

Enfin, il faut trouver un peu de souplesse dans les procédures face à des situations extraordinaires. Le 22 janvier 2009, 123 Kurdes avaient débarqué sur une plage de Corse du sud ; les services s'étaient trouvé démunis. D'où la création de zones d'attente ad hoc où les personnes jouiront de tous leurs droits. (M. Guy Fischer en doute)

Dans le même esprit, la durée maximale de la rétention administrative est portée de 32 à 45 jours. J'étais peu convaincu lorsque cette proposition a été faite. Pour autant, cette mesure permettra de faciliter la signature d'accords de réadmission et l'obtention des laissez-passer consulaires. La Chine met 35 jours ; le Mali a besoin de 38 jours. Or, l'absence de laissez-passer est la première cause de l'échec des procédures d'éloignement. Pour ceux qui ont des scrupules à voter cette disposition, rappelons que la France aura encore la durée de rétention la plus courte d'Europe : l'Espagne du socialiste Zapatero a prévu 60 jours et la directive Retour fixe la durée maximale à six mois, prolongeable de douze dans certains cas.

En outre, nous réorganisons le contentieux de l'éloignement. Merci à M. Longuet de son amendement qui revient à la rédaction de l'Assemblée nationale. Aucun sénateur ne peut affirmer à la tribune que les procédures actuelles marchent du feu de Dieu... Tout le monde sait que non, n'est-ce pas monsieur Mézard... (L'interpellé s'étonne)

M. Guy Fischer.  - Le ministre provoque !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - « Un enchevêtrement aux conséquences graves », ainsi était qualifiée la situation par la commission Mazeaud. D'où le délai de cinq jours : le juge administratif aura statué sur le fond avant que le juge judiciaire ne se prononce sur la prolongation de la rétention. Cette réforme est respectueuse du droit des étrangers. En outre, le recours est suspensif : durant les cinq jours, l'étranger ne peut pas être éloigné.

En tant que ministre de l'intérieur, je tiens tout particulièrement au régime spécifique de rétention applicable aux personnes soupçonnées d'actes terroristes. Il se trouve que, aujourd'hui, ces étrangers ne peuvent pas être éloignés pour des raisons procédurales : ils doivent être assignés à résidence à l'hôtel. Les Français, s'ils le savaient, en resteraient les bras ballants ! D'où le possible placement en rétention, toujours sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, pendant une période de six mois, prolongeable de douze dans les cas exceptionnels. Le 13 janvier, le Conseil d'État a donné son accord. Le sort de cette disposition est maintenant entre vos mains.

Ce texte n'est pas une cathédrale. Nous proposons un texte pragmatique pour consolider l'équilibre, toujours fragile, de notre communauté nationale. (Applaudissements à droite)

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois.  - Ce texte, examiné par l'Assemblée nationale en septembre dernier, transpose les directives Retour de décembre 2008, Carte bleue européenne de mai 2009 et Sanctions de juin 2009.

La commission s'est efforcée de préciser et d'améliorer le texte, dont elle approuve les grandes lignes. Parfois, monsieur le ministre, elle s'en est quelque peu éloignée.

Pour améliorer l'intégration, notre commission pense que le renouvellement des titres de séjour et la délivrance des cartes de résident ne peuvent être conditionnés au respect du contrat d'accueil et d'intégration que si celui-ci est en cours d'exécution.

L'Assemblée nationale a souhaité un contrôle plus objectif de la maîtrise de la langue française. Elle a également étendu d'un an le délai pendant lequel l'administration peut rapporter un décret de naturalisation en cas d'erreur ou de fraude ; la commission des lois a supprimé l'extension pour le second cas. Nous avons aussi resserré le champ du nouveau cas de déchéance de la nationalité aux seuls crimes commis contre les représentants des forces de l'ordre et les magistrats. L'Assemblée nationale allait jusqu'aux gardiens d'immeuble... Au reste, nous suivons la lettre du discours de Grenoble. Pour éviter tout risque d'inconstitutionnalité, nous avons introduit une exigence de proportionnalité entre la sanction et la gravité des faits perpétrés.

Concernant le deuxième objectif du texte, la commission a encadré dans le temps et dans l'espace la création de zones de rétention. Le droit au séjour des étrangers malades doit rester en l'état : avant de modifier la loi, comme l'ont voulu les députés, il faut une évaluation. L'Assemblée nationale a souhaité en outre renforcer la lutte contre les mariages gris -ceux dans lesquels le conjoint a été trompé sur l'intention véritable. Mieux vaut expliciter le droit existant qui permet déjà de réprimer de tels faits. (M. Guy Fischer et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat approuvent)

Enfin, notre commission a accepté un amendement de Mme Joissains relatif au séjour des étrangers qualifiés et un autre de Mme Garriaud-Maylam qui oblige l'administration à motiver un refus de visa à un étranger lié à un Français par un Pacs.

J'en viens aux procédures et au contentieux de l'éloignement. L'interdiction de retour est une nouveauté de la directive. Les députés l'ont rendue quasi systématique, ce qui paraît excessif : revenons-en au texte du Gouvernement. La réforme du contentieux va effectivement dans le sens d'une simplification mais quid du respect de l'article 66 de la Constitution ? Le Conseil constitutionnel avait censuré, en 1980, un dispositif qui ne prévoyait l'intervention du juge judiciaire qu'après sept jours. La commission a voté la suppression du report à cinq jours de l'intervention du juge des libertés. Elle a en outre adopté l'amendement du Gouvernement sur les étrangers condamnés pour faits de terrorisme en instance d'expulsion...

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Enfin, la commission a adopté des amendements du Gouvernement pour une transposition plus complète de la directive Libre circulation.

Le texte crée, contre les employeurs d'étrangers en situation illégale, des sanctions allant jusqu'à la fermeture administrative pour trois mois, le remboursement des aides publiques et l'exclusion de la commande publique. Il prévoit en outre de nouveaux droits pour les travailleurs illégaux. La jugeant superflue, la commission a supprimé la disposition introduite par les députés sur les employeurs de bonne foi.

Pour finir, quelques mots du droit d'asile.

Le délai d'examen des dossiers est beaucoup trop long, dix-neuf à vingt mois en moyenne. Le texte autorise le placement en procédure prioritaire en cas d'altération volontaire des empreintes digitales, rationalise l'octroi de l'aide juridictionnelle devant la CNDA et autorise la visioconférence pour les requérants outre-mer ; un amendement du Gouvernement étend cette dernière disposition à l'ensemble du territoire national. Notre commission fera des propositions pour tenir compte de la diversité des situations des demandeurs d'asile. (Applaudissements à droite)

M. Yvon Collin.  - Nous sommes nombreux à regretter, au Sénat, ce texte injuste, parfois attentatoire à la dignité de la personne humaine. Il est illusoire de penser que l'Europe et la France peuvent être érigées en forteresses isolées de la misère du monde.

Il nous revient de prendre conscience de cette tendance lourde, avec responsabilité et humanité. Les flux migratoires doivent aussi être régulés dans un sens moral. La France ne peut être indifférente à la désespérance. En tant que rapporteur spécial de l'aide au développement, je connais les difficultés insupportables d'Haïti ou de l'Afrique subsaharienne.

Voici donc le cinquième projet de loi sur le même sujet depuis 2002, preuve de l'échec d'une politique. L'incertitude juridique ainsi créée est d'autant plus intolérable qu'elle concerne des personnes démunies. Aucune mesure répressive n'est venue à bout des phénomènes migratoires massifs. Je ne suis pas favorable à l'entrée massive d'étrangers en situation irrégulière, mais pas non plus à des mesures extrêmes et inhumaines comme celles dans lesquelles le Gouvernement pourrait s'engager...

M. Guy Fischer.  - Il s'y engage.

M. Yvon Collin.  - ...en faisant de l'étranger un suspect a priori.

M. Guy Fischer.  - Un bouc émissaire !

M. Yvon Collin.  - L'égalité de tous, sans distinction, est un principe constitutionnel majeur. Le Conseil constitutionnel a rappelé, en 1996, que l'on ne peut distinguer entre les personnes ayant la nationalité française. La transposition de trois directives n'est qu'un prétexte: vous allez bien au-delà.

C'est le cas pour la rétention, qui devrait être le dernier recours et dont vous faites la règle. Vous allongez sa durée quand le droit communautaire juge qu'elle doit être la plus courte possible.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Ce n'est écrit nulle part !

M. Yvon Collin.  - Vous repoussez et complexifiez le recours au juge ; les droits de la défense sont ramenés au rang de souvenir tandis que le délai de recours du parquet est allongé. Vous videz de sa substance le droit d'asile.

Bref, vous faites de l'étranger un justiciable de seconde zone, quitte, d'ailleurs, à créer des sources de contentieux.

Nos valeurs sont aux antipodes de celles qu'impose ce texte. Le nombre d'entrées en France reste aux alentours de 200 000, malgré vos lois successives. Le débat sur l'identité nationale n'aura réussi qu'à libérer la parole qui stigmatise l'autre. Vous reniez les principes humanistes, comme avec la funeste circulaire sur les Roms...

M. Guy Fischer.  - Scandaleux !

M. Yvon Collin.  - ...que Bruxelles a condamnée.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Pas du tout !

M. Yvon Collin.  - La majorité des membres du RDSE s'opposera avec fermeté à ce projet de loi, dont M. Mézard demandera le renvoi en commission. (Applaudissements à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - Ce projet de loi est le septième texte relatif aux étrangers depuis 2003. Un par an ! C'est dire votre obsession à stigmatiser, voire à criminaliser les étrangers et les populations issues de l'immigration. La transposition de directives n'est qu'un prétexte à surenchère, en période préélectorale, pour capter les voix du Front national. (Protestations sur les bancs UMP, approbations à gauche)

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Où vont-ils chercher cela ?

Mme Éliane Assassi.  - Entre crise financière et future campagne présidentielle, vous libérez la parole raciste -je vous renvoie au débat nauséabond sur l'identité nationale- et transformez les étrangers en boucs émissaires. Une fois encore, vous faites des amalgames entre immigration et délinquance, comme dans la Loppsi 2 dont le texte issu de la CMP sera examiné la semaine prochaine, en plein coeur de notre débat.

Votre projet de loi est un ramassis de dispositions toutes plus choquantes les unes que les autres ; vous parlez, par exemple, de charge insupportable...

M. Louis Nègre.  - Qui paie?

M. Guy Fischer.  - Les immigrés sont tous des fraudeurs !

Mme Éliane Assassi.  - L'expulsion des Roms bulgares et roumains a valu à la France une condamnation européenne.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Laquelle ?

Mme Éliane Assassi.  - Le Gouvernement développe tout un catalogue de mesures dérogatoires ; il fait de l'outre-mer une terre à part, comme si les lois n'avaient pas à y être les mêmes qu'ici. A quand le droit du sang et un mur ? (Marques d'agacement à droite) Vous créez des zones d'attente ad hoc qui vous permettent d'expulser en catimini. Immigration irrégulière et droit d'asile n'ont pourtant rien à voir.

Pour ceux qui auraient réussi à entrer...

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Il y en a !

Mme Éliane Assassi.  - ...vous avez prévu des mesures pour les empêcher de se marier, vous multipliez les obstacles au séjour des étrangers malades.

Mme Catherine Troendle.  - Eh bien oui !

M. Guy Fischer.  - Les colonies, c'est terminé !

Mme Éliane Assassi.  - La question de fond est celle de l'inégalité qui empêche de vivre bien. Est-on intégré quand on pointe à Pôle emploi, qu'on est payé en dessous du seuil de pauvreté, qu'on est mal logé, qu'on est mal soigné ? Les travailleurs étrangers subissent double ou triple peine, entre carte de séjour, patrons voyous et impossibilité de se soigner.

Pour ceux qui auraient passé tous les obstacles jusqu'à être naturalisés, l'épée de Damoclès restera menaçante : ils pourront être déchus en cas d'assassinat d'un juge ou d'un membre des forces de l'ordre.

M. Louis Nègre.  - C'est grave !

Mme Éliane Assassi.  - Comme tout assassinat ! Puisque vous allez créer des sans-papiers supplémentaires, il faut bien prévoir des moyens accrus d'expulsion. Et voilà un autre volet de votre projet de loi : accélérer la machine à expulser.

Après quoi, il ne faut surtout pas que l'étranger puisse revenir.

Mme Catherine Troendle.  - Évidemment !

Mme Éliane Assassi.  - Vous créez une interdiction de retour, que vous rendez quasi systématique. Ce sera une véritable peine de bannissement. Toutes ces mesures sont contraires à nos valeurs humanistes. Nous voulons une immigration plus juste et plus humaine, fondée sur de meilleures relations nord-sud. Faisons preuve de courage ; n'ayons pas peur d'attribuer certains droits, comme celui de vote. Redonnons tout son sens au mot « accueil », trouvons de nouveaux modes de développement.

Beaucoup de dispositions stigmatisantes et perverses ont été ajoutées par les députés, mais on ne change pas les flux de migration à coup de lois répressives. Bref, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Yves Détraigne.  - Ce projet de loi a suscité à l'Assemblée nationale des débats souvent passionnés, parfois caricaturaux. Puissent ceux du Sénat être plus sereins !

Il transpose trois directives adoptées à l'unanimité des 27 mais va bien au-delà. L'immigration est un sujet complexe qui appelle un équilibre entre efficacité et humanité.

Ce projet de loi renforce les moyens de répression contre l'immigration clandestine mais nos collègues députés sont parfois allés trop loin, comme avec l'article 37 qui fait passer le délai de saisine du juge des libertés et de la détention de 48 heures à cinq jours. L'article 66 de la Constitution fait du juge judiciaire le gardien des libertés. Le Conseil constitutionnel exige pourtant que le juge intervienne le plus tôt possible : sept jours, c'est trop ; deux, c'est -à mes yeux- convenable. Mais cinq jours ?

Notre commission des lois a accompli un travail remarquable mais nous ne pouvons accepter des différences de traitement entre deux personnes ayant la même nationalité. Comme l'a dit M. Collin, le Conseil constitutionnel refuse la création de deux catégories de Français.

La carte de séjour des étrangers malades a été créée par la loi Reseda de 1998. Le Conseil d'État, dans deux arrêts du 7 avril 2010, demande que l'autorité administrative vérifie à la fois que le traitement existe dans le pays d'origine et que l'étranger y aura accès. La solution adoptée par les députés n'est pas satisfaisante, ni sur la forme juridique ni sur le fond.

Sur de nombreux points, le rapporteur a su revenir à une position plus raisonnable et plus en accord avec les principes généraux de notre droit tout en favorisant une meilleure maîtrise des flux migratoires, qui est une condition essentielle de la sauvegarde de nos valeurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)

La séance est suspendue à 19 heures 5.

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

La séance reprend à 21 heures 30.