Loppsi (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

Discussion générale

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.  - Un an et demi après le dépôt de la Loppsi, nous arrivons au terme de son examen avec un texte amélioré et enrichi.

De nombreuses dispositions avaient fait l'objet d'un accord avant la CMP. Beaucoup d'apports du Sénat ont été acceptés par l'Assemblée nationale.

Tel est le cas de dispositions relatives à la vidéoprotection, sauf quant à l'intervention de la Cnil. La CMP a conservé son pouvoir de mise en demeure, tout en réservant au préfet le droit d'infliger des sanctions.

La CMP a examiné le régime des peines plancher, dont notre assemblée avait réservé l'usage aux peines les plus graves, l'Assemblée nationale adoptant une positon inverse. La CMP a limité cette disposition aux personnes encourant sept ans d'emprisonnement au moins. La rédaction retenue vise certaines formes graves de violences.

En première lecture, la possibilité de poursuivre directement des mineurs a été repoussée par le Sénat. La CMP n'a retenu que deux hypothèses : le mineur a déjà été condamné ou une procédure a été engagée il y a moins de six mois.

J'en viens à la peine de sûreté pour meurtre ou assassinat contre des dépositaires de l'autorité publique. Comme les meurtres ou assassinats de mineurs de moins de 15 ans, notre assemblée avait initialement exigé des circonstances aggravantes, refusées par l'Assemblée nationale. La CMP n'a finalement retenu que les meurtres en bande organisée.

La CMP s'est également penchée sur le couvre-feu. À la mesure administrative décidée par le préfet, le Sénat avait préféré une interdiction d'aller et venir. La CMP a accepté cette sanction judiciaire, prononcée par le tribunal pour enfants.

Je vous propose d'adopter les conclusions de la CMP, qui permettront à la police et à la gendarmerie d'affronter dans les meilleures conditions les défis des prochaines années. (Applaudissements à droite)

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.  - Le rapporteur a parfaitement résumé l'essentiel. Je salue le travail conduit ensemble par le Gouvernement et le Parlement, en remerciant tous ceux qui ont soutenu ce texte.

Chaque année depuis 2002, la délinquance régresse, grâce aux textes ciblés et complémentaires adoptés. La Loppsi a suscité 85 heures d'échanges.

Ce projet de loi satisfait les attentes de nos concitoyens en assurant l'effectivité de la réponse pénale, notamment en cas de cambriolage de personnes âgées par exemple.

Je ne comprends pas ceux qui se sont opposés à ces progrès !

Ensuite, nous avons adapté les moyens de la police aux nouvelles technologies, de la vidéoprotection à la lutte contre la criminalité sur internet.

Les compétences des polices municipales sont renforcées, en partenariat avec la police nationale. La sécurité privée est un fait ; il faut donc s'interroger sur la formation et l'encadrement des 120 000 personnes qui la composent.

La prévention de la délinquance des mineurs sera renforcée : mieux vaut les empêcher de tomber sous l'influence des trafiquants.

Enfin, les véhicules des criminels de la route seront confisqués. La Loppsi comprend treize mesures en faveur de la sécurité routière, allant jusqu'à la distribution d'éthylotests dans les boîtes de nuit.

En 2010, nous avons, pour la première fois, déploré moins de 4 000 tués mais les résultats de janvier sont inquiétants. Je présenterai donc jeudi un plan de lutte contre l'insécurité routière afin de mieux conduire ce combat indispensable.

Nous devons nous adapter en permanence à l'évolution de la délinquance. Ce combat doit nous rassembler, au-delà des clivages partisans. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - (Applaudissements sur les bancs du RDSE ; Mme Virginie Klès applaudit aussi) Je suis partagée entre la satisfaction, les regrets et l'incompréhension.

Satisfaction de voir affirmés quelques principes clairs sur la police et la gendarmerie ; regrets de constater que la CMP a parfois inutilement durci le texte ; incompréhension devant certaines postures sécuritaires du Gouvernement.

Je laisse à M. Mézard le soin de critiquer les aspects du texte qui tournent le dos à une conception généreuse de l'homme.

Je note que des avancées ont été obtenues en matière de vidéoprotection, grâce à la détermination du président de la commission des lois et à la conviction du rapporteur. Je regrette, en revanche, la frilosité de la CMP qui n'a pas supprimé l'obligation faite aux maires de se transformer en photographes professionnels.

Le rapport intitulé La sécurité partout et pour tous paraît tout justifier d'avance. Nous préférerions une approche globale de la sécurité.

Police et gendarmerie sont complémentaires. Pourtant, les faits montrent que les forces de sécurité ne partagent ni les mêmes moyens ni les mêmes compétences. S'agissant de la sécurité privée, nous avons en tête des abus dans les aéroports. Demain, il faudra se protéger contre la vidéoprotection et son usage irrégulier, abusif, voire illégal.

Qui de nous ne verrait pas avantage à une optimisation des forces de sécurité intérieure dans le cadre du rapprochement police-gendarmerie ? J'ai avec vous soutenu que ce rapprochement ne deviendrait jamais fusion. Mais subrepticement, des signes montrent que le statut militaire des gendarmes encombre plus qu'il ne sert notre République.

Sur le plan technologique, seule la vidéoprotection est réellement traitée. C'est dire combien les équipements sont éloignés des préoccupations sécuritaires visibles...

Monsieur le ministre, comment faire coïncider la priorité donnée à la bonne gestion du personnel avec la réalité ? Avez-vous été sensible à la détresse des épouses de CRS dont les compagnies devaient être dissoutes ?

Ceux qui font vivre la sécurité républicaine doivent être respectés.

Le plus grand nombre de mes collègues du RDSE, à quelques exceptions près, ne voteront pas votre texte. (Applaudissements à gauche)

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Comme d'habitude.

Mme Éliane Assassi.  - Le lendemain du jour où la majorité sénatoriale a voté la Loppsi 2, vous avez annoncé les chiffres de la délinquance : la méthode est pour le moins paradoxale !

Vous affirmez que la délinquance a reculé en 2010, alors que les violences contre les personnes ont progressé, surtout contre les femmes.

M. Roland Courteau.  - C'est vrai.

Mme Éliane Assassi.  - Nous en sommes à la 23e loi sécuritaire depuis la Loppsi 1. À quoi bon ? Les événements terribles de l'actualité s'imposent à notre débat. Cette horreur rend d'autant plus insupportables les propos du président de la République, véritables insultes aux proches de Laetitia, aux magistrats et policiers, qui se plaignent de sous-effectifs. À qui ferez-vous croire que le fichage soit utile ?

Ne vous en déplaise, les dépenses publiques sont utiles : il manque plus de 1 000 conseillers de probation. Chacun suit 135 dossiers en moyenne à Nantes, alors que la recommandation est de 60 dossiers au maximum. Au Canada, chaque agent suit 40 dossiers et en Suède, 25 !

Vous l'avez indiqué, monsieur le ministre : plus de 100 000 recrutements sont prévus dans la sécurité privée au cours des dix prochaines années, alors que 12 000 postes ont été supprimés dans la police nationale, ce qui met fin à toute politique nationale.

L'Association des petites villes de France dénonce un transfert insidieux de charges sur les communes. Y aura-t-il un jour des CRS locaux épaulant des gardes privés lourdement armés ?

Vous allez jusqu'à confier au privé le soin de visionner les caméras sur la voie publique. C'est inacceptable ! Publique ou privée, la sécurité est toujours payée par les impôts. Toute la chaîne pénale sera-t-elle privatisée ?

Le discours de Grenoble était clair : il fallait des coupables, les étrangers, les mineurs, même de moins de 13 ans, les parents, et prioritairement ceux qui habitent les quartiers populaires.

Une fois encore, vous stigmatisez les mineurs et les familles, vous élargissez le placement sous surveillance d'étrangers astreints à domicile. Vous transformez en délinquants les personnes privées de logement.

En revanche, on cherche en vain une mesure de prévention. Pourtant, le Conseil national des villes a souligné auprès de son président, qui n'est autre que M. Fillon, l'inadéquation du plan national de prévention à la réalité locale.

Votre texte est irrecevable car il met en oeuvre un projet de société fondée sur la peur, justifiant un état d'exception permanent. Il est préoccupant car il est là pour masquer les dégâts de votre politique et vous donner les mains libres pour la poursuivre aussi loin que possible.

Vous refusez d'entendre ceux qui incriminent l'absence de services publics. Comment la délinquance ne refléterait-elle pas une société violente ?

Nous voterons donc à nouveau contre ce projet de loi, fourre-tout qui n'a rien à voir avec ce que nos concitoyens sont en droit d'attendre. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG)

M. Jean-Paul Amoudry.  - La CMP propose un texte de compromis entre les positions des deux assemblées. Il s'agissait d'un exercice difficile ; merci à M. Courtois pour avoir bien défendu nos positions.

J'aborderai tout d'abord les peines plancher applicables aux auteurs de violences aggravées, même en l'absence de récidive. Initialement, nous avions limité les dispositions à certains cas particulièrement graves, sanctionnés de dix ans d'emprisonnement, avec une peine plancher de deux ans. L'Assemblée nationale avait alors voté un dispositif plus large s'appliquant à des délits punissables de trois ans d'emprisonnement. Finalement, la CMP a établi un compromis, en prévoyant d'introduire un nouveau seuil pour certains délits punis de plus de sept ans d'emprisonnement pour lesquels la peine d'emprisonnement ne pourra être inférieure à dix-huit mois.

Malgré tout, une partie du groupe de l'Union centriste reste sceptique sur le principe de peines plancher infligées à des primo-délinquants.

J'en viens aux peines de sûreté : la CMP s'est ralliée à la circonstance aggravante du crime commis en bande organisée, ce dont le groupe de l'Union centriste se félicite.

En deuxième lecture, le Sénat avait voté la préméditation comme circonstance aggravante exigée en l'espèce mais la CMP a opté pour une rédaction plus conforme à la rigueur du droit pénal.

Enfin, j'évoquerai l'assignation directe d'un mineur devant un tribunal pour enfants. La CMP s'est ralliée à la position du Sénat, ce dont je me félicite.

Nous arrivons au terme d'un processus nécessaire car il faut s'adapter à l'évolution de la délinquance et utiliser les progrès techniques.

Pour ces raisons, une large majorité des membres du groupe de l'Union centriste votera en faveur des conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Virginie Klès.  - Ce texte soulève la même passion et la même indignation. Monsieur le ministre, vous confondez chiffres de la délinquance et chiffres de l'activité policière : les sociologues savent faire la différence. Je déplore l'autisme du Gouvernement envers les hommes et les femmes qui assurent notre sécurité, mais aussi envers les victimes à qui vous mentez en faisant croire à l'efficacité de votre politique sécuritaire sans moyens.

Les acteurs de la sécurité sont écoeurés par la RGPP, imposée sans concertation. Quels qu'ils soient, ces professionnels sont mis à l'index. On aura rarement vu pareille inhumanité envers tous les acteurs de la chaîne judiciaire et pénale.

Comment ne pas être indigné par votre texte binaire en blanc et noir ? Comment ne pas être indigné en pensant que chaque parent est potentiellement responsable ? Comment ne pas être indigné par une révolution qui transforme l'individualisation en exception ?

Les aménagements de peine ? Très bien, mais il faut des conseillers de probation !

M. Roland Courteau.  - Très bien !

Mme Virginie Klès.  - Comment ne pas être indigné par l'incrimination des magistrats et policiers ? (M. Roland Courteau applaudit) Comment ne pas être indigné par l'absence du garde des sceaux pendant la deuxième partie de ce projet de loi ? (M. Jean-Pierre Sueur applaudit vivement)

Vous organisez la rivalité entre policiers et gendarmes lorsque vous annoncez la suppression de compagnies de CRS sans toucher aux bataillons de gendarmerie mobile.

Sait-on que les premiers de promotion de Saint-Cyr choisissent la gendarmerie, mais que les colonels quittent cette arme avec amertume ? (Protestations à droite) Sait-on que les policiers regrettent de ne pas pouvoir mieux encadrer les jeunes recrues, mal formées et mal préparées ?

Où sont vos promesses de ne pas toucher aux forces opérationnelles ? Les CRS et les escadrons de gendarmes mobiles n'occuperaient-ils que des emplois de bureau ?

M. Roland Courteau.  - Sans doute !

Ces missions nouvelles confiées aux polices municipales préfigurent un transfert de compétences sans moyens. Le maillage sécuritaire ne sera demain plus assuré dans les zones rurales. Pourtant, sur le terrain, ces hommes et ces femmes savent travailler ensemble. Une RGPP intelligente aurait pu s'appuyer sur une mutualisation des efforts.

Le respect de l'autorité publique s'entretient par l'exemplarité. L'impunité des rares dérapages discrédite l'ensemble des forces de l'ordre.

Les douaniers sont totalement oubliés dans ce texte, malgré leur contribution à la lutte contre l'économie souterraine. Oubliée aussi la lutte contre la délinquance en col blanc.

Ce texte pose de faux problèmes et propose de fausses solutions. La confusion est totale ; certes, il existe des délinquants endurcis mais les mesures que vous présentez ne régleront rien. Il faut lutter contre la cybercriminalité mais pas comme vous le faites, avec des moyens inutiles et coûteux.

Loi de programmation ? Encore faut-il savoir de quel programme on parle !

Je suis allée voir les favelas de Rio. La délinquance y est traitée par des programmes éducatifs, même si la lutte contre la criminalité est menée sans relâche ni faiblesse, mais elle est accompagnée de la construction de crèches, de bibliothèques, d'une formation professionnelle pour les jeunes... Voilà ce qu'il faudrait faire en France...

M. Éric Doligé.  - Il faudrait des psychologues sans doute aussi.

Mme Virginie Klès.  - Oui, peut-être pour vous. (« Oh ! » à droite) Je vous invite à venir avec moi à Rio où il existe de réels programmes d'insertion.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Les sommations y sont sommaires, dit-on !

Mme Virginie Klès.  - Quand on détricote le lien social, plus rien ne va.

La lutte contre la délinquance ne peut se mesurer à des chiffres. C'est une affaire de partenariat entre tous les acteurs, de l'éducation à la répression. J'ai élevé mes enfants non pas à coup de fessées mais en les éduquant, en posant des interdits. (Marques d'étonnement feint à droite, applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Catherine Troendle.  - (Applaudissements à droite ; M. Éric Doligé : « ce sera moins agressif ! ») Au terme de ce long débat, le groupe UMP va voter cette loi. Alors que la délinquance est multiforme, il fallait donner à nos forces de l'ordre les moyens de s'adapter.

Légiférer est une chose, faire respecter la loi en est une autre. Nous sommes satisfaits de ce texte de programmation et de performance.

La Loppsi recourt aux nouvelles technologies pour lutter contre la délinquance. Le groupe UMP se satisfait des dispositifs très équilibrés adoptés grâce au travail admirable de notre rapporteur et au souci de rapprocher les points de vue du président de la commission.

Nous nous félicitons que la vidéosurveillance ait été étendue et que la CMP ait retenu la rédaction du Sénat sur le rôle de la Cnil. L'autorisation pour l'installation sera donnée par le préfet.

Enfin, je me félicite de la lutte contre pédopornographie.

Nous sommes satisfaits des équilibres trouvés pour reprendre le discours de Grenoble. Grâce à ce texte, des peines plancher pourront être prononcées à l'encontre de primo-délinquants, mais uniquement, Constitution oblige, dans les cas encourant sept ans de prison.

L'application des peines de sûreté sera étendue, mais uniquement pour les meurtres de dépositaires de l'autorité publique réalisés en bande organisée. Nous voulons garantir l'efficacité des mesures tout en garantissant les droits individuels.

Nous avons mieux garanti la sécurité quotidienne, qu'il s'agisse des cambriolages, des appartements squattés ou de la délinquance routière en durcissant la répression des délits graves commis sous l'influence de l'alcool ou de la drogue mais en assouplissant la récupération des points du permis.

Les préfets pourront édicter un couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans mais sur décision d'un juge au cas par cas. Notre devoir était de renforcer l'efficacité de la lutte contre la délinquance, nous soutenons la politique menée par le Gouvernement. Je n'oppose pas la sécurité à la liberté, la prévention à la répression. C'est pourquoi j'adhère à ce texte. (Applaudissements à droite)

M. Jacques Mézard.  - La CMP est un espace de concertation, de recherche de compromis entre les chambres. Est-il pour autant possible de transiger sur les principes ?

Certes, nous voulons protéger nos concitoyens mais nous divergeons sur les moyens. La fermeté doit être comprise et juste. L'empilement de lois sécuritaires ne fait qu'alimenter l'insécurité juridique, sans rien régler sur le terrain.

Le fossé s'agrandit entre ces lois et le quotidien des palais de justice. Les gardes à vue ont augmenté de 51 % entre 2002 et 2010. Que le rapport de la CMP s'en fasse une gloire est révélateur !

À chaque fait divers, une loi de plus ! C'est aux antipodes de ce que doit être la loi : claire pour les citoyens et les praticiens.

Le 18 janvier, j'avais dit que mes collègues jouaient aux apprentis sorciers, qu'ils jouaient avec le feu en se fondant sur l'émotion populaire pour tenir un discours sécuritaire. Mes propos ne relevaient pas de la divination mais d'un constat. La réduction des effectifs de police ne pouvait traduire une bonne politique. Depuis Pornic, un vent de fronde souffle entre les colonnes des palais de justice, et même sur la police.

Avec le garde des sceaux, vous avez proposé sept mesures opérationnelles. Pourquoi avoir tant attendu ? Que proposerez-vous après le prochain drame ? Cessez de mettre en cause la justice et d'entretenir un climat de méfiance à l'encontre des magistrats !

On ne règle pas les problèmes de la délinquance avec des textes successifs.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. Jacques Mézard.  - Les responsabilités reviennent à divers gouvernements, de toutes tendances politiques.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Très bien ! (Se tournant vers M. Roland Courteau) Vous auriez pu approuver !

M. Jacques Mézard.  - Selon le garde des sceaux, 100 000 peines ne sont pas exécutées. Cette loi restera donc sans effet.

Très majoritairement, nous ne voterons pas ce texte qui ne redonnera pas confiance à nos concitoyens en la justice. (Applaudissements au centre et à gauche)

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Au moment même où nous sommes réunis se tient à la Bourse du travail un forum des libertés qui combat votre projet liberticide. (M. Éric Doligé rit)

Vous riez... jusqu'au jour où, comme en Tunisie, la société civile se réveillera !

M. Éric Doligé.  - Vous voulez la révolution ?

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Vous pouvez toujours mépriser les citoyens. Les magistrats sont opposés à la Loppsi et au texte sur l'immigration. M. le rapporteur se souvient, lors des auditions, que des craintes avaient été exprimées. Les magistrats montrés du doigt par le président de la République ne supportent pas ce climat de suspicion. Nous nous retrouverons tous le 10 février pour manifester.

Comment, à l'occasion de la tragique affaire de Pornic, votre majorité peut-elle se défausser alors que les effectifs fondent et que leurs charges augmentent ? Il faut plus de considération, plus de moyens, plus de recrutements !

Les policiers ont beaucoup à faire et la Loppsi en ajoutera encore. Je regrette que les députés aient voté ce texte de circonstance. Vous avez salué, à l'Assemblée nationale, le vote de la Loppsi, la qualifiant de « boîte à outils » pour protéger nos concitoyens alors qu'elle ne protégera rien mais stigmatise, contrôle, dresse les pauvres contre les pauvres.

Le président de la République et le Gouvernement surfent sur la vague de peur au lieu de remettre en question leurs lois inefficaces.

Nous assistons à un durcissement inapproprié du droit pénal qui bafoue les principes de l'État de droit. Plutôt qu'une boite à outils, il s'agit d'une loi fourre-tout dont certaines mesures sont inconstitutionnelles.

J'espère que le Conseil constitutionnel censurera cette Loppsi contraire à la Constitution et à nos valeurs républicaines. Grâce à nous, un rapport sera remis au Parlement sur la vidéosurveillance. Maigre satisfaction, il est vrai, car nous ne pouvons supporter que la sécurité de nos concitoyens soit déléguée aux sociétés privées.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Vous favorisez le business de la sécurité, c'est indigne de la République.

Vous prônez l'exclusion de tous les occupants d'habitations non conventionnelles, au lieu d'appliquer la réquisition de logements vides, de construire des logements sociaux en nombre.

Avec ce projet de loi vous tentez de ramener à vous un certain électorat. En jouant ainsi avec le feu, vous allez vous brûler.

Avec les Verts, je ne voterai pas ce texte. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

Vote sur le texte élaboré par la CMP

M. le président.  - Le Sénat va se prononcer par un seul vote sur l'ensemble du texte, modifié par les seuls amendements retenus par le Gouvernement.

Article 17 bis

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Courtois.

Alinéa 2

Remplacer le mot :

huitième

par les mots :

neuvième à dix-huitième

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Amendement de coordination avec l'article 17.

Article 24 bis

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Courtois.

I. - Alinéa 5, première phrase

Remplacer les mots :

aux I et II

par les mots :

au I du présent article et au 11° de l'article 15-1 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante

II. - En conséquence, alinéa 7

Remplacer les mots :

au premier alinéa du I ou au premier alinéa du II

par les mots :

au I du présent article ou au 11° de l'article 15-1 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur.  - Amendement réparant une erreur de renvoi. Les dispositions du II de l'article  4 bis seront codifiées dans l'ordonnance du 2 février 1945, il convient donc de renvoyer à cette ordonnance, non à une phrase « chapeau » appelée à disparaître.

Vote sur l'ensemble

M. Alain Anziani.  - Vous proposez cette loi alors que la crise judiciaire a éclaté, après avoir couvé depuis longtemps. Le président de la République a régulièrement attaqué les magistrats et M. Nadal, le procureur général auprès de la Cour de Cassation, a demandé le respect de la Constitution et, en termes si vifs qu'on peut dire exigé le respect de la séparation des pouvoirs. Il a conclu ses propos en disant que « la République est blessée ».

Alors que vous aviez l'occasion, y compris au cours de nos débats, de dire que vous respectiez la séparation des pouvoirs, vous ne l'avez pas fait : votre silence est accablant. La crise s'est amplifiée. Des compagnies de CRS se sont mises en grève à Lyon et à Marseille. Aujourd'hui, les tribunaux font grève, reportant les audiences... Les avocats s'inquiètent aussi des moyens accordés pour les gardes à vue. Cette loi d'orientation est muette et aveugle.

Elle est muette sur la séparation des pouvoirs et aveugle sur les moyens, renvoyés à une annexe. Il ne suffit pas de voter des lois pour garantir la sécurité qui, y compris à Nantes, nécessite plus que des textes : des moyens !

Oui, il faut condamner les responsables de l'insécurité, mais parmi les responsables, il y a ceux qui se payent de mots comme vous pour obtenir les voix d'extrémistes qui vous font défaut. (Exclamations à droite ; applaudissements à gauche)

M. Marc Laménie.  - Grâce à la CMP, des améliorations ont été apportées au texte. La lutte contre la délinquance doit se poursuivre, qu'il s'agisse des forces de gendarmerie, de police nationale ou municipale ou des acteurs de la sécurité privée.

Compte tenu du texte qui nous est proposé, je dirai que je le voterai, même si aucun texte n'est parfait.

La sécurité est un combat permanent, notamment sur la route. Le groupe UMP votera ce texte. (Vifs applaudissements à droite)

À la demande du groupe socialiste, les conclusions de la CMP sont mises aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 329
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l'adoption 178
Contre 151

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements à droite)