Immigration, intégration et nationalité (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.

Discussion des articles (Suite)

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°406 rectifié ter, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 34, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Le dernier alinéa de l'article L. 531-1 est ainsi rédigé :

« Cette décision qui n'a pas été contestée devant le tribunal administratif dans les délais prévus à l'article L. 531-5 ou qui n'a pas fait l'objet d'une annulation, peut être exécutée d'office. » ;

2° Le premier alinéa de l'article L. 531-3 est complété par les mots : « sous réserve des dispositions de l'article L. 531-5 » ;

3° Après l'article L. 531-4, il est inséré un article L. 531-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 531-5. - I. - L'étranger qui a fait l'objet d'une décision prévue au présent chapitre, peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision. Le même recours en annulation peut également être dirigé contre la décision relative au séjour et la décision mentionnant le pays de destination qui l'accompagnent le cas échéant.

« L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine.

« Toutefois, si l'étranger est placé en rétention en application de l'article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au II.

« II. - En cas de décision de placement en rétention l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification.

« Le président, ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative, statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine.

« L'étranger peut demander au président du tribunal ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. Il peut demander au président ou au magistrat désigné à cette fin qu'il lui en soit désigné un d'office. L'audience se déroule sans conclusions du rapporteur public.

 « L'audience se tient dans les locaux du tribunal administratif compétent. La décision ne peut être exécutée avant l'expiration d'un délai de soixante-douze heures suivant sa notification ou, en cas de saisine du président du tribunal administratif, avant que ce dernier ou le magistrat désigné à cette fin n'ait statué.

« Le jugement du président du tribunal administratif ou du magistrat désigné par lui est susceptible d'appel dans un délai d'un mois devant le président de la cour administrative d'appel territorialement compétente ou un magistrat désigné par ce dernier. Cet appel n'est pas suspensif.

« Si la décision est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. »

M. Roland Courteau.  - Cet amendement s'intéresse au sort des « dublinés ». Lorsqu'un étranger est admissible dans un autre État européen en application de la convention de Schengen ou de la procédure Dublin, il fait l'objet d'un arrêté de réadmission fondé sur les articles L. 531-1 et suivants du Ceséda. Contrairement aux OQTF et aux APRF, ces arrêtés ne peuvent pas faire l'objet d'un recours suspensif.

Le 20 mai 2010, le Conseil d'État a suspendu par une ordonnance de référé-liberté le renvoi vers la Grèce de Palestiniens qui avait fait l'objet de mauvais traitements dans ce pays. Le 21 janvier 2011, la Cour de Strasbourg a statué contre la Belgique et la Grèce dans une affaire comparable. Dans l'attente d'un aménagement du Règlement de Dublin, il faut instaurer un recours suspensif contre les décisions de renvoi, comme il en existe contre les OQTF.

M. le président.  - Amendement n°187, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 34, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

I. - Le dernier alinéa de l'article L. 531-1 est ainsi rédigé :

« Cette décision qui n'a pas été contestée devant le président du tribunal administratif dans les délais prévus à l'article L. 531-5 ou qui n'a pas fait l'objet d'une annulation, peut être exécutée d'office. »

II. - Après l'article L. 531-4, il est inséré un article L. 531-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 531-5. - L'étranger qui a fait l'objet d'une décision prévue à l'article L. 531-1 du présent code peut, dans les quarante-huit heures suivant la notification de cette décision, en demander l'annulation, au président du tribunal administratif.

« Le président, ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative, statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine.

« L'étranger peut demander au président du tribunal ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. Il peut demander au président ou au magistrat désigné à cette fin qu'il lui en soit désigné un d'office. L'audience se déroule sans conclusions du commissaire du Gouvernement.

« Par dérogation au précédent alinéa, le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin peut, par ordonnance motivée, donner acte des désistements, constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur un recours et rejeter les recours ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance.

« L'audience se tient dans les locaux du tribunal administratif compétent. La décision ne peut être exécutée avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures suivant sa notification ou, en cas de saisine du président du tribunal administratif, avant que ce dernier ou le magistrat désigné à cette fin n'ait statué.

« Le jugement du président du tribunal administratif ou du magistrat désigné par lui est susceptible d'appel dans un délai d'un mois devant le président de la cour administrative d'appel territorialement compétente ou un magistrat désigné par ce dernier. Cet appel n'est pas suspensif.

« Si la décision est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. »

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Les arrêtés de réadmission ne peuvent aujourd'hui faire l'objet d'un recours suspensif ; or l'intéressé peut craindre des mauvais traitements dans le pays où il serait réadmis. La situation de demandeurs d'asile renvoyés en Grèce a justifié une ordonnance de référé-liberté du Conseil d'État en date du 20 mai 2010. Mais cette procédure n'est pas très accessible. De même, la Cour européenne des droits de l'homme a examiné lors d'une audience de Grande chambre, le 1er septembre 2010, la situation des demandeurs d'asile en Grèce.

Nous voulons anticiper sur le projet de refonte du Règlement de Dublin et les risques de condamnation par la Cour en instaurant un recours suspensif contre les arrêtés de réadmission, similaire aux recours contre les refus d'entrée au titre de l'asile.

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié ter, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.

Après l'article 34, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :

« Cette décision peut être exécutée d'office, si elle a pu être contestée devant le tribunal administratif dans un délai de trente jours suivant sa notification, et qu'elle n'a pas fait l'objet d'une annulation. »

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Cet amendement a le même objet que les précédents. La Cour européenne des droits de l'homme a rendu un arrêt de Grande chambre, le 21 janvier 2011, condamnant conjointement la Grèce et la Belgique pour violation du droit au recours effectif en considérant que « l'effectivité d'un recours au sens de l'article 13 demande impérativement un (...) examen indépendant et rigoureux de tout grief aux termes duquel il existe des motifs de croire à un risque de traitement contraire à l'article 3, ainsi qu'une célérité particulière ; il requiert également que les intéressés disposent d'un recours de plein droit suspensif ». Cela justifie notre amendement.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Certes, comme l'a rappelé le Conseil d'État le 6 mars 2008, les arrêtés de réadmission peuvent faire l'objet d'un référé-suspension. Mais l'arrêt de la CEDH du 21 janvier semble impliquer que ce dispositif est insuffisant. Il faudrait donc avancer sur le sujet, même si la réflexion n'est pas complètement aboutie. Sagesse, sachant que nous préférons l'amendement n°406 rectifié ter aux deux autres.

M. Philippe Richert, ministre.  - La réadmission « Dublin » ne répond pas à une logique d'éloignement mais de coopération entre États qui se font confiance. Le Conseil constitutionnel a validé en 1993 l'absence de recours suspensif ; et l'ordonnance de référé existe et fonctionne. Le Gouvernement a cependant pris acte de l'arrêt du 20 janvier de la CEDH, qui est en cours d'expertise. Il reviendra au législateur de se prononcer s'il y a lieu, mais pas de façon hâtive... L'avis est donc nettement défavorable.

M. Richard Yung.  - La décision de la Cour de Strasbourg est importante. Elle est frappée au coin du bon sens et prend acte que certains États n'offrent pas des conditions d'accueil convenables aux demandeurs d'asile. Les Grecs ont supprimé les centres de rétention, les gens qui y sont réadmis sont lâchés près de la frontière turque sans autre forme de procès... Il y a une base juridique et aussi humanitaire à l'adoption de notre amendement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je remercie le rapporteur de nous avoir invités à la sagesse. Il serait bon que notre pays fût de ceux qui donnent davantage de droits plutôt que l'inverse.

L'amendement n°406 rectifié ter est adopté et devient un article additionnel.

Les amendements n°s187 et 14 rectifié ter tombent.

Article 35

M. le président.  - Amendement n°68 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

M. Jacques Mézard.  - Coordination. Je souhaite des précisions sur le sens de l'expression « en même temps » s'agissant de deux recours contre deux décisions différentes. S'agit-il du même acte de procédure ? Du même jour ?

M. le président.  - Amendement identique n°188, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Amendement de conséquence.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable, par coordination.

M. Philippe Richert, ministre.  - Défavorable. Je réponds à M. Mézard qu'il doit s'agir d'un acte unique.

Les amendements identiques n°68 rectifié et 188 ne sont pas adoptés.

L'article 35 est adopté, ainsi que l'article 36.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°189 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 36, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 512-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« L'étranger peut également exercer un recours administratif, gracieux ou hiérarchique, dans un délai d'un mois suivant la notification de la décision. Le recours devant le tribunal administratif est prorogé par l'exercice d'un recours administratif préalable. »

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Les étrangers sont enfermés dans des délais trop brefs pour organiser leur défense ; ils sont nombreux à être dans l'impossibilité de contester concrètement une OQTF, sans que le juge ait pu examiner leur situation.

M. le président.  - Amendement identique n°372 rectifié, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Claude Domeizel.  - En l'espèce, le régime de recours administratif est dérogatoire au droit commun, et beaucoup trop complexe pour que l'étranger puisse vraiment en bénéficier.

L'extension, que nous souhaitons, du recours administratif préalable aurait l'intérêt de permettre le règlement amiable d'une partie des litiges et de désengorger les tribunaux administratifs.

MM. Roland Courteau et Richard Yung.  - Très bien !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Ces amendements sont d'ordre réglementaire. Le Conseil d'État a jugé en juillet 2007 que le délai d'un mois était suffisant.

Les amendements identiques n°s189 rectifié et 372 rectifié, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°190 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 36, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par neuf alinéas ainsi rédigés :

« Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance :

« 1º Donner acte des désistements ;

« 2º Rejeter les requêtes ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative ;

« 3º Constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur une requête ;

« 4º Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsqu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ;

« 5º Statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou la charge des dépens ;

« 6º Statuer sur les requêtes relevant d'une série, qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits, présentent à juger en droit, pour la juridiction saisie, des questions identiques à celles qu'elle a déjà tranchées ensemble par une même décision passée en force de chose jugée ou à celles tranchées ensemble par une même décision du Conseil d'État statuant au contentieux ou examinées ensemble par un même avis rendu par le Conseil d'État en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative ;

« 7º Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés.

« Les présidents des cours administratives d'appel et les présidents des formations de jugement des cours peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter les conclusions à fin de sursis à exécution d'une décision juridictionnelle frappée d'appel et les requêtes dirigées contre des ordonnances prises en application des 1º à 6º. Ils peuvent, de même, annuler une ordonnance prise en application des 1º à 5º à condition de régler l'affaire au fond par application de l'une de ces dispositions. »

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Le 7° de l'article R 222-1 instaure une justice à double vitesse et une discrimination flagrante au détriment des personnes qui ne sauront pas rédiger convenablement leur recours et n'auront pas eu la possibilité de se faire assister pour cela. Il est également nécessaire de modifier le dispositif de non-mise en demeure. Les règles de fond et de forme sont complexes et certaines pièces sont difficiles à récupérer...

M. le président.  - Amendement n°191 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 36, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance :

« 1º Donner acte des désistements ;

« 2º Constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur une requête ;

« 3° Rejeter les recours entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance. »

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Même esprit.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - C'est d'ordre réglementaire. Défavorable.

M. Philippe Richert, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°190 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°191 rectifié.

Article 37 (Supprimé)

M. Louis Mermaz.  - La rétention administrative doit, pour le Conseil constitutionnel, être placée sous le contrôle du juge, gardien des libertés individuelles. Le Gouvernement voudrait que le juge administratif intervînt avant le juge des libertés et de la détention (JLD). Cette inversion entraîne un allongement considérable du temps de privation de liberté avant l'intervention du juge judiciaire.

La commission des lois a adopté l'amendement présenté par M. Yung, au nom du groupe socialiste, supprimant l'article 37. Mais la politique du chiffre -inefficace et qui rend difficile la vie des gens comme le travail des policiers- appelle à l'éloignement le plus rapide possible des étrangers ; le Gouvernement s'acharne donc à rétablir son texte initial, au motif qu'il faudrait clarifier des procédures inextricables. En reculant l'intervention du JLD, on pourrait expulser des étrangers avant même que la régularité de la procédure d'éloignement ait pu être examinée... Or le Conseil constitutionnel a jugé que le contrôle par le juge judiciaire de la privation de liberté doit intervenir « dans le plus court délai possible ». Nous n'avons aucune défiance vis-à-vis des juges administratifs, mais c'est le JLD qui est le garant des libertés individuelles.

L'inversion des interventions que le Gouvernement réclame va, en outre, désorganiser les juridictions, alourdir considérablement le travail de juges administratifs déjà débordés par le manque de moyens mis à leur disposition et en grève demain pour protester contre le sort qui leur est déjà fait.

Retarder l'intervention du juge judiciaire serait un grave recul. Selon la CNCDH, cette disposition conduirait à offrir à l'étranger en séjour irrégulier moins de garanties que le pire criminel ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous arrivons à un moment tout à fait important, à un choix lourd de conséquences. Le Sénat continuera-t-il à se montrer le défenseur des libertés ? Il y a eu un vote important sur la déchéance de la nationalité, il y en a eu un autre sur l'accès aux soins pour les étrangers. Voici un troisième vote décisif.

La commission des lois a refusé l'article 37, position qu'elle a confirmée lors de sa dernière réunion en se prononçant contre un amendement de rétablissement. J'espère qu'elle ne sera pas désavouée.

Le juge constitutionnel considère comme inconstitutionnel le maintien en rétention pendant sept jours sans intervention d'un juge judiciaire : « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible » -aujourd'hui 48 heures. Il n'y a aucune justification à l'allonger. Si le Sénat y consentait, il se mettrait en contradiction avec la Convention européenne des droits de l'homme qui dispose, dans son article 5, que toute personne arrêtée ou détenue doit être « aussitôt » traduite devant un juge judiciaire.

Le texte originel pose un problème de moyens. Mais il est surtout question de principes : quelqu'un qui, dans notre République, est privé de liberté doit avoir accès à un juge. Je suis confiant dans le vote du Sénat. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La position du Conseil constitutionnel n'a pas échappé à la commission des lois, qui a supprimé l'article 37. Au moment où la France est contrainte de modifier le régime de la garde à vue, l'adoption de l'amendement Longuet la placerait dans une situation qui irait à l'encontre de ce qui est communément admis en matière de contrôle de la privation de liberté. Dès qu'il s'agit des étrangers, les principes volent en éclats !

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié ter, présenté par MM. Longuet, Nègre et Demuynck, Mme Dumas et MM. Courtois, J. Gautier, César et Garrec.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L'article L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « de quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « de cinq jours » ;

2° À la deuxième phrase, les mots : « Il statue » sont remplacés par les mots : « Le juge statue dans les vingt-quatre heures de sa saisine ».

M. Gérard Longuet.  - Je n'ai pas la prétention de refaire l'histoire comparée du droit administratif et du droit judiciaire, séparés depuis 1790 sans que la République ait eu à s'en plaindre.

Le Ceséda est de nature administrative, placé sous l'autorité du juge administratif ; le droit français a toujours reconnu à l'autorité administrative, dans des cas bien encadrés, la possibilité de prendre des mesures de privation de liberté.

Le Conseil constitutionnel dit qu'il est impossible qu'un juge judiciaire n'intervienne pas dans un délai inférieur à sept jours. Il ne dit rien de plus. Mon amendement procède de la commission Mazeaud, parlementaire et juge judiciaire ; il permet à l'autorité administrative d'assumer sa mission de service public au service de la communauté tout entière. On arrive aujourd'hui à des situations d'une complexité incompréhensible pour les malheureux candidats à l'accueil comme pour ceux qui les assistent.

La juridiction administrative, sous le contrôle du Conseil d'État, n'est pas moins respectueuse de la liberté que la juridiction judiciaire. En France, le juge administratif est un juge à part entière.

Nous ne pouvons accepter le procès d'intention qu'on nous fait ; les premiers à pâtir d'une désorganisation des procédures seraient les étrangers en situation régulière. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame)

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'amendement Longuet est solidaire de l'article 30. Je n'ai pas proposé en commission des lois la suppression de l'article 37 qui à mes yeux va dans le sens d'une meilleure administration de la justice et permet de bien distinguer les contentieux administratif et judiciaire. Le rapport Mazeaud a montré que le statu quo n'était pas tenable. Le mieux serait d'unifier les deux contentieux, mais on ne peut le faire sans réviser la Constitution. L'article 37 m'apparaissait comme une solution, certes imparfaite mais préférable au statu quo.

La commission a rejeté l'article par crainte d'inconstitutionnalité -une trop longue privation de liberté sans intervention du juge judiciaire. En 1980, le Conseil constitutionnel a jugé que sept jours étaient un délai trop long ; il a accepté 48 heures en 1997 et ne s'est pas prononcé sur les 96 heures en zone d'attente décidées en 1992. Nous sommes donc entre 48 heures et sept jours.

La commission des lois a supprimé l'article, contre mon avis personnel. Je dois donc dire que l'avis de la commission sur cet amendement est défavorable.

M. Philippe Richert, ministre.  - Cet article est un point central du texte ; il vise à mettre fin à l'enchevêtrement des procédures administratives et judiciaires. Actuellement, le juge des libertés et de la détention statue avant le juge administratif. Cela crée des situations absurdes, dans lesquelles peut être prolongée la rétention d'un étranger sur le fondement d'une mesure d'éloignement qui sera postérieurement annulée...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Ou l'inverse...

M. Philippe Richert, ministre.  - Il est logique que soit d'abord contrôlée la régularité de la reconduite. Cet amendement suit les recommandations de la commission Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel comme chacun sait. Le juge administratif devra statuer dans les cinq jours -sur cinq décisions, contre seulement deux actuellement.

Le Gouvernement vous invite à voter cet amendement.

M. le président.  - J'ai été saisi d'une demande de scrutin public.

M. Richard Yung.  - C'est là le débat le plus important de ce projet de loi. La question de la déchéance relevait du symbole, il s'agissait d'amuser la galerie ; là, on touche aux principes fondamentaux, à l'organisation de la justice en France.

Le rapport Mazeaud évoque une possible inversion du dispositif actuel, vous en faites un impératif. Il est clair que le Ceséda relève du juge administratif ; face à quoi, il y a les libertés individuelles dont le JLD est le garant. Certains font primer le Ceséda, d'autres, dont nous sommes, les libertés.

Sept jours, c'est trop long. On nous en propose cinq plus un... Tout cela a été pesé au trébuchet ...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Non !

M. Richard Yung.  - Restons-en au délai de deux jours, qui est raisonnable.

Nous sommes sur un débat de fond, mais il y a aussi un contexte. On ne peut oublier les attaques répétées contre les juges, qu'il s'agit de « punir », ou du moins de le laisser croire à l'opinion publique.

M. Jacques Mézard.  - Ce qui est proposé, c'est d'abord l'allongement de deux à cinq jours. Ensuite, il s'agit de savoir qui va trancher et dans quel ordre.

Dans son exposé général, la commission des lois explique bien ce qui se passe ; on veut conjurer le risque que le juge des libertés et de la détention prolonge une rétention que le juge administratif casserait. Mais le rapporteur écrit que le cas est rare, le plus fréquent étant le cas inverse... Il écrit aussi que l'intervention de l'autorité judiciaire est une nécessité constitutionnelle.

Le Conseil constitutionnel a admis un délai de 48 heures en 1997, pas cinq jours. Voilà le « plus court délai possible ». Vous essayez de passer en force. Sortir de l'enchevêtrement actuel, oui, mais ce projet de loi n'en fournit pas les moyens. Un référé-liberté est toujours possible ? Veut-on multiplier encore les procédures ?

La commission des lois a eu raison de voir dans l'article 37, que l'amendement Longuet rétablit, un vrai problème constitutionnel.

M. Yves Détraigne.  - L'amendement Longuet pose de vraies questions et il met en lumière certaines incohérences du système actuel. Il arrive que le juge administratif se prononce sur un recours devenu sans objet.

Pour autant, la solution proposée est-elle satisfaisante ? Le juge judiciaire n'interviendrait qu'après l'examen des recours devant le juge administratif. L'étranger pourrait donc être renvoyé avant la décision du juge des libertés et de la détention, alors que l'article 66 de la Constitution fait du juge judiciaire le gardien de la liberté individuelle. Le Conseil constitutionnel réclame le délai le plus court possible. Viendrait-il à l'idée de l'un d'entre nous que le contrôle d'un juge judiciaire n'intervienne qu'au bout de cinq jours de garde à vue ? Certainement pas ! Le groupe UC n'est pas convaincu par l'amendement de M. Longuet ; il ne le soutiendra pas.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - On ne peut comparer une procédure de garde à vue et la procédure qui nous occupe ce soir. Cette comparaison induit en erreur. Il a été dit que le juge des libertés et de la détention serait amené à rendre sa décision après le délai de cinq jours. C'est une erreur. Le juge des libertés et de la détention devra statuer dans les 24 heures du cinquième jour.

M. Philippe Richert, ministre.  - Certains groupes veulent se faire plaisir. Tout est justifiable mais la totalité, c'est cinq jours, pas six ou sept. En outre, les étrangers ne sont pas en situation d'accusés. Ils sont placés en rétention et non pas en détention. C'est bien différent ! Si l'amendement Longuet n'était pas voté, l'enchevêtrement judiciaire demeurerait. J'ai entendu dire que les juges administratifs auraient trop de travail. Mais le projet de loi de finances prévoit un effort particulier pour leur venir en aide. Le Gouvernement vous demande donc de voter cet amendement et d'être cohérents.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Vous expliquez, monsieur le ministre, que du fait du manque de juges il faut des jours supplémentaires de rétention. Autant dire que vous voulez que les étrangers payent votre incurie. (Protestations à droite) Les étrangers ne sont pas des criminels !

M. Gérard César.  - N'importe quoi !

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°1 rectifié ter est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 153
Contre 184

Le Sénat n'a pas adopté.

(Applaudissements à gauche)

L'article 37 demeure supprimé.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°407, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 37, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À peine de nullité, le contrôle de titre prévu à l'alinéa précédent ne peut être fondé que sur des éléments objectifs d'extranéité déduits de circonstances extérieures à la personne même de l'intéressé. »

2° Au dernier alinéa, les mots : « à l'alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa ».

M. Richard Yung.  - Les contrôles d'identité se font malheureusement surtout sur l'apparence.

Les personnes d'origine africaine et maghrébine ont sept ou huit fois plus de chance d'être contrôlés que les Caucasiens.

Le Conseil constitutionnel en 1993 avait confirmé que les contrôles d'identité devaient s'opérer « exclusivement sur des critères objectifs » ; il est temps d'inscrire ces principes dans la loi.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La commission des lois demande l'avis du Gouvernement.

M. Philippe Richert, ministre.  - Les contrôles au faciès sont déjà proscrits ; la jurisprudence de la Cour de cassation est unanime.

J'ai été choqué par les sous-entendus de M. Yung : à l'en croire, les contrôles au faciès seraient monnaie courante... C'est une attaque gratuite contre les forces de l'ordre qui travaillent sérieusement dans des conditions difficile. (Exclamations sur les bancs socialistes ; applaudissements à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il y a des instructions en ce sens !

M. Louis Mermaz.  - Je suis étonné par vos propos monsieur le ministre. Nous avons procédé à des auditions de policiers : « On nous demande d'éponger la mer avec une petite cuillère, parce que de toute façon les étrangers sont là » nous a dit l'un d'entre eux. « On nous dit » déclare un autre de « faire de l'Indien et du Chinois parce que les consulats les reconnaissent ».

« Les commissaires qui ne se plient pas à ces injonctions voient leur carrière ralentie ».

Voilà ce que disent les représentants des forces de l'ordre.

Nous avons eu des témoignages directs et je souhaite que cet amendement soit voté.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je souscris aux propos de MM. Yung et Mermaz. Je me permets de poser une question à M. le ministre : vous nous avez dit qu'il y aurait un effort de fait pour les tribunaux administratifs. Quel en sera la réalité ?

Dans Le Monde de ce soir, M. Mercier dit qu'il y allait avoir un effort pour les juges d'application des peines, pour les conseillers de probation et pour les greffiers. Il a aussi déclaré que les réformes nouvelles -les jurys populaires en correctionnelle- posent la question des moyens.

Sera-t-il possible de savoir pour l'année en cours par combien de postes se traduira « l'effort » pour les juges administratifs, le juge d'application des peines, les conseillers, les greffiers et les magistrats ?

Des chiffres précis éclaireraient nos débats. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Roland Courteau.  - Voilà des questions précises !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le monde de la justice est dans la rue. Il faut donc des moyens. Sur les contrôles au faciès, M. Mermaz a bien traduit le sentiment des syndicats de policiers.

Allez voir les stations de métro « gare du Nord » ou « porte d'Ivry », vous y verrez ce qu'il en est des contrôles au faciès ! (« Très bien ! » à gauche)

Mme Bariza Khiari.  - Loin de nous l'idée de critiquer nos policiers : nous avons dénoncé leur manque de moyens. Mais vous savez bien que certains jeunes sont contrôlés plusieurs fois par jour par des équipes obligées de faire du chiffre. Ils sont français, mais ils ne sont pas blancs : c'est bien ce qu'on appelle un contrôle au faciès ! Il ne sert à rien de l'ignorer ou de le nier.

L'amendement n°407 n'est pas adopté.

L'amendement n°408 devient sans objet.

Article 38

M. le président.  - Amendement n°192, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Ces nouvelles dispositions mettent les droits des étrangers entre parenthèses. De nombreux étrangers, arrivés dans un centre de rétention de longues heures après leur placement théorique dans celui-ci, seront privés de leur droit de contester la mesure d'éloignement dont ils font l'objet. De plus, la privation de liberté durant le transfert de ces étrangers, qui pourra s'étendre pendant un temps indéterminé, est dépourvue de tout cadre juridique : ni le régime de la garde à vue, ni celui de la rétention administrative ne seront applicables.

M. le président.  - Amendement identique n°409, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Claude Domeizel.  - Avec cet article, la notification des droits aux étrangers est repoussée dans le temps. L'ensemble de ces mesures réduit les droits et garanties des étrangers. C'est pourquoi il convient de supprimer cet article qui contrevient à la Déclaration des droits de l'homme et qui n'est pas viable juridiquement.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet article est indispensable ; il ne serait pas judicieux de le supprimer.

M. Philippe Richert, ministre.  - Même avis défavorable.

Les amendements identiques n°s192 et 409 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°94 rectifié, présenté par MM. Nègre, Couderc, Beaumont, Milon, Houel et Cointat.

Alinéa 2

I. - Première phrase

Après les mots :

dans les meilleurs délais

insérer le mot :

possible

II. - Deuxième phrase

Supprimer cette phrase.

M. René Beaumont.  - La commission des lois a voulu éviter une interprétation par trop restrictive des droits de l'étranger, mais sa rédaction risque d'avoir un effet contraire à cet effort de précision.

En effet, l'article 38 a une visée essentiellement pragmatique. Il invite le juge des libertés et de la détention à prendre en considération les circonstances concrètes du placement en rétention. La suppression du mot « possible » attenue la portée de cette réforme qui rappelle, en conformité avec la jurisprudence de la Cour de cassation, l'exigence faite au juge des libertés et de la détention d'un contrôle « in concreto ».

L'ajout des précisions est superfétatoire dès lors qu'il incombe au juge judiciaire d'exercer toutes les investigations utiles pour vérifier l'effectivité de l'exercice des droits de la personne retenue. En outre, cet ajout risque d'être le support d'un rebond d'un contentieux sensible, connu sous la dénomination de « jurisprudence Mappy », où des juges de première instance se fondent sur des sites internet pour contester la durée des trajets.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La commission estime qu'il est préférable de s'en tenir au droit en vigueur : avis défavorable.

M. Philippe Richert, ministre.  - Avis favorable car le juge des libertés et de la détention ne doit pas se pencher sur la durée du transfert. L'intérêt des services chargés de ces transferts est d'aller le plus rapidement possible pour se consacrer à d'autres tâches plus intéressantes. L'administration ne prend pas un malin plaisir à faire durer les transferts ! Il y a peu de chances que cet amendement soit voté, mais il en va de l'efficacité de nos services. Prenez en compte ces contraintes opérationnelles.

M. Richard Yung.  - Nous n'aimons pas cet article 38 à cause de cette nouvelle notion de délai qui court à partir de l'arrivée dans le centre de rétention. Nous ne mettons pas en cause le rôle de l'administration mais nous pensons que la défense des droits doit commencer le plus tôt possible.

Nous avons souhaité la suppression de cet article mais la rédaction de la commission des lois est meilleure que ce que demande cet amendement.

L'amendement n°94 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°70 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéa 2, première phrase

Après le mot :

valoir

Supprimer la fin de cette phrase.

M. Jacques Mézard.  - L'étranger doit être en mesure de faire valoir ses droits dès son arrestation et non à compter de son arrivée en centre de rétention. Il s'agit d'un amendement de repli. M. le ministre nous a parlé de contraintes opérationnelles mais elles ne peuvent être mises en balance avec les libertés fondamentales. De plus, cet article contrevient à la Convention européenne des droits de l'homme.

L'amendement n°70 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°91, présenté par Mme Troendle.

Alinéa 2, dernière phrase

Après les mots :

disposition de la justice,

insérer les mots :

dans des conditions fixées par le procureur de la République,

Mme Catherine Troendle.  - L'article L. 552-2 du Ceséda prévoit que l'étranger est maintenu à disposition de la justice pendant le temps strictement nécessaire à la tenue de l'audience et au prononcé de l'ordonnance.

Afin de sécuriser la situation de l'étranger pendant ce délai, cet amendement précise que les conditions du maintien à disposition de la justice sont fixées par le procureur de la République.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cette précision est importante.

L'amendement n°91, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 38, modifié, est adopté.

Article 39

M. le président.  - Amendement n°71 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

M. Jacques Mézard.  - Cet article limite les cas dans lesquels le juge pourrait sanctionner les irrégularités formelles qu'il constate par la remise en liberté de la personne maintenue en zone d'attente, en introduisant une hiérarchie entre les irrégularités formelles suivant qu'elles porteraient atteinte ou non aux droits des étrangers.

Concrètement, cela signifie que l'étranger devra justifier de cette « atteinte aux droits », notion éminemment subjective, devant le juge pour pouvoir obtenir l'annulation de la procédure.

De plus, une telle disposition génère un contentieux important sur la définition de ce qui est « substantiel » ou non.

Pour ce qui concerne les nullités, cette matière doit être analysée par analogie avec le domaine pénal. Existe-t-il des nullités qui n'entraînent pas des préjudices ?

M. le président.  - Amendement identique n°193, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Tout comme l'article 10, cet article limite le pouvoir d'appréciation du juge judiciaire. Désormais, une irrégularité n'entraînera la mainlevée de la mesure de maintien en rétention « que si elle présente un caractère substantiel et a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger ». Une telle mesure, réalisée au détriment des droits des étrangers, vise à passer sous silence des irrégularités de procédure, ce qui ne peut se justifier. La CNDH constate que le vice de procédure doit s'analyser in concreto. J'ajoute qu'avec un tel article, le contentieux risque de s'accroître considérablement.

M. le président.  - Amendement identique n°410, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Roland Courteau.  - Cet article vise à donner satisfaction à l'administration qui se plaint des contrôles tatillons des juges, mais il rend les droits de l'étranger largement théoriques.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet article ne saurait être supprimé, d'autant que l'amendement n°500 de la commission des lois supprime une part de la difficulté.

M. Philippe Richert, ministre.  - Cet article se borne à intégrer la jurisprudence de la Cour de cassation. Il ne créera pas de contentieux, puisqu'il va homogénéiser la jurisprudence ! Avis défavorable.

Les amendements identiques n°s71 rectifié, 193 et 410 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°500, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Alinéa 2

Supprimer les mots :

présente un caractère substantiel et

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement est identique à celui que nous avons adopté à l'article 10 sur les zones d'attente.

M. Philippe Richert, ministre.  - Sagesse.

L'amendement n°500 est adopté.

L'article 39 modifié est adopté.

L'amendement n°2 rectifié ter est retiré.

L'article 40 demeure supprimé.

Article 40 bis

M. le président.  - Amendement n°72 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

M. Jacques Mézard.  - Nous ne voyons pas ce qui justifie l'allongement du délai accordé au procureur. Le délai actuel de quatre heures pose déjà des problèmes pratiques aux avocats qui doivent réagir en urgence.

Dans la logique de la RGPP, il ne faut pas allonger le délai de quatre à six heures car vous allez bloquer les escortes deux heures de plus.

En allongeant les procédures vous réduisez les droits.

M. le président.  -  Amendement identique n°195, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Mêmes arguments. Nous nous opposons à l'allongement de la durée durant laquelle l'étranger est maintenu à disposition de la justice.

M. le président.  - Amendement identique n°412, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Richard Yung.  - Pourquoi ce délai de six heures ? Est-il calqué sur celui du référé-détention en matière pénale ? Les deux procédures n'ont rien de commun... L'avocat ne pourra pas travailler correctement.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le délai de quatre heures ne paraît pas suffisant pour que le parquet puisse rédiger la motivation de sa demande.

Avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. Philippe Richert, ministre.  - Même raisonnement.

Les amendements identiques n°s72 rectifié, 195 et 412 ne sont pas adoptés.

L'article 40 bis est adopté.

Article 41

M. Louis Mermaz.  - Cet article allonge à 45 jours la durée maximale de détention dans les centres de rétention administrative.

Après une première peine de cinq jours, l'administration pourrait demander une nouvelle rétention de vingt jours renouvelable une fois.

Il s'agit, nous dit-on, d'améliorer les procédures.

Mais la rétention administrative doit être la plus courte possible. La directive « Retour » fixe une durée de rétention maximale mais n'oblige aucun État à la retenir. La commission des lois a adopté un amendement qui permettait de maintenir certains étrangers plus de dix-huit mois en centre de rétention ! N'allons pas créer un Guantanamo à la française ! Ce serait contraire à la Convention européenne des droits de l'homme. La Loppsi permet de soumettre au bracelet électronique certains étrangers pour des faits graves.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Vous avez voté contre !

M. Louis Mermaz.  - Il n'est pas acceptable de détenir dans les mêmes lieux des gens que l'on soupçonne de terrorisme et des gens qui sont seulement en attente de départ.

M. le président.  - Amendement n°73 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

M. Jacques Mézard.  - M. Hortefeux nous a expliqué que cet allongement de la durée de rétention des étrangers qui passerait de 32 à 45 jours ferait de notre pays un exemple de liberté. Il va cependant contre l'esprit de la directive « Retour ». Cet article 41 ne devrait pas servir à grand-chose, au vu des chiffres actuels : la durée moyenne de rétention est de dix jours... D'après les statistiques de la Cimade, en 2009, 10 % des étrangers en rétention ont été privés de liberté entre 28 et 32 jours avant d'être libérés. En outre l'allongement de la durée de la rétention va contre votre prétendue volonté de réduire les déficits publics.

M. le président.  - Amendement identique n°196, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Cet allongement de la durée de rétention en change la nature, pour en faire une véritable privation de liberté. La directive d'ailleurs insiste sur le fait que la privation de liberté ne doit être utilisée qu'en dernier recours.

En 2009, seulement 2,9 % des documents ont été délivrés après la durée de rétention. Cet article va dans le sens d'une criminalisation des étrangers en situation irrégulière.

M. le président.  - Amendement identique n°413, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Le régime dérogatoire des étrangers tend à aller jusqu'à dix-huit mois et à faire une sorte de Guantanamo à la française. Le recours abusif à la rétention administrative, outre qu'il est coûteux -533 millions !- et détourne nombre de fonctionnaires de leur mission première, ne pourra qu'aggraver la souffrance des personnes retenues et marquer le psychisme des enfants. On va vraiment beaucoup trop loin ! Cessons cette escalade !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'Union européenne négocie des accords de réadmission sur la base de 45 jours ; la durée maximale de rétention fixée par la directive est de six mois ; enfin, cet allongement ne concerne qu'une minorité d'étrangers. Il n'y a donc pas de raison de supprimer cet article.

M. Philippe Richert, ministre.  - Cet allongement est nécessaire car il permettra la réussite des éloignements qui échouent souvent en raison d'une délivrance trop tardive des laissez-passer consulaires. Le délai moyen de délivrance d'un laissez-passer consulaire est de 35 jours pour la Chine, 36 pour le Pakistan, 37 pour l'Inde, 38 pour le Mali, 43 pour le Nigéria...

Cette mesure n'est pas excessive : la durée est illimitée au Royaume-Uni, de dix-huit mois aux Pays-Bas, au Danemark et en Suède... Nous ne sommes donc pas sur une durée exagérée !

Certains terroristes ne peuvent être immédiatement éloignés pour des raisons administratives. En attendant, les héberger à l'hôtel n'est pas satisfaisant en termes de sécurité. Voilà l'article que vous voulez supprimer !

Les amendements identiques n°s73 rectifié, 196 et 413 ne sont pas adoptés.

L'amendement n°3 rectifié ter est retiré.

M. le président.  - Amendement n°414, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous refusons que des personnes ayant purgé leur peine soient mises en rétention. Pourquoi l'assignation à résidence ne serait-elle pas, là, une alternative valable ? La seule finalité de la rétention administrative est d'organiser le départ de l'étranger. On ne peut faire d'amalgame entre dangerosité et irrégularité du séjour. Il serait tout de même choquant de faire cohabiter terroristes et personnes en attente de leur renvoi.

L'amendement n°414, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 41 est adopté.

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 10 février 2011, à 9 heures 30.

La séance est levée à minuit.

René-André Fabre,

Directeur

Direction des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du jeudi 10 février 2011

Séance publique

À 9 HEURES 30, 14 HEURES 30, LE SOIR ET, ÉVENTUELLEMENT, LA NUIT

- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (n° 27, 2010-2011).

Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 239, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 240, 2010-2011).

- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.

Rapport de Mme Colette Giudicelli, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 256, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 257, 2010-2011).

Avis de M. Bruno Retailleau, fait au nom de la commission de l'économie (n° 252, 2010-2011).

Avis de Mme Catherine Morin-Desailly, fait au nom de la commission de la culture (n° 275, 2010-2011)