Politique universitaire (Questions cribles)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur le suivi de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) et de la politique universitaire française.

M. Ivan Renar.  - Quatre ans après le vote de la loi LRU, son bilan est contrasté et le rapport du comité de suivi le confirme en quelque sorte : quelques pôles richement dotés, face à un grand nombre d'établissements en déshérence.

Ces universités pourront-elles être pérennisées et assurer la qualité de la recherche française et l'accueil des étudiants ?

Tant les conditions d'enseignement universitaire que les conditions de vie des étudiants souffrent de cette situation. Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.  - Vous avez eu l'honnêteté de ne pas faire endosser vos analyses par le comité de suivi... En 2007, il n'y avait pas une université une et indivisible, et bien dotée, mais des universités sous dotées avec des filières délaissées car on jugeait toute réforme impossible. La loi sur l'autonomie a permis de leur attribuer des moyens sans précédent.

Lille 2 a vu ses moyens de fonctionnement augmenter de 56 % en quatre ans, Lille 3 de 23 %, Lille 1 de 18 %, l'université d'Artois de 23 %, celle de Valenciennes de 19 %. En moyenne, l'accroissement des budgets a atteint 22 %. Et ce, sans que l'université soit soumise à la règle du 1 sur 2, puisque tous les emplois universitaires ont été sanctuarisés. Plus de 1 500 postes ont été pourvus.

Moins de précarité, plus de moyens, plus de sécurité des étudiants, comme le montre bien le rapport Demuynck.

M. Ivan Renar.  - Vous êtes bien optimiste ! Je pense que l'université ne se porte pas aussi bien et vous devriez écouter les enseignants et les étudiants.

La loi SRU a contraint les universités à faire des choix qui ont abouti à une extrême précarisation : d'après une enquête nationale des syndicats, il y a 50 000 précaires dans les établissements universitaires français, soit un quart de l'effectif total. Il faudra bien, un jour, réformer la réforme !

Mme Catherine Morin-Desailly.  - La loi LRU est une des réformes les plus importantes de la législature et le groupe de l'Union centriste l'a soutenue, avec le rapporteur Jean-Léonce Dupont.

Une préoccupation nous taraude : l'insertion professionnelle des diplômés. A-t-on des données précises ? Quid de l'adaptation de l'offre universitaire ? Et des effets de la réforme de la licence en la matière ?

De nouvelles enquêtes sont-elles prévues ? Il faut que l'université débouche sur l'emploi.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Je vous remercie de votre soutien indéfectible à la réforme.

L'inscription dans la loi de l'insertion professionnelle comme troisième mission de l'université, avec la formation et la recherche, a été un tournant. Les titulaires d'un mastère sont 91,4 % à obtenir un emploi dans les mois qui suivent. Nous avons attendu trente mois pour le mesurer, afin de gommer l'effet crise. Nous ferons les mêmes enquêtes pour les étudiants de licence et à la sortie des IUT, afin que les jeunes puissent s'orienter en toute connaissance de cause.

La réforme de l'autonomie a porté ses fruits : le nombre de bacheliers à faire des inscriptions dans une université leur premier voeu a crû de 16 %. C'est la preuve que les universités sont redevenues attractives.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Je saisis l'occasion pour évoquer l'annulation de l'épreuve subie par les étudiants de médecine, qu'ils repassent aujourd'hui même. Le Gouvernement doit assumer sa part de responsabilité dans ces erreurs répétées.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Je ne conteste ni l'autonomie des universités -si elle reste de service public- ni le rapprochement. Mais je vois une contradiction entre resserrement de la gouvernance et incitation à la fusion. Ce sont les pôles d'enseignement supérieur et de recherche (Pres) qui font problème. Vous plafonnez leurs conseils d'administration à 30 membres dont 14 enseignants chercheurs, pour parfois 40 000 à 70 000 étudiants. Le rapport de la Cour des comptes le mentionne. Ne faut-il pas revaloriser les conseils scientifiques et le CPU ?

Cette centralisation excessive, du fait du regroupement des universités, vise à nous faire remonter dans le classement de Shanghai. Or les universités qui émergent ne sont pas forcément grandes, mais elles le sont par le nombre de leurs doctorants. Dans votre projet de regroupement, ne risque-t-on pas de laisser à l'écart de petites universités de technologie comme Belfort ou Troyes ? Le ministère a-t-il une doctrine ou pratique-t-il le laisser-faire en la matière ?

L'université de Compiègne se rapproche de Paris VI. Pourquoi n'avez-vous pas incité à constituer de grandes universités de technologie ? La France du nord-est, de tradition industrielle, n'a-t-elle pas besoin d'un grand pôle d'ingénierie ? Une stratégie territoriale reste à construire.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Je vous rassure : nous y travaillons. Mais l'autonomie doit être respectée jusqu'au bout, y compris en laissant Compiègne se rapprocher de Paris VI. Ma politique n'est pas de marier de force mais de recoller les morceaux cassés en mai 68.

Nos universités ont des premiers cycles ; à l'étranger, les universités prestigieuses commencent au second cycle, avec de belles grandes écoles doctorales. Voilà les universités de tous les savoirs que nous souhaitons pour la France !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - L'autonomie doit être de service public. Elle ne doit pas signifier « laisser-faire ». Pourquoi Compiègne se rapproche-t-elle de Paris VI en renonçant à la synergie avec Troyes ? Les synergies dans les régions sont très inégales. J'aurais aimé des réponses plus précises, en particulier sur la filière d'ingénierie dans le grand nord-est, mais le couperet du temps de parole tombe sur votre tête comme sur la mienne...

M. Jacques Legendre.  - La loi du 10 août 2007 est un succès que chacun salue.

M. David Assouline.  - Pas du tout !

M. Jacques Legendre.  - Les établissements supérieurs d'enseignement et de recherche ont été mis au coeur de notre politique universitaire. Vous avez souhaité accélérer les regroupements avec les Pres.

Comment ceux-ci s'articuleront-ils avec les investissements d'avenir ? Et avec l'autonomie des universités ?

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Il fallait le socle de l'autonomie pour pouvoir construire. Sur ce socle, nous avons bâti un certain nombre de plans, dont le plan Campus. Et puis est venue la décision visionnaire du président de la République (marques d'ironie à gauche) d'investir massivement dans le cadre du Grand emprunt : 22 milliards en pleine crise, ce n'est pas rien ! L'autonomie, c'est l'émulation, mais c'est aussi la coopération entre les universités. Vous le voyez, avec le Pres Lille-Nord de la France, qui rassemble les trois universités lilloises, celles de l'Artois et de Valenciennes, qui vont développer des projets porteurs de ces emplois qu'attendent les jeunes, dans les domaines des transports , de la lutte contre le diabète et l'obésité et des énergies décarbonées grâce à un nouveau plastique naturel.

M. Jacques Legendre.  - Les anciens comportements persistent, avec l'attente de l'intervention de l'État, et de nouvelles pratiques s'affirment, comme les concours internationaux. Nous voulons être sûrs que ceux-ci ne creuseront pas les inégalités.

M. David Assouline.  - En 2007, je vous avais interpellée sur le manque d'ambition d'un texte centré sur la gouvernance, avant de déterminer des objectifs dont le premier était de limiter l'échec en premier cycle. Vous avez refusé de m'entendre. Entendrez-vous la Cour des comptes ? L'installation des Pres a pris du retard en Aquitaine et à Paris-sud parce que vous avez considéré l'autonomie comme la concurrence sauvage des universités et non comme la gestion concertée d'établissements dotés de moyens réels.

Il faut simplifier les dispositifs. Vous voulez que nos universités soient « visibles à l'international », encore faut-il qu'elles soient lisibles sur le plan national.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Venez avec moi sur le terrain ! Au lieu de 85 universités, nous avons 18 Pres. La logique de solidarité est en marche. Nancy et Metz ont fusionné, comme Aix et Marseille ! Les quatre universités de Bordeaux aussi se sont regroupées. Personne n'y échappera, pas même la capitale.

Ces alliances sont extraordinairement bénéfiques. Villetaneuse est maintenant dans Paris intra muros. Je ne vois pas pourquoi l'autonomie couperait l'envie de se marier ! (Sourires)

M. David Assouline.  - Vous noyez le poisson ! (Exclamations à droite) À vous entendre, vous avez tout fait, mais vous n'avez pas dit un mot sur le rôle des régions, que nous dirigeons pour la plupart.

La Cour des comptes dénonce vos échecs, vous n'y répondez pas.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. David Assouline.  - Il est anormal que tant d'étudiants échouent en première année.

M. le président.  - Il faut conclure maintenant.

M. David Assouline.  - La France doit se donner des moyens à la hauteur de ses ambitions.

M. Christian Demuynck.  - Madame le ministre, le président de la République vous a confié une des réformes les plus importantes de son mandat : l'autonomie des universités. Celle-ci est un succès : au 1er janvier 2011, 90 % des universités étaient autonomes. L'État a consacré des moyens importants à la réussite de cette réforme ; pouvez-vous nous dire quels en sont les bénéfices pour les enseignants et les étudiants ?

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - La réduction du taux d'échec des étudiants en premier cycle ! Pas moins de 50 % des bacheliers étaient recalés en première année. Grâce aux initiatives prises depuis 2007 et à la réorientation, la France aura le taux le plus bas d'étudiants sortant de l'université sans diplômes : 20 %. C'est un grand succès pour l'université française ; c'est le meilleur résultat de toute l'OCDE. Le plan contre l'échec universitaire, réclamé par les étudiants, a été doté de 730 millions.

En ce qui concerne les personnels, l'autonomie a permis de mettre en place une véritable politique de gestion.

M. Christian Demuynck.  - Merci de cette réponse. Madame le ministre, je vous félicite de votre courage lors des grèves de 2007 et 2009. Tous les étudiants et enseignants que j'ai rencontrés m'ont fait part de leur attachement à l'autonomie.

Encore toutes mes félicitations : dans quelques années, nos universités seront au top de l'excellence mondiale !

M. David Assouline.  - Monsieur le président, vous n'intervenez pas pour faire respecter le temps de parole ? C'est étrange.

Mme Marie-Christine Blandin.  - L'autonomie est un chantier enthousiasmant, mais dangereux dans les mains de ce Gouvernement. Les universités ont hérité, en même temps que des bâtiments, des problèmes de désamiantage ; elles ont de nouvelles responsabilités dans la gestion du personnel, mais peuvent être tentées de recourir davantage à des contractuels. Certes, nous n'en sommes pas au mercato des grands clubs de foot, mais il y a de quoi s'inquiéter. Madame la ministre, pouvez-vous dresser un bilan du patrimoine immobilier des universités et du nombre de contractuels recrutés ?

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Je vous fournirai des éléments plus précis par écrit. La concurrence n'est pas un choix que nous aurions fait, c'est une réalité de la mondialisation. Notre réforme a sauvé l'université française du déclin.

Je vais vous décevoir : l'emploi n'a jamais été autant sécurisé dans l'université française ! Les titularisations augmentent. Cela dit, je suis favorable à la sécurisation des emplois permanents, mais je suis aussi favorable aux CDD car je veux l'ouverture de l'université aux étrangers, aux personnalités qualifiées et à tous les talents de l'extérieur !

Mme Marie-Christine Blandin.  - Nous avons noté l'ouverture avec la nomination d'un directeur régional d'EDF à la présidence d'une université ! Je ne confonds pas concurrence internationale et gestion concertée. D'après la note du 30 juin 2010, on pourra financer le chauffage des salles de classe l'hiver en piochant sur les crédits destinés aux enseignants. Voilà pourquoi nous nous inquiétons !

M. Philippe Adnot.  - Je soutiens, comme de nombreux collègues, votre excellente réforme.

Le transfert du parc immobilier aux universités pose problème : j'ai souligné le caractère incertain et aléatoire de la valorisation effectuée par France Domaines. Un effort de stabilisation et de transparence est nécessaire.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Le transfert de la propriété du patrimoine immobilier aux universités constitue un sujet majeur. Désormais, les établissements pourront définir leur stratégie. L'évaluation des biens et de leur coût d'investissement fait couler beaucoup d'encre. Nous veillons à ce qu'elle soit la plus transparente possible. Trois universités sont désormais propriétaires : Clermont-Ferrand I pour 111 millions, Toulouse I pour 105 millions et Poitiers pour 220 millions. Les négociations sont en cours avec Jussieu pour un bien situé dans un des plus beaux quartiers de Paris, évalué entre 800 millions et un milliard.

Pour finir, je rappelle que vous avez, dans votre grande sagesse, rendu obligatoire la certification des comptes des universités.

M. Philippe Adnot.  - Certes, mais les certificateurs ont besoin de disposer des éléments qui ont servi à fixer la certification.

La séance est suspendue à 17 h 50.

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présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

La séance reprend à 18 h 5.