Compétitivité (Questions cribles thématiques)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle des questions cribles thématiques sur la compétitivité. J'invite les orateurs à respecter leur temps de parole...

Mme Isabelle Pasquet.  - La compétitivité est un moyen pour améliorer la qualité de vie et procurer emploi et cohésion sociale. Dixit le Medef, dans un document signé par la CFDT, la CFTC et la CGE-CFE. Nous pourrions être d'accord si cette déclaration n'était une charge contre les droits des travailleurs. Pour eux, modernisation rime avec précarisation. Ils dénoncent aujourd'hui votre plan d'austérité qui accroît les inégalités. Nos entreprises sont rentables -mais Unilever délocalise le site de Fralib Géménos en Pologne et met ses profits en Suisse !

Que proposez-vous à ces travailleurs de la région de Marseille dont le plan social a été annulé par la justice et qui se battent à votre place pour préserver l'emploi industriel ? Allez-vous enfin les rencontrer ? (Applaudissements à gauche)

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.  - Veuillez excuser mon retard : j'étais auprès des acteurs économiques. Le site d'Unilever, dans le bassin marseillais, est historique. Le Gouvernement est mobilisé depuis novembre 2010 et a réuni tous les acteurs pour trouver des alternatives à la fermeture. Certaines pistes -comme la cession de la marque Éléphant aux salariés- n'étaient pas envisageables. Nous avons demandé à Unilever de proposer un accompagnement à la hauteur de ses moyens et des mesures de reclassement adaptées dès la décision de justice connue.

Mme Isabelle Pasquet.  - Les salariés n'ont pas été reçus. Leurs droits sont bafoués. L'annulation du plan social aurait dû avoir d'autres suites ! On voit bien de quel côté est le Gouvernement. Alors que certains salariés ont reçu des fiches de paie négative, le Gouvernement n'est même pas prêt à les recevoir pour enfin écouter leurs propositions ! (Applaudissements à gauche)

M. Alain Bertrand.  - En zone hyper-rurale, difficile de faire du chiffre d'affaires. L'hyper-ruralité, en Lozère, c'est l'absence de grandes villes, de facultés, d'infrastructures...

Les prix y sont plus élevés qu'à Paris ou Marseille : le carburant, les études, les denrées alimentaires...

Malgré les ZRR, et les pôles d'excellence ruraux, c'est un sacerdoce que d'entreprendre en zone rurale. Il faut des aides spécifiques, un dispositif favorisant l'initiative. Qu'envisagez-vous pour que ces territoires défavorisés retrouvent leur compétitivité et participent à la richesse nationale ? (Applaudissement à gauche)

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - J'aime la Lozère, comme la Haute-Loire, que je connais bien.

M. Alain Néri.  - Et le Puy-de-Dôme ?

M. Ronan Kerdraon.  - ... ou la Bretagne ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - J'y étais récemment. Je fais trois déplacements par semaine...

Je rappelle que le logement coûte moins cher dans ces zones qu'en ville et qu'elles bénéficient de vrais avantages : évitons le misérabilisme !

Ce n'était, d'ailleurs, pas votre propos... Les retours financiers au titre de la politique européenne de cohésion, la restructuration de la carte militaire, la couverture numérique et l'accès au multicanal, l'accès aux services de santé sont des sujets majeurs.

La compétitivité passe par les synergies, via la politique des pôles et des grappes. Le dernier appel à projet s'est conclu fin 2011 : ce sont en tout 652 projets, financés à hauteur de 475 millions depuis 2006. Les grappes d'entreprises, de TPE et PME, permettent d'améliorer la performance : 126 ont été sélectionnées, pour 24 milliards sur deux ans. Par ces actions concrètes, nous engageons notre pays sur la voie de l'innovation.

M. Alain Bertrand.  - Merci. La couverture a haut débit pour tous, très bien. Mais nous voulons une discrimination positive pour les zones rurales et hyper-rurales. Nous pouvons créer des emplois dans nos petits villages qui, placés côte à côte, forment la plus grande ville de France !

M. Jean Bizet.  - Les nouvelles tensions économiques mondiales annoncent une conjoncture très dégradée. Seule une compétitivité durable de nos entreprises contribuera au rétablissement. Nos PME doivent pouvoir faire face à la concurrence.

Or les indicateurs sont dans le rouge : coût du travail, manque de flexibilité du marché du travail, complexité de la fiscalité. J'y ajouterai l'accès au crédit des PME, qui sont les plus vulnérables. Que compte faire le Gouvernement pour améliorer le financement de l'économie ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Au cours de mes trois déplacements par semaine, je rencontre les acteurs économiques. J'ai demandé à la Banque de France un indicateur sur les petits crédits. L'encours des crédits aux entreprises s'élève à 267 milliards : il n'a jamais baissé durant la crise, grâce à la mobilisation du Gouvernement, notamment à la création du médiateur du crédit. J'ai mis en place un numéro Bleu Azur pour mettre les PME en contact direct avec le médiateur ou avec le correspondant PME du département. On en est à 100 appels par jour ; des solutions sont trouvées dans 60 % des cas. J'ai annoncé que, à chaque publication des statistiques de la banque de France, le réseau bancaire le plus performant et le moins performant, auraient à expliquer leurs résultats.

M. Jean Bizet.  - Je m'en félicite. La convergence avec l'Allemagne doit être fiscale, mais aussi sociale. C'est la seule solution, à terme, pour un marché unique performant.

M. Vincent Delahaye.  - La compétitivité de la France s'érode, la croissance est nulle, la balance commerciale déficitaire. L'instabilité fiscale pèse lourd, on l'a vu notamment avec le photovoltaïque.

M. Roland Courteau.  - C'est bien vrai !

M. Vincent Delahaye.  - Les TPE peinent à devenir des PME. Que comptez-vous faire pour leur simplifier la tâche ?

Le coût du travail est trop élevé en France, par rapport à l'Allemagne notamment. Une solution serait d'adopter la TVA sociale, une mesure souvent évoquée mais jamais concrétisée. Elle permettrait, en outre, de lutter contre les délocalisations et de financer la protection sociale. Que compte faire le Gouvernement ? (Applaudissements au centre)

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Effectivement, depuis 30 ans, les gouvernements successifs ont choisi la voie facile de l'endettement.

M. Roland Courteau.  - Certains plus que d'autres !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Je vois que vous le revendiquez !

Le Gouvernement a travaillé, avec constance, à diminuer le niveau des prélèvements obligatoires, qui pèsent sur la compétitivité des entreprises. D'où la suppression de la taxe professionnelle, qui leur a rendu 17 milliards.

Vous me permettrez de prendre des distances avec le terme de TVA sociale...

M. Alain Néri.  - Elle est antisociale !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Le président de la République a installé un haut comité chargé de réfléchir au financement de la protection sociale. Redresser les finances tout en préservant la compétitivité a été l'engagement courageux de ce gouvernement : le CIR a été maintenu quand il aurait été plus simple de couper dans les investissements.

M. Vincent Delahaye.  - Le mot « TVA sociale » n'est peut-être pas le meilleur ; on peut préférer parler de « TVA « emploi » comme Manuel Valls, ou de « TVA anti-délocalisation ». L'important est de favoriser le développement de l'emploi industriel et de chercher plus à réduire les dépenses qu'à accroître les recettes. Il est possible que des mesures drastiques mènent à la récession mais quitte à avoir la récession, autant avoir pris des mesures drastiques.

M. Martial Bourquin.  - Faisons un sort à quelques idées reçues : d'après l'Insee, en 2011, le coût du travail est, en France, de 33,16 euros et de 33,37 euros en Allemagne. Le temps de travail est équivalent. En revanche, notre taux de chômage est de 9,7 % contre 6,9 % en Allemagne, et notre déficit du commerce extérieur bien plus élevé. La faute au coût du travail ? C'est plus compliqué. Le Gouvernement a tout misé sur les grands groupes. Et nos PME et nos TPE ? Elles travaillent dur et créent de la richesse. (Applaudissements à gauche) C'est en clustérisant nos territoires qu'on y arrivera ; le Gouvernement fait fausse route ! Il n'a pas de politique industrielle ! (Applaudissements à gauche)

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - J'attends toujours la question...

M. Roland Courteau.  - Qu'avez-vous fait en dix ans : voilà la question !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - J'étais avec le président de la République à Sallanches. Je vous invite à rencontrer, comme je le fais quotidiennement, les acteurs économiques. Nous avons agi : je pense à Oséo, dont on avait rêvé, et à toutes les autres mesures de soutien.

M. Roland Courteau.  - Sans beaucoup de résultats.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Nous n'avons pas les mêmes chiffres. Selon l'Insee, le coût salarial a progressé en France de 7,5 % de 2000 à 2010 quand il reculait de 3,5 % en Allemagne. Le débat doit s'ouvrir, dans toutes les formations politiques, sur le poids des charges et des 35 heures, qui ont une lourde responsabilité... (Exclamations à gauche)

M. Roland Courteau.  - Vous êtes au pouvoir depuis dix ans !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Et vous voulez supprimer les heures supplémentaires.

M. Michel Vergoz.  - Vous savez bien que c'est de leur fiscalité qu'il s'agit !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Écoutez les acteurs économiques, les artisans, les employeurs, les salariés !

M. Martial Bourquin.  - En tant qu'élus, nous avons des contacts réguliers avec les entreprises. (Applaudissements à gauche) Nous avons la volonté de les aider. Mais que dire quand on voit 4 000 suppressions d'emplois à Sochaux, alors qu'on embauche chez Volkswagen...

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Sans les 35 heures !

M. Michel Vergoz.  - Où est la convergence ?

M. Martial Bourquin.  - Les Français paient très cher l'absence de toute stratégie industrielle et de tout patriotisme économique. Les fabricants français de scooters sont au chômage et La Poste achète des scooters à Taïwan ! C'est révoltant !

M. François-Noël Buffet.  - L'innovation est un enjeu majeur. Pas moins de 8 milliards pour la recherche dans le Grand emprunt, maintien du CIR et création de pôles de compétitivité : le Gouvernement se donne les moyens de ses ambitions. La crise va-t-elle affecter cet engagement ? Quid du fonds pour l'innovation prévue dans le Grand emprunt ? (Marques d'ironie à gauche)

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Il n'est pas question de revenir sur le soutien à l'innovation. Le Gouvernement fait le choix du courage : lui ne met pas sous le tapis la réforme des retraites. (Exclamations à gauche) La France est le pays des savoir-faire ; promouvons-les, le « fabriqué en France » est plus important que le « consommé français ».

Le fonds que vous évoquez est opérationnel depuis juillet 2011 avec 400 millions, dont 200 millions ont déjà été engagés. Je pourrais développer sur le plan de soutien à l'innovation dans les services, le télétravail. La maîtrise des finances publiques concourt aussi à la croissance. L'innovation est la clé de l'avenir !

M. François-Noël Buffet.  - Merci de ces précisions. S'il faut des mesures conjoncturelles face à la crise, l'action en matière d'innovation est bien de nature structurelle.

Mme Christiane Demontès.  - En pleine tourmente, le Gouvernement n'a qu'une réponse à la crise : la rigueur. Les entreprises se battent sur nos territoires, surtout les PME et les TPE. Soutenons-les davantage en recentrant le CIR et en transformant les prêts d'Oséo en avances de trésorerie, en les accompagnant dans les méandres de la vente à l'export. Au-delà des annonces, que va faire le Gouvernement pour la compétitivité ? (Applaudissements à gauche)

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Un recentrage du CIR sur les PME ? Cet outil créé en 2007 est efficace, vous le reconnaissez donc, et 80 % des nouveaux entrants sont des PME ! Je me souviens du débat sur le CIR : fallait-il exclure de son bénéfice les grands groupes ? Je ne le crois pas, car ils tirent notre croissance vers le haut. De nombreux pays voisins nous envient ce dispositif.

Concernant l'export, nous restructurons UBI France, nous identifions des PME « pépites » à fort potentiel, nous avons nommé 246 correspondants pour des ETI, des « entreprises de taille intermédiaire ». Nous sommes donc proactifs. Je pourrais également citer l'action de M. Ricol, ancien médiateur du crédit, sur le Grand emprunt... Nous croyons à l'industrie française !

M. Alain Néri.  - Et nous, on ne croit plus au Père Noël !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Des entreprises françaises relocalisent après des aventures à Taïwan. Voilà le résultat de notre politique ! (Applaudissements à droite)

Mme Christiane Demontès.  - Le CIR bénéficierait principalement aux PME ? C'est faux : c'est avant tout une aubaine pour les grands groupes. J'ajouterai, comme membre des affaires sociales, la fermeture des formations dans de nombreuses filières industrielles. Vous choisissez de ne pas former d'ouvriers qualifiés, voilà la réalité de votre politique ! (Applaudissements à gauche)

M. Ronan Kerdraon.  - Les difficultés de vente du Rafale sont tout un symbole. Ce quinquennat aura d'ailleurs connu surtout une rafale d'échecs... (Sourires à gauche) Pas moins de 750 000 emplois industriels détruits en dix ans et vous ne pourrez pas éternellement vous dispenser de toute réflexion en ressassant vos slogans sur les 35 heures -d'autant que vous avez vidé cette loi de sa substance. La compétitivité est compatible avec une amélioration du niveau de vie de la Nation, avec une protection sociale élevée. En revanche, et les conclusions du Conseil économique, social et environnemental rejoignent là-dessus les travaux de la mission menée par M. Bourquin, elle requiert une formation professionnelle approfondie. Quelles mesures allez-vous prendre à cet égard ? (Applaudissements à gauche)

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Airbus, Alsthom gagnent de grands contrats à l'export. Pourquoi cette maladie, bien française, consistant à ne jamais voir nos succès ? Je partage votre enthousiasme pour l'innovation. Selon le baromètre Ernst & Young, la France accueille, après la Grande-Bretagne, le plus de centres de recherche grâce au CIR. Nous n'avions pas engagé d'investissements aussi ambitieux depuis des dizaines d'années. Voilà comment on construit l'avenir industriel de la France ! Je vous invite à aller à la rencontre des acteurs économiques.

M. Alain Néri.  - Qu'est-ce que vous croyez ? Nous le faisons !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Demandez-leur quel est, parmi les facteurs de compétitivité, l'atout de la France. Ils vous répondront : le prix de l'énergie.

M. Louis Nègre.  - Grâce au nucléaire ! (Applaudissements à droite)

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Cela vous permettra de rectifier certains jugements que j'entends ça et là dans l'hémicycle.

M. Ronan Kerdraon.  - Aucune réponse à ma question sur les CFA. Vous sacrifiez les ouvriers sur l'autel du capitalisme. Il y a loin de la coupe aux lèvres. Plutôt que nous imposer une litanie de phrases creuses auxquelles plus personne ne croit, agissez !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État.  - Faux ! On n'a jamais tant fait pour l'apprentissage !

M. Ronan Kerdraon.  - Avec une dramatique absence de crédits.

M. Alain Néri.  - La seule chose qui augmente, c'est la TVA !

La séance, suspendue à 18 heures, reprend à 18 h 10.