Harcèlement sexuel (Procédure accélérée - Suite)

Mme la présidente.  - Nous reprenons l'examen du projet de loi relatif au harcèlement sexuel. Nous en sommes parvenus à l'examen des articles.

Discussion des articles

Article additionnel

Mme la présidente.  - Amendement n°11, présenté par Mmes Gonthier-Maurin, Cohen, Assassi, Borvo Cohen-Seat et David, M. Favier, Mme Beaufils, MM. Bocquet et Billout, Mmes Cukierman, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Hue, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet, avant le 31 décembre 2012, un rapport sur la création d'un Observatoire national des violences envers les femmes ayant pour mission de réaliser les études nécessaires au pilotage et à l'évaluation des politiques publiques, de constituer une plateforme de collaboration entre les différents acteurs engagés dans la lutte contre ces violences et d'être le correspondant naturel des observatoires présents aux différents échelons territoriaux.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - La deuxième proposition de la Délégation va à la création d'un observatoire national des violences envers les femmes, en liaison avec des observatoires locaux, comme celui qui a fait ses preuves en Seine-Saint-Denis. La région Île-de-France a voté le principe de s'en doter. Pour faire reculer les violences faites aux femmes, il convient en effet de connaître la réalité des faits et des chiffres.

Outre qu'il n'a été remis que très tardivement, le rapport prévu, à l'initiative de M. Courteau, par l'article 29 de la loi de 2010, a malheureusement écarté une telle création, pour s'en remettre à l'action de l'Observatoire de la délinquance. Mme la Ministre a indiqué quelle était favorable à la création de cet observatoire. Pouvez-vous nous en dire plus ? Cet amendement demande donc un rapport pour nous éclairer.

M. Alain Anziani, rapporteur.  - Avis défavorable. Sur le fond, nous ne sommes pas opposés à la création de cet observatoire, qui n'a cependant pas besoin de la loi pour exister.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Effectivement.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - La création d'un tel observatoire me tient à coeur. Nous ne disposons en effet que de très peu de données statistiques. La loi de juillet 2010 avait prévu la remise d'un rapport sur cette question. Je puis vous dire que le précédent gouvernement n'avait pas l'intention de créer un tel observatoire. Nous si, car le besoin est réel. L'absence de données fait persister les tabous sur les violences faites aux femmes. Nous avons aussi besoin de coordonner les politiques publiques et locales.

Le gouvernement s'engage à le faire, dans le cadre d'un texte consacré à une amélioration de la loi du 9 juillet 2010. J'y travaille pour être prêts dès l'automne mais nous prendrons le temps de la concertation, en particulier avec les collectivités territoriales. J'associerai les membres de votre Délégation à cette réflexion.

Considérant que mieux vaut un texte de loi qu'un rapport, je vous remercie de bien vouloir retirer cet amendement.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Je me félicite de votre écoute pour cette recommandation adoptée à l'unanimité par notre Délégation, madame la ministre. Nous partageons la volonté de créer cet observatoire.

L'amendement n°11 est retiré.

Article premier

Mme Laurence Cohen.  - Dans notre proposition de loi, nous avons cherché à définir le harcèlement sexuel de la manière la plus protectrice possible pour les victimes, tout en répondant aux attentes du Conseil constitutionnel. Nous n'avons pas voulu procéder par énumération : une liste limitative aurait pour effet d'autoriser tout ce qui n'y figure pas et serait donc restrictive.

Le verbe « harceler » implique la réitération mais un acte unique peut aussi constituer un harcèlement lorsque le fait est particulièrement grave, et l'on ne saurait le circonscrire au seul chantage sexuel. La preuve est difficile à apporter, ce qui explique les nombreuses relaxes. Notre définition propose de retenir l'atteinte à la dignité de la personne.

Outre qu'elle est désuète et que le fait est difficile à prouver par les victimes, ce qui conduit à des relaxes, la notion de « faveurs sexuelles » a une coloration positive qui peut laisser penser à un consentement.

Voilà les considérations qui justifiaient la définition que nous proposions.

Mme Éliane Assassi.  - Nous ne saurions passer sous silence le cas des transsexuel(le)s : une loi qui entend lutter contre les discriminations se fera-t-elle donc par omission discriminatoire ? Les transsexuel(le)s existent dans toutes les cultures depuis des temps immémoriaux. La seule chose qui a changé est que des actes chirurgicaux leur permettent désormais de changer de sexe pour faire abstraction de celui qui leur est assigné, par le regard, à la naissance. Ces personnes essaient de remplir les mêmes obligations que tous les citoyens et doivent donc bénéficier des mêmes droits. Or le taux du harcèlement sexuel à leur encontre est particulièrement important, le plus souvent pour les humilier. C'est souvent le début d'un isolement social. Les mineurs ayant subi de tels harcèlements sont souvent déscolarisés et terminent à la rue.

Les personnes transsexuelles qui ont subi un harcèlement sexuel lorsqu'elles étaient mineures connaissent un taux de suicide deux fois plus élevé que les autres. La Cour de Luxembourg justice a considéré que « le champ d'application du principe d'égalité de traitement entre les hommes et les femmes ne saurait être réduit aux seules discriminations fondées sur l'appartenance à l'un ou l'autre sexe. Eu égard à son objet et à la nature des droits qu'iI tend à sauvegarder, ce principe s'applique également aux discriminations qui trouvent leur origine dans le changement de sexe d'une personne. »

Dans le respect de nos valeurs, nous devons nous préoccuper de ce problème. Notre rôle n'est-il pas de protéger les plus vulnérables ?

Mme Gisèle Printz.  - Je me félicite de la célérité du Gouvernement et du contenu de son travail. Pourtant, certains points doivent être améliorés : la prévention et l'information sont primordiales, notamment à l'école, mais aussi dans les trois fonctions publiques. L'information dans les médias est essentielle pour faire évoluer les mentalités, dès le plus jeune âge. À l'université, où sont formés les cadres du pays et ses enseignants, la prévention du harcèlement sexuel doit prendre toute sa place.

Le soutien aux victimes doit être, à mes yeux, une priorité absolue. Elles ont eu le courage de dire non, de faire respecter leurs droits et de refuser la loi du silence. Des dispositifs de soutien aux victimes existent, comme celui que les hôpitaux de Paris viennent de mettre en place avec un numéro vert et une cellule de prise en charge psychologique.

Enfin, il convient de suivre les harceleurs. Il ne s'agit pas de les stigmatiser mais le fait est que les peines d'emprisonnement sont le plus souvent assorties de sursis. Un suivi socio-judiciaire est donc indispensable.

Mme la présidente.  - Amendement n°44, présenté par Mme Klès.

I. - Alinéa 1

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

Après la section 3 bis du chapitre II du titre II du livre II du code pénal, il est inséré une section 3 ter A ainsi rédigée :

« Section 3 ter A : Du harcèlement sexuel

II. - En conséquence, au début de l'alinéa 2

Remplacer la référence :

« Art. 222-33

par la référence :

« Art. 222-33-2-2

Mme Virginie Klès.  - Je souhaite créer une nouvelle section au sein du chapitre du code pénal consacré au harcèlement sexuel, et la placer après celle consacrée au harcèlement moral. En effet, le harcèlement sexuel est souvent le prolongement du harcèlement moral.

Un important toilettage du code devra être réalisé si cet amendement est adopté.

M. Alain Anziani, rapporteur.  - Avis défavorable même si cet amendement est intellectuellement séduisant. Le déplacement pourrait entraîner des effets pervers.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Même avis. J'entends bien la cohérence des propos de Mme Klès mais il n'est pas satisfaisant d'extraire le harcèlement sexuel des autres infractions sexuelles.

Mme Virginie Klès.  - Il faudra poursuivre la réflexion.

L'amendement n°44 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°36 rectifié ter, présenté par Mmes Jouanno et Duchêne, MM. Milon et Cardoux, Mmes Deroche et Farreyrol, M. Bourdin, Mmes Lamure et Bruguière, MM. Doligé, Duvernois et B. Fournier, Mmes Troendle et Kammermann, M. Fleming, Mme Sittler, MM. Bécot, Gilles et Grosdidier, Mmes Mélot et Keller et MM. Savary, Portelli et P. André.

Alinéa 2

Supprimer les mots :

, de façon répétée,

Mme Chantal Jouanno.  - Il convient de supprimer la répétition comme critère de harcèlement sexuel et de ne conserver qu'une seule définition du harcèlement sexuel qui couvre tous les faits de harcèlement sexuel. Nous resterions dans l'esprit de la directive européenne. Certaines associations et certains magistrats estiment qu'une telle définition serait préférable.

M. Alain Anziani, rapporteur.  - Après de longs débats, le groupe de travail a considéré qu'il fallait deux niveaux. L'avis est défavorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Même avis. La réitération, c'est le propre du harcèlement. La novation de ce texte tient en l'introduction du fait unique, que vous avez contestée craignant qu'on n'ouvre ainsi la porte à une déqualification de faits plus graves.

La jurisprudence relative au délit de menace considère que la répétition peut se produire dans un temps très court, bien inférieur à une journée. Si nous supprimons la répétition, un seul propos peut être considéré comme du harcèlement sexuel. Or, l'acte unique, pour être qualifié de harcèlement sexuel, doit être grave, ce qui n'est pas le cas d'un seul propos déplacé.

L'amendement n°36 rectifié ter n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

, comportements ou tous autres actes

par les mots :

ou agissements

M. Jean-Jacques Hyest.  - Le groupe UMP n'a déposé que deux amendements car nous sommes d'accord avec les conclusions de la commission des lois. Voici le premier.

M. Alain Anziani, rapporteur.  - Avis favorable à cette précision bienvenue.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Nous entendons bien M. Hyest et M. Anziani, et acceptons cet amendement, non sans faire remarquer qu'il nous paraît restrictif : dans les agissements, il n'y a pas forcément les comportements.

L'amendement n°10 rectifié est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

un environnement intimidant, hostile ou offensant

par les mots :

une situation intimidante, hostile ou offensante

M. Jean-Jacques Hyest.  - Après une de ces recherches linguistiques chères au président Sueur, nous nous sommes convaincus que le mot « environnement », venu dans la directive du fait de son inspiration anglo-saxonne, ne convenait pas. Nous faisons du droit pénal et ce mot de figure pas dans la matière. Le code pénal, en revanche, connaît bien la notion de « situation ».

M. Alain Anziani, rapporteur.  - En tant que rapporteur de la commission, je dois dire que celle-ci a émis un avis favorable. À titre personnel, je considère que la notion d'environnement a du sens. Cinq des sept propositions de loi avaient retenu ce terme.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - Nous avons examiné plusieurs mots, plusieurs notions. Il n'y a pas d'arguments purement juridiques ; mais ce terme d'environnement est d'origine anglo-saxonne. Ce mot nous avait semblé adéquat, comme au Conseil d'État... De plus, les directives mentionnent ce terme. D'autres mots ont été proposés : contexte, climat, atmosphère. (Plusieurs sénateurs rappellent la réplique d'Arletty dans Hôtel du Nord ; Sourires) Vous proposez « situation ». Pourquoi pas. Mais, que l'on parle d'environnement ou de situation, le juge appréciera si les conditions de travail, de vie, de logement sont devenues « intimidantes, offensantes, hostiles ».

Je m'en remets à votre sagesse.

M. Alain Richard.  - Le terme d'environnement ne figure dans aucun texte pénal. Or, si nous sommes ici, c'est parce que le Conseil constitutionnel a estimé que la loi n'était pas assez précise. Une sanction suffisamment rare pour que l'on s'en soucie. Dès lors que nous faisons du droit pénal, il faut être précis. Le mot « situation » est de ceux qu'un juge identifie aisément.

Je remercie le Gouvernement de son avis de sagesse et souhaite que le Sénat adopte cet amendement.

M. François Pillet.  - La directive n'a pas un caractère pénal et le mot situation est plus objectif que celui d'environnement, lequel est beaucoup trop subjectif. La directive n'a pas de caractère pénal et elle est traduite de l'anglais dans un français approximatif. Si nous avions introduit cette notion d'« environnement » en droit français, elle aurait été inconstitutionnelle car subjective.

Mme Laurence Cohen.  - Nous avons beaucoup débattu sur cette question. Je serai favorable au terme « environnement » qui englobe mieux ce que vivent les victimes de harcèlement dans les lieux du travail. Un procureur de la République, que nous avons reçu, n'a pas semblé choqué par ce terme.

M. François Pillet.  - Les magistrats de l'USM se sont élevés contre ce terme.

Mme Annie David.  - Le procureur de Paris nous a dit que le terme d'environnement lui convenait tout à fait. D'autres nous ont dit que cette notion était compliquée à utiliser.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Dans le groupe de travail, beaucoup se sont prononcés contre le mot « environnement ». Nous avons entendu des avis éminents, mais ce qui compte, c'est notre avis de législateurs. Nous devons être le plus précis possible pour répondre aux exigences du Conseil constitutionnel. C'est pourquoi il me semble que le terme « environnement » présente des inconvénients : les magistrats auront du mal à pénaliser quelqu'un au motif qu'il a créé un environnement, alors que le terme de situation renvoie à une réalité objective. Les magistrats doivent pouvoir vérifier, démontrer, pour prendre une décision.

Pour ma part, après avoir attiré l'attention du groupe de travail sur le caractère évanescent de la notion d'environnement, je n'ai pas pris part au vote de ce matin mais je pense que la position de la commission, favorable à l'amendement de M. Hyest, présente de réels avantages.

L'amendement n°9 rectifié est adopté.

L'amendement n°62 rectifié n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°63 rectifié bis, présenté par Mmes Jouanno et Duchêne, MM. Milon, Cardoux et Bourdin, Mmes Lamure et Bruguière, MM. Doligé, Duvernois et B. Fournier, Mmes Troendle, Deroche, Farreyrol et Kammermann, M. Fleming, Mme Sittler, MM. Bécot et Gilles, Mme Mélot, M. Grosdidier, Mme Keller et MM. Savary, P. André et Portelli.

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

Mme Chantal Jouanno.  - Je vais retirer cet amendement de coordination avec l'amendement n°36 rectifié ter.

Si l'on se situe dans un contexte dégradant, humiliant et qu'un seul acte est à connotation sexuelle, il peut y avoir harcèlement sexuel mais la définition retenue par la commission des lois ne le permet pas.

L'amendement n°63 rectifié bis est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°25, présenté par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier, Mmes Cohen, David, Gonthier-Maurin et Beaufils, MM. Bocquet et Billout, Mmes Cukierman, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Hue, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin.

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« II. - Est assimilé à un harcèlement sexuel tout propos, comportement ou tout autre acte à connotation sexuelle qui, même non répété, est d'une gravité telle qu'il porte atteinte à la dignité d'une personne en raison de son caractère dégradant ou humiliant, ou crée à son égard un environnement intimidant, hostile ou offensant. »

Mme Annie David.  - Cet amendement a pour objet de faire de l'élément matériel et moral de l'infraction retenue à l'alinéa 2, un élément commun au harcèlement, que celui-ci soit constitué par des actes répétés ou par un seul acte grave.

Il reprend l'idée de mon groupe : la notion de chantage sexuel entendue comme l'exercice de menaces, de pressions graves, dans le but d'obtenir des relations sexuelles laisse de côté les actes graves qui ont un autre but que la recherche de relations sexuelles.

L'acte unique n'est-il grave que s'il a pour but la recherche de relations sexuelles ? Pour nous, ce qui compte, c'est l'atteinte à la dignité de la victime.

Mme la présidente.  - Amendement n°26, présenté par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier, Mmes Cohen, David, Gonthier-Maurin et Beaufils, MM. Bocquet et Billout, Mmes Cukierman, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Hue, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin.

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

«  II.- Est assimilé à un harcèlement sexuel, le fait d'user d'ordre, de menace, de contrainte ou de tout autre forme de pression à connotation sexuelle qui, même non répété, est d'une gravité telle qu'il porte atteinte à la dignité d'une personne en raison de son caractère dégradant ou humiliant, ou crée à son égard un environnement intimidant, hostile ou offensant. »

Mme Annie David.  - Cet amendement est de repli. Il s'agit de supprimer la référence à la recherche de relations sexuelles, pour éviter de retomber dans les travers de la précédente jurisprudence, qui a abouti à de nombreuses relaxes.

Mme la présidente.  - Amendement n°37 rectifié bis, présenté par Mmes Jouanno et Duchêne, MM. Cardoux, Milon et Beaumont, Mmes Bruguière et Lamure, MM. Doligé et Duvernois, Mmes Deroche et Troendle, M. B. Fournier, Mmes Farreyrol et Kammermann, MM. Bourdin, Fleming, Bécot, Gilles et Couderc, Mme Keller, M. Grosdidier, Mme Mélot et MM. Savary, Portelli et P. André.

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« II. - Un seul de ces agissements suffit, s'il est d'une particulière gravité, dans le but réel ou apparent d'obtenir une relation de nature sexuelle.

Mme Chantal Jouanno.  - Amendement de repli, qui vise à conserver une seule définition du harcèlement sexuel, en ajoutant la condition de particulière gravité et en conservant l'intention, comme le veut l'incrimination pénale.

Mme la présidente.  - Amendement n°18, présenté par Mmes Klès, Tasca et Meunier, MM. Sueur, Courteau et Kaltenbach, Mmes Campion, Printz, D. Michel, Bourzai et Cartron et MM. Antiste et Teulade.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

Est assimilé au harcèlement

par les mots :

Constitue un chantage

Amendement n°19, présenté par Mmes Klès, Tasca et Meunier, MM. Sueur, Courteau et Kaltenbach, Mmes Campion, Printz, D. Michel, Bourzai et Cartron et MM. Antiste et Teulade.

Alinéa 3

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« II. - Constitue un chantage sexuel et est assimilé...

Mme Virginie Klès.  - Nos débats montrent qu'il est nécessaire de préciser l'acte unique : le chantage sexuel le qualifie adéquatement. On objecte que le chantage existe déjà dans le code, mais son caractère sexuel, non. L'agression sexuelle, pourtant, existe bien, à côté de l'agression. Je propose donc de nommer l'acte unique chantage sexuel.

En outre, l'amendement n°19 doit être rectifié : II. Constitue un chantage sexuel, assimilé au harcèlement sexuel,...

Mme la présidente.  - Il s'agit donc de l'amendement n°19 rectifié.

L'amendement n°50 rectifié bis n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme Dini.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

une relation de nature sexuelle, que celle-ci soit recherchée

par les mots :

un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché

Mme Muguette Dini.  - L'étude des décisions des juges du fond montre que les termes de « relation de nature sexuelle » s'avèrent restrictifs. Les juges sanctionnent tout acte de nature sexuelle, et notamment les simples contacts physiques destinés à assouvir un fantasme d'ordre sexuel, voire à accentuer ou provoquer le désir sexuel. Il convient de retenir dans la loi la conception large que je vous propose.

M. Alain Anziani, rapporteur.  - La commission est défavorable à l'amendement n°25 : nous avons modifié le projet de loi initial, pour éviter de laisser penser que la deuxième incrimination était conditionnée par l'existence de la première. Même avis sur l'amendement n°26.

Défavorable à l'amendement n°37 rectifié bis, de repli. Même avis sur l'amendement n°19 rectifié, bien qu'à titre personnel, j'y sois favorable.

Un mot sur l'amendement, qui n'a pas été défendu, et visait le risque de déqualification de l'agression ou du viol en harcèlement sexuel. Mais le viol, l'agression, se définissent par un contact physique : la jurisprudence exige un acte matériel sur la personne, et la tentative, de même, est un commencement d'exécution.

Il n'y a donc pas de crainte à avoir. Reste qu'il y a là une vraie question, qui déborde notre texte et les problèmes de formulation, qui se pose plus largement dans notre droit : voyez le cas des faux en écriture, le plus souvent requalifiés en sorte qu'il n'y en a plus qui soient poursuivis comme des crimes. De même dans des affaires de viol, après discussion avec l'avocat de la victime, pour passer rapidement en correctionnelle sans avoir à attendre deux ans le passage en aux assises. Favorable à l'amendement n°2 rectifié.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Également favorable à l'amendement n°2 rectifié. Oui il y a des cas où l'atténuation de l'incrimination, donc du préjudice des victimes, est due à une volonté d'aller vite : à nous de l'éviter en raccourcissant les délais de jugement. Pour le reste, certains amendements visent à éliminer des éléments de caractérisation et d'intentionnalité : c'est nourrir l'imprécision. N'oublions pas la sanction du Conseil constitutionnel. Je ne peux y être favorable. J'entends bien l'argumentation sur le chantage sexuel, mais celui-ci, atteinte aux personnes, serait moins puni que le chantage.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Eh oui !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Ne contribuons pas à aggraver les désordres du code pénal. Il faudra, au contraire, travailler à rétablir une échelle des peines mieux conforme aux valeurs de la République. L'avis du Gouvernement est donc défavorable à tous ces amendements.

M. Philippe Kaltenbach.  - Le groupe socialiste votera l'amendement n°19 rectifié de Mme Klès.

L'amendement n°25 n'est pas adopté.

Mme Annie David.  - Je regrette que nous n'ayons pas été entendus et que l'on ne prenne pas en compte l'atteinte à la dignité des personnes.

L'amendement n°26 n'est pas adopté.

L'amendement n°37 rectifié bis n'est pas adopté.

L'amendement n°18 est retiré.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Je trouve l'amendement n°19 rectifié regrettable. Le chantage existe dans le code pénal depuis l'origine. Ne mélangeons pas tout. C'est obtenir quelque chose en menaçant de révéler quelque chose qui porte atteinte à la réputation d'autrui : rien à voir ici. Sans compter l'argument développé par Mme la garde des sceaux sur l'échelle des peines -encore que le chantage puisse être une incrimination fort grave.

Mme Virginie Klès.  - Certes, mais le chantage tel que défini ne reprend pas l'incrimination sexuelle.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Vous mélangez les genres !

Mme Virginie Klès.  - Il y une distinction entre agression et agression sexuelle : je m'en inspire. J'entends bien en revanche l'argument sur l'échelle des peines, mais rien n'interdit d'y travailler à l'avenir.

M. Claude Domeizel.  - Je voterai l'amendement n°19 rectifié mais peut-être vaudrait-il rectification : la virgule pose problème.

M. Alain Anziani, rapporteur.  - Il est plus simple de revenir à la rédaction initiale.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Nonobstant le hiatus.

Mme la présidente.  - Nous en revenons donc à l'amendement n°19 initial, avant rectification.

L'amendement n°19 n'est pas adopté.

L'amendement n°2 rectifié est adopté.

L'amendement n°51 rectifié bis n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par Mme Dini.

Alinéa 7

Supprimer les mots :

de quinze ans

Mme Muguette Dini.  - Il ne faut pas limiter la circonstance aggravante aux mineurs de 15 ans pour aller à la majorité légale de 18 ans. En effet, il n'y a pas lieu de prendre en compte la « majorité sexuelle » : le harcèlement n'est pas une agression sexuelle. C'est l'état de faiblesse du mineur face au harceleur qui doit être pris en compte.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°8, présenté par M. Kaltenbach.

M. Philippe Kaltenbach.  - Je retire l'amendement au bénéfice de ce qu'a dit la ministre.

L'amendement n°8 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°27, présenté par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier, Mmes Cohen, David, Gonthier-Maurin et Beaufils, MM. Bocquet et Billout, Mmes Cukierman, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Hue, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Il convient de ne pas limiter la circonstance aggravante aux mineurs de 15 ans. Tout mineur, notamment dans le milieu professionnel, peut se trouver en état de faiblesse. Les mineurs de 15 à 18 ans sont souvent des apprentis ou des stagiaires de passage dans une entreprise et peuvent être exposés à des faits de harcèlement. Et l'obligation scolaire va jusqu'à 16 ans.

Sans doute, cette minorité de 15 ans se retrouve dans les circonstances aggravantes en cas de viol, par exemple, mais bien d'autres incriminations retiennent la minorité légale : c'est le cas d'infractions relatives à la pornographie infantile. Il en va de même dans la Convention de 2001 du Conseil de l'Europe sur la cybercriminalité, ratifiée par la France en 2005.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°38 rectifié bis, présenté par Mmes Jouanno et Duchêne, MM. Savin, Cardoux, Milon et Beaumont, Mmes Bruguière et Troendle, MM. Gilles et Duvernois, Mme Lamure, MM. Doligé et B. Fournier, Mmes Farreyrol et Kammermann, MM. Bourdin et Fleming, Mmes Mélot et Sittler, M. Bécot, Mme Keller et MM. Couderc, Grosdidier, Savary, Portelli et P. André.

Mme Chantal Jouanno.  - Le harcèlement vise à dégrader, pas nécessairement à obtenir une relation sexuelle : il n'y a pas de raison de retenir la minorité sexuelle de 15 ans.

M. Alain Anziani, rapporteur.  - Cet âge de 15 ans trace une frontière. En deçà, une relation expose nécessairement le majeur à poursuite, au-delà, seulement s'il n'y a pas consentement. Gardons-nous d'y toucher.

Dans la plupart des cas, au-delà de 15 ans, l'abus d'autorité pourra être retenu.

Enfin, il serait incohérent qu'un viol sur mineur de 16 ans ne soit pas une circonstance aggravante quand le harcèlement sexuel le serait. Défavorable, donc.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - L'origine de la minorité de 15 ans provient de l'Ordonnance de 1945, qui établit à 15 ans la majorité sexuelle. Il est vrai que dans l'entreprise, il y a peu de mineurs de 15 ans -mais n'oublions pas les collégiens en stage. Pour les stagiaires, ils sont nécessairement soumis à autorité, ce qui ouvre la voie à l'usage du facteur aggravant d'abus d'autorité. La minorité de 15 ans répond à une logique de protection, au-delà, le code répond à une logique d'engagement : on peut autoriser un mineur de 16 ans à contracter un mariage ou à exercer une activité économique.

Méfions-nous d'une modification qui pourrait avoir des effets en cascade. Dans la circulaire, j'engagerai à faire usage de l'abus d'autorité en cas de harcèlement d'un mineur au-delà de 15 ans.

M. François Pillet.  - Je suis totalement le rapporteur et la ministre. Gardons-nous de rompre la cohérence de tout un pan de notre droit. Et ce serait, incidemment, porter atteinte à la liberté sexuelle : le code considère qu'à 16 ans, il peut y avoir consentement éclairé à un acte sexuel. Plus grave encore, on ferait du harcèlement sexuel une circonstance aggravante au-delà de 15 ans, quand tel n'est pas le cas pour le viol !

Les amendements identiques nos3, 27 et 38 rectifié bis ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°65, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° En profitant de la particulière vulnérabilité ou dépendance de la victime résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale, apparente ou connue de l'auteur ;

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Ce sujet de la vulnérabilité économique et sociale a fait l'objet de nombreux débats. Le fait est qu'une telle vulnérabilité est une réalité : chômage, temps partiel frappent durement les femmes. Protéger des personnes fragiles est notre devoir. Mais comment mesurer leur vulnérabilité ? Retiendra-t-on le Smic ? C'est porter un jugement sur la fixation d'un niveau de salaire dans la société. On peut le faire...

M. Alain Richard.  - À ses dépens.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - C'est prendre des risques. Et il est d'autres circonstances : une femme seule, disposant de revenus équivalant à trois Smic, avec des enfants en bas âge, et surendettée par exemple, connaissant un accident de la vie. On ne peut confier au juge la responsabilité de fixer de tels critères. Et imaginez la situation : la victime obligée de faire état de sa vulnérabilité, l'agresseur arguant qu'il l'ignorait... et ce serait le facteur faisant tomber l'accusation... Nous proposons, cependant, pour tenir compte de nos débats, une rédaction qui prend toutes les précautions nécessaires.

Mme la présidente.  - Amendement n°6, présenté par Mme Demontès, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 8

Après les mots :

vulnérabilité, due

insérer les mots :

à sa situation économique et sociale,

Mme Christiane Demontès, rapporteur pour avis.  - Notre amendement a été repoussé par la commission des lois, mais nous étions convenus de le présenter en séance. On sait bien que la notion est sujette à interprétation, mais pas plus que la vulnérabilité liée à l'âge. Votre formulation, madame la garde des sceaux, répond à notre voeu de voir cette notion dans le code. Nous sommes donc prêts à retirer cet amendement, au bénéfice du vôtre, étant entendu qu'il serait peut-être préférable d'introduire ce paragraphe après l'alinéa 8.

L'amendement n°6 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°21, présenté par Mmes Meunier et Tasca, MM. Sueur, Courteau et Kaltenbach, Mmes Klès, Campion, Printz, D. Michel, Bourzai et Cartron et MM. Antiste et Teulade.

Mme Michelle Meunier.  - Je retire l'amendement, pour les mêmes raisons que Mme Demontès.

L'amendement n°21 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°28, présenté par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier, Mmes Cohen, David, Gonthier-Maurin et Beaufils, MM. Bocquet et Billout, Mmes Cukierman, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Hue, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin.

Alinéa 8

Après les mots :

vulnérabilité, due

insérer les mots :

à sa situation économique ou sociale,

Mme Laurence Cohen.  - J'apprécie la proposition de Mme la ministre, qui prend bien en compte notre souci, introduisant la notion de précarité, dans l'esprit que nous portions. Une remarque : il est malheureux de faire figurer l'état de grossesse à une place qui laisse penser qu'elle est une pathologie.

L'amendement n°28 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°12, présenté par Mme Benbassa, M. Placé, Mmes Bouchoux, Lipietz et Archimbaud, M. Desessard, Mmes Aïchi et Blandin et MM. Dantec, Gattolin et Labbé.

Alinéa 8

Après le mot :

psychique

insérer les mots :

, à sa situation économique

Mme Esther Benbassa.  - Même décision de retrait.

L'amendement n°12 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°39 rectifié bis, présenté par Mmes Jouanno et Duchêne, MM. Savin, Cardoux, Milon et Beaumont, Mme Deroche, M. Duvernois, Mmes Bruguière et Troendle, MM. Doligé, Gilles et B. Fournier, Mme Lamure, M. Grosdidier, Mmes Farreyrol et Kammermann, MM. Bourdin et Fleming, Mmes Mélot et Sittler, M. Bécot, Mme Keller et MM. Fouché, Couderc, Savary, Portelli et P. André.

Alinéa 8

Remplacer les mots :

psychique ou à un état de grossesse

par les mots :

psychique, à un état de grossesse ou à sa position économique,

Mme Chantal Jouanno.  - Je retire également l'amendement, souhaitant que la solution de la ministre permette de prendre en compte la situation des familles monoparentales, et particulièrement des femmes élevant leurs enfants seules, dont un tiers sont dans la pauvreté.

L'amendement n°39 rectifié bis est retiré.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Merci à la ministre d'avoir trouvé une rédaction subtile, qui respecte le principe de légalité des délits et des peines, et est attentive aux possibles effets en chaîne sur le code. Mme Demontès a raison : la réalité économique et sociale pèse. Selon que vous serez puissant ou misérable... Il fallait la prendre en compte pour faire changer les choses : je vous en remercie.

M. Alain Anziani, rapporteur.  - La commission n'a pu examiner l'amendement du Gouvernement mais les propos du président Sueur auront convaincu ses membres ici présents...

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - C'est volontiers que je souscris à la proposition de Mme Demontès de reporter le paragraphe après l'alinéa 8. Je remercie les auteurs d'amendements de les avoir retirés. C'est un bel exemple de coproduction législative, puisque c'est bien un débat approfondi qui nous a permis d'aboutir à cette formulation.

Mme la présidente.  - Ce sera donc l'amendement n°65 rectifié.

M. Jean-Jacques Hyest.  - J'apprécie les efforts du Gouvernement, mais quid des autres infractions où les circonstances aggravantes étaient les mêmes ? Ne faudrait-il pas vérifier si dans d'autres cas, cette notion nouvelle ne pourrait s'appliquer ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Sur la grossesse, il est vrai qu'elle doit reprendre une place plus normale dans notre code. Placée là, on a l'impression qu'elle est une pathologie... Nous avons le bonheur de savoir qu'il n'en est rien. (Sourires)

M. Jean-Jacques Hyest.  - Mais c'est une circonstance aggravante.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Concernant la vulnérabilité, j'entends vos arguments, monsieur Hyest, mais cet état de fait peut inciter le harceleur potentiel à passer à l'acte. Le harcèlement sexuel touche davantage les personnes fragiles, c'est une réalité. Pour le viol, ce facteur pourrait également être pris en compte. Nous n'en sommes pas là, mais l'évolution est possible : je ne serais pas choquée par une possible contagion.

Je maintiens donc mon amendement.

M. Alain Richard.  - M. Hyest pose une question judicieuse, mais il connaît la réponse. Outre que ce serait de bien mauvaise méthode, nous ne saurions, alors que nous débattons d'un texte sur le harcèlement sexuel, étendre la circonstance aggravante à d'autres incriminations sans encourir la sanction du Conseil constitutionnel : il s'agirait de cavaliers.

Je sens, monsieur Hyest, votre nostalgie des temps de la construction de notre grand code pénal. Mais ce sont des moments rares, exceptionnels pour un parlementaire... S'il y a matière à mise en cohérence du code pénal, l'occasion nous sera certainement donnée ultérieurement d'étendre cette circonstance aggravante à d'autres délits.

L'amendement n°65 rectifié est adopté.

(Applaudissements sur les bancs de la commission)

Mme la présidente.  - Amendement n°13, présenté par Mme Benbassa, M. Placé, Mmes Bouchoux, Lipietz et Archimbaud, M. Desessard, Mmes Aïchi et Blandin et MM. Dantec, Gattolin et Labbé.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° À raison de l'origine d'une personne, de son sexe, de son apparence physique, de ses moeurs, de son orientation ou son identité sexuelle, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. »

Mme Esther Benbassa.  - Il convient de tenir compte des agissements de harcèlement sexuel à visée discriminatoire, et d'ériger ces types de comportements en circonstance aggravante, ce que ne prévoit pas le projet de loi, qui réprime uniquement, dans son article 2, les discriminations résultant du harcèlement sexuel.

Cet amendement intègre également « l'identité sexuelle » à la liste des discriminations motivant le harcèlement sexuel. Les auditions menées par notre groupe de travail révèlent que près de la moitié des personnes transsexuelles ou transgenres sont victimes de harcèlement durant leur transition.

Mme la présidente.  - Amendement n°58, présenté par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier, Mmes Cohen, David, Gonthier-Maurin et Beaufils, MM. Bocquet et Billout, Mmes Cukierman, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Hue, Le Cam et Le Scouarnec, Mmes Pasquet et Schurch et MM. Vergès et Watrin.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« ...° En raison du changement de sexe ou de l'orientation sexuelle de la personne. »

Mme Isabelle Pasquet.  - Les auditions menées par notre groupe de travail révèlent que les personnes transsexuelles ou transgenres sont particulièrement exposées au harcèlement. L'objet de notre amendement est de créer une circonstance aggravante lorsque le harcèlement sexuel est effectué dans l'intention de nuire à ces personnes. Nous voulons briser l'omerta législative sur le sujet.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°66 à l'amendement n°58 de Mme Assassi, présenté par M. Anziani, au nom de la commission des lois.

Amendement n° 58, alinéa 2

Supprimer les mots :

du changement de sexe ou

M. Alain Anziani, rapporteur.  - Avis défavorable sur les amendements nos13 et 58. Aux dires de la chancellerie, les personnes transsexuelles sont déjà protégées par les dispositions du code pénal relatives à l'orientation sexuelle de la victime.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Ce débat est important car il concerne l'identité sexuelle. Mais il est question dans ces amendements de discrimination : le Gouvernement est réservé et n'entend pas en faire une circonstance aggravante.

L'amendement n°13 fait référence à la « race », notion qui figure encore dans la Constitution mais qu'il vaut mieux ne pas faire prospérer... Pour moi, la discrimination répond à votre préoccupation.

M. Alain Richard.  - Tout à fait !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Avis défavorable à l'amendement n°13. Même avis sur l'amendement n°58 et donc sur le sous-amendement n°66.

M. Alain Richard.  - Il existe des facteurs d'aggravation qui tiennent à la faiblesse ou à la vulnérabilité des victimes. En revanche, il n'en va pas de même quand sont désignées des catégories de victimes dont nous entendons proclamer l'égalité. Il me paraît paradoxal d'appliquer une circonstance aggravante selon que le harcèlement s'applique ou non à un homosexuel ou à un transsexuel. C'est, je le déplore, une tendance : il est même choquant que notre code considère plus grave le viol d'un homosexuel que celui d'un hétérosexuel. Il n'est pas conforme à nos principes républicains de frapper davantage le coupable selon la catégorie à laquelle appartient sa victime. Les personnes victimes d'une agression de cette sorte sont de même dignité.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la Délégation aux droits des femmes.  - Il serait dommage de ne pas adopter l'amendement n°58 et je déplore le sous-amendement. Le changement de sexe et l'orientation sexuelle sont deux choses complètement différentes. Le problème n'est pas de considérer que le harcèlement sexuel est plus grave...

M. Alain Richard.  - Si ! Vous en faites une circonstance aggravante !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la Délégation aux droits des femmes.  - ...mais de reconnaître que ces personnes subissent plus que d'autres des situations de harcèlement. Dès que les transsexuels déclinent leur identité, ils sont victimes, dans 70 % des cas, de harcèlement !

M. Alain Richard.  - Les agresseurs sont condamnés !

Mme Esther Benbassa.  - La République discrimine, la discrimination existe, il suffit de sortir un peu du Sénat pour le constater !

M. Alain Richard.  - La loi ne discrimine pas !

Mme Esther Benbassa.  - Et certaines catégories sont plus discriminées que d'autres. Vous ne suivez pas l'évolution de la société.

Mme Michelle Meunier.  - Je partage l'analyse de Mme Assassi. Quand on parle de transgenre, il faut savoir de quoi on parle. Je ne voterai pas les circonstances aggravantes pour les transgenres, mais il faut que le code pénal y fasse référence. La transphobie n'y figure pas aujourd'hui.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Ne mélangeons pas discrimination et circonstances aggravantes. Il est exact cependant que l'on n'a pas prévu tous les cas de discrimination. Je ne comprends pas très bien ces amendements.

Mme Laurence Cohen.  - Il faudrait placer cette mention à un autre endroit du texte. La discrimination est plus fréquente chez les trans, mais il est vrai que la question ne touche pas à la gravité. Sans doute ne faut-il pas parler de circonstances aggravantes.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Mme Cohen pose une vraie question. Tout d'abord, l'orientation sexuelle est visée dans les articles relatifs aux viols et aux agressions sexuelles. Ensuite, je rejoins M. Richard lorsqu'il dit que dès lors qu'il y a agression sexuelle, les faits sont d'égale gravité quelles que soient les victimes et leur orientation sexuelle. Peut-être faudrait-il parler de ces questions dans la partie relative aux discriminations.

Il y a d'autres amendements et nous pourrons aussi sous-amender -sans compter que le Gouvernement peut prendre des initiatives...

Les amendements nos13 et 58, ainsi que le sous-amendement n°66 sont retirés.

L'article premier, modifié, est adopté.

Articles additionnels

Mme la présidente.  - Amendement n°47, présenté par Mme Klès.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 222-33-2 du code pénal est ainsi rédigé :

« Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour effet ou pour objet d'altérer sa santé physique ou mentale, ou ayant pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, ou de compromettre son avenir professionnel, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. »

Mme Virginie Klès.  - J'ouvre la boîte de Pandore du harcèlement moral. (Sourires) Je vous propose d'en récrire la définition car nombre de plaintes sont aujourd'hui classées au motif que le texte ne viserait que le milieu de travail. Cette interprétation des parquets est malencontreuse. Si le Gouvernement me dit que le sujet sera retravaillé, je retirerai l'amendement.

M. Alain Anziani, rapporteur.  - Avis défavorable : nous n'avons pas à rouvrir ici le chantier du harcèlement moral. Cela dit, nous serons attentifs à la position du Gouvernement.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - Il n'est pas opportun d'ouvrir le débat sur le harcèlement moral. Restons-en à ce texte. Retrait ?

Mme Virginie Klès.  - J'ai entendu qu'on y retravaillerait. (Sourires)

L'amendement n°47 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°33, présenté par Mme Dini.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 8 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque les faits ont été commis dans le cadre des relations de travail, le délai de prescription de l'action publique des délits définis aux articles 222-28 et 222-33 du code pénal ne commence à courir qu'à compter du jour où la relation contractuelle qui unissait la victime à la structure au sein de laquelle les faits ont été commis a pris fin. »

Mme Muguette Dini.  - Le délai de prescription de l'action publique des agressions sexuelles aggravées et du harcèlement sexuel ne doit commencer à courir qu'à compter du jour où la victime n'est plus en relation contractuelle avec son agresseur ou son harceleur.

Le 26 juin, Mme la garde des sceaux a dit que son souci, plutôt que d'allonger le délai, était de faire en sorte que les victimes puissent saisir la justice le plus rapidement possible. Mais les victimes ne peuvent porter plainte avant d'avoir quitté leur harceleur ; elles ne se sentent tout simplement pas assez fortes. Il faut donc que le délai de prescription soit fixé autrement.

M. Alain Anziani, rapporteur.  - La prescription est un vaste sujet. La commission des lois a commis un rapport à ce sujet : il faut être prudent. Pour les contrats d'intérim, quand commencerait le délai de prescription ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - J'ai apprécié votre intervention cet après-midi, madame Dini ; j'éviterai quant à moi de me mêler de votre querelle avec le Conseil constitutionnel... (Sourires)

Notre souci, c'est de permettre à la victime de porter plainte le plus tôt possible plutôt que de lui donner un délai supplémentaire pour le faire. Plus le délai s'allonge, plus il est difficile d'apporter la preuve.

Nous protégeons donc les victimes, mais aussi les témoins à l'article 2. Je préfèrerais donc le retrait de cet amendement.

Mme Muguette Dini.  - Il avait pour objet d'interpeller le Gouvernement sur la prescription en matière de violences sexuelles.

L'amendement n°33 est retiré.

Article 2

Mme Éliane Assassi.  - Cet article et le suivant tentent de donner de la cohérence à l'échelle des peines. Des associations voulaient porter à cinq ans les peines d'emprisonnement, comme pour les agressions sexuelles, ce qui risquait de conduire à requalifier certains délits d'agressions en harcèlement sexuel. Le travail de prévention et la formation des magistrats, en ce qui concerne les violences faites aux femmes, a donné des résultats positifs. Pourquoi ne pas faire de même pour le harcèlement sexuel ? Nous invitons le Gouvernement à engager une réflexion sur l'échelle des peines, tant les incohérences sont aujourd'hui nombreuses. Nous y prendrions toute notre part.

Mme la garde des sceaux a dit qu'elle voulait réfléchir à la place de la prison dans notre société et au sens de la peine. Je ne doute pas de sa volonté d'avancer aussi sur la question que nous soulevons.

L'article 2 est adopté.

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 12 juillet 2012, à 9 h 30.

La séance est levée à minuit vingt-cinq.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du jeudi 12 juillet 2012

Séance publique

À 9 heures 30

1. Débat sur la politique commune de la pêche

À 15 heures

2. Questions d'actualité au Gouvernement

3. Éventuellement, suite de l'ordre du jour du matin

4. Éventuellement, suite du projet de loi relatif au harcèlement sexuel (procédure accélérée) (n° 592, 2011-2012)

Rapport de M. Alain Anziani, fait au nom de la commission des lois (n° 619, 2011-2012)

Texte de la commission (n° 620, 2011-2012)

Avis de Mme Christiane Demontès, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 613,2011-2012)

Rapport d'information de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (n° 619, 2011-2012)