SÉANCE

du mardi 25 septembre 2012

19e séance de la session extraordinaire 2011-2012

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

Secrétaires : M. Jean Boyer, M. Marc Daunis.

La séance est ouverte à 9 h 32.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle dix-huit questions orales.

Permis de conduire

M. Rachel Mazuir .  - Le délai d'attente pour passer le permis de conduire ne cesse d'augmenter. Tout le monde est mécontent mais aucune solution n'est en vue. Les réformes qui ont amélioré la sécurité routière ont contribué à l'engorgement des examens puisqu'un grand nombre de conducteurs doivent repasser le permis, sans que le système national d'attribution des places les prenne en compte. En outre, les places affectées aux auto-écoles ne tiennent pas compte des redoublants. On en est ainsi à ce que 4 millions de candidats attendent de passer, à une époque où posséder le permis est indispensable pour obtenir un emploi.

Pour résorber les listes d'attente, il faudrait recruter sans attendre 300 examinateurs. Dans l'Ain, on n'en compte que 7 pour plus de 12 000 candidats.

Plusieurs pistes sont évoquées, allant d'une nationalisation totale à la privatisation complète du système. On pourrait aussi recentrer le rôle des auto-écoles sur la seule formation.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur .  - Ce sujet intéresse beaucoup de nos concitoyens. Le délai de passage dépend du taux d'activité des inspecteurs et du taux de réussite des écoles. Ainsi, chaque établissement obtient un quota de passage en fonction de sa qualité. Une fois acquises, les places sont utilisées librement par les auto-écoles, auxquelles des places supplémentaires peuvent être accordées.

Dans l'Ain, le délai moyen entre deux passages est de 87 jours contre 82 au niveau national ; c'est pourquoi 66 jours de renfort d'inspecteurs ont été accordés à ce département de juin à octobre 2012. Le nombre de 4 millions de candidats paraît surévalué puisque 780 000 permis sont délivrés chaque année dans notre pays.

N'hésitez pas à me faire connaître au mieux les difficultés du terrain afin que nous puissions améliorer les choses.

M. Rachel Mazuir.  - Je n'y manquerai pas. Je vous remercie d'être venu en personne répondre à cette question dès potron-minet.

Collecte de lait dans le Cantal

M. Jacques Mézard .  - Depuis 2003, la filière française de collecte de lait connaît de grands bouleversements du fait de la fin des quotas en 2015. Une contractualisation a été mise en oeuvre. Mais dans mon département, la société laitière Dischamp a annoncé aux producteurs qu'elle cesserait la collecte de lait le 31 mars prochain.

S'agit-il de faire baisser les prix ? Notifier à 90 exploitants l'arrêt de la collecte, c'est les angoisser inutilement et les menacer de faillite. La contractualisation n'apporte donc aucune sécurité aux exploitants. Une baisse du prix du lait ne peut que fragiliser les exploitations. Seule la maîtrise du volume permet d'assurer des prix stables.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt .  - La contractualisation régit les relations entre les producteurs et les distributeurs. J'ai commandé un rapport sur ce sujet avant l'été pour améliorer les choses en renforçant le poids des producteurs.

La production de lait dans la moyenne montagne doit faire face à la sortie du système des quotas dans le cadre de la renégociation de la PAC. Je suis attaché à maintenir cette production.

Nous travaillons à une régulation à l'échelon européen : hier, à la réunion du conseil des ministres de l'agriculture, j'ai mis une proposition sur la table pour réguler le système plutôt qu'exacerber la concurrence.

M. Jacques Mézard.  - Je suis très heureux d'entendre le ministre préciser des objectifs que nous partageons. Mais vous ne répondez pas à la difficulté immédiate à laquelle se heurtent les exploitants de moyenne montagne. Le Gouvernement doit faire pression sur les industriels.

Chenilles processionnaires

M. Michel Houel .  - Le nombre de départements français confrontés aux chenilles processionnaires ne cesse d'augmenter. Les méthodes de lutte contre ce fléau sont connues, mais rien ne vaut la prévention. Les coûts de traitement sont très élevés pour les petites communes. La coordination des actions de lutte est indispensable pour être efficace.

Que compte faire le Gouvernement pour nous aider à lutter contre ce fléau ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt .  - Des campagnes de prévention ont été engagées par plusieurs agences régionales de santé. Des actions de lutte par épandage ont été organisées, avec des produits issus de l'agriculture bio. Mais ce phénomène est en pleine recrudescence, surtout en Île-de-France. Deux études sont en cours : l'une dans votre département et l'autre dans le Val-de-Marne. Le réchauffement climatique semble en cause.

Il faudra nous mettre autour d'une table avec les communes pour voir comment résoudre le problème, avec quels moyens financiers.

M. Michel Houel.  - En tant que président de l'Union des maires de Seine-et-Marne, je suis disposé à y participer.

Loups

M. Alain Bertrand .  - Mon département cumule les protections, de Natura 2000 aux zones humides. C'est dire combien nous aimons l'écologie. Mais le loup ! L'idéal serait de le cantonner dans les zones inhabitées. Au lieu de quoi les loups colonisent une bonne partie de la France. Nous aimons tous les animaux, y compris les brebis. Elles passent la nuit dans la montagne ; faudra-t-il que les éleveurs le fassent aussi ? Mettre des clôtures ? Avec des fils barbelés, sans doute, et des herses, et pourquoi pas des mines antichar ? (Sourires)

Par-delà les lois, les décrets et les circulaires, il faut en revenir à plus de raison et changer les textes qui sont mauvais. Les loups tuent des bêtes, ils font peur. Il faut les déclarer nuisibles hors de certaines zones. Sinon, pourquoi ne pas protéger les rats à Paris ?

J'ai écrit aux parlementaires et nombreux sont ceux qui nous soutiennent.

M. Didier Guillaume.  - Très bien !

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt .  - Il est très agréable d'entendre chanter l'accent du sénateur Bertrand pour évoquer cette question qui ne date pas d'aujourd'hui. Comme beaucoup d'animaux sauvages, les loups ne se cantonnent pas dans certaines zones. La Lozère est actuellement moins touchée que la Drôme.

Avec la ministre de l'écologie, un nouveau plan sera mis en place, qui respecte la convention de Berne tout en assurant à la fois la biodiversité et la sécurité du pastoralisme. Les pressions sont fortes, car les agriculteurs vivent une difficulté au quotidien. Dès le mois prochain, les discussions vont s'engager.

M. Alain Bertrand.  - Le loup est difficile à saisir : on ne sait combien il y en a en Lozère. Pourquoi ne pas introduire le lion ou le zèbre pour attirer les touristes ? Là où le loup est nuisible, il faudrait pouvoir l'abattre. Qu'est-ce que c'est que la convention de Berne ? Des mots ! Si un texte est mauvais, loi ou convention, il faut le modifier. J'accepte l'augure que votre bon sens terrien va triompher.

Situation du quotidien L'Union

M. René-Paul Savary .  - Le quotidien régional L'Union, issu de la Résistance, vit un climat social compliqué depuis plusieurs mois. L'avenir de ce titre est menacé ainsi que l'intégralité du pôle CAP, et donc l'emploi de 645 salariés. Le groupe Rossel s'est montré intéressé mais la Filpac CGT a rejeté l'accord et, malgré le soutien des salariés, le rapprochement n'a pu se réaliser. L'offre a été retirée.

Quel plan de sauvegarde, alors ? L'absence de ce quotidien ferait cruellement défaut. Qu'en est-il des discussions avec d'éventuels repreneurs ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication .  - Le Gouvernement suit ce dossier avec attention. Le groupe Hersant Media (GHM) est endetté depuis plusieurs années et tente d'améliorer sa situation en cédant des titres. La restructuration de ce groupe, condition posée à tout accord bancaire, est en marche. Compte tenu de la cession du pôle normand et du pôle polynésien, la trésorerie est assurée pour l'automne. Cependant, les groupes Hersant et Rossel ont suspendu leurs pourparlers. Un nouvel administrateur a été nommé en août pour aider à l'émergence d'un accord avec les banques avant la fin 2012. La perte de ces journaux serait dramatique pour votre région et pour les 640 salariés. La diversité en souffrirait.

Je n'exclus pas que le groupe Rossel puisse s'intéresser à nouveau à cette reprise. Une délégation syndicale a été reçue à l'Élysée le 17 septembre. Avec le ministre du redressement productif, nous sommes mobilisés et nous continuons à échanger avec les dirigeants des groupes de presse concernés.

M. René-Paul Savary.  - Merci pour ces précisions. Les plus hautes autorités de l'État se sont donc saisies de ce dossier. Nous sommes attentifs à la suite donnée pour éviter aux 640 salariés de se retrouver au chômage. Nous espérons que d'ici la fin de l'année, une solution sera trouvée.

Publication des comptes des entreprises

M. Jean-Jacques Lasserre .  - La quatrième directive européenne sur les comptes des entreprises est difficile à mettre en oeuvre.

La transparence gagne à ce que les entreprises doivent déposer chaque année leurs comptes au tribunal de commerce. Mais des pays comme l'Allemagne ne sont pas soumis à cette obligation. Une entreprise familiale de mon département est n° 2 du marché du miel en Europe après une entreprise allemande. Cette entreprise n'a pas déposé ses comptes pour que son concurrent ne soit pas informé de sa situation.

Nos entreprises souhaitent être mises sur un pied d'égalité avec leurs concurrentes européennes. En temps de crise, il ne faut pas envoyer des signes de faiblesse à qui que ce soit. Dans quel délai le Gouvernement pourrait assouplir l'obligation de publier les comptes des entreprises françaises ?

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication .  - Veuillez excuser l'absence de M. Montebourg.

Le dépôt et la publication des comptes des entreprises doivent contribuer à la sécurité des affaires. La France a transposé cette directive et elle sanctionne l'absence de dépôt des comptes. Contrairement à la France, l'Allemagne a utilisé le droit qu'elle avait d'aménager cette directive, ce qui a créé des distorsions de concurrence comme celle que vous signalez. Des réflexions sont engagées par le Gouvernement pour améliorer la compétitivité de nos entreprises. Dans ce cadre, le ministre du redressement productif envisage de dispenser les petites entreprises de la publication du compte de résultat et de prévoir une publication simplifiée pour les entreprises moyennes. Bien entendu, ce compte devrait tout de même être élaboré et mis à disposition du fisc en cas de réclamation.

M. Jean-Jacques Lasserre.  - Merci pour cette réponse précise. Imaginez l'utilisation que l'on peut faire de telles publications !

présidence de M. Didier Guillaume,vice-président

Démographie pharmaceutique

Mme Maryvonne Blondin .  - Des jeunes diplômés en pharmacie délaissent ce métier. Au 1er janvier 2012, 73 127 pharmaciens sont inscrits à l'ordre. Le maillage du territoire est menacé. Le Conseil national de l'ordre s'inquiète de voir les jeunes délaisser l'installation, préférant faire carrière dans le marketing ou le contrôle de gestion.

La perspective de travailler en officine n'est guère stimulante, alors que d'autres métiers le sont beaucoup plus. Les pharmaciens d'officine se sentent isolés et l'activité n'est plus aussi rémunératrice qu'avant. Le coût d'une pharmacie est également élevé. Le pharmacien est pourtant le premier secours médical dans nos territoires déjà fragilisés par la désertification médicale.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication .  - Veuillez excuser l'absence de Mme Touraine.

Nous héritons d'une situation difficile en matière de santé. Les pharmaciens d'officine représentent un maillon essentiel sur notre territoire. Des règles strictes ont permis d'assurer un maillage fin de la France, à un moment où progresse la désertification médicale.

Le pharmacien est trop souvent perçu comme un simple distributeur de médicaments alors que son rôle est d'abord de conseil, de prévention, d'éducation thérapeutique. Il est le professionnel de santé de premier secours.

Les pharmaciens ne sont rémunérés qu'à proportion des médicaments vendus ; le Gouvernement souhaite que l'acte de dispensation des conseils soit reconnu et intégré à la rémunération. Il a demandé au directeur de l'Uncam de s'engager dans cette perspective car il tient à ce que soit revalorisé le métier de pharmacien.

Mme Maryvonne Blondin.  - Merci pour ces précisions qui me satisfont.

Les conseils des pharmaciens sont précieux et il convient de leur rendre hommage. En 2011, 141 officines ont fermé !

Transport scolaire

M. Jean-Noël Cardoux .  - Le retour possible à la semaine de quatre jours et demi et l'allongement de l'année scolaire de deux semaines peuvent poser des problèmes d'organisation des transports scolaires. Ceux-ci sont à la charge des départements et le coût pourrait en être aggravé de 32 % dans le Loiret. C'est énorme. Le président de l'assemblée générale des maires ruraux de mon département a interpellé Mme Escoffier à ce sujet.

Il faudra aussi réorganiser les garderies scolaires sur des budgets contraints.

Le Gouvernement va-t-il engager une concertation large et approfondie avant tout étalement du temps scolaire ?

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale .  - La refondation de l'école, menée en concertation, traduirait l'engagement du président de la République de faire de la jeunesse une priorité du quinquennat.

Un groupe de travail sur le temps scolaire s'est mis en place : chacun convient que les rythmes actuels, avec 144 journées surchargées, ne sont favorables ni à l'épanouissement des enfants ni à l'acquisition des connaissances. Il y a là-dessus consensus.

La journée de classe devrait être allégée, en revenant à la classe du mercredi matin, comme avant 2008, et en allongeant l'année scolaire. Cela suppose un nouveau partage entre Éducation nationale et collectivités territoriales. Les collectivités territoriales sont pleinement associées à la concertation. J'ai reçu l'AMF, l'ADT et l'ARF, mais aussi l'association des maires des grandes villes, celle des maires ruraux, celles des maires de montagne et du littoral. Aucune grande réforme de l'école ne peut se faire contre les collectivités territoriales, qui investissent le plus en ce domaine.

Les départements se sont livrés aux mêmes calculs que vous. Certains, comme le Rhône, arrivent à des chiffres beaucoup plus bas. Cela peut s'expliquer par des différences évidentes de situation. Nous n'entendons pas, en tout état de cause, aggraver les inégalités territoriales.

M. Jean-Noël Cardoux.  - Je n'entends nullement mettre en cause l'idée d'allonger la durée de la semaine et de l'année scolaires, juste attirer votre attention sur les conséquences financières pour un département comme le mien. Si mes chiffres se confirment, je crains que le coût ne soit, à terme, répercuté sur les familles, chez moi comme ailleurs. Il faut associer étroitement l'ADF aux négociations.

Indemnités chômage des travailleurs frontaliers avec la Suisse

M. Jean-Claude Carle .  - La substitution du droit communautaire aux accords bilatéraux pose problème aux familles frontalières : la rétrocession qui prévalait à hauteur de 90 % des cotisations et représentait 119 millions d'euros n'a plus cours depuis le 1er janvier 2012. Depuis le 1er avril 2012, le règlement de 2004 s'applique mais trois mois peuvent être rétrocédés et le règlement stipule que les États peuvent prévoir des accords bilatéraux. Le Gouvernement est-il en mesure de demander la rétrocession ? Sera-t-elle à trois ou cinq mois ? Des négociations vont-elles s'ouvrir pour des accords bilatéraux ?

La Suisse ne semble pas opposée à l'idée de négocier un dispositif différent. Alors que le Gouvernement doit travailler à réduire les déficits publics, mieux vaut procéder ainsi qu'en relevant les cotisations des frontaliers à la CMU, ce qui constituerait une sévère perte de pouvoir d'achat.

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage .  - Veuillez excuser M. Sapin, retenu.

Depuis le 1er mai 2010, le nouveau règlement européen s'applique, en effet. Il est fondé sur le remboursement des trois premiers mois, qui peut être étendu à cinq mois. Le règlement est applicable à la Suisse depuis le 1er avril 2012. La France peut donc lui demander le remboursement des allocations chômage correspondant à des droits ouverts à compter de cette date. Les premières demandes seront adressées fin 2012 et concerneront les dossiers des allocataires ayant un droit ouvert à compter du 1er avril 2012 et un dernier jour indemnisé au cours de la période de remboursement de trois ou cinq mois, soit au plus tard le 30 juin 2012. En effet, pour demander le remboursement des allocations versées, Pôle emploi dispose de six mois suivant la fin du semestre civil au cours duquel a été effectué le dernier paiement des prestations de chômage. Si l'on se réfère à la masse de prestations versée en 2011 correspondant à trois mois d'indemnisation, la France aurait pu réclamer 40 millions pour le remboursement de 4 500 allocataires.

Or les premières demandes de remboursement n'ont été adressées qu'à compter de mai 2011. Il apparaît que le déséquilibre persiste pour un nombre important de travailleurs frontaliers. La Commission européenne s'est donc engagée à lancer des discussions en vue d'un éventuel réexamen du règlement, qui pourrait amener des modifications législatives en 2014. En l'attente, la France se réserve la possibilité de négocier des accords bilatéraux.

M. Jean-Claude Carle.  - Merci de cette réponse précise. Il faut réparer l'injustice. Je prends acte de la volonté du Gouvernement de le faire. Je sais que M. Moscovici est, lui aussi, très concerné.

PPRT

M. Hervé Maurey .  - L'élaboration des PPRT traduit la nécessité de faire cohabiter des sites industriels sensibles et des bassins d'habitation. Mettant en oeuvre des mesures de précaution lourdes, ils doivent être élaborés en concertation avec les élus. Sur les 21 communes de l'Eure concernées, certaines m'ont fait part de leur préoccupation car leurs questions sont restées sans réponse. Tout comme les miennes, auxquelles le préfet du Val d'Oise n'a pas daigné répondre.

Les travaux exigés ne devraient pas être supportés par les seules communes mais aussi par les entreprises et l'autorité prescriptrice ; la même question se pose pour les habitants des zones concernées.

Ne faut-il pas mieux associer les collectivités territoriales à l'élaboration des PPRT et ne pas leur laisser en assumer seules les conséquences financières ? Quelle est la position du Gouvernement ?

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger .  - Veuillez excuser l'absence de la ministre. L'Association nationale des communes sur les risques technologiques majeurs l'interpelle régulièrement sur le sujet que vous évoquez. La concertation est en effet essentielle pour l'élaboration des PPRT. Un milliard d'euros a été dépensé sur cinq ans en amont par les industriels pour réduire les risques à la source ; les PPRT sont là pour réduire les risques résiduels. Des concertations avec le public peuvent être organisées. Après approbation du plan, les dispositions adoptées sont mises en oeuvre et, selon leur nature, elles sont supportées financièrement par l'exploitant à l'origine du risque, l'État ou les collectivités territoriales. Un équilibre global doit être recherché, d'où la souplesse ménagée par les textes.

Les préfets sont invités à rechercher l'équilibre le plus pragmatique et le mieux adapté aux réalités locales. Le site de Saint-Clair-sur-Epte a déjà fait l'objet d'une concertation avec les conseils municipaux ; une nouvelle réunion est à venir. La ministre sera très attentive à sa bonne tenue.

M. Hervé Maurey.  - Le Gouvernement devra donner des instructions claires aux préfets. Les élus se sentent méprisés. Il faut parvenir à un équilibre dans la prise en charge des coûts, dites-vous ; mais les communes me disent que ce sont elles qui supportent les coûts, directement ou via des dégrèvements de taxes foncières.

PPRM de la Loire

Mme Cécile Cukierman .  - Depuis plus de trente ans, les Houillères de la Loire ont cessé leur activité et mis en sécurité les sites, déclarés constructibles à l'exception d'une zone réduite de cinq mètres autour de puits et entrées de galeries.

Le 23 mai 2011, la préfecture a communiqué aux communes une cartographie révisée des zones à risque, qui impacte toute l'agglomération stéphanoise.

Les conséquences en sont lourdes pour les particuliers et pour les communes. Les zones à aléa faible demandent à être exemptées d'étude géotechnique et les zones à aléa moyen souhaitent une appréciation réaliste sur les constructions. Quelles directives entendez-vous donner à vos services pour leur répondre favorablement ?

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger .  - Le bassin houiller de la Loire a largement contribué à l'essor industriel de la Nation. Des risques de mouvement de terrain persistent malgré les travaux de mise en sécurité. Des études approfondies ont été menées à la demande de l'État. Le PPRM doit être établi sur cette base et se substituer aux mesures de précaution temporaires ; encadré par la circulaire du 6 janvier 2012, qui assouplit les dispositions antérieures, il doit s'élaborer en pleine concertation avec les collectivités territoriales.

L'État doit assurer la sécurité des biens et des personnes, dans une optique de prévention, mais la prise en charge des études autres que de zonage est de la responsabilité des aménageurs. Il reste à la disposition des élus pour les accompagner dans l'élaboration de leurs projets.

Mme Cécile Cukierman.  - Dans certaines communes, ce sont 30 % du territoire qui sont concernés. Le PPRM doit être équilibré, prendre en compte à la fois les risques et les évolutions nécessaires de l'agglomération. Les élus ne manqueront pas d'y travailler avec la préfète.

Approvisionnements pétroliers

M. Alain Houpert .  - En Bourgogne, les professionnels de la distribution de fioul et de gazole peinent à s'approvisionner pour répondre à la demande des consommateurs, tandis qu'une nouvelle envolée des prix s'annonce. Les coûts de livraison se sont considérablement enchéris, particulièrement dans les zones rurales.

Que compte faire le Gouvernement pour nos concitoyens les plus éloignés des centres d'approvisionnement ?

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger .  - Les difficultés d'approvisionnement pénalisent de fait nos concitoyens, en particulier dans l'est du pays. En juin et juillet, la demande a été inhabituellement élevée. Le comportement des détaillants, qui achètent en fonction de l'évolution des cours, a également joué, tandis que les acteurs primaires du secteur anticipaient une baisse de la consommation. D'où un engorgement dont nous devons résorber les conséquences. La ministre rencontre les acteurs à cette fin aujourd'hui même. Le Gouvernement est mobilisé. Il l'est aussi sur la transition énergétique, qui doit promouvoir de meilleurs usages domestiques et fera l'objet d'une loi de programmation à la fin de 2013.

M. Alain Houpert.  - La question est particulièrement sensible pour les territoires ruraux. Le chauffage est concerné, mais aussi les transports. Le Parlement est gardien de l'égalité : il n'est pas normal que ceux qui sont éloignés des centres d'approvisionnement soient pénalisés.

Devenir des partenariats public-privé dans la gestion des prisons

M. Jean-Jacques Mirassou .  - Le plan « prison 13 000 » de l'un de vos prédécesseurs, M. Chalandon, poursuivi par M. Perben, a fait bien des dégâts : le PPP, contrat unique, permet de déléguer la conception, le financement, la construction, la maintenance et les services des établissements. Même si l'État conserve ses missions fondamentales de direction, de surveillance et de greffe, le problème se pose du partage des bénéfices... Les budgets alloués à la gestion déléguée et aux PPP ne cessent d'augmenter -l'exemple de la direction interrégionale des services pénitentiaires Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon est frappant.

L'État a « oublié » ses fonctions régaliennes. Ces tentatives de privatisation sont des échecs. La sécurité, madame la ministre, ne fait pas bon ménage avec la rentabilité. Comment entendez-vous y remédier ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice .  - C'est, de fait, une hypothèque posée sur les fonds publics pour au moins deux générations... J'ai dit mes réserves sur le PPP. Dès ma prise de fonction, j'ai fait évaluer le poids du secteur privé en la matière. En 2012, le coût de la gestion déléguée et des loyers liés aux PPP représente 13,5 % du budget de l'administration pénitentiaire ; 51 établissements et 49 % de la population carcérale sont concernés. C'est considérable.

Il faut cependant distinguer gestion déléguée et PPP. Le bilan de la première est satisfaisant, ce qui n'empêche pas de poser la question des politiques publiques : la politique pénitentiaire ne saurait rester déconnectée de la politique pénale. C'est sur le sens de l'incarcération qu'il faut s'interroger.

Avec le PPP, l'État se décharge totalement sur un partenaire privé pour trente ans -pour un coût exorbitant. La Cour des comptes, en 2008, sous présidence de M. Séguin, avait été très critique, pointant notamment les loyers rendus élevés par les taux d'intérêt auxquels empruntent les opérateurs. Les « coups partis » iront à leur terme. Mais je prends l'engagement de mettre fin, pour l'avenir, à ces PPP. La question n'est pas seulement financière. Le grignotage du secteur privé sur les missions régaliennes de l'État est inquiétant pour nos démocraties.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - De fait, on peut craindre, à terme, une inégalité de traitement dans l'incarcération. Je vous remercie chaleureusement de cette réponse précise et pleine de conviction.

Refus de certificats de nationalité

M. Jean-Yves Leconte .  - Depuis 2003, des décisions de rejet de délivrance de certificats de nationalité française ont été motivées par le fait que le mariage de l'ascendant français a été célébré entre 1880 et 1960 par le cadi. On se trouve face à des situations ubuesques : au sein de certaines familles, l'un s'est vu établir un certificat de nationalité française en raison de sa filiation avec un ascendant français de droit commun, tandis que l'autre a vu sa demande rejetée.

La Cour d'appel de Paris a contesté l'interprétation de l'administration ; trois décisions de la Cour de cassation ont confirmé la jurisprudence. Et faut-il rappeler ce qui avait cours à Mayotte jusqu'à la loi du 24 juillet 2006 ?

Le Gouvernement entend-il abroger l'instruction de 2003 ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Au moment de l'indépendance, ceux qui possédaient un statut civil de droit commun ont conservé la nationalité française, les autres non sauf demande expresse. C'est la coexistence des institutions républicaines avec les structures traditionnelles, du statut de droit commun avec le statut civil de droit local qui pose problème. On ne peut admettre qu'à trois générations de distance, des personnes subissent les conséquences de l'imprécision administrative. Aux termes de la jurisprudence, le mariage cadial n'annule pas le statut civil de droit commun. J'ai donc pris les dispositions nécessaires pour que cette jurisprudence soit communiquée à toutes les juridictions. Je veillerai au strict respect du droit.

M. Jean-Yves Leconte.  - Merci de votre attachement à la tradition républicaine. Aux consulats de se mobiliser, à présent, pour identifier les victimes de ces erreurs.

Projet de route littorale à La Réunion

Mme Aline Archimbaud .  - Au début des années 90, les transports collectifs représentaient 30 % des déplacements à La Réunion ; 6 % aujourd'hui. Or un Réunionnais sur trois n'a pas de voiture -un sur deux vit sous le seuil de pauvreté.

Pourtant, en 2010, un projet monumental a été décidé par la nouvelle majorité du Conseil régional : l'axe Saint-Denis-Le Port serait relié par une route à deux fois trois voies, partiellement en digue et en viaduc. Ce projet est estimé à 1,6 milliard mais risque fort de coûter bien plus cher aux contribuables et de perturber la biodiversité.

Est-il possible que l'État favorise un tel projet qui va rendre La Réunion encore plus dépendante des importations de fioul ? Ne faut-il pas sortir du tout voiture ? Une liaison ferroviaire coûterait bien moins cher et serait beaucoup moins polluante.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger .  - Le Gouvernement a conscience des problèmes que vous évoquez et souhaite favoriser le développement des transports collectifs, notamment à La Réunion. Une enveloppe de 250 millions a été prévue pour améliorer l'offre de transport en commun sur l'île. La congestion de celle-ci ne peut perdurer et le projet que vous évoquez entend répondre aux problèmes de circulation actuels ; il accueillera en particulier des bus en site propre. Sa réalisation est nécessaire compte tenu des risques courus par les usagers de la route actuelle, située sur les falaises. La procédure administrative suit son cours et le projet continuera d'être suivi de près.

Mme Aline Archimbaud.  - Je me permets d'insister, compte tenu du coût de cette nouvelle route.

Coûts des péages autoroutiers

M. Christian Cambon .  - Les tarifs des péages ont encore augmenté de 2,5 %, soit plus vite que l'inflation. Ce service public devient un luxe pour les Français, surtout en ces temps de crise. S'y ajoutent des différences de tarifs très surprenantes 20,7 euros sur l'A65 pour faire 150 kilomètres, 6,7 sur l'A75 pour en faire 331... De fait, l'égalité entre les usagers n'est pas assurée. En Bretagne, les autoroutes sont gratuites...

Depuis 2005, l'État a cédé les autoroutes à des géants du BTP privés qui réduisent leurs effectifs et augmentent sans cesse leurs tarifs. Les autoroutes sont devenues extrêmement rentables. Que compte faire le Gouvernement pour harmoniser et réguler les tarifs des autoroutes ?

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger .  - Quel modèle économique pour les concessions d'autoroute ? Les contrats fixent les modalités d'évolution des tarifs ; si ces derniers sont divers, c'est que les coûts d'investissement diffèrent d'un tronçon à l'autre.

En 2005, la précédente majorité a voté la cession de l'intégralité des parts de l'État dans les sociétés d'autoroute pour 15 milliards. Cette décision était contestable, mais elle a été prise. Le niveau des péages doit assurer une juste rémunération des concessionnaires. Est-ce le cas aujourd'hui ? Ce n'est pas certain. Le ministre a rencontré les concessionnaires et entend parvenir à une régulation du secteur ; un contrôle strict de l'évolution des tarifs est désormais en place.

M. Christian Cambon.  - Merci pour cette réponse. La décision de transférer la gestion du réseau autoroutier à des sociétés privées était la bonne, mais les tarifs doivent être modérés. Sur l'autoroute du soleil, les investissements sont amortis depuis longtemps mais les péages augmentent toujours... Je ne manquerai pas d'interroger M. le ministre des transports lors de l'examen de son budget.

Rénovation de la bande d'arrêt d'urgence de l'A4-A86

Mme Catherine Procaccia .  - Voilà deux ans que j'interviens sur cette question. J'espère que le changement, c'est aujourd'hui...

Dans le département du Val-de-Marne, le tronçon A4-A86 accueille chaque jour 280 000 automobilistes, dont 25 000 poids lourds. Les embouteillages y sont incessants. Il y a quelques années, un dispositif expérimental a été mis en place pour utiliser la BAU grâce à des barrières mobiles. L'expérimentation a été un succès mais un accident a détérioré les barrières qui, depuis, sont fermées ; des actes de vandalisme ont fini par avoir raison du dispositif.

J'avais proposé qu'on installe des panneaux lumineux pour réguler le trafic, mais rien n'a été fait. Le préfet du Val-de-Marne m'a dit que les services de sécurité et de secours seraient opposés à la réouverture de la BAU, mais ils ne peuvent l'utiliser puisqu'elle est fermée ! Tout cela est bien étonnant.

Quelle est la position du Gouvernement pour mettre fin à cette situation aberrante ?

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger .  - Mise en service en septembre 2005, l'expérimentation avait pour but d'utiliser la BAU pour délester le trafic. Malheureusement, le dispositif était vulnérable aux accidents et aux actes de vandalisme. En 2009, le dispositif a été abandonné.

Depuis le début de 2012, des travaux ont été réalisés pour rouvrir la voie : elle le sera cette semaine vers Paris et dans quelques mois dans l'autre sens. La réouverture, c'est pour maintenant !

M. Christian Cambon.  - Très bien !

Mme Catherine Procaccia.  - Merci pour cette réponse et merci au ministre des transports, qui fera demain la une des journaux locaux ! J'espère que la réouverture sera durable.

Remise en cause des projets de LGV

M. Jean-François Mayet .  - Depuis trente ans, la France vit au-dessus de ses moyens et la SNCF n'a pas dérogé à cette règle. Pour autant, faut-il abandonner tous les projets en cours ? Le projet Paris-Orléans-Clermont-Lyon (POCL) doit être mené à son terme pour désenclaver de nombreux départements et alléger le trafic sur la ligne TGV traditionnelle du couloir rhodanien. Par souci d'économie, on pourrait s'appuyer sur des lignes existantes, comme le Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT), en les modernisant. Enfin, de tels projets permettraient de réaliser des liaisons entre l'ouest et le sud-est de la France.

C'est par l'investissement que l'on assurera la relance.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger .  - La ligne POCL permettra d'assurer la desserte ferroviaire du centre de la France ; RFF a décidé de poursuivre les études du projet. Le préfet de la région Auvergne a été missionné pour coordonner cette nouvelle phase et présidera le comité de pilotage. Le Gouvernement suivra ce dossier avec attention.

Le schéma national des infrastructures de transport présenté en octobre 2011 par le précédent gouvernement prévoyait des investissements de 245 milliards sur vingt ans, mais ne donnait aucune précision sur les conditions de financement. Il conviendra de reprendre le dossier.

M. Jean-François Mayet.  - Les territoires ruraux doivent être développés. Maire de Châteauroux, j'estime que ce projet est essentiel pour désenclaver ma région. Avec le choix du tracé médian, nous ne devrions être connectés qu'à partir d'Orléans ; ce sera toujours mieux que la lenteur, l'inconfort et les pannes d'aujourd'hui, mais cette solution exclut de pouvoir un jour relier Limoges à Paris en deux heures...

Tout cela est encore très flou, comme beaucoup d'initiatives du Gouvernement ; et quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup.

La séance est suspendue à midi.

présidence de M. Charles Guené,vice-président

La séance reprend à 14 h 30.