Convention fiscale France Philippines (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République des Philippines tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôt sur le revenu.

Discussion générale

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger .  - L'avenant que je soumets à votre approbation vise à mettre en place un cadre d'échange de renseignements effectif et prévoit la levée du secret bancaire. Signé le 25 novembre 2011, à Manille, il complète la convention du 9 janvier 1976, rendue ainsi conforme au modèle élaboré par l'OCDE.

La France a pris toutes les précautions dans ses négociations, intervenues après modification effective par les autorités philippines des dispositions fiscales concernées. L'OCDE a, depuis septembre 2010, inscrit les Philippines dans sa liste blanche.

Cette signature s'inscrit dans le cadre d'une lutte contre l'évasion fiscale et les États non coopératifs, dans laquelle la France est très engagée. Notre pays a ainsi mis en place un large réseau conventionnel. Depuis mars 2009, nous avons signé deux conventions, onze avenants et vingt-huit accords d'échanges de renseignements.

Le Forum mondial qui évalue la transparence fiscale de ses membres et de tous territoires présentant des risques, a mis en place un système d'évaluation en deux phases, dont la première a concerné les Philippines. Le rapport de 2011 note les progrès accomplis par ce pays. La deuxième phase, l'année prochaine, portera sur la mise en oeuvre réelle de l'échange d'informations.

Notre avenant vient ainsi enrichir cette procédure.

La France possède sa propre liste des territoires non coopératifs, assortie de sanctions lourdes. Les Philippines pourront sortir de cette liste si l'avenant entre en vigueur avant le 31 décembre. Et il sera toujours possible de l'y réinscrire si nécessaire.

Cet avenant confirmera les engagements pris par les Philippines en matière de transparence fiscale et mettra ses règles d'échange de renseignements en conformité avec les récents standards internationaux. Soyez certains que les services de l'État assureront un suivi attentif. (Applaudissements à gauche)

Mme Michèle André, rapporteure de la commission des finances .  - Qui peut jouer les oracles ? Certains émettent ici des réserves sur notre ratification mais la meilleure façon de prédire l'avenir n'est-elle pas de le créer ? Sans ratification, la coopération entre nos deux pays demeurera lettre morte et les Philippines n'auront aucune obligation de répondre à une demande de renseignements de nos services fiscaux.

La convention initiale est aujourd'hui obsolète. L'avenant l'actualise en intégrant les dernières mesures de l'OCDE datant de 2005, parmi lesquelles la levée du secret bancaire.

Je comprends les objections que présentera M. Bocquet, alors que notre commission d'enquête, dont il fut le rapporteur, a dénoncé l'évasion fiscale. Certes, le poids des oligarchies n'est pas négligeable aux Philippines, mais nos banques n'y sont que peu présentes -deux établissements seulement offshore- et une trentaine de sociétés importantes y sont installées.

Le Forum mondial n'a conclu à aucune carence grave au terme de son évaluation : deux critères sur dix semblent à améliorer, alors qu'il avait relevé cinq carences graves pour la convention franco-panaméenne. Aucune contrepartie à la signature de l'avenant n'a été consentie par la France.

Il faut appuyer la volonté des Philippines de lutter contre la fraude fiscale. La signature de l'avenant sortira cependant les Philippines de la liste noire des États non coopératifs. Il faudra donc être vigilants, sachant le poids des oligarchies dans ce pays. Le Forum mondial nous donnera l'occasion de mesurer l'engagement concret des Philippines sur la coopération en 2013. Je vous propose donc d'adopter cet avenant. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)

M. Jean-Claude Requier .  - La ratification de cet avenant doit rendre notre convention fiscale avec les Philippines conforme aux standards internationaux. Pourquoi s'intéresser aux Philippines ? Peut-être la visite du premier ministre n'y est-elle pas étrangère. Si elle peut faire avancer les choses, c'est un bien. Car la lutte contre l'évasion fiscale piétine, comme l'a montré notre commission d'enquête, dont les conclusions sont en ceci conformes à celles de l'OCDE.

En décembre 2011, nous avions refusé la ratification de la convention fiscale avec le Panama, qui n'offrait pas de garanties solides. Tel n'est pas le cas des Philippines, qui ont supprimé les restrictions d'accès aux informations bancaires depuis 2010, ce qui les a sortis de la liste noire de l'OCDE. Et le Forum mondial estime que ce pays dispose d'un cadre juridique suffisant à l'échange d'informations bancaires. Reste aux Philippines à passer la deuxième évaluation de 2013.

La signature de cet avenant constituera une avancée. Le gouvernement français a pris toutes les précautions : une clause prévoit que les États contractants doivent prendre les mesures propres à assurer l'efficacité de l'échange. En cas de non-respect, les Philippines seraient à nouveau portées sur la liste des États non coopératifs.

Mme la rapporteure a souligné dans son rapport, combien le contexte géopolitique des Philippines est fragile. Un accord de paix vient toutefois d'être signé avec les rebelles de Mindanao, qui met fin à des années de conflit.

Nous vous appelons à approuver la ratification de cet avenant.

Mme Kalliopi Ango Ela .  - L'évasion fiscale ferait échapper 50 milliards de recettes chaque année au Trésor public. Notre commission d'enquête, à laquelle les écologistes ont pris part, a facilité l'appréhension de l'ampleur du phénomène de la fraude et de l'optimisation abusive et mis l'accent sur la nécessité de renforcer l'information des pouvoirs publics. Tel est l'objet de l'avenant qui nous est soumis, qui met à jour notre convention avec les Philippines. Car en l'état, aucune coopération fiscale n'est possible avec ce pays.

Les écologistes seront très attentifs : il ne s'agit pas d'accorder un blanc-seing à l'État philippin. Car cette signature fera sortir le pays de la liste des États non coopératifs. Il est donc légitime de rester prudent. Cependant, les Philippines ont modifié leur législation sur le secret bancaire, pour autoriser la coopération fiscale internationale, et le Forum mondial a estimé que les standards philippins étaient conformes à ceux de l'OCDE.

J'ajoute que la signature de ce texte ne met pas fin au contrôle, qui se poursuivra : réévaluation par le Forum mondial en 2013 et suivi des autorités françaises, qui permettront toujours un retour arrière. Nous resterons vigilants.

M. Éric Bocquet .  - Pourquoi ce débat pourrait-on se demander, eu égard aux garanties apportées. Ce nous est l'occasion de revenir sur un sujet de préoccupation.

Les Philippines demeurent un grand pays rural, où les inégalités sociales sont criantes. Après une longue période de dictature, le renversement de Marcos, qui a vécu dans un exil doré à Hawaï, n'a pas vraiment changé les choses: trois grandes familles constituent une oligarchie. La Constitution de 1987, largement inspirée par celle des États-Unis, favorise la domination des intérêts économiques : c'est une pure et simple confiscation du pouvoir populaire par ceux-là mêmes qui en ont les moyens.

Si la justice jouit d'une bonne réputation, les exactions des forces de l'ordre et la pratique des exécutions extrajudiciaires persistent : 55 militants de l'environnement ont été tués pour s'être opposés à des projets d'exploitation minière.

Quant à la transparence financière, il reste beaucoup à faire. C'est bien là où le bât blesse. Selon Transparence international, les Philippines sont comparables, en la matière, à la Syrie et en dessous de la République de Panama, et je vous rappelle que le Sénat avait rejeté la ratification de notre convention fiscale avec ce pays.

Est-il prudent de retirer les Philippines de la liste des États non coopératifs ? Seul l'apport de preuves manifeste de transparence devrait l'autoriser.

Nous n'avons rien contre le développement des échanges avec ce pays, mais estimons qu'il doit rester sur liste d'attente durant deux à cinq ans, le temps de vérifier la qualité des informations transmises par l'administration des Philippines et les entreprises françaises qui y travaillent.

Sans nous opposer à l'adoption de cet avenant, nous ne voterons donc pas ce projet de loi de ratification.

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

L'article unique du projet de loi est adopté.

La séance, suspendue à 15 h 05, reprend à 15 h 45.