Cumul de l'allocation de solidarité et de revenus professionnels

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à autoriser le cumul de l'allocation de solidarité aux personnes âgées avec des revenus professionnels.

Discussion générale

Mme Isabelle Debré, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des affaires sociales .  - Ce texte, adopté par la commission le 5 décembre dernier, concerne les titulaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa). En l'état actuel du droit, ceux-ci sont doublement pénalisés : leurs revenus d'activité sont soumis à cotisations sociales et ils sont retranchés du montant de l'allocation.

C'est une injustice, quand les autres retraités bénéficient du cumul emploi-retraite depuis 2003 et sous une forme libéralisée depuis 2009.

D'où cette proposition de loi. Je rappelle que le minimum vieillesse, créé en 1956, est historiquement le premier minimum social. Il bénéficie aux personnes de plus de 65 ans à titre subsidiaire. Les trois quarts des bénéficiaires dépendent de la Cnav, les autres du service de l'Aspa de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Le financement est assuré par le FSV à hauteur de 3 milliards par an.

La revalorisation de 25 % de l'Aspa pour les personnes isolées, sous l'ancienne majorité, a été précédée de l'ordonnance du 24 juin 2004 qui simplifiait le minimum vieillesse. Pour les personnes isolées, le complément apporté peut atteindre 777,16 euros par mois ; et 1 206 euros pour un couple.

Si le nombre de bénéficiaires du minimum vieillesse a décru -de 2,5 millions en 1960 à 576 000 en 2010-, il assure un rôle essentiel dans la couverture vieillesse des personnes pauvres, d'après la Cour des comptes. Surtout, le nombre de titulaires pourrait augmenter avec l'arrivée à la retraite de générations où les carrières incomplètes sont monnaie courante.

Dans la conjoncture présente, pourquoi interdire le cumul ? Le constat est partagé par tous ceux que j'ai auditionnés et un syndicat a même qualifié la règle actuelle d'aberration juridique.

La majorité des bénéficiaires vivent en dessous du seuil de pauvreté, soit 964 euros par mois en 2010. L'Igas, dans un rapport sur le cumul emploi-retraite, a mis en lumière cette inéquité et appelle à créer un mécanisme d'intéressement pour les titulaires du minimum vieillesse. Le conseil d'orientation des retraites (COR) rappelle que le droit à la retraite ne doit pas priver ses bénéficiaires du droit fondamental au travail.

Pour corriger cette injustice, je propose de modifier l'article L. 815-9 du code de la sécurité sociale -en prévoyant un plafond, dès lors que l'allocation relève de la solidarité nationale. Ce plafond serait de 1,2 Smic pour les personnes isolées et 1,5 Smic pour les couples. Étendons le cumul aux titulaires de l'ancienne allocation supplémentaire vieillesse.

S'il est difficile de connaître le nombre exact d'allocataires à venir, le texte vise, aujourd'hui, ceux qui sont âgés de 65 à 75 ans, soit un tiers du total, et surtout des femmes, qui représentent 62 % des allocataires isolés entre 60 et 75 ans.

Ce texte n'entend évidemment pas résorber à lui seul la pauvreté, qui touche 10 % de cette classe d'âge. Il est une réponse humaine, pragmatique et de bon sens pour autoriser ces personnes à profiter de leurs revenus d'activité et à conserver par le travail du lien social. Le Sénat s'honorerait à réparer cette injustice en donnant une suite favorable à ma proposition de loi. (Applaudissements à droite)

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie .  - Le Gouvernement est très attaché à la préservation du niveau de vie des personnes âgées et, en particulier, des titulaires du minimum vieillesse. Je salue donc l'intention de l'auteur de cette proposition de loi. L'Aspa permet à une personne isolée d'atteindre un revenu de 777 euros par mois, 1 200 euros pour les couples. Actuellement 573 000 personnes bénéficient de cette allocation différentielle.

L'ancienne majorité a créé des mécanismes d'intéressement pour les autres retraités. Certes, mais la question se pose ici en des termes différents. D'abord, l'âge moyen des allocataires était de 74,7 ans en 2011. Surtout, l'allocation s'adresse à des personnes privées de ressources et soutenues par la solidarité nationale. Seul 1 % d'entre elles déclarent travailler. Quel serait l'impact de la mesure : combien de personnes concernées, dans quels secteurs d'activité, pour quelle durée ?

Ensuite, une réforme isolée et précipitée serait malvenue. Appuyons-nous sur le récent rapport de l'Igas, les travaux du COR pour une réforme globale. Une concertation sur les retraites aura lieu au premier semestre 2013 : ce sera le bon moment d'agir pour conforter la solidarité entre générations et consolider le coeur de notre régime de retraite par répartition, auquel le Gouvernement et tous les Français sont attachés.

Sur un plan technique, un décret suffit pour introduire le cumul, en modifiant la base ressources. L'extension du cumul aux titulaires de l'ASV ne nécessite aucune disposition spécifique, puisque les personnes concernées peuvent à tout moment opter pour l'Aspa.

Pour toutes ces raisons, et en attendant notre grand rendez-vous de 2013, le Gouvernement s'en remettra à la sagesse du Sénat.

M. le président.  - En application de la décision de la conférence des présidents, je dois interrompre la discussion de cette proposition de loi, qui sera reportée à une date ultérieure.

Mme Isabelle Debré, rapporteur.  - Ce sont de mauvaises conditions de travail !