Conseillers départementaux (Suite)

M. le président.  Nous reprenons l'examen du projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral et du projet de loi organique relatif à l'élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux.

Discussion générale commune (Suite)

M. Pierre Camani .  - Les grandes lois de décentralisation des années 80 ont jeté les bases de la démocratie locale. Les présents textes s'inscrivent dans cette lignée. La réforme innovante qu'ils portent modernisera le département, en opposition totale avec la loi du 16 décembre 2010 qui l'affaiblissait, avec la création du conseiller territorial. Sa dimension de collectivité de proximité sociale et territoriale sera confortée. Le mode de scrutin novateur qui nous est proposé conjugue les avantages du scrutin majoritaire, élément majeur de proximité, et la féminisation, grâce au respect du principe constitutionnel de parité, alors que 13 % de femmes seulement siègent aujourd'hui dans nos conseils généraux. Leur proportion n'a augmenté lors des dernières élections que de 0,7 % par rapport à 2008, ce qui est dérisoire. Cette sous-représentation des femmes est un défi lancé à l'universalisme républicain, selon les propres termes de Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l'intérieur, il y a treize ans. Dans ce domaine, le recours à la loi est nécessaire. Le binôme tant décrié donnera aussi l'occasion de développer de nouvelles formes de coopération entre élus. Nous gagnerons en efficacité et en audience auprès de nos concitoyens. Le changement de dénomination des conseils généraux est en outre bienvenu.

La suppression du renouvellement triennal donnera une meilleure lisibilité et une plus grande efficacité aux politiques publiques.

Le nouveau mode de scrutin impose un redécoupage des cantons. Dans le Lot-et-Garonne, l'écart de représentation est de un à dix entre le canton le plus peuplé et le canton le moins peuplé, ce qui bat en brèche le principe d'égalité devant le suffrage. Il est temps de mettre un terme à ces inégalités de représentation. En divisant le nombre de cantons par deux, le Gouvernement ne donne pas une prime à la représentation des agglomérations au détriment des territoires ruraux. La mauvaise foi teintée d'amnésie de l'opposition, qui hier acceptait la division par deux du nombre d'élus avec le conseiller territorial (protestations à droite ; « Il a raison ! » sur les bancs socialistes), est confondante...

La proximité est une exigence de nos concitoyens -le texte réaffirme le lien essentiel entre l'élu départemental et son territoire ; le renouvellement de la représentation politique est un autre de leurs souhaits. Le renouveau territorial, fondé sur l'intelligence des territoires, que les élus appellent de leurs voeux trouvera une traduction concrète dans l'acte III de la décentralisation. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Catherine Troendle .  - (Marques d'encouragement sur les bancs UMP) Ce texte remet en cause la réforme que notre majorité a votée il y a deux ans. (« C'est vrai ! » sur les bancs socialistes)

C'est votre choix, nous ne pouvons le partager.

Vous n'avez conservé de la loi de 2010 que l'élection des délégués communautaires au suffrage universel direct. Il s'agit d'un progrès considérable auquel nous tenons. Les EPCI ont de larges compétences, ils lèvent l'impôt, mais paradoxalement ne sont pas aujourd'hui concernés par le suffrage universel. Les citoyens vont s'approprier les débats communautaires. L'intercommunalité ne sera plus désincarnée. Au 1er janvier 2012, les 2 581 EPCI concernaient 35 300 communes et 59 millions de nos concitoyens.

La question du seuil d'application du scrutin de liste pour les petites communes divise les maires. Ce scrutin a des avantages : il assure une majorité directe et garantit la parité, mais plus on abaisse le seuil, plus on aura du mal à constituer au moins deux listes, voire une seule. Le risque est de voir nos concitoyens de désintéresser du scrutin municipal. Mais je conviens qu'un seuil plus bas permettra de diversifier la composition des conseils municipaux. C'est pourquoi nous proposons un seuil de 2 000 habitants, lisible pour les maires parce qu'il est celui que retient l'Insee pour définir les communes rurales.

L'égal accès des hommes et des femmes aux fonctions électives est un objectif partagé par l'ensemble de nos formations politiques. Le retard de la France dans ce domaine est connu. Le principe est inscrit dans la Constitution, mais le Conseil constitutionnel considère qu'il n'a pas pour objet de priver le législateur de toute latitude pour le choix du mode de scrutin. De là à imaginer que le Gouvernement nous proposerait un mode de scrutin aussi baroque... (Marques d'ironie sur les bancs socialistes)

M. Didier Guillaume.  - Formidable !

Mme Catherine Troendle.  - ... qui n'existe nulle part ailleurs ! Les membres du binôme seront solidaires dans l'élection mais deviendront indépendants après elle. Quel en sera le fonctionnement sur le terrain ? Ils seront en concurrence sur le même territoire ! (On fait mention, sur les bancs socialistes, des conseillers régionaux et des sénateurs) Sans compter qu'avec le redécoupage et le surdimensionnement de certains cantons, le lien entre élus et électeurs sera rompu ...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Surtout dans les cantons ruraux.

Mme Catherine Troendle.  - La logique démographique qui présidera au redécoupage est un coup dur à la cohérence territoriale et sacrifie la ruralité. Nous ne pouvons l'accepter. Nous serons déterminés et combatifs tout au long de ces débats. (Applaudissements à droite)

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur .  - Je remercie le rapporteur pour la qualité de son travail, ainsi que le président de la commission des lois. Je salue les propos des orateurs, hommes et femmes de terrain et remercie tout particulièrement le sénateur Kaltenbach pour son appréciation positive au nom du groupe socialiste. (Marques d'ironie au centre et à droite)

Jamais ce projet de loi n'aurait pu voir le jour sans un dialogue approfondi avec les représentants des collectivités territoriales. Je récuse toute accusation de précipitation. J'ai rencontré les dirigeants des formations politiques représentées par un groupe parlementaire. Le dialogue fut plus difficile avec l'UMP pour des raisons internes à cette formation. (Protestations sur les bancs UMP) Avec le président Gaudin et Jean-François Copé nous avons échangé rapidement ; eux-mêmes ont parlé avec le président de la République. J'ai rencontré plusieurs associations d'élus : l'AMF, l'ADF, l'ACDF. Le président Mézard a évoqué le « silence assourdissant » de l'ADF ; je le renvoie au texte qu'elle a publié le 9 janvier 2013, qui estime que le scrutin binominal est d'une totale efficacité concernant l'égalité entre femmes et hommes sans pour autant rompre le lien indispensable entre les élus et les territoires.

Je rappelle également les déclarations de l'Assemblée des communautés de France, qui se félicite de l'élection directe des conseilles communautaires. Le présent projet de loi a été rédigé aussi à la lumière de ces échanges.

Le scrutin binominal majoritaire est novateur en effet ; il a été proposé par Mme André dès 2010 dans un rapport, élaboré au nom de votre Délégation aux droits des femmes et au titre évocateur : Il faut sauver la parité. Ce mode de scrutin répond à deux exigences : renforcer la parité et préserver l'exigence de proximité. C'est la condition du renforcement de la légitimité de ces élus de terrain que sont et seront les conseillers départementaux. Le conseiller territorial mettait en difficulté la région et le département. (Protestations sur les bancs UMP ; marques d'approbation sur les bancs socialistes) Il faisait disparaître le lien direct avec l'électeur. (Mêmes mouvements) Il ne permettait pas la parité. Quand on est pour la parité, pour la proximité et pour le département, on doit se féliciter de la capacité d'invention du Gouvernement, (applaudissements sur les bancs socialistes) qui ne peut se satisfaire du statu quo trop défavorable à la parité, comme l'a souligné Mme Gonthier-Maurin dans son rapport.

Sans règles précises comme pour le scrutin de liste, la cause des femmes n'avance pas. Aux législatives, la parité avance d'un côté mais pas de l'autre... (Applaudissements sur les bancs socialistes) Dès 2015, la parité sera instaurée dans les conseils départementaux. La parité est un objectif à valeur constitutionnelle. La France est ainsi faite qu'elle a besoin, pour faire avancer certaines causes comme la parité, de la loi...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Pas dans le mariage !

M. Manuel Valls, ministre.  - Le mode de scrutin binominal majoritaire préserve un lien fort entre les électeurs et les élus. Je confirme que le nombre de cantons après redécoupage sera légèrement supérieur à la moitié du nombre de cantons actuels.

Monsieur Mézard, la notion de représentativité peut être partagée de manière binominale au titre de la représentation d'un même territoire ; dans le cas contraire, les listes pour l'élection des conseils régionaux ne seraient pas constitutionnelles. Quant au principe de l'individualisation de l'égalité de représentation, le Conseil d'État n'y a pas fait référence ; son rapporteur s'est penché de manière exhaustive sur les principes constitutionnels auxquels devra veiller le Gouvernement dans la rédaction de son projet de loi.

Vous souhaitez que le redécoupage cantonal soit réalisé par voie législative. L'article 23 de ce projet de loi fixe les règles du redécoupage cantonal. Le code général des collectivités territoriales prévoit que les modifications de limites des cantons, la création ou la suppression de cantons et le transfert de chefs-lieux sont décidées par décret en Conseil d'État, après consultation des conseils généraux.

M. Jean Bizet.  - Ça peut changer...

M. Manuel Valls, ministre.  - Nous souhaitons que le redécoupage des cantons soit équilibré et tienne compte de la démographie, ce qu'impose la jurisprudence constitutionnelle, mais aussi des territoires. Le Conseil constitutionnel a validé en 2009 la règle de l'écart de plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne des cantons du département. Dans l'avis que le Gouvernement lui a spécialement demandé, la haute juridiction administrative a confirmé la prise en compte de cette règle. Il eût été impossible de ne pas s'y conformer, sauf exceptions, au cas par cas, en montagne ou en zone rurale. Je sais que le rapporteur y a été particulièrement sensible.

M. Jean Bizet.  - Sans rire !

M. Manuel Valls, ministre.  - Oui, nous tiendrons compte des spécificités pertinentes, avec les critères les plus clairs, pourvu qu'elles soient fondées sur des critères géographiques ou des motifs d'intérêt général. Si nous avions gardé le même mode de scrutin, il aurait fallu redécouper de même...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Absolument !

M. Manuel Valls, ministre.  - Je ne vois pas de proposition alternative dans ce débat. (On le conteste à droite)

Madame Bataille, vous avez souhaité que le Gouvernement avance dans la voie d'exceptions géographiques et démographiques.

M. Bruno Sido.  - Elle a été excellente !

M. Manuel Valls, ministre.  - Nous devrons y travailler. La loi devra être enrichie pour que le Conseil d'État, saisi département par département, puisse intégrer la règle des 20 % et les critères que vous y avez évoqués.

J'ai apprécié le talent de M. Nègre, dans sa tentative de démonstration des velléités ruralicides du Gouvernement. Que le maire de Cagnes-sur-Mer transmette nos salutations à M. Ciotti, élu du canton de Saint-Martin-Vésubie, 1 473 habitants, qui grâce à cette situation a une maîtrise parfaite des politiques d'un département qui en compte plus d'un million. Oui, il faut un changement rapide ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Bruno Sido.  - Ce n'est pas gentil !

M. Manuel Valls, ministre.  - Monsieur Mézard, (exclamations à droite) ce n'est pas le Gouvernement qui a soulevé l'article 40 contre certains amendements.

Le projet de loi retient un seuil de 1 000 habitants à partir duquel le scrutin de liste doit s'appliquer dans les communes. M. Zocchetto a recommandé de le fixer à 1 500 habitants, Mme Assassi et M. Placé, qui nous manque ce soir,

M. Jean Bizet.  - Cruellement !

M. Manuel Valls, ministre.  - ... ont suggéré 500. Un seuil trop élevé ne permet pas la parité.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - C'est une obsession !

M. Manuel Valls, ministre.  - Oui, en effet !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Pas pour le mariage !

M. Manuel Valls, ministre.  - M. Hyest soutenait la proposition du gouvernement précédent d'un seuil de 500 habitants ; il juge aujourd'hui que 2 000 serait plus pertinent -j'y vois quelque contradiction. Je vous l'ai dit, je suis ouvert. Votre assemblée saura définir le meilleur seuil au regard de la nécessité du respect de la parité et de la démocratie.

Le Gouvernement est favorable à une nouvelle étape de démocratisation des intercommunalités. Elles en connaîtront certainement d'autres. Je veux rassurer Mme Assassi : l'échelon communal, essentiel, n'est pas remis en cause. Il n'est nullement question de le faire disparaître. Mais l'importance des intercommunalités et de leur budget ne peut être méconnue.

L'abrogation des dispositions relatives au conseiller territorial nous oblige à revenir sur le calendrier électoral. C'est la précédente majorité qui a modifié les dates normales des élections régionales et cantonales. En la reportant d'un an, nous nous rapprochons de la durée classique des différents mandats. Nous n'avons pas souhaité modifier l'ordre des élections locales d'ici au prochain renouvellement de votre Haute assemblée. La concomitance des scrutins locaux permettra -il faut l'espérer- une plus forte mobilisation du corps électoral.

L'élection européenne, très politisée, à un tour, est éloignée du scrutin régional. Président Hyest, nous reviendrons au cours du débat sur vos autres propositions.

Monsieur Richard, vous nous avez une nouvelle fois montré votre exceptionnelle connaissance des collectivités territoriales. (Exclamations à droite) Vous fûtes le rapporteur historique de la loi de juillet 1982 ; votre créativité sera utile à nos travaux.

Je remercie M. Jean Boyer des mots particulièrement républicains qu'il a eus à mon égard. Le Gouvernement entend concilier exigence démocratique et préservation des territoires ruraux.

Monsieur Collombat, je vous connais depuis longtemps, j'ai cru déceler quelques contradictions dans vos propos. Vous fûtes un grand réformateur, je n'imaginais pas que vous -vous, fûtes pour le statu quo ! Si on veut la parité, il faut avancer. C'est ce que nous proposons, à l'initiative, je le rappelle, de votre assemblée.

Je remercie M. Dantec du soutien de son groupe au projet de loi. M. Daudigny a démontré la pertinence et l'efficacité du binôme. Dans toutes les régions de France, les conseillers régionaux, de la majorité comme de l'opposition, se répartissent les responsabilités dans les conseils d'administration des lycées et des établissements publics.

M. Alain Fouché.  - Cela n'a rien à voir !

M. Manuel Valls, ministre.  - Je ne doute pas que ces équipes fonctionneront.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Pas dans le monde rural !

M. Manuel Valls, ministre.  - Vous parlez beaucoup de mariage et de Pacs, je vous assure que ces alliances fonctionnent ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Bas a des exigences extrêmes pour le découpage cantonal. Il n'ignore pourtant pas que les règles sont les mêmes que celles qu'avait proposées le précédent gouvernement pour les cantons du conseiller territorial. Sa suspicion à l'égard du Conseil d'État, qu'il connaît bien, m'étonne... Le Gouvernement soumettra à la haute juridiction administrative autant de décrets que de départements concernés. Je suggère aux sénateurs de l'UMP, au vu du travail d'Yves Guéna sur le découpage des circonscriptions législatives, de réviser leur argumentaire sur un prétendu tripatouillage ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Le Gouvernement est à l'écoute du Sénat. (Mouvements divers à droite) Nous partageons la même volonté : préserver le département et moderniser le canton, à travers la parité...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Bel alibi !

M. Manuel Valls, ministre.  - Oui, le Gouvernement restera à votre écoute dans la sérénité et la bonne humeur. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale commune est close.

Exception d'irrecevabilité sur le projet de loi ordinaire

M. le président.  - Motion n°49, présentée par M. Hyest et les membres du groupe UMP.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral (n° 252, 2012-2013).

M. Hugues Portelli .  - L'irrecevabilité constitutionnelle concerne trois dispositions essentielles du projet de loi, à commencer par le mode d'élection binominal des conseillers départementaux, qui ne correspond à aucun des modes de scrutin connus en France ou dans d'autres pays démocratiques. Il est justifié par la volonté d'imposer la parité.

Avec ce scrutin baroque, la parité s'étendra aux suppléants. Pourtant en cas de démission du suppléant devenu titulaire, le siège restera vacant jusqu'à la fin du mandat de six ans... Les deux élus seront solidaires, y compris financièrement, dans la campagne, mais pas après ; ils pourront alors faire des choix politiques divergents. Où sera alors la sincérité du scrutin -donc sa constitutionnalité ? Rien n'empêchait le Gouvernement de proposer le seul système qui garantisse la parité, le scrutin de liste, qui pouvait être majoritaire ou proportionnel.

M. Didier Guillaume.  - Vous n'êtes pas d'accord !

M. Hugues Portelli.  - Au Chili, pour les élections législatives, ce système a été inventé après la chute de Pinochet pour permettre aux électeurs de choisir un élu, et non pas deux, parmi deux candidats issus d'une coalition de partis.

La division par deux du nombre de cantons frappera automatiquement les territoires ruraux. On verra des cantons de plus de 60 000 habitants. On urbanisera ainsi définitivement la représentation départementale. Le canton est aussi circonscription administrative de proximité ; il n'existera plus. Et quelle différence fera-t-on entre des maxi-cantons et les grandes intercommunalités ? En affaiblissant la représentation des territoires ruraux, ce projet de loi porte atteinte au mode d'élection du Sénat, donc à l'article 24 de la Constitution.

Le report des élections, ensuite. Le mandat raccourci des conseillers généraux et régionaux était lié, dixit le Conseil constitutionnel, à leur extinction à la suite de la création du conseiller territorial. On le prolonge de 25 % à 33 %. Le Conseil constitutionnel ne l'acceptera pas. En outre, il a veillé à ce que les sénateurs ne soient pas élus par des élus locaux en fin de mandat. Jusqu'à présent, le renouvellement du Sénat a toujours fait suite à celui des conseillers généraux. Le report proposé marque une rupture. C'est d'autant plus grave que le Gouvernement a l'intention d'accorder aux conseillers départementaux et régionaux un droit de vote multiple. (Exclamations à droite) La date retenue jusqu'alors avait été validée par le Conseil constitutionnel en juillet 2010. Le regroupement des élections locales permettait aussi de combattre l'abstention. L'étalement proposé va en sens inverse.

J'en viens aux élections municipales à Paris. Paris, Lyon et Marseille sont les seules communes divisées en arrondissements. Bizarrement, ce projet de loi ne concerne que Paris et en particulier trois arrondissements de droite, qui voient leur représentation amoindrie au profit de trois arrondissements de gauche. Qu'en est-il de Lyon et Marseille ? Il y a là une atteinte caractérisée au principe d'égalité devant la loi.

Pour toutes ces raisons, le projet de loi est inconstitutionnel ; nous invitons le Sénat à le déclarer irrecevable. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Didier Guillaume .  - Je vais tenter d'apaiser vos inquiétudes. Ce texte marque un progrès pour la démocratie locale. Il est vrai que certains conseillers généraux voteront en 2014, après avoir voté en 2008, pour les élections sénatoriales. Cela n'altèrera pas la sincérité du scrutin, car les conseillers municipaux de nos 36 000 communes, composante essentielle du corps électoral sénatorial, auront été, eux, entièrement renouvelés en mars 2014. Je ne crois pas que 3 % du corps électoral puissent altérer les résultats du scrutin. (On le conteste vivement à droite)

Cet avis est de nature à rassurer nos collègues de l'opposition. (On le dénie à droite) Sans ce report, il y aurait eu cinq élections et neuf tours de scrutin en 2014. La situation rejoint celle de 2007 et M. Sarkozy avait fait prolonger jusqu'en 2008 les mandats des conseillers municipaux et généraux. Nous entendons dire que nos concitoyens se désintéressent de la politique : pour les mobiliser, il faut modifier le calendrier. La jurisprudence du Conseil constitutionnel reconnaît qu'il est possible de modifier la durée des mandats pour une question d'intérêt général et à titre exceptionnel.

La création d'un nouveau type de scrutin pour les cantonales vous alarme. Elle répond pourtant aux conditions de l'article 34 de la Constitution. Depuis la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999, la parité politique est devenue un objectif à valeur constitutionnelle, dont le Conseil constitutionnel s'est montré le gardien vigilant. Elle est inscrite à l'article premier de notre Constitution depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Ce gouvernement la réalise concrètement ; il est le premier de l'Histoire à répondre à cette exigence, dans sa composition et en instaurant le scrutin binominal paritaire, qui marque un progrès avec des pratiques politiques dont nous sommes tous responsables. Comment peut-on se satisfaire que seulement 13 % des conseillers généraux soient des femmes ? Il n'y a pas non plus de problème de constitutionnalité au regard de l'article 72.

Depuis plusieurs mois, les collectivités territoriales sont au coeur de nos préoccupations. Nous avons libéré la parole des territoires grâce aux états généraux de la démocratie locale. Nous avons adopté la proposition de loi de M. Doligé pour simplifier les normes applicables aux collectivités locales. Fin janvier, nous allons créer une haute autorité chargée des normes et nous examinerons le statut des élus locaux. Nous restons donc plus que jamais la maison des collectivités territoriales.

Ce texte est ambitieux, il prend en compte les réalités territoriales. Il était temps d'adapter nos élus locaux aux évolutions de la société et de mettre fin à l'archaïsme du panachage, même s'il a un certain charme. Le seuil de 1 000 habitants n'est pas figé. M. le ministre l'a dit.

Le rapport entre les populations représentées par les conseillers généraux va de 1 à 47 ! Il était temps de procéder à un redécoupage des cantons. Les Français sont attachés à leurs cantons, c'est vrai. Ce texte ne reproduit pas l'erreur du précédent gouvernement qui avait créé le conseiller territorial. Faut-il réduire le nombre d'élus locaux ? Certes non !

Sur son site internet, l'UMP dit qu'elle ne laissera pas la gauche « détruire le pacte républicain ». Cela tombe bien : avec ce texte, nous renforçons notre pacte, nous mettons fin aux discriminations entre les sexes grâce à ce nouveau mode de scrutin. Nous nous mettons en conformité avec le Conseil constitutionnel. Il faudra bien aussi tenir compte des spécificités géographiques, mais ce texte le fera.

Cette motion de procédure n'est pas fondée, mais elle donne à l'opposition un moyen de marquer son désaccord avec le Gouvernement. Pourtant, ce projet de loi marque un progrès pour la démocratie locale. Nous voterons donc contre cette motion. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Michel Delebarre, rapporteur .  - Notre commission des lois n'a pas retenu cette motion mais il fallait qu'elle soit déposée. Je donne acte à M. Portelli qu'il a argumenté sur les points qui lui semblaient poser des problèmes constitutionnels. M. Guillaume a montré que ces craintes sont vaines. Certes, ce texte modifie des choses, il s'agit d'une véritable rénovation des pratiques locales. La commission ne retient pas cette motion. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Manuel Valls, ministre .  - M. Portelli a apporté des arguments qui méritent réponse.

Une manoeuvre en vue des élections sénatoriales de 2014 ? Le poids des conseillers généraux et des conseillers régionaux est respectivement de 2,6 et de 1,21 % des collèges électoraux pour le Sénat. En outre, le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé sur les reports d'élections le 6 décembre 1990 : il a admis la prolongation d'un mandat local. Le Conseil avait conclu que les choix du législateur s'inscrivaient dans le cadre d'une réforme qui ne contrevenait pas aux règles constitutionnelles. Saisi de la loi du 16 février 2010, il a considéré que la concomitance de scrutins pouvait favoriser une plus forte participation du corps électoral. En prolongeant d'un an les mandats des conseillers généraux et régionaux, le Gouvernement ne porte pas atteinte aux principes constitutionnels. Il le fait pour éviter le découragement des électeurs devant les cinq scrutins prévus initialement en 2014.

Je saisis cette occasion pour préciser que nous n'avons pas l'intention d'aller vers la pondération des voix préconisée par la commission Jospin pour le corps électoral élisant les sénateurs.

Le scrutin binominal n'est en rien inconstitutionnel. Il ne remet pas en cause le vote individuel des élus.

Le Gouvernement a entendu fixer dans la loi des éléments qui ne ressortissaient jusqu'à présent que du pouvoir réglementaire, et il a retenu les critères reconnus par le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État. C'est un progrès. Songez qu'il suffit d'un arrêté préfectoral pour modifier les limites d'une commune !

Vous vous étonnez que nous modifiions seulement les règles pour Paris et pas pour les deux autres villes concernées par la loi PLM. En 1987, cela a été fait pour la seule ville de Marseille, à la demande du président Gaudin, premier édile de cette cité. Il y a donc un précédent. La population parisienne a évolué depuis 30 ans et rien n'avait été modifié : il était temps de le faire. Si le président Gaudin a des propositions à faire pour Marseille, le Gouvernement est prêt à en discuter.

Bref, ce texte poursuit plusieurs objectifs constitutionnels. La parité, d'abord, qui figure à l'article premier de la Constitution, selon lequel « la loi favorise l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ». Si nous n'avions pas respecté ce principe, on aurait été fondé à nous le reprocher.

Le deuxième principe constitutionnel visé par ce texte est le principe d'égalité devant les scrutins. Dans certains départements, le rapport entre le canton le plus peuplé et le moins peuplé atteint de 1 à 47. Dans plus de la moitié des départements, l'écart est de 1 à 10. Dans dix-huit départements, malgré les changements démographiques intervenus depuis 1790, la carte cantonale n'a pas évolué depuis lors. Les écarts ne sont plus acceptables. Le scrutin binominal majoritaire permettra de faire respecter l'égalité devant le suffrage. Parité, respect de la démographie, ce sont des principes constitutionnels. Enfin, le respect de la pluralité des opinions est assuré par le texte.

Certains ont évoqué la tradition républicaine de ne pas modifier les scrutins au moins un an avant l'élection. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 juillet 1988, rappelait qu'il n'existait pas de principe fondamental reconnu par les lois de la République en ce sens.

M. Jean Bizet.  - C'est une tradition !

M. Manuel Valls, ministre.  - En déposant ce projet de loi cet automne et en engageant la discussion cette semaine, nous respectons à la fois les principes constitutionnels et la tradition.

Je crois avoir fait la démonstration que ce texte est conforme à la Constitution. Je vous invite à rejeter cette motion.

À la demande du groupe UMP, la motion n°49 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 342
Majorité absolue des suffrages exprimés 172
Pour l'adoption 162
Contre 180

Le Sénat n'a pas adopté.

(Applaudissements sur les bancs socialistes)

Renvoi en commission sur le projet de loi ordinaire

M. le président.  - Motion n°1 rectifiée, présentée par M. Hyest et les membres du groupe UMP.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, le projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral (n° 252, 2012-2013).

M. Bruno Retailleau .  - Tout d'abord, je veux revenir sur les mauvaises conditions d'examen de ce texte majeur qui va concerner l'ensemble de nos élections territoriales. La Conférence des présidents était convoquée le 19 décembre pour inscrire ce texte à l'ordre du jour et, le même jour, se réunissait notre commission des lois. Certes, on a vu pire, mais nous ne pouvons nous satisfaire de ces conditions de travail.

La deuxième raison tient au souci de cohérence : hier soir, M. Zocchetto disait à juste titre que l'on mettait la charrue avant les boeufs. Un mode de scrutin n'est pas une fin en soi, c'est une modalité pour servir la collectivité pour laquelle ce mode de scrutin est prévu. Une des grandes légitimités des départements, c'est qu'ils offrent une garantie à la ruralité. Il faut définir les compétences des collectivités avant de fixer un mode de scrutin. Ici, c'est le cas, et vous allez sacrifier la ruralité. Vous avez choisi la règle arithmétique. Mais que faites-vous des bassins de vie ? Pour remédier à une discrimination, vous en créez une autre. Un objectif louable, la parité, ne peut être atteint au détriment d'un autre, non moins légitime. À quoi bon avoir choisi le scrutin majoritaire si c'est pour éloigner l'électeur de l'élu en redessinant les cantons ?

Il y a plus grave : nous allons passer beaucoup de temps sur ce texte, mais à quoi bon alors que nous avons le sentiment que votre gouvernement programme la fin des départements. L'ADF n'est pas restée silencieuse : son président dit la colère des présidents des conseils généraux. Nous avons assisté au débat sur la péréquation en fin d'année. Les départements ruraux sont menacés d'asphyxie, condamnés à une mort lente. (Approbation à droite)

Le choix du scrutin que vous faites va brouiller les cartes. On a affublé ce type de scrutin de diverses épithètes. J'en ajoute une : il est fantaisiste. C'est un hommage à la créativité et au génie français. Les deux candidats seront solidaires dans l'élection et son contentieux ; une fois élus, ils seront solitaires.

Dans un scrutin de liste, on choisit l'assemblée délibérative. Ici, vous avez choisi un entre-deux.

M. Jean Bizet.  - C'est vrai !

M. Bruno Retailleau.  - Vous dénaturez la représentativité.

Sur le plan constitutionnel, je vous ai entendu, mais les constitutionnalistes qui conseillent le Gouvernement peuvent se tromper.

Derrière votre souci de cohérence se cache une sorte de manoeuvre électorale... Quand je vous regarde, monsieur le ministre, j'ai envie de vous donner le bon Dieu sans confession. (Sourires)

M. Manuel Valls, ministre.  - Venant de vous !

M. Michel Delebarre, rapporteur.  - C'est risqué !

M. Bruno Retailleau.  - Mais quand je regarde le texte, je me dis que le diable se cache dans les détails. J'ai quelques doutes : il y a le report du calendrier, qui va geler une partie du corps des grands électeurs sénatoriaux : 4 % dans tout le pays nous dit-on, mais 10 % pour la Corse ! Ce gel marginal aurait pu changer les choses dans dix départements et changer les résultats du tout au tout pour trois départements. M. Placé a dit dans un journal du dimanche que la gauche allait garder la majorité au Sénat grâce à une modification du mode de scrutin. C'est un indice.

Deuxième indice, c'est l'abaissement du seuil pour se présenter au deuxième tour. Vous retenez 10 %, qui a la magie du chiffre rond. Les projections montrent 259 triangulaires dont 121 avec présence du Front national. Quel est l'objectif d'intérêt général poursuivi par le Gouvernement ? Comme l'écrivait François Furet dans l'un de ses ultimes articles, L'énigme française, « C'est un avantage sans prix que de disposer d'un allié objectif sous les traits d'un adversaire radical ».

Autre indice : le redécoupage : certes, il faut réduire les écarts, mais le Gouvernement s'octroie un pouvoir discrétionnaire pour remodeler la France des cantons. Son mode de scrutin imaginatif lui permettra de diminuer par deux le nombre des cantons, ce qui pourra justifier de grands coups de ciseaux ! Et, ce qui me gêne encore plus, vous voulez vous affranchir du dispositif actuel alors que les deux derniers remodelages législatifs ont respecté les limites des cantons. Vous vous donnez une grande liberté en vous affranchissant des limites des circonscriptions législatives.

Vous avez un moyen simple de me faire mentir : acceptez notre amendement qui prévoit une commission indépendante pour procéder aux coups de ciseaux. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Michel .  - Les propos de M. Retailleau méritent-ils qu'on lui réponde ? Il n'a pas participé aux travaux de la commission des lois, de laquelle il n'est pas membre. Vous n'y croyez pas vous-même, sinon vous auriez chargé de défendre cette motion un sénateur qui avait participé aux travaux de la commission.

Je ne reviendrai pas sur les quatre heures passées par la commission des lois à travailler sur ce texte le 19 décembre, ni les heures consacrées à l'étude des amendements ce matin, ce soir à l'heure du dîner, demain

M. Rémy Pointereau.  - Quelle vie !

M. Jean-Pierre Michel.  - Parmi les centaines d'amendements examinés, beaucoup étaient identiques ou de conséquences. Sur le petit nombre de ceux qui posaient vraiment problème, une vraie discussion a eu lieu en commission. Nous avons donc travaillé, et bien travaillé. Rien ne prouve dans l'intervention de M. Retailleau qu'il faille que ce texte retourne en commission. Pourquoi M. Sido, chef de file de l'UMP sur ce texte, n'a-t-il pas défendu cette motion ?

M. Bruno Sido.  - Vous me faites trop d'honneur !

M. Jean-Pierre Michel.  - La suppression des départements ? Que dire, alors de la création du conseiller territorial voulu par l'ancienne majorité ? Pendant un quart d'heure, M. Retailleau s'est livré à des considérations politiciennes. Les Vendéens ont combattu la République ! (Vives exclamations à droite)

M. Bruno Sido.  - Cela justifie un rappel au Règlement !

M. Rémy Pointereau.  - Prenons exemple sur la Vendée ! C'est un département de référence.

M. Jean-Pierre Michel.  - Il semble que M. Retailleau souhaite m'interrompre. Je lui cède bien volontiers la parole.

M. Bruno Retailleau.  - Nous travaillons ici sur des textes qui nous tiennent à coeur, parce que nous exerçons des responsabilités. J'ai dit combien cette motion me tenait à coeur.

Je ne vous permets pas de dire que les Vendéens étaient contre la République. Ils se sont soulevés contre une république terroriste mais, il suffit de lire leurs cahiers de doléances, ils soutenaient les idéaux de 1789.

La Terreur a tué des dizaines de milliers de Français.

Mme Cécile Cukierman.  - Et combien en ont tué les rois ?

M. Bruno Retailleau.  - Je m'honore d'être élu d'un des départements qui ont donné le plus de leur sang durant la Première guerre mondiale. Nous sommes fiers d'être Vendéens, Français et républicains. Nous sommes fiers du drapeau dont le bleu, le blanc et le rouge proclament la synthèse des valeurs de la France.

J'estime que cette discussion mérite autre chose que des invectives. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Michel.  - J'ai été choqué par le logo qu'a retenu le département de la Vendée. Je partage la conviction de Clemenceau, la Révolution ne se découpe pas en tranches de saucisson, mais elle est un bloc ! (Vifs applaudissements sur les bancs CRC et socialistes)

Mme Cécile Cukierman.  - Voilà les fondamentaux !

M. Jean-Pierre Michel.  - Monsieur Retailleau, vous n'avez rien prouvé pour justifier un renvoi en commission. (M. Rémy Pointereau incite M. Bruno Retailleau et un certain nombre de sénateurs UMP à quitter l'hémicycle) D'ailleurs vous prouvez votre mauvaise foi en quittant l'hémicycle !

M. Michel Delebarre, rapporteur .  - Nous parlons du renvoi en commission. M. Béchu a évoqué ce renvoi tous les cinq amendements lorsque nous les avons examinés en commission.

Il est vrai que M. Retailleau a été pris par son sujet, mais cela n'avait rien à voir avec un renvoi en commission. L'idée de nous retrouver encore une dizaine d'heures en commission nous plaisait. (Sourires) Je ne vois pas ce que la commission a à faire de ce renvoi en commission.

M. Manuel Valls, ministre .  - M. Retailleau est parti, je le regrette. Les délais d'examen ont été satisfaisants, la procédure accélérée n'a pas été demandée, le Sénat est saisi en premier. Chacun veut avancer. Puisque le conseiller territorial a été supprimé par le Sénat il y a quelques mois, nous devions en tirer toutes les conséquences.

Chacun dispose de tous les éléments propres à forger ses convictions : l'étude d'impact et le rapport de M. Delebarre ont permis de lever les dernières interrogations.

Enfin, nous avons créé un dispositif original, inventif dites-vous. Cet effort d'imagination a été facilité par le travail de Mme André qui l'avait déjà proposé. Le scrutin législatif obéit à des règles. Je me souviens du travail impartial mené par M. Guéna avec le soutien de M. Marleix... (Sourires à gauche) Je me souviens aussi de la cinquantaine d'exceptions qu'il y avait eu au principe affiché de l'unité des cantons.

Notre proposition est innovante et permet d'assurer la parité. Je suis convaincu que la campagne électorale permettra de lever les doutes des électeurs.

Pour ce qui concerne la règle des 10 %, je suis tout à fait ouvert. Souvent le scrutin cantonal est moins politisé qu'on ne le dit.et le Front national se combat dans le débat public et politique.

De 1969 à 2010, la règle, c'était 10 %.

Mme Jacqueline Gourault.  - Absolument !

M. Manuel Valls, ministre.  - On peut sans doute revenir sur le changement qui a été opéré en 2010 pour des raisons qui n'étaient sans doute pas politiques. (On ironise à gauche)

A partir du moment où nous abrogeons le conseiller territorial, nous avons pensé, vu votre attachement au canton, que nous pouvions revenir aux 10 %.

Mais nous ne pouvons accepter les accusations qui nous sont faites de manipuler le scrutin pour faire place au Front national. Sur ce plan, nous n'avons aucune leçon à recevoir ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et CRC ; Mme Gourault applaudit aussi)

Mme Catherine Troendle.  - Je demande une suspension pour réunir le groupe UMP.

La séance, suspendue à 23 h 30, reprend à 23 h 50.

Mme Catherine Troendle.  - Je m'adresse à M. Michel. Je suis autorisée à prendre la parole, étant membre de la commission des lois. Vous êtes coutumier des provocations. Je vous rappelle vos propos concernant l'Alsace et le droit local, il y a quelques semaines. Je regrette que vos collègues vous aient applaudi. Je vous demande de retirer vos propos et de vous excuser, faute de quoi, je demanderai l'application de l'article 94 du Règlement.

M. Jean-Pierre Michel.  - Je ne pensais pas vous choquer autant. Je ne visais pas les Vendéens qui sont des Français comme les autres, j'ai relevé le fait que les élus de ce département ont choisi pour emblème celui des Vendéens qui ont combattu la République.

Mme Catherine Troendle.  - Je demande une nouvelle suspension.

La séance, suspendue à 23 h 50, reprend à minuit.

M. Bruno Retailleau.  - Il n'est que temps de sortir de cet incident regrettable. Je ne suis pas membre de la commission des lois mais un sénateur qui, comme tous les autres, vote toutes les lois. Nos voix ne sont pas mesurées en fonction de notre appartenance aux commissions. Lorsqu'un groupe désigne un de ses membres pour monter à la tribune, un autre groupe ne saurait lui contester cette légitimité. Est-ce clair ?

Oui, l'emblème de la Vendée porte en son coeur une croix stylisée. Faut-il abattre la croix de Colombey, débaptiser l'Hôtel Dieu ? Je suis fier que l'emblème de la Vendée flotte sur toutes les mers du monde et fasse vibrer les passionnés de toutes origines et de toutes conditions. La Vendée est un territoire vivant ouvert sur le monde. Nos succès résultent de nos conquêtes, de notre travail. Clemenceau a rendu un hommage vibrant aux Vendéens de 1793. Je vous invite à la très belle exposition organisée par le conseil général de la Vendée sur Clemenceau et les impressionnistes.

La Vendée, c'est le Clémenceau de l'Union sacrée, c'est aussi de Lattre de Tassigny né également à Mouilleron-en-Pareds. Je suis fier de mes aïeux. Nous sommes les héritiers de cette histoire. Avant Noël, j'ai adressé une lettre à Jean-Pierre Bel pour organiser la projection d'un très beau film que nous avons coproduit avec France Télévisions sur Georges Clemenceau. J'espère que vous viendrez le voir ! (Applaudissements sur les bancs UMP, de l'UDI-UC ; M. Jacques Mézard applaudit aussi)

M. Didier Guillaume.  - Dans ce débat, occupons-nous de l'essentiel. Jean-Pierre Michel n'a pas voulu choquer, ni agresser. Peut-être ses propos étaient-ils maladroits. Nous avons besoin de sérénité. M. Retailleau vient de nous donner une belle leçon d'histoire. L'incident est clos. M. Jean-Pierre Michel retire ses propos. Reprenons le cours de ce débat. Parlons des collectivités territoriales, ce faisant, nous parlons de la République.

M. le président.  - Madame Troendle, acceptez-vous la proposition de M. Guillaume ?

Mme Catherine Troendle.  - Oui !

À la demande des groupes UMP et socialiste, la motion n°1 rectifiée est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 346
Majorité absolue des suffrages exprimés 174
Pour l'adoption 165
Contre 181

Le Sénat n'a pas adopté.

Renvoi en commission sur le projet de loi organique

M. le président.  - Motion n°1 rectifiée, présentée par M. Hyest et les membres du groupe UMP.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, le projet de loi organique relatif à l'élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux (n° 251, 2012-2013).

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Voici la motion de renvoi authentique !

M. Christophe Béchu .  - Je suis un peu jaloux du temps de parole accordé à M. Retailleau pour rappeler l'histoire de son département. Dois-je rappeler qu'il y eut plus de morts en Anjou qu'en Vendée ?

M. Michel Delebarre, rapporteur.  - Rappel au Règlement ! (Sourires)

M. Christophe Béchu.  - Il y a de multiples raisons de prendre le temps d'examiner les textes en commission. M. le ministre fut assez convaincant, qui a parlé de tournant pour notre démocratie ; prenons le temps de bien le négocier.

Soit cette scène dans un hôtel de New York. Une jeune femme aux formes avantageuses s'approche d'un buffet et avisant Albert Einstein lui déclare : « Ayons des enfants ensemble ! Imaginez qu'ils aient votre intelligence et ma beauté ! »Einstein lui répond : et si c'était l'inverse ? C'est à quoi revient le scrutin binominal ! (Exclamations et rires à droite)

Nous avons tenté en commission de concilier les avantages des deux systèmes électoraux, majoritaire et proportionnel, mais à l'arrivée nous cumulons leurs inconvénients. Nous avons manqué de temps ; il nous reste encore une centaine d'amendements à examiner. Certes nous avons évoqué des sujets peut-être farfelus comme le changement de sexe...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission.  - C'est réglé !

M. Christophe Béchu.  - ... la solidarité avant l'élection, la solitude après, les sections non sexuées, la vacance de siège, pour laquelle nous n'avons toujours pas trouvé de solution satisfaisante.

Sur les conseillers municipaux et communautaires, il y a consensus sur les principes de l'abaissement du seuil et du fléchage. Mais comment les mettre en oeuvre ? Au mieux, la tête de liste devra siéger dans l'intercommunalité, instaurant en quelque sorte un cumul forcé...

M. Michel Delebarre, rapporteur.  - C'est tout à fait ça !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Vous avez très bien compris !

M. Christophe Béchu.  - Sur le seuil de 1 000 habitants, comme sur bien d'autres sujets, beaucoup de questions demeurent.

Monsieur le ministre, au nom de votre fermeté républicaine vous avez démenti la moindre volonté du Gouvernement d'instrumentaliser le seuil de 10 %...

M. Bruno Sido.  - Restez à 12,5 % !

M. Christophe Béchu.  - Nous n'en sommes pas moins troublés. L'abaissement de ce seuil ne favorise pas la parité. À quoi sert-il ? En commission, il a été proposé de renoncer à toute triangulaire, en ne retenant que les deux premiers à l'issue du premier tour. Il faut approfondir.

Le plus complexe, c'est le tunnel des 20 %.

Personne ne conteste la nécessité de refondre les cantons, les écarts à l'arrivée seront plus faibles. Mais entre les écarts de 1 à 47 et la marge de 20 %, il y a bien des possibilités d'agir, monsieur le ministre, en respectant la représentation géographique. Pourquoi ne pas s'inspirer de ce qui vaut pour les circonscriptions législatives ?

Cela pourrait accroître la latitude du Gouvernement, faciliterait son découpage, tout en évitant de constituer des territoires bien trop vastes.

Monsieur le ministre, mesdames et messieurs de la majorité, vous avez fait preuve de beaucoup de modestie. Vous qui avez accusé le conseiller territorial d'être un monstre juridique, vous construisez une usine à gaz bien plus complexe !

M. Claude Haut.  - C'est impossible !

M. Christophe Béchu.  - Il en va de la sérénité de nos débats non seulement ici même, mais dans chacune de nos communes, dans nos 101 départements. Faisons preuve d'imagination et d'intelligence collective en nous donnant plus de temps ! (Applaudissements à droite)

M. René Vandierendonck .  - Monsieur le ministre, je salue M. Béchu, l'un des sénateurs de la commission des lois (« Ah ! » à droite) les plus assidus...

M. Bruno Sido.  - Il a le laissez-passer !

M. René Vandierendonck.  - Honnêtement, la transparence du fonctionnement de la commission des lois est indiscutable, et monsieur le président, vous multipliez le nombre de débats en commission. Vos interventions, chers collègues de l'opposition, se concluent toujours par une forme d'exorcisme, en dénonçant je ne sais quel risque de tripatouillage et de bafouement des droits du Parlement. Je le dis avec tact et ménagement, le premier mérite de ce texte, c'est de sauver le département. (Protestations sur les bancs UMP)

Souvenez-vous des intentions du gouvernement précédent : c'est le Premier ministre Fillon qui disait que la création du conseiller territorial préfigurait la fusion... C'est M. Balladur qui évoquait « l'évaporation » des départements dans les régions. Vous brandissez aujourd'hui l'oriflamme des départements, dois-je rappeler que la clause de compétence générale avait été supprimée et les ressources des départements amputées ? Attention à ne pas trop vous avancer sur ce terrain de la défense de la ruralité, que je respecte infiniment. En tant que telle, elle est certes d'intérêt général, mais elle ne peut être mise en balance avec la parité.

Quant au découpage, je salue l'ouverture d'esprit du ministre. (Exclamations ironiques sur les bancs UMP) La mise en oeuvre de l'écart de 20 %, dit le Conseil constitutionnel, doit être réservée à des cas exceptionnels, justifiés au nom de l'intérêt général.

La méthode du Gouvernement est la bonne.

Pour le reste, monsieur Béchu, faites confiance au dialogue ! Nous n'hésitons pas, nous socialistes, à faire part de nos interrogations. Sur le mode de scrutin, je pense comme M. Guillaume, que nous pouvons avancer davantage.

Je salue le travail de la commission des lois sur ces textes qui changeront la démocratie locale et dont le volet sur la parité est une innovation considérable. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Michel Delebarre, rapporteur .  - Avec élégance et justesse, M. Vandierendonck a dit tout ce qu'il fallait. Je proteste contre cette motion. M. Béchu devrait être interdit de parole : il a une telle conviction qu'on retournerait en commission. Que voulez-vous dire de plus ? Nous avons passé tant d'heures ensemble ! On y prend du plaisir, mais cette fois-ci ce n'est pas la peine ! (Exclamations sur les bancs UMP)

M. Manuel Valls, ministre .  - Le talent de M. Béchu nous incite à poursuivre la discussion en séance publique. Nous avons la conviction que le département est essentiel à la République. Le dispositif que nous proposons sauve le département mis en cause par le conseiller territorial, que nous abrogeons. Il y a des points qui restent à débattre, notamment ce que vous appelez le tunnel de 20 % et le fléchage. Le Gouvernement est prêt à en débattre, de façon ouverte. Le Sénat est bien le lieu le plus adapté pour le faire.

À la demande du groupe UMP, la motion n°1 rectifé est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 345
Majorité absolue des suffrages exprimés 173
Pour l'adoption 164
Contre 181

Le Sénat n'a pas adopté.

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 17 janvier 2013, à 9 h 35.

La séance est levée à minuit trente-cinq.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du jeudi 17 janvier 2013

Séance publique

À 9 HEURES 35

1. Suite du projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral (n°166 rect., 2012-2013) et du projet de loi organique relatif à l'élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux (n°165 rect., 2012-2013).

Rapport de M. Michel Delebarre, fait au nom de la commission des lois (n°250, 2012-2013).

Textes de la commission (nos252, 2012-2013 et 251, 2012-2013).

À 15 HEURES

2. Questions cribles thématiques sur les énergies renouvelables.

À 16 HEURES ET LE SOIR

3. Suite de l'ordre du jour du matin