Débat sur la police municipale

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur la police municipale à la demande de la commission des lois.

M. François Pillet, pour la commission des lois.   - L'État est garant de la sécurité sur l'ensemble du territoire ; le maire est, lui, chargé de la police municipale qui « a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ». Cet article 2212-2 du code général des collectivités territoriales, bien écrit, évoque également la notion de tranquillité publique. Le cadre général des missions de toutes les polices municipales est posé par différentes lois dont celle du 15 avril 1999 qui a étendu les missions et les compétences des agents, puis par celles de 2001, 2007 et 2011. Tout semble dit. Et pourtant, sur le terrain, la confusion règne en raison de la diminution des effectifs des forces de police régaliennes. D'après la Cour des comptes, entre 2008 et 2011, la gendarmerie a perdu 3 717 postes sur 110 000, et la police nationale 1 322 sur 148 563. En miroir, le personnel de la police municipale a augmenté : de 5 600 en 1984, les effectifs sont passés à 18 000 aujourd'hui. Les gardes-champêtres ont été les grands perdants : 20 000 en 1950, 1 450 aujourd'hui. En d'autres termes, les maires ont pallié les manques sur le terrain.

Nous avons adressé un questionnaire à 3 935 maires, 1 900 ont répondu et ajouté des commentaires. Leur avis est unanime : ils dénoncent le retrait des forces régaliennes, la judiciarisation des missions de la police municipale. Nous avons également auditionné de nombreux acteurs : des représentants de la police municipale, de la police nationale, des gardes-champêtres, des procureurs. Nous avons effectué huit déplacements.

Le bilan ? La situation est contrastée : il n'existe pas une police municipale, mais des polices municipales. Certaines communes ont une police municipale moderne et bien équipée, avec des centres de supervision urbaine, d'autres n'en ont pas les moyens. L'organisation à Val-de-Montmorency nous a beaucoup impressionnés, l'exemple de Roissy-en-France est également éclairant. Idem pour Amiens où la vidéosurveillance a constitué un axe structurant de la coopération entre police municipale et police nationale.

Traditionnellement, la police municipale est tournée vers la prévention des conflits sociaux, elle assure la mission de police administrative du maire. À ce titre, elle a quelques missions répressives et verbalise les infractions au code de santé publique, au code rural, au code de la voirie routière, au code des débits de boissons. Ces dernières années, la notion de tranquillité publique s'est durcie pour répondre à la montée des comportements inciviques. Si bien que la police municipale s'est rapprochée de la police nationale, le maire d'Évry en sait quelque chose.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur.  - Je le connais bien. (Sourires)

M. François Pillet, pour la commission des lois.  - Dans le cadre des conventions de coordination, la police municipale intervient en soutien de la police nationale. Une volonté qui procède souvent de la volonté de la police municipale, de nombreux maires considérant cette évolution périlleuse. Les citoyens ne comprennent pas pourquoi ils ne peuvent pas déposer plainte auprès des agents municipaux... L'exemple de la sortie des écoles montre bien un phénomène de délégation en chaîne : autrefois, la surveillance était assurée par la police nationale, puis par la police municipale, puis par des agents de surveillance de la voie publique...

Résultat, la police municipale s'éloigne du terrain... Faut-il élargir les compétences de la police municipale comme le souhaitent certains syndicats ? Nous ne le pensons pas. Mieux vaut mutualiser les moyens au niveau intercommunal.

Autre question, la revendication récurrente par les syndicats de police municipale du port d'arme de 4e catégorie. Tous les maires n'y sont pas favorables. Pour nous, l'armement doit rester fonction des besoins sur le terrain et précisé dans les conventions de coopération. (Applaudissements)

M. René Vandierendonck, pour la commission des lois.   - Je rassemblerai nos 25 propositions sous trois grands thèmes, à commencer par la substitution de la police territoriale à la police municipale. L'émission Enquête exclusive sur M6 donne une image caricaturale de la réalité : ne déconnectons pas la police municipale du maire. Il faut une police territoriale, comme l'avait proposé le préfet Ambroggiani dès 2009, fusionnant police municipale et gardes-champêtres. À cette filière s'ajouterait une autre réforme statutaire : la création d'un cadre d'emploi d'agents de surveillance de la voie publique (ASVP) de catégorie C avec une formation obligatoire. C'est important...

M. Louis Nègre.  - En effet.

M. René Vandierendonck, pour la commission des lois.  - ... car on note des dérives sur le terrain et l'emploi des ASVP pour des tâches autres que celles qui sont les leurs. Cela enclencherait une nouvelle dynamique de mobilité et de formation. Nous intégrerions les propositions élaborées par la Commission consultative de la police municipale en mars dernier : assouplissement des critères pour la création d'un directeur de la police municipale, généralisation de l'indemnité de fonction, création d'un grade de brigadier-chef.

Dans nos déplacements, M. Pillet et moi-même avons acquis la conviction que la clé, pour la nouvelle police territoriale est la formation via le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) au niveau interrégional avec une certification validée par le préfet et le procureur - c'est loin d'être toujours le cas sur le terrain.

Deuxième axe, le renforcement de la coopération sur le terrain, ce qui implique une mise à jour du code des collectivités territoriales pour la mutualisation intercommunale. Le cadre contractuel doit être plus précis. Les conventions de coordination, dit le maire de Vernouillet, dans les Yvelines, doivent être rénovées pour une meilleure coopération entre police municipale et police nationale. Trop souvent, le flou règne même si un décret de janvier 2012 a amélioré la situation.

Restent des lacunes : entre autres, le procureur de la République devra être partie à la convention. Un rapport de l'inspection générale de 2010 l'avait noté. L'État doit s'engager, par ce contrat, en précisant les moyens de la police nationale car, dans la lutte contre la délinquance, un policier municipal a beaucoup moins de pouvoir que le Norauto du coin pour accéder à certains fichiers, comme celui des permis de conduire. On le voyait dans le documentaire de M6. L'armement ? Il doit relever du choix du maire mais strictement encadré par la convention de coopération.

L'autre voie est la mutualisation intercommunale. En zone de gendarmerie, il n'y a que 50 conventions intercommunales sur les 1 078 existantes. Pourtant, il existe un cadre légal, M. Alain Richard l'a rappelé : l'intercommunalité peut recruter directement, un transfert de compétences est possible. Dans la réalité, les maires sont réticents à se dessaisir de leur pouvoir de police.

M. Louis Nègre.  - Et c'est normal.

M. René Vandierendonck, pour la commission des lois.  - Comment approcher une solution de la quadrature du cercle ?

Peut-être cela existe-t-il pour la vidéosurveillance avec un fichier commun aux données anonymisées par respect des recommandations de la Cnil. Cela fonctionne, n'est-ce pas, monsieur Nègre ? Quand les habitants se plaignent de ne pas voir de policiers, les maires peuvent leur présenter un relevé des informations. On peut encourager la mutualisation sans un transfert de compétences en bonne et due forme. Cela évite l'effet plumeau de la vidéosurveillance et réduit le turn-over dans la police municipale. Il a diminué de plus de moitié à Val-de-Montmorency.

Merci, monsieur le ministre, de votre coopération. Je ne doute pas que nous continuerons à travailler avec le Gouvernement dans cet esprit. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois .  - Une fois encore, avec ce rapport, nous avons l'occasion de noter l'excellente démarche que notre commission des lois a pratiquée à une dizaine de reprises depuis quelques années. Hier soir, avec les présidents Garrec et Hyest, nous avons rendu hommage à la fonctionnaire qui, avec talent et sagacité, a dirigé le secrétariat de notre commission pendant quinze ans. Confier un rapport à un sénateur de l'opposition et à un sénateur de la majorité, partir des faits et de la réalité - et la réalité est têtue - aboutit à un consensus sur le constat. Vient ensuite le temps du débat car la contradiction est saine et utile en politique. Nos rapports, nos comptes-rendus, publiés, en attestent. Méthode exemplaire qui fait avancer la réflexion politique.

La sécurité est un droit et un devoir. Les chiffres sont frappants : 5 600 policiers municipaux en 1984, 18 000 aujourd'hui. Il faut donc établir un lien de confiance avec le personnel et, pour ce faire, vous proposez de créer un cadre d'emploi, celui de la police territoriale. Avec les gardes champêtres et les ASVP, il rassemblerait 27 260 personnes qui ne doivent pas avoir le sentiment d'être une force supplétive. Leurs missions sont différentes de celles de la police nationale, il faut le dire avec la plus grande clarté.

Pas de confusion, mais de la complémentarité et de la mutualisation. Messieurs les rapporteurs, vous voulez donner aux agents le droit de verbaliser par contraventions-timbres...

M. Louis Nègre.  - Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission  - ... le droit d'accès au fichier routier, si utile pour l'immobilisation des véhicules par exemple. M. le ministre réfléchit, il nous dira ce qu'il en pense, peut-être pas aujourd'hui. Une question à laquelle je me suis beaucoup intéressé : revoir les critères de création des directeurs de la police municipale. Votre proposition est très concrète.

Enfin, je soulignerai l'intérêt de la mutualisation des forces municipales. Il y a quelques mois, des maires de trois communes voisines, comptant 1 000 à 3 000 habitants chacune, ont créé une unité de cinq personnes en réunissant leurs agents isolés. Cette équipe sera bien plus efficace que des forces dispersées ; la mutualisation est un gage de modernisation.

Votre rapport met également l'accent sur la formation, en particulier pour l'armement. Agrément, dit M. Vandierendonck, et à raison ! Tout ce qui va dans le sens de la démagogie, nous l'avons vu ces dernières années, se retourne contre la police municipale et va à rebours de la sécurité, une liberté fondamentale. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Plancade .  - J'ai pris le temps de lire attentivement ce rapport. Il est remarquablement réfléchi et cohérent, je partage ses conclusions pour l'essentiel. Oui, si les textes sont clairs, le flou règne sur le terrain. Compte-tenu de l'évolution dans nos villes et nos campagnes, peut-être faut-il voir plus loin. Ce rapport donne des pistes.

D'abord renforcer la mutualisation entre police municipale et police nationale - 50 conventions seulement en zone rurale. Ensuite, développer la coopération intercommunale.

Le message politique de ces dernières années a brouillé les repères : la police municipale est une police de l'État mais elle n'est pas la police nationale. Distinguons bien les missions des deux polices. D'ailleurs, le Conseil constitutionnel a refusé le renforcement des pouvoirs judiciaires de la police municipale dans la Loppsi. Mieux vaut suivre la voie dessinée par nos deux rapporteurs.

Nous ne voulons pas que soient mis en première ligne des agents qui ne soient pas formés comme le sont ceux de l'État ; la formation est un souci. Pour notre groupe, l'égalité devant la sécurité, partout sur le territoire, est fondamentale. La RGPP s'est traduite par l'obligation pour les collectivités de pallier les insuffisances de l'État. C'est inacceptable.

La proximité est essentielle pour prévenir la délinquance. Il faut renforcer la prévention, souvent oubliée ces dernières années. La montée en puissance des problématiques de sécurité, parfois instrumentalisée, a brouillé les choses ; dans certaines communes on rapproche les doctrines d'emploi.

Des mots reviennent sans cesse : coordination, coopération, intercommunalité, mutualisation. Votre rapport est l'oeuvre d'élus qui connaissent bien le terrain. Mais, ne le prenez pas mal, vous n'avez pas changé de logiciel. Vos propositions sont certes remarquables, elles sont inspirées de ce que vous connaissez parfaitement. Néanmoins, à aucun moment vous n'envisagez, peut-être parce que cela est iconoclaste, une décentralisation de la police municipale...

Mme Éliane Assassi.  - Ah !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Et pourquoi pas une suppression du ministère de l'intérieur ?

M. Jean-Pierre Plancade.  - C'est contraire à tout ce qu'on enseigne dans les écoles de droit, mais pourquoi ne pas changer d'état d'esprit ? Les décentralisations impensables par le passé ont prouvé leur succès. Telle est ma vision personnelle, et non pas celle du groupe que j'ai exprimée précédemment. (Applaudissements)

M. Jean-Vincent Placé .  - La sécurité est un sujet de société. L'attente des Françaises et des Français est à juste titre très forte.

La police municipale ne fait pas consensus, en dépit des efforts des rapporteurs pour rapprocher les points de vue. Ma formation politique apporte des propositions novatrices : il est temps d'évoluer et de revoir le fonctionnement des polices municipales. La sécurité n'est pas seulement répression. Elle relève du vivre ensemble, ce qui appelle une nouvelle gouvernance locale pour privilégier la prévention ; on ne peut lutter contre l'insécurité sans une participation des habitants.

Nous avons intérêt à investir, je pèse mes mots, dans la médiation ; ce n'est jamais du temps perdu. La police municipale est utile, mais ses missions doivent être bien définies. Elle n'est pas supplétive de la police nationale ou de la gendarmerie qui, elles, répondent à la tradition républicaine. Le recours à la force doit rester du domaine de l'État ; en conséquence seules la police nationale et la gendarmerie nationale doivent être armées.

M. Joël Guerriau.  - Tout à fait d'accord !

M. Jean-Vincent Placé.  - Les tâches de la police municipale sont multiples. C'est une police du quotidien à laquelle on peut aussi donner un objectif de proximité, l'instauration d'une relation de confiance avec les habitants. Sa fonction est d'assurer la tranquillité et la salubrité de l'espace public dans les limites de la municipalité. Il n'est pas nécessaire pour cela qu'elle soit armée. Ils ne doivent pas être armés, mais il faut que ses agents soient bien équipés et protégés. Monsieur le ministre, il faut définir clairement les missions prioritaires et l'identité de la police municipale.

Le débat sur la vidéosurveillance doit être approfondi, y compris sur le plan budgétaire. Vous le savez, je reste très critique. Je salue la diminution globale des crédits. C'est un gouffre financier pour les communes : investissement, maintenance, visionnage occupent des agents qui sont absents du terrain. Aucune étude n'a mis en évidence son efficacité.

Je dénonce l'intrusion du privé dans le domaine de la sécurité et un risque de prévention rampante de celle-ci. L'État doit avoir les moyens de répondre lui-même aux légitimes attentes de sécurité de nos concitoyens et mieux encadrer les activités de sécurité privées.

Quelques pistes de réflexion... Pourquoi ne pas créer des écoles régionales de police municipale, sous l'égide des CRFPT, mettre en place des corps d'inspection, mutualiser davantage les moyens au sein des intercommunalités ? Je salue l'action du ministre. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

Mme Éliane Assassi .  - L'État a le devoir de veiller sur l'ensemble du territoire de la République à l'ordre public et à la protection des personnes et des biens, voilà ce qu'on peut lire dans le code de la sécurité publique intérieure. Les dérives se sont accrues sous la droite et particulièrement avec le dernier président de la République.

Ce rapport est corédigé par deux sénateurs de bords différents, dont je salue le travail de fond rigoureux et sérieux. Le constat fait à gauche comme dans une partie de la droite nous satisfait. J'espère qu'il laisse présager une évolution prochaine, il serait dommage qu'il reste lettre morte. Des maires de tout bord sont contraints de renforcer leur police municipale face aux abandons de l'État, ce qui se traduit par des charges supplémentaires pour les budgets locaux, donc par des inégalités nouvelles face à la sécurité, mission qui doit demeurer régalienne. L'argent des collectivités locales pourrait être mieux employé, par exemple pour construire des logements sociaux.

Le désengagement de l'État entraîne des confusions, en premier lieu chez les agents, au détriment de leurs missions de prévention, pourtant essentielles ; confusions entretenues dans la population par la proximité des uniformes et des équipements avec ceux des policiers nationaux. Une pression supplémentaire pèse dès lors sur les épaules des policiers municipaux face à des citoyens qui ne voient pas leurs demandes aboutir. Les agents souffrent d'un mal-être et d'un manque de reconnaissance.

Personnellement, je ne suis pas favorable à l'armement des policiers municipaux, quelle que soit la nature des armes. La polémique sur ce sujet cache un débat sur les missions qu'ils assument du fait du désengagement de l'État. La solution ne peut consister qu'en une réappropriation par l'État de ses missions régaliennes.

Pour empêcher la sécurité à double vitesse, je suis favorable à la création d'un grand service public de la sécurité, où les rôles de chacun seraient bien définis ; il mettrait un terme à toutes ces confusions.

M. Jean-Pierre Plancade.  - Ce n'est pas incompatible avec la décentralisation.

Mme Éliane Assassi.  - Avec votre conception d'un grand tout, où se mélangeraient police municipale, police nationale et gardes-champêtres, si ! Il est vrai que ma proposition est ambitieuse. Elle doit être débattue. Le rapport impulse la réflexion. Reste à agir, monsieur le ministre ; vous avez reçu les syndicats, pouvez-vous nous apporter des éléments de réponse sur les intentions de l'État ? (Applaudissements sur les bancs CRC et de la commission)

M. Vincent Capo-Canellas .  - Les polices municipales représentent plus de 25 000 agents dans plus de 4 000 communes. Rappelons une évidence politiquement incorrecte : on crée une police municipale, faute de moyens donnés à la police nationale ou à la gendarmerie pour assurer la sécurité des habitants. J'en ai créé une il y a quatre ans au Bourget. Je n'imagine pas un instant d'y revenir. La police municipale est utile et nécessaire, c'est un outil central de la politique du maire et de la prévention de la délinquance. En cette matière le Sénat doit être pragmatique, pas révolutionnaire.

Il n'y a pas une police municipale, mais des polices municipales, très diverses. Quoi de commun entre celle de Nice et les gardes-champêtres des petites communes rurales ? En Île-de-France, la police municipale est devenue un acteur essentiel de la sécurité. Il importe qu'elle conserve sa proximité avec la population, sa connaissance du terrain. Je ne suis pas favorable à un changement radical du cadre législatif existant, qui donne au maire la souplesse nécessaire pour définir une réponse adaptée aux réalités locales.

Les polices municipales ne sont pas « la » solution, mais un élément d'efficacité supplémentaire. Elles ne sauraient servir de prétexte au désengagement de l'État, celui-ci devant exercer son contrôle.

Exposer les agents impose de se donner les moyens d'assurer leur sécurité : l'armement doit être envisagé de manière pragmatique. Chaque maire doit examiner la question à l'aune des réalités de son territoire. L'armement est selon moi nécessaire au Bourget, mais je comprends qu'il en aille autrement ailleurs. Je souscris aux propositions du rapport sur l'entraînement et la formation. La professionnalisation est une excellente chose. Nous avons tout à gagner à disposer d'agents encore mieux formés et encadrés.

La vidéosurveillance est un moyen utile. Elle permet de faire travailler ensemble au quotidien police nationale et police municipale, favorise un diagnostic partagé de la délinquance. Leurs relations, la coordination de leurs actions sont un sujet majeur. Au Bourget, nous travaillons en parfaite entente, sous le contrôle de la police nationale et sous l'autorité du Parquet, en menant le cas échéant des opérations communes. En Seine-Saint-Denis, la police municipale est un accélérateur d'efficacité : en trois ans, la délinquance a baissé de 20 %. En somme, nous avons recréé la police de proximité - c'est la réalité et la réalité compte davantage que les mots. Travaillons ensemble, monsieur le ministre ! Les expériences de terrain doivent nous inspirer, dans le respect de l'autonomie des collectivités locales.

Les propositions d'amélioration pratique de la coopération vont dans le bon sens, accès aux fichiers routiers ou extension de la liste des contraventions passibles de timbres-amendes, entre autres. Le vieux modèle laisse place à une nouvelle complémentarité. Accompagnons le mouvement sur la base du rapport de la commission des lois. (Applaudissements)

Mme Natacha Bouchart .  - Ma ville de Calais, qui compte 75 000 habitants, est dotée d'une police municipale dont j'assume la responsabilité ; je vous dirai quelle est mon expérience de terrain.

De 5 600 agents en 1984 les effectifs des polices municipales sont passés à plus de 18 000 aujourd'hui. Cette crise de croissance entraîne nécessairement une crise d'identité à laquelle s'attaque l'excellent rapport de la commission des lois.

Cette crise est liée à un paradoxe. Le boom des effectifs illustre l'engouement des élus et des populations, leur attachement à la police municipale qui s'est manifesté lors du décès de la policière Amélie Fouquet il y a deux ans ; le président de la République Nicolas Sarkozy avait d'ailleurs assisté à ses obsèques. Un flou permanent demeure néanmoins sur ses missions, d'où la mésestime dont ils souffrent parfois, tant de la part des fauteurs de troubles que de celle de la police nationale.

Clarifier les missions de la police municipale passe par la création d'une véritable filière de la sécurité au niveau local. Une police territoriale pourrait réunir les agents de la police municipale, les ASVP et les gardes-champêtres, sans confondre leurs missions. Le bons sens commande que la police municipale et les ASVP puissent être davantage coordonnés ; à Calais, les seconds sont placés sous la responsabilité directe du chef de la première.

La création d'une police intercommunale doit rester au libre choix des communes et des intercommunalités. Une mutualisation des moyens peut répondre aux besoins ponctuels des petites communes.

Les relations entre police nationale et police municipale, sources de malentendus, doivent être clarifiées. Les policiers municipaux se sentent encore parfois considérés, à tort, comme des policiers de seconde zone. La police nationale a ses missions, qu'il est de son honneur d'assumer ; la police municipale doit avoir les siennes. Les policiers municipaux sont presque toujours recrutés localement, ils sont bien connus des habitants ; ils sont un atout pour le renseignement et la cohésion sociale. Les missions de proximité ne peuvent être confiées à la police nationale.

Les mentalités résistent aux conventions de coopération. L'accès aux fichiers routiers dont les policiers municipaux ont quotidiennement besoin ne leur est pas ouvert ; les agents restent sous la dépendance des policiers nationaux pour obtenir les informations indispensables, perte de temps inutile ! Les procédures doivent être simplifiées.

Sur le port d'armes, notre position est mesurée. Il peut être nécessaire dans certains endroits, mais pas dans d'autres. À Calais, où la délinquance est mesurée, je ne l'ai pas jugé utile pour nos 21 agents.

Les revendications indemnitaires sont légitimes. Elles coûteront aux communes et Calais ne dispose pas du même budget que Nice. Monsieur le ministre, y aura-t-il une contribution au niveau national ?

M. René Vandierendonck, pour la commission des lois.  - Il faut une péréquation !

Mme Natacha Bouchart.  - Je suis favorable à l'accès à la catégorie A pour les chefs de la police municipale. Les uniformes des agents ont déjà été changés il y a dix ans pour les différencier des policiers nationaux et des gendarmes. Supprimer le bleu, couleur de la sécurité pour nos concitoyens, n'est pas utile et peut même être vexant.

Je forme le voeu qu'un consensus droite-gauche émerge de ce débat. Le rapport de la commission des lois est une première étape. (Applaudissements)

M. Manuel Valls, ministre.  - Merci de votre confiance.

Mme Virginie Klès .  - Les rapporteurs ont mis en évidence la diversité des polices municipales. Faut-il n'en faire qu'une seule filière de la sécurité territoriale ? Oui, sans doute.

Distinguer entre les couleurs des forces de sécurité ? Je serais plus nuancée que mon prédécesseur à la tribune. Inventons des solutions nouvelles. Quand le policier municipal est médiateur, il importe qu'il soit en uniforme. Faut-il que celui-ci soit confondu avec celui des forces de sécurité ? Je ne crois pas. Attention en tout cas au coût pour les collectivités territoriales.

M. Alain Gournac.  - Très important !

M. René Vandierendonck, pour la commission des lois.  - Eh, oui !

Mme Virginie Klès.  - Quelle variété de missions ! On leur confie généralement les missions de salubrité et de tranquillité publiques, de prévention. Ensuite, selon les lieux, on mettra l'accent sur l'environnement ou les transports publics. Nos policiers municipaux ne sont qu'un maillon parmi d'autres acteurs. Ils ont affaire aux policiers nationaux, aux gendarmes, aux pompiers. Leur équipement varie considérablement. Où s'arrêtent les responsabilités des uns et des autres ? Il faut un minimum de culture professionnelle commune.

M. Roland Courteau et M. Jacky Le Menn.  - Absolument !

Mme Virginie Klès.  - Il y a quelques heures, j'ai écouté le Premier ministre. Élue de terrain et de gauche, je me suis reconnue lorsqu'il nous a dit de ne pas multiplier les mesures comme l'a fait le gouvernement précédent. Sachons où nous allons, n'ayons pas peur de réformes de fond.

M. Roland Courteau et M. Jacky Le Menn.  - Très bien !

Mme Virginie Klès.  - Créer une véritable filière de la sécurité, oui. Les zones de chevauchement doivent être examinées précisément. Le CNFPT ne peut être le seul formateur. Donner une arme à une femme ou à un homme impose de s'assurer qu'elle ou il est bien formé, qu'elle ou il a appris à utiliser une arme et à ne pas l'utiliser.

M. Roland Courteau.  - Vous avez raison !

Mme Virginie Klès.  - Dans ma commune, j'ai procédé à un recrutement ; plus de 80 % des candidats étaient d'anciens gendarmes ou policiers municipaux qui n'avaient pas la moindre idée du métier de policier municipal.

M. Roland Courteau.  - C'est vrai !

Mme Virginie Klès.  - Les enjeux sont majeurs. L'État doit garantir le niveau minimum des compétences des uns et des autres, y compris des agents de sécurité privée.

Je rends hommage à tous les policiers municipaux de France. (Applaudissements à gauche et à droite)

M. Louis Nègre .  - Je tiens à exprimer ma satisfaction face à ce rapport consensuel, exhaustif, construit, qui s'inscrit dans les efforts que nous menons pour faire évoluer la police municipale.

Elle existe, elle a de plus en plus d'agents. L'histoire s'est accélérée, pour répondre à la forte demande de la population et des élus. Nous, les maires, essayons d'y faire face. Le précédent président de la République qualifiait la police municipale de « troisième force de sécurité en France ».

Alors, quelles compétences, quelles missions ? Six cent deux agents à Nice, 750 caméras, 2 678 interpellations en 2012 ; deux réquisitions par jour ! Dommage que M. Placé ait mis en doute son efficacité. Elle est réelle, la police judiciaire en atteste.

Le soutien populaire est très large.

Il faut conserver l'adaptabilité de la police municipale à la diversité des situations ; ses missions doivent être librement définies par le maire. Attention aux normes technocratiques ! La police municipale a une double mission-socle : proximité et prévention et, en fonction de l'environnement local, répression et complémentarité avec la police nationale. Le risque de dérive a été signalé par le rapport et de nombreux maires. La police municipale doit rester une police de proximité, elle n'a pas vocation à remplacer ou, pire, à concurrencer la police nationale. Pour être plus efficace, il faut lui donner tous les moyens, dans le cadre de ses compétences actuelles.

Quelles améliorations ? C'est le maire plus que le sénateur qui s'exprime ici. Je suis plutôt favorable aux propositions des rapporteurs si ce n'est sur le transfert des compétences de police de la commune à l'intercommunalité. On touche là au noyau dur des compétences, à l'identité de la commune. D'où le modus vivendi trouvé à Nice et dont je veux remercier le président Estrosi. Donc plus de mutualisation mais sans toucher aux compétences.

Renforcer la complémentarité entre la police municipale et la police nationale ? C'est évident. Chez nous, la convention de coopération est signée par le procureur, cela n'a posé aucun problème. Mais, je le dis au ministre, évitons les transferts de charge unilatéraux aux communes.

M. François Pillet, pour la commission des lois.  - Juste !

M. Louis Nègre.  - Ma ville est la première des Alpes-Maritimes à avoir élaboré une stratégie de prévention de la délinquance.

Quant à l'armement, je suis favorable au port d'armes de 4e catégorie mais surtout aux armes non létales, comme les flash-ball bien plus adaptés à la mission de proximité de la police municipale.

Mme Éliane Assassi.  - Non létales ? Est-ce si sûr ?

M. Louis Nègre.  - Sur le reste, je suis pour une formation renforcée et une école nationale...

M. Alain Néri.  - Qui s'installerait à Nice, bien sûr !

M. Louis Nègre.  - Pourquoi pas ? (Sourires)

La solution du compromis est celle d'une formation interrégionale.

La police municipale n'a pas accès aux fichiers routiers, c'est totalement absurde quand les garagistes, eux, l'ont !

L'État ne doit pas se désengager de la police municipale et j'espère, monsieur le ministre, que le groupe de travail s'attellera à la tâche très bientôt ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Gilbert Roger .  - On ne le dira jamais assez, il faut distinguer police nationale et police municipale. La seconde dépend du maire, elle ne substitue pas à la police nationale. Aussi le maire qui envoie ses agents pour des impayés de cantine se trompe : la police municipale n'est pas là pour assurer le maintien de l'ordre. La sécurité doit rester l'affaire de l'État, en dépit des usages anarchiques de la police municipale sur le terrain ces dernières années. Les policiers nationaux sont formés douze mois, les agents municipaux 121 jours, par le CNFPT. Raison pour laquelle je suis contre l'armement de la police municipale.

Je me réjouis que M. Valls ait obtenu 6 000 postes pour la police nationale en 2013 quand M. Nicolas Sarkozy avait supprimé plus de 10 000 postes ces cinq dernières années.

À la police nationale d'accomplir ses missions ; le Conseil constitutionnel a bien fait d'invalider la disposition de la Loppsi II donnant à la police municipale des attributions de police judiciaire. Ce n'est pas la bonne solution, y compris dans les quartiers où la délinquance progresse. En témoigne l'exemple de Nice : la délinquance a crû de 4,42 % entre juillet 2011 et 2012 à Nice malgré la présence de 1 233 agents de police municipale armés.

Clarifions la doctrine d'emploi de la police municipale qui peine à trouver son chemin entre prévention et répression, je plaide pour son recentrement sur la tranquillité publique et l'application du cadre strict du code des collectivités territoriales. Enfin, je suis pour la distinction des uniformes et des équipements entre police municipale et police nationale. Rue de Vaugirard, les ASVP font traverser en treillis bleu et chaussés de rangers !

Donnons à la police municipale les moyens d'assurer sa mission : celle de garantir le vivre ensemble. (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Troendle .  - (Applaudissements à droite) Nous débattons aujourd'hui du rapport de la commission des lois.

M. René Vandierendonck, pour la commission des lois.  - Jusque-là, c'est juste. (Sourires)

Mme Catherine Troendle.  - Le Haut-Rhin a, vous le savez, une particularité : la brigade verte, un syndicat mixte de gardes-champêtres, autorisée, à la suite d'un amendement du sénateur Goetschy à l'article 4 de la loi du 5 janvier 1988 de décentralisation. Aujourd'hui, pour 308 communes, la brigade compte 58 gardes-champêtres, six agents administratifs, deux agents techniques de catégorie B, cinq contrats d'insertion et un contrat de travail après mise à la retraite. Répartis sur les dix postes du département, les gardes-champêtres effectuent des patrouilles 365 jours par an. Cette brigade est financée à 48 % par le département, pour les missions environnementales et à 52 % par les communes adhérentes, pour les missions liées aux pouvoirs de police du maire. Elle donne pleine et entière satisfaction aux élus et aux habitants.

Quel avenir pour cette brigade si l'on fusionne gardes-champêtres et police municipale ? Comment serait-elle financée ? Le conseil général ne pourrait plus lui apporter une part de 48 %. Cette expérience, qui a fait ses preuves depuis vingt ans, doit inspirer les auteurs d'une prochaine loi, préservons-la ! (Applaudissements à droite et au banc de la commission)

M. François Pillet, pour la commission des lois.  - Pourquoi pas ?

M. Thani Mohamed Soilihi .  - On compte aujourd'hui 715 agents de police municipale outre-mer, soit trois fois plus qu'il y a quinze ans. Cette évolution résulte de la Loppsi et de la RGPP : les maires, quand ils le pouvaient, ont compensé les départs sur le terrain. D'où une police municipale à géométrie variable selon les moyens des communes. Tous, ici, nous rejetons cette inégalité de traitement de nos administrés.

Ce rapport ouvre des pistes. Un regret toutefois : les territoires ultramarins ont encore été oubliés. La coopération intercommunale est une bonne idée, de même que la formation interrégionale. Mais comment la financer quand onze des dix-sept communes de Mayotte sont placées sous tutelle de la chambre régionale des comptes ?

Mon département compte seulement 140 agents de police municipale, c'est peu pour faire face à la délinquance, sans compter que leur formation est insuffisante.

Monsieur le ministre, le groupe de travail que vous avez créé devra prendre en compte les spécificités des ultramarins ! (Applaudissements à gauche)

M. Manuel Valls, ministre .  - Les gendarmes et les policiers garantissent l'ordre républicain sur l'ensemble de notre territoire. Assurer la sécurité de nos concitoyens est ma priorité et celle du président de la République. Elle mobilise chaque jour les policiers nationaux et les gendarmes. L'ordre républicain doit être le même pour tous, dans les villes, les quartiers périurbains, les campagnes. Car, en vérité, la sécurité est le préalable à la liberté.

D'où le terme mis à la politique de suppression de postes - 10 000 en cinq ans - qui se serait traduite, si elle s'était poursuivie, par 3 200 suppressions supplémentaires en 2013. Nous remplaçons, poste à poste, les départs en retraite et créons 480 postes supplémentaires. Les effectifs ne font pourtant pas tout. Vous l'avez dit et je le réaffirme, la sécurité est une mission régalienne. Les polices municipales ne doivent donc pas être le palliatif d'un État défaillant. Le rôle des polices municipales - et vous avez raison de parler au pluriel - est de venir en complément des forces nationales.

Élu d'Évry, maire de cette commune fort longtemps, je sais l'atout de la police municipale, qu'il ne faut pas confondre avec la police nationale. Ces forces permettent d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la tranquillité publiques.

La diversité de leurs missions doit être préservée. Toutes ont une mission de police administrative et le respect du code de la route. Outre cette mission de sécurité, elles contribuent à la lutte contre le trafic de drogue. C'en est fini des polices municipales cow-boys.

Le partenariat avec la police nationale est désormais une réalité. Cher monsieur Placé, vous avez encore une marge d'évolution sur la vidéoprotection : si cette dernière est bien installée, calque la carte de la délinquance, respecte les libertés fondamentales, elle est utile. Pour preuve, elle a été efficace pour faire avancer l'enquête sur le meurtre récent de trois militantes kurdes à Paris.

Le maître mot est coproduction de sécurité. Ce rapport, remis le 26 septembre dernier, dont je salue l'ampleur et le pragmatisme, nous donne un surplus d'expertise - l'ancien parlementaire que je suis mesure l'investissement qu'il suppose. Je veux donc saluer votre initiative, monsieur Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Merci.

M. Manuel Valls, ministre.  - Oui, il faut une appréciation fine de la police municipale - M. Nègre y a fait allusion. Je ne veux pas d'une solution unique. Je salue votre approche réaliste et pluraliste. Votre méthode, celle du questionnaire et des déplacements à Nice, Dijon, Évry,...

M. René Vandierendonck, pour la commission des lois.  - À Amiens ?

M. Manuel Valls, ministre.  - ... est le signe de votre intelligence politique, celle du terrain.

Ma méthode est simple et transparente : celle de la collégialité et de la concertation. J'ai créé un groupe de travail constitué du préfet Blanchou délégué interministériel à la sécurité privée, de deux inspecteurs généraux de la police nationale, d'un chef d'escadron de la gendarmerie nationale, avec le concours de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques et de la direction des collectivités locales. Plusieurs d'entre eux étaient là ce matin pour vous entendre.

Grâce à cette collégialité, nous confrontons nos points de vue et expériences. Tous les syndicats ont été consultés ; des auditions, il ressort une attente de reconnaissance, Mme Bouchart l'a dit. Plus de reconnaissance ne signifie pas un désir d'uniformité. Pragmatisme encore sur le volet social : l'État ne promettra rien qu'il ne pourrait tenir.

À côté de ce groupe de contact, le préfet Blanchou réfléchit à la redéfinition des missions de la police municipale et j'ai bien entendu l'appel du sénateur de Mayotte. Ma politique reposera sur trois axes : une meilleure coordination entre État et collectivités territoriales, une plus grande proximité et des moyens, gages de la reconnaissance de la police municipale.

Pour une meilleure coordination, il faut redéfinir les missions de la police municipale. Je me tiendrai, comme le veut Mme Assassi, au premier article du code de la sécurité publique. La coproduction de sécurité doit reposer sur un diagnostic partagé, fondé sur les conventions de coopération. Ce point est bien mis en évidence dans le rapport, il figurait déjà dans le rapport conjoint des inspections générales de l'administration, de la police nationale et de la gendarmerie nationale de 2010. Le décret du 2 janvier 2012 a amélioré les choses, continuons. Un guide des procédures doit exister, j'ai saisi le CNFPT.

Je ne crois pas aux solutions uniformes. Cet état d'esprit a présidé à la création des zones de sécurité prioritaire, qui avaient d'ailleurs associé la police municipale. L'État doit tenir compte de la commune et des intercommunalités, le principe constitutionnel de libre administration des communes est intangible. J'approuve votre démarche pragmatique, madame Klès et monsieur Capo-Canellas. Je comprends la volonté de Mme Assassi et de M. Plancade d'aller plus loin mais restons-en au cadre régalien, toujours avec pragmatisme. C'est ainsi que nous garantirons une offre de sécurité efficace à nos concitoyens.

L'amélioration de la sécurité passe par un dialogue fructueux entre l'État et les collectivités territoriales. Le dialogue de confiance engagé avec l'éducation nationale et les partenaires sociaux doit se poursuivre. Le rapport s'arrête sur l'exemple de mutualisation intercommunale de Roissy-en-France, qui n'empiète pas sur les pouvoirs de police du maire ; vous voyez, monsieur Nègre, c'est possible ! Cette organisation autorise une meilleure adaptation des forces au terrain ; la loi de décentralisation prévoira un transfert de compétences à l'intercommunalité sur la circulation et le stationnement, à condition de ne pas aboutir à une couverture du territoire en peau de léopard.

L'armement ? Là encore, il n'y a pas de réponse unique. C'est nécessaire à Évry, non ailleurs. Ce n'est pas une question de taille ni de couleur politique : le maire de Bordeaux ne l'a pas souhaité, contrairement à celui de Lyon. Néanmoins, il faut donner aux policiers municipaux les moyens de se défendre. Je pense au drame d'Aurélie Fouquet, mais aussi aux policiers municipaux d'Évry, qui se font régulièrement caillasser. Un projet de décret est en cours pour confier à la police municipale, si besoin est, des tonfas ou des matraques télescopiques.

Enfin, la formation. La formation initiale d'abord. Il faut un même creuset pour la police municipale et la police nationale, Mme Klès y a insisté à raison. Un jury doit sanctionner la formation. Actuellement, le président du CNFPT délivre un avis, qui doit être transmis au préfet et au procureur avant la délivrance de l'agrément.

La formation continue est bien sûr importante. Pourquoi pas une véritable filière de sécurité ? Je demanderai au groupe de contact du préfet Blanchou de réfléchir à une mutualisation possible entre CNFPT, police nationale, gendarmerie nationale et centres de formation pour les agents privés. Sur les questions statutaires, je m'engage à aboutir cette année sur l'échelon spécial de catégorie C. Vous voyez combien il est utile que le ministre de l'intérieur ait eu des fonctions de maire dans une ville dotée d'une police municipale. Bien entendu, je ne suis pas en train de chanter une ode au cumul des mandats.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Bien entendu. (Sourires)

M. Manuel Valls, ministre.  - Une étude d'impact sur l'assouplissement des critères pour créer un directeur de police municipale montre que cela conduirait à passer de 50 à 500 communes, ce qui n'est pas très progressif. Peut-être faut-il s'interroger sur des critères plus qualitatifs et fonctionnels.

Concernant les gardes-champêtres, nous respecterons la brigade verte, madame Troendle.

Restons prudents sur l'uniforme, le bleu est réclamé avec insistance. Prudence aussi sur l'accès aux fichiers. La jurisprudence constitutionnelle nous y oblige : les pouvoirs d'investigation restent à la police nationale. Il faudra approfondir la réflexion pragmatique. Un autre axe de réflexion est plus prometteur : l'interconnexion des radio-transmissions, qui renforcerait la sécurité des agents de la police municipale dans leurs missions. Je pense, naturellement, au drame de la policière Aurélie Fouquet.

Bien entendu cette interconnexion n'interviendra que dans le cadre de conventions renforcées. J'ai annoncé son expérimentation dans les villes. Nous devons améliorer les conditions d'exercice de la répression par les polices municipales. Mais leurs procès-verbaux doivent être transmis à la police et à la gendarmerie ; une réflexion est en cours avec la Chancellerie, sur les timbres-amendes.

Voici quelques pistes fondées sur votre rapport de qualité. Je propose, messieurs les rapporteurs, que vous soyez régulièrement associés au travail du ministère de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Nous vous en remercions.

M. Manuel Valls, ministre.  - La sécurité dépend d'abord de l'État. D'autres acteurs s'y sont associés, je pense à la sécurité privée. La police municipale y contribue également. Elle doit être soutenue. Les conditions de travail doivent être améliorées. Nous pouvons le faire grâce aux travaux de grande qualité du Sénat. (Applaudissements sur tous les bancs)

La séance est suspendue à 13 h 5.

présidence de M. Jean-Pierre Bel

La séance reprend à 15 heures.