Débat sur la suppression de la taxe professionnelle (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite du débat sur les conclusions de la mission commune d'information sur les conséquences, pour les collectivités territoriales, l'État et les entreprises, de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale. Vous vous souvenez que nous avions entamé ce débat le 30 janvier dernier...

M. Pierre Martin.  - Nous avons eu le temps de réfléchir !

M. Charles Guené, rapporteur de la mission commune d'information.   - Il y a quelques semaines, via une étroite fenêtre de tir, nous avions entamé ce débat mais il fut interrompu ; et tous les collègues présents étaient restés sur leur faim après cette discussion tronquée. Je salue la pugnacité du groupe RDSE et de son président M. Mézard, grâce à qui nous pouvons aujourd'hui la poursuivre.

Au-delà des insuffisances de la réforme et des ajustements nécessaires, l'abrogation de la taxe professionnelle et son remplacement par la contribution économique territoriale (CET) ont un impact fort sur nos finances publiques.

Les avantages furent indéniables. La compétitivité des entreprises a été renforcée, seules 20 % d'entre elles y ont perdu, et 60 % ont économisé entre 30 et 80 % de taxe. Le secteur industriel en a bénéficié au premier chef -au détriment des services cependant. L'État, en versant 4,5 milliards d'euros par an, le double la première année, a stoppé l'hémorragie que subissaient les collectivités locales, mais en payant pour solde de tout compte. Les collectivités ont donc été indemnisées mais leurs relations avec l'État en ont été profondément affectées. Il s'est produit un rebasage de la ressource fiscale communale et la part des impôts économiques s'est considérablement réduite. La recette suit une dynamique nouvelle, corrélée aux évolutions économiques et aux capacités contributives des habitants. Les parlementaires ont dû apporter d'importants correctifs pour corriger les anomalies, mieux prendre en compte la spécificité des établissements industriels et revoir l'indexation des Ifer -c'était une proposition du Sénat. La péréquation est également le corollaire indispensable du nouveau système. Nous devrons aussi apprécier la richesse en stock et les charges supportées par les collectivités territoriales. C'est un chantier essentiel pour le Parlement et il convient de respecter le calendrier fixé, en tenant cependant compte de la conjoncture. Pour le bloc communal, le cap a été maintenu par le Gouvernement ; l'introduction du revenu des habitants dans le calcul du CIF fut une correction utile de la loi de finances pour 2013. Il faudra déplafonner progressivement, en attendant que l'Ile-de-France opère sa mutation intercommunale. Quant aux régions et départements, ces collectivités seraient bien inspirées de faire des propositions rapidement.

Le Gouvernement n'a pas réglé définitivement le dossier de la contribution foncière des entreprises (CFE) minimale : il doit le faire dans la loi de finances pour 2014. Je souhaite qu'il intègre le plafonnement sur la valeur ajoutée que nous proposons. La répartition de la Contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) devra être adaptée aux caractéristiques des groupes car le mécanisme actuel n'est pas neutre. Il faudra s'inspirer des mécanismes classiques régissant les entreprises multi-établissements. Quant à la révision des valeurs locatives, elle aura un impact sur la fiscalité locale. Elle aboutira à une nouvelle carte des richesses et de la péréquation. La perte de levier fiscal impose une revalorisation permanente de la matière fiscale. Je réclame pour les parlementaires l'accès à des simulations sérieuses, car cet outil devient de plus en plus nécessaire.

La taxe professionnelle a vu le jour à la fin des Trente Glorieuses, afin que les collectivités locales assurent les enjeux de construction et de développement. Elle n'est arrivée à maturité qu'alors que la donne, avec le choc pétrolier de 1973, changeait. Modifiée à plusieurs reprises, elle ne fut plus portée, à terme, que par les seuls investissements, ce qui, pour le rapport Fouquet, la condamnait.

En 2002-2004, avec l'introduction de l'article 72-2 de la Constitution, l'horizon a basculé : avec la norme de référence, exit l'autonomie fiscale, l'autonomie financière était créée. Puis les taux furent figés. La réforme exigeait un second pilier de péréquation, horizontale. Les élus se sont heurtés à la radicalisation du Gouvernement. Ils ont réagi avec retard ! Le mouvement peut être inversé mais il y faudra plusieurs décennies.

Une réduction drastique des dotations vient de nous être annoncée : 4,5 milliards de moins sur deux ans, soit 6 % de leur montant. Quelles sont les intentions du Gouvernement quant à la répartition de l'effort ? La suppression de la taxe professionnelle n'est pas seulement une grande réforme technique : nous basculons d'un monde fondé sur la régulation des États à un monde fondé sur la globalisation. Il y faut des outils nouveaux. L'équilibre du lien social est en jeu, le risque de l'exercice étant que cette intégration prenne la voie d'une recentralisation.

Souhaitons que le Parlement se saisisse de tous ces enjeux. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Françoise Laborde .  - Notre groupe a voulu ce débat. Il fut aussi à l'origine de la mission commune d'information présidée par Mme Escoffier et dont les conclusions ont été rendues publiques en juin 2012. Il ne pouvait plus attendre : le sujet mérite en effet des éclaircissements du Gouvernement, en particulier de la question de plus en plus sensible des finances des collectivités territoriales.

Les vingt-cinq préconisations de la mission commune d'information sont autant de pistes pour limiter les dégâts de la réforme et pour apporter des compléments utiles. Il fut hélas, lors de la réforme, difficile d'obtenir des informations de la part du Gouvernement. Nous attendons toujours des estimations sur les conséquences des nouvelles définitions des potentiels fiscal et financier. Aucune évaluation non plus sur les conséquences pour les départements et les régions de la péréquation de la CVAE. D'où notre seizième proposition, pour disposer d'informations en amont de la loi de finances pour 2013.

Les parlementaires, faute de moyens, ne peuvent pas élaborer leurs propres simulations. Cela est regrettable. Nous l'avons encore constaté en loi de finances pour 2013. A l'article 69, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement qui modifiait à nouveau totalement la péréquation de la CVAE. On peut s'en étonner en l'absence de simulations. C'est faire peu de cas du rôle du Parlement. Nous espérons, monsieur le ministre, que vous faciliterez la diffusion, par Bercy, des informations qui nous sont nécessaires.

Les effets de la réforme, certes positifs, ne sont pas aussi mirobolants qu'on nous l'annonçait. Si elle a bénéficié aux entreprises industrielles, la perte de compétitivité se poursuit, comme l'a montré le rapport Gallois. Les PME et TPE ont pâti de cette réforme.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - C'est peu dire !

Mme Françoise Laborde.  - Pour les collectivités territoriales, le constat est sans appel. La réforme les a d'abord plongées dans l'incertitude quant à leurs ressources fiscales et budgétaires. A présent, plus d'incertitude mais un grand scepticisme. La réforme, Charles Guené l'a souligné, a porté un coup de grâce à l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. Les états généraux de la démocratie territoriale ont souligné le manque d'informations et de simulations qui a conduit certaines d'entre elles à prendre des décisions inadaptées. On craignait un poids fiscal plus lourd pour les ménages. C'est devenu une réalité.

Au total, la réforme n'a que très partiellement atteint ses objectifs. Les défis demeurent les mêmes aujourd'hui.

Tous les membres du RDSE sont attachés à une péréquation verticale et horizontale juste et efficace. Il reste beaucoup de chemin à parcourir, espérons que le Gouvernement ne se laissera pas ralentir. Notre groupe saura lui rappeler ces exigences ! (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)

M. Jean-Vincent Placé .  - La fiscalité locale comme nationale représente un enjeu pragmatique, mais aussi démocratique. Le peu de lisibilité des dotations peut, à cet égard, inquiéter. Merci à Jacques Mézard de cette initiative. Le Sénat sera la future chambre des régions avec la réforme des collectivités, ne l'oublions pas...

Le rapport Escoffier dresse un tableau éloquent. Nous nous rejoignons sur le constat : la taxe professionnelle demandait à être revue -multiples exonérations, assiette à revoir, investissement pénalisé. Bref, on parlait de « taxe imbécile » à juste titre : bases reposant sur des critères obsolètes, substitution de l'État. Les modifications successives ont remis en cause le principe constitutionnel qui veut que les ressources fiscales des collectivités territoriales représentent une part déterminante de leurs ressources.

La nouvelle CET, pourtant, est opaque et renforce la perte d'autonomie fiscale des territoires, alors que les collectivités territoriales prennent en charge un nombre toujours plus grand de politiques publiques. La part des recettes correspondant à des recettes fiscales se réduit comme peau de chagrin.

La réforme rompt le lien, surtout, entre l'implantation économique dans un territoire et l'impôt local. Elle a eu des effets néfastes pour les petites entreprises, artisanales en particulier. La CFE a été mal pensée et les collectivités locales n'ont pas pu faire leurs calculs avant le vote de leurs budgets.

M. Jean-Marie Bockel.  - Très juste.

M. Jean-Vincent Placé.  - Le Sénat, par la voix de son rapporteur général François Marc, a proposé de revenir sur la question et je me réjouis que ce gouvernement, singulièrement Jérôme Cahuzac dont je salue la pugnacité, ait donné aux collectivités la possibilité de revenir sur les délibérations déjà prises.

Nous voulons une réforme ambitieuse, consensuelle, applicable aisément et marquant la rupture avec la conception administrative ancienne des collectivités locales. L'instance qui décide de la dépense doit être la même que celle qui détermine la ressource : c'est une lapalissade. Il faut ainsi promouvoir, via la fiscalité locale, des comportements écologiques. (Applaudissements sur divers bancs à gauche)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx .  - Un constat d'abord : le remplacement de la taxe professionnelle par la CET n'a pas été remis en cause par François Hollande qui, en mars 2012, pendant la campagne électorale, reconnaissait ses effets positifs sur un certain nombre d'entreprises, n'entendant apporter que des correctifs. Le groupe UMP ne dit pas autre chose : la réforme est perfectible, elle n'est pas un aboutissement mais une étape de la réforme de la fiscalité locale. La part salariale a été supprimée en 2000-2002. Lors de la création de la CET, le Sénat avait mené, sur la part relative aux investissements productifs, un travail transpartisan. Il avait sensiblement modifié la version initiale et avait demandé une clause de revoyure.

Notre commission des finances s'est également emparée du problème de la CFE, dont le relèvement en 2012 a abouti, faute de simulations disponibles pour guider les décisions des élus, à une taxation parfois excessive des artisans et commerçants. Un dispositif a été adopté dans le dernier collectif, à l'initiative de la commission des finances unanime, pour autoriser les EPCI à procéder à de nouvelles délibérations. Les efforts positifs de la réforme ont été indéniables pour notre industrie. La sortie de l'assiette des investissements productifs, 7,7 milliards d'allégement en 2010 puis 4 milliards par an depuis, a profité à la compétitivité de nos entreprises. Les industries ont bénéficié de 26 % de l'allégement global. Il est faux de dire que seules les grandes entreprises y ont gagné. L'effet d'aubaine a été évité, grâce à l'Ifer, pour les entreprises de réseau.

Lors de la création de la taxe professionnelle, en 1975, en remplacement de la patente, les bénéficiaires furent les petites entreprises et les artisans. Il n'en fut pas de même avec la deuxième réforme : les choses ont été rééquilibrées.

J'en viens à la péréquation. La réforme de la taxe professionnelle a modifié non seulement le panier des ressources mais leur distribution sur le territoire. Les départements et les régions sont les plus touchés. Des mécanismes ont heureusement amélioré le système : fonds de péréquation de la CVAE et, pour les seuls départements, fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), améliorés à mesure des lois de finances. Le Sénat a obtenu des avancées en faveur des territoires ruraux.

En résumé, la réforme fut complexe mais nécessaire -et substantiellement corrigée par le Sénat. Elle reste perfectible mais ses effets positifs sur notre industrie et nos PME sont notoires, pour endiguer la déliquescence industrielle et la perte de compétitivité. Le montant des ressources des collectivités territoriales n'a pas été modifié, le panier des ressources fiscales a été diversifié et la péréquation renforcée.

Le groupe UMP juge que cette réforme peut être encore améliorée mais qu'elle est positive pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jacques Mézard.  - Aucun remord, donc !

Mme Frédérique Espagnac .  - L'ampleur de la réforme et ses conséquences profondes dans nos territoires appellent un bilan. Maintenant que le rapport de 2012 a établi un tableau objectif, la remarque de M. Marini, citant Talleyrand, « Tout ce qui est excessif est insignifiant », fait sourire. Dans cette réforme, tout fut excessif : annonce surprise, absence de concertation comme de simulation, précipitation, discussion dans des conditions indignes du Parlement. Pourtant, cette réforme portait sur 18 % des ressources des collectivités territoriales. Elle a été menée avec irresponsabilité, il nous revient de redresser ce qui a été cassé.

Ces excès sont loin d'être insignifiants. La réforme a entamé les possibilités pour les collectivités d'employer le levier de la fiscalité. Quel département a aujourd'hui la capacité de faire des projets ? Tous leurs moyens sont consacrés aux prestations sociales. La modulation des taux ne porte plus que sur 10 % de leurs ressources. Quant aux schémas départementaux de coopération intercommunale, les discussions entre intercommunalités et communes achoppent, le plus souvent, sur les questions fiscales, alors que la réforme était censée les faciliter. Hier, il était question de lier les entreprises et les territoires, de remettre au centre du jeu les acteurs économiques ; aujourd'hui, la fiscalité repose essentiellement sur les ménages. Quel paradoxe !

Les clauses de revoyure ont heureusement été l'occasion d'ajustements techniques. Un bilan est aujourd'hui indispensable. Il faut poursuivre et redresser la barre. C'est ce que fait ce gouvernement, en réparant l'injustice faite aux petites entreprises et en avançant sur la révision des bases, selon un calendrier réaliste, laissant la place à la concertation.

Un « impôt imbécile » : l'ancienne majorité n'a eu de cesse de rappeler ce mot de François Mitterrand à propos de la taxe professionnelle. Mais cela ne justifie pas de la supprimer par une réforme bâclée ! L'injustice a été accrue, les libertés locales réduites. Nous ne sommes pas fatalistes et continuerons à mener le combat. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Marie Bockel .  - La réforme de la taxe professionnelle, initiative bienvenue, était, au premier regard, une entreprise de simplification, visant à développer la compétitivité des entreprises. La démarche vient de loin, elle n'est pas tombée du ciel il y a quelques années. Mais elle a bouleversé les schémas de la fiscalité locale, sans apporter le dynamisme attendu. Elle aura des effets à moyen et long termes, au risque de créer des asymétries entre les territoires car le nouveau panier fiscal n'a pas la même croissance que l'ancien, tandis que les collectivités locales ne disposent pas des mêmes leviers.

La CET est plafonnée à 3 %, contre 3,5 % pour l'ancienne taxe, ce qui réduit le recours au levier fiscal. Quant à la CVAE, elle est fixée au niveau national. A un moment où l'on attend beaucoup des collectivités territoriales, n'est-ce pas réduire leur capacité d'initiative ? En 2011, Mulhouse a tout fait pour couvrir ses dépenses, en jouant sur la CFE et l'impôt ménages, au prix d'une réelle perte de dynamisme, chiffrée à 1,5 million. En 2012, nous ne pouvions plus que décider des économies, qui réduiront l'investissement et les services à la population. Si nous nous inquiétons, tout n'est pas noir. Le propos de Mme Espagnac était quelque peu manichéen ; dans quelques années, avec une nouvelle méthode, nous porterons peut-être un autre jugement sur la réforme. Il faut tout faire pour encourager l'investissement, qui crée l'emploi, et revenir à l'esprit de la création de la CET ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. François Patriat .  - Je salue l'action de M. Cahuzac ; je vous souhaite bonne chance, monsieur le ministre, dans cet exercice difficile.

Certains ne trouvent que des vertus à cette réforme ; d'autres, comme moi, sans nier ses vertus, l'estiment brutale, coûteuse et inefficace. L'objectif était de revenir à une imposition juste et, implicitement, de châtier les collectivités territoriales considérées comme « non amies ». D'où la méthode à la hussarde, employée également pour la loi Tepa, qui devait créer un choc de confiance. Une réforme onéreuse : elle a coûté le double des 3,6 milliards prévus la première année. Une réforme injuste parce que c'est la contribution d'entreprises de la taille d'EDF, de Carrefour ou d'Areva qui a été diminuée tandis que les entreprises d'insertion paient sept fois plus. Quant aux collectivités territoriales, et particulièrement les régions, leur budget, alimenté par les cartes grises et la Tipp, est dorénavant un budget affecté alors qu'elles sont sollicitées pour financer de plus en plus : les TGV, les autoroutes, l'aménagement du territoire et le haut débit.

Les temps ont changé et nous pouvons corriger le tir. Nous devrons, demain, redéfinir les compétences des collectivités -ce sera l'objet d'une prochaine loi- et leurs ressources, assises sur leurs compétences comme les transports.

Le budget des agglomérations est de 128 milliards, celui des départements de 70 milliards et celui des régions de 35 milliards en moyenne. Quoi qu'il en soit, n'opposons pas, comme le faisait le précédent président de la République, les établissements industriels aux collectivités territoriales. Celles-ci jouent un rôle majeur pour réparer des défaillances au niveau local. Je fais confiance au Gouvernement pour mener les réformes nécessaires ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Claude Bérit-Débat .  - Je salue à mon tour l'action de M. Cahuzac et l'arrivée de M. Cazeneuve, dont je connais la capacité et la pugnacité.

La réforme de la taxe professionnelle, que chacun considère au regard de ses fonctions électives, n'a pas eu les effets économiques escomptés. Quel est l'apport exact de la CET ?

La réforme a profondément affecté le panier fiscal des collectivités territoriales, entraînant une perte de dynamisme des ressources locales. Nous l'avions prédit, cela se vérifie au niveau des EPCI, qui avaient pour seule ressource la taxe professionnelle unique. Je l'ai constaté dans ma communauté d'agglomération : sept ressources au lieu d'une, un financement assuré à 45 % par les ménages contre 100 % pour la taxe professionnelle unique autrefois, un dynamisme fiscal de 0,4 % par an entre 2009 et 2012 contre 4,5 % du temps de la taxe professionnelle unique.

Alors que la crise impose des investissements, la réforme a enserré les collectivités territoriales dans un carcan fiscal et sa dimension péréquatrice reste insuffisante. Elle n'a pas provoqué le coup de fouet attendu sur la compétitivité des entreprises. La réforme des collectivités territoriales sera l'occasion de revenir à une fiscalité équitable et à l'autonomie fiscale, qui préserve la capacité d'investissements des collectivités territoriales.

Je fais mien le plaidoyer de M. Patriat pour les régions en l'appliquant aux EPCI. Puissions-nous être entendus ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. le président.  - Je suis heureux de saluer M. Cazeneuve dans ses nouvelles fonctions.

M. Bernard Cazeneuve, ministre chargé du budget .  - Je remercie le Sénat d'avoir pris l'initiative de ce débat important, qui intervient à la veille de la redéfinition des relations entre l'État et les collectivités territoriales, avec l'acte III de la décentralisation, et au moment du bilan de la réforme de la taxe professionnelle prévu par la loi de 2000.

Nous avons présenté devant le comité des finances locales le rapport d'étape que le précédent gouvernement n'avait pas souhaité donner en novembre dernier. Ses conclusions rejoignent celles de votre rapporteur.

On attendait de la réforme un bénéfice significatif pour les entreprises ; cet objectif a-t-il été atteint ? D'abord, on a observé un effet de recomposition sectorielle. A titre d'exemple, l'impact de la réforme pour le bâtiment et l'industrie est très positif : leur effort fiscal a diminué respectivement de 46 % et de 29 %. Au total, les entreprises qui ont le plus bénéficié de la réforme sont celles de l'automobile -ce qui n'est pas neutre en temps de crise-, avec une réduction de l'effort de 74 % ; celles qui en ont le moins profité sont les entreprises financières, avec une majoration de 35 %.

La CVAE a été dynamique, dans les communes, les chiffres ne mentent pas : entre 2010 en 2011, son produit a évolué de 9 %, soit près de 1 milliard. Il conviendra de suivre de près son évolution pour ne pas gêner la compétitivité des entreprises.

Le dégrèvement barémique pour les PME dont le chiffre d'affaires est compris entre 500 000 euros et 50 millions d'euros garantit la compétitivité de nos petites entreprises, nous l'avons maintenu.

L'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau, nous en sommes d'accord, ne doit intervenir qu'en cas d'importants décrochages entre la taxe professionnelle et la CET. De manière générale, les collectivités territoriales ont été raisonnables.

L'augmentation excessive de la CFE minimale a conduit le Gouvernement à apporter des ajustements en loi de finances rectificative pour protéger un secteur déjà fragilisé ; les collectivités territoriales ont reçu l'autorisation de prendre une deuxième délibération avant le 21 janvier 2013.

Concernant le statut de l'auto-entrepreneur, nous examinerons les conclusions des travaux en cours avant de prendre d'autres décisions.

Le Gouvernement s'emploiera à faire toute la transparence sur cette réforme, concernant les entreprises.

J'en viens au coût, pour l'État, de la réforme de la taxe professionnelle, environ 4 milliards, question brûlante à l'heure où État et collectivités territoriales partagent l'obligation de redressement des comptes publics ; nous avons tiré les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel relative à la CFE sur les bénéfices non commerciaux des entreprises de moins de cinq salariés, en apportant une compensation supplémentaire. Le fameux « jaune budgétaire » fera, comme vous l'avez légitimement demandé, le point sur les relations financières de l'État avec les collectivités.

S'agissant justement des conséquences de la réforme sur les collectivités territoriales, le bilan est, au vrai, très contrasté selon le niveau des collectivités. Les communes ont vu leurs ressources garanties. Le panier des ressources a été moins modifié pour les départements, qui souffrent par ailleurs d'un effet ciseau, que pour les régions -M. Patriat l'a montré. Un fonds d'urgence de 170 millions a été créé pour les conseils généraux afin de les aider à faire face à leurs charges. La révision des valeurs locatives garantira les ressources communales et intercommunales. Pour les régions, nous nous pencherons, après expertise, sur la question d'un versement transport.

présidence de M. Didier Guillaume,vice-président

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Le fonds de péréquation à destination du bloc communal prend dorénavant en compte le revenu par habitant, c'est un progrès à relever. Idem pour le fonds des droits de mutation à titre onéreux, qui profite aux départements afin de garantir la plus grande participation des départements les plus riches. La mobilisation de 60 millions pour le fonds de péréquation de la CVAE repose sur des critères tels que le nombre de personnes âgées ou de bénéficiaires du RSA -des indicateurs directement liés aux compétences de conseils généraux. Il y a encore à améliorer la péréquation entre régions ; on tient compte toutefois de l'ensemble de leurs ressources, ce qui est une avancée.

Cet exposé, que j'ai voulu objectif et dépassionné, donne le ton de la relation que l'État veut entretenir avec les collectivités territoriales à la veille de l'acte III de la décentralisation. Nous demanderons aux collectivités, que vous êtes nombreux à représenter ici, un effort raisonnable, en garantissant la transparence et la transmission d'informations.

Votre assemblée le mérite, en raison de la qualité du débat qui vient d'avoir lieu et du rapport qui a présidé à son organisation ! (Applaudissements)

La séance, suspendue à 16 h 15, reprend à 17 heures.