Biologie médicale (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale.

Discussion générale

M. Jacky Le Menn, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - La CMP, réunie le 12 avril dernier, a travaillé dans un esprit constructif. Elle a abouti à un accord sur les neuf articles restant en discussion, dont huit dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, proche de celle retenue par notre commission des affaires sociales.

À l'article 4, où nous avons prévu une dérogation générale pour les antennes géographiques de l'Établissement français du sang, le champ de cette dérogation a été circonscrit, pour limiter les risques de distorsion de concurrence. De même, la CMP a limité les examens hors laboratoire à la seule phase de prélèvement, au lieu de l'ensemble de la phase pré-analytique.

La rédaction de l'article 6, qui constitue un compromis, ouvre une dérogation aux personnels de CHU non titulaires du DES pour exercer des activités de biologie médicale.

Surtout, à l'article 7, la CMP a rétabli les seuils d'accréditation selon un calendrier précis pour atteindre progressivement l'objectif de 100 % - un point important - à l'exception des seuls actes innovants. Certains ont craint que l'accréditation ne fasse obstacle à l'innovation, la rédaction de l'article 7 les rassurera. Les actes urgents seront déterminés par un arrêté prévu à l'article 7 bis, comme le voulait l'Assemblée nationale.

Nous reviendrons sur l'article 8 et le statut d'actionnaire majoritaire avec un amendement du Gouvernement. La commission a apporté des améliorations rédactionnelles aux articles 9 et 10. Enfin, elle a adopté un dernier article pour prévoir les adaptations nécessaires outre-mer.

Ce texte, équilibré, limitera la financiarisation de la biologie médicale et lui assurera une base juridique solide en conformité avec la législation européenne, sous réserve de l'adoption de l'amendement du Gouvernement auquel nous avons donné un avis favorable. Fruit d'un travail de plusieurs années, cette rédaction n'est pas totalement consensuelle mais elle est la moins imparfaite possible. Merci à tous ceux qui ont collaboré à sa rédaction. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - Cette proposition de loi a l'ambition de porter la biologie médicale française de demain, confrontée au double défi de la qualité et de l'efficience. Elle est le fruit d'un long aboutissement après un travail parlementaire constructif pour rapprocher des points de vue différents sans être foncièrement divergents. Je salue l'implication de M. Le Menn ainsi que celle du rapporteur de l'Assemblée nationale.

Cette proposition de loi a pour premier objectif d'assurer la qualité des examens, dont nous connaissons l'importance pour des soins fiables. L'accréditation sera une garantie, l'objectif de 100 % d'accréditation en 2020 constitue un gage de l'efficacité des examens.

L'article 6 permettra à des professionnels de santé non titulaires d'un DES d'exercer, exclusivement dans leur champ de compétence. Le Gouvernement tenait à ce qu'il soit rétabli dans sa version initiale.

L'efficience de la biologie médicale suppose aussi la maîtrise de leur outil de travail par les biologistes médicaux. La transparence sur les conventions limitera la financiarisation du secteur. Mais si introduire un seuil minimal de détention du capital partait d'une bonne intention, ce n'en est pas moins contraire au droit européen, qui promeut la liberté d'établissement, et cela pourrait, de surcroît, faire obstacle à l'installation de jeunes biologistes ne disposant pas du capital requis. D'où notre amendement de suppression à l'article 8.

Nous arrivons au terme d'un beau travail qui apportera plus de sécurité à nos concitoyens. Merci à la commission et aux services du Sénat d'avoir parfaitement organisé ces débats.

Mme Catherine Deroche .  - L'ordonnance de 2010 visait à médicaliser la biologie médicale. Deux options étaient possibles pour parvenir à cet objectif : aller vers une industrialisation de la biologie médicale, tenue pour un simple portail technique, ou la considérer comme une activité médicale. Nous avions refusé alors l'industrialisation en affirmant la spécificité de la biologie médicale française. Après un parcours décousu, nous en venons enfin à la transposition de la directive européenne sans laquelle nous courrions un risque juridique, tant pour les patients que pour les pouvoirs publics.

Il fallait préserver les prélèvements de proximité, réalisés à domicile. La rédaction de l'Assemblée nationale nous convient mieux : elle restreint les examens hors laboratoire aux prélèvements d'échantillons. La phase pré-analytique restera donc sous le contrôle des biologistes médicaux. En revanche, nous regrettons que le cas des établissements publics ne disposant pas de laboratoire n'ait pas été pris en compte.

Pourquoi accepter une dérogation supplémentaire à l'article 6 ? Elle dévalorise le DES de biologie médicale et il n'y a pas plus de raisons de l'accepter aujourd'hui qu'en 2012, quand le Sénat l'a toujours refusée.

L'objectif de 100 % d'accréditation, s'il est louable, posera problème ; il faut trouver un compromis pour que les petits laboratoires en zone rurale ne soient pas étranglés entre le surcoût engendré par l'accréditation et la tarification des actes.

À l'article 8, nous nous réjouissons de la publicité sur les conventions ; elle limitera la financiarisation de la biologie médicale. Nous nous félicitons de la suppression du statut d'ultra-minoritaire à l'article 8 ; nous regrettons l'amendement du Gouvernement.

Si certaines mesures de cette proposition de loi ne nous satisfont pas, nous ne voulons pas en empêcher l'adoption. Le groupe UMP s'abstiendra donc.

Mme Laurence Cohen .  - La réforme de la biologie médicale n'aura pas été un long fleuve tranquille, le rebondissement de ce soir en témoigne. Pour assurer la qualité, mieux aurait valu une agence publique que ce Cofrac. La rédaction de l'article 8 ne freinera pas la financiarisation du secteur : il organise une confusion entre biologistes exerçant et biologistes en exercice, qui peuvent être des actionnaires.

N'y voyez pas un fantasme du groupe CRC. C'est d'ores et déjà une réalité : une holding financière détient la totalité des parts sociales de 130 laboratoires. Du fait que la loi Murcef n'organise pas de distinction entre personnes physiques et morales, des fonds de pension pourront, demain, continuer de détenir 100 % des parts d'un laboratoire de biologie médicale. Or nous ne parlons pas d'une activité marchande comme les autres, il aurait fallu faire plus pour mettre fin à la vampirisation de ce secteur. Donner priorité à des personnes physiques sur des groupes financiers à l'article 8 n'avait rien de scandaleux. Pourquoi ne pas avoir aidé les jeunes biologistes médicaux à acquérir des parts comme nous l'avons fait pour les assistantes maternelles ? C'était possible à partir du moment où l'on considérait que la santé n'est pas une marchandise.

Je ne partage pas votre analyse sur l'article 8 : ou bien les alinéas 7 à 9 n'étaient pas contraires au droit européen, ou bien c'est l'intégralité de l'article 8 qui l'est. Si l'Union nous impose de telles mesures, il y a urgence à changer d'Europe.

Nous voterons contre ce texte.

M. Jean-Pierre Plancade .  - Depuis le rapport de 2008, la réforme de la biologie médicale est en cours. Le recours aux ordonnances par le précédent gouvernement dans le cadre de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » et la censure de la proposition de loi Fourcade ont créé beaucoup d'instabilité juridique.

Ce texte suffira-t-il pour médicaliser cette spécialité ? Certains de ses points sont positifs : je pense à la dérogation générale pour l'Établissement français du sang, à la limitation à la phase de prélèvement des examens pratiqués hors laboratoire ou encore aux mesures visant à renforcer l'indépendance professionnelle.

En dépit de ces avancées, nous restons très réservés car l'ordonnance de 2010 a accéléré les regroupements aux dépens des laboratoires de proximité, qui pourraient bien se transformer, en zone rurale, en simples boîtes aux lettres. Les ajustements à la marge prévus dans ce texte ne corrigent pas le tir. L'accréditation à marche forcée, même si nous sommes attachés à la qualité des examens, renforcera la financiarisation du secteur en raison de son coût. La biologie médicale deviendra un marché juteux et sans risque puisque celui-ci sera assumé par la sécurité sociale. Les petits laboratoires fermeront, surtout en zone rurale.

Nous regrettons la suppression de l'article 10 bis sur l'encadrement des tarifs pratiqués par le Comité français d'accréditation (Cofrac).

Enfin, nous déplorons la réintroduction de l'article 6 supprimé par le Sénat. Comment prévoir un diplôme de biologie tout en considérant qu'il n'est pas obligatoire ?

Nos débats riches et constructifs n'ont cependant pas permis d'aboutir à un texte satisfaisant. Il n'empêchera pas la concentration du secteur dont les acteurs restent amers. Le groupe RDSE ne peut donc y souscrire ; c'est en totalité qu'il votera contre ce texte.

Mme Aline Archimbaud .  - Au terme d'un long et sinueux parcours, puisque ce texte est le cinquième en quatre ans sur le sujet, le débat reste animé. Grâce aux efforts de notre rapporteur, cependant, et au travail constructif de la commission des affaires sociales, nous sommes parvenus à un texte équilibré, qui assure qualité, accessibilité et indépendance de la biologie médicale, avec l'accréditation et la lutte contre la financiarisation. L'accréditation assure la transparence que nous réclamons dans d'autres contextes. Si elle a, dans un premier temps, soulevé l'inquiétude des biologistes, le processus est aujourd'hui enclenché dans un grand nombre d'établissements. Le problème est plutôt celui du rythme et des modalités. Même si des craintes demeurent sur le Cofrac, marqué par un manque d'indépendance et des tarifs élevés - la commission des affaires sociales a d'ailleurs demandé un rapport à la Cour des comptes - il faut saluer l'avancée.

Autre sujet, la lutte contre la financiarisation. Les écologistes avaient proposé un amendement pour assurer la transparence, notamment sur les clauses dites d'entraînement dans les conventions non statutaires, ou les clauses cachées de type buy or sell. Son adoption au Sénat, à une large majorité, était une avancée salutaire, mais l'Assemblée nationale l'a hélas supprimée. Heureusement, la CMP y a remis bon ordre. Si la communication qu'elle a prévue n'assure pas la même transparence, le progrès est bien là.

Nous soutiendrons ce texte qui apportera une solution durable, à défaut d'être pérenne, à la biologie médicale, qui est devenue un élément central pour la santé des patients.

Mme Catherine Génisson .  - Alors que la biologie médicale manquait de réformes structurantes depuis 40 ans, nous allons aujourd'hui, en soutenant les travaux de la CMP, donner un cadre juridique clair à cette spécialité qui participe à la qualité de notre système de santé. Je salue le travail de M. Le Menn et de notre commission sur cette spécialité faite d'un grand nombre de structures de proximité qu'il faut préserver. L'accréditation doit assurer fiabilité et qualité des examens. Créer une procédure à double voie, comme le voulaient certains biologistes, serait périlleux. D'autres s'inquiètent de l'indépendance et du coût des prestations du Cofrac. Vous vous êtes engagée, madame la ministre, à mener l'évaluation.

Sur l'article 6, j'ai beaucoup hésité, mais il me semble souhaitable, pour la recherche, d'autoriser des praticiens non titulaires du diplôme d'exercer, même s'il faudra être vigilants.

Pour contrecarrer les abus de la financiarisation, les dispositions de l'article 8, si elles ne sont pas parfaites, apportent des garanties.

Fixer un seuil de détention minimal des parts de capital serait, dites-vous, madame la ministre, contraire au droit européen. C'est avec regret que nous vous suivrons sur ce point. Notre groupe ne s'en prononcera pas moins en faveur de ce texte.

La discussion générale est close.

Discussion du texte élaboré par la CMP

Mme la présidente.  - À ce stade de la procédure, seuls les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement sont recevables.

ARTICLE 8

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 7 à 9

Supprimer ces alinéas.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Les dispositions des alinéas 7 à 9 sont contraires au droit européen, ce qui pourrait fragiliser l'ensemble du dispositif. J'ajoute qu'elles pourraient avoir un effet inverse à celui que l'on recherche, excluant de la profession certains jeunes biologistes sans capital. D'où cet amendement de suppression.

M. Jacky Le Menn, rapporteur.  - La commission, qui s'est réunie cet après-midi, a émis un avis favorable à cet amendement.

Mme la présidente.  - Le Sénat, statuant après l'Assemblée nationale, se prononcera par un seul vote sur le texte tel que modifié par l'amendement du Gouvernement.

À la demande de la commission des affaires sociales, l'ensemble de la proposition de loi, modifiée, est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 210
Pour l'adoption 170
Contre 40

Le Sénat a adopté.

Prochaine séance mardi 21 mai 2013, à 9 h 30.

La séance est levée à 23 h 15.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mardi 21 mai 2013

Séance publique

À 9 h 30

1. Questions orales

À 14 h 30 et le soir

2. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir la qualité de l'offre alimentaire en outre-mer (n° 460, 2012-2013)

Rapport de M. Michel Vergoz, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 571, 2012-2013)

Texte de la commission (n° 572, 2012-2013)

3. Proposition de loi visant à prolonger la durée de vie des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques (n° 447, 2012-2013)

Rapport de M. Serge Larcher, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 566, 2012-2013)

Texte de la commission (n° 567, 2012-2013)

4. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République (n° 441, 2012-2013)

Rapport de Mme Françoise Cartron, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n° 568, 2012-2013)

Texte de la commission (n° 569, 2012-2013)

Avis de Mme Claire-Lise Campion, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 570, 2012-2013)

Avis de M. Claude Haut, fait au nom de la commission des finances (n° 537, 2012-2013)