Enseignement supérieur et recherche (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche.

Discussion générale

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Il y a presque un an, les Assises de l'enseignement supérieur et de la cherche étaient lancées à votre initiative, madame la ministre. Un débat national a suivi, dans la communauté universitaire puis au Parlement, qui a abordé tous les sujets, toutes les questions, sans tabou ni a priori. Tous les groupes politiques ont apporté leur pierre à l'édifice et su dépasser les clivages idéologiques stériles.

Ce texte est en cohérence avec celui qui porte la refondation de l'école et la priorité accordée à la jeunesse ; il dessine la France de demain en traçant, comme l'a dit Vincent Berger, un « cap de civilisation ». Dans la continuité des Lumières, nous avons oeuvré pour un enseignement supérieur de haut niveau, accessible et attractif, pour une culture partagée qui rendra notre société plus humaine, renforcera le lien social et préparera un avenir meilleur. C'est dans cet esprit qu'a travaillé la CMP.

Le dispositif du Sénat en première lecture sur les cursus en langues étrangères a été conservé. Un rééquilibrage a été opéré entre recherche fondamentale et recherche appliquée. La valorisation des résultats de la recherche se fera désormais au service de la société - la recherche fondamentale ne doit pas être asservie à des impératifs industriels ou commerciaux. Le transfert sera visé lorsqu'il sera possible. La commission mixte paritaire a en outre consolidé les dispositions relatives aux transferts de brevet.

Ce texte promeut l'université inclusive, le partage de la culture scientifique, la formation participative. Le service public de l'enseignement supérieur doit être exemplaire : le respect de la parité, la prise en compte des étudiants en situation de handicap, la résorption de l'emploi précaire ont été affirmés dans les missions sociales des universités.

Les principales évolutions en CMP ont été motivées par l'ambition partagée de conforter l'objectif premier du texte, la réussite de tous les étudiants. Le Sénat a remplacé la suppression de la gratuité des classes préparatoires dans les lycées publics, votée par l'Assemblée nationale, par une inscription conjointe en université, qui ne concerne que les élèves de ces seules classes. Les étudiants en BTS, titulaires d'un bac-pro, seront néanmoins incités à poursuivre leurs études. Ainsi en est-il de l'article 19.

L'objectif demeure d'une formation de qualité tout au long de la vie, simultanément avec la lutte contre le taux d'échec des bacheliers pro et technologiques dans les licences générales, faute de places en BTS ou IUT. Ce projet de loi instaure l'expérimentation d'un nouveau dispositif pour lutter contre les échecs en première année des études médicales ; à la place de l'organisation d'épreuves classantes interrégionales, la CMP a décidé qu'un rapport serait remis sur la réforme du concours de l'internat.

La CMP a étendu aux stagiaires divers droits réservés jusqu'à présent aux salariés ; prévu une gouvernance plus collégiale et plus démocratique des universités - avec notamment le transfert du droit de veto sur l'affectation des enseignants-chercheurs du président du conseil d'administration à une formation restreinte de celui-ci ; confirmé la désignation au suffrage direct des membres des conseils d'administration des communautés d'universités ou d'établissements, mais ouvert la possibilité d'une élection au suffrage indirect lorsque lesdites communautés comportent plus de dix membres et précisé que chaque liste de candidat devra assurer la représentation de 75 % des établissements membres. Le Sénat, suivi par la CMP, a ajouté la possibilité d'un regroupement de type confédéral et laissé aux communautés la liberté de choisir leurs modalités d'organisation.

Pas plus que l'Assemblée nationale le Sénat n'a esquivé la question du recrutement des enseignants-chercheurs. Les Assises avaient conclu à la disparition de la procédure de qualification, trop chronophage et source d'inégalités de traitement. L'amendement de suppression du groupe écologiste a soulevé une réelle émotion, à laquelle nous avons tous été sensibles. La CMP est revenue sur cette suppression mais a refusé d'écarter le débat et donné au Gouvernement deux ans pour proposer un dispositif plus transparent et plus équitable.

La transparence sera exigée des établissements privés pour éviter les diplômes coûteux et sans valeur ; un nouveau cadre sécurisé est offert à ceux d'entre eux, à but non lucratif, qui concourent au service public de l'enseignement supérieur.

La CMP est parvenue à un compromis sur les conditions d'accueil et de séjour des étudiants et chercheurs étrangers, dans l'attente de la loi annoncée par M. Valls. Dès la rentrée 2013, la situation sera améliorée.

Le bicamérisme a enrichi ce projet de loi. Il nous revient de rendre ce texte définitif, qui dessine l'avenir de notre pays ; avec le texte de refondation de l'école et le projet de loi à venir sur la formation tout au long de la vie, elle constitue un projet global de société. Le Sénat a fait prévaloir la notion de recherche au service de la société. Les sciences, toutes les sciences, dures comme humaines et sociales, sont indispensables à la compréhension du monde.

Nous avons eu un débat vaste et approfondi sur tous les sujets et nous avons pris en compte la réalité actuelle, sans nous enliser dans des discussions techniques. Ce projet de loi est de grande qualité. Des échanges sincères et respectueux permettent souvent de dépasser les clivages politiques, pour le plus grand profit de la Nation. Je vous encourage à adopter ce texte, fruit de notre détermination collective, pour nous rassembler dans une ambition nouvelle pour l'enseignement supérieur et la recherche. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - La CMP a adopté une nouvelle version du projet de loi. Ce texte a parcouru de nombreuses étapes sans qu'en soient compromis les objectifs premiers : la réussite des étudiants et une nouvelle ambition pour la recherche. Tous les jeunes auront le droit et la possibilité de réussir. Les Écoles supérieures du professorat et de l'éducation (Espe) ne figurent pas dans le texte mais elles y seront mentionnées pour qu'il soit mis en cohérence avec le texte de refondation de l'école.

Toutes les conditions de la réussite étudiante ont été améliorées, qui seront mises en oeuvre avec tous les ministères concernés sous la forme d'une stratégie nationale de l'enseignement supérieur.

Une nouvelle ambition pour la recherche est définie grâce, là encore, à une stratégie nationale en cohérence avec la stratégie européenne 2020. La recherche fondamentale est préservée, et la transformation des découvertes en innovation est encouragée.

Deux objectifs relevant de l'organisation de notre système ont été confortés : la simplification des procédures d'accréditation et d'évaluation et la possibilité de coopérations élargies et plus stratégiques.

L'Assemblée nationale a encadré les nouvelles dérogations à la loi Toubon, renforcé le principe de la tutelle conjointe sur les établissements, prévu une révision de la stratégie nationale tous les cinq ans.

Le Sénat a introduit plusieurs garanties en matière de collégialité, de gouvernance territoriale et d'autonomie des établissements au sein des nouveaux regroupements.

La réforme de l'enseignement supérieur et de la recherche porte un projet de société humaniste. Le Sénat a aussi voulu protéger les diplômes et les étudiants face à des pratiques douteuses et mieux identifier les établissements qui contribuent au service public en définissant un statut pour ceux sans but lucratif. Vous avez récrit l'article 38 et je vous en remercie. Vous avez mieux défini la place des régions. L'article relatif aux transferts a été assoupli et élargi, la notion a pris une nouvelle dimension. Le Sénat a marqué cette loi de son empreinte.

La CMP est parvenue à un accord sur les articles restés en suspens. La procédure de qualification est finalement maintenue, mais tout le monde s'accorde pour dire qu'elle doit être améliorée dans la concertation. Pour les études médicales, l'examen classant reste national. Des rapports d'étape seront soumis au Parlement pour faire le point sur différents sujets.

Je m'engage à régler la question de la présidence du conseil académique par voie réglementaire ; il sera ou le président de l'université ou un membre du conseil présenté par lui ; je pense répondre ainsi à une préoccupation du groupe RDSE... Les étudiants, docteurs et chercheurs étrangers seront mieux accueillis, grâce à des visas pluriannuels. Un projet de loi du ministère de l'intérieur viendra compléter le dispositif. Les stagiaires seront mieux protégés. La possibilité d'une élection au suffrage indirect des membres du conseil d'administration des communautés est maintenue si celles-ci comptent plus de dix membres.

Ce texte a aussi été enrichi par nos échanges réguliers. L'enseignement supérieur et la recherche a bien été au coeur de notre réflexion pour le redressement du pays, redressement intellectuel, redressement par la connaissance et l'accès du plus grand nombre de jeunes à une formation et une qualification de haut niveau, redressement par la recherche et sa diffusion dans le tissu social et économique. Je vous remercie pour la qualité des débats et je vous appelle à voter le texte de la CMP, car il est décisif pour l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - Ce texte opère peu de changements par rapport au projet de loi initial. Notre groupe confirmera donc son vote négatif sur un projet de loi qui ne rompt pas avec la logique de la précédente majorité, logique qui a déstructuré notre enseignement supérieur et notre recherche.

L'objectif d'un transfert des résultats de la recherche vers le monde économique reste la pierre angulaire de ce projet de loi. L'obsession économique aboutit à une hiérarchisation des savoirs contre laquelle nous nous élevons. On privilégie la recherche appliquée par rapport à la recherche fondamentale. Ce texte ne prévoit pas une programmation des moyens et des emplois, qui aurait été bien nécessaire. L'autonomie budgétaire des universités en a pourtant conduit beaucoup au déficit, sans parler de la diminution de la part des emplois pérennes.

Le financement par projet n'est pas davantage remis en question. La nouvelle procédure d'accréditation des établissements, qui vaudra habilitation à délivrer les diplômes, est dangereuse et ne s'intéresse pas au contenu de ceux-ci. Les communautés d'universités et d'établissements pourront être constituées d'universités publiques mais aussi privées, ce que nous ne pouvons accepter. L'article 38 a été entièrement récrit. Les regroupements seront obligatoires et les régions y seront systématiquement associées.

La CMP a maintenu l'amendement d'origine centriste déposé à l'article 42 C, qui crée un statut dérogatoire pour les établissements privés à but non lucratif. L'article 43 bis porte atteinte au statut des personnels, ce que nous déplorons. Enfin, nous ne pouvons accepter l'article 49 : l'instance qui remplacera l'Aeres aura peu ou prou les mêmes missions et composition qu'elle, malgré l'opposition unanime des universitaires, alors que l'évaluation individuelle et collective devrait avoir avant tout pour but l'amélioration du travail collectif. Seule avancée notable, le rétablissement de la qualification nationale préalable pour le recrutement des enseignants-chercheurs. La possibilité de transférer aux collectivités les biens immobiliers dédiés au logement étudiant nous inquiète - les grues sont déjà au travail à Antony.

Sans surprise, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC)

Mme Valérie Létard .  - Merci à Mme la rapporteure et à Mme la ministre pour les échanges que nous avons pu avoir. Je tiens également à rendre hommage à nos collègues qui ont enrichi ce projet de loi.

La CMP a duré longtemps, car nos positions respectives étaient assez éloignées. Le groupe UDI-UC a obtenu le maintien d'amendements importants. Les établissements d'enseignement supérieur privés à but non lucratif disposeront d'un nouveau statut, ce dont nous nous félicitons. Les établissements privés devront mentionner leurs statuts et la nature de leurs relations avec l'État dans tous leurs documents. Des statistiques seront régulièrement publiées sur les inscriptions dans les différentes formations et le taux d'insertion professionnelle des étudiants. Les stages ne pourront avoir pour objet l'occupation d'un poste permanent, quelle que soit la structure d'accueil.

Pour la recherche, nous ne voulons pas nous protéger de l'extérieur mais permettre à notre savoir-faire de s'exporter dans le reste du monde. Des communautés d'universités et d'établissements pourront être créées. L'article 38 permettra de créer des structures confédérales. La signature des contrats pluriannuels des communautés d'universités ou d'établissements devra faire l'objet d'une majorité qualifiée.

Enfin, la régionalisation des épreuves classantes de médecine a été abandonnée, ce que je regrette ; c'était une des propositions du rapport Maurey pour lutter contre les déserts médicaux. Un rapport sera remis au Parlement sur cette question.

Même si toutes les mesures ne nous conviennent pas, toutes les avancées dont je viens de parler ont été portées par le groupe UDI-UC. Celui-ci maintiendra son vote de première lecture ; personnellement, je voterai le texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes et UDI-UC)

Mme Françoise Laborde .  - Les travaux parlementaires ont été guidés par la volonté d'aboutir à une réforme ambitieuse et opérante de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les travaux de la CMP sont l'aboutissement d'un compromis. Mon groupe se félicite du maintien de la procédure de qualification par le CNU pour le recrutement des enseignants-chercheurs ; mais rendez-vous est pris dans deux ans.

Pour la gouvernance des universités, l'article 25 ne nous satisfaisait pas pleinement. Hélas, l'amendement de M. Chevènement n'a pas été retenu par la CMP. Certes, les statuts pourront prévoir que les présidences des deux conseils, d'administration et académique, pourront être confondues. Un exécutif bicéphale est-il pertinent ? Nous ne le croyons pas. Nous nous félicitons des précisions apportées par Mme la ministre : la voie réglementaire ira dans le sens que nous souhaitons.

L'article 38 nous convient - possibilité d'organisation confédérale, place des personnels et des usagers renforcée, révision des statuts à la majorité qualifiée. Les regroupements permettront d'offrir des formations cohérentes. Le mille-feuille institutionnel a été simplifié. Les nouveaux regroupements associeront de plus près les établissements de recherche, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Les personnes publiques pourront mettre à disposition des PME les fruits de leurs recherches. La suppression des modifications apportées au CIR est bienvenue, mieux vaut attendre le prochain rapport de la Cour des comptes sur le sujet.

Le retour de l'État stratège retient toute notre attention : l'aménagement du territoire y gagnera ainsi que l'accès de tous à l'éducation ; la définition des grandes orientations en matière de recherche permettra de répondre aux défis sociaux, économiques et environnementaux. La grande majorité du RDSE approuve le texte de la CMP. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et socialistes)

Mme Corinne Bouchoux .  - Nous saluons les évolutions plutôt positives de ce texte, du renforcement des interactions science/société au retour de l'État stratège, en passant par la participation des citoyens à l'élaboration de la stratégie nationale de recherche ou le renforcement de la protection des stagiaires.

Nous nous réjouissons que l'accueil et le séjour des étudiants étrangers ait été consolidé et que l'université ait été placée au centre de la stratégie nationale de l'enseignement supérieur. Parce que le Gouvernement a su nous entendre, nous saluons ce texte enrichi. Nous remercions Mme la ministre pour son écoute et son attention.

Si notre intelligence collective a permis de franchir une étape, ce texte est encore loin de nos attentes. Nous restons inquiets sur les regroupements et nous estimons que ce texte ne s'attaque pas aux conditions d'études ni à la précarité, faute de moyens.

La recherche fondamentale, pourtant indispensable, est traitée de façon trop secondaire. Nous craignons que les sciences humaines et sociales ne soient mises en danger. Où sont les structures capables d'aider nos chercheurs à répondre aux appels d'offres européens ? Le Haut Conseil qui remplacera l'Aeres devrait mieux évaluer les bonnes pratiques plutôt que les équipes et les laboratoires.

Le problème du logement des étudiants n'est pas traité. Enfin, la précarité n'est pas assez prise en compte. Le crédit impôt recherche nous semble critiquable.

Ce texte accommode la LRU mais ne résout pas les questions de fond, de gouvernance et de moyens. Il demeure éloigné des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs écologistes et CRC)

M. Jacques Legendre .  - L'heure est venue de nous prononcer sur ce texte. Améliore-t-il le dispositif de la loi du 10 août 2007 ? Vous connaissez mon attachement à la langue française. Je reviens donc sur l'article 2 qui autorise l'usage d'une langue étrangère à l'université.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Très bien.

M. Jacques Legendre.  - Ce débat n'est pas mineur, ni purement technique. Il engage le statut international de la langue française, qui n'est certes pas l'hyperlangue qu'est devenu l'anglais mais reste une langue centrale comme l'espagnol, le portugais, l'arabe et bientôt le chinois. Langue partagée par de nombre pays, elle doit être une langue d'accès à la modernité, donc à l'enseignement supérieur.

Or son statut était remis en cause. Prétendre qu'un tel sacrifice faciliterait l'accueil d'étudiants étrangers est un argument fallacieux. Il n'est pas normal de soumettre nos étudiants au diktat d'une langue dominante, quand bien même sa maîtrise est nécessaire, avec de préférence celle d'une autre langue étrangère. Que penseraient les Africains francophones qui viennent étudier en France, s'ils devaient suivre leurs cours en anglais ? Que penseraient des étudiants français à qui notre université proposerait des cursus d'enseignement exclusivement en anglais ? On peut admettre que des non-francophones suivent chez nous des cours dans une langue étrangère ; la loi Toubon le prévoyait déjà. L'important est que ce soit encadré et que des cours de langue française leur soient dispensés. Il nous faut garantir un encadrement suffisant de l'enseignement en langues étrangères pour défendre concrètement la diversité culturelle et linguistique. L'une ne va pas sans l'autre.

Le travail parlementaire a été assez consensuel, en liaison avec Mme André et l'Assemblée parlementaire de la francophonie. L'amendement que j'ai proposé a été validé en CMP. Je m'en réjouis. La rédaction finale de l'article 2 est claire : la langue française demeure la règle, l'anglais l'exception, strictement encadrée. Nous sommes parvenus à une rédaction équilibrée, mais restons vigilants. Les services du ministère ont trop longtemps fermé les yeux sur des violations de la loi Toubon.

Votre texte entend améliorer la LRU. C'est louable, mais prématuré, cinq ans après son application. Sur la gouvernance des universités, le projet de loi reprend l'idée de collégialité, débattue en 2007. C'est déstabilisant pour les universités qui viennent de constituer leur conseil d'administration, lequel devra déléguer une partie de ses pouvoirs au « conseil académique ». Nous avons proposé et obtenu que le président d'université puisse présider ce conseil. Il serait sage que ce soit souvent le cas. L'autonomie suppose un pilotage fort. Il est regrettable que votre projet de loi remette en cause ce principe, laissant le poids des corporatismes bloquer les décisions.

Nous regrettons la suppression de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Aeres) et son remplacement par une instance de nature et aux moyens similaires. La suppression, ici encore, de ce qu'a construit l'ancienne majorité a valeur de symbole. Après des débuts difficiles, l'agence a, en six ans d'existence, acquis une reconnaissance européenne et internationale. La rapporteure a relevé cette incohérence. Je salue son travail et son courage.

Les Pôles de recherche et d'enseignement supérieur (Pres) reposaient sur une démarche volontaire. Vous les remplacez par des communautés obéissant à une logique territoriale, ce qui va vers plus de complexité et moins de liberté. L'État entend se préserver de l'autonomie plutôt que l'encourager, au risque d'un rendez-vous manqué. Malheureusement, vous n'avez pas entendu nos arguments, non plus que ceux sur la gouvernance.

Selon l'article 18, des quotas seront obligatoires pour l'accueil de bacheliers professionnels en IUT. Nous partageons votre préoccupation sur l'échec de ces étudiants. Mais vos quotas n'y pourront hélas rien. Ils déplaceront le problème et risquent de déprécier les diplômes délivrés par les IUT. C'est en amont en formation initiale, dès le secondaire, qu'il faut agir. La loi sur la refondation de l'école n'accomplira pas la révolution attendue.

Nous n'avons pas été suffisamment entendus pour émettre un vote positif ni même nous abstenir. Nous voterons contre. (Applaudissements à droite)

M. David Assouline .  - Nous arrivons au terme d'une navette riche, qui a conforté l'ambition gouvernementale. Souvent les débats se nourrissent du choc des convictions, mais s'arrêtent là. D'autres débats se cantonnent à la technique et méconnaissent la profondeur des enjeux. Ce débat-ci a mêlé les deux. Chacun a réaffirmé ses positions de fond mais s'est aussi demandé ce qu'il s'agissait de faire, concrètement. Il y a eu des bougés dans l'hémicycle. Le Sénat a levé des blocages. Le discours à l'instant du président Legendre est exemplaire : il a dit les raisons de son hostilité à ce texte, mais de manière précise, argumentée, constructive, sans hésiter à critiquer aussi le précédent gouvernement.

Il fallait relever le défi de la réussite éducative et de la stratégie nationale de la recherche, mise au service de l'innovation. La méthode fut celle de la simplification, de la gouvernance territoriale, qui sans aller si peu que ce soit contre le caractère national du service public de l'enseignement supérieur et de la recherche, remet en mouvement les territoires au service du développement de l'économie et du savoir. Les objectifs du Gouvernement n'ont été à aucun moment dénaturés et son texte a été enrichi ici. Nous, parlementaires, avons le sentiment de servir à quelque chose tout en allant dans le sens du Gouvernement.

Je suis heureux, bien sûr, de la contribution des sénateurs socialistes. Le transfert des résultats de la recherche ne doit pas s'effectuer uniquement au profit des entreprises. Nous l'avons aussi dirigé vers les associations et fondations reconnues d'utilité publique, relais d'initiatives diverses, enracinées dans notre société. Leurs projets étaient parfois freinés. Ils seront relancés.

Les conditions de l'insertion professionnelle des étudiants, celles de leurs stages, ont été améliorées et encadrées. Je me réjouis que le bureau d'aide à l'insertion professionnelle soit doté d'une nouvelle mission : préparer les étudiants à leur entretien d'embauche.

Je me réjouis aussi de l'adoption de l'amendement autorisant les établissements à passer des conventions hors de leur académie, de l'article additionnel introduisant une initiative du groupe socialiste pour la carte de séjour mention « scientifique, chercheur ». Le Sénat, en attendant la loi défendue par M. Valls pour le compléter, a adopté un dispositif qui renforce dès maintenant l'attractivité de la France à l'étranger et corrige les effets déplorables de la circulaire Guéant.

Les régions seront associées aux politiques d'enseignement supérieur et de recherche, ce qui ne remet nullement en cause leur caractère national. Pour les regroupements, la CMP a abouti à la meilleure rédaction acceptable par les deux assemblées. Les modes de scrutin ont été améliorés, à la suite d'une large concertation. Les débats ont permis d'aboutir.

Les amendements du Gouvernement, loin de revenir sur des décisions majeures, améliorent le texte, dans l'esprit de ce projet de loi, que le groupe socialiste a soutenu sans réserve. Nous sommes fiers du résultat. Ce débat fut exemplaire. Il mérite d'être couronné par un vote positif. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

La discussion générale est close.

M. le président.  - En application de l'article 42 de notre Règlement seuls sont recevables les amendements ayant reçu l'accord du Gouvernement.

Discussion du texte élaboré par la CMP

ARTICLE 38

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 31

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Parmi ses composantes, la communauté peut comporter une école supérieure du professorat et de l'éducation.

Mme Geneviève Fioraso, ministre.  - Amendement de coordination avec l'article 69 de la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République. Je me félicite de la bonne coopération entre le ministère de l'Éducation nationale et mes services pour la mise en place de ces Espe, qui seront intégrées aux universités, dont elles seront une composante. Elles s'inscriront dans un cursus universitaire, en lien avec l'ensemble de la communauté enseignante. Ce travail commun est une innovation.

Mme Dominique Gillot, rapporteure.  - Favorable.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Nous avons émis un vote positif sur le projet de loi relatif à la refondation de l'école de la République, assorti d'une exigence de vigilance. Les parlementaires pourront-ils être tenus au courant de la mise en place des Espe et savoir ce qu'il en sera de la situation du personnel dédié, notamment des formateurs ?

Mme Dominique Gillot, rapporteure.  - Répondant l'autre jour à une question d'actualité, le ministre de l'Éducation nationale a précisé qu'une communication serait faite début juillet. Cela devrait vous donner satisfaction.

L'amendement n°1 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 63

Remplacer le mot :

deuxième

par le mot :

troisième

Mme Geneviève Fioraso, ministre.  - Nous corrigeons une erreur de référence.

Mme Dominique Gillot, rapporteure.  - Favorable.

L'amendement n°2 est adopté.

L'article 38, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

Avant l'article 56 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 83 de la loi n°           du             d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République est ainsi modifié :

1° À la seconde phrase du cinquième alinéa, les mots : « ou de l'établissement public de coopération scientifique » sont supprimés ;

2° Au dernier alinéa, les mots : « ou à l'établissement public de coopération scientifique » sont supprimés.

Mme Geneviève Fioraso, ministre.  - Coordination avec l'amendement n°1.

L'amendement n°3, accepté par la commission, est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.

Avant l'article 56 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 721-1 du code de l'éducation est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « soit au sein d'un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, soit au sein d'un établissement public de coopération scientifique » sont remplacés par les mots : « au sein d'un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel » ;

2° Au cinquième alinéa, les mots : « ou de l'établissement public de coopération scientifique » sont supprimés.

Mme Geneviève Fioraso, ministre.  - Même objet.

Mme Dominique Gillot, rapporteure.  - Même avis.

L'amendement n°4 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.

Avant l'article 56 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la troisième phrase du II, aux première et seconde phrases du deuxième alinéa du III et au dernier alinéa du III de l'article L. 721-3 du code de l'éducation, les mots : « ou de l'établissement public de coopération scientifique » sont supprimés.

Mme Geneviève Fioraso, ministre.  - Coordination.

L'amendement n°5, accepté par la commission, est adopté et devient un article additionnel.

À la demande des groupes socialiste et UMP, l'ensemble du texte résultant des conclusions de la CMP, ainsi amendé, est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 348
Nombre de suffrages exprimés 318
Pour l'adoption 161
Contre 157

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements à gauche)

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture .  - C'est la deuxième loi importante pour notre commission à être votée en deux semaines, enrichie significativement par le Sénat. Quand nous résistons au Gouvernement, c'est pour son bien ! (Sourires) La deuxième loi concernant la jeunesse. L'urgence fut notre lot, la CMP notre devoir. Les avis furent contrastés ; nous nous retrouverons lors du débat budgétaire. La loi est votée. Je remercie la ministre pour son écoute, la rapporteure pour son travail difficile, laborieux, patient, mais excellent, tous les groupes pour leur engagement. (Applaudissements à gauche)

Mme Dominique Gillot, rapporteure .  - Cette fois, nous en avons terminé, après moult suspense, surprise, euphorie aussi parfois ! L'histoire retiendra cette adoption par le Sénat de la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche. Nous avons porté au plus haut niveau notre ambition pour la formation de tous les jeunes. Ce résultat est le fruit du travail et de la méthode propres au Sénat, méthodiques, jour après jour, à force d'écoute, de conviction, de rassemblement, d'échanges d'expériences qui ont fécondé et densifié ce texte. Celui-ci est plus riche à présent, parce qu'il est le fruit d'une réflexion partagée. Il satisfait dès la première année du quinquennat l'une des priorités du président de la République. Mission accomplie. D'autres chantiers sont ouverts qui nous donneront l'occasion de nous retrouver. Je joins mes remerciements à ceux de la présidente de la commission. (Applaudissements à gauche)

Mme Geneviève Fioraso, ministre .  - Débat passionné, en effet, mais respectueux. Je m'associe à mon tour à ces remerciements. Il est rare que l'enseignement supérieur et la recherche soient placés au coeur d'un projet politique. Il s'agit de la jeunesse, de l'avenir, de la réussite du plus grand nombre ; la recherche conditionne l'emploi de demain et notre avenir sanitaire, environnemental, sociétal, culturel. C'est toute la noblesse de la politique que de le préparer. Nous avons fait des concessions réciproques, mieux, nous avons progressé ensemble. C'est aussi cela, l'ambition politique, au service de notre jeunesse et de notre avenir. (Applaudissements sur les bancs socialistes et au centre)

CMP (Nominations)

M. le président.  - Il va être procédé à la nomination des sept membres titulaires et des sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires. La liste des candidats établie par la commission des finances a été affichée conformément à l'article 12 du Règlement. Je n'ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire : titulaires, MM. Philippe Marini, Richard Yung, Jean-Pierre Caffet, Thani Mohamed Soilihi, Éric Bocquet, Albéric de Montgolfier, Vincent Delahaye ; suppléants, Mme Michèle André, MM. Philippe Dallier, Francis Delattre, François Fortassin, Claude Haut, François Trucy, Yannick Vaugrenard.

La séance est suspendue à 16 h 20.

présidence de M. Jean-Pierre Bel

La séance reprend à 16 h 25.