Soins psychiatriques (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à modifier certaines dispositions issues de la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.

Discussion générale

M. Jacky Le Menn, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire   - La commission mixte paritaire est arrivée à un accord complet. Plusieurs dispositions adoptées par le Sénat, comme la suppression des visioconférences pour les malades, ont été maintenues. Il n'y avait aucune divergence de fond entre les deux assemblées. La loi est claire et pourra être comprise par tous, y compris les malades : nous répondons ainsi à l'obligation d'intelligibilité de la loi.

D'autres questions devront être traitées sur les avis médicaux et le rôle du préfet. Nous avons déjà donné le dernier mot au juge en cas de soins sans consentement. Nous avons rétabli une double expertise psychiatrique avant la sortie, à la demande de l'Assemblée nationale et pour rassurer l'opinion. Les audiences pourront avoir lieu dans des salles banalisées, dans les tribunaux.

Ce texte améliorera grandement la situation des personnes faisant l'objet de soins sans consentement. (Applaudissements)

Mme Muguette Dini.  - Bravo !

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie.   - Je salue le travail du Parlement. Ce texte met notre droit en conformité avec la Constitution et rompt avec l'inspiration sécuritaire de la loi de 2011, pour replacer le patient au coeur de nos préoccupations.

Le régime strict de levée des soins sans consentement ne s'applique plus qu'aux irresponsables pénaux encourant un certain niveau de peine. Les victimes de troubles psychiques ne sont pas des justiciables comme les autres. L'audience doit avoir lieu à l'hôpital, autant que possible. Vous avez interdit la visioconférence, inadaptée, et encadré strictement la possibilité de mutualiser la salle d'audience. L'audience pourra n'être pas publique. Le juge interviendra après un délai de douze jours. La procédure de soins a été améliorée. Les sorties seront plus faciles, les certificats médicaux simplifiés et l'avis conjoint deviendra un avis simple.

Au cours de la navette, la double expertise a été rétablie avant la levée des soins sans consentement. L'analyse de psychiatres est indispensable. Une procédure de règlement des différends est prévue : le juge interviendra.

Nous pouvons nous réjouir du résultat obtenu. Décisif, ce texte l'est pour répondre aux attentes des malades, de leur famille et des professionnels de santé. (Applaudissements)

Mme Laurence Cohen .  - Le groupe CRC votera le texte, comme en première lecture, avec des réserves accrues cependant car la CMP est revenue sur des avancées voulues par le Sénat.

Sur les soins ambulatoires sans consentement, l'article premier renvoie à un décret, inutile si le but est thérapeutique, et qui nous confirme dans l'idée que les programmes de soins sont d'abord des mesures de contrainte.

De même, on a réintroduit la double expertise, ce qui durcit inutilement la procédure. Je ne veux pas y voir une réaction émotionnelle à l'acte commis il y quelques jours par un malade belge mais force est de constater cette concomitance...

Nous n'admettons pas que les audiences puissent avoir lieu dans les tribunaux, pas plus que la possibilité, pour les psychiatres, de se prononcer sur la seule base du dossier, sans voir le malade.

L'intervention du juge des libertés et de la détention, en cas de désaccord entre le préfet et le psychiatre, va cependant dans le bon sens. Le préfet n'est pas une autorité indépendante ; comment déciderait-il d'une mesure privative de liberté ?

Malgré ces réserves, le groupe CRC ne veut pas mettre les patients en difficulté. Il votera donc le texte, convaincu qu'il faudra le parfaire à l'occasion de la loi de santé publique que nous appelons de nos voeux.

Mme Muguette Dini .  - Ce débat me conforte dans les convictions que j'ai exprimées en 2011. On ne peut imposer de soins sans consentement en ambulatoire : c'est antinomique.

L'intervention du juge dès douze jours est protectrice des libertés mais les juges ne seront-ils pas surchargés ? Et les médecins n'auront-ils pas la tentation de rendre la liberté, avant l'échéance, à des malades qui n'y sont pas prêts ?

Je me réjouis des avancées sur l'organisation des audiences. La modification du statut des unités pour malades difficiles m'a inquiétée mais la CMP m'a plutôt rassurée.

La levée devra faire l'objet de deux expertises ; si le préfet s'y oppose, le juge interviendra. Dans ces conditions, le risque pour la société me paraît extrêmement réduit. Les faits divers qui avaient donné lieu à la loi de 2011 n'étaient pas le fait de malades reconnus pénalement responsables mais de personnes qui avaient abandonné leur traitement.

Ce texte ne règle pas tout. Tout en attendant avec impatience la grande loi promise sur la santé mentale, le groupe UDI-UC le votera. (Applaudissements au centre et à gauche)

M. Claude Domeizel .  - Cette proposition de loi répond à la censure, par le Conseil constitutionnel, de la loi de 2011 votée sous le coup de l'émotion suscitée par le drame de Grenoble. Elle améliore l'encadrement de soins sans consentement. Nous nous tenons à la frontière de la médecine, de la sécurité et de la justice, ce qui rend ces questions délicates. Le groupe socialiste votera ce texte et salue le travail du rapporteur et de la commission, accompli dans l'urgence. Nous attendons une loi plus large sur la psychiatrie. (Applaudissements à gauche)

M. Marc Laménie .  - Le groupe UMP votera contre ce texte pour protester contre la méthode contestable retenue par le Gouvernement : quand, le 30 août, celui-ci a ajouté cette proposition de loi à l'ordre du jour de la session extraordinaire, la commission des affaires sociales n'avait pas désigné de rapporteur.

La commission des affaires sociales s'est réunie le 11 septembre, la séance publique a eu lieu le 13 et la CMP le 17, avant-hier. Tout est donc allé très vite alors que ce texte traite de questions complexes.

Les soins sans consentement doivent répondre à trois exigences : soigner les malades, garantir la sécurité des citoyens, protéger les droits de tous.

Nous pouvons accepter la réduction à douze jours du délai d'intervention du juge, ainsi que la possibilité des sorties de 48 heures non accompagnées. Nous regrettons en revanche la fin du statut légal des unités pour malades difficiles et la disparition de la précision selon laquelle le placement des malades dans ces unités doit répondre à une nécessité. Nous regrettons aussi l'interdiction de la visioconférence, si l'état du malade n'y fait pas obstacle.

Nous voterons contre ce texte, comme en première lecture.

M. Jean Desessard .  - Après les excès sécuritaires de la loi de 2011, loi d'affichage qui flattait les peurs de l'opinion au lieu de s'intéresser à la santé des malades, nous examinons ce texte qui répond aux exigences du Conseil constitutionnel. Priver une personne de sa liberté est un acte lourd de conséquence, qui ne peut être encadré que par le législateur et exige une base légale précise.

Je me réjouis de la réintroduction des sorties brèves, de l'ouverture des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA), de l'interdiction de la visioconférence comme de la possibilité, pour les parlementaires, de visiter les établissements. Merci à M. Le Menn d'avoir bataillé pour maintenir ces dispositions en CMP. Nous voterons ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Le Sénat, examinant les conclusions de la CMP après l'Assemblée nationale, se prononcera par un seul vote sur l'ensemble du texte.

La discussion générale est close.

Interventions sur l'ensemble

M. René-Paul Savary .  - Monsieur Desessard, mettez-vous du côté des médecins ! Généraliste de garde, j'ai vu un malade me menacer avec une chaîne de vélo. Un de mes collègues s'est vu mettre un couteau sous la gorge par une personne en pleine bouffée délirante qu'il venait d'empêcher de se jeter du douzième étage. Le droit à la liberté doit être garanti mais aussi le droit à la vie de ceux qui prennent leurs responsabilités ! Il faut protéger ces malades contre eux-mêmes, mais aussi la société. On manque de personnel formé et les nouvelles procédures auront un impact budgétaire ! La survie des unités pour malades difficiles est en jeu.

Le groupe UMP ne votera pas ce texte.

Les conclusions de la CMP sont adoptées.