Simplification des relations entre l'administration et les citoyens (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens.

Discussion générale

M. Hugues Portelli, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - La CMP devait se prononcer sur les différences subsistant entre les deux assemblées, compte tenu de la réécriture intervenue au Sénat où nous avions eu à coeur de rendre le texte plus intéressant pour les usagers. Le Gouvernement a, par amendement, inversé la charge de la preuve, le silence de l'administration valant désormais avis positif. Les députés ont repris l'essentiel des dispositions du Sénat, sans conserver toutefois la motivation de l'avis négatif, et introduit plusieurs amendements du Gouvernement. L'un d'eux porte sur le droit d'asile, sujet assez éloigné de l'objet du projet de loi ; les députés ont voté ce cavalier et nous l'avons avalisé en CMP. De même, une exception à la règle du silence valant acceptation a été faite à la demande du secrétariat général à la défense et à la sécurité nationale. La CMP a statué à l'unanimité. (Applaudissements)

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation .  - Je m'exprime à présent au nom d'une autre collègue du Gouvernement. Mme Lebranchu est en Corse et m'a chargée de développer le sens de ce texte qui contient plusieurs réformes structurelles qui marqueront l'histoire de notre administration. L'heure est venue d'accomplir le choc de simplification que le président de la République a appelé de ses voeux, un choc qui va de pair avec la réforme de l'État. Nous savons l'importance que nos concitoyens accordent à la puissance publique.

Les nouveaux usages numériques n'ont pas irrigué toutes les administrations de la même manière. Nos concitoyens attendent plus de simplicité, de rapidité, d'efficacité. Parce qu'il est question, en ces matières, de protection des droits individuels, il faut en passer par la loi pour simplifier : tel est l'objet des demandes d'habilitation que vous soumet le Gouvernement.

Le texte engage trois réformes structurelles. Nous allons d'abord donner aux échanges électroniques avec l'administration une vraie valeur, y compris par voie recommandée. L'administration devra se conformer aux nouveaux usages. Bien sûr, il faudra se prémunir contre les demandes abusives, en limitant les risques contentieux -c'est tout l'intérêt des ordonnances. Les usagers pourront avoir accès à leurs dossiers en cours d'instruction. Le Cimap du 18 décembre 2012 a dessiné les contours d'un nouveau code des relations avec l'administration.

Deuxième réforme structurelle : la règle de l'accord tacite, qui a été introduite ici même par amendement. Aujourd'hui, le silence vaut rejet ; demain, il vaudra accord. Des exceptions ont été définies touchant la santé publique, la défense, la sûreté nationale, la protection des personnes. Pas de risque qu'un médicament soit mis sur le marché faute de réponse de l'administration.

A l'Assemblée nationale, nous avons introduit le programme Dites-le nous une seule fois, chantier prioritaire qui réduira les démarches des entreprises auprès des administrations. Reconnaissons à l'ancienne majorité sa tentative « d'armoire numérique » stockant les fichiers, malheureusement impossible à mettre en place. Le Gouvernement a repris l'objectif mais limité le programme à des échanges de données au cas par cas. Un annuaire des cent données les plus redondantes sera élaboré dans un premier temps. Par exemple, une entreprise doit communiquer plus de quinze fois son chiffre d'affaires et plus de dix fois ses effectifs à l'administration en une année. Les ordonnances permettront d'harmoniser des notions telles que le chiffre d'affaires des personnes morales ou l'adresse des personnes physiques. La liste donnée par donnée et administration par administration des échanges possibles sera soumise à la Cnil. Pour limiter les tracasseries administratives, le Gouvernement souhaite en outre généraliser, pour remplacer certaines pièces, le principe de la déclaration sur l'honneur.

Je vous invite à faire la promotion de ces réformes structurelles qui seront d'application progressive. Ce projet de loi forme l'armature juridique du choc de simplification. Simplifier n'est pas simple car les droits fondamentaux doivent être préservés. L'action publique du XXIè siècle doit être plus efficace, plus proche des citoyens et moins coûteuse. La force de l'État est de savoir toujours s'adapter, celle de nos services publics de s'adapter sans cesse. Nos mesures auront des conséquences réelles sur la vie quotidienne de tous. Merci à la Haute autorité de s'associer à cette réforme. (Applaudissements à gauche)

Mme Françoise Laborde .  - A l'heure où les efforts demandés à nos concitoyens sont conséquents, l'administration doit se montrer exemplaire. La modernisation des services publics est urgente car ils agissent au service des citoyens. Le Gouvernement a décidé en ce sens une réforme d'ensemble. Rendre la dépense publique plus efficace, sans sacrifier les services publics, est possible. Tel est l'objet du choc de simplification.

Ce projet de loi y contribue, qui permettra la mise en place d'un code de procédure administrative, gage de transparence. Il transformera la vie des usagers. Il consacre ainsi le droit de saisir l'administration et d'obtenir une réponse par la voie électronique. Le programme Dites-le nous une fois, intégré au texte à la demande du Gouvernement, était réclamé par les entreprises. Autant de dispositions qui représentent un réel gain de temps pour les usagers comme pour les agents.

M. Requier, en première lecture, avait émis des doutes sur la règle du silence de l'administration valant accord et s'était inquiété de la capacité de certains services à répondre dans les temps -ce qui mettrait à mal le principe d'égalité. Certaines dérogations légitimes sont heureusement prévues. Un décret en Conseil d'État précisera celles liées aux engagements internationaux et européens de la France, à la protection des libertés ou à la sauvegarde de l'ordre public. La CMP a visé la protection de la sécurité nationale. Le délai de deux mois sera modifié pour certaines procédures. Au total, ce changement culturel est une avancée qui doit être saluée.

Nous sommes confiants en la capacité d'adaptation de la France. Le groupe RDSE unanime votera ce projet de loi. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - L'unanimité du RDSE est rare et chère...

Mme Éliane Assassi .  - Nous voterons ce projet de loi, même si nous sommes opposés à la pratique des ordonnances, moyen de contourner les règles normales de la démocratie. Devenues de plus en plus banales, touchant de plus en plus de domaines, elles portent atteinte au principe de séparation des pouvoirs, puisque le Gouvernement agit en lieu et place du Parlement. Le Conseil constitutionnel n'exerce qu'un contrôle a posteriori.

Cela dit, nous partageons les objectifs de ce texte, de nature à redonner confiance à nos concitoyens en leur administration.

Nous sommes favorables aux échanges par voie électronique avec l'administration, mais la déshumanisation du traitement des réclamations pose problème. Nous soutenons la création d'un code adressé avant tout au citoyen. Mais il est difficile de l'apprécier a priori puisqu'il ne sera pas élaboré à droit constant. Nous soutenons aussi -encore !- l'inversion du principe du refus tacite comme l'amendement du Gouvernement qui transpose la directive européenne sécurisant le droit au séjour des demandeurs d'asile. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Richard .  - J'approuve ce projet de loi. Comme en première lecture, je souligne l'importance de la codification, qui absorbe généralement peu d'énergie. C'est pourtant un outil essentiel pour le législateur, qui n'a pas toujours conscience de ce qu'il change au voisinage des dispositions qu'il adopte. La coordination entre codes sur des matières voisines n'a pas fini de nous occuper...

Ce texte comporte de bonnes innovations. Nous serons à l'écoute des entreprises dans nos territoires. Je voterai l'accord tacite, par discipline, mais ce n'est pas une mince affaire. Le principe est sympathique mais il s'agit de l'État, de l'intérêt général, lequel n'inspire pas toutes les demandes. Nous donnons une priorité de principe à l'intérêt particulier... Tout cela est bien dans l'esprit du temps... Songeons-y. Heureusement, le Gouvernement et le législateur, dans leur sagesse, encadrent ce basculement. C'est capital.

Parmi les multiples décisions silencieuses qui seront prises ainsi, sans observation ni motivation, certaines seront illégales. Aussi cette disposition ne sera pas sans impact sur l'État de droit. Nos services administratifs ne seront pas oisifs, des décisions non souhaitées interviendront. Voyez l'application du Dalo. La précipitation conduit nécessairement à des décisions inconsidérées.

Je ne saurai trop encourager le Gouvernement à bien vérifier les domaines où il faut prendre quelques précautions au service de l'intérêt général, sachant qu'il est toujours possible de rectifié le tir à mesure.

Cela dit, ce texte apporte une pierre nouvelle à l'oeuvre de simplification et nous avons fait du bon travail. (Applaudissements)

Vote sur le texte proposé par la CMP

Le projet de loi est adopté dans la rédaction proposée par la CMP.

Mme la présidente.  - Magnifique unanimité.

Prochaine séance, lundi 21 octobre 2013, à 11 heures.

La séance est levée à 23 h 30.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du lundi 21 octobre 2013

Séance publique

A 11 heures, à 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit

1. Projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale (n°822, 2012-2013)

Rapport de M. Jean-Louis CARRÈRE, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°50, 2013 2014)

Avis de M. Yves Krattinger, fait au nom de la commission des finances (n°53, 2013 2014)

Avis de M. Jean-Pierre Sueur, fait au nom de la commission des lois (n°56, 2013-2014)

Texte de la commission (n°51, 2013-2014)

2. Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (n°517, 2012-2013)

Rapport de Mme Michèle André, fait au nom de la commission des finances (n°11, 2013-2014)

Texte de la commission (n°12, 2013-2014)