Encadrement des produits phytosanitaires

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la proposition de loi visant à mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national.

Discussion générale

M. Joël Labbé, auteur de la proposition de loi .  - (Applaudissements sur les bancs écologistes) Je commencerai par adresser des remerciements au Gouvernement et au ministre même si j'anticipe peut-être un peu, au rapporteur Ronan Dantec qui a pris ce travail au vol, tous les membres des associations qui ont participé à la concertation de même que tous les pionniers - car le monde avance avec les pionniers.

En janvier dernier, nous débattions des conclusions, chère Nicole Bonnefoy (applaudissements sur les bancs écologistes), de la mission commune d'information du Sénat sur les pesticides, présidée par Sophie Primas. (Mêmes mouvements) Pour moi, c'était une première car je venais de débarquer au Sénat. J'ai drôlement apprécié notre méthode de travail, on nous a donné les moyens de mener cette étude qui va dans le sens de l'intérêt public. J'avais alors annoncé, à la manière un peu abrupte qui est la mienne, le dépôt d'une proposition de loi la même année. C'est chose faite !

C'est que je suis impatient. Il faut sortir de notre addiction aux pesticides, comme l'a dit le secrétaire perpétuel de l'Académie d'agriculture de France, M. Paillotin, quand nous l'avons auditionné.

La France détient le triste record de l'utilisation des pesticides : 3ème au monde, 1ère en Europe. Parfois, on aimerait être le cancre de la classe. Cancers, asthme, maladie de Parkinson, intoxication, perturbations endocriniennes, la liste est longue. Je m'arrêterai là tant cela est déprimant pour citer les propos du professeur Sultan du CHU de Montpellier qui parle de « bombe à retardement » pour qualifier les effets des pesticides, ceux de Sylviane Cordier de l'Université de Rennes qui souligne les conséquences sur les enfants et même sur les foetus. Les conséquences de l'usage des pesticides sur l'environnement sont lourdes : la moitié des abeilles ont disparu en quinze ans si bien que la pollinisation se fait désormais à la main dans la province chinoise du Sichuan, et que l'on transporte des milliers de ruches par camions en Californie. Le coût de la dépollution des eaux est de 4 milliards par an. Quelle schizophrénie ! D'un côté, on abîme ; de l'autre, on répare.

Effets sur la santé, sur l'environnement, les éléments à charge sont suffisamment nombreux pour justifier cette proposition de loi qui interdit le recours aux produits phytosanitaires dans les espaces non agricoles.

Des produits de substitution existent. Nous recevions ce matin Cathy Bias-Morin, directrice des espaces verts de Versailles qui fait un travail remarquable, et Emmanuelle Bouffet, paysagiste et disciple de Gilles Clément : elles nous ont montré qu'on peut faire et bien faire sans pesticides. Plus de 60 % des villes de 50 000 habitants poursuivent l'objectif zéro phytosanitaires. C'est le cas de Niort, de Besançon, de Lorient, de Rennes, de Strasbourg et évidemment de Versailles, mais aussi de ma plus modeste commune de Saint-Nolff qui a supprimé depuis 2007 l'utilisation de pesticides y compris dans les cimetières et sur les terrains de football. La réglementation actuelle est inadaptée.

Cette proposition de loi est composée de trois articles : les deux premiers interdisaient les produits phytosanitaires respectivement aux personnes publiques et aux particuliers, le troisième demandait un rapport sur les freins à l'utilisation des Préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP).

Le sujet intéresse : cette proposition de loi a recueilli plus de 3 000 contributions de la part de 450 contributeurs différents sur la plate-forme « Parlement et citoyens ». Mme Jouanno et Delphine Batho ont signé l'appel de Montpellier. Vous n'auriez pas été ministre, vous l'auriez sans doute vous- même signé.

Répondons aux armes de destruction massive que sont les pesticides par ces armes qui mettent de la poésie dans les discours de Léo Ferré. Je ne suis plus jeune, (Protestations amusées sur de nombreux bancs) mais je me souviens que j'ai eu une enfance rêveuse et solitaire. Petit, j'aimais me coucher dans les herbes, attentif à la vie de la terre et aux murmures ambiants. Préservons ce monde pour nos petits, car nous en avons fait. Alors que nous célébrons la naissance d'Albert Camus, je veux citer Noces : « Enfoncé dans les herbages, parmi les insectes bourdonnants, j'ouvre les yeux au soleil....Ce n'est pas si facile de devenir ce qu'on est, de retrouver sa nature profonde ». Avec cette petite proposition de loi j'ai l'ambition de porter tout cela. (Applaudissements sur les bancs écologistes, socialistes et du RDSE)

M. Ronan Dantec, rapporteur de la commission du développement durable .  - En tant que rapporteur, je parlerai moins de poésie que d'articles et de règlements. La réflexion sur l'utilisation non agricole des pesticides est mûre : le Premier ministre s'est prononcé pour sa réduction lors de la Conférence environnementale, Stéphane Le Foll lui a emboîté le pas, les conclusions de la mission commune d'information du Sénat sont sans appel. De nombreuses collectivités sont engagées vers le zéro phytosanitaire : par exemple, Nantes, dont j'ai été l'adjoint à l'environnement pendant dix ans, où j'ai trouvé une situation plus dégradée en 2001 que dans les années 1980 à cause d'une petite multinationale appelée Monsanto. À la différence de Saint-Nolff, toutefois, nous utilisons encore les pesticides dans les cimetières.

Des produits de substitution existent - le rapport de 2011 du député Herth avait fait le point sur les mécanismes de bio-contrôle, dont le plus connu est le recours aux coccinelles pour lutter contre les pucerons.

Les usages non agricoles des pesticides, bien que leur part représente seulement 5 %, méritent une proposition de loi à part entière. C'est une source considérable de pollution, en particulier des eaux. Le taux de glyphosates, des études l'ont montré, augmente dans les cours d'eau à la sortie des villes. La règlementation prohibe déjà de nombreux usages sur les surfaces imperméabilisées, comme les trottoirs ou à proximité des points d'eau. Malheureusement, elle est mal connue. Il faut, monsieur le ministre, un effort de pédagogie pour mieux informer les élus.

L'enjeu sanitaire est réel : les non-professionnels, comme la mission commune d'information du Sénat l'a démontré, se protègent mal et ont tendance à surdoser les produits, ce qui augmente le risque de contamination avec la peau.

L'article premier du texte prévoit l'interdiction des produits phytosanitaires à partir du 1er janviers 2018 en prévoyant une exception pour les produits de bio-contrôle.

Notre commission a voulu replacer cette disposition à l'article L. 253-7 du code rural, et prévoir une dérogation en cas de danger sanitaire et de sécurité publique. Ainsi, l'utilisation des pesticides restera possible pour l'entretien des pistes d'aéroport et des voies ferrées.

L'article 2 complète l'article L. 253-7 du code rural pour viser les particuliers. Là aussi, nous prévoyons une exception pour les produits de bio-contrôle et une dérogation pour les cas de danger sanitaire.

L'article 3 demande un rapport sur les freins au développement des produits naturels peu préoccupants. C'est un enjeu économique : l'Allemagne autorise 400 substances, contre une en France depuis 2011, le purin d'ortie - encore est-ce sous une recette que les professionnels qualifient de piquette d'ortie.

Quant à l'article 4, introduit à l'initiative de la commission, il repousse l'entrée en vigueur à 2020 pour les pouvoirs publics, à 2022 pour les professionnels.

Les débats en commission, riches, ont abouti à un texte équilibré : les espaces visés pour les personnes publiques sont précisément circonscrits, le report de la date d'entrée en vigueur laisse à tous les acteurs le temps de s'adapter.

Voilà une loi qui constitue un changement de paradigme ; celle d'une insertion plus apaisée de l'homme dans l'environnement, dans le vivant.

À mon tour de citer Albert Camus, que l'on peut considérer comme le père de l'écologie politique, qui 48 heures après qu'une bombe atomique eut éclaté à Hiroshima, parlait de civilisation de la barbarie mécanique. Avec ce texte, nous commençons à sortir de la civilisation de la barbarie chimique. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie .  - Puisqu'il a été question de Camus, je veux saluer Roger Quilliot, son grand spécialiste, que j'ai servi durant des années au sein de son cabinet.

Après les excellents travaux de la mission commune d'information du Sénat, et dont cette proposition de loi s'inspire, un constat s'impose : les produits phytosanitaires sont très largement utilisés dans notre pays, en agriculture comme dans nos jardins.

D'après les études, 800 tonnes de substances actives sont déversées chaque année dans les espaces verts et 4 500 tonnes dans les jardins.

Bien sûr, nous sommes loin de l'Argentine où l'on en consomme 300 millions de tonnes pour cultiver du soja. Pour autant, nos compatriotes, d'après une étude de l'Institut national de veille sanitaire (INVS) de 2013, sont plus exposés aux pesticides que les Allemands, les Américains et les Canadiens avec des effets sur la santé qui sont désormais attestés. Nous avons donc un devoir collectif, celui d'inciter les jardiniers amateurs et ceux des collectivités à réduire l'usage de ces produits pour leur propre santé d'abord, pour celle de leurs voisins ensuite et pour l'environnement enfin.

Le Premier ministre, lors de la Ve Conférence environnementale, a fixé pour objectif la fin du recours aux pesticides en ville. Nous relançons le plan écophyto, nous augmentons la taxe sur les pollutions diffuses due par les fabricants de pesticides et je me réjouis de cette proposition de loi qui s'inspire des expériences menées à Nantes, à Saint-Nolff, mais aussi dans le Gers, à l'initiative d'un ancien président de conseil général, qui, pardonnez mon manque de modestie, n'a pas attendu l'appel de Montpellier pour agir dès 2008.

Ce texte bannit le recours aux produits phytosanitaires, dont sont clairement exclus les mécanismes de bio-contrôle, pour les personnes publiques en 2020 et pour les particuliers en 2022.

Il ménage des dérogations en cas de danger sanitaire ou pour des raisons de sécurité publique.

Parce que ce texte équilibré nous aidera à atteindre nos objectifs, le Gouvernement y est favorable. Ce soir, je suis fier et heureux que nous fassions ensemble un pas vers l'indispensable transition écologique. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)

M. Henri Tandonnet .  - Lors de l'élaboration du rapport de la mission commune d'information sur les pesticides, nous nous proposions de mettre en oeuvre les 100 propositions au cours de notre mandat : d'où ma satisfaction ce soir.

Les agriculteurs ont fait des efforts pour consommer moins de pesticides. Il faut saluer ce changement. En revanche, les ménages et les collectivités territoriales restent mal informés des dangers de ces substances. Le constat est pourtant sans appel : nos eaux sont polluées par les pesticides, davantage en aval des villes qu'en amont. Et là, ce ne sont pas les agriculteurs qui sont en cause...

Cette proposition de loi marque une étape importante. Elle interdit aux personnes publiques l'usage des produits phytosanitaires pour l'entretien des espaces verts, forêts et lieux de promenade, et prohibe leur vente et leur usage domestique. Le report de l'entrée en vigueur, voulu par la commission, était nécessaire pour que les élus aient le temps de s'adapter et de convaincre la population qu'il est normal de laisser pousser des herbes folles dans les espaces verts. Il faut aussi laisser le temps aux industriels d'élaborer une offre alternative.

Pour cela, nous avons besoin que l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) soit performante, car elle joue un rôle crucial dans la mise sur le marché et l'évaluation des produits. Or beaucoup d'agriculteurs sont démunis ; ainsi aucun produit n'est autorisé contre un nouveau ravageur émergent. Il faut dire que les délais d'instruction pour une mise sur le marché prennent jusqu'à trois ans... Il faut doter l'Anses de moyens supplémentaires.

Cette proposition de loi est équilibrée. C'est une première marche à franchir. Comme le bon docteur de La Peste, le maire de Saint-Nolff a fait son travail. Le groupe UDI-UC votera pour. (Applaudissements à gauche et au centre)

Mme Évelyne Didier .  - Je salue le travail accompli par la mission commune d'information sur les pesticides et l'initiative de M. Labbé. L'enjeu est si important que la recherche de consensus ne doit pas nous conduire à réduire nos exigences. Le sixième programme d'action pour l'environnement fixe pour objectif qu'en une génération, les nuisances pour l'environnement et la santé liées à la production et l'utilisation des produits phytosanitaires aient disparu. Il reste du chemin à faire !

Notons que 95 % des pesticides sont employés par les agriculteurs. Le présent texte ne s'attaque donc qu'à une part infirme de cette pollution. La France autorise 319 substances actives en 2013 ; or on sait, depuis les travaux de la mission commune d'information, ce qu'il faut penser de l'indépendance et du contenu des études préalables à la mise sur le marché. Sur ce sujet aussi nous avons un travail législatif à mener.

La proposition de loi interdit aux personnes publiques l'usage des pesticides pour entretenir les espaces verts, à compter de 2020. Beaucoup de grandes communes s'astreignent déjà à cette règle.

M. Ronan Dantec, rapporteur.  - Et Saint-Nolff ?

Mme Évelyne Didier.  - Les petites collectivités n'auront pas les mêmes marges de manoeuvre. Nous approuvons pleinement cet article premier ; si le report de son entrée en vigueur se justifie, la question des moyens ne doit pas être éludée.

Je salue également l'interdiction de la vente de pesticides aux particuliers. Mais qu'est-ce qui interdit d'acheter de tels produits à l'étranger ou sur Internet ? Quid des jardiniers ou paysagistes rémunérés par des particuliers ? Il faudrait peut-être aller jusqu'à l'interdiction de vente à toute personne qui n'est pas titulaire du certificat écophyto...

Le juge européen se prononcera sur la légitimité de cette atteinte à la liberté de commerce. Qu'invoquera l'État français alors même qu'il autorisera les mêmes produits pour des usages agricoles ? Et la date de 2022 est bien lointaine.

Cette proposition de loi est une avancée mais son application risque d'être délicate. Il faut, aux niveaux national et européen, faire prévaloir la santé et la protection de l'environnement sur les intérêts de l'industrie chimique, repenser nos modèles de contrôle, étudier les effets cocktail. Notre travail me semble bien fragile au regard des négociations en cours sur le projet d'accord commercial transatlantique. L'Europe ne doit pas en rabattre sur ses standards de protection sanitaire et alimentaire.

Le groupe CRC votera ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Roland Ries .  - Cette proposition de loi fait suite aux travaux de la mission sur les pesticides créée à l'initiative du groupe socialiste. Après de longs travaux, elle a formulé des recommandations dont un certain nombre sont reprises ici.

Ce texte ne porte que sur l'usage non agricole des pesticides. C'est un premier pas nécessaire, qui va dans le sens de l'action de nombreuses collectivités. Les communes ont été pionnières : 60 % des communes de plus de 50 000 habitants ont adopté un plan « zéro phyto ». Les élus doivent alors mener une double bataille. Culturelle d'abord, pour convaincre leurs administrés. En 2008, à Strasbourg, ceux-ci étaient sceptiques, dubitatifs, voire franchement critiques, accusant le personnel municipal de ne plus faire son travail. Il faut faire de la pédagogie, faire comprendre le passage du concept de « nature en ville » à celui de « ville en nature ». Il ne s'agit plus d'investir les espaces entre les immeubles mais d'intégrer la ville dans la nature. Dès lors, on ne parle plus de mauvaises herbes, mais d'herbes folles... Et l'on constate que les abeilles se réfugient en ville parce qu'elles y sont mieux protégées... Et droit de cité est rendu à une des fonctions premières de la nature, nourrir. Grâce au plan zéro phyto, vergers et potagers reviennent en ville et nous renouons un lien ancestral avec cette nature qui nous offre ses fruits.

L'autre bataille est technique, administrative. Il a fallu mobiliser nos services et modifier nos techniques d'entretien. À la communauté urbaine de Strasbourg, plus de 900 agents ont dû changer leur manière de travailler en apprenant à traiter d'une manière différente les espaces auprès des monuments, des lieux de circulation, des espaces de reconquête au pied des arbres. On obtient assez vite des résultats. Nos concitoyens sont mûrs, si j'ose dire, pour ces changements. (M. Ronan Dantec, rapporteur, approuve)

Le groupe socialiste votera cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)

M. Yvon Collin .  - Après des années d'utilisation intensive, élus et citoyens prennent conscience des dangers des pesticides. Le plan Écophyto vise à réduire leur consommation de moitié d'ici 2018 - mais l'objectif ne semble pas pouvoir être atteint. Il existe des méthodes de substitution, les produits de bio-contrôle, les PNPP, le purin d'orties. Nos anciens étaient-ils écologistes ? Non, plutôt pragmatiques.

M. Jean-Vincent Placé.  - Les deux !

M. Yvon Collin.  - Ce texte interdit aux personnes publiques l'usage de pesticides. Les dérogations sont bienvenues. Nous saluons le pragmatisme des auteurs qui ont prévu l'usage de mécanismes de bio-contrôle.

La réglementation actuelle peut paraître insuffisante. La mission commune d'information préconisait l'interdiction de la vente de pesticides aux particuliers dans les grandes surfaces alimentaires, la formation des vendeurs, l'utilisation de protections par les utilisateurs, le développement d'offres alternatives. Quelques obstacles demeurent, qui empêchent la généralisation des PNPP. Pour autoriser des recettes de grand-mère, il faut des essais qui coûtent jusqu'à 200 000 euros ! L'exemple allemand montre qu'on peut faire mieux et moins cher.

Le report de l'entrée en vigueur du texte nous paraît raisonnable, notamment pour que les collectivités puissent s'adapter.

Je me réjouis que le Sénat soit à l'initiative en la matière, comme l'avait été le groupe du RDSE lorsqu'il a proposé l'interdiction du bisphénol A dans les biberons. Nous devons rester vigilants mais ne pas nous laisser aller à une application aveugle du principe de précaution. La majorité du RDSE s'abstiendra, M. Vall et moi-même voterons pour. (Applaudissements à gauche)

Mme Sophie Primas .  - La mission commune d'information que j'ai présidée et dont Mme Bonnefoy était rapporteure, s'est intéressée à tous les usages des pesticides et fait des recommandations. Je comprends la portée symbolique et politique de cette proposition de loi, qui n'aborde cependant pas le coeur de la question : l'usage agricole des produits phytosanitaires.

Ce que nous savons du projet de loi d'orientation sur l'agriculture nous paraît aller à rebours de nos propositions. J'en appelle au Gouvernement : il faut une épidémiologie plus large et mieux coordonnée, un suivi sanitaire des populations exposées et l'inscription des pathologies liées à l'usage des pesticides dans le tableau des maladies professionnelles. La fraude et l'implication du grand banditisme doivent aussi être prises en compte.

Je salue MM. Labbé et Dantec, qui ont recherché un consensus. J'adhère pleinement à l'esprit de cette proposition de loi, qui me paraît toutefois comporter trop d'incertitudes juridiques et trop de conséquences financières non évaluées pour être adoptée en l'état. L'article premier, trop flou, entraînera des difficultés pour les maires.

Le « zéro phyto », dans les collectivités, est d'abord affaire de courage politique. Il faut convaincre les habitants d'accepter de nouvelles formes d'espaces verts. Versailles applique ce plan depuis 2005 avec des méthodes qui font école. Je pense aussi à des communes rurales, qui ne comptent qu'un employé, voire moins. Je connais par exemple un maire du Vexin, volontariste en la matière, qui applique le « zéro phyto » pour traiter ses engazonnements mais des désherbants, de manière raisonnée, à la seule fin d'assurer la sécurité de ses administrés.

Si je lis bien le texte, les cimetières et les stades sont exclus du champ de cette proposition de loi ; le désherbage de la voirie serait autorisé dans un objectif de sécurisation. Cela pourrait rassurer, car pour un entretien entièrement mécanique, il faut du personnel. Cependant, il n'existe pas de définition juridique des « espaces de promenade » : les talus, les bords de route en font-ils partie ? Un juge ne pourra-t-il pas requalifier un stade en espace de promenade ?

D'autres questions restent en suspens. Il semble que la distinction entre personnes publiques et privées résiste mal aux faits. Une collectivité ne peut-elle faire appel à un prestataire privé ? Comment faire comprendre à un maire qu'il lui est interdit d'employer des pesticides pour entretenir ses espaces verts, alors qu'ils sont autorisés aux bailleurs sociaux ou aux industriels sur leurs espaces privés  ?

L'interdiction de la vente de produits phytosanitaires à des particuliers pour des usages non-professionnels est louable. Ayons en tête, cependant, les avancées du Grenelle, qui a strictement encadré cette vente et les efforts des enseignes de distribution. Laissons du temps au temps.

Merci à la commission d'avoir, du moins, reporté l'entrée en vigueur de l'article 2 à 2022. Il faut laisser le temps aux industriels de créer des produits alternatifs efficaces.

L'article 3 permettra de cerner la méthode la plus efficace pour faire pénétrer sur le marché ces produits alternatifs. Ceux-ci doivent faire l'objet d'une grande vigilance ; leur mise sur le marché relève, en dernière analyse, de la responsabilité politique du ministre.

Le groupe UMP s'abstiendra, tout en partageant, je le répète, les préoccupations de l'auteur de la proposition de loi. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Marie-Christine Blandin .  - Nous apprécions cette proposition de loi et le climat constructif de nos débats. C'est sans doute l'heureuse conjonction des convictions de son auteur et de l'excellent travail collectif mené en commission et au sein de la mission commune d'information présidée par Mme Primas.

Attardons-nous un moment sur les questions de vocabulaire. Un pesticide est fait pour tuer les « pestes », c'est-à-dire les sales bêtes, les parasites, les vers indésirables - dont on trouve une scorie dans ce texte qui évoque les « nuisibles ». Après qu'on s'est penché sur l'effet des pesticides sur la santé, on a parlé de perturbateurs endocriniens et d'inhibiteurs de croissance : les pesticides sont devenus des produits phytosanitaires. Puis, avec l'apparition des lymphomes, myélomes et autres maladies de Parkinson, on a préféré le terme de produits phytopharmaceutiques. Le nom ne change rien au fait : ces substances sont dangereuses pour la santé, pour l'environnement, et de manière durable.

Les industriels le savent qui modifient composition et conditionnement ; les soignants le savent, qui accueillent des personnes intoxiquées après chaque campagne d'épandage. La MSA le sait, les applicateurs, les salariés autorisés des entreprises le savent. Je tiens à votre disposition une photo prise depuis le restaurant du Sénat, où l'on voit un jardinier revêtu d'une tenue sortie d'un film de science-fiction épandre un mystérieux aérosol sur les plates-bandes...

Cette toxicité est connue et reconnue. La laisserons-nous dans nos parcs et jardins, dans l'herbe où les enfants s'allongent, les pâquerettes qu'ils cueillent ? La laisserons-nous en vente libre dans les potagers domestiques, là où le jardinier de la famille, jaloux de sa récolte, applique l'adage « quand on aime on ne compte pas » et met double dose pour faire disparaître limaces et pucerons ?

L'un des mérites de cette proposition de loi, c'est qu'elle peut être votée. Le Premier ministre Ayrault veut que les produits phytosanitaires ne soient plus employés en ville, son prédécesseur avait salué le rapport Herth. Tous les ministres de l'écologie ont conclu qu'il était aberrant de traiter le purin d'ortie comme le glyphosate - mais l'instruction d'un dossier peut coûter jusqu'à 200 000 euros. Les modalités d'utilisation des PNPP est de votre responsabilité, monsieur le ministre ; faites vite et sortez notre pays du ridicule !

Comprenant que les maires ont besoin de temps, nous sommes amers face à la mauvaise volonté des industriels, qui disent avoir plus de temps... pour continuer à nous empoissonner. Nous ne bouderons pas, toutefois, notre plaisir. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

Mme Nicole Bonnefoy .  - Les travaux de la mission commune d'information ont montré que les dangers liés à l'utilisation des pesticides étaient sous-évalués ; que le suivi des produits était imparfait ; que la protection des utilisateurs et des populations n'était pas à la hauteur des dangers ; que le plan Ecophyto ne serait pas respecté - l'usage des pesticides continue d'augmenter.

Une étude récente de l'Inserm confirme le lien entre l'exposition aux pesticides et la maladie de Parkinson ou certains cancers graves. Elle nuit aussi au développement de l'enfant. Il est urgent d'agir, en renforçant les contrôles, en interdisant l'usage des pesticides dans les zones non agricoles et la vente au grand public, en développant les méthodes alternatives.

Je me réjouis de l'initiative du groupe écologiste. De nombreuses communes ont pris les devants : en Charente, beaucoup d'entre elles ont décidé de ne plus utiliser de pesticides, sans attendre la loi, et certaines enseignes n'en vendent plus.

Il faudra cependant aller plus loin. Le projet de loi d'avenir sur l'agriculture en sera l'occasion, tout comme la stratégie nationale de santé. Nous devons saisir toutes les opportunités pour faire reculer l'usage irraisonné des pesticides. J'espère que, sur cette question cruciale, nous pourrons continuer à travailler de concert, pour l'intérêt commun. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. Jacques Cornano .  - En avril dernier, Le Monde titrait Guadeloupe, monstre chimique. La Guadeloupe est, effet, devenue le laboratoire à ciel ouvert d'une pollution diffuse que l'on ne sait pas encore combattre. Le tristement célèbre chlordécone aura des effets néfastes sur l'environnement durant sept siècles et la situation en Guadeloupe se retrouve partout en outre-mer.

C'est pourquoi je me félicite de cette proposition de loi, à condition que les spécificités des outre-mer soient bien prises en compte. Nos collectivités luttent contre les parasites qui prolifèrent en milieu tropical. Et beaucoup de ménages ultramarins tirent une partie non négligeable de leurs revenus de la vente ou de l'échange des produits de leur jardin.

Élaborons des produits qui correspondent à des modèles de production intégrée pour l'outre-mer ! (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Ries et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 4, première phrase

Après les mots :

d'utiliser

insérer les mots :

ou de faire utiliser

M. Roland Ries.  - Précisons que les personnes publiques ne pourront pas faire appliquer les produits phytopharmaceutiques par des professionnels tiers.

M. Ronan Dantec, rapporteur.  - Avis évidemment favorable à cet amendement pertinent.

M. Philippe Martin, ministre.  - Il faut s'assurer de l'application de cette interdiction en toutes circonstances.

Mme Sophie Primas.  - Cet amendement répond à une interrogation que j'ai soulevée tout à l'heure. Néanmoins, le texte englobera-t-il bien tous les cas de délégation de service public ? J'ai des doutes sur sa sécurité juridique.

L'amendement n°1 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Ries et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 4, première phrase

Remplacer les mots :

à l'exception des produits de bio-contrôle figurant sur une liste établie par l'autorité administrative

par les mots :

à l'exception de ceux visés au IV du présent article

M. Roland Ries.  - Nous voulons encourager le développement de tous les produits de substitution : les PNPP comme les produits autorisés en agriculture biologique et les substances à faible risque qui présentent toute garantie.

M. Ronan Dantec, rapporteur.  - Je vais essayer de ne pas être long car cet amendement mériterait 45 minutes d'explication. (On conjure l'orateur de n'en rien faire) L'amendement de M. Ries reprend le terme européen, très bien, mais reste tout un travail à mener sur les produits de substitution et les définitions différentes qu'en donnent le code rural et le règlement européen. C'est tout l'intérêt du rapport demandé à l'article 3.

M. Philippe Martin, ministre.  - Je sais gré à M. Dantec de ne pas avoir pris 45 minutes. « Allez les Verts ! », mais aussi « Allez les Bleus ! » (Sourires) Ces amendements donneront de la souplesse : favorable.

Mme Sophie Primas.  - J'avais déposé les mêmes amendements en commission. Ils ont été repoussés... Je les voterai volontiers ce soir 

M. Ronan Dantec, rapporteur.  - Ils ne sont pas identiques.

Mme Sophie Primas.  - Je crains bien que si.

M. Joël Labbé, auteur de la proposition de loi.  - « Allez les Bleus ! », effectivement, car ce texte aborde aussi la question des stades.

Mme Sophie Primas.  - Des sources d'insécurité juridique !

M. Joël Labbé, auteur de la proposition de loi.  - Avant d'autoriser les produits à faible risque, il faudra autoriser les substances actives, ce qui ne sera fait qu'à partir de la seconde moitié de 2014. Pour le moment, on ne sait rien du contenu de ces produits, d'autant que la notion de faible risque n'est pas définie dans le règlement européen. La procédure sera lourde et coûteuse et, donc, surmontable pour les seuls industriels...

J'attends des assurances pour ne pas voir revenir par la fenêtre ce que nous aurons exclu par la porte. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

L'amendement n°2 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Ries et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 4, seconde phrase

Après les mots :

nécessaires à

insérer les mots :

l'éradication et

M. Roland Ries.  - Le rapporteur a prévu une exception heureuse pour autoriser le recours aux produits phytosanitaires dans la lutte contre les nuisibles. Précisons qu'ils peuvent servir dans la prévention mais aussi dans l'éradication de ces nuisibles. Je reste ouvert sur le vocabulaire.

M. Ronan Dantec, rapporteur.  - Dans le code rural, le terme d'éradication est utilisé seulement pour l'ESB. Il est très fort, et ressortit plutôt au vocabulaire européen. Mieux vaut parler de « destruction ».

M. Roland Ries.  - D'accord, quoique le terme d'éradication s'applique bien puisque cela signifie que l'on enlève jusqu'à la racine.

M. Philippe Martin, ministre.  - Ces questions de sémantique n'ont rien de négligeable. Avis favorable.

M. le président.  - Ce sera donc l'amendement n°3 rectifié, présenté par M. Ries et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 4, seconde phrase

Après les mots :

nécessaires à

insérer les mots :

la destruction et

L'amendement n°3 rectifié est adopté.

Mme Marie-Christine Blandin.  - Un avertissement aux thésards : aucune espèce n'est, en soi, utile ou nuisible. On clouait autrefois sur les portes les chouettes qui ont le mérite d'avaler 400 à 500 rongeurs par an ! (Applaudissements sur les bancs écologistes)

Mme Sophie Primas.  - Les insécurités juridiques et financières demeurent, vous ne m'avez pas répondu. Dans ces conditions l'UMP s'abstiendra sur cette proposition de loi.

M. Ronan Dantec, rapporteur.  - La voirie est déjà traitée par la réglementation, notamment par la loi sur l'eau. Il n'y avait donc pas besoin d'en rajouter en matière de réglementation. Insécurité financière ? Toutes les villes qui ont basculé dans le zéro phyto l'ont fait à budget constant, à Versailles comme dans ma bonne ville de Nantes. C'est une question de pédagogie.

Les amendements de Mme Primas différaient de ceux de M. Ries en ce qu'ils prévoyaient de remplacer un terme par un autre, et non d'en ajouter un.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Ries et les membres du groupe socialiste et apparentés.

I. - Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

à l'exception des produits de bio-contrôle figurant sur une liste établie par l'autorité administrative

par les mots :

à l'exception de ceux visés au IV du présent article

II. - Après l'alinéa 2

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« IV. - Les II et III ne s'appliquent pas aux produits de bio-contrôle figurant sur une liste établie par l'autorité administrative, aux produits qualifiés à faible risque conformément au règlement (CE) 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil ni aux produits dont l'usage est autorisé dans le cadre de l'agriculture biologique. »

M. Roland Ries.  - Défendu.

L'amendement n°4, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Ries et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Alinéa 2, seconde phrase

Après les mots :

nécessaires à

insérer les mots :

l'éradication et

M. Roland Ries.  - Défendu.

L'amendement n°5, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Ries et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Rédiger ainsi cet article :

Avant le 31 décembre 2014, le Gouvernement dépose sur le bureau du Parlement un rapport sur le développement de l'utilisation des produits de biocontrôle et à faible risque mentionnés aux articles 1 et 2, sur les leviers qui y concourent ainsi que sur les recherches menées dans ce domaine. Ce rapport indique les freins juridiques et économiques au développement de ces produits et plus largement à celui de la lutte intégrée telle que définie à l'article 3 de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. 

M. Roland Ries.  - Élargissons le champ de ce rapport à l'état du développement actuel des produits de bio-contrôle et aux recherches menées dans ce domaine.

M. Ronan Dantec, rapporteur.  - Bonne précision : favorable. Mieux on sera bordé côté européen, plus aisément on fera sauter les verrous de ce côté

M. Philippe Martin, ministre.  - Tout à fait, même avis.

L'amendement n°6 est adopté et l'article 3 est ainsi rédigé.

L'article 4 est adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Joël Labbé, auteur de la proposition de loi .  - Je veux dire toute ma satisfaction de voir ce texte adopté, mes remerciements à tous ceux qui y ont concouru. Le Sénat sort grandi d'une soirée comme celle-ci ! (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Philippe Martin, ministre .  - Pour ne pas laisser Mme Primas dans l'incertitude, je veux lui apporter quelques précisions. Le texte exclut clairement les stades et cimetières ; en tout état de cause, il pourra être précisé par le décret.

Madame Blandin, dans le cadre de la future loi sur la biodiversité, le Gouvernement demandera une habilitation à revoir le code pour remplacer le terme de « nuisibles » par celui d'« espèces provoquant des dommages » ou quelque chose d'approchant. Nous y travaillons. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

À la demande du groupe écologiste, l'ensemble de la proposition de loi, modifié, est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin n°65 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 196
Pour l'adoption 192
Contre 4

Le Sénat a adopté.

(Vifs applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Ronan Dantec, rapporteur.  - Je veux dire ma joie de voir un deuxième texte écologiste, adopté par le Sénat.

Mme Esther Benbassa.  - Un troisième !

M. Ronan Dantec, rapporteur.  - J'en étais le rapporteur pour la première fois. Merci à M. Vall, le président de la commission et à M. Tandonnet de leur contribution. Nous avons recherché le consensus, sans y parvenir totalement. Je respecte les convictions de chacun, c'est le débat politique. Cette loi, importante, impose pour la première fois le zéro phytosanitaire sur une partie du territoire. Elle aura un effet d'entraînement. Pourvu qu'elle passe le cap de l'Assemblée nationale et que le Gouvernement fasse un travail d'explication auprès des élus et diffuse les bonnes pratiques. (M. Joël Labbé met la main sur le coeur ; M. André Gattolin croise les doigts) Enfin, l'État aura une responsabilité particulière : une fois les produits phytosanitaires interdits, il faudra récolter les bidons qui traînent un peu partout ! (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Philippe Martin, ministre.  - En temps de crise, on a tendance à considérer l'écologie comme secondaire. Je me réjouis de l'adoption de ce texte. Pour tout dire, je m'envole demain avec M. Dantec pour Varsovie où doit se tenir le sommet sur le climat. Que le même esprit de consensus règne qu'ici, qu'on y retrouve le souffle de M. Labbé !

Merci pour le joli moment que nous avons passé ensemble ce soir.