Interdiction des maïs OGM (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l'interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié.

Discussion générale

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Nous avons déjà débattu de cette proposition de loi. Le moratoire sur la mise en culture des OGM fait l'objet d'un large consensus sur les bancs au Parlement. La France a toujours soutenu cette position. Or la législation européenne et le Conseil d'État ont remis en cause l'application de la clause de sauvegarde. Il fallait, dès lors, trouver un cadre juridique adapté.

La législation européenne ne convient à personne. Alors que 19 États membres s'opposaient à l'autorisation du maïs Pioneer TC1507, contre 4 abstentions et 5 votes pour, ce maïs est autorisé. La situation juridique à l'échelle de l'Union ne peut perdurer ; c'est l'objet des discussions qui se sont engagées.

La France a défendu dès le départ au Conseil européen une modification des règles d'autorisation de la mise en culture des OGM. Le débat avance. Comme pour les phytosanitaires, il faut que les États puissent décider d'autoriser ou non la mise en culture en fonction d'un bilan coût-bénéfice, des risques environnementaux, en particulier de dissémination, sur les productions de qualité et bio. J'espère qu'un texte sera adopté sous la présidence grecque.

Cette proposition de loi comble un vide juridique. L'autorisation de mise en culture du Monsanto 810 date de seize ans. Elle aurait dû être renouvelée au terme de dix ans. L'Agence européenne a elle-même considéré que la mise en culture pouvait avoir des effets négatifs qui n'avaient pas été évoqués lors de l'autorisation. Il y a donc de quoi contester celle-ci. En outre, notre Constitution permet de mettre en oeuvre le principe de précaution.

De plus, des études réalisées aux États-Unis sur l'impact à moyen terme des OGM montrent que la consommation de pesticides n'a pas baissé, comme attendu, mais augmenté de 7 %. Au début, le recours aux pesticides régresse en effet, mais il augmente à mesure que la résistance de certaines plantes et de certains insectes augmente.

Nous ne fermons pas la porte à la recherche. Les expérimentations en plein champ restent possibles.

Si le droit européen offre enfin la possibilité de débattre autour de critères précis, alors nous pourrons engager le débat de manière sereine et pleinement démocratique. Les OGM de première génération, résistants aux herbicides ou qui produisent des pesticides, ont montré leurs limites. Il pourrait être avantageux, en revanche, de développer des plantes résistantes au stress hydrique ou enrichies en vitamines - afin par exemple de prévenir la cécité. Sur les OGM de première génération, il faut admettre objectivement, scientifiquement, qu'une page doit se tourner. Nous en ouvrirons collectivement une autre. Je ne doute pas que ce débat sera, une fois de plus, de haute tenue. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. Daniel Raoul, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - Cette proposition de loi du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, a été adoptée le 15 avril par les députés. Il s'agit d'un texte distinct de celui auquel le Sénat a opposé, cet hiver, l'exception d'irrecevabilité ; mais le dispositif est le même : il s'agit d'interdire la mise en culture de maïs OGM. Il ne concerne pas les expérimentations ni les autres plantes génétiquement modifiées (PGM).

Veillons à ne pas nous contenter de slogans faciles et à ne pas mettre sur le même plan tous les OGM. Comme le rappelait notre collègue Pastor dans son rapport de 2003, des gènes étrangers ont été incorporés dans les bactéries dès les années 1960. Un médicament sur six est issu du génie génétique. De même, 80 % des fromages incorporent des OGM - la présure d'origine animale a été remplacée par des enzymes génétiquement modifiés - et personne ne s'en émeut. C'est, pourrait-on dire, le premier étage des OGM, dont l'utilisation est confinée et sous contrôle ; ils ne posent pas de risque de contamination dans l'environnement.

Au deuxième étage, il y a les plantes PGM, dont les maïs qui nous préoccupent aujourd'hui, qui produisent leurs propres toxines et, outre la pyrale, attaquent sans doute des papillons et peut-être les abeilles. D'autres espèces pourraient présenter un intérêt pour l'alimentation - elles ne sont pas concernées par le texte.

Le principe de précaution doit être un principe d'encouragement à l'approfondissement de la recherche ; il est devenu un principe d'inaction...

M. Jean Bizet.  - Il a dérivé !

M. Daniel Raoul, rapporteur.  - Le troisième étage, ce sont les animaux génétiquement modifiés ; ils ne retiennent pas assez l'attention. On en voit poindre pourtant dans le cadre du traité transatlantique. Et la Commission des biotechnologies brésilienne vient d'autoriser la dissémination de moustiques mâles génétiquement modifiés pour lutter contre la dengue. Les biotechnologies animales imposent une prudence encore plus grande.

La recherche n'est pas menacée. Rien ne justifiait la destruction, en août 2010, de cultures de l'Inra à Colmar, menées en toute transparence et sans aucun risque de dissémination ; les chercheurs se désolent de voir ainsi leur travail réduit à néant. Refuser la recherche, c'est refuser la connaissance et en perdre toute maîtrise. Le code de l'environnement comme la directive 2001/18/CE fixent un cadre juridique spécifique pour les essais d'OGM.

Sans mettre en cause l'évaluation scientifique, prenons garde aux conflits d'intérêts. L'avis de plusieurs instances, européennes et nationales, doit être sollicité. Surtout, la puissance publique ne peut se contenter de cette seule expertise, il faut examiner les conséquences économiques, sociales, environnementales d'une mise en culture, se garder de favoriser le développement des grandes exploitations et de soumettre nos agriculteurs aux grands semenciers. Nous manquons d'études de long terme traitant des effets des OGM sur l'alimentation humaine et animale, et leurs effets sur la biodiversité sont encore controversés. Toutes ces incertitudes avaient fondé l'adoption en commission de la proposition de loi Fauconnier.

Le texte d'aujourd'hui n'a ainsi rien de révolutionnaire. Un arrêté du 7 février 2008 a formulé une première interdiction du maïs Monsanto 810, suivi d'un deuxième le 16 mars 2012 et confirmé par un troisième le 14 mars dernier justifié, après une large consultation, par l'existence de nouvelles études et la proximité des semis. Certains exploitants ont semé avant le 15 mars, on sait ce qu'il en est advenu ; il eut mieux valu laisser la justice agir...

Après l'avis du Conseil d'État, l'intervention du législateur national était nécessaire, comme est nécessaire au niveau européen une révision du processus d'évaluation des autorisations de PGM. Aujourd'hui les États et les citoyens sont dessaisis. Lors de l'examen de la mise en culture du TC1507, la Commission est passée outre aux avis majoritaires du Conseil et du Parlement européen... La Grèce a fait des propositions pour faciliter les mesures nationales d'interdiction. La France a soulevé la fragilité juridique du mécanisme proposé, et fait une proposition alternative : une fois évaluée au niveau européen, la PGM pourrait encore faire l'objet d'analyses au niveau national. Le débat se poursuit à Bruxelles.

Le texte que nous examinons interdit toute mise en culture des maïs génétiquement modifiés. Les agents chargés du contrôle des végétaux contrôleront le respect de l'interdiction ; en cas de non-respect de celle-ci, c'est l'autorité administrative qui sera compétente pour décider la destruction des cultures. L'Assemblée nationale a adopté ce texte sans modifications. Nous proposons au Sénat de l'adopter. (Applaudissements sur les bancs socialistes, CRC et écologistes)

M. Robert Tropeano .  - La position du groupe RDSE est très proche de celle exprimée par M. Fortassin à la tribune lors de l'examen de la proposition de loi de M. Fauconnier. Il souhaite un débat dépassionné et sans préjugé.

À deux reprises le Conseil d'État a annulé des arrêtés suspendant des autorisations de mise en culture du maïs Monsanto 810. La procédure de ce texte est inédite: elle interdit la mise en culture de tous les maïs OGM - entre-temps le TC1507 a été autorisé au niveau européen...

Peut-on voter des lois fragiles juridiquement ? M. Fortassin se demandait s'il ne s'agissait pas d'un geste purement politique en direction de l'opinion... Le débat doit être transparent et public. Toutes les positions sont respectables, mais nous avons été surpris par l'excès de certaines déclarations après le vote du Sénat le 17 février. L'agriculture intensive ne s'oppose pas nécessairement à l'agrobiologie, nous devons raison garder et ne pas céder aux sirènes médiatiques ni aux raccourcis des sondages. Les OGM ne présentent pas, par définition, un danger ; il faut poursuivre la recherche et ne pas céder à l'obscurantisme, qui serait une faute politique majeure. La France est en pointe dans le domaine de la génétique végétale, donnons à l'Inra les moyens et la liberté de procéder à des expérimentations. Certes, il existe des risques de résistance des OGM, les mesures de gestion et de surveillance de Monsanto ont été insuffisantes. Mais nos décisions doivent être cohérentes avec la législation européenne. Comment interdire la mise en culture d'OGM mais autoriser les importations de produits en contenant ?

L'intime conviction du RDSE n'est pas unanime. Certains, dont je suis, voteront cette proposition de loi, non sans avoir exprimé quelques réserves de droit. D'autres, qui voteront contre ou s'abstiendront, ne peuvent se résoudre à voter un texte sans raison d'être sur le plan juridique. Nous appelons, unanimement cette fois, à un débat objectif et dépassionné. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Joël Labbé .  - Deux mois après la motion d'irrecevabilité de M. Bizet sur le texte de M. Fauconnier, nous réexaminons ce texte. L'arrêté de mars a été pris au nom de l'urgence. Je salue l'initiative du groupe socialiste de l'Assemblée nationale de redéposer ce texte. C'est un signe encourageant de la volonté de la France d'engager la transition de son modèle agricole vers l'agro-écologie et une agriculture plus respectueuse de l'environnement comme des dynamiques humaines et territoriales. J'ai renoncé, par pragmatisme, à déposer un amendement pour élargir l'interdiction de culture à toutes les PGM. Je m'en remets au Gouvernement et à notre ministre de l'écologie, très sensibilisée à ce sujet.

Nous devons garantir aux consommateurs qu'ils ne trouveront pas demain des OGM dans leur assiette.

M. Jean Bizet.  - Ils y sont déjà !

M. Joël Labbé.  - Il faudra s'en préoccuper en amont... les trois quarts des Européens sont contre les OGM en agriculture. Saluons la Fédération internationale des amis de la Terre : selon ses conclusions, les OGM, en raison de leur impact sur l'environnement, sont de moins en moins acceptés au niveau mondial ; à cause de la résistance développée par les adventices et les insectes, ils n'apportent pas de réelle protection contre les ravageurs agricoles. Le ministre de l'agriculture américain arrive aux mêmes constats après une étude sur quinze ans de développement des OGM ; et leurs effets économiques sont mitigés, en termes de rendement et de retour sur investissement. Les risques imposent de ne pas céder à la pression des lobbies. Selon Olivier De Schutter, rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l'alimentation, notre modèle d'agriculture intensive et forte consommatrice d'intrants est à bout de souffle. La nature, heureusement, s'adapte.

Face à cette forme de criminalité contre l'humanité, je pèse mes mots, qu'est l'agrochimie dans les pays du Sud et face au mouvement pour l'organisation mondiale de l'agriculture que vous animez, monsieur Bizet, je lancerai bientôt un appel à la création d'un mouvement mondial des parlementaires pour la défense de l'agro-écologie.

Nous voterons ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Jean Bizet .  - Il y a trois mois, je défendais au nom du groupe UMP la motion d'irrecevabilité à l'encontre de la proposition de loi de M. Fauconnier ; j'avais alors démontré que ce texte était contraire à plusieurs dispositions constitutionnelles. Le Sénat, malgré l'avis du Gouvernement, l'avait adoptée.

Le texte dont nous débattons aujourd'hui est identique. Je ne reprendrai pas mes arguments, ils n'ont pas changé. Cette proposition de loi ne respecte ni le droit français, ni le droit européen. L'urgence n'est pas démontrée et la procédure européenne ad hoc n'a pas été suivie.

Le Gouvernement n'ose pas assumer ses choix et s'en remet à une proposition de loi. Pourtant, la loi d'avenir sur l'agriculture était le véhicule législatif parfait. Il fallait aller vite, me direz-vous. (M. Stéphane Le Foll, ministre, le confirme) Mais le présent texte est toujours en navette... Et l'arrêté d'interdiction est l'objet d'un référé-suspension. Mais certaines semences ont déjà été plantées...

M. Joël Labbé.  - De la provocation !

M. Jean Bizet.  - De la culture ! Le préjudice subi par les exploitants devra bien être pris en compte...

Votre volonté n'est pas fondée en droit. Pour interdire la mise en culture, il faudrait démontrer un risque urgent, mais ni les agences ni les académies ne confirment pareil risque. Pour légiférer, il faut des bases légales et scientifiques incontestables. Ce n'est pas le cas. Vous entretenez la confusion sur la qualité des avis des agences. L'initiative du Gouvernement nuit à la qualité de l'information à disposition des citoyens, à la sérénité du débat et à la confiance dans la recherche. C'est pourquoi, avec M. Accoyer, j'ai saisi le Haut Conseil des biotechnologies pour faire procéder à une analyse croisée des différents avis sur les risques pour l'environnement du maïs Monsanto 810.

On ne peut pas en outre considérer que cette proposition de loi est un texte de sauvegarde, conservatoire, pris en application du principe de précaution. La Charte de l'environnement prévoit, en cas de doute, une procédure d'évaluation et des mesures proportionnées.

Enfin, ce texte n'est pas conforme à la Charte de l'environnement qui prescrit des mesures proportionnées en cas de risques. Ce texte d'interdiction, au contraire, est arbitraire et constitue un défi à la raison et à la recherche scientifique. Comment inciter les chercheurs à mener des études si leurs champs de cultures expérimentales sont détruits ?

La loi de 2008, inspirée du rapport que j'avais rédigé avec M. Pastor, respectait un équilibre et sanctionnait ceux qui détruisent des cultures.

M. Daniel Raoul, rapporteur.  - Le droit n'a pas changé.

M. Jean Bizet.  - Malheureusement, il n'est pas appliqué.

Je ne suis pas opposé à une modification des règles européennes : on verra alors apparaître les incohérences dans l'Union européenne et quels pays font le choix de la modernité.

À l'heure du « redressement productif » cher à M. Montebourg, pourquoi ne pas avoir une approche plus ouverte des biotechnologies ? Les maïs transgéniques entrent déjà dans l'alimentation du bétail. Les OGM sont indispensables à la recherche. Un tiers des surfaces mondiales cultivées en maïs le sont pour des espèces génétiquement modifiées.

En agissant dans la précipitation, le Gouvernement s'enfonce dans une impasse. J'apprécie cependant, monsieur le ministre, que vous reconnaissiez l'intérêt des OGM de deuxième génération.

Les enjeux sont tels que notre débat ne saurait se perdre sur des amalgames. Encore un effort, monsieur le ministre !

M. Jean-Jacques Lasserre .  - Merci au président Raoul pour la manière dont il anime les débats en commission. La liberté de tous y est la règle.

Les OGM touchent à de nombreux domaines. Le présent texte est semblable à la proposition de loi de M. Fauconnier, rejetée ici il y a quelques mois.

Gardons-nous des positions de principe. Nous sommes tous conscients des problèmes que soulèvent les OGM, mais aussi de leur intérêt pour la recherche. Le fauchage de parcelles expérimentales est intolérable. Cessons de faire fuir les chercheurs. La recherche permettra de réduire les apports en intrants chimiques et en eau, de nourrir une population mondiale en expansion. Pourquoi nous priver du progrès ? Le principe de précaution ne doit pas rimer avec stagnation.

Certes, il y a des risques de biorésistance, de propagation incontrôlée des pollens - mais il est possible de circonscrire celle-ci -, des risques pour la santé humaine.

Au lieu d'une loi pour chaque espèce, il faudrait un cadre général. Pourquoi n'avoir pas traité de la question dans le projet de loi d'avenir pour l'agriculture ? Évitons les textes d'affichage.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Il faut bien commencer par le plus urgent.

M. Jean-Jacques Lasserre.  - Il faut donner des signes à la communauté scientifique. La France est dotée d'un Haut Conseil des biotechnologies. Il n'y a pas de consensus en Europe pour interdire la culture du maïs OGM.

Assez de textes de circonstance, portons le débat à un autre niveau. Le principe de précaution s'impose, mais nous voulons inscrire le droit à la recherche dans cette loi. En l'état, nous aurons du mal à voter ce texte.

M. Jean Bizet.  - Très bien !

Mme Laurence Cohen .  - Il y a quelques semaines, en rejetant une proposition de loi identique à celle-ci, le Sénat se déclarait favorable à la culture du maïs OGM. Le groupe CRC n'était pas de cet avis. Les deux variétés visées présentent des risques environnementaux avérés. Le maïs MON810 crée des résistances chez les insectes cibles, ce qui oblige à consommer des pesticides plus violents. En outre, il a des effets nuisibles sur d'autres insectes que ces cibles officielles. La culture d'OGM favorise l'agriculture intensive et nuit à la biodiversité. Il serait paradoxal de la soutenir aujourd'hui.

Les procédures d'autorisation sont fragiles : les mises en culture bénéficient d'une présomption d'absence de toxicité. Nous voulons une recherche publique indépendante des intérêts mercantiles.

Le débat sur les OGM est symptomatique du fossé qui se creuse entre la Commission européenne et les peuples. La Commission veut autoriser le maïs TC1507 contre l'avis du Parlement européen, de 19 États sur 28, d'une majorité de la population européenne...

Les plantes génétiquement modifiées sont couvertes par des brevets, ce qui a une incidence économique notable. La commission des affaires économiques a adopté une résolution appelant l'attention sur les dangers que présente la brevetabilité du vivant.

Nous voterons donc cette proposition de loi, malgré un champ d'application restreint. En outre, les autorisations se multiplient : Bruxelles vient d'autoriser la culture de dix nouveaux OGM. Enfin, le futur traité de libre-échange transatlantique permettra aux multinationales américaines de proposer aux agriculteurs européens leurs catalogues d'OGM, et leur donnera la possibilité de poursuivre les États qui prendraient des mesures contraires à leurs intérêts commerciaux. Ces questions ne pourront être éludées si l'Europe veut conserver son potentiel agricole. (Applaudissements à gauche)

Mme Renée Nicoux .  - L'enjeu est crucial. Le Parlement doit éviter toute prise de risque pour l'environnement, la santé, l'équilibre économique de notre agriculture, liée à la mise en culture du maïs OGM. Le MON810 a un impact avéré sur l'environnement et la biodiversité. La toxine créée par la plante nuit à des insectes non ciblés et crée une résistance, obligeant les agriculteurs à utiliser des pesticides encore plus puissants. La question se pose aussi de la coexistence entre cultures OGM et autres cultures, notamment biologiques. En outre, ces semences protégées risquent de rendre nos paysans dépendants de grands semenciers. Enfin, le maïs OGM pourrait avoir un lourd impact sur les abeilles et la filière apicole.

La France a raison de se montrer prudente. À deux reprises, le gouvernement a prononcé un moratoire sur la culture de ces maïs OGM, chaque fois annulé par le Conseil d'État. Celui-ci vient en revanche de confirmer l'arrêté d'interdiction du MON810.

Nos marges de manoeuvre sont étroites, comme le montre le cas du TC1507 autorisé par la Commission européenne malgré l'opposition du Parlement européen et d'une majorité d'États membres. La France jusqu'ici n'est pas parvenue à faire évoluer les règles. Cette proposition de loi est nécessaire pour faire entendre la voix de la France. Prenons le temps d'approfondir les recherches et nous assurer que les consommateurs et les acteurs producteurs seront protégés.

Le vote de cette proposition de loi aidera M. le ministre dans ses démarches à Bruxelles. Le président de la République s'est d'ailleurs engagé lors de la Conférence environnementale de 2012 à prolonger le moratoire. Le groupe socialiste votera donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Jacques Mirassou .  - Cette proposition de loi interdit la culture du maïs génétiquement modifié en France. Elle est identique au texte déposé ici même par M. Fauconnier. Le 14 mars 2014, M. le ministre a publié un arrêté allant dans le même sens.

M. Jean Bizet.  - Illégal !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Cette proposition de loi vient donner un cadre juridique à cette mesure. Elle conforte la position de la France en Europe, à quelques semaines des élections européennes.

Études contestées, majorités tellement qualifiées qu'elles sont disqualifiées (sourires), procédures complexes : la question des OGM fait débat en Europe. Entre obscurantisme et confiance aveugle dans la technique, il y a place pour l'esprit critique et le libre arbitre.

L'opinion, marquée par les affaires de l'amiante et de la vache folle, nous demande d'être vigilants. Nous voterons ce texte résolument. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Marie-Françoise Gaouyer .  - Texte d'affichage, contraire au droit européen, tournant le dos à la recherche ? Non. Texte politique, oui. Lorsque les procédures dysfonctionnent, au point que l'on peut aller contre l'avis d'une majorité d'États et du Parlement européen, il est de notre responsabilité d'être fermes. On ne saurait se réfugier derrière un discours technico-juridique.

Un certain consensus a toujours existé en France sur les OGM. Cette proposition de loi vient d'ailleurs renforcer une mesure prise par le gouvernement Fillon.

Sur la recherche et l'innovation, le projet de loi d'avenir pour l'agriculture est clair : toutes les expérimentations d'OGM sont autorisées, à condition de faire l'objet de contrôles. Ce n'est pas le principe de précaution qui fait obstacle à la recherche, mais Monsanto, qui refuse que le MON810 soit utilisé à cette fin.

Ce maïs ravage les papillons et les abeilles. Sa culture est totalisante : son pollen se dissémine sans contrôle, on ne peut pas cultiver à proximité de façon biologique ou même conventionnelle. Impossible, dans ces conditions, de développer d'autres pratiques agricoles à proximité. En outre, les OGM renforcent la dépendance des agriculteurs vis-à-vis des industriels.

Nous n'avons rien à gagner à entrer dans la compétition internationale avec les mêmes armes que le Brésil ou les États-Unis.

Cette proposition de loi est un acte politique fort, qui servira de référence. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Stéphane Le Foll, ministre .  - La France est le premier exportateur de semences au monde. Une société française, concurrente des semenciers américains, est en train de s'implanter dans toute l'Asie...

Les OGM ne font pas progresser les rendements. Quant à l'utilisation de pesticides, elle suit une courbe en J et baisse légèrement avant de remonter.

Nul ne conteste la nécessité de la recherche, y compris pour le développement de l'agro-écologie : le projet de loi d'avenir insiste sur ce point.

Nous souhaitons obtenir, sous présidence grecque, une résolution du Conseil. Nous plaidions à l'origine pour un système analogue à celui qui s'applique aux produits phytosanitaires ; faute d'avoir été suivis, nous demandons à présent que les autorités nationales puissent réévaluer les décisions, en fonction du rapport coût-bénéfice. Les États doivent aussi pouvoir renvoyer l'affaire devant la Cour en cas de litige. Les autorisations doivent pouvoir être réexaminées en faveurs d'éléments scientifiques nouveaux, et il doit être possible de revenir en arrière.

Je compte bien m'appuyer sur le HCB réformé. Je rappelle que le Conseil d'État vient de rejeter en référé une demande d'annulation du dernier arrêté.

Enfin, c'est bien pour faire face à l'urgence que nous avons fait le choix d'un texte distinct à ce sujet.

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

ARTICLE UNIQUE

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Lasserre, Détraigne, Deneux, Capo-Canellas, Roche, J.L. Dupont, J. Boyer et Bockel, Mme Férat, M. Tandonnet, Mme Jouanno et MM. Namy et Merceron.

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les expérimentations de plein champ sous contrôle sont autorisées.

M. Jean-Jacques Lasserre.  - Je m'en suis expliqué tout à l'heure. Il faut rassurer les chercheurs, sortir d'un débat manichéen et définir un cadre général.

M. Daniel Raoul, rapporteur.  - Nous avons eu cette discussion en février. La proposition de loi n'interdit que la mise en culture à des fins commerciales. En outre, l'amendement est rédigé de telle sorte que les contrôles n'auraient plus lieu qu'a posteriori, contrairement à ce que prévoit le code de l'environnement. Avis défavorable.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Même avis.

À la demande du groupe UDI-UC, l'amendement n°1 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°169 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 330
Pour l'adoption 161
Contre 169

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Jean Bizet.  - Cette proposition de loi n'entre pas dans le cadre juridique de l'interdiction prévue par le droit européen, et elle n'est pas conforme à notre Constitution. En outre, les semis ont déjà eu lieu. Pourquoi ne pas attendre la nouvelle législation européenne ? Le Premier ministre n'avait-il pas promis d'être plus vigilant sur la constitutionnalité des lois ?

J'ai quelques idées sur le fonctionnement du HCB. Il faudrait revenir à l'équilibre ancien. Bien entendu, je voterai contre ce texte.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Le débat est sociétal, environnemental et économique. Malgré vos arguties juridiques, monsieur Bizet, le Parlement est là pour exprimer la voix du peuple. Les Français sont échaudés par les scandales sanitaires à répétition.

Pour cette raison, même si je suis favorable au développement de la recherche, je souhaite que nous assumions nos responsabilités. En cas de doute, il faut appliquer le principe de précaution et renforcer notre cadre légal. C'est avec détermination que nous voterons cette proposition de loi.

Mme Chantal Jouanno.  - Les positions au sein de l'UDI sont partagées. Les conditions n'ont pas changé depuis 2007-2008. L'intérêt économique du MON810 n'est pas avéré, tandis que nous évaluons mal ses conséquences sanitaires, et que son impact environnemental soit avéré.

Pour réduire l'importation de plantes OGM pour l'alimentation animale...

M. Jean Bizet.  - 80 % de l'alimentation animale !

Mme Chantal Jouanno.  - ... il faut développer en France la culture de protéagineuses et de légumineuses. Les agriculteurs ne doivent pas devenir les otages de semenciers.

M. Daniel Raoul, rapporteur.  - Très bien !

M. Joël Labbé.  - À l'unanimité, nous voterons ce texte. N'attendons aucune solution miracle mondiale. Les peuples européens, comme les lobbies, nous regardent. C'est avec fierté que j'affirme ma position et mon appartenance à la majorité présidentielle et gouvernementale.

À la demande du groupe UMP, l'article unique est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°170 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 319
Pour l'adoption 172
Contre 147

Le Sénat a adopté.

En conséquence, la proposition de loi est définitivement adoptée.

(Applaudissements à gauche ; Mme Chantal Jouanno applaudit aussi)