Prescription de l'action publique des agressions sexuelles

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi modifiant le délai de prescription de l'action publique des agressions sexuelles.

Discussion générale

Mme Muguette Dini, auteure de la proposition de loi .  - Je remercie M. le président de la commission des lois et M. le rapporteur d'avoir permis que ce texte vienne en séance dans sa version initiale.

Pour mieux faire comprendre le sens de cette proposition de loi, je veux vous livrer deux témoignages. Ce que raconte Ariane, haut fonctionnaire, de sa petite enfance - elle assiste à nos débats dans les tribunes- est si violent que je n'ai pas voulu vous en donner lecture. Son témoignage, confirmé par des mentions dans son carnet de santé, est effrayant : « Mon père m'a violée de 8 à 11 ans et demi. Cela s'est arrêté car je risquais de tomber enceinte. J'ai essayé de me suicider par électrocution à 10 ans. J'ai tout oublié jusqu'à la nuit du 13 au 14 novembre 1972. Durant trente longues années, je n'ai pas vécu, j'ai survécu, dissociée par toutes les tortures que j'avais subies ».

Olivier, lui aussi présent aujourd'hui, pilote d'affaire, ancien pensionnaire d'un établissement religieux, a subi viols et tortures par un surveillant laïc. Il dit : « quand j'ai quitté cet établissement pour entrer au collège, j'ai décidé que, plus jamais, je ne me laisserai faire. Je me suis procuré une carabine démontable, toujours à portée de main, y compris à l'école. J'ai tout enfoui, je n'en ai jamais parlé à mes parents. Ces souvenirs sont remontés à la surface, quarante ans plus tard, en retrouvant des camarades sur les réseaux sociaux. » Il décrit aussi les effets délétères de ces agressions : colères extrêmes, surréaction face à des évènements anodins, perte de confiance en moi, désirs d'autodestruction.

Il existe même un club de rugby, Les colosses aux pieds d'argile, dont tous les membres ont été victimes de violences sexuelles.

Mme Jouanno et moi-même avons reçu de nombreux témoignages, y compris d'une personne travaillant au Sénat, toutes victimes trop âgées pour être entendues par la police ou la gendarmerie. Toutes espèrent que cette loi sera votée.

Une femme sur quatre, un homme sur six ont été victimes de violences sexuelles, pour la plupart dans l'enfance. Les services de police et de gendarmerie font état de 10 000 faits de violences sexuelles sur majeur et 16 000 sur mineur. C'est la partie émergée de l'iceberg. D'autres chiffres font état de 190 000 viols ou tentatives de viols chaque année, 280 000 violences sexuelles hors ménage... Dans l'étude de Nathalie Bajos et Michel Bozon, 16 % des femmes et 5 % des hommes rapportent des agressions sexuelles alors que les mineurs n'ont pas été interrogés. Une étude menée dans le monde du sport montre qu'un sportif sur trois a été victime de violence sexuelle. Les données du ministère de l'éducation montrent l'étendue des dégâts dans les établissements scolaires -la faute, largement, à la pornographie. Le Vatican évoque, lui, 3 420 situations d'accusations « crédibles » au cours des dix dernières années, portant sur les actes commis entre 1950 et 1980 -soit 3 420 prédateurs dont on ignore le nombre de victimes... Là encore, c'est la partie émergée de l'iceberg.

La majorité des agressions sexuelles sont pratiquées sur des enfants, les premiers à souffrir d'amnésie post-traumatiques. Pourquoi ces victimes ne parlent-elles pas alors qu'elles pourraient le faire pendant dix ou vingt ans après leur majorité ? Comment des violences aussi graves ont-elles pu être occultées, non dites pendant aussi longtemps ?

Selon Mme Violaine Guérin, gynécologue, il est complexe pour une personne non familière de ces violences de comprendre. Un viol est un événement extrêmement violent, au cours duquel perdre connaissance n'est pas rare. Le cerveau n'a pas le temps d'imprimer l'événement -comme lorsqu' une personne est renversée par une voiture. Souvent, le viol est pratiqué sur une victime alcoolisée, droguée ou endormie à l'éther. L'enfant, qui fait confiance à l'adulte, n'a pas conscience de ce qu'on lui fait. D'autres spécialistes dressent le tableau dramatique des conséquences, psychologiques et physiques, repli, honte, culpabilité, dépression, pathologies somatiques nombreuses, relations humaines distordues, jusqu'au suicide et au passage à l'acte en tant qu'agresseur.

On comprend qu'il faille beaucoup de temps pour que la victime parle. Déposer plainte est important : la victime a besoin d'être reconnue comme telle ; elle veut être aidée pour aller mieux, elle veut empêcher le prédateur de sévir à nouveau, elle veut qu'il soit identifié, sanctionné et/ou soigné. Nous n'avons pas le droit d'ignorer des dénonciations trente ans après les faits. L'objectif de la proposition de loi est de donner aux victimes le temps de conscientiser, d'avoir le courage de révéler et la maturité suffisante pour en assumer les conséquences. L'association Stop aux violences sexuelles milite pour un plan de prévention et de soins -aux victimes dont un certain nombre deviennent auteurs, aux auteurs dont un grand nombre ont été victimes.

Nous devons écouter ceux qui souffrent. C'est pourquoi j'ai déposé cette proposition de loi, qui aligne le régime de prescription des violences sexuelles sur celui des abus de biens sociaux et des abus de confiance -caractérisés dans les deux cas par la dissimulation et la clandestinité.

Le report du point de départ du délai de prescription au jour où l'infraction apparaît à la victime dans des conditions lui permettant d'exercer l'action publique constituerait une égalité de traitement, gage de sécurité juridique entre toutes les infractions souterraines. Cette formulation pourrait prêter à confusion, m'a-t-on dit. J'ai donc déposé un amendement précisant que le délai de prescription court à partir du dépôt de la plainte.

Ariane a déposé plainte à 43 ans. C'est prescrit, lui a-t-on dit. Trop tard mais, dit-elle, « ce n'est pas prescrit pas dans mon corps. Je demande justice pour la petite fille que j'ai été». Cécile, elle, s'est souvenue avec une grande précision des viols subis lorsqu'elle avait 5 ans, lors d'une séance d'hypnose, avec une violence inouïe. Elle dit : « les détails étaient si précis que j'avais l'impression d'avoir une caméra à la main ». Elle a saisi la Cour européenne des droits de l'homme pour obtenir réparation. Les victimes crient : « Entendez-nous, ne nous abandonnez pas, aidez-nous, aidez-nous à empêcher notre prédateur de nuire ».

On m'objecte qu'il est difficile d'apporter la preuve des violences sexuelles aussi longtemps après les faits. Est-ce plus difficile à 38 ans et 3 jours qu'à 37 ans et 6 mois ? Les prédateurs font souvent de nombreuses victimes qu'on pourrait retrouver. Les victimes seront traumatisées si la procédure n'aboutit pas. Victimes et professionnels estiment que l'échec de la procédure sera moins douloureux que l'impossibilité d'y avoir recours. Ne négligeons pas la douleur et la culpabilité des victimes qui n'auront pas pu protéger d'autres enfants de ces violences.

Le rapport Hyest-Portelli-Yung de 2007 sur l'harmonisation des délais de prescription préconise de prendre en compte la jurisprudence de la Cour de cassation sur les délits occultes et dissimulés... Alignons sans attendre la prescription des violences sexuelles sur celle de l'abus de biens sociaux. Ne laissons pas plus longtemps les victimes dans le désespoir. (Applaudissements)

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur de la commission des lois .  - Cette proposition de loi part du constat que le délai de prescription appliqué aux violences sexuelles est inadapté. Elle propose de le faire courir à partir du moment où la victime est en mesure de révéler l'infraction, sur le modèle du régime jurisprudentiel applicable aux infractions occultes ou dissimulées.

Cette proposition de loi s'adresse prioritairement aux victimes ayant subi ces viols lorsqu'elles étaient enfant. Le choc émotionnel subi est de nature à provoquer un traumatisme profond, pouvant aller jusqu'à l'amnésie post-traumatique. Des médecins experts le confirment, les témoignages que Mme Dini vient de lire sont bouleversants.

Le droit français réprime sévèrement les violences sexuelles : le violeur encourt quinze ans de prison, vingt ans en cas de circonstances aggravantes - cinq ou dix ans pour les agressions sexuelles. Cela dit, seules 10 % des affaires finissent devant la justice : c'est la partie émergée de l'iceberg. On recense 400 000 victimes de violences sexuelles en 2010 et 2011, quand les inscriptions au casier judiciaire ne sont que 15 000...

Le législateur a progressivement allongé les délais de prescription applicables aux crimes commis sur des mineurs. Depuis 1989, date à laquelle on fait courir le délai à partir de la majorité de la victime, six modifications sont intervenues, jusqu'à porter en 2004 le délai de prescription du viol à vingt ans après la majorité, soit 38 ans - à dix ans pour les agressions sexuelles, soit 28 ans.

Ces délais sont-ils adaptés ? Sont-ils suffisants ? Pour les victimes majeures, le délai est de droit commun, trois ans pour les agressions, dix ans pour les viols. Il est particulièrement difficile de dénoncer des faits subis dans l'enfance, les obstacles sont nombreux : honte, complicité de l'entourage, dénigrement de la parole de l'enfant. Obstacles à distinguer de l'amnésie post-traumatique : soumise à un stress extrême, la victime occulte le souvenir des faits subis. La prise de conscience brutale et douloureuse, intervient souvent aux alentours de 40 ans, explique le professeur Jehel, soit après la fin du délai de prescription.

La proposition de loi soulève des difficultés juridiques. L'assimilation au délit d'abus de biens sociaux ne tient pas : dans le cas des infractions dissimulées, la victime ne peut pas être au courant qu'il y a eu escroquerie, le délai de prescription ne court donc qu'à compter du moment où celle-ci est découverte. À ce jour, la Cour de cassation a refusé d'étendre le bénéfice de cette jurisprudence à d'autres domaines du droit pénal. Elle a réitéré cette position dans sa décision du 18 décembre dernier concernant un viol sur mineur par personne ayant autorité.

En cas d'amnésie post-traumatique, les faits sont ignorés en raison d'un processus psychique propre à la victime. C'est là qu'est la difficulté. Selon le doyen de la chambre criminelle, la jurisprudence repose toujours sur des éléments objectifs -ce ne serait pas le cas avec la proposition de Mme Dini : le point de départ du délai de prescription serait lié à des éléments subjectifs, liés au psychisme de la victime. Ce serait lâcher la proie pour l'ombre si la partie adverse démontre, par exemple, qu'il n'y a pas eu amnésie traumatique, ou que celle-ci a pris fin avant le délai prévu. On comprend la réticence des magistrats.

La proposition de loi encourt également un sérieux risque d'inconstitutionnalité. En faisant dépendre le champ des poursuites de l'évolution du psychisme de la victime, elle introduirait une incertitude sur le point de départ du délai de prescription -ce qui pourrait donner lieu à une QPC au motif qu'elle contrevient au principe de légalité des délits et des peines comme, d'ailleurs, celui d'égalité devant la loi, qui impose de traiter les auteurs d'une même infraction dans des conditions similaires. La proposition de loi aboutirait en effet dans certains cas à une imprescriptibilité de facto des faits commis.

La solution juridique proposée n'est pas satisfaisante. Mme Dini l'a d'ailleurs compris puisqu'elle a déposé un amendement faisant courir le délai à partir du dépôt de plainte -avec le défaut de rendre le viol imprescriptible... Seule la Suisse a une telle législation. La commission des lois ne souhaite pas aller jusque-là. Elle a émis un avis défavorable à cette proposition de loi en l'état.

Je dis en l'état parce que j'ai proposé des amendements visant à allonger le délai de prescription du viol de dix ans, qui ont obtenu un avis favorable de la commission ce matin. Le délai de trente ans après la majorité serait cohérent avec le régime applicable pour les crimes de terrorisme ou de trafic de stupéfiants. Il y aura toujours un effet de seuil, certes, mais les faits se révèlent souvent autour de 40 ans -avec cette évolution, beaucoup plus de victimes pourront déposer plainte.

Enfin, la commission des lois du Sénat s'est prononcée de façon constante pour une révision cohérente des délais de prescription. En témoigne le rapport Hyest-Portelli-Yung de 2007 qui faisait suite à une mission commune d'information. À l'heure actuelle, l'existence de délais fortement dérogatoires au droit commun concernant les viols et agressions sur mineurs témoigne déjà de l'attention du législateur à ce problème.

Si mes amendements sont adoptés, la commission des lois soutiendra la proposition de loi ainsi amendée. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes, RDSE et UDI-UC)

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie .  - Les agressions sexuelles, en raison du traumatisme qu'elles entraînent et de la vulnérabilité particulière de la victime, causent une douleur imprescriptible. La proposition de loi soulève toutefois des problèmes techniques et d'inconstitutionnalité qui empêchent le Gouvernement d'y être favorable en l'état.

Les infractions visées concernent tant les mineurs que les majeurs. La prescription appliquée pour les infractions occultes ou clandestines contre les personnes ne concerne que des faits dont la victime ne peut pas avoir connaissance ; le point de départ de la prescription ne peut être qu'au moment où les faits apparaissent. Ce dispositif semble difficilement transposable, par exemple, aux violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ou encore une interruption temporaire de travail plus de huit jours, visées par le texte.

Il faut toutefois laisser aux victimes mineurs le temps d'atteindre la maturité nécessaire pour pouvoir dire l'indicible -d'où les dérogations aux règles de prescription introduites notamment par les lois de 1985, 1998 et 2004. Si ce mécanisme répond à la fragilité de l'enfant victime, la procédure trente ans après est longue et difficile, vu la difficulté à recueillir preuves et témoignages. Assimiler majeurs et mineurs ne va pas de soi...

Cette proposition de loi pourrait marquer un retour en arrière et conduirait les magistrats à s'interroger systématiquement sur le degré de conscience de la victime au moment des faits -ce qui pose un problème de principe. Le point de départ du délai de prescription ne serait en effet plus reporté systématiquement pour certaines victimes mineures proches de 18 ans, pour lesquelles « l'infraction sera apparue dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ». Il y a là un risque d'effet pervers...

Ce texte contrevient à trois exigences constitutionnelles. D'abord, le principe de légalité lié à ceux d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. De fait, faire courir le délai de prescription à partir du jour où l'infraction apparaît à la victime dans des conditions lui permettant d'exercer l'action publique est particulièrement incertain. Laisser le point de départ à la seule appréciation de la victime conduirait à traiter différemment les auteurs alors que la situation est identique -ce qui est contraire aux articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme. Le principe d'égalité devant la justice serait également bafoué : une même infraction serait poursuivie dans un cas et non dans l'autre, selon la perception de la victime. Le Conseil constitutionnel est particulièrement attentif à ce point. Enfin, le texte porte atteinte aux principes de nécessité et de proportionnalité : on peut imaginer que des poursuites soient engagées soixante-dix ans après les faits...

Je mesure la douleur des victimes, atteintes dans leur chair, leur corps, leur âme. Mais le droit des délais de prescription est ancien, complexe, essentiellement jurisprudentiel. La réponse judiciaire, fondement de la reconstruction de la victime, doit se conjuguer avec un soutien médical et psychothérapeutique.

Je remercie Mme Dini d'avoir donné de la visibilité à un domaine entaché de secrets, secret de l'enfance, secret des familles, secret de l'inconscient. J'espère que nous trouverons ensemble la voie pour aider les victimes sans porter atteinte au principe de proportionnalité des peines. (Applaudissements sur les bancs socialistes et UDI-UC)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois .  - La commission des lois a souhaité répondre au désir de Mme Dini de voir le texte arriver en séance dans la forme où elle l'a déposé. Je comprends ce souhait mais, pour légitime qu'il soit, il peut entrer en contradiction avec le droit -imprescriptible- d'amendement à toutes les étapes de la procédure.

La difficulté tient au fait que ces textes sont inscrits dans des temps réservés aux groupes politiques, dont la durée est limitée. On pourrait, en multipliant les amendements, faire en sorte qu'ils ne soient jamais soumis au vote... Une réponse possible serait de consacrer plus de temps, dans notre ordre du jour, aux propositions de loi, en prenant, par exemple, sur le temps consacré au contrôle en séance publique. (M. Antoine Lefèvre approuve) Vingt jours pour les projets de loi, dix pour les propositions de loi, voilà qui pourrait régler la question. Mais cela suppose de changer la Constitution...

Mme Esther Benbassa .  - Nous parlons de femmes et d'hommes victimes d'agressions sexuelles et de viols, infractions dont la gravité extrême est reconnue et qui doivent être lourdement sanctionnées. Je sais la générosité qui anime Mmes Dini et Jouanno et les assure de mon amitié.

Le législateur doit toujours avoir à l'esprit les droits fondamentaux qui sont à la base de notre société. Il faut différencier les délais de prescription selon que la victime est majeure ou mineure. Et cela en conformité avec les délais généraux de prescription : un an pour les contraventions, trois ans pour les délits et dix ans pour les crimes. Des dérogations sont bien sûr prévues pour les faits commis sur les mineurs, en raison de leur particulière vulnérabilité. Ce texte prévoit de faire courir le délai « à partir du jour où l'infraction apparaît à la victime dans des conditions lui permettant d'exercer l'action publique ». De fait, de tels actes provoquent sidération et colonisation du psychisme chez la victime. Le parallèle est établi avec les infractions occultes ou dissimulées.

Quand les discours victimaires fleurissent, méfions-nous de ce genre de mesure.

Faire des agressions sexuelles des crimes imprescriptibles et les aligner de ce fait sur les crimes contre l'humanité pose un réel problème éthique. Et je dis cela sans rien ignorer de la douleur des victimes.

Le groupe écologiste ne votera pas cette proposition de loi en l'état. Il s'abstiendra. (M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, applaudit)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam .  - Combien d'hommes et de femmes regrettent de ne pas avoir pu dénoncer les faits -longtemps enfouis dans leur mémoire- qu'ils ont subis enfants ! Leur amnésie se rompt un jour, sous forme de cauchemar. Malheureusement, il est souvent trop tard. À l'automne 2013, le cas de Cécile T. avait ému la France entière : la Cour de cassation avait refusé d'étendre le délai de prescription pour des faits dont elle s'était souvenue trente-deux ans après...

Le principe même de la prescription découle de la nécessité de produire des preuves. ADN, tâches de sang, etc... sont difficiles à relever des années après. Les témoignages également s'altèrent, deviennent imprécis à mesure que le temps passe. Aujourd'hui, le délai de prescription est de dix ans pour le viol, de trois ans pour les agressions sexuelles ; ce qui est cohérent avec les délais généraux : dix ans pour un crime, trois ans pour un délit.

L'allongement du délai pour les mineurs se justifie pleinement : il faut attendre que la victime soit suffisamment mature pour dénoncer les faits.

Mme Dini propose de modifier non pas le délai de prescription lui-même mais le point de départ à partir duquel il court. Déjà, en 2012, nous avions, chère madame Dini, discuté d'une autre de vos propositions tendant à allonger le délai de prescription. Alors, il avait été rappelé, en se fondant sur le rapport Yung-Hyest-Portelli de 2007, qu'il ne convenait pas de modifier l'architecture de la prescription.

Oui, ces actes sont effroyables, qu'ils soient commis sur une personne mineure ou majeure. C'est pourquoi le groupe UMP soutiendra l'amendement de M. Kaltenbach : donner dix ans de plus pour que la victime puisse, enfin, dire ces secrets trop longtemps enfouis. (Applaudissements sur les bancs UMP et de la commission)

Mme Chantal Jouanno .  - Le tableau de notre société est accablant : 82 % des enfants de 11 à 13 ans ont été confrontés à des images pornographiques, quelquefois violentes ; 50 à 80 % des agresseurs sexuels ont commencé à l'adolescence. Comme si on avait oublié que la sexualité est librement consentie et ne peut avoir lieu au sein de la famille...

M. Charles Revet.  - C'est vrai !

Mme Chantal Jouanno.  - 26 000 dépôts de plainte pour viol, dont 6 000 viols sur mineurs ! Les chiffres sont incroyables, d'autant qu'ils reflètent une réalité probablement plus grave : il est difficile à des enfants de conscientiser les faits.

En commission des lois, on a parlé d'une proposition de loi inspirée par un fait divers, voire par des « lobbies sécuritaires ».

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur.  - Ce n'est pas dans le rapport !

Mme Chantal Jouanno.  - Le régime de prescription est établi dans notre droit. Soit, mais la victime, devenue majeure, se retrouve dans la peau de la petite fille ou du petit garçon qu'il était lorsqu'il ou elle a subi des tortures.

Certains, en commission des lois, ne veulent pas bouleverser la vie des auteurs d'agressions sexuelles qui se sont reconstruits. Cependant, avoir obligé un enfant à vous faire une fellation, l'avoir obligé à la sodomie, est-ce le gage que l'on sera un adulte normal ?

Oui, nous sommes du côté des victimes, tout simplement parce qu'on ne l'a pas été assez jusqu'à aujourd'hui. Bizarre, on évoque un risque d'inconstitutionnalité dans un cas et non dans l'autre.

Les brèches dans notre régime de prescription sont acceptables pour le trafic de stupéfiants, le terrorisme, les abus de biens sociaux, non pour les agressions sexuelles. Merci à Mme Dini de son combat et à M. le rapporteur d'avoir reconnu la réalité des faits. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite, au centre et sur quelques bancs socialistes)

Mme Cécile Cukierman .  - Ce texte ainsi que la récente décision de la Cour de cassation appellent à une réforme plus globale des délais de prescription.

Le dépérissement des preuves, invoqué en commission pour rejeter ce texte, n'y fait pas forcément obstacle : le rapporteur l'a dit, qu'une victime parle et les autres témoignages peuvent venir le confirmer, d'autres faits être révélés, qui viennent soutenir l'action publique.

La conscientisation des agressions ou crimes sexuels se produit dans une majorité des cas longtemps après les faits et la capacité à en parler intervient après un long travail de reconstruction thérapeutique dans 90 % des cas.

Quant au parallélisme avec les infractions occultes ou dissimulées, qui ressortissent à la délinquance en col blanc, il semble difficile à retenir. La notion de clandestinité ne vaut pas pour les agressions sexuelles : elle ne vaut pas pour l'acte répréhensible mais dépend de la victime. Toutefois, la confusion est dans la loi même. La loi du 14 mars 2011 a introduit un article dans le code de procédure pénale pour faire courir le délai de prescription pour les personnes vulnérables à partir du moment où l'infraction apparaît à la victime dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique pour certains délits.

La solution existe toutefois : le rapport Hyest-Yung-Portelli de 2007 l'a suggérée. Vous l'aurez compris, le groupe CRC ne votera pas ce texte : il s'abstiendra.

Un mot pour conclure des amendements du rapporteur qui nous propose un nouveau texte. Les agressions sur mineurs sont graves mais l'allongement du délai de prescription ne les fera pas diminuer ; il faut les prévenir et délier la parole. Le viol, faut-il le rappeler, n'a fait son entrée dans le code pénal qu'en 1992.

Le temps nécessaire pour s'émanciper de la cellule familiale vaut aussi pour de jeunes majeures : je pense aux mariages forcés. Enfin l'objection opposée par le rapporteur à la proposition de loi, qu'il faut agir de façon globale sur la prescription, pourrait lui être retournée La question n'en reste pas moins posée : à partir de quand faire courir le délai de prescription ? (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jean-Claude Requier .  - Disons-le d'emblée : le groupe RDSE ne votera pas plus ce texte que la proposition de loi de 2012 de Mme Dini. Nous sommes contre les prescriptions à la carte.

La proposition de loi rompt l'équilibre entre le droit des victimes et le droit à procès équitable. De plus, la prescription a un sens -  le dépérissement des preuves est une réalité-, elle limite l'extension à l'infini de la réponse pénale.

Si la proposition de Mme Dini n'est guère satisfaisante, que faire ? Travaillons sur l'acceptation sociale des faits, incitons les victimes à parler en leur faisant mieux connaître leurs droits, sensibilisons la population. Souvenez-vous de cette jeune femme à Lille, agressée près d'une heure durant par un homme alcoolisé, sous les yeux d'une dizaine de personnes indifférentes et qui a dû elle-même alerter les secours. C'est contre cette indifférence là qu'il faut d'abord lutter. Je l'ai dit, le groupe RDSE ne votera pas ce texte : il constitue une fausse bonne réponse juridique.

M. Jean-Pierre Michel .  - Je salue l'initiative de Mme Dini et des sénateurs du groupe UDI-UC. Grâce à eux, nous pouvons parler de crimes abominables, horribles perpétrés sur des mineurs par des proches, des membres de la famille, des éducateurs, des prêtres. Les victimes viennent parfois dans nos permanences, ne sachant plus à qui s'adresser pour dire leur traumatisme.

À l'heure actuelle, ces crimes bénéficient déjà d'une dérogation dans l'échelle des prescriptions, les victimes ont jusqu'à 38 ans pour dénoncer les faits. Pourquoi mettent-elles si longtemps à parler ? La honte, d'abord. La complicité de l'entourage, ensuite. Des mères couvrent les pères incestueux, tout simplement parce qu'il ramène l'argent à la maison, parce qu'il faut que ça tourne.

Enfin, la parole de l'enfant n'est pas entendue. La dérogation se justifie d'autant plus qu'à tous ces obstacles s'ajoute ce phénomène d'amnésie post-traumatique qui consiste à enfouir les faits durant une vie qui est parfois chaotique, parsemée d'addictions avant qu'ils reviennent lors d'une séance d'hypnose ou de longues séances de psychanalyse. Le souvenir surgit alors avec une telle violence que l'adulte a le sentiment d'être violé une seconde fois.

Mme Dini propose de faire courir le point de départ du délai de prescription à partir du jour où l'infraction apparaît à la victime dans des conditions lui permettant d'exercer l'action publique. Or il ne revient pas à la victime d'exercer l'action publique ; cela, nous l'avons corrigé.

Plus important : pourquoi la prescription ? Parce qu'il faut aussi respecter le droit à l'oubli et le principe de proportionnalité. MM. Yung, Hyest et Portelli proposaient de revoir toute l'échelle des prescriptions dans leur rapport de 2007. Faut-il faire des agressions sexuelles des crimes imprescriptibles ? À l'évidence, non. Je rappelle que, pour les crimes de guerre -qui sont souvent horribles, qui comprennent des viols à la chaîne, des meurtres-, les délais de prescription sont de trente ans.

À quoi sert le procès pénal ? Non pas à faciliter la réparation de la victime mais à sanctionner une infraction. Que veulent les victimes ? Un pardon public. Il est rare de l'entendre au tribunal.

La proposition de Mme Dini n'est donc pas acceptable en l'état. Pour autant, nous ne l'avons pas balayé d'un revers de main. Je salue le travail de M. Kaltenbach qui a proposé d'ajouter dix ans à la prescription ; une demi-mesure diront certains, un véritable progrès pour d'autres car on pare au risque d'inconstitutionnalité. Ainsi les victimes auront jusqu'à 48 ans pour dénoncer ces faits horribles. Certes, leur révélation peut ne surgir que lorsqu'elles atteignent 50 ans, mais ce sont tout de même dix ans de plus.

Si le Sénat adopte les amendements de M. Kaltenbach, le groupe socialiste votera le texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes et au centre)

Mme Catherine Deroche .  - La prévalence des violences sexuelles dans la société française est inacceptable. Selon l'Observatoire de la délinquance, 383 000 personnes ont été victimes d'agressions sexuelles en 2010. Qui plus est, ces enquêtes ne comptabilisent pas les faits sur les mineurs : on touche là à l'horreur. On dénombre 7 000 à 8 000 faits dénoncés à la police ou à la gendarmerie. La honte, le dénigrement, le syndrome post-traumatique expliquent le silence.

Mme Violaine Guérin, présidente de l'association Stop aux violences sexuelles, nous l'a bien expliqué en détaillant les conséquences de ces agressions sur les victimes devenues adultes : irritabilité, instabilité, addictions, insomnie...

Partant de ce constat, je soutiens l'esprit de la proposition de loi de Mmes Dini et Jouanno tout en étant consciente des problèmes juridiques qu'elle pose. La question du régime de la prescription est complexe, notre débat le prouve. En attendant de la régler, avançons car, pour les victimes, chaque jour compte. (Applaudissements sur les bancs UMP et au centre)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Kaltenbach, au nom de la commission.

Rédiger ainsi cet article :

Au dernier alinéa de l'article 7 du code de procédure pénale, le mot : « vingt » est remplacé par le mot : « trente ».

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur.  - J'ai présenté l'amendement en discussion générale : allonger le délai de prescription de vingt à trente ans pour les viols sur mineurs. Voilà la solution que je propose, sachant que, d'après les auditions que j'ai menées, les victimes prennent le plus souvent conscience des faits après 40 ans. La durée de trente ans n'est pas incohérente ; elle est celle retenue pour les crimes de guerre, mais aussi pour les infractions de trafic de stupéfiants ou encore de terrorisme.

Madame Jouanno, les propos que vous avez cités ne figurent pas dans mon rapport, mais dans le compte rendu des débats annexé. Chaque commissaire est responsable de ses propos.

Soyons prudents : voter un texte inconstitutionnel ne servirait de rien, il serait censuré par le Conseil constitutionnel. C'est arrivé il n'y a pas si longtemps, à l'occasion d'une QPC.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Quelle est la moins mauvaise solution pour les victimes ? Plus on allonge le délai de prescription, plus les preuves seront difficiles à apporter. N'infligeons pas aux victimes la deuxième souffrance d'un déni de justice : le classement sans suite ou encore le non-lieu.

Attention à la proportionnalité. Certes, nous ne parlons pas sur des faits, mais de la victime. Cela dit, le Gouvernement est sensible à votre démarche et réfléchit globalement sur les délais de prescription. Il s'en remet donc à la grande sagesse du Sénat.

M. Vincent Capo-Canellas.  - Très bien !

Mme Muguette Dini.  - Tout ce qui a été dit montre l'intérêt que tous nos collègues portent à la douleur des victimes. Vous nous proposez, madame la ministre, une solution même si elle n'est pas aussi complète que celle que j'avais souhaité. C'est mieux toutefois que de risquer une inconstitutionnalité. Notre souci est d'aider les victimes. Le prolongement de dix ans est un progrès.

Quant à l'imprescriptibilité, j'ai trop de respect pour les victimes de crimes contre l'humanité pour la réclamer. Mais ces crimes mettent en présence un groupe contre un groupe. Nous sommes là en présence d'individus, criminels contre victimes ; celles-ci se sont vu retirer elles aussi une part de leur humanité.

Je remercie le rapporteur pour avoir pris très rapidement conscience de l'importance de ce texte, éclairé par ses auditions. Je remercie les collègues qui l'ont cosigné et tous ceux qui m'ont écrit pour me soutenir. Ce sujet nous touche. S'il y a autant de prédateurs, c'est qu'ils sont quelque part, souvent pas très loin de nous. Je voterai ces amendements. (Applaudissements)

Mme Cécile Cukierman.  - Nous nous abstiendrons sur ces trois amendements du rapporteur, qui vont à l'encontre même des principes qui font l'unanimité de la commission des lois et qui s'opposent à l'allongement généralisé des délais de prescription.

Bien sûr, il y avait des risques constitutionnels. Mais le texte de Mme Dini posait une vraie question, qui disparaîtra du texte amendé. Ces viols, ces crimes sexuels étaient pour les victimes un tel traumatisme qu'ils justifient une réflexion spécifique, pour les mineurs certes, mais pour les majeurs aussi. Certaines femmes, quinze, vingt ans après, se rendent compte qu'elles ont subi des viols dans le cadre conjugal.

Allonger toujours plus le délai de prescription n'est pas une solution. Mais même un majeur violé ne peut pas forcément se souvenir des faits dont il ou elle a été victime dans le délai de prescription actuel. Serait-ce que l'on estime inconsciemment et collectivement qu'une personne majeure ne peut oublier qu'elle a été violée ? Ou qu'elle en est quelque part responsable ? Ce débat dérange. En acceptant ces amendements, vous n'allez pas au bout de ce débat : ils ne répondent pas au problème posé par cette proposition de loi.

C'est pourquoi, après en avoir beaucoup discuté, le groupe CRC a décidé de s'abstenir. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Nathalie Goulet.  - Mme Jouanno a évoqué à la tribune un « conflit de loyautés ». L'expression vaut pour ces amendements. La rigueur du droit compte dans cette maison, quoique nous soyons parfois moins rigoureux face à des lois bavardes et non normatives, on l'a vu il y a quelques jours. Certes, il y a des problèmes constitutionnels mais on a trouvé une cote mal taillée. Le problème demeure entier, Mme Cukierman a raison. Ces amendements posent plus de problèmes qu'ils n'en règlent. Peut-on prendre le risque de priver les victimes de dix années supplémentaires ?

Depuis sept ans que je suis dans cette maison, nous avons réussi à remettre en question certains délais de prescription. Je pense aux délits de presse et certes pas à l'abus de biens sociaux, qui est intouchable.

C'est un problème humain. Je n'ai pas encore décidé si je voterai les amendements du rapporteur ou si je m'abstiendrai. En se drapant dans les principes, ne risque-t-on pas d'aggraver les traumatismes ?

Je remercie Mme Dini et Mme Jouanno pour leur obstination et j'espère que l'Assemblée nationale sera saisie au plus vite de ce texte afin qu'il y ait moins de victimes. (Applaudissements au centre)

Mme Esther Benbassa.  - Le groupe écologiste s'oppose depuis longtemps à l'instauration d'un droit accumulant toujours plus d'exceptions, en quelque domaine que ce soit. L'allongement des délais de prescription empêche-t-il les prédateurs d'agir ? Nous en avons discuté au sein du groupe. M. Desessard voulait voter pour, les autres s'abstenir. Ces amendements ont le mérite de rendre la proposition de loi plus acceptable sur le plan juridique mais dérogent encore aux principes généraux de prescription de l'action publique.

Nous sommes prêts à prendre part à toute remise à plat de l'ensemble des dispositions relatives à la prescription. Le texte amendé ne sera plus celui de Mmes Dini et Jouanno. Le groupe écologiste, à l'exception de M. Desessard, s'abstiendra.

M. Alain Gournac.  - J'ai lu ce texte dès qu'il est arrivé sur mon bureau et j'y ai tout de suite adhéré. La réflexion engagée par Mme Dini quand elle présidait la commission des affaires sociales se poursuit. Il est vrai que notre texte posait un problème constitutionnel. Si nous pouvons obtenir quelque chose, prenons-le, ce sera mieux que rien. Il faudra un jour remettre à plat toute la question des prescriptions. Sans doute, mais qu'est-ce qui a avancé depuis cinq ans ? Les violences sexuelles brisent les victimes. Dans mon département, il y a des zones où l'on se tait : la famille ne veut pas que cela soit su. Cela brise la vie des couples. Certaines victimes ne se remémorent leur traumatisme que tardivement, c'est ainsi.

Mme Chantal Jouanno.  - Cette proposition de loi s'inscrit dans le cadre d'un plan plus général que nous proposons, avec l'association Stop aux violences sexuelles, pour lutter contre les violences sexuelles,

Je ne voterai pas contre vos amendements, monsieur le rapporteur, car ils améliorent en effet la situation existante et permettront au texte de poursuivre sa navette. Pour autant, je ne voterai pas pour car ils reviennent à nier le phénomène de l'amnésie post-traumatique. Par conséquent, je m'abstiendrai.

L'amendement n°2 est adopté et devient l'article premier.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Kaltenbach, au nom de la commission.

Rédiger ainsi cet article :

Au deuxième alinéa de l'article 8 du code de procédure pénale, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « vingt » et le mot : « vingt » est remplacé par le mot : « trente ».

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur.  - Amendement de cohérence avec l'amendement précédent. Il est vrai que nos amendements ne modifient pas le régime actuel de la prescription. Depuis 2007, le Sénat demande que l'on en débatte. Il faudra, un jour ou l'autre, en passer par là. Nous sommes saisis aujourd'hui d'un point précis, les violences sexuelles contre les mineurs. Cette proposition de loi n'a pas vocation à régler tous les problèmes posés par les violences faites aux mineurs, aux femmes, aux hommes. La réflexion sur les délais de prescription suppose un débat plus large. Je sais que le Gouvernement y est sensible. Il faudra aller plus loin pour lutter contre toutes les violences faites aux adultes et aux enfants et remettre à plat les délais de prescription.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Sagesse.

L'amendement n°3 est adopté et devient l'article 2.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Kaltenbach, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur.  - Amendement de cohérence.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État.  - Favorable.

L'amendement n°4 est adopté et l'article 3 est supprimé.

L'amendement n°1 rectifié n'a plus d'objet.

L'article 4 est adopté.

Intervention sur l'ensemble

Mme Catherine Génisson .  - Les auteurs de cette propositions de loi nous interpellent sur ces « meurtres de l'âme » que sont les viols et agressions sexuelles, trop souvent appelés à demeurer des secrets de conscience, des secrets de famille, enfouis par l'amnésie post-traumatique, avec trop souvent un sentiment de culpabilité des victimes.

Au-delà de ces arguments juridiques imparables, notre rapporteur a proposé une amélioration du dispositif existant, imparfaite certes et qui ne clôt pas le débat, mais qui marque néanmoins un progrès. Nous voterons la proposition de loi ainsi amendée.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

La séance, suspendue à 17 heures, reprend à 17 h 15.