Mineurs isolés étrangers (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative à l'accueil et à la prise en charge des mineurs isolés étrangers.

Nous la reprenons à l'article 3.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 3

M. Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois, en remplacement de MRené Vandierendonck, rapporteur.  - La discussion de cette proposition de loi a été entamée le 12 février. Le Gouvernement avait demandé au président de la commission des finances d'examiner ces articles. Les articles premier et 5 ont été déclarés irrecevables. Nous en venons aux articles 3 et 4, puis nous examinerons les articles 6 et 7, ce dernier étant le gage.

Le rapporteur Vandierendonck, qui ne peut être parmi nous pour raisons de santé, avait demandé au ministre de la justice de faire le point sur le nombre de mineurs isolés étrangers : de l'ordre de 4 000 sur l'année, âge moyen 16 ans et demi. Je tiens à votre disposition des éléments communiqués par la chancellerie. La question des jeunes majeurs reste pendante.

Saisie de la question du fichier posée par l'article 6, la Cnil a rendu son avis le 20 mars dernier. Elle accepte cette création sous d'expresses réserves.

L'article 3 n'est pas adopté.

L'article 4 n'est pas adopté.

L'article 5 a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution.

ARTICLE 6

Mme Nathalie Goulet .  - J'explique ici mon vote sur l'ensemble du texte puisqu'il semble que tous ses articles seront rejetés les uns après les autres. Un peu d'espérance ne nuit pas. Ce texte est issu du travail de terrain de notre ex-collègue Jean Arthuis, qui nous quitte pour le Parlement européen. Un clin d'oeil : j?ai trouvé qu'il n'était que justice que son texte tombe sous les coups de l'article 40, après tout ce qu'il nous a fait subir lorsqu'il était président de la commission des finances ! (Rires)

Trêve de plaisanterie. Ce texte part d'un vrai constat, qui appelle de vraies mesures. Le problème demeure. J'espère qu'à un moment ou un autre, on trouvera une solution.

M. Christian Favier .  - Les départements déploient beaucoup d'efforts pour accueillir et accompagner les mineurs isolés étrangers. Dans le Val-de-Marne, nous accueillons plus de jeunes que le nombre fixé selon la répartition nationale décidée l'an dernier. Trois jours après les désastreuses élections européennes, j'insiste sur l'irresponsabilité de ceux qui cherchent des boucs émissaires, confondent personnes de nationalité étrangère et personnes en situation irrégulière. Les mineurs isolés étrangers ne sont pas en situation irrégulière : la France a signé la Convention internationale des droits de l'enfant.

Il est contestable de prétendre distinguer entre nationaux et non nationaux au nom des difficultés budgétaires, réelles, éprouvées par les conseils régionaux. J'invite l'État à accélérer son intervention et le président de la République à faire ce qu'il avait annoncé en octobre 2012 : compenser intégralement les allocations individuelles de solidarité versées par le département.

Nous votons contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Esther Benbassa .  - Dans un pays démocratique, attaché aux droits humains, pouvons-nous laisser les mineurs isolés étrangers dans la rue, à la merci des proxénètes ? Qu'il y ait des filières n'est pas douteux mais ne justifie pas qu'on laisse la situation en l'état, sans pour autant verser dans l'angélisme.

Cette proposition de loi est la suite inévitable des appels à sacrifier le peu d'humanisme qui nous reste. Peu avant son dépôt, la Mayenne a annoncé qu'elle n'accueillerait plus de mineurs isolés étrangers. Ce ne sont pas les mineurs des pays développés et en paix qui frappent à nos portes mais ceux des pays qui subissent des conflits graves. Les mineurs isolés étrangers ne représentent que 4 % des effectifs accueillis par l'Aide sociale à l'enfance. Il convient de les accompagner, de les éduquer, de leur permettre de demander un jour le statut de réfugié ou la nationalité.

Pour que le rejet ne l'emporte pas, pour marquer notre refus de la haine, notre groupe votera contre ce texte.

M. Jean-Vincent Placé.  - Très bien !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie .  - Cette proposition de loi touche à la protection de l'enfance, c'est pourquoi je suis là aujourd'hui. Elle n'est pas un outil de lutte contre l'immigration clandestine, que nous combattons dans un autre cadre, avec d'autres instruments. Ne confondons pas traque des réseaux criminels avec fichage systématique des mineurs bénéficiant de notre protection.

Cet article 6 pose de nombreuses difficultés. Les mineurs isolés étrangers sont protégés par la loi contre l'éloignement. L'État a l'obligation constitutionnelle d'en assurer la protection sans considération de leur nationalité ou de leurs conditions d'entrée sur le territoire. Le caractère biométrique de ce fichier ne paraît pas conforme à la loi Informatique et libertés, la Cnil ne manquerait pas de rappeler que les exigences de sécurité et d'ordre public ne sont pas satisfaites.

Cet article pose en outre des problèmes juridiques et rédactionnels : qu'est-ce donc que les mineurs étrangers accompagnés de leurs enfants ? La catégorie « Mineurs isolés étrangers » n'existe pas dans notre droit et nous ne souhaitons pas la créer. Avis défavorable.

L'article 6 n'est pas adopté, non plus que l'article 7.

M. le président.  - Les articles de cette proposition de loi ayant été successivement rejetés, je constate qu'il n'y a plus de texte à mettre aux voix.

Prochaine séance mardi 3 juin 2014 à 9 h 30.

La séance est levée à 17 h 35.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques