Pollution de l'air (Questions cribles)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la pollution de l'air, thème choisi par le groupe écologiste.

Mme Aline Archimbaud .  - Ma question porte sur les particules fines émises par le trafic routier. Le caractère cancérigène des gaz d'échappement des moteurs diesel ne fait plus de doute. Selon l'OMS, ils provoquent également asthme, troubles pulmonaires, infarctus, AVC, etc. J'ai déposé une proposition de loi pour intégrer dans le système du bonus-malus automobile un critère relatif à la pollution et à l'émission des particules. C'est un objectif équilibré, soutenu par les associations.

Les économies réalisées en optant pour le diesel sont un mythe, vu l'incidence du gasoil sur notre balance commerciale et sur la santé des Français.

Pouvons-nous compter sur le soutien du Gouvernement à notre amendement au collectif budgétaire, monsieur le ministre ? (Applaudissements écologistes)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Vous soulevez une grave question de santé publique. Beaucoup de Français ont été incités pendant des années à choisir la motorisation diesel. La raison commande de changer de motorisation, même si les nouveaux moteurs diesel sont beaucoup moins polluants. Il appartiendra aux motoristes de faire la lumière sur la pollution réellement occasionnée.

L'occasion est belle pour notre industrie. Aidons nos concitoyens à opérer cette transition ; le problème ne se pose pas de la même manière en ville et à la campagne.

Votre groupe a proposé à plusieurs reprises de modifier la fiscalité du diesel. Hier soir à l'Assemblée nationale, j'ai marqué notre intérêt pour certaines de ces propositions, en vue de la prochaine loi de finances.

Mme Leila Aïchi .  - Je m'étonne de l'absence des ministres de l'environnement, de la santé, des transports, de l'économie.

Comme les précédents gouvernements, vous traitez la question des particules fines avec désinvolture. Je comprends les ONG qui ont porté plainte en raison de cette inaction : elle cause entre 42 000 et 50 000 morts par an et des centaines d'hospitalisation, et coûte des milliards.

M. le président.  - Votre temps de parole est épuisé.

Mme Leila Aïchi.  - La santé est-elle devenue une variable d'ajustement ?

M. Raymond Vall .  - Plus de 3,5 millions de personnes meurent chaque année en raison de la pollution de l'air, due à l'industrie et aux transports pour l'essentiel. Le coût pour la France s'élève à 40 milliards d'euros par an.

Le problème est planétaire, car l'atmosphère ne connaît pas de frontières. La pollution menace la couche d'ozone. La question sera-t-elle abordée lors de la Conférence de Paris ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.  - Oui, le problème est important, pour la France comme pour le monde. Trois initiatives ont été lancées. La France soutient le nouveau Règlement européen qui prévoit une baisse de 79 % des émissions d'hydrofluocarbures d'ici 2030. Elle défend l'élargissement du protocole de Montréal, avec les États-Unis et la Chine. Le projet de loi de transition énergétique comprend un volet dédié, qui sera décliné produit par produit. Les objectifs fixés seront repris dans des plans intercommunaux.

M. Raymond Vall.  - Merci. La question doit être mise à l'ordre du jour de la COP21.

M. Roger Karoutchi .  - En cas de pic de pollution, la circulation alternée est une des réponses mises en oeuvre. En mars dernier, après avoir hésité plusieurs jours, le Gouvernement s'est décidé à agir - au moment où le taux de pollution baissait. AirParif considère que ce n'est pas un bon système, parce qu'il ne distingue pas entre les véhicules les plus polluants et les autres. D'autres capitales ont pris d'autres mesures : péages urbains, etc.

Qu'envisage le Gouvernement à propos des ZAPA, les zones d'actions prioritaires pour l'air ? Envisage-t-il une solution plus équilibrée que la circulation alternée ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.  - Merci pour cette importante question. Je vous sais attaché à ce qu'AirParif ait les moyens de fonctionner. Mais vous balayez un peu vite la circulation alternée, qui a accéléré en mars le retour à la normale, même si on aurait sans doute pu en faire un usage préventif.

La méthode des zones d'actions prioritaires pour l'air a échoué (Mme Chantal Jouanno proteste), car certaines collectivités territoriales n'en ont pas voulu - vous le savez bien, vous qui vous opposez généralement aux mesures de restriction de la circulation automobile Tant que nous n'avons pas renouvelé notre parc automobile, ni réduit le trafic automobile lui-même, nous n'atteindrons pas nos objectifs. En attendant, la circulation alternée est utile.

M. Roger Karoutchi.  - On n'a pas laissé vivre les ZAPA : les décrets n'ont pas été pris. Je serai favorable à la réduction de transport automobile en Île-de-France quand nous aurons des transports publics dignes de ce nom. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Chantal Jouanno .  - La pollution de l'air est un problème économique et surtout sanitaire : en 2030, la moitié de la population sera touchée par des difficultés respiratoires. La loi de santé publique, véritable Arlésienne, se fait attendre. Qu'en est-il des mesures préventives annoncées, pour les personnes allergiques et les publics sensibles ? Quid des mesures structurelles ? Voilà deux ans que je propose de rééquilibrer la fiscalité sur l'essence et le diesel. Quand appliquerez-vous les recommandations du rapport Pisani-Ferry ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.  - Votre engagement sur le sujet est connu. Sur la fiscalité, j'ai déjà répondu : elle pèsera davantage au cours des années à venir sur les énergies fossiles et en particulier sur le diesel. Je n'ai pas vu de mobilisation suffisante jusqu'à présent. Les transports publics ne suffisent pas à tout ; en Île-de-France, les logements sont à l'est, les bureaux à l'ouest. Ces questions seront traitées par la loi de transition énergétique.

Quant aux véhicules électriques, ils ont été combattus pour des raisons idéologiques. Prenons tous nos responsabilités, au lieu de faire peser celle de la situation actuelle sur la seule majorité.

Mme Chantal Jouanno.  - S'il y avait des prises pour les véhicules électriques au Sénat, ce serait déjà bien !

M. le président.  - J'en prends bonne note.

Mme Odette Herviaux .  - Les effets des fumées de gazole sur la santé sont avérés. En Île-de-France, les périodes de forte concentration de particules fines dans l'air s'accompagnent d'une hausse de 2 à 7 % des passages d'enfants aux urgences pour des problèmes respiratoires.

Or les véhicules diesel représentent encore 60 % du parc en France. Certes, les émissions reculent. Mais il faudrait aller plus loin, sans porter atteinte trop brutalement à un secteur industriel en difficulté.

Le bonus-malus ne concerne aujourd'hui que les émissions de CO2. Ne faudrait-il pas l'étendre aux particules fines ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État - Vous avez rappelé le chemin parcouru. La France a encore du retard mais des efforts ont été faits notamment dans l'industrie. Le plan de protection de l'air est important ; la mutation de notre parc automobile est possible.

Je l'ai dit, les questions fiscales seront examinées avec attention par le Gouvernement lors de la prochaine loi de finances avec le souci de ne pas pénaliser nos concitoyens et de différencier les territoires. Les véhicules hybrides et électriques doivent être promus, de façon volontariste et sans a priori.

Mme Odette Herviaux.  - La technique doit encore progresser, car les moteurs à essence émettent aussi des particules fines. Surtout, il faut permettre à nos concitoyens d'accéder plus facilement aux véhicules propres.

Mme Évelyne Didier .  - Selon l'OMS, 90 % des Européens sont exposés à la pollution de l'air. Malgré des progrès, les effets sur la santé demeurent lourds, en ville comme à la campagne. 40 000 morts par an en France, soit dix fois plus que le nombre de morts sur la route, sans que cela provoque la même mobilisation. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

Il faut encourager les transports alternatifs. L'AFITF manque de moyens, et le péage de transit annoncé ne générera que 500 millions par an. Que ferez-vous pour aider les collectivités territoriales à se doter en transports collectifs en site propre ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour compléter le produit du nouveau péage de transit et financer le troisième appel à projets de transports en site propre.

Une enveloppe de 450 millions d'euros a été annoncée. Des décisions seront prises en loi de finances et dans le programme triennal 2015-2017. Le Gouvernement tiendra ses engagements.

Mme Évelyne Didier.  - Nous en acceptons l'augure, mais si les comportements individuels sont importants, la réponse doit d'abord être collective.

M. Alain Fouché .  - L'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) étudie un nouveau système mondial qui a vocation à se substituer au système d'échange de quotas carbone pour compenser les émissions de CO2 par les avions. Pour qu'il soit efficace, il faut recueillir l'accord des pays émergents, afin d'éviter des distorsions de concurrence.

Quelles suites donnerez-vous au dispositif européen ETS ? Les compagnies européennes peuvent-elles compter sur le soutien du Gouvernement pour qu'il reste limité aux vols intra-européens ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.  - Vous êtes un spécialiste de ce sujet important pour notre économie comme pour l'environnement. Nous sommes partagés entre la nécessité de susciter une prise de conscience internationale pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et le fait que l'Europe ne peut décider pour le monde entier. Elle a d'abord décidé d'appliquer le système ETS aux vols intracommunautaires. Des négociations sont en cours pour l'étendre au niveau mondial ; un accord de principe a été conclu à l'OACI à l'automne dernier. Espérons que la voix de la France sera entendue.

M. Alain Fouché.  - Merci de votre mobilisation. La question est très importante pour la planète.

Mme Delphine Bataille .  - L'OMS l'a établi : 7 millions de personnes sont mortes l'an dernier en raison de la pollution de l'air. Cardiopathies, maladies cardiovasculaires... les effets de cette pollution sont nombreux.

Bien que l'énergie nucléaire limite le recours aux énergies fossiles (exclamations sur les bancs écologistes), la pollution demeure importante dans le Nord, dont l'économie s'est construite autour d'une industrie énergivore. Quelles mesures prendrez-vous pour soutenir nos territoires dans leurs efforts pour aller vers une économie décarbonée ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.  - La loi de programmation pour un nouveau modèle énergétique français répondra à vos préoccupations, même si une seule loi n'y suffira pas. Les objectifs de réduction de la pollution atmosphérique seront déclinés, secteur par secteur. Les agglomérations pourront prendre des mesures pour réduire la circulation automobile. Le texte associe résolument les collectivités territoriales à l'effort national.

Des incitations positives seront mises en place, avec une prime de 10 000 euros, pour les ménages modestes, s'ils remplacent leur véhicule diesel par un véhicule propre. Le parc de véhicules publics sera ainsi renouvelé, au moins par moitié.

Mme Delphine Bataille.  - Les pics de pollution ne doivent pas masquer le fait que le problème est permanent. L'exposition continue à un faible niveau de particules fines a un impact considérable sur la santé.

Il faut définir des actions nouvelles, autour des enjeux régionaux et territoriaux.

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Vous avez déjà répondu sur la place qui sera faite à la pollution atmosphérique lors de la Conférence de Paris. Nous sommes tous concernés par l'impact de cette pollution sur la santé : elle tue 42 000 Français chaque année. La pollution atmosphérique a donc toute sa place lors de cette Conférence, au service de laquelle la France déploie d'intenses efforts diplomatiques.

Quelles sont les intentions du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.  - Vous avez replacé le débat dans le cadre stratégique qui convient. La France ne peut résoudre à elle seule le problème de l'effet de serre. Le président de la République veut relever le défi de l'échec de Copenhague. Notre méthode sera plus souple et plus pragmatique. Tous les participants, ainsi que la société civile se mobilisent pour faire avancer les choses. Nous espérons ainsi conjurer le risque, désormais attesté, de dérèglement climatique...

Mme Hélène Conway-Mouret.  - L'engagement du Gouvernement est essentiel pour notre avenir à tous.