Agriculture, alimentation et forêt (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt.

Discussion générale

M. Didier Guillaume, co-rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - J'interviendrai également au nom de Philippe Leroy, empêché.

La commission mixte paritaire qui s'est réunie hier matin au Sénat, est parvenue à un accord, après deux lectures dans chaque assemblée, la procédure accélérée n'ayant pas été engagée -contrairement aux deux précédentes lois agricoles.

Neuf mois d'examen, c'est long. De 39 articles, le texte est passé à 94 en commission mixte paritaire. L'agriculture et la forêt ont suscité de nombreux débats, riches, passionnés, de grande qualité.

Je me suis efforcé d'écouter toutes les propositions, d'où qu'elles aient été émises. Des amendements portés par toutes les sensibilités ont été adoptés. C'est la marque de fabrique du Sénat.

Aucune mesure ne révolutionne l'agriculture mais l'ensemble peut changer la donne. Le texte crée un cadre juridique pour les groupements d'intérêt écologique et environnemental (GIEE), qui porteront la démarche d'agro-écologie. Nous avons inscrit la triple performance économique, sociale et environnementale au coeur de ce texte.

Nous avons accepté le développement du bail environnemental tout en évitant que les agriculteurs ne soient enfermés dans un carcan de contraintes en s'engageant dans une démarche de progrès.

Clause miroir précisée, appellations d'origine mieux contrôlées, inscription du vin mais aussi -à l'initiative des députés- des bières, cidres et spiritueux de tradition dans le patrimoine de notre pays vont dans le bon sens.

Pour préserver les terres agricoles, ce texte renforce aussi les CDPENAF -sans aller jusqu'à la généralisation de l'avis conforme- et les Safer, au service de l'installation de jeunes agriculteurs.

M. Charles Revet.  - Ce doit être une priorité.

M. Didier Guillaume, co-rapporteur.  - Ça l'est. Le remplacement de la surface minimum d'installation par un seuil minimal d'assujettissement aux cotisations de la MSA a été acté. Le contrôle des structures est sorti renforcé de nos débats. La compensation agricole, à laquelle M. Lasserre était très attaché, permettra de mieux protéger les terres.

Les chambres d'agriculture auront la charge de la tenue du registre des agriculteurs sur la base des informations transmises par la MSA.

Nous avons engagé la réduction drastique des antibiotiques vétérinaires, mieux encadré l'usage des produits phytosanitaires, confié à l'Anses la compétence d'autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Le projet de loi encourage le biocontrôle et le recours aux préparations naturelles peu préoccupantes.

Nous sommes arrivés à un équilibre entre les droits et devoirs des chasseurs. De même, à l'initiative du Sénat, les éleveurs ont été dotés du droit de se défendre en cas d'attaques du loup.

Le projet de loi misant sur la jeunesse, l'enseignement agricole n'a pas été oublié. La création de l'IAUF est un pas important vers sa valorisation.

Il restait, en définitive, peu de dispositions en discussion en CMP. Deux rapports ont été maintenus, en dépit des recommandations du président Raoul, qu'il faudra lire sans en tirer de conclusions hâtives.

La CMP s'est opposée finalement à l'échange direct de semences, afin de ne pas déstabiliser les organismes stockeurs. Elle a encouragé l'information sur les produits frais, via des campagnes sur les chaînes publiques de télévision et de radio.

Un bâtiment d'habitation en zone agricole pourra être étendu dans des conditions plus souples que ne prévoyait la loi Alur. Les modifications proposées de la loi Littoral n'ont, en revanche, pas été retenues.

La priorité accordée aux habitants des biens de section, défendue par M. Mézard, a été retenue. Les sanctions en cas de non-information des Safer ont été plafonnées à 2 % du montant de la vente, à mi-chemin des propositions des deux assemblées. (On s'en félicite sur divers bancs)

Les propriétaires ruraux ont été exclus de la responsabilité sanitaire pour la faune sauvage, par souci de réalisme, comme y avait insisté M. Le Cam. Le tir de légitime défense contre le loup accordé par le Sénat aux éleveurs a été étendu aux bergers.

Mme Nathalie Goulet.  - Et si c'est une bergère ? (sourires)

M. Didier Guillaume. co-rapporteur.   - Le terme est générique.... Sur l'encadrement de l'usage des produits phytopharmaceutiques sur lequel avait insisté Mme Nicoux, c'est finalement la version de l'Assemblée nationale qui a prévalu, compte tenu de l'arsenal juridique disponible. Ne surtransposons pas les règles européennes.

En matière d'enseignement agricole, le Comité national d'expertise sur l'innovation pédagogique a finalement été créé, à l'initiative de l'Assemblée nationale.

En matière forestière, les codes de bonnes pratiques forestières prendront fin en 2022 ; les conditions de déboisement dans les petites communes dont le territoire est occupé à 70 % par des forêts ont été assouplies.

Compétitivité économique et changement de logiciel pour évoluer vers l'agro-écologie : voilà les deux piliers sur lesquels nous devons bâtir notre nouveau système agricole.

Il y va aussi de la protection de notre patrimoine et de nos agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs socialistes et au centre ; M. François Trucy applaudit aussi)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Nous voici au terme du processus législatif. Neuf mois, une durée normale en définitive.

Les débats ont en effet été riches, je remercie tous ceux qui y ont participé avec leur expertise et leurs convictions, ainsi que vous-même, madame la présidente, qui nous avez aidé à tenir les délais.

La profession comme la société attendaient ce texte. Peu de secteurs mêlent ainsi étroitement dimension économique, sociale et citoyenne. L'agriculture a un impact sur les paysages, sur l'organisation de 80 % de notre territoire et touche directement au vivant. D'où le caractère passionné de certains débats.

L'agriculture questionne l'ensemble de nos choix de société, les caractéristiques de notre modèle de développement.

Deux lectures conclues par une commission mixte paritaire : il fallait cela pour peaufiner ce texte, lui donner les moyens de ses ambitions.

Une loi, c'est d'abord un cadre juridique ; c'est aussi un outil dont doivent se saisir les acteurs, qui doit susciter leur envie de former des projets. J'ai défendu un cadre souple pour les GIEE, afin de laisser toutes les options ouvertes, de donner aux agriculteurs la liberté de contractualiser avec les collectivités territoriales. La loi est réussie lorsque les acteurs s'en saisissent pour créer du nouveau.

André Chassaigne, citant René Char, rappelait que « de l'inachevé bourdonne l'essentiel ».

Cette loi peut se résumer en quatre piliers : produire, enseigner, rechercher et développer autrement...

Ce texte encourage d'abord les nouveaux modèles de production dans le respect de la triple exigence économique, sociale, environnementale. L'environnement n'est pas une contrainte ; comme le dit Ségolène Royal, l'écologie ne doit pas être punitive, nous devons bâtir une écologie positive. La lutte contre l'antibiorésistance, la mise en oeuvre du plan Ecophyto sont d'impérieuses nécessités mais il faut avant tout, par un autre modèle, limiter le recours à ces produits ! Cela vaut aussi pour l'azote.

Le Grenelle de l'environnement a paradoxalement donné lieu à une augmentation de la consommation de produits phytosanitaires. C'est qu'il faut changer les méthodes de production en profondeur !

Enseigner autrement, ensuite. L'enseignement agricole assure la promotion sociale et débouche sur l'emploi. L'acquisition progressive des diplômes a pour but de faire progresser l'élève, sans se contenter de le juger.

Rechercher autrement. J'ai toujours défendu l'innovation et la recherche. L'agro-écologie offre d'immenses possibilités. Après la seconde guerre mondiale, il fallait produire pour mettre fin à la pénurie : il y eut un temps où l'on distribuait des tickets de rationnement. Il fallait importer. Les grandes lois d'orientation d'Edgar Pisani ont eu pour objectif de développer la production. Désormais, notre responsabilité est d'encourager une nouvelle mutation, après le développement du machinisme agricole et le recours à la chimie, imposé par la spécialisation et la lutte contre la concurrence naturelle. Nous valorisons désormais les mécanismes naturels : c'est un enjeu d'innovation considérable, auquel répond la création de l'institut agronomique, vétérinaire et forestier de France (IAVFF). Un colloque mondial sera organisé sur ces questions le 19 septembre prochain.

Développer autrement, enfin. Après la seconde guerre mondiale, le développement s'est appuyé sur le syndicalisme agricole et la JAC. Nous devons suivre cette voie, au service du « produire autrement ». C'est au coeur de cet inachevé que bourdonnera l'avenir. Grâce aux GIEE, aux nouvelles conditions d'installation, au nouveau rôle des SAFER, au service des nouvelles générations.

Le registre agricole a suscité de vifs débats. Nous avons été prudents. J'y vois un atout pour la reconnaissance des agriculteurs, pour l'avenir.

La forêt française, l'une des plus importantes d'Europe, est un enjeu majeur, alors que notre compétitivité décline. Mobiliser le bois, valoriser notre ressource dans une perspective économique et écologique : la création du fonds stratégique y pourvoira. Les équilibres sylvo-cynégétiques ont été redéfinis, grâce aux échanges qui ont eu lieu ici grâce à MM. Mirassou et Leroy.

Deux grandes productions sont nécessaires aux outremers : la canne à sucre et la banane. Le comité d'orientation stratégique et de développement agricole (COSDA) aura vocation à diversifier nos productions.

Ne pas s'en tenir à fixer des normes mais donner envie de porter des projets : c'est cela, aussi, la vertu de la loi.

Pour toutes ces raisons, je me réjouis de la tenue des discussions. Je rends hommage aux rapporteurs, au président Raoul. Je remercie tous les sénateurs et sénatrices qui se sont engagés pour défendre notre agriculture et notre forêt. C'est une question vitale pour aujourd'hui, plus encore pour demain. (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE)

M. Jean-Jacques Lasserre .  - Après de nombreuses heures de débat, plusieurs constats s'imposent : le Sénat a exercé ses responsabilités ; nous avons travaillé dans de bonnes conditions, grâce au président Raoul et aux deux rapporteurs. Ce texte a été un bel exercice de démocratie.

Le groupe UDI-UC reconnaît certaines avancées : clause miroir, rôle des Safer, GIEE, utilisation des produits phytosanitaires, protection des AOC, registre agricole. Nous regrettons toutefois le rejet de certains de nos amendements.

Sur les chambres d'agriculture, nous sommes déçus qu'à l'heure où l'on prône les circuits courts et la valorisation des produits locaux, on éloigne les chambres consulaires du terrain.

On écarte les départements ; la compétence « Mise en cohérence des actions locales », confiée aux chambres régionales, est bien vague...

Les prescriptions du rapport de 2013 de l'Observatoire de l'enseignement agricole n'ont pas été assez reprises. Les conclusions de protocoles et de conventions d'objectifs et de moyens entre établissements, collectivités territoriales et monde professionnel auraient été opportunes.

L'agriculture montre des signes de fragilité. Elle n'est pas en état de faire face aux accidents climatiques. Après l'interdiction du Monsanto 810, il est dommage que nous n'ayons pas abordé plus globalement la question des OGM, plus exactement des PGM. Nous avons besoin d'un dispositif cadre. La création d'un médiateur pour les relations entre producteurs et distributeurs est une bonne idée mais sans doute pas à la hauteur. Le législateur devra intervenir.

Le verdissement de la PAC, enfin. L'obligation d'assolement, jusqu'à 30 %, sera difficile à mettre en place.

Ce projet de loi était ambitieux. La triple performance a donné lieu à la recherche d'un équilibre mais le volet économique aurait pu être davantage traité. Nous nous abstiendrons donc. Nombre de nos agriculteurs sont dans le désarroi, la désespérance. L'agriculture française a besoin d'un nouveau souffle, d'une meilleure reconnaissance. Il faut commencer par là. (Applaudissements au centre, sur les bancs UMP et sur quelques bancs socialistes)

Mme Cécile Cukierman .  - Réconcilier productivité et environnement : l'idée est séduisante. Le GIEE et les nouveaux outils sont intéressants, pour encourager la coopération entre agriculteurs dans une pratique vertueuse, sans leur donner l'impression de se voir imposer réglementation sur réglementation. L'encadrement de l'usage des produits phytosanitaires va dans le bon sens.

L'élargissement des GIEE au critère social nous convient. Nous avons élargi l'entraide agricole. Nos propositions relatives aux échanges de semences n'ont toutefois pas été retenues, dommage. Nous soutenons néanmoins le dispositif.

Le texte promeut une réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires et phytopharmaceutiques. L'antibiorésistance est un problème encore plus aigu aux États-Unis. Dans le cadre du traité transatlantique, il faudra rester vigilant.

Les mesures en faveur de l'installation des jeunes agriculteurs vont dans le bon sens ainsi que l'élargissement du pouvoir de préemption des Safer. Nous aurions aimé que l'on s'interroge sur le rôle des banques, pour accompagner les projets, notamment du Crédit agricole.

La question de l'enfouissement des déchets n'a malheureusement pas été abordée. L'affaiblissement de l'industrie du bois n'est guère traité par ce texte.

Ce projet de loi nous satisfait dans sa globalité. Quelques réserves plus globales toutefois.

La fin des quotas sucriers aura des effets dévastateurs sur l'économie de La Réunion. La situation du vin français est fragile. Ne baissons pas la garde. Ne soumettons pas les viticulteurs aux règles d'un marché libéral. Défendons les droits de plantation.

Comment protéger dans le cadre de l'OMC notre élevage contre les exportations de viande canadienne ? Comment protéger notre production contre celle des pays qui ne respectent pas les mêmes exigences sanitaires, environnementales et de bien-être animal ?

Les réponses aux déséquilibres commerciaux sont insuffisantes. Le revenu agricole diminue car si la répartition de la valeur ajoutée évolue au profit de la distribution, le coût des consommations intermédiaires -énergie, engrais, produits phytosanitaires- ne cesse de croître. Encadrons les marges de la grande distribution. Promouvons une alimentation de qualité.

Le groupe CRC votera, malgré ces réserves, ce texte qui définit un modèle que nous approuvons. (Applaudissements sur les bancs socialistes et CRC)

Mme Anne-Marie Escoffier .  - Ce texte clôt superbement cette session extraordinaire. Élue d'un département qui marie l'homme, la nature et ses produits, je veux saluer les progrès permis par ce projet de loi, dus à la concertation et à la transparence, à chaque étape de la navette.

Les quatre priorités fixées par le ministre sont limpides. Je me contenterai d'observer que ce texte est porteur d'avenir. Comment ne pas se féliciter des avancées en matière de contractualisation ! La place et le rôle de chacun des acteurs sont bien définis -régions, chambres d'agriculture.

Les dispositions de préservation du foncier agricole me réjouissent d'autant plus que je me suis battue pour que les territoires ruraux ne soient pas oubliés au profit exclusif des métropoles. La nouvelle gouvernance des Safer est un autre progrès notable.

La France est très attachée à la qualité de ses produits. L'Aveyron a toujours été à la pointe de ce combat, avec la création notamment grâce à Raymond Lacombe de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) et de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).

Je me félicite des dispositions prises en faveur de la forêt. Cette richesse reste insuffisamment mise en valeur -une prise de conscience qui s'inscrit dans la problématique du développement durable.

Le texte reconnaît enfin le savoir-faire des agriculteurs en même temps que leur savoir-être. La volonté de faire de l'enseignement agricole un outil de promotion sociale et d'insertion professionnelle concrétise ce changement de cap.

Inutile de me faire le comptable de nos amendements acceptés ou refusés. Le pari est collectivement réussi. Nous voterons ce texte dans un bel élan de conviction partagée. (Applaudissements à gauche)

Mme Renée Nicoux .  - Un accord a été trouvé en commission mixte paritaire à une majorité confortable. Je salue la qualité du travail et de dialogue en commission qui ont favorisé le consensus.

Quelques regrets pour commencer. La CMP a renoncé à l'interdiction des remises, rabais et ristournes sur les produits alimentaires, introduite ici en deuxième lecture : c'est mettre de côté la question des relations déséquilibrées entre producteurs, fournisseurs et distributeurs, tandis que les pratiques de la grande distribution continuent à s'apparenter à de l'extorsion -un rapport de la répression des fraudes sera publié cet été sur le sujet.

De même, nous aurions aimé faciliter davantage la circulation des semences au sein des GIEE. On aurait vu les GIEE se multiplier à cette seule fin ? L'argument ne tient pas. Heureusement, les échanges de semences non couvertes par un COV restent possibles.

Enfin, notre amendement évitant la dissémination des pesticides à proximité des habitations allait dans le sens de la loi. Les personnes vulnérables, protégées à l'école ou à la maison de retraite, le sont tout autant à domicile. Mme Bourzai fait le même constat.

Il reste que ce projet de loi contient de nombreuses avancées, auxquelles les sénateurs socialistes ont contribué. Notre travail a été guidé par la transition vers l'agro-écologie, visant la triple performance -économique, environnementale et sociale. La formation est au coeur du texte avec la création de l'IAVFF.

Nous avons encouragé les changements de pratiques tout en veillant à ne pas alourdir les contraintes. Les contours des GIEE ont été revus pour une meilleure performance sociale. Le bail environnemental a été préservé, sans contraintes excessives. Sur le foncier, la CMP a avalisé les dispositions votées par le Sénat facilitant le logement des agriculteurs. Les producteurs de fruits et légumes pourront accéder aux espaces d'information de la radio et de la télévision publiques. Les producteurs bénéficiant d'une appellation d'origine protégée (AOP) ou d'une indication géographique protégée (IGP) auront un droit d'opposition.

Un équilibre a été trouvé entre chasseurs et forestiers.

Le rôle des Safer est renforcé, pour faciliter l'installation des jeunes.

Les sénateurs ont été particulièrement attentifs aux zones de montagne, comme en témoignent l'adaptation des seuils pour les GIEE et l'exemption d'autorisation de défrichement.

L'interdiction des remises, rabais et ristournes sur les médicaments va dans le bon sens, comme la limitation de l'usage des antibiotiques. Dans certaines régions, la pression des délégués commerciaux des laboratoires est forte ; pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, que le délai accordé à l'article 20 ne remet pas en cause les contrats conclus avant la date d'entrée en vigueur de la loi ?

Beaucoup d'autres points positifs mériteraient d'être soulignés. Les conclusions de la CMP sont équilibrées et portent en germe l'avenir de l'agriculture française. Nous les voterons avec enthousiasme. Cette loi est une bonne loi. (Applaudissements à gauche et au centre)

M. André Reichardt .  - Il a fallu moins d'une semaine depuis la deuxième lecture pour conclure l'examen de ce projet de loi, à deux mois des élections sénatoriales. Pour les sénateurs UMP, ce nouvel examen ne change pas grand-chose : ce texte ne prépare pas l'avenir de notre agriculture. Alors que les États-Unis se dotent avec le Farm bill d'une force de frappe économique, fondée par exemple sur une garantie de revenus face aux aléas, nous finassons sur les dispositions déclaratives de l'article premier. Selon l'Insee, nos productions animales diminuent. (M. Charles Revet confirme) Notre excédent commercial se maintient mais nous pourrions et devrions faire davantage, alors que la planète comptera en 2050 2,3 milliards d'habitants de plus -la population de l'Union européenne augmente chaque année de 1,7 million. Ce texte ne permettra pas à notre agriculture d'affronter la révolution alimentaire qui vient.

Reconnaissons néanmoins le travail de nos rapporteurs et les apports du Sénat : les modifications apportées au bail environnemental en sont un bon exemple. Cela ne suffit pas. L'agro-écologie, pourquoi pas, mais on ne saurait se contenter d'additionner quelques mesures spectaculaires, nous avons besoin d'une véritable politique publique. La seule disposition d'application concrète est la création des GIEE, dont le contenu est cependant flou. N'est-ce pas un peu court ?

Plus inquiétant encore, on oppose agro-écologie et agriculture ordinaire : ainsi, le bail environnemental réduira l'accès au foncier, de même que la préférence des Safer pour les pratiques biologiques. Le transfert des autorisations de mise sur le marché de produits phytosanitaires à l'Anses n'a pas de sens, non plus que l'interdiction de la publicité pour ces produits.

Fort heureusement -c'est la seule vraie satisfaction de deuxième lecture-, un compromis a été trouvé sur l'interdiction d'usage de ces produits à proximité des lieux habités. Comme quoi le principe de précaution peut être appliqué intelligemment.

Ce projet de loi passe à côté des préoccupations actuelles : garantie contre les aléas climatiques, risques épidémiologiques, clause miroir, relations contractuelles, partage de la valeur ajoutée et rémunération des agriculteurs, fluctuation des cours des matières premières... Le médiateur des contrats ne pourra pas trancher les litiges : un coup pour rien.

Nous nous félicitons en revanche que le Parlement reconnaisse la place du vin, de la bière, du cidre et du poiré dans le patrimoine culturel, gastronomique et paysager national.

Le rôle essentiel des chambres d'agriculture est connu. Elles sont l'interlocuteur privilégié des agriculteurs, pour leur installation et leur équipement, la transmission des exploitations, la recherche du foncier. Tout ce travail d'assistance et de conseil est mis en danger : Bercy envisagerait de prélever 100 millions d'euros sur leurs réserves, pénalisant les plus prudents et réduisant à néant la marge de manoeuvre de tous. En outre, la baisse de 2 % de la taxe additionnelle sur le foncier non bâti réduira leurs recettes de 36 millions d'euros. Quelle part prendrez-vous aux discussions avec Bercy, monsieur le ministre ? Comment, dans ces conditions, prétendre préparer l'avenir ?

Ce projet de loi est beaucoup trop superficiel. Vous vouliez produire mieux mais autant : c'était juste mais ce texte ne traduit pas cette volonté. Le peu que vous accordez aux agriculteurs biologiques, vous prenez aux autres. Ni le problème du foncier ni celui des revenus agricoles ne sont résolus. Le groupe UMP ne pourra voter ce texte. Nous le regrettons vivement. (Applaudissements sur les bancs UMP)

La discussion générale est close.

Mme la présidente.  - En application de l'article 42-12 du règlement, aucun amendement n'est recevable sauf accord du Gouvernement. Le Sénat se prononçant avant l'Assemblée nationale, il statuera sur les amendements puis par un seul vote sur l'ensemble du texte.

Discussion du texte élaboré par la CMP

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 84

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Après cette date, les clauses des contrats contraires aux dispositions de cet article sont réputées non écrites.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Amendement de précision qui répond aux préoccupations de Mme Nicoux.

L'amendement n°1, accepté par la commission, est adopté.

Le vote de l'article 20 est réservé.

Interventions sur l'ensemble

Mme Nathalie Goulet .  - Beau texte pour une fin de session, qui montre -enfin !- l'utilité de la navette et du Sénat. Nous le voterons.

Comme le souhaitaient les deux sénateurs de l'Orne, la place du cidre dans le patrimoine national a été reconnue. L'affaire du haras du Pin a également été réglée -c'était très important pour la filière équine.

J'avais cosigné par amitié des amendements de Mme Jouanno avant de les retirer par conviction... L'interdiction de l'épandage dans la bande des 200 mètres avait suscité des inquiétudes -dans l'Orne, 40 % des terres seraient devenues inexploitables. La question a été pertinemment réglée par l'article 23.

Je persiste et signe : des conflits d'intérêt peuvent se présenter au sein des Safer. L'heure n'est-elle pas à la transparence ?

Le problème des donations déguisées visant à contourner le droit de préemption, soulevé par Mme Férat, n'a pas été réglé ; il faudra encore y travailler d'ici la loi de finances.

Je voterai ce texte, en espérant que le traité transatlantique -dont je suis rapporteure au sein de l'Assemblée parlementaire de l'Otan- n'affaiblira pas nos normes. Car, si l'agriculture paraît exclue du mandat de négociation, ce n'est pas réellement le cas. Les États-Unis savent négocier dans leurs intérêts, qui ne sont pas ceux de notre modèle agricole.

Ce texte fait avancer l'agriculture. Certains membres du groupe UDI-UC le voteront, d'autres s'abstiendront ; un seul émettra un vote négatif. (Applaudissements à gauche et au centre)

À la demande du groupe socialiste, les conclusions de la CMP, modifiées, sont mises aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°242 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 316
Pour l'adoption 181
Contre 135

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements à gauche)

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques .  - Merci aux deux rapporteurs, ainsi qu'à M. le ministre. Je sais que le rugby n'est pas votre fort mais, comme je l'ai dit, vous êtes un ministre d'ouverture, M. Guillaume un rapporteur demi de mêlée... Merci aussi aux services de la commission.

J'ai découvert beaucoup de choses en étudiant le volet de ce texte consacré à la forêt. Je salue le travail de MM. Philippe Leroy et Jean-Jacques Mirassou, sans lesquels le compromis entre chasseurs et forestiers n'aurait pas été possible.

Merci à tous pour la tonalité de nos débats. À la commission des affaires économiques, nous avons fait carton plein ! (Applaudissements)

M. Didier Guillaume, co-rapporteur .  - Ce fut un vrai bonheur d'être rapporteur de ce projet de loi. Tous les groupes politiques y ont apporté leur pierre. À l'arrivée, ce texte équilibré fera passer l'agriculture dans une phase nouvelle.

Merci au président Raoul, qui sait faire vivre le débat, ainsi qu'à nos collaborateurs. Merci à vous, monsieur le ministre, pour votre écoute, ainsi qu'à votre cabinet. (Applaudissements)