Dockers (Procédure accélérée - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Ronan Dantec .  - M. Jean-Pierre Raffarin déclarait il y a quelques jours à propos d'Air France : « avec les crises, la violence monte. Contre elle, il n'y a que le droit, le respect, la cohésion ».

Le rapporteur a une approche culturelle étonnante : chaque port a sa culture, estime-t-il, qui doit être respectée. Faire de la diversité culturelle un argument pour détricoter un accord entre partenaires sociaux, il faut le faire ! Si l'on ajoute la diversité culturelle au code du travail, je crains que l'on échoue à le simplifier ! J'espère que vous soutiendrez autant la diversité culturelle lorsque nous aborderons les langues régionales...

La loi Le Drian de 1992 avait réussi à dépasser de nombreux blocages et l'activité des ports semblaient avoir retrouvé un rythme de croisière. Ne les fragilisons pas.

Nous ne sommes pas dans un théâtre de postures. Envoyons les bons signaux aux Français, qui attendent plutôt de nous que nous mettions de l'huile dans les rouages.

Nous avons défendu, à quelques semaines de la COP21, les autoroutes de la mer et le cabotage. Les ruptures de charge imposent de créer des emplois de dockers. Nous nous mobilisons aussi pour la réduction des gaz à effet de serre à l'échelle mondiale. Faisons entrer les transports maritimes et aériens dans la négociation mondiale.

Nos ports méditerranéens en bénéficieront d'ailleurs, en accueillant les navires qui passent par le canal de Suez, plutôt que les ports d'Europe du Nord.

Le groupe écologiste votera ce texte dans la rédaction de l'Assemblée nationale. (Applaudissements à gauche)

Mme Mireille Jouve .  - Alors que la France dispose du deuxième espace maritime mondial, la compétitivité de nos ports n'a cessé de décliner, ce à quoi les réformes de 1992 et 2008 visaient à remédier. Le rapport de Martine Bonny a fourni des pistes de clarification sur les règles statutaires des dockers, en tenant compte de la disparition progressive du régime de docker intermittent.

L'article premier améliore la lisibilité du droit. Le texte de l'Assemblée nationale clarifiait aussi utilement le périmètre de la priorité d'emploi, en donnant une valeur législative au décret. De même, le renvoi à une charte nationale négociée entre partenaires sociaux était utile. Ce texte évitait ainsi de naviguer en eaux troubles et contribuait à prévenir les conflits. Nous regrettons toutefois la remise en cause du statut des intermittents.

Le texte de la commission du développement durable n'est plus conforme à l'esprit de la proposition de loi issue de l'Assemblée nationale. Nos amendements viseront à rétablir le texte de l'Assemblée nationale. Les équilibres fragiles issus de la négociation doivent être préservés. (Applaudissements à gauche et au centre)

M. Michel Le Scouarnec .  - Mme Didier étant aphone m'a prié de lire son texte.

Cette proposition de loi résulte d'une concertation approfondie entre tous les partenaires sociaux. Hélas, la commission du développement durable l'a profondément modifiée, cédant à l'idéologie selon laquelle il faut abattre toutes les protections des salariés. Elle a ainsi réduit à néant plusieurs mois de négociations. On a attisé les craintes, alors que la charge ne vaut que pour l'avenir. Il serait sage de respecter l'accord, fruit de l'intelligence collective et du rapport Bonny.

Nous regrettons notamment la suppression du statut de docker occasionnel à l'article 5 au profit de l'intérim classique. Les dockers occasionnels doivent, selon nous, être recrutés en priorité, car ils sont couverts par une convention collective unifiée. Est-ce si grave de protéger les salariés ?

L'article 6 a également été supprimé, qui définissait un périmètre de priorité d'emploi des dockers pour garantir sa sécurité ; la commission a souhaité s'en remettre à une négociation future, sous prétexte de ne pas faire entorse au droit européen. Selon la commission du développement durable, il faut attendre. Au contraire, la France doit montrer le chemin. La charte doit entrer en vigueur au plus vite pour protéger les dockers.

De même, un débat est nécessaire sur la mer, qui recèle des ressources importantes que nous pourrions mieux exploiter. (Applaudissements à gauche)

Mme Natacha Bouchart .  - Cette proposition de loi répond à des enjeux qui doivent être appréhendés avec bon sens, considération pour les dockers, et pragmatisme.

Maire de Calais, je connais l'importance stratégique du métier de docker. Pour notre économie des flux et la sécurité, il est nécessaire de disposer d'une main-d'oeuvre compétente. Notre compétitivité passe aussi par nos ports. Ne remettons pas en cause un équilibre social établi au cas par cas, port par port.

Alors que le statut de docker intermittent est appelé à disparaître progressivement, le texte apporte une clarification pertinente. Mais je rejoins le rapporteur qui a raison de ne pas vouloir troubler les équilibres particuliers existants.

Pourquoi prévoir une charte nationale, sans relais locaux ? Voilà qui est source de tensions.

À Calais, l'opérateur emploie 12  permanents et 42 dockers occasionnels, ainsi que des intérimaires. Ce professionnalisme des dockers occasionnels est reconnu et les protège.

Comme le rapporteur, je souhaite conforter le statut des dockers.

Je voterai ce texte.

Pour le reste, je reste pragmatique, pour renforcer notre compétitivité. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Michel Canevet .  - Le président de la République était récemment au Havre pour rappeler l'importance de la croissance bleue. La mer est une opportunité de croissance pour notre pays : transport, pêche, énergies maritimes, etc.

Ce texte ne révolutionne pas le transport maritime, faisant suite aux lois de 1941, 1947, 1992 et 2008.

Le président de la République a réceptionné le Bougainville, plus gros navire de commerce français. Alors que notre espace maritime est le second au monde, notre flotte n'a cessé de baisser : 301 navires, mais une minorité réellement au service du transport de marchandises et du commerce : c'est dommage !

Des conflits se sont multipliés : Port-la-Nouvelle en 2013, Rouen en 2014, Ouistreham... Il faut évoluer.

Le dossier doit être abordé avec souplesse. Il importe de tenir compte des spécificités des pratiques dans chaque port.

Nos ports ne jouent pas le rôle qu'ils devraient jouer en Europe, face à Rotterdam ou Anvers, il y a peu de ports français parmi les cinquante premiers mondiaux.

Il faut y remédier, mettre un terme aux conflits sociaux, améliorer la compétitivité en réduisant les coûts, en gardant en tête que le transport maritime représente 80 % du commerce.

Le rapporteur a pris en compte cet esprit de souplesse. J'appelle aussi à des investissements technologiques dans nos ports. (Applaudissements au centre et à droite)

présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État .  - Je remercie tous les intervenants.

Deux questions de fond se posent : la sécurité d'un port - à cet égard, le professionnalisme des dockers est un atout que personne ne conteste - la concurrence d'autre part. Encore faut-il que la concurrence soit loyale.

Or les salariés ont été inquiets face à la remise en cause de leur statut. Dans le même temps, les entreprises se plaignaient de la concurrence déloyale liée au dumping social pratiqué par certains.

Deux issues étaient possibles : la loi de la jungle ou un accord.

Nous ne travaillons pas à partir d'une page blanche, mais d'un conflit, réglé par un accord signé par tous les partenaires sociaux, patronat compris. Tel est le contexte. Ce cas de figure risque d'ailleurs de se reproduire. Que doit faire alors le Parlement si les gens sont d'accord ? Alors député d'opposition, j'étais réticent à l'introduction de la rupture conventionnelle dans le droit du travail, mais je m'y suis rallié, puisqu'elle découlait d'un accord majoritaire. En matière de démocratie sociale, il ne faut pas seulement être croyant, mais aussi pratiquant ! Le pragmatisme, madame Bouchart, c'est d'entériner cet accord. Certes, la légitimité appartient au Parlement et à lui seul. Mais le débat est politique. Dès lors que les partenaires sociaux se prennent en main, accompagnons-les. La commission du développement durable fait fausse route. Le Gouvernement défendra le rétablissement du texte de l'Assemblée nationale.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Les articles premier et 2 sont successivement adoptés.

ARTICLE 3

Mme la présidente.  - Amendement n°6, présenté par Mme Herviaux et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 4

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« Les entreprises ou les groupements d'entreprises mentionnés au premier alinéa du présent article recrutent (le reste sans changement)

Mme Odette Herviaux.  - Cet amendement substitue les termes « entreprises ou groupements d'entreprises » à ceux « d'entreprises de manutention portuaire ou leurs groupements ». Cette modification n'est pas simplement rédactionnelle, mais corrige une incohérence.

M. Michel Vaspart, rapporteur.  - Je donnerai un avis défavorable aux neuf amendements tendant à rétablir le texte de l'Assemblée nationale. La commission a voulu se limiter aux modifications rendues nécessaires pour mettre fin à l'insécurité juridique liée à la suppression du statut de docker intermittent - qui est à l'origine de la crise de Port-la Nouvelle. Nous ne remettons pas en cause le travail des dockers, ni le dialogue qui a été mené. Mais nous attendons encore une étude d'impact économique... Beaucoup sont inquiets de l'impact de cet accord sur la compétitivité de nos ports.

Les us et coutumes varient d'un lieu à l'autre. Aucune urgence ne nous impose d'agir comme le souhaite le Gouvernement.

Nos ports ont besoin de stabilité. Quant au Parlement, il n'est pas une chambre d'enregistrement.

Avis défavorable à l'amendement n°6, sans lien avec le conflit de Port-la Nouvelle, dont la résolution même est l'objet de ce texte.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Favorable.

M. Hervé Maurey, président de la commission.  - Monsieur le ministre, le débat n'est pas que politique, il est institutionnel ! Si le Parlement n'a d'autre rôle que d'entériner des accords signés ailleurs, à quoi sert-il ? Pourquoi ne déposez-vous pas un amendement, monsieur le ministre, pour disposer que tout accord social a force de loi ! J'ajoute que cette proposition de loi n'en est pas une, elle a tous les traits d'un projet de loi. Je ne peux accepter que l'on traite ainsi le Parlement. (« Très bien ! » et Applaudissements au centre et à droite)

De plus, à aucun moment, vous n'avez prononcé le mot d'économie. Une étude d'impact aurait été nécessaire pour évaluer les conséquences de l'application de ce texte sur les entreprises, sur l'emploi... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jérôme Bignon.  - Très bien !

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Je m'étonne de ces propos. Je crois avoir été clair : la légitimité appartient au Parlement et à lui seul. Personne ne remet en cause le vote par lequel vous allez vous prononcer. Mais vous ne pouvez éluder le débat politique.

Vous nous reprochez de ne pas parler d'économie. Je reconnais bien le cliché usuel, s'agissant d'un Gouvernement dirigé par des gens de gauche ! Mais à ce jugement sans nuance, à la caricature, je préfère le respect des accords des partenaires sociaux, patronat compris.

Lors du conflit du Port-la Nouvelle, on ne vous a d'ailleurs pas entendu proposer de solutions.

Intérêts économiques et avancées sociales vont bien entendu de pair ici. La désignation d'un groupe de travail par M. Cuvillier visait à résoudre un conflit frontal.

Ce ne fut pas simple : deux mois de travail, trente réunions...

Ne prenons pas le risque de le rouvrir. L'apaisement, la paix sociale, une concurrence loyale sont, à l'évidence, autant d'éléments bénéfiques pour l'économie. (« Très bien ! » et applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Filleul.  - Nous ne comprenons pas le procès d'intention fait au Gouvernement. Jamais le ministre n'a tenu les propos que vous lui prêtez. En commission, nous avons été plusieurs à prendre nos distances à l'égard du rapport, en marquant combien il importait de tenir compte du résultat de la négociation sociale.

Oui, cet accord est nécessaire ; il sécurise le statut des dockers, tout en respectant des particularités locales. Cette diversité est essentielle. Nous ne partageons pas les propos du président de la commission et du rapporteur, empreints d'un certain dogmatisme. (Applaudissements à gauche)

Mme Odette Herviaux.  - Fiabilité et compétitivité, tels sont les deux principes qui ont guidé ce texte. Il s'agit bien de développement économique.

L'amendement n°6 est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

L'article 4 est adopté

ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Castelli, Collin, Collombat, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.

I.  -  Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 5343-6.  -  Les ouvriers dockers occasionnels sont les ouvriers dockers qui, afin d'exercer les travaux de manutention portuaire mentionnés à l'article L. 5343-7 du présent code, concluent avec une entreprise ou avec un groupement d'entreprises un contrat de travail à durée déterminée en application du 3° de l'article L. 1242-2 du code du travail et régi par la convention collective nationale unifiée applicable aux entreprises de manutention portuaire. 

II.  - Alinéa 2

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« Les ouvriers dockers occasionnels constituent pour les entreprises ou les groupements d'entreprises mentionnés au premier alinéa de l'article L. 5343-3 du présent code...

Mme Mireille Jouve.  - Cet amendement rétablit le texte de l'Assemblée nationale qui définit l'ouvrier docker occasionnel par rapport au contrat à durée déterminée dit d'usage conclu avec l'entreprise de manutention et régi par la convention collective nationale unifiée dont ces ouvriers dockers sont actuellement bénéficiaires.

Le rapporteur refuse de privilégier les dockers occasionnels par rapport aux intérimaires. J'estime, pour ma part, vu la dangerosité de la manutention, qu'il y faut une qualification spécifique.

M. le président.  - Amendement identique n°7, présenté par Mme Herviaux et les membres du groupe socialiste et républicain.

Mme Odette Herviaux.  - Même amendement. Il est nécessaire de conforter la définition des dockers occasionnels, main d'oeuvre d'appoint essentielle.

M. Michel Vaspart, rapporteur.  - La définition du statut des dockers risque de mettre en péril de nombreuses entreprises. Une étude d'impact aurait été nécessaire. Nous ne pouvons, une nouvelle fois, que déplorer son absence. Avis défavorable. Le dogmatisme n'est pas dans mes gênes, Monsieur Filleul, preuve en est que j'ai changé d'avis sur ce texte, au fur et à mesure des nombreuses auditions que j'ai tenues. Je comptais d'ailleurs, au départ, vous proposer un vote conforme. Il faut distinguer le conflit de Port-la-Nouvelle de la situation générale dans nos ports.

Le dialogue social, Monsieur le Ministre, a parfois eu pour effet de rendre nos entreprises non compétitives, en partie dans le secteur des transports.

À la demande de la commission, les amendements identiques nos2 rectifié et 7 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°17 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l'adoption 153
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

À la demande de la commission, l'article 5 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°18 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 216
Contre 124

Le Sénat a adopté.

ARTICLE 6 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Castelli, Collin, Collombat, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L'article L. 5343-7 du code des transports est ainsi rédigé :

« Art.  L. 5343-7.  -  Afin de garantir la sécurité des personnes et des biens, un décret en Conseil d'État détermine les travaux de chargement et de déchargement des navires et des bateaux dans les ports maritimes de commerce qui sont prioritairement effectués par des ouvriers dockers appartenant à l'une des catégories définies à l'article L. 5343-2.

« Toutefois, les conditions dans lesquelles sont effectués les travaux de chargement et de déchargement des navires et des bateaux pour le compte propre d'un titulaire d'un titre d'occupation domaniale comportant le bord à quai sont fixées conformément à une charte nationale signée entre les organisations d'employeurs et de salariés représentatives du secteur de la manutention portuaire, les organisations représentatives des autorités portuaires et les organisations représentatives des utilisateurs de service de transport maritime ou fluvial. »

Mme Mireille Jouve.  - Le rapporteur a proposé la suppression de l'article au motif que celui-ci déborde largement la question de l'insécurité juridique et remet en cause des équilibres fragiles. C'est une erreur, me semble-t-il : en maintenant le droit existant sur les « lieux à usage public » par exemple, on risque de rallumer des conflits. Il est utile de rappeler que les dockers garantissent la sécurité des personnes et des biens. Cela ne contrevient en rien au droit européen.

Cet article met en oeuvre une charte nationale qui est issue d'une concertation poussée et d'un dialogue fructueux des partenaires sociaux ; il ne remet pas non plus en cause les équilibres actuels, puisqu'il ne vaut que pour les nouvelles implantations. La charte est un mécanisme souple qui peut être adapté port par port. Pourquoi se priver d'un dispositif approuvé par une majorité des partenaires sociaux ?

M. le président.  - Amendement identique n°8, présenté par Mme Herviaux et les membres du groupe socialiste et républicain.

Mme Odette Herviaux.  - La définition d'un périmètre d'activité réservé aux dockers est nécessaire pour garantir la sécurité des personnes et des biens. Il est essentiel que la loi reconnaisse le caractère d'intérêt général de leur activité. Nous nous conformons ainsi au droit européen.

Concilier la priorité d'emploi des dockers et la liberté d'entreprise exclut de poser une règle impérative. La charte est une solution souple, signée par les syndicats de dockers, les employeurs comme par les représentants des utilisateurs. Des négociations auront lieu port par port, pour prendre en compte les réalités locales.

Le dialogue social mérite d'être encouragé.

M. Michel Vaspart, rapporteur.  - Ces sujets excèdent le problème de l'insécurité juridique. Contrairement à l'Espagne et la Belgique, aucune mise en demeure n'a été adressée à la France par la Commission européenne. Ces mesures sur les notions obsolètes de « poste public » et de « lieu à usage public » relèvent d'ailleurs du règlement.

Des discussions auront lieu en 2016 sur les qualifications requises, au niveau européen. Pourquoi nous précipiter ?

La charte n'est qu'une astuce pour contourner le droit européen, mais même certains de ses fervents défenseurs sont sceptiques sur sa mise en oeuvre.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Avis favorable. Effectivement, aucune procédure n'a été lancée par la Commission européenne.

Le Parlement aurait pu participer au suivi de l'application de la charte. Il n'eût pas non plus été choquant que le législateur ajoutât au texte, par exemple sur la formation professionnelle. Mais pourquoi faire fi de l'accord ?

À la demande de la commission, les amendements identiques nos3 rectifié et 8 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°19 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l'adoption 153
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article 6 demeure supprimé.

ARTICLE 7

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Castelli, Collin, Collombat, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.

Rédiger ainsi cet article :

La section 1 du chapitre III du titre IV du livre III de la cinquième partie du code des transports est complétée par un article L. 5343-7-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 5343-7-1.  -  Pour les travaux de manutention portuaire auxquels s'applique la priorité d'emploi des ouvriers dockers, les entreprises ou les groupements d'entreprises mentionnés au premier alinéa de l'article L. 5343-3, lorsqu'ils n'emploient pas uniquement des ouvriers dockers professionnels mensualisés, ont recours en priorité aux ouvriers dockers professionnels intermittents, tant qu'il en existe sur le port, puis, à défaut, aux ouvriers dockers occasionnels. »

Mme Mireille Jouve.  - Ce amendement de conséquence n'a plus lieu d'être...

L'amendement n°4 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement identique n°9, présenté par Mme Herviaux et les membres du groupe socialiste et républicain.

Mme Odette Herviaux.  - Pourquoi avoir supprimé l'article 6 ? Faut-il toujours attendre une injonction de Bruxelles avant de prendre l'initiative ? Je maintiens mon amendement.

M. Michel Vaspart, rapporteur.  - Avis défavorable, par cohérence. Si la France peut éclairer l'Europe, l'inverse est également vrai !

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

À la demande de la commission, l'amendement n°9 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°20 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 153
Contre 188

Le Sénat n'a pas adopté.

À la demande de la commission, l'article 7 est mis aux voix par scrutin public. (Exclamations à gauche)

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°21 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 187
Contre 154

Le Sénat a adopté.

L'article 8 est adopté.

ARTICLE 9 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par Mme Jouve, MM. Amiel, Castelli, Collin, Collombat, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la mise en oeuvre de la charte nationale mentionnée au second alinéa de l'article L. 5343-7 du code des transports. 

Mme Mireille Jouve.  - Cet amendement, qui prévoyait que le Gouvernement remette un rapport sur la mise en oeuvre de la charte nationale prévue à l'article 6, n'a plus lieu d'être non plus...

Les amendements identiques nos5 rectifié et 10 sont retirés.

L'article 9 demeure supprimé.

Interventions sur l'ensemble

Mme Odette Herviaux .  - Je pensais que cette proposition de loi ne soulèverait aucun problème ; elle a fait l'objet en effet d'un long travail en amont, du rapport Bonny, d'un accord social qui a débouché sur des équilibres subtils. Nous avons tenté de rassurer le rapporteur sur la déclinaison locale de la charte, la non-remise en cause des travaux de manutention, le maintien des exceptions... Rien n'y a fait.

C'est donc avec tristesse que le groupe socialiste et républicain votera contre un texte qui ne ressemble plus à l'accord signé par les partenaires sociaux. Le vote du Sénat sera un mauvais signal au moment où les appels au dialogue se multiplient pour éviter des débordements. Le dessin à la une du Monde d'aujourd'hui vous donnera une idée de ce que je pense des risques liés à l'absence ou au mépris du dialogue social...

présidence de Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente

Mme Évelyne Didier .  - Le dialogue social doit être encouragé dans notre pays, ce qui ne revient pas à dire que le Parlement n'a aucun rôle à jouer. Dommage que le Sénat ait refusé d'accompagner les partenaires sociaux.

Quant à la protection des salariés, ce n'est pas un gros mot ! N'en avons-nous pas nous-mêmes, des protections ? Il faut se réjouir d'être dans une société qui protège encore les salariés. Le statut des dockers existe, il est juste. Nous avons manqué une occasion de le conforter. (Applaudissements à gauche)

M. Michel Vergoz .  - Le Sénat, s'il entérinait un accord social, serait réduit à une chambre d'enregistrement ? Cet argument me choque, d'autant que j'ai vu beaucoup de rapporteurs défendre des amendements soufflés par des groupes économiques zélés... Nous étions, alors, une bande enregistreuse... C'est pire. Je suis sidéré par le cynisme, les postures caricaturales de certains.

Quand des syndicats, des patrons tombent d'accord, en harmonie avec des parlementaires, c'est magnifique ! Et il faudrait s'en plaindre ? La France a la deuxième façade maritime au monde...

Mme la présidente.  - Veuillez conclure...

M. Michel Vergoz.  - Un dernier mot : pensez aussi aux petits ports d'outre-mer.

M. Ronan Dantec .  - La représentation nationale est à contretemps. Dans la crise d'Air France, on déplore l'absence de dialogue social, ici on détricote un accord... C'est une erreur politique. Ce vote ne changera rien, l'Assemblée nationale reviendra à son texte. S'il y avait des problèmes dans quelques ports, pourquoi n'avoir pas formulé des propositions complémentaires ?

Notre débat a conforté la caricature de l'incapacité française à produire du consensus social.

M. Daniel Gremillet .  - Je voterai pour. La France, avec le second espace maritime mondial, ne peut faire l'impasse sur la question de sa compétitivité, surtout à quelques semaines de la COP21, et vu la place du transport maritime dans le commerce mondial.

Mme Mireille Jouve .  - La commission ayant vidé le texte de sa substance, je voterai contre, comme la majorité du groupe RDSE.

M. Gérard Cornu .  - Je m'étonne des propos que j'ai entendus, surtout de la part de parlementaires aguerris. Nous ne sommes pas à la solde du Medef, ni des syndicats, (mouvements divers à gauche) c'est à nous de légiférer ! Si le rapporteur - que je félicite pour son excellent premier rapport (M. Jean-Claude Lenoir approuve) - a proposé des amendements c'est parce qu'il a mené des auditions, rempli son rôle de parlementaire. Ce n'est pas parce que les partenaires sociaux sont tombés d'accord que nous devons renoncer à légiférer. (Marques d'approbation à droite)

M. Michel Vergoz.  - Personne ne l'a dit !

M. Gérard Cornu.  - Nous sommes les représentants du peuple, c'est à nous de décider ! (Applaudissements à droite)

M. Michel Canevet .  - Le groupe UDI-UC votera ce texte. Cynisme ? Caricature ? Ces mots vont trop loin. L'accord n'a pas fait consensus. Le dialogue social ne se décrète pas, il se vit au quotidien dans chacun des ports. N'oublions pas l'impératif de compétitivité face à la concurrence internationale, si nous voulons que la France occupe la place qui doit être la sienne. C'est ce que le rapporteur, que je salue, a bien compris.

Il faut faire confiance aux acteurs de terrain. Ne prenons pas de décisions à l'emporte-pièce, au risque d'aggraver les choses.

M. Michel Vaspart, rapporteur .  - Je comptais d'abord vous proposer un vote conforme, mais les auditions m'ont fait douter. Nous ne disposions d'aucune étude d'impact, en particulier du fameux article 6. C'est pourquoi j'ai souhaité dissocier le problème juridique lié au conflit de Port-la-Nouvelle du reste. Je remercie la majorité sénatoriale de m'avoir suivi.

Il n'y a là aucun dogmatisme. Chef d'entreprise de 250 salariés pendant vingt ans, je n'ai jamais été confronté à mouvement social. Je n'ai pas de leçon à recevoir. Et je suis trop libre d'esprit.

Nos ports méritent un vrai projet de loi, que le Gouvernement pourrait nous proposer en 2016. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État .  - Vous dites avoir changé d'avis, monsieur le rapporteur, en raison de problèmes locaux. Et vous renoncez à les résoudre ? Cela vous satisfait-il ?

Nous avons beaucoup parlé de l'organisation républicaine de notre pays. Elle implique d'abord que les mêmes règles vaillent pour tous. S'imposer, à l'inverse, le respect de la diversité des règles sociales risque d'aboutir à de curieux résultats...

Il n'y a pas de conflit de légitimité. Il appartient au Parlement, et à lui seul, de dire aux partenaires sociaux qu'il respecte leur travail. En en faisant fi, il prend le risque de rallumer les conflits sociaux.

Sans doute avez-vous été contacté par des employeurs mécontents de l'accord - moi aussi. Certains salariés, de leur côté, auraient voulu des règles plus rigides. Selon nous, il faut respecter les représentants des corps intermédiaires - sauf à ce que le Parlement devienne, non une chambre d'enregistrement, mais une chambre d'appel pour ceux qui refusent les accords majoritaires. (Applaudissements à gauche)

À la demande de la commission, l'ensemble de la proposition de loi est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°22 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 188
Contre 154

Le Sénat a adopté.

M. Hervé Maurey, président de la commission .  - Merci au Sénat, au rapporteur qui a fait un très important travail pour ce premier rapport, au ministre pour sa patience... vis-à-vis de ses amis politiques !

M. Jean-Jacques Filleul.  - Attaque gratuite !

M. Hervé Maurey, président de la commission.  - Une divergence de fond nous oppose. Selon nous, le Parlement n'a pas à être une chambre d'enregistrement du dialogue social - qui n'est pas toujours garant de l'intérêt économique ni même de l'intérêt général ; j'en ai de multiples exemples, notamment dans les transports...

Aucun dogmatisme de notre part : nous avons remédié à ce qui a occasionné la crise de Port-la-Nouvelle sans remettre en cause les équilibres hérités des lois Le Drian et Bussereau.

Enfin, monsieur le ministre, vous ne m'avez pas répondu sur le fait que nous manquions cruellement d'études d'impact. Nous attendons un vrai texte qui en soit assorti. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Bravo !

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État.  - Il faudrait que la droite de l'Assemblée nationale et celle du Sénat se mettent d'accord... À l'Assemblée nationale, les députés d'opposition se sont abstenus ; j'ai entendu ici des propos plus radicaux.

Personne n'a parlé de chambre d'enregistrement. C'est une position politique que vous avez exprimée, et qui nous sépare. Je suis déterminé à faire aboutir ce texte. Je suis optimiste et ne renonce pas à vous convaincre, car je crois à la force de nos arguments. (Applaudissements à gauche)