Agressions sexuelles sur mineurs

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à rendre effective l'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs lorsqu'une personne a été condamnée pour des agressions sexuelles sur mineur.

Discussion générale

Mme Catherine Troendlé, auteur de la proposition de loi .  - En début d'année, coup sur coup, deux affaires - l'une dans l'Isère, l'autre dans l'Ille-et-Vilaine - sont venues rappeler que des violences sexuelles perpétrées à l'encontre de mineurs à l'école constituent une cruelle actualité. Les faits commis dans ces lieux censés protéger les enfants l'ont été par des éducateurs condamnés pour des faits de violence ou de pédophilie. Le 24 mars 2015, l'Éducation nationale et la Chancellerie annonçaient une mission conjointe. Ses conclusions : le manque de transmission de l'information.

Si des dispositions ont été inscrites dans la loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne pour y remédier, on sait le sort que leur a fait le Conseil constitutionnel. D'où cette proposition de loi parallèle à celle de Pierre Lellouche à l'Assemblée nationale. Où se situent les dysfonctionnements ? La mauvaise application de la circulaire du 26 août 1997. Malgré une libération de la parole sur ces agissements criminels, et malgré des dispositions du code pénal et de celui de l'action sociale et de la famille, il a encore fallu prononcer la révocation de seize enseignants en 2014. L'Éducation nationale n'est pas seule en cause. On a vu un directeur de centre équestre dans l'Eure, condamné en 2007, récidiver.

Il y a désormais urgence à interdire aux personnes condamnées pour agressions sexuelles contre mineurs à intervenir auprès d'enfants. L'Assemblée nationale ayant légiféré sur ce sujet lors de la loi transposant la directive sur la procédure pénale, on peut considérer que cette proposition de loi est en deuxième lecture. De fait, le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions au motif qu'elles constituent un cavalier législatif. C'est une évidence pour les 76 signataires de cette proposition. Mme la garde des sceaux, je suis déçue que vous ayez refusé d'engager la procédure accélérée comme vous l'avait demandé le président Larcher. Est-ce à dire que vous voulez privilégier votre texte ? (On renchérit à droite) Il n'en est qu'au stade de l'examen par le Conseil d'État.

Je veux saluer tous ceux qui oeuvrent auprès des enfants. Ce texte a pour seul but d'en éloigner les prédateurs. Je remercie vivement le rapporteur Zocchetto d'avoir rendu mon texte efficace et constitutionnel. Madame la garde des sceaux, je vous invite, au bénéfice de ce plaidoyer, à soutenir le Sénat. (Applaudissements à droite et au centre)

M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois .  - Trois mois après l'échec de la CMP sur la loi transposant la directive sur la procédure pénale, nous voici réunis pour discuter de dispositions censurées par le Conseil constitutionnel. Celui-ci nous a donné raison en invalidant 27 articles de ce texte. Cette décision a une portée symbolique : elle montre que le Sénat ne peut pas être privé de son droit de discussion.

Je salue l'initiative de Mme Troendlé. Vous savez combien l'affaire est délicate : nous devons tenir une ligne de crête entre protection de l'enfance et présomption d'innocence. À cet égard, le texte de Mme Troendlé est plus intéressant que celui de juillet : il vise les seules personnes reconnues coupables et non celles faisant l'objet d'une procédure en cours - ce qui serait une entorse à la présomption d'innocence.

Dans notre droit existent des peines complémentaires, dont l'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole en contact avec les mineurs. Elle est peu prononcée : en 2013, 86 fois sur 2 978 condamnations pour agressions sexuelles contre mineurs et 74 fois sur 1 600 condamnations pour mise en péril de mineurs. Le parquet général de Versailles a donné instruction d'en rendre le prononcé automatique. Nous le suivons en inversant la logique : la peine complémentaire sera prononcée sauf décision motivée du juge, qui pourra décider si elle est temporaire ou définitive.

Pour l'information, nous reprenons largement l'article 30 de la loi transposant la directive sur la procédure pénale. J'entends bien, des affaires passeront encore au travers de ce tamis. Cependant, le parquet aura la faculté de saisir un juge d'instruction si les faits sont graves.

Enfin, nous avons supprimé l'article 5 et renommé le texte de la proposition de loi dans laquelle nous avons réintroduit des dispositions de la loi de transposition.

Madame la garde des sceaux, je ne comprendrais pas que vous nous refusiez votre soutien quand Mme Vallaud-Belkacem et vous-même voulez aller vite après les événements de mars. Saisissez donc l'occasion et reprenez cette initiative parlementaire de la sénatrice Troendlé et du député Lellouche. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Nul besoin de revenir à mon tour sur les faits tragiques qui nous ont conduits à réagir avec diligence en proposant, dans la loi de transposition, des dispositions pour améliorer la fluidité de la transmission d'informations sur les auteurs d'agressions sexuelles travaillant auprès de mineurs.

Il ne s'agissait pas de « précipitation », mais nous avons agi avec diligence. Mission d'inspection conjointe, réunion des parquets généraux et des recteurs, réunion d'information au sein de la direction des affaires criminelles et des grâces, élaboration d'un guide méthodologique, assistance auprès des magistrats et des greffiers mais aussi lien avec le ministère de l'intérieur pour des alertes informatiques dès la garde à vue. Nous avons oeuvré et pris, dès le 6 septembre 2015, une circulaire pour rappeler la procédure à droit constant. Il en existait déjà trois, depuis celle de 1997.

Reste que la transmission d'informations percute des principes de notre droit, dont le secret de l'instruction et la présomption d'innocence. D'où la nécessité d'en passer par la loi. Avec les parlementaires, nous avions trouvé ce chemin de crête extrêmement étroit entre protection de l'enfance et présomption d'innocence. Nulle défiance envers le législateur, donc. Cependant, je ne peux donner un avis favorable à ce texte. (On se récrie à droite)

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - Qu'allez-vous expliquer aux parents ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Laissez-moi quelques minutes pour exposer mes arguments. Je remercie Mme Troendlé de son engagement, mes services ont travaillé avec elle. Nous sommes très attentifs aux propositions des parlementaires.

La directive en cause oblige les États à transmettre des informations en cas d'agressions sexuelles sur mineurs. Le Gouvernement ne tenait donc pas pour des cavaliers législatifs les dispositions votées dans la loi la transposant. Le Conseil constitutionnel en a jugé autrement, je n'ai rien à ajouter.

Le problème vient du fait que cette proposition de loi contient des dispositions que le Gouvernement a écartées. À l'article premier, vous rendez automatique le prononcé de la peine complémentaire. Or cela va à l'encontre du principe d'individualisation des peines. Les chiffres cités par le rapporteur ne sont pas probants car trop globaux et ne distinguant pas les cas des personnes en contact avec des mineurs. M. Zocchetto l'a dit lui-même : le parquet général de Versailles a donné des instructions claires mais nous ne souhaitons pas l'automaticité que vous réclamez, d'autant que bien des agressions sexuelles sur mineurs sont commises par des auteurs qui ne travaillent pas en contact avec des enfants.

Idem pour l'information à l'article 3 : vous rendez la transmission automatique uniquement en cas de condamnation. Or nous voulons que cette transmission puisse être faite dès le stade de l'enquête à partir d'éléments tangibles.

Mme Catherine Troendlé, auteur de la proposition de loi.  - Et la présomption d'innocence ? C'est compliqué.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Non, ce n'est pas compliqué ; c'est clair et lumineux. (Protestations à droite)

M. Hubert Falco.  - C'est vous qui le dites !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Vos réactions m'étonnent quand nous avons tous le souci de protéger les enfants. Dans le même temps, nous avons rappelé ce qu'encourent les agents de l'administration en cas d'usage abusif de ces informations judiciaires. S'il était si simple d'écrire la loi, elle s'écrirait d'un trait de plume. Ce n'est pas le cas, à preuve les désaccords entre Mme Troendlé et M. Zocchetto. C'est la raison pour laquelle nous avons transmis notre projet de loi au Conseil d'État qui nous le restituera à la fin du mois, sécurisé et validé. Le calendrier sera donc rapide, davantage peut-être qu'avec votre proposition de loi. (On le nie à droite) Vous aviez la faculté de soumettre votre texte au Conseil d'État, vous ne l'avez pas fait. Rien ne serait plus désastreux de voir un texte protégeant les enfants invalidé par une question prioritaire de constitutionnalité. J'en serais fort marrie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ainsi que du RDSE)

M. Alain Gournac.  - C'est lumineux ! (Sourires à droite)

M. Michel Amiel .  - Si la loi de notre pays ne saurait être dictée par des faits divers, nous devons corriger des dysfonctionnements quand ils sont aux dépens des êtres particulièrement vulnérables que sont les enfants.

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - Exactement !

M. Michel Amiel.  - Les constats dressés par la mission conjointe de l'Éducation nationale et de la Chancellerie après les événements survenus à Villefontaine et Orgères sont sévères : mauvaise transmission de l'information concernant des personnes condamnées. Et les inspections d'ajouter que de tels faits pourraient se reproduire.

Nous cherchons à déjouer cette prédiction avec cette proposition de loi. Des vies peuvent être détruites par des accusations infondées. Aussi faut-il veiller au respect de la présomption d'innocence. C'est ce à quoi s'est employé notre rapporteur. Néanmoins, les affaires d'Orgères et de Villefontaine mettent d'abord en lumière des difficultés purement administratives.

Les parents doivent avoir l'esprit apaisé quand ils déposent leur enfant chez des assistants maternels. Or le renouvellement de l'agrément est automatique. L'article 4 de ce texte donnera aux départements plus de moyens pour mener à bien leur mission de contrôle.

Le groupe RDSE soutiendra ce texte dans la ligne de la Convention de Genève, qui apportera aux enfants un surcroît de protection. Espérons qu'il ne se perde pas dans les méandres de la procédure législative ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, au centre et à droite)

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - Très bien !

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - Merci à Mme Troendlé de son initiative, il m'est apparu naturel de cosigner sa proposition de loi. La République, à défaut de pouvoir sanctuariser le territoire, doit protéger des délinquants sexuels les lieux où elle exerce sa tutelle. Ce texte apaisera également les enseignants.

Environ un enfant sur cinq est victime de violences sexuelles en Europe. Nous devons tout faire pour réduire ce chiffre. Dans la très grande majorité des cas, l'agresseur est connu de l'enfant. Il a même sa confiance et son affection.

Nous connaissons les taux de récidive : 13,4 % après cinq ans, et 24 % après dix ans. Si ces chiffres ne concernent pas seulement les agressions sexuelles sur les enfants, ils sont terribles.

N'oublions pas les conséquences dramatiques des violences sexuelles sur les enfants : dépression, interruption de la scolarité, suicide. Il faut donc renforcer leur protection en interdisant aux auteurs d'agressions d'exercer une activité professionnelle ou bénévole auprès d'enfants et en notifiant sans délai cette décision à leur employeur.

Je voterai le texte de Mme Troendlé, vous l'aurez compris, même modifié par la commission des lois. (Applaudissements à droite)

Mme Éliane Assassi .  - Nous examinons ce texte après deux affaires particulièrement sordides intervenues dans l'Isère et l'Ille-et-Vilaine. La proposition de loi dans sa rédaction initiale ne nous semblait pas acceptable. Les articles premier et 2 étaient contraires au principe de l'individualisation des peines. Quant à l'article 3, le groupe CRC avait suivi le rapporteur Zocchetto quand il avait défendu l'exception d'irrecevabilité lors du projet de loi de transposition de la directive. Cependant, la commission des lois s'est efforcée d'établir un équilibre entre protection de l'enfance et respect des grands principes constitutionnels que sont la présomption d'innocence et l'individualisation des peines, et a veillé au respect du secret de l'instruction.

Quid des moyens toutefois ? Les conclusions des deux inspections semblent sans appel... Les difficultés sont liées à des problèmes d'organisation, au manque de moyens informatiques, à l'absence de tout dispositif d'alerte structuré. La perte d'informations nous place dans un climat d'incertitude glaçante.

Faut-il légiférer ? Ce texte est en réalité un texte de surenchère, alors que le Gouvernement a rédigé un projet de loi et l'a transmis au Conseil d'État, après avoir envoyé une circulaire aux procureurs et aux recteurs pour leur demander de mettre en place des personnels référents.

La confusion le dispute à l'émotion. Le président Larcher a demandé au Premier ministre l'engagement de la procédure accélérée. Voilà qui est étonnant pour l'ardent défenseur du bicamérisme qu'il est... Nous devons réfléchir calmement à ce problème grave, à charge pour le Gouvernement de reprendre les recommandations des inspections générales.

Si nous ne sommes pas opposés au texte de la commission des lois, le contexte et l'absence de moyens nous invitent à l'abstention. (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen et écologiste)

M. Jacques Bigot .  - Nul ici ne peut considérer que notre dispositif ne peut être amélioré. Les faits de Villefontaine et Orgères sont intolérables. Encore faut-il savoir comment agir.

L'éducateur en cause dans l'Isère avait été condamné en 2006 pour avoir regardé des films pédopornographiques... L'éducation nationale aurait pu envisager une procédure disciplinaire et sanctionner, y compris jusqu'à la radiation, si elle avait été informée. Malheureusement le cloisonnement entre administrations sur nos territoires est connu, il arrive même que ce soient les élus locaux qui fassent le lien... (On approuve à droite) L'article 3 de la proposition de loi ne suffit pas à répondre au cas que je viens de citer.

La circulaire du 16 septembre dernier a institué des référents justice dans les rectorats et de l'éducation nationale dans les parquets pour fluidifier la transmission d'information. Quelqu'un est placé en garde à vue à 6 heures du matin - tout le monde le sait ; et le procureur n'aurait pas le droit de communiquer ? La circulaire va plus loin que la proposition de loi et précise qu'en cours de procédure, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, le secret n'est pas opposable au ministère public qui peut apprécier l'opportunité de communiquer des informations. La communication entre procureur et juge est déjà malaisée ; ici on va plus loin avec une communication à un autre ministère. La protection des mineurs sera mieux assurée par le texte du Gouvernement. Mieux vaut attendre l'avis du Conseil d'État, qui sera déterminant pour trouver la ligne de crête entre protection de l'enfance et présomption d'innocence.

Votre proposition de loi en revient aux peines plancher. En République, il faut faire confiance aux juges, respecter le principe d'individualisation des peines. À chaque fois qu'une institution en critique une autre, c'est la République qui est atteinte. Peut-être les parquets ne sensibilisent pas assez dans leurs réquisitions, mais les choses avancent.

Le Comité des droits de l'enfant des Nations unies relève que la France ne prend pas suffisamment en compte l'enfance dans ses politiques publiques. Il faut avant tout travailler sur la formation des intervenants, le contrôle, la sensibilisation, la communication des informations - il y a huit jours, vous avez refusé la transmission entre départements sur la situation des parents d'enfants mineurs. Je ne comprends pas ici votre précipitation.

Mme Catherine Troendlé, auteur de la proposition de loi.  - Précipitations ? Le texte a été déposé en mai !

M. Jacques Bigot.  - Le président Larcher a demandé la procédure accélérée pour remédier, dit-il, aux lacunes de notre législation pénale. Le problème est ailleurs... On sait que la déviance d'un adulte qui consulte des images pédophiles peut le conduire à d'autres actes, qu'il doit être traité rapidement...

L'interdiction définitive d'exercer, de toute façon impossible, n'est pas la solution. La solution, c'est la communication entre administrations - le cadre légal existe, plutôt que des peines plancher. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste)

M. David Rachline .  - Il a fallu attendre des drames terribles pour s'intéresser à la défense des enfants... Les affaires récentes sont révélatrices des failles et des dysfonctionnements du système, dans le domaine qui nous occupe comme dans d'autres.

Il est bon de vouloir garantir la mise à l'écart des personnes condamnées pour infractions sexuelles, mieux coordonner les administrations, prévoir l'automaticité des peines et des procédures réalistes, respectueuses des droits de la défense. Les violences sexuelles touchent 260 000 personnes chaque année, les victimes sont à 80 % des mineurs et, dans 94 % des cas, l'auteur des violences est issu du cercle des proches. Le phénomène touche toute la société. Si ce texte va dans le bon sens, il faut renforcer la prévention : mieux suivre les délinquants, promouvoir un climat plus serein dans l'espace public, élargir les pouvoirs du maire pour interdire la diffusion de films de nature à perturber un public mineur... Quand la ministre de la culture s'acharne à contester la décision du tribunal administratif interdisant aux moins de 18 ans le film pornographique Love ; quand la région Paca socialiste subventionne des expositions avec des dessins représentant des scènes de pédophilie, de pédopornographie, de zoophilie, comme récemment à Marseille, quel signal donnons-nous ?

Notre responsabilité est grande. Je nous invite à avoir une vision cohérente, pour le bien de nos enfants et de la société toute entière.

Mme Élisabeth Doineau .  - Les enfants représentent l'avenir ; permettre à chacun d'eux de se développer dans les meilleures conditions est déterminant.

La semaine dernière nous examinions la proposition de loi Dini-Meunier sur la protection de l'enfance. La semaine prochaine ce sera le texte de Mme Giudicelli sur la signalisation des situations de maltraitance. Je félicite tous mes collègues qui cherchent à mettre la défense des enfants à la lumière.

Après les affaires Bastien et Marina, les affaires de Villefontaine et Orgères ont révélé les dysfonctionnements du système ; l'organisation des relations entre l'autorité judiciaire et l'administration de l'éducation nationale est défaillante. La proposition de loi de Mme Troendlé, que j'ai cosignée, apporte des réponses fortes. La protection de l'enfance est l'école de la rigueur, de la volonté ; elle demande une attention toute particulière. Peut-être en Mayenne avons-nous une fibre particulière... La plus grande fermeté est de mise dans la lutte contre les crimes sur mineurs ; nous devons la concilier avec le respect des libertés individuelles et de l'ordre constitutionnel, par un dispositif offrant la plus grande sécurité juridique.

Le texte initial rendait systématique l'interdiction définitive d'exercer auprès des mineurs. Notre rapporteur a souligné avec raison que cela était contradictoire avec le principe d'individualisation des peines - ce qui n'interdit pas les peines obligatoires, pourvu que le juge puisse y déroger et qu'elles soient proportionnées. La commission des lois, dans la recherche du juste équilibre et par réalisme, a aussi modifié l'article 3 : seules les activités placées sous le contrôle direct ou indirect de l'autorité administrative sont visées.

Je soutiens aussi la suppression, proposée par le rapporteur, de l'article 5 : il importe de conserver une échelle des peines cohérente.

Je regrette que les trois propositions de loi n'aient pas été réunies dans un texte unique, interministériel, pour appréhender par une loi d'excellence la question de la protection de l'enfance sous tous ses aspects. Le groupe UDI-UC votera ce texte qui est parvenu à un bon équilibre. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et Les Républicains)

M. Éric Doligé .  - Les agressions contre les enfants et les personnes âgées sont intolérables. Elles surgissent à la lumière puis disparaissent bien vite dans la rubrique des faits divers et l'oubli. Trop souvent nous cherchons des excuses aux agresseurs : enfance difficile, société violente, méfaits de la télévision...

Si on ne peut jamais réparer l'irréparable, les agresseurs-ci doivent être fortement condamnés, mis hors d'état de nuire - assumer leurs actes. Trop souvent les coupables sont en situation de récidive, alors la société est complice. Nous devons nous prémunir contre le laxisme des institutions. Cette proposition de loi y pourvoit.

Les agressions sexuelles sont encore plus odieuses lorsqu'elles sont commises par des personnes en qui nous avions confiance. L'administration jamais ne s'autocensure, refuse de reconnaître la responsabilité d'un de ses membres ; et elle a le temps pour elle... Dans ma commune, un principal de collège a reçu les Palmes académiques alors qu'il était notoirement alcoolique. J'ai appelé, alerté, expliqué, mais si son addiction était connue, elle n'a jamais été portée à son dossier pour, me dit-on, ne pas porter préjudice à son avancement... Ces faits sont vérifiables...

Dans les affaires de Villefontaine et Orgères, le parquet a failli à sa mission d'information. Des sanctions seront-elles prises ? Il est temps de penser aux victimes, à leur souffrance. Cette proposition de loi est un premier pas.

Président de conseil général, je sais la complexité de ces affaires : lorsque le conseil général suspend l'agrément d'assistants maternels, les protestations sont toujours vives. Les mêmes après, en cas de drames, nous accuserons de négligence...

Plutôt que de profiter de cette navette parlementaire, le Gouvernement choisi de déposer un projet de loi. Je regrette qu'il n'ait pas choisi l'intérêt général. Certes le chemin de crête était étroit et l'avis du Conseil d'État eût été utile. Mais j'ai souvenir qu'une autre majorité sénatoriale a repoussé une proposition de loi sur les normes en dépit de son avis positif... Je voterai avec enthousiasme la proposition de loi de Mme Troendlé. (Applaudissements au centre et à droite)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article premier est adopté.

L'article 2 demeure supprimé.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

Alinéas 4 et 5

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

2° L'article 706-47 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les chapitres Ier et II du même titre sont également applicables aux procédures concernant les infractions prévues à l'article 227-23 du même code. » ;

b) Au second alinéa, les mots : « Ces dispositions » sont remplacées par les mots : « Les dispositions du présent titre ».

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Amendement de coordination.

Seuls deux amendements ont été déposés. Preuve que le texte de notre commission des lois a été mûri et réfléchi. Mme Goy-Chavent a été la première a déposé un texte, le 2 avril, qui a inspiré l'article premier. Mme Troendlé a déposé la présente proposition de loi le 12 mai. Le temps est venu pour le Sénat de se prononcer.

La circulaire de septembre manque de bases légales, notamment sur l'information pendant la phase d'enquête.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Avis favorable.

L'amendement n°2 est adopté.