SÉANCE

du mardi 27 octobre 2015

14e séance de la session ordinaire 2015-2016

présidence de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président

Secrétaires : M. Philippe Adnot, M. Jackie Pierre.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle vingt-quatre questions orales.

Collecte du sang à Épernay

Mme Françoise Férat .  - En avril, j'ai saisi Mme Touraine de la question de la fermeture du site de collecte de sang d'Épernay. Elle m'a répondu que le contrat d'objectifs et de performance 2015-2018 de l'Établissement français du sang prévoyait la poursuite de la rationalisation de la collecte. Mais, chose incompréhensible, la fermeture du site d'Épernay aurait des effets contraires à ceux que l'on dit rechercher. Les bénévoles devront se rendre dans une unité mobile, dans une salle disponible une fois par mois ! La fatigue des patients sera aggravée par leurs déplacements à Reims. Comment les malades d'hémochromatose seront-ils accompagnés ? Comment compte-t-on faire face à la baisse des dons du sang ?

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire .  - Veuillez excuser Mme Touraine, qui est allée en Gironde rendre hommage aux victimes de la catastrophe de la semaine dernière.

Le contrat d'objectifs et de performance 2015-2018 de l'Établissement français du sang, signé le 10 juillet 2015, tend à rationaliser la collecte pour renforcer la qualité et le volume du sang mis à disposition des patients. L'accent est mis sur les centres de collecte urbains, en raison du glissement de la population vers les grandes villes et pour pouvoir collecter des sangs rares.

Épernay, un poste de transfusion sanguine jusqu'en 1995, est depuis lors une unité de collecte. On y a prélevé 1 278 doses de sang en 2014, soit pas davantage qu'en 2013. La transformation de cette unité en équipe mobile ne signifie en rien l'arrêt des collectes à Épernay mais des jours et heures d'ouverture plus adaptés, en lien avec les centres hospitaliers et des associations de donneurs. Ils pourront toujours être étendus en cas de succès.

Mme Françoise Férat.  - Cette réponse me confirme dans mon impression : c'est une décision administrative, prise loin du terrain. La ruralité est une fois de plus laissée pour compte, avec des effets bien réels pour les patients.

Tuberculose en Seine-Saint-Denis

Mme Evelyne Yonnet .  - La tuberculose, qui régresse constamment sur l'ensemble du territoire, stagne en Seine-Saint-Denis. Nous avons aussi sept fois plus d'infection au VIH que la moyenne nationale, une mortalité infantile importante, une espérance de vie inférieure de deux ans et demi à celle des Hauts-de-Seine.

La prévention sanitaire et sociale est donc pour nous une priorité. Or nous craignons une nouvelle baisse des subventions pour l'année 2015, alors que nous avons besoin d'un financement pérenne. Le désengagement de la Caisse primaire d'assurance maladie fin 2013 a été compensé en partie par l'ARS en 2014. Cette baisse a été justifiée par une stabilisation des cas mais le nombre de cas recensés est reparti à la hausse passant de 390 à 434 cas en 2014.

L'État a-t-il l'intention de compenser la perte des subventions pour l'année 2014 qui s'élevait à 300 000 euros ?

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire .  - La lutte contre la tuberculose est une priorité, via des actions de proximité et de prévention. Depuis 2004, le département de Seine-Saint-Denis a choisi de conserver sa compétence en matière de prévention ; il bénéficiait pour ce faire d'une aide de la Caisse primaire d'assurance maladie, supprimée en 2014 mais compensée par l'ARS pour un an. Tout est mis en oeuvre pour pérenniser les actions menées en Seine-Saint-Denis. Les discussions engagées entre le président du conseil départemental et l'ARS vont se poursuivre, dans la perspective d'une reconduite au plus tôt de la convention.

Mme Evelyne Yonnet.  - Puissent ces discussions aboutir rapidement !

Prison de Draguignan

M. Pierre-Yves Collombat .  - J'espère que l'absence de Mme la garde des Sceaux ne présage pas de la réponse du Gouvernement...

À la suite des inondations catastrophiques en 2010 dans le Var, la Chancellerie a décidé de fermer la prison de Draguignan jugée dangereuse, tant pour ses occupants que pour la ville. On a donc commencé à construire une nouvelle prison et à fermer l'actuelle - mais les travaux de démolition se sont brusquement arrêtés. Une ruine dangereuse en cas d'inondation demeure ainsi au milieu de la ville. Quand sa démolition sera-t-elle achevée ?

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire .  - Mme la garde des Sceaux accompagne le président de la République et tient à rendre hommage au personnel de la prison et aux magistrats, qui ont fait en sorte que les détenus soient mis à l'abri lors de l'inondation, sans que se produise le moindre incident.

Les travaux de démolition ont été engagés le 20 février 2015. Ceux de sécurisation nécessaires ont été accomplis en août 2015. La démolition totale, elle, a été retardée en raison des contraintes budgétaires car ce chantier coûte cher : 4 millions d'euros au total, 3 millions d'euros pour le désamiantage.

Démolition et reconstruction des prisons de Draguignan, des Baumettes, extension de celle d'Aix... Les projets de la Chancellerie dans la région sont ambitieux, et visent d'abord à accroître le nombre de places pouvant accueillir dignement les détenus. Le maire de Draguignan a été reçu au cabinet de la garde des Sceaux le 8 octobre dernier pour évoquer l'avancement des travaux, qui devraient se conclure en 2016.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Les magistrats et le personnel pénitentiaire ont réagi remarquablement lors des inondations de 2010, c'est vrai. Mais que le Gouvernement achève ce qu'il a commencé. Cette ruine est dangereuse ! Si un accident se produit, que ferez-vous ? Vous rendre aux obsèques ?

Projet Scorpion

M. Claude Nougein .  - Le programme Scorpion prévoit pour moderniser notre armement, la livraison à partir de 2018 d'un nouveau véhicule blindé multi-rôle (VBMR) et d'un engin blindé de reconnaissance et de combat (EBRC), outre la modernisation des chars Leclerc. Quel est le calendrier prévu ? Combien de blindés seront livrés en 2018 ? À quel rythme se feront les livraisons ? Quelles bases de défense seront équipées ? Quand le 126e régiment d'infanterie de Brive-la-Gaillarde le sera-t-il ?

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire .  - Le programme Scorpion répond aux besoins des groupements tactiques interarmées. Grâce à lui, l'armée de terre sera dotée du système d'information de combat unique, et équipée de 780 VBMR lourds et 200 VBMR légers. L'objectif est de projeter dès 2021 le premier groupement tactique interarmées -  le premier équipé de Jaguar AES 2023.

Le marché de développement des Griffon et des Jaguar a été notifié fin 2014, et celui de rénovation des chars Leclerc en mars 2015. La production des véhicules sera commandée en 2017 pour les Griffon et Jaguar et en 2018 pour le char Leclerc. Après quoi les livraisons de Griffon devraient se monter à une centaine d'exemplaires par an. Pour les Jaguars, ce devrait être une vingtaine d'exemplaires par an après 2020. Les premiers chars Leclerc rénovés seront attendus en 2020 avec par la suite une livraison moyenne de 25 exemplaires par an. Ce plan de livraison prévisionnel tient compte des capacités de production, de qualification, d'adoption et de financement. La montée en puissance des unités Scorpion et le plan d'équipement ont été anticipés par l'armée de terre en cohérence avec le calendrier des infrastructures

Le régiment de Brive-la-Gaillarde sera équipé à partir de 2021, une fois son infrastructure prête, ce qui confirme son caractère prioritaire. D'autres régiments ne le seront qu'à compter de 2024, voire 2025.

M. Claude Nougein.  - Nos équipements sont vétustes, le programme Scorpion est crucial.

Raffinerie de Châteauneuf-les-Martigues-La Mède

M. Jacques Mézard .  - Veuillez excuser M. Amiel, que je supplée.

Malgré une production française insuffisante dont témoignent nos 47,5 milliards d'euros d'importations, la direction générale de Total a annoncé, le 16 avril 2015, de nouvelles réductions de capacités de raffinage. Les raffineries de Châteauneuf-les-Martigues-La Mède et de Donges seraient touchées.

Concernant la raffinerie de Châteauneuf-les-Martigues-La Mède, la restructuration envisagée par la direction du groupe Total concerne la suppression de l'unité de raffinage brut et la création d'une nouvelle unité de production, en bio-carburant. Pourtant, ce site, qui produit encore un raffinage brut de près de 153 000 barils par jour, semble voué à disparaître au profit d'un projet de production dont ne sont connus ni les tenants, ni les aboutissants. Alors que les premières générations de bio-carburants sont décriées et que la concurrence se renforce, le doute ne peut être admis sur l'avenir des centaines d'emplois directs et indirects.

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire .  - Depuis 2009, huit raffineries ont fermé en Europe, dont quatre en France. Le Gouvernement reste très attentif à l'avenir de ce secteur stratégique. Mais le site de La Mède était déficitaire, le plan de la direction ne prévoit aucun licenciement mais, au contraire, le développement d'une nouvelle unité de production de bio-gazole.

Un recours est pendant devant le tribunal administratif de Marseille. J'espère qu'un accord sera trouvé pour préserver l'avenir du site. Le développement de bio-gazole est cohérent avec nos engagements européens comme avec la loi de transition énergétique.

M. Jacques Mézard.  - Lorsqu'on dit « aucun licenciement », on oublie les départs volontaires et autres... Alors que le Diesel est très décrié, on peut s'attendre à une restructuration d'ampleur de notre outil de production.

Délais de paiement

M. Martial Bourquin .  - La longueur des délais de paiement et le niveau anormalement élevé du crédit inter-entreprises sont des maux dont chacun reconnaît la gravité. Les rapports de l'Observatoire des délais de paiement ne sont plus disponibles depuis 2013, c'est dommage... Mais les derniers chiffres indiquent que 15 milliards d'euros sont dus par les plus grandes entreprises aux plus petites. Autrement dit, celles-là se servent de la trésorerie de celles-ci pour obtenir du crédit gratuit ! Seulement 38 % des entreprises françaises paient leurs fournisseurs en temps et en heure, contre 75 % en Allemagne. Un quart des faillites s'expliquent ainsi ; et la pratique s'accroît à proportion des effectifs de l'entreprise.

Certes, des outils existent ainsi qu'un médiateur inter-entreprises. Mais les incitations ne suffisent plus. En 2012, Jean-Marc Ayrault m'avait confié une mission sur les relations entre donneurs d'ordres et sous-traitants, dont sont issues plusieurs mesures de la loi Hamon. Mais les décrets d'application se font attendre. Il y a urgence.

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire .  - Selon la loi Hamon, lorsque le montant de la transaction dépasse un certain seuil fixé par décret, un contrat écrit sera désormais obligatoire. Une large concertation est nécessaire avant de fixer ce seuil, car il ne faut pas handicaper certains secteurs par un excès de formalisme. Le médiateur vient de rendre son rapport. Les choses vont aller vite. Nous veillons à ce que toutes les mesures de la loi relatives aux rapports entre donneurs d'ordre et sous-traitants soient appliquées.

M. Martial Bourquin.  - La loi Hamon permet au commissaire aux comptes de saisir la direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression de fraudes en cas d'anomalie. Les retards de paiement sont une façon de gérer sa trésorerie, des sanctions exemplaires s'imposent, publiées dans la presse. Il faut mettre le holà aux pratiques de certains grands groupes, qui asphyxient nos PME, lesquelles sont les vraies créatrices d'emplois pérennes.

Menaces sur l'industrie du Pas-de-Calais (I)

M. Dominique Watrin .  - Les fermetures d'usines de papier se multiplient notamment dans le Pas-de-Calais : Stora Enso à Corbehem, ArjoWiggins à Wizernes... Manifestement, les grands groupes papetiers internationaux ont mis au point une stratégie, visant à faire remonter les prix en fermant les unités de production en Europe.

On recherche des repreneurs. Le Gouvernement compte-t-il allonger le délai pour ce faire, afin de donner toutes ses chances à la reprise ?

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire .  - La crise de l'industrie papetière s'explique avant tout par la numérisation. La consommation de papier et de carton des Français a baissé de 25 % depuis dix ans. En outre, la demande s'étant déplacée vers les pays émergents, la production a suivi.

Il n'y a pas de fatalité. Nos usines ont un avenir si elles se spécialisent dans le haut de gamme. Les projets innovants sont ainsi éligibles au programme d'investissement d'avenir.

La puissance publique est aussi intervenue pour soutenir le groupe Sequana. Bpifrance vient de soutenir la création de la société Ecocis pour réindustrialiser l'ancien site papetier de Voreppe, dans l'Isère.

Nous avons confié à M. Raymond Redding une mission sur la filière papier-cellulose, afin d'accompagner la montée en gamme.

M. Dominique Watrin.  - Réponse un peu générale, qui ignore les stratégies financières des grands groupes...

Les usines d'ArjoWiggins, Stora Enso se situent toutes deux dans des vallées industrielles sinistrées. Veuillez transmettre à M. Macron ma demande d'allongement du délai de recherche d'un repreneur, car il faut tout faire pour sauver les emplois.

Menaces sur l'industrie du Pas-de-Calais (II)

M. Jean-Claude Leroy .  - L'usine Aperam, à Isbergues, spécialisée dans la fabrication de tôle en acier inoxydable, emploie actuellement 700 salariés. Après une mise à l'arrêt de son atelier de tôlerie classique - qui avait déclenché un plan de sauvegarde de l'emploi en 2011 - l'entreprise redémarre une partie de ses activités de tôlerie classique. Ainsi, elle a remis en marche la ligne « Inox 2 », de façon temporaire. Parallèlement, elle investit pour moderniser sa ligne de fabrication de tôles inox la plus moderne au monde : un investissement de 11 millions d'euros est prévu pour porter la capacité de production à 330 000 tonnes par an.

Si elle bénéficie d'un regain de dynamisme du secteur, l'entreprise doit faire face à la concurrence croissante de la Chine et de Taïwan, qui ont conquis 16 % du marché européen des inox à coup de dumping. La Commission européenne a décidé, en mars 2015, d'imposer des taxes anti-dumping sur certains produits en inox importés de ces pays, pour une durée de six mois. Si ces droits de douane n'étaient pas prorogés, les récents investissements destinés à gagner en compétitivité seraient mis à mal, ce qui aurait de graves conséquences économiques et sociales pour l'ensemble du bassin artésien.

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire .  - La Commission européenne a été saisie de deux plaintes pour dumping, visant la Chine et Taïwan. L'importation des produits concernés a été soumise à enregistrement, par les autorités nationales, jusqu'à l'issue de la procédure. Un droit anti-dumping provisoire a également été mis en place. Mais l'enquête n'a pas mis en évidence de pratiques déloyales. Il a donc été mis fin à l'obligation d'enregistrement, sans compensation.

Le Gouvernement a accompagné la société Aperam tout au long de la procédure. Il a soutenu la proposition de la Commission d'instaurer des mécanismes anti-dumping et ainsi contribuer à ce qu'une majorité soit trouvée. Le nouveau règlement qui les instaure a été publié le 26 août 2015.

M. Jean-Claude Leroy.  - Dont acte.

Téléphonie mobile et internet dans le Cantal

M. Jacques Mézard .  - Au-delà des déclarations de principe, la desserte du territoire cantalien en matière de téléphonie mobile et de service internet se pose toujours avec autant d'acuité. Face à la dégradation des services internet et de téléphonie mobile, les opérateurs n'apportent pas les réponses techniques adéquates. Cela a des conséquences très négatives tant pour les entreprises que pour les particuliers. Imaginez la réaction des parents qui ne peuvent joindre par téléphone leurs enfants en village de vacances !

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire .  - L'État consacre des moyens très importants à la modernisation de nos réseaux mobiles : 3,3 milliards d'ici 2022, dont 80 % déjà inscrits en loi de finances. Les comités interministériels pour la ruralité de mars et septembre ont décidé de mesures spécifiques pour la couverture en téléphonie mobile de ces territoires. Dans le cadre du plan France très haut débit, 89 départements ont conçu des projets visant à déployer la fibre dans 6 millions de foyers. Les réseaux existants doivent, avant tout, être entretenus : c'est le sens de la proposition de loi Chassaigne reprise par le Gouvernement.

S'agissant des réseaux mobiles, la couverture des centre-bourgs sera obligatoire dès 2016 ; les manquements seront sanctionnés par l'Arcep. Hors des centre-bourgs, le développement des réseaux est aussi à l'ordre du jour : toutes les communes rurales devront être couvertes fin 2016 ; elles le seront ministre-2017 pour l'internet mobile. L'Arcep, doté, de nouveaux pouvoirs, y veillera.

M. Jacques Mézard.  - Il ne s'agit pas de cela ! Je vous interroge sur la dégradation du service actuel, vous me parlez du développement futur des réseaux ! Avant d'installer partout la fibre optique, il faudrait rétablir le téléphone mobile et le réseau internet existants !

La réalité, c'est qu'Orange nous dit que, depuis l'arrivée d'un quatrième opérateur, il ne peut honorer ses engagements. Sans compter que SFR lui réclame 540 millions d'euros devant le tribunal. Voilà les vrais problèmes, voilà la réalité de terrain !

Prix du lait

M. Alain Vasselle .  - Merci monsieur Le Foll de vous être déplacé en personne pour répondre à ma question. Les producteurs des filières bovine, porcine et laitière sont dans une situation difficile. Le secteur laitier a été très fragilisé par la disparition des quotas laitiers. Leur suppression entraîne une production sans aucun plafonnement, une hausse importante des importations de lait provenant d'autres pays européens, une instabilité du prix et une radicalisation de la compétition entre la filière française et les grands producteurs d'Europe du Nord.

Je sais que vous rencontrerez bientôt les producteurs. Quelles mesures comptez-vous prendre pour les rassurer ? S'ils devraient bénéficier à terme de la libéralisation, ils traversent une période conjoncturelle difficile. En attendant des temps meilleurs, ils devraient au moins bénéficier de prix plancher couvrant leurs coûts de production.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - La fin des quotas date de 2008 ; au Parlement européen, à l'époque, j'avais voté contre.

Sur les 24 milliards de litres produits en France, une quinzaine sont exportés, en Europe et au-delà, sous forme de poudres de lait et de beurre. Résultat, le prix du lait sur le marché international dépend beaucoup du prix de la poudre de lait. Or la demande chinoise s'est contractée alors que, États-Unis et Nouvelle-Zélande en tête, suivis par les pays d'Europe du Nord, s'étaient mis en tête de conquérir ce fameux marché ! D'ailleurs, les pays du Nord ont été sanctionnés à hauteur de 800 millions d'euros pour ne pas avoir respecté leurs engagements de volume de production à la fin des quotas. C'est cet argument qui a servi à financer le plan d'aide européen de cet été.

Ce qui me préoccupe, c'est l'absence de coordination des productions laitières à l'échelle européenne, parce que certains se vantent de ne croire qu'au marché.

Avec sa superficie et son climat, la France a des atouts que les autres n'ont pas et une certaine autonomie fourragère. Nous devons nous organiser pour en faire le meilleur usage. Les GIE environnementaux ont été créés dans ce but. On le voit bien, les exploitations les plus résilientes sont celles qui ont l'autonomie fourragère la plus importante. Les stratégies à mettre en oeuvre doivent miser sur l'image positive que sa haute valeur ajoutée apporte à notre pays.

Nous travaillons sur une évolution du système contractuel pour garantir et la collecte et les prix pour tous. Ceux-ci ont baissé de 25 % en un an ! C'est par des contrats tripartites que nous pouvons espérer limiter cette volatilité insupportable. Voilà de quoi il sera question lors de la réunion de cet après-midi. Nous continuerons à nous battre pour tous les éleveurs.

M. Alain Vasselle.  - Merci pour cette réponse. Conserver notre capacité de production fourragère est important, c'est vrai.

Sur la contractualisation, vos prédécesseurs s'y sont déjà essayés, pour les céréaliers, les betteraviers. Sans grand succès... J'espère que cette fois-ci, les résultats seront au rendez-vous.

Attaques de loups

M. Didier Guillaume .  - Certes, la biodiversité est indispensable ; le loup est protégé par la convention de Berne. Mais le désarroi des éleveurs est grand. La présence du loup dans nos territoires est un problème. Il faut le dire : le pastoralisme et le prédateur sont incompatibles. Et, entre les deux, je choisis l'éleveur contre le prédateur.

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

M. Didier Guillaume.  - Ces dernières années, 10 000 brebis ont été égorgées. Pardon d'entrer dans ce genre de détails mais les éleveurs doivent passer des nuits blanches à veiller leurs troupeaux. Ce n'est plus possible.

Le Gouvernement a pris des mesures fortes. Mais autoriser le prélèvement de 36 loups, ce n'est pas assez. Il faut donner plus de moyens aux équipes sur le terrain, ou autoriser les bergers à y contribuer pour atteindre l'objectif.

Si nous ne faisons pas évoluer les choses et la convention de Berne elle-même, la situation des éleveurs sera directement menacée.

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Depuis 2012, j'ai pris la mesure de la situation et du désarroi des éleveurs. Avec Ségolène Royal, nous avons pris des mesures fortes. Autoriser le prélèvement de 36 loups, c'est inédit. Mais l'efficacité du dispositif était contestable, j'en conviens : c'est pourquoi nous avons mis en place des outils réactifs. En particulier, les chasseurs, qui connaissent le terrain, pourront être accrédités. Dans la Drôme, le préfet avait autorisé un tir de prélèvement renforcé, qui a été contesté par les associations ; le tribunal a confirmé la légalité de l'arrêté, ce qui prouve que le dispositif est stable.

À cela s'ajoute la protection passive contre le loup, et les indemnisations des éleveurs pour les pertes - ce n'est pas ce à quoi ils aspirent, j'en conviens.

S'il faut modifier le droit, mieux vaut viser la directive Habitat que la convention de Berne. Le loup n'est plus une espèce en voie de disparition, il devrait donc quitter la classe 1. Ségolène Royal et moi-même en sommes parfaitement conscients. Nous discutons avec nos partenaires en ce sens.

M. Didier Guillaume.  - Merci. Effectivement, l'on n'a jamais autant fait contre le loup. Mais la concertation ne suffit pas.

Je me suis rendu récemment dans une petite commune, Les Prés, où j'ai vu des hommes de 60 ans, éleveurs depuis l'âge de quinze ans, pleurer ! Cela fait mal aux tripes. Il faut revoir la directive Habitat. Le loup n'est plus menacé, c'est lui qui menace l'élevage.

Prolongement de l'itinéraire autoroutier Île-de-France - Haute-Saône - Territoire de Belfort

M. Bruno Sido .  - L'itinéraire autoroutier Île-de-France - Haute-Saône - Territoire de Belfort s'interrompt au sud-ouest de Langres. Or le contournement de Langres en direction de Vesoul revêt une importance majeure pour les acteurs économiques du sud de la Haute-Marne, en particulier pour les échanges entre les entreprises des secteurs de la plasturgie et de l'automobile. Les délais de livraison et les durées d'acheminement sont des variables déterminantes pour l'activité, donc pour l'emploi.

Deux opérations majeures sous maîtrise d'ouvrage de l'État sont prévues : la déviation de Port-sur-Saône et la déviation de Langres.

Si la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR) a prévu d'ouvrir l'autoroute A 319 entre Langres et Vesoul, la période de réalisation annoncée est comprise entre 2030 et 2050. Les entreprises régionales ne peuvent pas attendre aussi longtemps.

Surtout, cette décision n'est pas définitive. Si elle n'était pas prise, le Gouvernement devrait prendre l'engagement d'un doublement de la RN19 entre Port-sur-Saône et Langres...

Les études préalables à la déclaration d'utilité publique du contournement de Langres, prévues au projet de contrat de plan État-région 2015-2020, doivent être engagées de manière prioritaire. Je proposerai au conseil départemental de répondre favorablement à la demande de cofinancement adressée par l'État, sous réserve du respect d'un calendrier adapté. Pouvez-vous nous le préciser ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Veuillez excuser l'absence de M. Vidalies, qui participe à l'hommage rendu aux victimes de l'accident de car de Puisseguin.

La déviation de Port-sur-Saône est une priorité, vous l'avez dit. Elle a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique en 2013. Le président de la République a rappelé à Vesoul le 15 septembre dernier que les études s'achèveront prochainement, pour un début des travaux en 2016 sur le Viaduc de Scyotte. Les crédits nécessaires, 126 millions d'euros, figurent au CPER de la région Franche-Comté, dont 93,5 millions d'euros pour l'État. Le contournement du sud-Langres n'a pas reçu l'accord de la Commission européenne quand la France lui a présenté son plan de relance autoroutier en 2013. Pour autant, ce projet n'est pas remis en cause ; 5 millions d'euros ont été inscrits au CPER 2015-2020 de la région Champagne-Ardenne, dont 3 millions d'euros apportés par l'État, pour les études préalables et les premières acquisitions. Ces études de faisabilité seront achevées fin 2015, après quoi la concertation démarrera en 2016.

Le conseil général de Haute-Marne devrait apporter les 2 millions d'euros nécessaire pour financer la phase préalable à la DUP, je m'en réjouis.

M. Bruno Sido.  - Merci pour votre réponse. Un financement de 126 millions d'euros pour Port-sur-Saône, c'est important. Mon inquiétude portait plutôt sur la déviation sud-Langres pour laquelle 5 millions d'euros seulement sont programmés. Je prends acte de l'échéance que vous annoncez, fin 2015. Les entreprises travaillent à flux très tendus ; les retards pénalisent aussi l'emploi. J'espère que les travaux seront lancés le plus tôt possible.

Avancée du dossier du « barreau » de ligne à grande vitesse Limoges-Poitiers

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont .  - Les avances gouvernementales sur la réalisation des lignes à grande vitesse Bordeaux-Tours et Bordeaux-Dax - en dépit de l'avis défavorable de la commission d'enquête publique - confirment bien que, si la mise à niveau des axes ferroviaires traditionnels et la modernisation du matériel roulant restent un impératif absolu, les besoins en développement du réseau à grande vitesse en certains points du territoire restent incontournables.

Après avoir reçu un avis positif, la ligne Paris-Limoges pourra être lancée. L'engagement sans faille du monde socioéconomique atteste de l'importance du projet pour ce bassin de 3 millions d'habitants et 900 000 emplois.

Où en est le projet, monsieur le ministre, et quel en sera le calendrier ? La constitution des grandes régions rend cette réalisation encore plus urgente.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - La poursuite des grands projets est une priorité pour le Gouvernement. Celui-ci a confié au préfet de région la réalisation d'un schéma directeur sur les améliorations aux TET et les infrastructures. Les opérations de renouvellement bénéficieront de 500 millions d'euros d'ici 2020, celles de modernisation de 90 millions.

Quant à la ligne nouvelle Poitiers-Limoges, le Gouvernement s'en tient aux conditions fixées dans la feuille de route Mobilité 21. Le décret déclarant l'utilité publique a été signé le 10 janvier 2015. Les recours sont en cours d'examen par le Conseil d'État.

L'État, SNCF Réseau et la région Limousin cofinancent le projet à hauteur de 42 millions d'euros, dans le CPER 2015-2020. Les études en cours préciseront les coûts du projet.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.  - Merci. L'avancée des consultations et des négociations foncières et le coût très modique du projet doivent en faire une priorité.

Conciliateurs de justice

M. Yannick Botrel .  - Les conciliateurs de justice évitent de nombreux contentieux. Leur rôle est fondamental pour nos concitoyens et, parfois, pour les maires. Les affaires dont ils ont à connaître ne défraient pas la chronique mais n'en sont pas moins importantes : troubles de voisinage, différends entre propriétaires et locataires, créances impayées, malfaçons...

Leur mission est bénévole ; les 232 euros qu'ils touchent par an en remboursement de frais de fonctionnement ne couvrent même pas leurs dépenses de carburant...

Les rapports successifs mettent l'accent sur la conciliation. La Garde des sceaux a repris cet axe dans son projet Justice 21. Ne faudrait-il pas augmenter le plafond de remboursement ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Veuillez excuser la garde des Sceaux.

La conciliation est un outil essentiel pour rendre la justice plus proche et plus lisible. Le projet sur la justice du XXIe siècle la rend obligatoire dans certaines affaires de faible importance. Quelque 1 800 conciliateurs de justice sont recensés sur notre territoire ; 600 de plus sont nécessaires. Des mesures sont à l'étude pour affermir leur place - ils seront par exemple intégrés dans les conseils de juridiction et dans le Conseil national de l'accès au droit et à la justice - et leur statut sera revalorisé. Le remboursement de leurs dépenses de fonctionnement, 232 euros aujourd'hui, et de leurs frais de déplacement, en moyenne 449 euros par an, sera également doublé.

Une subvention de 40 000 euros a été attribuée en 2015 à l'association nationale des conciliateurs de justice. Le Gouvernement veut donner toute son importance à la médiation. Vous en reparlerez dans le cadre du projet de loi en cours d'examen par votre Haute Assemblée.

M. Yannick Botrel.  - Il est bon d'entendre rappeler l'importance des conciliateurs de justice par la bouche d'un ministre. L'évolution de leur statut est une bonne chose. Je me réjouis que leurs frais soient pris en charge de façon plus réaliste.

Conditions d'indemnisation des victimes de terrorisme

M. Hervé Marseille .  - Le fonds de garantie des victimes du terrorisme (FGVT) a indemnisé 4 000 victimes depuis sa création par la loi du 9 septembre 1986. Il est abondé à 75 % par un prélèvement de 3,30 euros sur les contrats d'assurance de biens, ce qui porte son budget à 407 millions d'euros.

Il ne manque donc pas de ressources. Si les victimes obtiennent réparation, le montant de l'indemnisation varie beaucoup. Les deux ex-otages français, détenus en l'an 2000 sur l'île de Jolo, ont reçu 350 000 euros auprès des tribunaux, après 140 jours de captivité. Après 1 139 jours de détention, un ex-otage au Sahel s'est vu proposer 50 000 euros, puis 500 000 avant que cette somme ne soit réduite à 300 000 euros au motif que son entreprise avait souhaité l'indemniser. Il a dû finalement prendre un avocat !

Le FGVT est administré pour moitié par des hauts fonctionnaires et son conseil d'administration pourvu à plus de la moitié par les ministères. Les règles d'indemnisation doivent être rendues plus claires et plus transparentes. Que compte faire le Gouvernement ?

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Le FGVT, qui indemnise les victimes d'acte de terrorisme, dispose de fonds suffisants. L'article L. 422-1 du code des assurances garantit la réparation intégrale des dommages, calculée sur la base d'une expertise médicale contradictoire.

L'ex-otage au Sahel auquel vous faites référence avait effectivement reçu une première provision de 50 000 euros, puis une proposition de 500 000 euros ramenés à 300 en raison d'une indemnisation concomitante de l'employeur. Il lui revient d'établir l'existence et l'ampleur du préjudice, et le tribunal administratif de Créteil a confirmé que l'absence d'une expertise médicale faisait obstacle à l'évaluation du préjudice. J'ajoute que les victimes peuvent toujours, en cas de refus des conditions d'indemnisation, saisir le juge civil pour réclamer une indemnisation de droit commun. La jurisprudence va dans le sens d'une évaluation au cas par cas du préjudice.

M. Hervé Marseille.  - Voilà une réponse bien administrative pour des personnes dont la vie a été brisée, et qui ont parfois suscité une émotion nationale.

Les questions que j'ai posées à la garde des Sceaux sont restées sans réponse... Des médiations seraient utiles pour éviter des contentieux durant des années.

M. Jean-Claude Carle.  - Absolument.

Ponction des fonds de roulement des universités

Mme Valérie Létard .  - Ma question porte sur la décision de ponctionner de 100 millions d'euros les fonds de roulement d'une dizaine d'universités et d'une vingtaine d'écoles de l'enseignement supérieur, établissements dont le fonds de roulement est supérieur à la norme prudentielle fixée à 65 jours. Or, ces réserves ont été constituées grâce à une gestion rigoureuse, afin de pallier le désengagement financier de l'État. Les établissements de la région Nord-Pas-de-Calais subissent cette année une ponction particulièrement lourde, 35 millions d'euros, qui représentera plus d'un tiers du total prélevé, alors même que le nombre des étudiants atteint seulement 7 %. Or, cette région n'est certainement pas la mieux dotée et certaines des universités concernées, telle que celle de Lille II, sont notoirement sous-dotées en personnel. Il y a là une double pénalisation : celle des établissements vertueux qui ont fait le plus d'efforts pour se constituer des réserves et celle d'une région qui connaît, avec la crise, un regain de difficultés économiques et sociales.

Ne pouvez-vous, monsieur le ministre, reconsidérer votre décision pour 2016 ? Des investissements sont nécessaires pour améliorer la qualité de l'accueil des étudiants. La situation de l'université Lille II est particulièrement grave. Un écrêtement de la dotation de l'ordre de 8 millions d'euros par an pendant trois ans a rendu sa situation très fragile. Son manque de personnel et la vétusté de ses locaux sont criants. Comment comptez-vous répartir l'effort en 2016 ?

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Le prélèvement de 100 millions d'euros est prévu par la loi de finances en cours d'application. Les fonds de roulement demeurent supérieurs au seuil prudentiel de 72 jours. Il a été tenu compte de tous les projets d'investissement. Une méthodologie spécifique et prudente a été employée. Les calculs ont été faits en lien avec les services des universités, en dépit de leur manque d'enthousiasme.

Les dotations de fonctionnement ont augmenté en 2015. Lille II a bénéficié en 2014 de 2,28 millions d'euros supplémentaires. Son sous-encadrement relatif est en voie de compensation. Le prélèvement sur son fonds de roulement ne sera pas reconduit en 2016, et la dotation budgétaire, qui s'élèvera à 165 millions, dépend notamment du taux d'encadrement et des efforts faits pour augmenter la capacité d'accueil.

Mme Valérie Létard.  - Merci pour ces précisions. Notre région est candidate à l'appel à projets lancé dans le cadre du programme Idex, et dans cette aventure il faudra des fonds propres, pour prétendre à des fonds européens complémentaires. Nous avons des défis à relever !

Il y a quelque paradoxe à récompenser une démarche vertueuse... en prélevant nos fonds propres ! Sans universités en ordre de marche, nous ne pouvons pas relever non plus les défis de la reconversion économique. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, qui connaissez les territoires.

Enseignement des langues régionales au collège

Mme Hermeline Malherbe .  - La loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l'école tout comme la réforme ambitieuse du collège donnent des lettres de noblesse à l'enseignement des langues régionales. Cependant, les professeurs s'inquiètent de le voir déclassé.

Hasard du calendrier, ma question orale vient avant l'examen du projet de révision constitutionnelle autorisant la ratification de la charte des langues régionales. Si le français est notre langue commune, ces langues régionales représentent un patrimoine immatériel et culturel à chérir et à préserver. Quelle place comptez-vous lui faire dans notre République et dans notre école ?

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Le socle d'apprentissage, autour duquel est bâtie la réforme du collège, comprend les langues régionales. Il ne remet nullement en cause la circulaire du 5 septembre 2001 ni l'arrêté du 12 avril 2003 qui organisent l'enseignement bi-langues. L'apprentissage d'une langue régionale pourra commencer dès la classe de 5ème avec un volume d'heures en hausse de 25 %, soit 54 heures supplémentaires. Les enseignements techniques interdisciplinaires permettront aussi de s'initier à une langue régionale, dans une approche comparative, et d'élaborer des projets pour valoriser ce savoir linguistique.

Vous le voyez, l'enseignement des langues régionales, loin d'être fragilisé, se renforce dans la réforme récente et bénéficie de moyens accrus.

Mme Hermeline Malherbe.  - Merci pour cette réponse. Elle réjouira ceux qui, comme moi, pensent que les langues régionales sont un atout dans la scolarité et pour notre République.

Canalisateurs

M. Jean-Claude Carle .  - Depuis un an et demi, on constate sur l'ensemble du territoire national une baisse d'activité d'une ampleur inédite dans le secteur des travaux publics.

Selon les métiers et les régions, la diminution va de 5 à 70 %. En Rhône-Alpes, après une baisse de 8 % sur douze mois à la fin 2013, le chiffre d'affaires des canalisateurs a décru de 29 % à la fin de l'année 2014. Sur les six premiers mois de 2015, la diminution est déjà de plus de 17 %. Dans mon département de Haute-Savoie, elle est de 25 % fin 2014, et de près de 14 % au premier semestre 2015.

La clientèle des travaux publics est très largement publique : chez les canalisateurs, plus de 93 % de l'activité émane de donneurs d'ordre publics. Or les communes et intercommunalités ont massivement freiné les appels à projets. En Haute-Savoie, cette année, les projets lancés par les communes ont diminué de 20 %, ceux des intercommunalités de 10 %. Ceux de la région ont dévissé de 69 %.

Cette chute de l'activité est directement liée aux réformes territoriales, à la baisse des dotations de l'État et à la montée en puissance du mécanisme du fonds de péréquation. Tout cela se traduit hélas par des licenciements.

Parallèlement, en France, chaque année, 20 % de l'eau traitée est perdue du fait des fuites sur les réseaux, soit 1,3 milliard de mètres cubes, ou 432 000 piscines olympiques vidées. En outre, 800 millions d'euros seulement sont investis chaque année dans le renouvellement des canalisations - il en faudrait 2 milliards d'euros pour assurer un remplacement accompli sur la durée de vie des équipements, soit trente à quatre-vingts ans. Ainsi, à ce rythme, il faudra cent soixante-dix ans pour renouveler l'ensemble des canalisations.

En revanche, de 2011 à 2014, les taxes dont les consommateurs doivent s'acquitter sur l'eau du robinet ont augmenté de 14,5 % et le prix moyen de 0,8 %.

Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique .  - Ces chiffres sont exacts. En revanche, les budgets eau et assainissement sont des budgets annexes, il n'est donc pas possible de les soutenir par le budget principal et la baisse des dotations a peu d'impact - ils sont équilibrés par le niveau des redevances. Les retards s'expliquent surtout par le fait que, lorsqu'on rénove des canalisations, il faut aussi refaire la voirie...

Le Gouvernement agit : hausse de 180 millions d'euros de la dotation de solidarité urbaine, de 117 millions de la dotation de solidarité rurale, aide exceptionnelle de 1 milliard d'euros à l'investissement local, notamment pour le logement et les équipements liés. Nous proposerons aussi en loi de finances un ralentissement de la progression du fonds national de péréquation des ressources (Fpic) - ce ne sera pas une bonne nouvelle pour tout le monde...

Au-delà, la dotation d'équipement des territoires ruraux continuera à augmenter, le fonds de compensation pour la TVA sera étendu au patrimoine des collectivités, et l'amortissement sera accéléré.

Nos entreprises doivent aussi comprendre que, si les collectivités ont moins de moyens, c'est que nous avons choisi de rétablir leurs marges via le CICE !

M. Jean-Claude Carle.  - Je note la volonté du Gouvernement de soutenir l'investissement. Je crains que cela ne rassure pas les entrepreneurs qui sont totalement tributaires de la commande publique. Il est dangereux d'hypothéquer la relance de l'investissement des collectivités territoriales par le Fpic, et je me réjouis de vos annonces à ce sujet, madame la ministre. Je le dis d'autant plus sereinement que ce fonds a été créé par l'ancienne majorité. Une petite commune de Haute-Savoie doit payer 3 milliards d'euros ! Oui à la solidarité, mais pas à un niveau insupportable.

Mineurs isolés étrangers

Mme Colette Giudicelli .  - Depuis plusieurs années, les Alpes-Maritimes sont confrontées à une vague exceptionnelle d'arrivées de migrants mineurs isolés.

Le budget du département qui leur est consacré est passé de 3,3 millions en 2011 à 6,2 millions en 2014, et 3,3 millions d'euros sur les six premiers mois de 2015.

Plusieurs départements sont confrontés au même phénomène. Ils ne peuvent plus, raisonnablement, assurer seuls une charge qui n'a rien à voir avec la protection de l'enfance mais relève de la solidarité nationale.

Quelles mesures prendra le Gouvernement ?

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes .  - Le loi du 5 mars 2007 assure protection à tous les mineurs privés de leur famille. Le 31 mai 2013, un protocole d'accord a été signé avec les départements pour une meilleure répartition des flux.

L'État apporte son concours à cette politique à hauteur de 250 euros par jour et par enfant dans la limite de cinq jours, soit 9,5 millions d'euros en 2015. L'autorité judiciaire peut ordonner toute mesure d'information pour vérifier que les intéressés sont mineurs. Dans les Alpes-Maritimes, alors que 453 jeunes avaient demandé protection entre le 1er juin et le 4 septembre 2015, il s'est avéré que seuls 100 d'entre eux étaient mineurs ; à la date du 9 septembre, 32 d'entre eux étaient mis à l'abri dans un internat scolaire, 7 accueillis dans d'autres départements.

Cette situation a conduit à une reprise de contact fructueuse avec le département des Alpes-Maritimes, qui ne nous communiquait plus les chiffres depuis janvier. Il est donc faux de dire que l'État ne fait rien.

Mme Colette Giudicelli.  - Cette réponse n'est guère satisfaisante. Je n'attendais certes pas l'annonce de mesures d'ampleur, mais il faudra bien en reparler.

Expulsion des gens du voyage

Mme Chantal Deseyne .  - La loi du 5 juillet 2000 impose aux communes de plus de 5 000 habitants et aux établissements publics de coopération intercommunale qui exercent la compétence d'aménagement, d'entretien et de gestion des aires d'accueil, d'organiser l'accueil des gens du voyage. Or malgré la mise à disposition d'aires d'accueil, des élus de petites communes ou des particuliers sont confrontés à l'installation illégale des gens du voyage sur des terrains publics ou privés. Élus locaux et administrés disposent de peu de moyens légaux pour les expulser. Les coûts de l'eau consommée, de l'électricité utilisée, des déchets laissés après leur départ et des éventuelles dégradations sont inévitablement répercutés sur les impôts des contribuables. Les maires ont un sentiment d'impuissance et d'abandon, je peux en témoigner. Ils sont pris à partie, parfois agressés par les gens du voyage, j'en ai fait l'expérience deux fois cette année.

Que fera le Gouvernement ?

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes .  - L'objectif de la loi du 5 juillet 2000 est de trouver un équilibre entre droits et devoirs des gens du voyage et des élus, entre liberté d'aller et venir et droit de propriété. La contrepartie de l'obligation de créer des zones d'accueil est la possibilité de faire évacuer les terrains illicitement occupés. La procédure d'expulsion est régie par les articles 9 et 9-1 de la loi de 2000. Le Gouvernement entend remédier aux difficultés actuelles. La proposition de loi de Dominique Raimbourg adoptée le 9 juin 2015 par l'Assemblée nationale résoudra bien des problèmes. J'invite le Sénat à l'inscrire à son ordre du jour.

Mme Chantal Deseyne.  - Même quand une procédure est engagée, il faut composer avec les délais et les occupations illicites se poursuivent... Il me semble que les gens du voyage ont plus de droits que de devoirs.

M. le président.  - Autre difficulté, les gens du voyage se sédentarisent dans les aires d'accueil et l'on manque de place pour ceux qui arrivent...

Forces de l'ordre à Hendaye

M. Georges Labazée .  - Lors de sa visite récente à Hendaye, le ministre a pu apprécier la qualité du travail effectué par les forces de l'ordre, le dévouement des personnels et la bonne coopération avec les polices espagnoles.

Hendaye est une ville frontière de plus de 17 000 habitants, dans une agglomération transfrontalière de plus de 100 000 habitants. Le commissariat de la ville, supprimé en 2011, a été transformé en poste de police rattaché au commissariat de Saint-Jean-de-Luz. La police de l'air et des frontières assure les contrôles frontaliers mais ne s'occupe pas de la sécurité publique. Quant à la brigade anti-criminalité, autrefois présente à Saint-Jean-de-Luz, elle a été rattachée à Bayonne.

Comment accepter que l'on ne puisse pas déposer plainte la nuit à Hendaye ? Certains jours, il n'y a que deux agents circulants pour toute la zone côtière couverte par le commissariat, regroupant six communes et 50 000 habitants. Le Gouvernement doit rehausser les effectifs de la police.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes .  - Le Gouvernement, qui a fait de la sécurité une de ses priorités, a créé 500 postes de gendarmes et policiers chaque année depuis 2012. À comparer avec la suppression de 13 700 postes sur la précédente mandature... À cela s'ajoutent les renforts exceptionnels pour lutter contre le terrorisme et l'immigration irrégulière : 1 000 postes supplémentaires en 2016, dans la seule police nationale.

L'effectif du commissariat de Saint-Jean-de-Luz, malgré une légère baisse, est très proche de l'effectif de référence : 61 agents au lieu de 62. La police aux frontières, elle, a vu ses effectifs passer de 199 en 2012 à 208 en 2015, de 164 à 174 à Hendaye. Ces agents, par leur action, contribuent également à assurer l'ordre public.

M. Georges Labazée.  - Le maire d'Hendaye a déposé un dossier à la suite de la visite du ministre de l'intérieur. Espérons que ma question l'aidera à aboutir.

Aide au logement temporaire

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - Le décret de décembre 2014 relatif à l'aide versée aux gestionnaires d'aires d'accueil des gens du voyage a réformé les modalités de calcul et d'attribution de l'aide au logement temporaire. Ce décret, précisé par une instruction ministérielle du 4 février 2015, instaure un nouveau type de conventionnement avec la société gestionnaire du site.

La ville de Nice a confié la gestion de cette aire à un prestataire privé. Un décret à paraître prochainement devrait préciser les modalités d'application de la réforme et trancher définitivement le flou juridique de la définition du gestionnaire de l'équipement, et, par conséquent, du bénéficiaire de l'ALT : la collectivité ou le prestataire.

Les nouvelles modalités ne vont pas sans créer de difficultés pour les collectivités dans leurs relations contractuelles avec leurs prestataires de service. L'ALT était à l'origine une subvention mensuelle de fonctionnement versée à la collectivité en charge de la compétence accueil des gens du voyage. Désormais un tiers de cette participation sera modulée en fonction de l'occupation des aires d'accueil et le signataire de la convention sera le gestionnaire opérationnel direct de l'aire, soit la commune ou l'intercommunalité en cas de régie directe, soit l'opérateur en cas de gestion déléguée, soit l'opérateur en cas de gestion confiée dans le cadre d'un marché public.

La modulation du tiers de l'aide selon le taux d'occupation, se soldera par une perte de recettes. La signature de la convention d'aide à la gestion n'est pas compatible avec les marchés publics en cours. Au moment de la conclusion de ces marchés, ces nouvelles dispositions n'étaient évidemment pas connues.

Au vu de ces difficultés d'application, quelles modifications entend apporter le Gouvernement ?

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes .  - La réforme de l'ALT, que la Cour des Comptes a recommandée, vise à inciter les gestionnaires d'aires à rendre celles-ci plus attractives. De fait, de nombreuses aires étaient peu occupées, voire pas du tout. Concernant la signature de la convention, le décret se borne à rappeler l'état de droit. Le Gouvernement a voulu préserver une part forfaitaire de l'ALT pour tenir compte des frais fixes tout en prévoyant une modulation d'un tiers en fonction de l'occupation effective.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Soit, mais cela est dommage car vous mettez en difficulté des villes, comme Nice, qui avaient fourni de gros efforts pour aménager des aires d'accueils. Les nôtres sont très occupées.

Péréquation

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - Le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), créé en 2012, constitue un mécanisme de péréquation horizontale du bloc communal. Après une montée en charge progressive depuis trois ans, l'année 2015 a vu une explosion des montants prélevés au moment même où les dotations aux collectivités territoriales diminuent.

Les communes de montagne sont très touchées. Le département des Hautes-Alpes est contributeur à hauteur de 2 461 285 euros et 1 217 019 euros sont redistribués. Le FPIC vient accentuer les difficultés financières des collectivités locales et les prive de toute capacité d'investissement. De fait, le principal critère qui conditionne les volumes prélevés repose sur le potentiel financier par habitant. Or celui des Haut-Alpins est supérieur à la moyenne nationale en raison de la valeur du foncier bâti en zone touristique. S'agissant des critères d'attribution qui reposent sur le revenu par habitant et l'effort fiscal, là encore ce département de montagne est pénalisé puisque le revenu fiscal par habitant y est aussi supérieur au revenu moyen national. Ne faut-il pas revoir ce mécanisme ?

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes .  - Vous contestez le mode de calcul du FPIC, pourtant fondé sur un critère objectif, le potentiel financier agrégé, qui neutralise les choix fiscaux des collectivités.

Les zones de montagne seraient maltraitées ? Les chiffres démentent cette impression, puisque les 538 intercommunalités de montagne présentent un solde équilibré au titre du FPIC, avec 103 millions d'euros prélevés et 98 millions reversés. Les communes de montagne classées en ZRR présentent même un bénéfice net de 3,8 millions d'euros. Le prélèvement moyen, dans les EPCI de montagne, est de 16,05 euros par habitant, contre 20,98 euros en moyenne nationale, le reversement de 22,63 euros par habitant quand la moyenne nationale s'établit à 22,66 euros.

Quant aux charges spécifiques, elles n'ont pas à être prises en compte dans le FPIC, d'autant que les stations de ski ont la taxe sur les remontées mécaniques.

Mme Patricia Morhet-Richaud.  - La direction générale des collectivités locales ne fournit pas les mêmes chiffres que vous. Des communes des Hautes-Alpes devront même augmenter leurs impôts pour faire face à cette situation.

Conservatoires

M. Jean-Claude Luche .  - Dans mon rapport pour avis sur le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » sur la loi de finances initiale pour 2015, j'avais alerté le Gouvernement sur le désengagement de l'État dans l'enseignement des arts. Il y aura bien 8 millions de plus mais ce n'est pas assez.

Je voudrais savoir comment ces nouveaux crédits seront ventilés entre les conservatoires par les Directions régionales des affaires culturelles (Drac) ? Les crédits accordés à chaque Drac nouvelle correspondront-ils à la simple addition des crédits précédemment accordés aux anciennes Drac, sachant qu'il y aura plus de conservatoires pour une même Drac. Quand les critères d'intervention de l'État seront-ils précisés ? Les conservatoires ont besoin de visibilité budgétaire. L'accent sera-t-il mis sur des critères de fonctionnement ou sur des critères d'action ? Prendra-t-on en compte des critères plus qualitatifs comme la présence sur le territoire, ce qui intéresserait le conservatoire départemental d'Aveyron ? Si les crédits sont accordés uniquement aux conservatoires agréés, quand les conservatoires concernés connaîtront-ils leur label ? Quel est le calendrier du Gouvernement ?

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes .  - Ce Gouvernement est attaché à la culture pour tous.

Premier axe de la réforme des conservatoires : un réengagement de l'État avec plus de 8 millions d'euros qui s'ajoutent aux 15 millions d'euros existants. Deuxième axe : un pilotage mettant l'accent sur l'innovation pédagogique. Troisième axe : la conciliation avec les collectivités territoriales qui sont les premiers acteurs de l'enseignement artistique. Le réengagement financier de l'État en 2016 est bien l'occasion d'une revitalisation de l'enseignement artistique.

M. Jean-Claude Luche.  - Vous l'avez dit, la culture est essentielle pour les territoires. La France ne se résume pas à l'Île-de-France, nous avons besoin d'une vraie péréquation.