Liberté de création, architecture et patrimoine (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine.

Rappel au Règlement

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - Ce rappel se fonde sur l'article 36 du Règlement. Nous devions entamer l'examen du projet de loi Création mercredi dernier en début d'après-midi, vint la prorogation de l'état d'urgence, puis, jeudi, des conventions internationales et le remaniement ministériel, ce qui nous a conduits à siéger vendredi avec obligation de lever la séance à 20 heures...

Aujourd'hui et demain, nous allons à nouveau être interrompus par d'autres points à l'ordre du jour, et le vote solennel n'aura lieu qu'après la suspension des travaux. Ces conditions de travail ne sont pas satisfaisantes. (Applaudissements)

M. le président.  - Acte vous est donné de ce rappel au Règlement.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 24 (Suite)

M. le président.  - Amendement n°416 rectifié, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 14 à 21

Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :

« II.  -  La protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l'autorité administrative dans les conditions fixées à l'article L. 621-31. Ce périmètre peut être commun à plusieurs monuments historiques.

« En l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci.

« La protection au titre des abords s'applique à toute partie non protégée au titre des monuments historiques d'un immeuble partiellement protégé.

« La protection au titre des abords n'est pas applicable aux immeubles ou parties d'immeubles protégés au titre des monuments historiques ou situés dans le périmètre d'une cité historique classée en application des articles L. 631-1 et L. 631-2.

« Les servitudes d'utilité publique instituées en application de l'article L. 341-1 du code de l'environnement ne sont pas applicables aux immeubles protégés au titre des abords.

« Art. L. 621-31.  -  Le périmètre délimité des abords prévu au troisième alinéa de l'article L. 621-30 est créé par décision de l'autorité administrative, sur proposition de l'architecte des Bâtiments de France, après enquête publique, consultation du propriétaire ou de l'affectataire domanial du monument historique et accord de l'autorité compétente en matière de plan local d'urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale.

Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication.  - Pour tenir compte de nos débats de vendredi, je vous présente un amendement rectifié qui préserve le rôle de l'État en matière de protection des abords des 43 000 monuments historiques. La protection des monuments historiques et de leurs abords est et doit rester la prérogative de l'État, sauf à fragiliser l'ensemble de ce dispositif hérité de la loi de 1913, même si une étroite collaboration s'impose avec les communes.

La règle des 500 mètres demeurera si un nouveau périmètre dit intelligent, élaboré par l'ABF et approuvé par les collectivités territoriales concernées, n'est pas défini. Les règles actuelles sont sources d'incompréhension et de contentieux. La rédaction de la commission, elle, présente des difficultés d'application lorsque plusieurs collectivités sont simultanément concernées : je vous propose de vous rallier à celle du Gouvernement.

M. le président.  - Compte tenu de sa rectification, je propose que cet amendement soit mis en discussion commune avec les suivants. (Assentiment)

M. le président.  - Amendement n°272, présenté par M. Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

I.  -  Après l'alinéa 12

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Les abords sont déterminés et créés à partir d'une proposition de l'architecte des Bâtiments de France. Une enquête publique ainsi qu'une concertation réunissant l'architecte des Bâtiments de France, la commission régionale du patrimoine et de l'architecture et l'autorité compétente en matière de plan local d'urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale suivent la proposition de l'architecte des Bâtiments de France.

« À défaut d'accord, un décret pris en Conseil d'État, après avis de la commission nationale du patrimoine et de l'architecture délimite et crée la zone d'abords.

II.  -  Alinéas 21 à 23

Supprimer ces alinéas.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Nos 44 000 monuments sont aujourd'hui protégés efficacement par une protection automatique des abords, de 500 mètres. M. de la Bretesche, devant notre commission, s'est fait l'écho des interrogations des spécialistes sur la réforme envisagée. En un siècle, il n'y a eu qu'un seul arrêt de la cour administrative, ce qui prouve l'efficacité du régime actuel, pragmatique et consensuel : une règle automatique à laquelle on peut exceptionnellement déroger.

M. le président.  - Amendement n°149 rectifié, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 14 à 20

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

« II.  -  La protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l'autorité administrative. Ce périmètre peut être commun à plusieurs monuments historiques.

« La protection au titre des abords s'applique à toute partie non protégée au titre des monuments historiques d'un immeuble partiellement protégé.

« La protection au titre des abords n'est pas applicable aux immeubles ou parties d'immeubles protégés au titre des monuments historiques ou situés dans le périmètre d'une cité historique classée en application des articles L. 631-1 et L. 631-2.

« Les servitudes d'utilité publique instituées en application de l'article L. 341-1 du code de l'environnement ne sont pas applicables aux immeubles protégés au titre des abords.

« III.  -  En l'absence de périmètre délimité dans les conditions fixées à l'article L. 621-31, la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Le régime actuel date de 1943. Le critère de délimitation des abords est double : géométrique et optique. L'appréciation souveraine des ABF a pu susciter des frictions avec les élus. Il est temps de revoir le régime des abords, en maintenant la règle des 500 mètres faute d'accord sur un autre périmètre.

M. le président.  - Amendement n°515, présenté par Mme Férat, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 14

Remplacer les mots :

sur décision

par les mots :

au choix

II.  -  Alinéa 16, première phrase

Remplacer les mots :

par l'autorité administrative

par les mots :

en application de l'article L. 621-31

Mme Françoise Férat, rapporteur de la commission de la culture.  - Sans remettre en cause la prérogative de l'État, la commission estime que la commune ou l'EPCI devrait pouvoir choisir entre les deux formules possibles pour la délimitation des abords, c'est-à-dire le périmètre automatique des 500 mètres auquel s'ajoute le critère de covisibilité, ou le périmètre dit intelligent.

M. le président.  - Amendement n°351 rectifié, présenté par MM. Husson et Commeinhes et Mme Estrosi Sassone.

I.  -  Alinéa 14

Remplacer le mot :

décision

par le mot :

proposition

II.  -  Alinéa 16, première phrase

Après le mot :

Ou

insérer les mots :

, lorsque l'architecte des Bâtiments de France y consent,

M. François Commeinhes.  - Il importe de maintenir le pouvoir traditionnel de proposition dont dispose l'ABF dans ce domaine essentiel. Un engagement et un financement de la procédure de délimitation par la seule autorité d'urbanisme risque en effet de compromettre la liberté de décision du préfet.

M. le président.  - Amendement identique n°471, présenté par M. Bouvard.

M. Michel Bouvard.  - L'amendement du Gouvernement change la donne... Dès lors que la modification du périmètre sera décidée sur proposition de l'ABF, cet amendement n'a plus lieu d'être.

L'amendement n°471 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°279, présenté par M. Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

I.  -  Alinéa 14

Remplacer les mots :

compétente en matière de plan local d'urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale :

par les mots :

administrative.

II.  -   Après l'alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Ce périmètre peut être commun à plusieurs monuments historiques. Il peut être limité à l'emprise du monument historique.

Mme Christine Prunaud.  - Confier la délimitation des abords aux collectivités territoriales est problématique en période de tension sur le marché du logement, et alors que les collectivités n'ont pas toutes les moyens d'exercer cette compétence. L'État doit rester garant d'une protection ambitieuse du patrimoine. La réforme proposée est porteuse de dangers.

M. le président.  - Amendement n°407, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 16, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

après avis simple de l'architecte des Bâtiments de France

Mme Marie-Christine Blandin.  - L'autorité compétente en matière d'urbanisme doit pouvoir recueillir l'avis simple de l'architecte des bâtiments de France, qui ne lierait pas la collectivité territoriale. Je pense aux étudiants de l'école d'architecture de Villeneuve d'Ascq, qui ont appris au Vietnam la géomancie pour savoir dessiner un lieu depuis les quatre points cardinaux... (Mme Corinne Bouchoux applaudit)

M. le président.  - Amendement n°301 rectifié bis, présenté par MM. de Nicolaÿ, Trillard, Vasselle, Laménie et Longuet, Mme Duchêne, M. Mandelli, Mmes Hummel et Lamure, MM. Chaize, Pellevat, de Legge, J. Gautier et B. Fournier, Mmes Cayeux et Deroche, M. A. Marc, Mme Deromedi et MM. Husson et Savin.

Alinéa 16, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

lorsque l'immeuble est visible du monument historique ou visible en même temps que lui

M. Louis-Jean de Nicolaÿ.  - Le critère de covisibilité serait supprimé en cas de définition d'un périmètre dit intelligent. Les touristes visitant un monument historique pourrait dès lors voir depuis celui-ci une usine ou une éolienne, sans que le maire ni l'ABF puissent s'y opposer. Moi qui suis maire et propriétaire d'un monument historique, je trouve cette disposition dangereuse, tant pour la dynamique touristique que pour la protection du patrimoine.

M. le président.  - Amendement n°329 rectifié, présenté par MM. de Nicolaÿ, Trillard, Vasselle, Laménie et Longuet, Mme Duchêne, M. Mandelli, Mmes Hummel et Lamure, MM. Chaize, Pellevat, de Legge, J. Gautier et B. Fournier et Mmes Cayeux, Deroche et Deromedi.

Alinéa 18

Compléter cet alinéa par les mots :

dès publication de l'acte

M. Louis-Jean de Nicolaÿ.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°302 rectifié bis, présenté par MM. de Nicolaÿ, Trillard, Vasselle, Laménie et Longuet, Mme Duchêne, M. Mandelli, Mmes Hummel et Lamure, MM. Chaize, Pellevat, de Legge, J. Gautier et B. Fournier, Mmes Cayeux et Deromedi et M. Savin.

Alinéa 21

Après les mots :

sur proposition

insérer les mots :

et avis

M. Louis-Jean de Nicolaÿ.  - Défendu.

Mme Françoise Férat, rapporteur.  - La commission souhaite quelques instants de suspension pour examiner l'amendement rectifié du Gouvernement.

La séance, suspendue à 14 h 50, reprend à 15 heures.

Mme Françoise Férat, rapporteur.  - Dans la nouvelle rédaction de l'amendement du Gouvernement, le périmètre « intelligent » ne s'appliquerait qu'exceptionnellement. Avis favorable... sous réserve que l'appellation « cité historique » soit remplacée...

Mme Audrey Azoulay, ministre.  - C'est un oubli...

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°416 rectifié bis.

Amendement n°416 rectifié bis, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 14 à 21

Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :

« II.  -  La protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l'autorité administrative dans les conditions fixées à l'article L. 621-31. Ce périmètre peut être commun à plusieurs monuments historiques.

« En l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci.

« La protection au titre des abords s'applique à toute partie non protégée au titre des monuments historiques d'un immeuble partiellement protégé.

« La protection au titre des abords n'est pas applicable aux immeubles ou parties d'immeubles protégés au titre des monuments historiques ou situés dans le périmètre d'un site patrimonial protégé classé en application des articles L. 631-1 et L. 631-2.

« Les servitudes d'utilité publique instituées en application de l'article L. 341-1 du code de l'environnement ne sont pas applicables aux immeubles protégés au titre des abords.

« Art. L. 621-31.  -  Le périmètre délimité des abords prévu au troisième alinéa de l'article L. 621-30 est créé par décision de l'autorité administrative, sur proposition de l'architecte des Bâtiments de France, après enquête publique, consultation du propriétaire ou de l'affectataire domanial du monument historique et accord de l'autorité compétente en matière de plan local d'urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale.

Mme Christine Prunaud.  - Tous les élus connaissent les problèmes que pose la protection des abords, et les conflits entre les ABF et les collectivités. Un nouveau partenariat est bienvenu.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ.  - Le principe de covisibilité est extrêmement important si l'on est dans le cadre d'une seule commune. Si je comprends bien, il ne serait supprimé que si deux communes sont concernées ?

Mme Audrey Azoulay, ministre.  - Le périmètre « intelligent » prendra en compte tous les critères, y compris la covisibilité.

M. Jean Louis Masson.  - D'énormes problèmes subsistent avec les ABF. Il faut mettre fin à l'arbitraire de leurs décisions. (M. Hubert Falco approuve) l'un exige des volets noirs, le suivant des volets blancs...

Dans un lotissement d'une commune de mon département, un premier architecte des bâtiments de France a imposé des normes folles, dont son successeur s'est ému auprès du maire...

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Il faudrait s'interroger sur le nombre des ABF, à mettre en rapport avec celui des monuments historiques ! Tout cela mérite un débat d'une autre ampleur.

M. Alain Houpert.  - Moi qui ai été dix ans président d'un Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), je veux défendre les ABF. Ce sont des êtres humains... Et qu'y a-t-il de plus arbitraire qu'un être humain ? En 1968, le ministre Malraux avait fait réaliser un inventaire du petit patrimoine, il n'en reste aujourd'hui qu'un tiers, ce serait encore moins sans les ABF. Je suis fier que la France soit restée la France, et qu'il y existe des ABF ! (Applaudissements sur divers bancs)

L'amendement n°416 rectifié bis est adopté.

Les amendements nos272, 149 rectifié, 515, 351 rectifié, 279, 407, 301 rectifié bis, 329 rectifié et 302 rectifié bis deviennent sans objet.

M. le président.  - Amendement n°345 rectifié ter, présenté par MM. Husson, Cardoux, Commeinhes, de Nicolaÿ, Milon, Longuet, Emorine, Masclet et Kennel, Mmes Duchêne et Deromedi, MM. Mayet, Mandelli et Dufaut, Mmes Morhet-Richaud et Imbert, MM. Laménie, de Raincourt, Pellevat, Chaize, Gournac, Cornu et Vaspart, Mme Gruny et MM. Adnot, B. Fournier, Gremillet, Savin et Chasseing.

Alinéa 41

Remplacer les mots :

et du ministre chargé des domaines

par les mots et une phrase ainsi rédigée :

à laquelle sont spécialement adjoints un député et un sénateur désignés respectivement par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat et un représentant du ministre chargé des domaines. Les débats tenus à la commission sur cet objet sont publics.

M. Jean-Noël Cardoux.  - La composition de la commission présidant au choix et à la délimitation des domaines nationaux est particulièrement importante, des parlementaires doivent y être associés.

M. le président.  - Amendement n°423, présenté par M. Bouvard.

Alinéa 41

Remplacer les mots :

et du ministre chargé des domaines

par les mots et une phrase ainsi rédigée :

à laquelle sont spécialement adjoints un député et un sénateur désignés par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat et un représentant du ministre chargé des domaines. Les débats tenus à la commission sur cet objet sont publics.

M. Michel Bouvard.  - Même objet. Spécialiste budgétaire et vieux militant du patrimoine, je rappelle que la Lolf a donné au Parlement un droit de regard sur la gestion de l'immobilier de l'État, un conseil ad hoc a été créé. Les domaines nationaux, ce sont les joyaux de la couronne, et là aussi, le Parlement doit avoir son mot à dire. La publicité des débats est également très importante : le citoyen a le droit de savoir selon quels critères et pour quel besoin un périmètre a été modifié.

M. le président.  - Amendement n°464 rectifié, présenté par MM. Barbier, Arnell, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mme Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.

Alinéa 41

Remplacer les mots :

et du ministre chargé des domaines

par les mots et une phrase ainsi rédigée :

à laquelle sont adjoints un député et un sénateur désignés par les présidents des chambres respectives et un représentant du ministre chargé des domaines. Les débats de la commission sur cet objet sont publics.

M. Gilbert Barbier.  - Il est tout à fait légitime que l'avis des parlementaires soit recueilli et que les débats soient publics.

Mme Françoise Férat, rapporteur.  - La commission a prévu que des parlementaires présideraient la commission. Avis défavorable.

Mme Audrey Azoulay, ministre.  - Même avis.

M. Alain Vasselle.  - J'aurais mieux compris une demande de retrait, puisque les amendements sont satisfaits...

Mme Françoise Férat, rapporteur.  - Vous avez raison.

M. le président.  - Amendement n°277, présenté par M. Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'alinéa 42

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les domaines nationaux sont déclarés inconstructibles.

M. Jean-Pierre Bosino.  - Pour nous, l'inconstructibilité des domaines nationaux doit être un principe fondateur.

Mme Françoise Férat, rapporteur.  - Il peut y avoir des parcelles privées. Avis défavorable.

Mme Audrey Azoulay, ministre.  - Le Gouvernement est opposé à l'inconstructibilité, qui pénaliserait les personnes publiques ou privées propriétaires d'une partie des domaines nationaux. La protection est de toute façon systématique au titre du classement ou de l'inscription. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Bosino.  - Nous maintenons l'amendement : la protection n'est pas l'inconstructibilité. Nous privilégions, non l'intérêt des personnes mais celui des biens nationaux.

M. Alain Houpert.  - Heureusement que l'inconstructibilité n'était pas la règle sous Louis XIII, sinon le pavillon de chasse de Versailles ne serait pas devenu le château que l'on connaît...

M. Jean-Pierre Bosino.  - À quel prix !

M. Michel Bouvard.  - Des aménagements peuvent être nécessaires dans les domaines nationaux ou sur des parcelles limitrophes, sous réserve de protection, pour l'accueil des visiteurs notamment : ainsi, un hôtel a été construit près du château de Chantilly, s'inscrivant parfaitement dans le domaine, et contribuant au rééquilibrage à terme des comptes de celui-ci.

M. David Assouline.  - L'inconstructibilité aurait interdit d'édifier la Pyramide du Louvre ! Il ne s'agissait pas seulement d'améliorer l'accueil des visiteurs, mais de faire vivre notre patrimoine sans le dénaturer. C'est aussi de cette façon que se façonnent notre identité et notre culture. On ne peut figer les choses dans la pierre et encore moins dans le sang.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Un hôtel de luxe construit par l'Aga Khan... L'exemple pris par David Assouline me parle davantage... Nous retirons l'amendement.

L'amendement n°277 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°278, présenté par M. Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'alinéa 42

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les monuments dont la gestion a été confiée par l'État au Centre des monuments nationaux ainsi que les monuments lui appartenant en propre entrent de plein droit dans la liste des domaines nationaux.

M. Jean-Pierre Bosino.  - Avec un taux d'autofinancement de plus de 85 %, hors masse salariale des agents d'État affectés, et seulement six monuments dégageant suffisamment de ressources, l'équilibre financier du Centre des monuments nationaux (CMN) repose sur la péréquation ; il est extrêmement précaire. Toute modification de périmètre risque de le compromettre. De plus, les politiques patrimoniales comme la programmation des travaux sur les monuments historiques ne peuvent se concevoir qu'à long terme. Comme l'ont souligné plusieurs rapports parlementaires, l'instabilité chronique du CMN ces dernières années a considérablement freiné son développement et son évolution. Intégrer les monuments gérés par le CMN dans la liste des domaines nationaux permettrait à l'établissement de trouver la stabilité dont il a besoin pour déployer ses politiques tout en conservant son équilibre financier, sans pour autant figer son périmètre. Enfin, le périmètre du CMN doit être représentatif de toutes les époques, de la diversité des patrimoines sur l'ensemble du territoire métropolitain et ultra-marin.

Mme Françoise Férat, rapporteur.  - Les domaines nationaux sont des ensembles immobiliers, non des monuments isolés. La commission présidé par René Rémond a appelé en 2003 à distinguer entre les monuments d'intérêt national et ceux qui peuvent être transférés aux collectivités locales. Avis défavorable.

Mme Audrey Azoulay, ministre.  - Les domaines nationaux sont des ensembles prestigieux, liés à l'histoire de la nation. Leur régime est particulier. La péréquation ne nécessite pas l'intégration systématique des monuments historiques aux domaines nationaux, intégration qui imposerait une protection disproportionnée et brouillerait le sens de ce régime. Retrait.

L'amendement n°278 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°479, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 47

Supprimer cet alinéa.

II.  -  Alinéa 51, seconde phrase

Supprimer les mots :

par l'effet duquel il se trouve subrogé à l'acquéreur

Mme Audrey Azoulay, ministre.  - Cet amendement supprime l'inconstructibilité des domaines nationaux introduite en commission. D'excellents exemples ont été cités. Le projet de loi prévoit en revanche le classement ou l'inscription systématique, ce qui assurera une protection efficace. L'exercice du droit de préemption urbain reste en outre possible.

M. le président.  - Amendement n°150 rectifié, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 47

Supprimer cet alinéa.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Il ne s'agit pas de construire des boîtes de nuit à Versailles ou des zones commerciales à Chambord, mais de permettre des évolutions. Que serait le Louvre sans la pyramide ?

M. le président.  - Amendement n°519, présenté par Mme Férat, au nom de la commission.

Alinéa 47

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Elles sont inconstructibles, à l'exception des bâtiments ou structures strictement nécessaires à leur entretien, à leur visite par le public ou s'inscrivant dans un projet de restitution architecturale ou de création artistique.

Mme Françoise Férat, rapporteur.  - Nous assouplissons les règles relatives à l'inconstructibilité de parties des domaines nationaux afin qu'elles ne puissent empêcher la reconstruction des bâtiments disparus ou l'ajout d'éléments artistiques.

Avis défavorable au I de l'amendement n°479 ; favorable au II. Défavorable à l'amendement n°150 rectifié. L'amendement de la commission répond aux craintes, mais évite que les domaines nationaux ne soient victimes de la pression urbaine, notamment en Ile-de-France. Nous avons quelques exemples malheureux...

Mme Audrey Azoulay, ministre.  - Favorable à l'amendement n°150, défavorable à l'amendement n°519. Je souhaite préserver l'intégrité de mon amendement.

M. Alain Vasselle.  - J'ai du mal à suivre la position de Mme Férat ; elle s'est opposée à l'amendement de M. Bosino sur l'inconstructibilité des domaines nationaux, mais ici, affirme l'inconstructibilité de certaines parties, tout en introduisant une dérogation... L'amendement du Gouvernement me paraît plus cohérent avec ce que nous avons voté précédemment. (M. Hubert Falco approuve)

M. Alain Houpert.  - J'irai dans le même sens. Sous Jacques Chirac aussi, on a modifié le Louvre en ouvrant le département d'art de l'islam dû aux architectes Mario Bellini et Rudy Ricciotti. L'architecture est faite de strates, comme la vie. Or tout effort humain est voué à l'archéologie, disait Cioran.

Le TGV qui emmène les députés européens à Strasbourg ou Bruxelles passe devant le château du Haut-Koenigsbourg, reconstruit par Guillaume II : encore un cas où la constructibilité était utile. L'histoire comme l'architecture, c'est celle des hommes. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite et au centre ; M. Bernard Lalande applaudit également)

Mme Françoise Férat, rapporteur.  - Nous sommes d'accord, mon amendement ne dit pas le contraire. Relisez le texte.

Monsieur Vasselle, je reste à votre disposition pour vous donner des informations complémentaires (Mouvements à droite). Nous ne faisons que prendre des garanties, au vu de certaines expériences récentes...

L'amendement n°479 n'est pas adopté.

L'amendement n°150 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°519 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié ter, présenté par M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. Karoutchi, Laufoaulu, Commeinhes, Morisset, Mouiller, Dufaut, Mayet et Gilles, Mmes Duchêne et Morhet-Richaud, MM. Charon, Milon, D. Laurent et Pellevat, Mme Deromedi, MM. Mandelli, Trillard, Doligé, Vasselle, Longuet, Laménie, Genest, B. Fournier et Bouchet, Mmes Primas, Debré et Gruny, M. Savary, Mme Canayer, M. Pinton, Mme Imbert, MM. Houel, Houpert et Lefèvre, Mme M. Mercier, M. Gournac, Mme Lamure, MM. Revet et Chasseing, Mmes Deroche et Lopez et MM. Rapin, Husson et Darnaud.

Après l'alinéa 55

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 621-...  -  Afin de faciliter sa conservation, sa mise en valeur et son développement l'établissement public, en charge du domaine national de Chambord, peut se voir confier, par décret, la gestion d'autres domaines nationaux ainsi que de domaines et d'immeubles appartenant à l'État. » ;

M. Jean-Noël Cardoux.  - Cet amendement permet à l'État de confier, par décret, au domaine national de Chambord, la gestion d'un ou plusieurs domaines nationaux ainsi que des domaines et immeubles appartenant à l'État, afin de mutualiser les moyens pour dégager des économies d'échelle et faciliter son développement.

Chambord, patrimoine mondial, est l'un des monuments les plus visités, le deuxième en province après le Mont-Saint-Michel. Le comité de gestion, qui vise le million de visiteurs annuels, a lancé des mutualisations avec des fondations privées comme le Musée de la chasse et de la nature, remis en culture cinq hectares de vigne... Ces efforts doivent être poursuivis ; le président de la République lui-même l'a dit lors de son déplacement à Chambord.

Mme Françoise Férat, rapporteur.  - Favorable.

Mme Audrey Azoulay, ministre.  - Les missions du domaine national de Chambord ont été fixées par la loi de 2005 ; elles ne peuvent évoluer que par la loi. Cela mérite une analyse approfondie. Votre amendement renvoie ces analyses au pouvoir réglementaire. Sagesse.

M. François Patriat.  - Je voterai pour, au nom des projets très intéressants autour de Chambord - qui est jumelé avec des sites en Chine, bientôt en Inde, mais qui ne peut pas valoriser d'autres domaines similaires en France. Je propose toutefois de rectifier l'amendement pour viser un décret en Conseil d'État.

M. Alain Vasselle.  - Je me réjouis de l'avis favorable de la commission, mais pourquoi cette position réservée de la ministre ? Les études sont toutes faites : la mutualisation serait source d'économies, vos collaborateurs pourront vous le confirmer. J'invite nos collègues à prendre une participation dans le nouveau vignoble de Chambord : il vous en coûtera 1 000 euros, et vous participerez à un beau projet !

M. Alain Houpert.  - Chambord est un exemple magnifique d'un château extraordinaire construit par François Ier dans un lieu inconfortable. Il n'y a résidé que cinq jours... Je voterai cet amendement, en espérant qu'il fera des petits.

Mme Jacqueline Gourault.  - Je soutiens l'amendement, mais, en toute amitié, il aurait été élégant d'en parler aux sénateurs du Loir-et-Cher, a fortiori ceux de la majorité... (Exclamations amusées). Chambord est un domaine national, qui dépasse les clivages politiques. Il y avait beaucoup moins de monde quand il s'agissait de défendre la commune de Chambord... (Applaudissements au centre et sur plusieurs bancs à droite)

M. Michel Bouvard.  - Il faut une vision d'ensemble. Cet amendement sera, je l'espère, une première étape vers une meilleure mutualisation de la gestion des domaines nationaux.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je me réjouis que l'on fasse rayonner le joyau qu'est Chambord au-delà des frontières, mais il serait sage, effectivement, de se souvenir qu'il existe une commune de Chambord, qui dispose des mêmes prérogatives que toutes les autres communes de France et mérite due considération ? J'appelle de mes voeux une véritable coopération entre l'établissement public et la commune, gérée par un maire et un conseil municipal élus. (M. Henri de Raincourt applaudit).

M. Éric Doligé.  - Effectivement, nous espérions que la loi NOTRe aboutirait à une fusion des départements du Loir-et-Cher et du Loiret. C'est pourquoi nous avons omis de demander à Mme Gourault d'être cosignataire : dans notre esprit, nous l'avions couchée sur l'amendement ! (Sourires)

M. Jean-Noël Cardoux.  - J'accepte la rectification de M. Patriat et je vous présente mes excuses, madame Gourault. Nous nous retrouverons à Chambord ! (Sourires)

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°2 rectifié quater.

Amendement n°2 rectifié quater, présenté par M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. Karoutchi, Laufoaulu, Commeinhes, Morisset, Mouiller, Dufaut, Mayet et Gilles, Mmes Duchêne et Morhet-Richaud, MM. Charon, Milon, D. Laurent et Pellevat, Mme Deromedi, MM. Mandelli, Trillard, Doligé, Vasselle, Longuet, Laménie, Genest, B. Fournier et Bouchet, Mmes Primas, Debré et Gruny, M. Savary, Mme Canayer, M. Pinton, Mme Imbert, MM. Houel, Houpert et Lefèvre, Mme M. Mercier, M. Gournac, Mme Lamure, MM. Revet et Chasseing, Mmes Deroche et Lopez et MM. Rapin, Husson et Darnaud.

Après l'alinéa 55

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 621-...  -  Afin de faciliter sa conservation, sa mise en valeur et son développement l'établissement public, en charge du domaine national de Chambord, peut se voir confier, par décret en Conseil d'Etat, la gestion d'autres domaines nationaux ainsi que de domaines et d'immeubles appartenant à l'État. » ;

Mme Audrey Azoulay, ministre.  - Je ne suis pas experte de la chasse, certes, mais la question de la gestion commune va bien au-delà, et mérite des analyses approfondies. Vous confiez cette expertise au Gouvernement, c'est ce qui explique ma position de sagesse, surtout avec la rectification.

L'amendement n°2 rectifié quater est adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. Karoutchi, Laufoaulu, Commeinhes, Morisset, Mouiller, Dufaut, Mayet et Gilles, Mmes Duchêne et Morhet-Richaud, MM. Charon, Milon, D. Laurent et Pellevat, Mme Deromedi, MM. Mandelli, Trillard, Doligé, Vasselle, Longuet, Laménie, Genest, B. Fournier et Bouchet, Mmes Primas, Debré et Gruny, M. Savary, Mme Canayer, M. Pinton, Mme Imbert, MM. Houel, Houpert et Lefèvre, Mme M. Mercier, MM. Gournac, Revet et Chasseing, Mmes Deroche et Lopez et MM. Rapin, Husson et Darnaud.

Après l'alinéa 55

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« Sous-section 4

« Gestion et exploitation de la marque et du droit à l'image des domaines nationaux

« Art. L. 621-...  -  L'utilisation de prises de vue photographiques ou de représentations graphiques des immeubles qui constituent les domaines nationaux à des fins strictement commerciales est soumise à une autorisation préalable délivrée par le gestionnaire du domaine national concerné.

« Cette autorisation peut prendre la forme d'un acte unilatéral ou d'un contrat, assortis ou non de conditions financières. » ;

M. Jean-Noël Cardoux.  - Merci à Mme la ministre d'avoir évoqué la chasse !

Nous voulons redonner des ressources aux domaines nationaux et protéger leur image. Cet amendement résulte de deux rapports : le rapport Lévy-Jouyet sur l'Économie de l'immatériel, et le rapport sur l'Évaluation de la politique de développement des ressources propres des organismes culturels de l'État, rendu en mars par l'Inspection générale des finances et l'Inspection générale des affaires culturelles.

M. le président.  - Amendement n°319 rectifié, présenté par M. Patriat et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 55

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

« Sous-section 4

« Gestion et exploitation de la marque et du droit à l'image dans les domaines nationaux

« Art. L. 621-...  -  L'utilisation de photographies ou de représentations graphiques d'un ensemble immobilier constituant un domaine national ou d'une partie d'ensemble de ce domaine, à des fins commerciales, est soumise à autorisation préalable du gestionnaire du domaine national.

« Un contrat fixe les conditions de mise en oeuvre de l'autorisation et le montant de la rémunération due au titre de la représentation du bien concerné. » ;

M. François Patriat.  - Ce n'est pas un amendement chasse !

Le conseil d'administration du Château de Chambord, présidé par M. Denoix de Saint-Marc et dont je suis membre, ne se soucie pas de la chasse mais de la mise en valeur du patrimoine : réouverture des promenades, des écuries du Maréchal de Saxe, exposition de sculptures, représentations du Bourgeois Gentilhomme, programmes musicaux, etc... Le droit à l'image des monuments historiques n'est pas protégé, nous comblons le vide juridique mis en évidence par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes.

Mme Françoise Férat, rapporteur.  - C'est une exception à la jurisprudence selon laquelle la possession d'un bien ne donne pas d'exclusivité sur son image, mais vu la renommée de ce patrimoine, elle est proportionnée, et ne porte pas atteinte à l'exception de panorama. Cependant, je préfère la rédaction de l'amendement n°3 rectifié. Retrait de l'amendement n°319 rectifié.

Mme Audrey Azoulay, ministre.  - La jurisprudence administrative vient de reconnaître un régime d'autorisation sans texte qui permet de s'opposer à l'exploitation et un droit à rémunération. Le problème se pose aussi pour les monuments historiques privés. Il faudra trouver une solution juridique pérenne. Cependant, ce dispositif est prématuré dans ce texte, il faut approfondir le débat. Avis défavorable.

M. Alain Houpert.  - M. Sueur a évoqué, c'est important, la relations avec la commune, trop souvent le parent pauvre. Dans mon département, le magnifique château de Châteauneuf accueille des dizaines de milliers de visiteurs, mais la commune ne reçoit pas un centime pour entretenir la voierie ou construire des toilettes. Nous devons trouver des moyens : pourquoi pas une taxe sur les visites, à l'image de la taxe de séjour pour l'hôtellerie ?

M. Alain Vasselle.  - Le Gouvernement renvoie encore à des études complémentaires, au motif qu'il faudrait étendre la mesure aux propriétaires privés. Pourquoi renvoyer à plus tard ? Mieux vaut prévoir un décret en Conseil d'État.

M. Jean-Pierre Sueur.  - En cette période de marchandisation généralisée, je félicite mes collègues pour ces amendements ! Dans le domaine sportif, de grands équipements portent le nom de marques, non de sportifs illustres. Il doit en aller autrement pour le patrimoine : nous devons réaffirmer qu'il s'agit d'être autre chose que des portes-marques. Respectons ces oeuvres éminentes dues au génie de notre peuple et de ceux qui nous ont précédés. Solliciter une autorisation, c'est la moindre des choses.

Je comprends les scrupules juridiques et le souci du dialogue de la ministre, mais il faut marquer un coup d'arrêt à cette marchandisation.

M. Alain Marc.  - Le viaduc de Millau est protégé par des royalties, à chaque utilisation commerciale de son image. Je voterai ces amendements, car ces ressources seraient bienvenues, en période de vaches maigres.

Mme Marie-Christine Blandin.  - Je suis ravie d'entendre M. Sueur monter au créneau contre la marchandisation - mais, hélas, lisez la fin de l'amendement : il suffira à une marque d'y mettre le prix pour utiliser l'image de Chambord ! Je comprends la prudence de la ministre. Le superbe musée de Roubaix, la Piscine, a été construit sur fonds publics, or son architecte envisageait de faire payer un droit à l'image à la ville qui l'utilisait pour une campagne publicitaire !

Si un fromager accapare l'image de Chambord, qu'il paye, certes. Mais inversement, si la SNCF utilise l'image d'un monument historique pour faire la promotion de sa desserte, pourquoi pas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC).

M. David Assouline.  - Le sujet n'est pas la lutte contre la marchandisation de la culture, mais : Chambord peut-il financer son développement par le droit à l'image ? L'idée est intéressante, mais l'amendement n'a pas été approfondi en commission. Attention aux effets pervers... Fera-t-on payer les manuels scolaires qui comprennent des images des monuments historiques ? La ministre ne nous renvoie pas aux calendes grecques, je propose que nos collègues retirent leur amendement pour que nous cherchions une rédaction dans la navette.

M. Jean-Noël Cardoux.  - Ma rédaction est claire, il n'est pas question de faire payer des manuels scolaires, bien sûr... Les domaines nationaux sont dotés de conseils d'administration. Cet amendement est né d'un cas précis : l'utilisation de l'image de Chambord par Kronenbourg... Adoptons-le, quitte à le modifier en deuxième lecture.

M. François Patriat.  - Je me rallie à l'amendement de M. Cardoux. Six ans qu'une bière utilise l'image à Chambord ; demain, une vodka illustrée par les hospices de Beaune ? Je m'y refuse ! Il s'agit de protéger l'image de nos biens patrimoniaux exceptionnels.

La marchandisation n'a rien d'obligatoire, les manuels scolaires ne sont pas concernés. Les responsables des domaines nationaux ne vont pas en brader l'image. Votons l'amendement et reparlons-en en seconde lecture.

Mme Nathalie Goulet.  - Il faut voter l'amendement de M. Cardoux pour en débattre en deuxième lecture !

L'amendement n°319 rectifié est retiré.

L'amendement n°3 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. Karoutchi, Laufoaulu, Commeinhes, Morisset, Mouiller, Dufaut, Mayet et Gilles, Mmes Duchêne et Morhet-Richaud, MM. Charon, Milon, D. Laurent et Pellevat, Mme Deromedi, MM. Mandelli, Trillard, Doligé, Vasselle, Longuet, Laménie, Genest, B. Fournier et Bouchet, Mmes Primas, Debré et Gruny, M. Savary, Mme Canayer, M. Pinton, Mme Imbert, MM. Houel, Houpert et Lefèvre, Mme M. Mercier, M. Gournac, Mme Lamure, MM. Revet et Chasseing, Mmes Deroche et Lopez et MM. Rapin, Husson et Darnaud.

Après l'alinéa 72

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...  - L'article L. 621-39 du code du patrimoine, dans sa rédaction résultant du 6° du I du présent article, n'est pas applicable aux opérations de cessions engagées avant l'entrée en vigueur de la présente loi, dont la liste est fixée par décret. 

M. Jean-Noël Cardoux.  - Certaines opérations immobilières étant engagées, notamment par l'Office national des forêts, qui a besoin de ressources, je propose de fixer par décret une liste limitative pour purger les engagements antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi.

Mme Françoise Férat, rapporteur.  - Favorable, au nom de la sécurité juridique et de l'intelligibilité de la loi.

Mme Audrey Azoulay, ministre.  - L'amendement est satisfait, puisque l'emprise des domaines nationaux sera établie par décret en Conseil d'État, en excluant les opérations déjà engagées. Inutile de prévoir un décret ad hoc. Retrait, sinon rejet.

M. Jean-Noël Cardoux.  - Ce n'est pas si clair sur le terrain. Les parties craignent que la loi ne remette en cause les tractations engagées. L'ONF a absolument besoin de réaliser ces cessions. Si cet amendement est superfétatoire, nous le supprimerons dans la navette... Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras !

L'amendement n°1 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°273, présenté par M. Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéas 73 à 124

Supprimer ces alinéas.

M. Patrick Abate.  - Les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager sont remplacées par un dispositif qui s'appuierait sur le PLU. Simplification ? Nous craignons plutôt un affaiblissement de la protection, et de nombreux élus sur le terrain y voient une porte ouverte au désengagement de l'État. De plus, le PLU est sensible aux alternances politiques ; le PLU intercommunal, source de complexité. Nous craignons que la pression urbanistique ne l'emporte sur la protection du patrimoine.

M. le président.  - Amendement n°447 rectifié, présenté par Mme Jouve, MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

Alinéa 78

Remplacer les mots :

sites patrimoniaux

par les mots :

cités et paysages

Mme Mireille Jouve.  - L'appellation « Cités et paysages protégés »  est plus claire et intègre mieux les paysages.

M. le président.  - Amendement n°446 rectifié, présenté par Mme Jouve, MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.

I.  - Alinéa 78

Après le mot :

villages

insérer les mots :

, quartiers, espaces ruraux et paysages

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Mireille Jouve.  - Nous incluons les espaces ruraux et les paysages dans les sites pouvant être protégés au titre des sites patrimoniaux protégés, même lorsqu'ils ne forment pas avec les villes, villages ou quartier un ensemble cohérent.

M. le président.  - Amendement n°195 rectifié, présenté par Mme Cayeux, MM. Vasselle, Milon, de Nicolaÿ, Laufoaulu, Mouiller, Danesi et J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Mandelli, Cardoux, Chasseing, Laménie, Cambon et Gournac, Mme Lamure et MM. Pellevat, Houel et J. Gautier.

Alinéa 80

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les sites patrimoniaux protégés sont dotés d'outils de médiation et de participation citoyenne.

Mme Caroline Cayeux.  - La médiation est un outil précieux pour l'appropriation citoyenne.

M. le président.  - Amendement identique n°391, présenté par M. Bouvard.

M. Michel Bouvard.  - Quand la Commission nationale des monuments historiques a créé le réseau Villes d'art et d'histoire, puis quand nous avons créé l'Association nationale des villes d'art et d'histoire, nous voulions un patrimoine vivant : cela suppose une démarche pédagogique de médiation, d'interprétation, d'appropriation du patrimoine par les habitants, notamment les jeunes.

M. le président.  - Amendement identique n°445 rectifié, présenté par M. Requier, Mme Jouve, MM. Amiel, Bertrand, Castelli, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Vall.

M. Jean-Claude Requier.  - Défendu, au nom de la concision...

M. le président.  - Amendement n°527, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 81, première phrase

Après les mots :

le cas échéant,

insérer les mots :

après consultation

II.  -  Alinéa 88

Après les mots :

la révision

insérer les mots :

du plan de sauvegarde et de mise en valeur ou

III.  -  Alinéas 89 et 91 à 93

Supprimer ces alinéas.

IV.  -  Alinéa 94

Après le mot :

patrimoine

insérer les mots :

a le caractère de servitude d'utilité publique. Il

V.  -  Alinéa 95

Remplacer les mots :

site patrimonial protégé

par le mot :

plan

VI.  -  Alinéas 101 à 103

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Le projet de plan de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine arrêté par l'organe délibérant de l'autorité compétente en matière de plan local d'urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale est soumis pour avis à la commission régionale du patrimoine et de l'architecture.

« Il donne lieu à un examen conjoint des personnes publiques mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9 du code de l'urbanisme.

« Il fait l'objet d'une enquête publique dans les conditions définies par le chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement.

« Il est adopté par l'organe délibérant de l'autorité compétente en matière de plan local d'urbanisme, de document en tenant lieu ou de carte communale, après accord de l'autorité administrative.

« L'élaboration, la révision ou la modification du plan de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine et l'élaboration, la révision ou la modification du plan local d'urbanisme peuvent faire l'objet d'une procédure unique et d'une même enquête publique dans les conditions définies par le chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement.

VII.  -  Alinéa 107

Remplacer les mots :

de l'aire

par les mots :

du plan

Mme Audrey Azoulay, ministre.  - Le Gouvernement a entendu les inquiétudes soulevées par l'inscription dans le PLU. Il propose de compléter la rédaction de votre commission en conférant au plan de sauvegarde un caractère de servitude d'utilité publique. Cela apaisera les inquiétudes et répondra aux limites de l'outil actuel. Nous confirmons le pouvoir d'initiative de la commission nationale et des commissions régionales. Quant aux commissions locales, je propose qu'elles ne soient pas obligatoires. Enfin, cet amendement rétablit le principe de l'aide technique et financière de l'État à l'élaboration des plans.

M. le président.  - Amendement n°516, présenté par Mme Férat, au nom de la commission.

Alinéa 81, première phrase

Après le mot :

échéant,

insérer les mots :

consultation

Mme Françoise Férat, rapporteur.  - Respectons les prérogatives de l'échelon intercommunal en matière d'urbanisme, lorsqu'il est compétent.

M. le président.  - Amendement n°151 rectifié, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 81, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

ou, lorsque le projet de classement concerne une zone située intégralement ou partiellement sur le territoire d'une commune membre d'un établissement public de coopération intercommunal, sur proposition ou après accord de l'autorité délibérante de cette commune

Mme Marie-Pierre Monier.  - Quand une communauté de communes a la compétence urbanisme, une commune membre, qui peut être plus soucieuse de son patrimoine que l'intercommunalité, doit pouvoir proposer le classement en site patrimonial protégé.

M. le président.  - Amendement n°517, présenté par Mme Férat, au nom de la commission.

Alinéa 81

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette faculté est également ouverte aux communes membres d'un établissement public de coopération intercommunal lorsque le projet de classement concerne une zone intégralement ou partiellement située sur son territoire.

Mme Françoise Férat, rapporteur.  - Une commune membre d'un EPCI doit pouvoir solliciter le classement au titre des sites patrimoniaux protégés sans revenir sur les compétences de l'EPCI, qui donnera son accord préalable.

M. le président.  - Amendement n°152 rectifié, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 83

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Un diagnostic patrimonial de classement est joint à cet acte.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Un diagnostic patrimonial doit être joint à l'acte de classement en site patrimonial protégé, comme cela se pratique dans le domaine de l'archéologie préventive.

M. le président.  - Amendement n°512, présenté par Mme Férat, au nom de la commission.

Alinéa 84

Remplacer les mots :

dans les mêmes conditions

par les mots :

selon la procédure prévue aux deux premiers alinéas du présent article

Mme Françoise Férat, rapporteur.  - Amendement rédactionnel.

M. le président.  - Amendement n°274 rectifié, présenté par M. Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 86

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 631-3.  -  I.  -  Le plan de sauvegarde et de mise en valeur est élaboré et révisable conjointement par l'État et l'autorité compétente en matière de plan local d'urbanisme. La Commission nationale du patrimoine et de l'architecture, les architectes des Bâtiments de France et les associations dont l'objet et la compétence sont reconnus peuvent faire des prescriptions dans le cadre de l'élaboration ou la révision du plan de sauvegarde et de mise en valeur. Il est approuvé après avis de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture mentionné à l'article L. 611-2 du présent code.

M. Patrick Abate.  - Les plans de sauvegarde et de mise en valeur doivent être réalisés conjointement par l'ensemble des acteurs concernés, l'État, la commission nationale, les élus, les associations, etc.

La séance est suspendue à 16 h 35.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 16 h 45.