Supporters et lutte contre le hooliganisme

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme.

Discussion générale

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports .  - Depuis deux ans, j'ai engagé une réflexion sur les enjeux de la reconnaissance du supportérisme. Je m'étais exprimé à ce sujet dans les murs du Sénat lors d'un colloque organisé par le conseil national des supporters.

Il faut en effet reconnaître l'apport des supporters au développement du sport et à l'animation des stades et les associer aux politiques de sécurité. À l'origine, la question des supporters était abordée sous un angle uniquement répressif. C'est un autre texte qui vous arrive à présent et je suis très attaché à l'équilibre qu'il manifeste. Cette proposition de loi a été adoptée à l'Assemblée nationale. Je remercie François de Rugy et Jean Glavany, mais aussi Gérard Bailly, Jean-Jacques Lozach, Ronan Dantec, Corinne Bouchoux et Mireille Jouve qui ont déposé ensemble un autre texte dont l'esprit, je crois, n'a pas été trahi.

Les actions répressives doivent s'accompagner d'actions de prévention, associant les supporters. Le sport doit demeurer une fête. Ne stigmatisons pas les supporters, ne les assimilons pas aux quelques hooligans pour qui le sport n'est qu'un prétexte à la violence. Engageons la « désescalade » à laquelle appelle le sociologue Nicolas Hourcade. En France, les supporters sont trop souvent pointés du doigt, mal perçus. Ils ne sont pourtant pas des fauteurs de trouble, mais soutiennent une équipe. Le supporter, par définition, est celui qui porte plus haut le sport qu'il soutient. Ce n'est pas celui qui le rabaisse.

Les supporters amateurs de sport et les ultras sont tout à fait légitimes. Ils défendent simplement à une échelle différente leur engagement pour un sport dans le respect des valeurs citoyennes.

Bien sûr, la violence dans les stades est inacceptable...

Mme Catherine Troendlé, rapporteur de la commission des lois.  - Absolument.

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État.  - ...d'autant plus que le sport, notamment le football, suscite l'intérêt de centaines de milliers de nos jeunes qui bien souvent se projettent dans les exploits de leurs équipes favorites. Il n'est pas normal que les enfants puissent y être exposés.

Des mesures de répression et de prévention aux violences doivent donc être prises : nous sommes en état d'urgence. Je félicite Bernard Cazeneuve pour sa rigueur dans l'organisation de la sécurité liée à l'Euro...

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Nous aussi !

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État.  - Dans ce contexte, les forces de l'ordre ont d'autres priorités que l'accompagnement des supporters.

Cet accompagnement, prévu aux articles premier et 2, doit être précisément encadré afin de limiter toute forme d'arbitraire et se conformer aux principes de notre droit.

Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Cnil, encadrera la possibilité donnée aux clubs de recourir à un traitement automatisé de données permettant de refuser l'accès aux stades.

Mais la répression n'est pas tout. L'article 5 pose les fondements d'un supportérisme à la française, pour reconnaître sa place, comme en Allemagne ou en Angleterre.

Le nouvel intitulé de la proposition de loi est le signe de cette prise en considération des supporters. Il n'y a là nul laxisme de notre part, mais une volonté d'instaurer un dialogue confiant pour désamorcer les problèmes en amont et trouver des solutions.

Dès 2010, un Livre vert suscité par la ministre Rama Yade avait souligné le besoin de reconnaissance des supporters. Le rapport que j'ai rédigé avec Marie-George Buffet, Pascal Deguilhem et Guénhaël Huet, sur le fair-play financier et le football professionnel français en 2013, celui de M. Glavany, intitulé « Pour un modèle durable du football français » en 2014 ou la proposition de loi de 2015 allaient dans le même sens.

J'ai participé le mois dernier à la troisième édition des Ambassades des supporters : il y a un désir fort d'être partie prenante dans les compétitions et en particulier les grands événements sportifs internationaux.

Cette proposition de loi pose les bases d'un partenariat, d'un dialogue avec les référents désignés par les clubs. Encore faut-il prévoir leurs conditions de désignation, leurs missions, leur formation au niveau national, la composition et les missions de l'instance nationale du supportérisme seront précisées par décret : ce n'est pas du ressort de la loi. C'est pourquoi je vous annonce d'emblée que je recommanderai dans la discussion des articles le retrait de certains de vos amendements.

Le calendrier sportif à venir est riche, au-delà de l'Euro désormais tout proche.

Envisager les supporters autrement, les inclure dans l'organisation des événements est une nouveauté porteuse. Le mot clé est le dialogue. Il vous appartient de voter cette loi pour instaurer un climat de confiance et non de défiance entre le sport de haut niveau et les supporters. (Applaudissements depuis les bancs du groupe socialiste et républicain jusqu'aux bancs du groupe UDI-UC)

Mme Catherine Troendlé, rapporteur de la commission des lois .  - La violence dans le sport a fait l'objet de nombreux travaux législatifs visant à renforcer la répression de comportements violents au sein des stades.

Il faut distinguer trois catégories de personnes : le supporter, caractérisé par son implication et sa fidélité à une équipe ; le simple spectateur, plus passif ; le hooligan ou casseur, nullement intéressé par le match mais recherchant l'affrontement violent avec les autres, en particulier avec les forces de l'ordre. Toutefois, le supporter très engagé et très passionné, usuellement désigné sous le nom « d'ultra » a un rapport à la violence ambigu, comme l'a souligné le Livre vert sur le supportérisme.

Le cadre juridique actuel pour réprimer la violence dans les stades est très complet et donne de réels résultats, même si deux difficultés résiduelles perdurent : la difficulté des clubs à faire face à certains comportements dangereux et la nécessité d'intégrer les supporters qui refusent la violence. Le cadre juridique est articulé autour de sanctions pénales et de mesures administratives, réprimant l'introduction ou le lancer d'engins pyrotechniques, les provocations à la haine ou à la violence ou l'exhibition de signes ou symboles racistes. Des interdictions judiciaires de stade peuvent être prononcées à titre de peine complémentaire.

À titre préventif, la prévention relevant de la police administrative, le préfet peut prononcer une interdiction administrative de stade ; le ministre de l'intérieur peut également interdire un déplacement d'un club de supporters en cas de risque de trouble grave à l'ordre public. Enfin, une procédure spéciale suspend ou dissout par décret une association sportive dont les membres ont commis des actes d'une particulière gravité.

Ces dispositions ont fait diminuer les violences depuis la saison 2009-2010, au cours de laquelle une personne avait trouvé la mort. On compte aujourd'hui 160 interdictions administratives de stade, 168 interdictions judiciaires. Les interdictions de déplacement sont plus nombreuses que par le passé, ce qui est en partie dû à l'état d'urgence. Une circulaire du ministre a demandé aux préfets de ne pas en abuser.

Quelques difficultés persistent. Les clubs sportifs ont une obligation générale d'assurer la sécurité des personnes et des biens au sein des enceintes. Leur sont transmises les listes des personnes inscrites sur le fichier national des interdits de stade (FNIS). Ainsi, le club peut refuser de vendre des billets aux personnes faisant l'objet d'une telle mesure ou résilier leur abonnement. À l'intérieur du stade, les organisateurs peuvent se prévaloir des conditions générales de vente comme du règlement intérieur pour les opposer aux personnes ne respectant pas les règles et les expulser, le cas échéant. Mais certains comportements, quoique constituant des infractions pénales - insulte, bagarre, etc. - ne font pas l'objet de poursuites. Dès lors, les clubs n'ont aucune trace de ces incidents et ne peuvent refuser de vendre des billets. C'est ce qui a conduit le PSG à créer un fichier non déclaré recensant les personnes dont le comportement était « non conforme aux valeurs du club », avant d'y renoncer après un contrôle de la Cnil.

Il est sage d'associer les supporters. Ils ne doivent pas rater l'opportunité de devenir de réels partenaires des pouvoirs publics et des clubs ; cela les responsabiliserait.

La proposition de loi, objet d'un important travail des députés et du Gouvernement, est parvenue à un bon équilibre. L'article premier permet aux clubs de répondre à leur obligation de sécurité en les autorisant à mettre en oeuvre un traitement automatisé pour fonder un refus de vente ou des résiliations d'abonnement pour des manquements aux dispositions relatives à la sécurité et au bon déroulement des matchs figurant dans le règlement intérieur ou les conditions générales de vente. C'est une réelle avancée. Notre commission a clarifié la rédaction.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Très bien.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Le texte prévoit diverses mesures de sécurisation : un principe de maîtrise de la vente des places par le club ; l'allongement de la durée des interdictions administratives ; la prohibition de l'accès aux zones de retransmission en public des matchs pour les personnes interdites judiciairement de stade, comme c'est déjà possible pour les personnes faisant l'objet d'une interdiction administrative.

La proposition de loi crée un mécanisme pour mieux associer les supporters, conformément à la demande de responsabilisation des supporters. Une instance nationale du supportérisme sera créée par décret. Le « référent supporters » du club devrait être désigné après avis des associations de supporters agréées et non par toutes les associations. Je vous propose donc d'adopter une proposition de loi utile, équilibrée. (Applaudissements sur la plupart des bancs, sauf ceux du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis de la commission de la culture .  - Le sport se porte bien, l'actualité sportive est particulièrement riche : le prochain Euro, le plan Citoyens du sport, le sport sur ordonnance dans le cadre de la loi de modernisation de notre système de santé, la décentralisation des Creps, le regain d'intérêt de l'Union européenne pour le sport, etc.

Cette proposition de loi va dans le bon sens. Les députés ont cherché à limiter au maximum les atteintes aux droits et libertés. Il faudra que les clubs s'emparent de cette nouvelle loi.

Dominique Bailly avait pris l'initiative le 17 juin 2015 de déposer une proposition de loi relative à la représentation des supporters - cosignée par des collègues de toutes tendances. L'article 5  s'en inspire. Nous appelons à la poursuite du dialogue.

D'autres initiatives vont dans le même sens pour intégrer les supporters, comme la mise à niveau des stades et les actions de prévention. Ce texte a pour but de permettre l'organisation apaisée d'événements sportifs, sans violence.

Sans spectateurs, il n'y a pas de club professionnel. Les joueurs, les entraîneurs, les dirigeants passent. Les supporters restent. Jean Glavany avait déjà proposé de renforcer la coopération entre les pouvoirs publics, les clubs et les supporters.

La violence touche aussi le sport amateur. Les sportifs de haut niveau doivent faire preuve d'un comportement exemplaire, tant ils sont source d'identification pour les jeunes. Comme l'écrit Pascal Boniface : « la célébrité doit créer des obligations et pas seulement des droits ».

Je vous appelle, avec la commission de la culture, à voter cette proposition de loi. (Applaudissements des bancs du groupe socialiste et républicain à ceux du groupe UDI-UC)

M. Claude Kern .  - Cette proposition de loi qui recueillera, je l'espère, l'unanimité, s'inscrit dans la préparation de l'Euro, sensible du point de vue de la sécurité. Il serait irresponsable de nier la menace terroriste. Se pose aussi la question du hooliganisme dans les stades et à leurs abords.

Pas moins de trois rencontres de Ligue 1 ont été le théâtre de violences dernièrement. Les actes des hooligans, qui se prétendent supporters, doivent être réprimés. Cette proposition de loi s'inscrit dans un arsenal législatif, construit tardivement en France, par rapport à nos voisins européens. Les actes des ultras ont été longtemps étouffés.

On a longtemps voulu croire que le hooliganisme était avant tout typiquement britannique, que le hooligan était jeune, pauvre, alcoolisé, d'extrême droite.

Ce n'est pas le cas. Les hooligans se disent d'abord « fous de sport ». Pour eux le hooliganisme est un « style de vie »... Par la quantité des actes, leur fréquence, le degré de violence, le phénomène est aussi important en France qu'en Angleterre. Il a fallu pourtant attendre les années 2000 pour que le législateur s'empare enfin de cette question. En 2009 a été créée la division nationale contre le hooliganisme.

De nouvelles mesures s'imposent néanmoins. D'où cette proposition de loi qui autorise les clubs à mettre en place un fichier des hooligans, à limiter les ventes de billets, alourdir les peines d'interdiction de stade, etc. Le texte est équilibré. Les associations de supporters sont aussi reconnues.

On aurait pu aller plus loin en institutionnalisant la place des supporters dans les clubs, conformément à la proposition de loi de M. Dominique Bailly.

Le hooliganisme est caractéristique du football et nuit à son image. Je forme le voeu que l'Euro 2016 se déroule sans violence.

Le groupe UDI-UC votera ce texte. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Christine Prunaud .  - Deux millions de licenciés, en nette augmentation depuis 2012, dix millions de personnes dans les stades, des millions de téléspectateurs, le football occupe une place particulière en France.

Tous les régimes ont gardé un oeil sur ce sport populaire, ainsi qu'à un degré moindre, sur le cyclisme. C'est au législateur de maintenir un équilibre entre son caractère populaire et la sécurité.

Le groupe communiste républicain et citoyen ne peut que souscrire à la création, à l'article 5, ajouté à l'Assemblée nationale, d'une instance nationale du supportérisme.

Malheureusement, la France a préféré le modèle anglais au modèle allemand. On a mis le football amateur sous la tutelle du football professionnel, et de l'argent. Les droits audiovisuels vont avant tout aux grands clubs, les plus bankable.

Ce texte poursuit la politique de nettoyage des tribunes par l'augmentation du prix des places, l'abus de l'arsenal répressif, la soumission des horaires aux exigences des diffuseurs...

En Angleterre, le hooliganisme s'est développé avec la désinstitutionalisation des tribunes. De même, les stades ont été privatisés. - Pierre-Mauroy propriété d'Eiffage jusqu'en 2043, stade des Lumières propriété de l'OL...

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État.  - Ce n'est pas la même chose !

Mme Christine Prunaud.  - Les nouveaux stades sont toujours plus éloignés des centres villes, donc moins accessibles.

La France a poussé le modèle anglo-saxon à son extrême, au point de ne plus faire de distinction entre supporters ultras et hooliganisme. Pourtant d'autres modèles auraient permis de sortir de l'impasse.

Notre vote dépendra du sort de nos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Esther Benbassa .  - Quelques semaines après les attentats nous examinons ce texte contre le hooliganisme. Ce n'est pas anodin. Notre législation comporte déjà l'interdiction de stade. L'article premier autorise les clubs à refuser l'accès au stade aux supporters qui présentent un danger pour la rencontre. Les clubs pourront ficher ces personnes. Selon M. Larrivé, ces nouvelles dispositions sont d'autant plus nécessaires que les forces de l'ordre sont concentrées sur la lutte contre le terrorisme. Cette privatisation pourtant représente un risque d'arbitraire. Certes, les fichiers des clubs seront soumis à l'avis de la Cnil. Mais le risque est que les clubs saisissent l'opportunité d'écarter les supporters trop expressifs. L'accès aux fans zones sera limité. Il faut veiller à encadrer les atteintes aux libertés.

Il importe aussi de sortir d'une logique uniquement répressive. La participation des supporters est la meilleure garantie contre les violences. L'article 5 organise la représentation des supporters. Nous le soutenons.

Le vote du groupe écologiste, qui a déposé des amendements qui seront défendus par Ronan Dantec, dépendra de l'équilibre atteint entre libertés et répression.

M. Jean Louis Masson .  - Face aux supporters, deux philosophies s'opposent : la fermeté ou une certaine compréhension. Le football est le sport où le problème se pose avec le plus d'acuité, à cause de sa popularité. La majeure partie des supporters ne posent pas de problèmes, mais il y a des agités. On n'a pas besoin de casseurs dans les stades. Je regrette que la Cnil ait censuré l'initiative du Paris Saint-Germain pour constituer un fichier afin éliminer ces parasites.

Soutenir une équipe n'autorise pas tous les actes de violence ni à casser des vitrines.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur.  - Absolument !

M. Jean Louis Masson.  - Il faut remarquer que ce sont souvent les mêmes clubs qui posent des problèmes. Il se peut que leurs dirigeants ne soient pas fâchés de la publicité qui leur est ainsi faite. Il faudrait les responsabiliser.

M. Dominique Bailly.  - C'est dans le texte ! (Mme le rapporteur le confirme)

M. Jean Louis Masson.  - Ne sombrons pas dans l'excès de compréhension. Les hooligans comprennent mieux la répression.

Mme Mireille Jouve .  - Nous soutenons la plus grande fermeté contre les violences dans les stades. Depuis la loi Loppsi 2, notre arsenal législatif est complet. Pourtant cette proposition de loi ne met pas en question son efficacité. Ni les clubs, ni les associations de supporters n'ont d'ailleurs été auditionnés à l'Assemblée nationale. Je sais gré à notre rapporteur d'avoir réparé cet oubli.

L'articulation entre répression des comportements violents et dialogue avec les supporters est indispensable pour une politique efficace de maintien de l'ordre public et respectueuse des libertés individuelles. Je me réjouis donc du texte du Sénat, même si j'aimerais qu'il aille plus loin.

Contrairement à mes collègues, je ne suis pas convaincue de la nécessité de confier aux clubs des pouvoirs de police - que seul le PSG réclame. La loi n'est pas là pour s'adapter à des cas particuliers. Cette mesure pourrait soulever des difficultés que le Sénat soulignait dans son rapport Faut-il avoir peur des supporters ? en 2008.

Faut-il allonger l'interdiction administrative de stade ? À l'origine, elle était conçue comme une jointure avant une décision de justice. Elle ne doit pas de substituer à l'interdiction judiciaire - qui peut aller jusqu'à cinq ans comme en Allemagne et en Espagne. Absence de contradictoire, caractère très invalidant, taux d'annulation par le juge administratif élevé, ce régime administratif est bien moins protecteur que celui de l'interdiction administrative de sortie de territoire pour les terroristes, ce qui est difficile à justifier.

L'association des supporters à la prévention des violences est une excellente chose. En Allemagne - meilleurs exemple que le Royaume-Uni sur ce point, le dialogue désamorce les tensions.

Enfin, il faudrait rendre publics les chiffres du ministère de l'intérieur sur les interdictions de stade et de déplacement pour une prévention plus efficace. Bref, le RDSE a des propositions pour enrichir ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et RDSE)

M. Didier Marie .  - Le sport est porteur de valeurs universelles de solidarité, de respect mutuel et permet le dépassement de soi. Miroir de notre société, il reflète aussi l'esprit de compétition acharnée, la soif de l'argent, voire le racisme et la xénophobie. Depuis toujours, il doit composer avec sa dimension humaniste et les violences qu'il suscite. Déjà les légions romaines réprimaient les violences lors des courses de char à Constantinople. Des incidents viennent encore de se produire au Havre.

Présence nombreuse, effet de foule, confrontation des équipes, toutes les explications ont été avancées, reste que la violence, inacceptable, doit être contenue et réprimée pour que les rencontres sportives demeurent des moments de partage et de convivialité. C'est pourquoi il nous faut trouver le meilleur équilibre entre le maintien de la sécurité dans nos stades et la reconnaissance des valeurs portées par les supporters.

De nombreuses réflexions ont été déjà engagées sur ce volet : une révision de la Convention européenne de 1985, un livre vert en 2010, le rapport sur « un modèle durable du football français » du député Glavany ou encore la proposition de loi de Dominique Bailly, dont nous reprendrons plusieurs propositions sous forme d'amendements.

Notre arsenal répressif, désormais important, a fait reculer la violence dans les stades, malgré un rebond en 2015. Le présent texte clarifie la répartition des rôles en matière de sécurité entre les organisateurs de la compétition et l'État, il responsabilise les clubs en leur donnant les moyens d'assumer leurs missions. Même si le texte vise toutes les disciplines, il concerne d'abord le football qui concentre 367 interdictions de stade contre 3 pour le rugby et 3 pour le basket en 2015.

Attention, cependant, à ne pas ouvrir la voie à l'arbitraire. Les supporters craignent l'éloignement abusif de personnalités revendicatrices mais non dangereuses. L'allongement de la durée des interdictions administratives de stade se justifie ; en revanche, celles-ci, dont l'usage progresse, ne doivent se substituer aux interdictions judiciaires. L'obligation de pointage qui l'assortit rend la vie très difficile... Enfin, il serait judicieux d'étendre les interdictions judicaires aux « fans zones » en précisant leur périmètre.

L'article 5 reconnaît enfin le rôle des supporters, après la tenue des Assises du supportérisme ici même, au Sénat. Leurs associations doivent aussi être reconnues, ce sont des espaces d'apprentissage de la vie associative, qui régulent aussi la violence. La création d'une instance nationale est une excellente chose.

Nous plaiderons pour l'équilibre et défendrons toutes les avancées faisant de ce texte une loi contre les hooligans et pour les supporters. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; Mme Catherine Troendlé applaudit également.)

M. Pierre Charon .  - Moments de cohésion et d'enthousiasme, les rencontres sportives sont parfois perturbées par des hooligans haineux. Merci à nos collègues députés et à la commission des lois d'avoir travaillé à compléter notre arsenal répressif.

Après la récente décision du Conseil d'État, seule la loi pouvait autoriser les clubs à créer un « fichier des indésirables » : ce sera désormais chose faite. Dorénavant, ils pourront refuser des supporters qui ne méritent d'ailleurs pas ce nom.

La durée des interdictions administratives de stade, dérisoire, était inadaptée aux saisons sportives. Ne laissons pas revenir ces interdits de stade comme la mauvaise saison... L'article 2 est bienvenu, de même que l'article 3 qui autorise la communication des données relatives aux interdictions de stade aux organisateurs internationaux : ce sera précieux pour l'Euro 2016. La généralisation des ventes de billets nominatifs est une autre avancée.

Je me réjouis de la reconnaissance accordée aux supporters à l'article 5, par la création d'une instance nationale du supportérisme placée auprès du ministre des sports. Ce ne sont pas de simples spectateurs, ils contribuent à l'intensité de l'ambiance des matchs.

Enfin, je salue l'extension des interdictions de stade aux « fans zones » où les hooligans peuvent aussi sévir. Les fins de matchs doivent être des moments de liesse, non l'occasion de jeter des tessons de verre.

Il y a urgence, l'Euro 2016 approche. Ne laissons pas nos pelouses parisiennes devenir le jeu de batailles rangées, nous nous rappelons les débordements inacceptables du 13 mai 2013. Nous avions alors regretté l'inertie des pouvoirs publics plus prompts à sévir contre les manifs pour tous que contre les casseurs.

J'approuve cette proposition de loi transpartisane avec le coeur et la raison. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Dominique Bailly .  - Cette proposition de loi entend donner aux clubs professionnels les moyens de mieux assurer la sécurité dans les stades.

Je mesure sa nécessité alors que l'Euro 2016 va se tenir à Paris dans un contexte d'attentats terroristes. Toutefois, les supporters ne peuvent être appréhendés sous le seul angle répressif. Je me réjouis donc de l'introduction dans le texte de dispositions relatives au rôle des supporters et au dialogue avec leurs représentants.

Les supporters sont un maillon essentiel dans la chaîne sportive. La proposition de loi que j'ai déposée en juin avait été préparée avec leurs associations et signée par une soixantaine de collègues de tous les bancs. Mes propositions sont ici reprises, notamment avec la création d'une instance nationale du supportérisme.

Oui, les clubs doivent avoir les moyens de lutter contre les violences dans les stades. Précisons cependant la rédaction de l'article premier pour écarter tout risque d'arbitraire et alléger les obligations de pointage.

De même, alors que deux tiers des interdictions administratives de stade faisant l'objet d'un recours sont annulées, nous proposerons des amendements pour préciser, à l'article 2, le respect du principe du contradictoire.

À l'article 3, nous proposerons que le préfet communique l'identité des personnes interdites de stade aux associations agréées de supporters.

Merci, monsieur le ministre, d'avoir pris l'initiative de la création d'une instance nationale de supportérisme et d'un référent supporter. Je proposerai d'aller un peu plus loin sur les conditions de sa nomination et ses missions et de décliner cette représentation à l'échelle des clubs.

La sécurité dans les stades ne doit pas être au détriment des supporters. Inclure et responsabiliser ceux-ci ne peut être qu'un atout pour le sport professionnel français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Cyril Pellevat .  - Les supporters sont l'âme du football professionnel. Sans eux, les matchs deviendraient des divertissements quelconques. Joueurs et entraîneurs changent de clubs, les supporters, eux, restent fidèles contre vents et marées à leurs couleurs.

À deux mois de l'Euro que nous avons la chance d'accueillir sur notre sol, nous devons être irréprochables sur la sécurité des matchs. L'allongement de l'interdiction administrative de stade, son extension aux « fans zones » sont bienvenus, de même que la faculté pour les clubs de refuser ou annuler la vente d'un titre d'accès pour raisons de sécurité.

Enfin, et c'est là une disposition nouvelle importante, les clubs seront autorisés à pouvoir automatiser le traitement des données de supporters. Ce fichier automatisé des supporters sera néanmoins limitée aux personnes « contrevenant aux dispositions des conditions générales de vente ou de règlement intérieur relatives à la sécurité et au bon déroulement de ces manifestations ». Le simple supporter ne posant aucun problème ne sera pas fiché ; en revanche, les hooligans le seront. La précision est de taille, merci aux rapporteurs de l'avoir apportée.

Je suis pleinement favorable à la désignation, après avis des associations, d'un ou plusieurs référents supporters dans chaque club. L'UEFA avait pris les devants en mettant en place des « responsables de l'encadrement des supporters ». Le choix, la formation des référents appartiennent aux clubs. Principal prérequis, qu'ils soient bien connus des supporters, entièrement acceptés et qu'ils comprennent les groupes cibles. Au niveau national, une instance de supportérisme est créée. C'est une bonne chose comme l'est l'élaboration d'un statut du supporter. C'est le symbole qu'il devient, comme en Allemagne, un véritable interlocuteur. Alors que la menace terroriste est forte, la concertation sera la meilleure de nos alliés. (Applaudissements à droite)

M. Alain Dufaut .  - Cette proposition de loi arrive opportunément, à quelques semaines de l'Euro. En 2006-2007, Bernard Murat et Pierre Martin avaient réfléchi au Sénat à la question de savoir s'il fallait « avoir peur des supporters ». On aurait pu gagner dix ans !

Plus récemment, j'ai été rapporteur pour la commission de la culture de la loi de 2011 dont l'objet premier était la construction des stades de l'Euro, la sécurité figurait cependant dans le cahier des charges.

Je reviendrai sur trois innovations de cette proposition de loi. Les cartes d'abonnement nominatives sont l'évidence même - avec une photo, ce serait mieux encore, mais sans doute est-ce de nature réglementaire. L'allongement des interdictions administratives de stade effectives à trois ans est aussi bienvenu.

Le dialogue avec les supporters est crucial. Leurs représentants devront faire respecter les engagements pris. Les hooligans, eux, se regroupent en bandes, de façon informelle, et n'ont d'autre but que d'organiser ce qu'ils appellent des fights. Ils doivent être bannis des stades.

Gardons-nous de tout amalgame. Les associations de supporters, facteurs de lien social, sont aussi régulatrices de la violence. Les reconnaître, créer une instance nationale de supportérisme va dans le bon sens. De même que la transmission des informations aux organismes internationaux, sous réserve de réciprocité.

Nous voterons sans hésiter ce texte contre le fléau du hooliganisme, pour que ne se reproduisent pas les événements de Glasgow de 1971, de Bruxelles en 1985, de Sheffield en 1989, de Gênes de 1995, ou du Parc des Princes de 2006 et 2013. (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

La séance est suspendue à 19 h 20.

présidence de Mme Isabelle Debré, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 30.