Débat sur la situation financière des communes et des intercommunalités

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur la situation financière des communes et des intercommunalités.

M. François Baroin, au nom du groupe Les Républicains .  - Merci à Bruno Retailleau et au groupe Les Républicains d'avoir demandé l'organisation de ce débat à quelques semaines du 99e congrès des maires de France et des présidents d'intercommunalités. Ce sera l'occasion de mettre en évidence les conséquences dramatiques de la baisse historique des dotations de l'État aux collectivités locales, décidée par le président de la République et engagée sans aucune concertation par la loi de programmation des finances publiques, pour reporter sur elles la charge des 3 % de déficit public en 2017.

Je souhaite ici tordre le cou à quelques canards qui volent encore.

Tout d'abord, le choix de 2014 porte en lui les germes de la situation dramatique de notre économie. Nous ne cessons depuis deux ans et « nous » ce sont les élus, les maires ou les présidents d'intercommunalité, de toutes sensibilités politiques, qui soutiennent ce mouvement de remise en cause des coupes brutales dans les dotations. Si ce mouvement est si profond, c'est que nous avons la claire conscience des dizaines de milliers de pertes d'emplois qui s'ensuivent du choix de 2014. Nous, donc, engageons un bras de fer avec le Gouvernement.

Premier canard qui vole un peu partout : on nous demande un effort de 28 milliards d'euros.

En effet, en 2013, le montant de la dotation globale de fonctionnement était de 41,5 milliards d'euros. À enveloppe budgétaire inchangée, les collectivités auraient donc touché entre 2013 et 2017 cinq fois 41,5 milliards d'euros, soit 207,5 milliards d'euros. Avec les baisses cumulées décidées par le gouvernement, elles ne toucheront sur cette même période que 179,4 milliards d'euros.

La différence - l'effort demandé aux collectivités - est bien de 28,1 milliards d'euros. Il n'est pas de 10 milliards ! Ne travestissons pas la réalité et prenons la mesure de l'effort qui est aujourd'hui demandé aux collectivités. Certains ont pu le prétendre.

Et c'est l'ancien ministre du budget qui vous parle. Les chiffres sont implacables : 28 milliards cumulés en trois ans, soit la moitié de l'investissement global annuel porté par un pays comme le nôtre, cinquième ou sixième puissance économique mondiale, quand il n'y a presque plus d'investissement privé ni d'investissement public d'État.

Deuxième canard qui vole, les élus, cocarde et ruban sur la veste, ne feraient qu'assister à des cocktails et inaugurer des ronds-points. Ce discours populiste, insupportable, est humiliant pour des élus qui mettent le plus souvent bénévolement toute leur énergie au service de leurs concitoyens en vertu du mandat qu'ils tiennent du suffrage universel. Qu'on arrête de dire que nous sommes responsables de la dette et de l'augmentation des impôts locaux !

Contrairement à l'État, nous ne pouvons pas faire de déficit. Sur les 2 000 milliards d'euros de dette publique, 80 % sont de la responsabilité de l'État et seulement moins de 10 % pour les collectivités locales dont 4,5 % pour les communes et les intercommunalités, ainsi que 10 % pour la sécurité sociale.

Or que faisons-nous ? Nous appliquons des contributions fiscales pour financer les services publics locaux et développer nos territoires, en versant des fonds à nos belles associations et en investissant pour nos concitoyens.

Toutes ces remarques n'ont rien à voir avec le cycle électoral de 2014. Les élus se sont retrouvés, guillotine sur la gorge, une fois aux commandes : moins 10 % de budget !

La réalité, c'est un effondrement prévisible de l'investissement public local, de 30 % d'ici 2017, alors même que les collectivités représentent plus de 70 % de l'investissement public et que les deux tiers sont assumés par les communes et les intercommunalités.

Un investissement public en baisse de 30 %, cela signifie 0,6 point de PIB qui ne seront pas réinjectés dans l'économie locale. De nombreux secteurs d'activité et des milliers d'emplois en seront directement affectés, à commencer par le BTP.

N'allez pas chercher plus loin, dans les vicissitudes monétaires, de la banque centrale européenne, des taux d'intérêt, ou l'alignement des planètes selon Bercy, les raisons du point de croissance en moins qui nous manque par rapport à la moyenne européenne. Tous les prêts de toutes les Caisses des dépôts et consignations du monde ne serviront à rien si les communes n'ont pas d'autofinancement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains)

À quatre semaines du Congrès de l'AMF, madame la ministre, nous voulons vous saisir officiellement ; nous vous le demandons, supprimez la tranche de réduction des dotations pour 2017. Vous donnerez ainsi une chance à notre économie et conforterez la démocratie représentative. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean Louis Masson .  - En période d'économie budgétaire, tout le monde dit faire des efforts. Cela dit, l'effort doit être équitablement réparti.

On voit le président de la République distribuer en ce moment de l'argent public à droite et à gauche pour des raisons électorales. On ne voit pas pourquoi les collectivités territoriales ne seraient pas aussi bien traitées que ces catégories dont il faut tout à coup régler les problèmes.

Les communes, parce qu'elles sont tout en bas de l'échelle, sont les plus frappées. Ceux qui ont été à l'armée le savent : la sanction s'alourdit au fur et à mesure qu'elle descend dans l'échelle des grades ; le capitaine est moins frappé que l'adjudant qui l'est moins que le simple soldat qui prend tout dans la figure.

Pour les communes, c'est la double peine : réduction de leur dotation mais aussi de l'aide qu'elle recevait des intercommunalités, des départements et des régions. Leur situation est détestable. Pensons à elles, d'abord.

M. Jean-Claude Requier .  - Ainsi, la destinée des collectivités territoriales serait-elle d'être « sans cesse ballotées entre des illusions passagères et des tourments continus », comme l'a écrit Alexandre Corréard, à propos des sombres péripéties du radeau de la Méduse dont il fut l'un des quinze rescapés ?

Sans surprise, l'impôt local a enregistré en 2015 un recul de 10 %, après une baisse de 8,4 % l'an dernier. MM. Dallier, Mézard et Guené le constatent dans leur récent rapport : « certaines collectivités non seulement n'arrivent plus à investir mais ont du mal à assurer leur fonctionnement. Les hausses d'impôts deviennent inévitables, y compris dans les grandes villes, qui étaient 37 % en 2015 à avoir dû actionner le levier fiscal ». La situation financière de bien des collectivités est tout simplement intenable !

Les territoires ruraux sont les plus fragiles, leurs spécificités doivent être reconnues.

Dans cette situation, une réforme d'ensemble du financement des communes et intercommunalités est nécessaire. Le fonds d'un milliard d'euros, mobilisé par le Gouvernement pour l'investissement local, dont 800 millions pour la dotation de soutien à l'investissement des communes, et 200 millions d'euros la dotation d'équipement pour les territoires ruraux (DETR), ainsi maintenue à son niveau de 2015, sont de bonnes mesures.

Cependant, elles ne suffiront pas. Elles n'ont pas vocation à être reconduites.

Le Gouvernement a-t-il l'intention d'alléger l'effort financier demandé aux communes et intercommunalités ? Selon l'association des maires de France, l'investissement des communes et des intercommunalités chuterait de 25 % entre 2014 et 2017 si la baisse des concours de l'État se poursuivait, ainsi que l'indique le programme de stabilité, le Gouvernement prévoyant un nouveau ralentissement des dépenses des collectivités d'un milliard pour 2017.

L'excellent rapport sur l'évolution des finances locales à l'horizon 2017 de nos collègues Dallier, Guéné, et Mézard vous suggère de supprimer ou, a minima, de répartir sur deux ans au moins la dernière tranche annuelle de l'effort.

Les modalités de calcul de la dotation de centralité et de la dotation de ruralité gagneraient à être revues pour mieux prendre en considération les responsabilités des centres-bourgs et les réalités multipolaires de nos territoires. Il y a urgence à soulager les finances locales pour le bien-être de nos concitoyens et de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Cédric Perrin .  - Vous connaissez tous la méthode Coué. « Ça va mieux ». C'est le leitmotiv des communicants de l'Élysée à un an de l'élection présidentielle. (Sourires à droite)

M. Claude Raynal.  - C'est pourtant vrai... (Exclamations amusées sur les mêmes bancs)

M. Cédric Perrin.  - Il fait bondir les élus locaux tant le décalage avec la réalité est abyssal ; recul de 8 milliards d'euros de l'investissement et approfondissement de la dette de 9 milliards d'euros. Dans ma région de Franche-Comté, 11,5 % des entreprises du BTP ont été en défaillance en 2015.

Que la baisse de la dotation entraîne une baisse des frais de fonctionnement est vertueuse ; quand elle entraîne une baisse de l'investissement, c'est qu'elle est excessive.

L'effort demandé est trop important d'autant que le Gouvernement revalorise le point des fonctionnaires pour 1,2 milliard d'euros en année pleine en 2017 et impose d'autres mesures coûteuses aux communes. Elles n'ont d'autre choix que d'augmenter les impôts locaux, pour survivre.

Il est aisé, ensuite, de parader sur les plateaux des journaux télévisés de 20 heures en annonçant des baisses d'impôts. Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se brise ! Il est urgent de desserrer le noeud coulant qui étouffe les collectivités locales. On aura beau creuser, on ne trouvera pas de pétrole... L'histoire retiendra que ce Gouvernement est le fossoyeur des communes, celui qui aura donné la clé des mairies moribondes, en faillite, aux préfets. Il est urgent d'agir pour l'éviter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et au centre)

M. Vincent Delahaye .  - C'est mon quatrième mandat de maire, il est de loin le plus difficile financièrement. Le Gouvernement fait de nous de sacrés cumulards. Ma commune a perdu 5 millions d'euros de dotation globale de fonctionnement en quatre ans, doit donner davantage au titre de la péréquation et j'en passe. C'est beaucoup trop et, surtout, sans commune mesure avec l'effort que l'État s'impose à lui-même. Les trois quarts d'amélioration du déficit public viennent des collectivités territoriales, le rapporteur général de l'Assemblée nationale le reconnaît lui-même. Cela s'est soldé par une grave baisse de l'investissement, ce qui est très mauvais pour l'emploi.

À lire un récent rapport de Bercy, la purge serait vertueuse et les communes s'en sortiront bien. Grand bien fasse à l'excellent service de communication de Bercy, elles n'en peuvent plus ! Il est urgent de revenir à l'égalité, via un gel des baisses en 2017, ce qui sera toujours plus d'efforts que l'État.

Le parcours professionnel carrières et rémunérations (PPCR) est une bombe à retardement. Quel sera son coût à l'horizon 2020 ?

Trouvons de nouvelles recettes pour les collectivités territoriales ? Je ne crois pas à la réforme des valeurs locatives, souvent citée, jamais mise en oeuvre. Je crois plus à ma proposition d'une révision indolore à chaque mutation des biens. Gel des dotations, nouvelles recettes, voilà comment nous nous en sortirons. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Marie-France Beaufils .  - Face au double mouvement de réduction des dotations et de transfert de charges, les associations d'élus alertent à nouveau sur le caractère insoutenable de l'effort demandé par l'État aux collectivités territoriales.

Son allègement est un préalable à toute réforme de la DGF.

On voit combien cet effort demandé aux collectivités territoriales pèse sur l'activité, en particulier le BTP, les services à la population mais aussi sur l'emploi. De l'aide aux personnes âgées au simple entretien des bâtiments publics, tout peut être remis en cause du jour au lendemain aux dépens de la population. Les collectivités territoriales sont l'un des piliers indispensables de la République, au plus près du terrain, le niveau où l'on peut faire reculer l'incompréhension et le repli sur soi.

Le groupe CRC n'a jamais varié de position : oui à la mutualisation et à la coopération entre communes. La démocratie commence dans la classe de l'école communale.

On ne répondra pas par la contrainte aux besoins. La DGF a perdu de son pouvoir d'achat. Il faudrait la majorer de 5 milliards pour qu'elle retrouve son niveau de 2013. Nous portons une proposition de loi depuis longtemps. Alors que la financiarisation de l'économie progresse, en témoigne l'affaire des Panama papers, il est temps d'agir pour une économie enfin recréatrice d'emplois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; M. Alain Bertrand applaudit aussi)

M. Claude Raynal .  - À quelques semaines du congrès de l'AMF, notre débat peut éclairer la situation financière du bloc communal, loin des caricatures. À entendre certains, notamment ceux qui ont demandé ce débat, les communes auraient pour point commun un manque de moyens et une situation invivable. Ils oublient les 5 % de déficit budgétaire et les 90 % de dette sur le PIB que ce Gouvernement a trouvés en 2012... Selon François Baroin, entre 1 500 et 3 000 communes pourraient être « sous tutelle ». Les mots ont un sens, monsieur Baroin ! Elles ne sont que quelques dizaines ; les chambres régionales des comptes (CRC) ont été saisies de 46 collectivités territoriales au compte administratif en déséquilibre seulement.

1 800 communes en difficulté financière en 2015 - chiffre stable puisqu'il s'élevait à 1 854 en 2013.

M. François Baroin.  - Ça va mieux, alors ? (Sourires)

M. Claude Raynal.  - Les communes ont bénéficié de ressources nouvelles de 1,5 milliard d'euros, soit l'effort demandé. Et l'on parle après d'effondrement des recettes... Commentaire nuancé !

M. François Baroin.  - Ça va mieux, alors ? (Nouveaux sourires ; exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Claude Raynal.  - Les élus ont pris toute leur part dans le combat pour le redressement des finances publiques, il faut leur en rendre hommage. Que n'a-t-on entendu ! L'autofinancement devait chuter... Cependant, les élus changent, s'adaptent à cet argent devenu rare...

M. Francis Delattre.  - Heureusement !

M. Claude Raynal.  - Je vous rejoins sur un point, monsieur Baroin, finissons-en avec ce sempiternel procès fait au procès.

La baisse de l'investissement inquiète à juste titre...

M. François Baroin.  - Tout ne va pas mieux ?

M. Claude Raynal.  - On peut l'expliquer par le renouvellement des équipes municipales, la réforme de l'organisation territoriale et la réduction des dotations - tout cela doit être digéré.

Le rythme de réduction des dotations est sans doute trop brutal. Dès 2014, le groupe socialiste demandait son étalement.

M. François Baroin.  - Ah, c'est mieux... (Sourires)

M. Claude Raynal.  - Ne suivons pas l'exemple italien : 40 % de réduction de l'investissement local.

M. François Baroin.  - D'ailleurs, il n'y a plus de maire à Rome.

M. Claude Raynal.  - Le Gouvernement a décidé la création d'un fonds de un milliard, l'extension du FCTVA, la majoration de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et les 100 millions pour les maires bâtisseurs.

Le paradigme financier a changé, nous devons nous adapter.

Que disent ceux qui ont souhaité ce débat de la manière dont ils comptent réaliser 100 milliards d'économies ?

M. François Baroin.  - Nous le ferons !

M. Claude Raynal.  - La réforme de la dotation globale de fonctionnement à l'étude est difficilement compatible avec la montée du FPIC et la poursuite de l'effort. Cela dit, je veux souligner combien le Gouvernement a pris la mesure de la situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Francis Delattre.  - Service commandé !

M. André Gattolin .  - Même si ce débat est proposé par le groupe Les Républicains, il renvoie à une constatation générale de la poursuite de la baisse de la dotation globale de fonctionnement.

M. Francis Delattre.  - Écolos, compris ?

M. André Gattolin.  - Le Gouvernement en appelle à la responsabilité des collectivités territoriales, pourquoi ne les a-t-il pas associées à l'élaboration de son programme de stabilité ? Plutôt que de responsabilisation, on peut parler d'assujettissement.

Les collectivités territoriales représentent la moitié de l'investissement public en France. Le Gouvernement, qui réduit leurs dotations, les invite à passer des partenariats public-privé dont nos collègues, MM. Sueur et Portelli, ont montré qu'ils étaient des bombes à retardement. Au total, l'investissement des collectivités territoriales a baissé de 9,6 % entre 2012 et 2015, ce qui n'est pas sans conséquence pour l'économie dans son ensemble.

À ce problème s'ajoute celui de la répartition des dotations : la baisse se fait sans tenir compte des différences de richesse, comme le rapport de MM. Dallier, Guené et Mézard l'avait souligné. La dotation globale de fonctionnement par habitant varie de un à quatre. Le groupe écologiste avait déposé un amendement lors du débat de la loi NOTRe pour y remédier. À quand des dotations pour des communes s'engageant dans des plans de transition énergétique ?

Pour le territoire Paris Ouest, où 17 millions d'euros doivent être redistribués par le Fpic, Neuilly et Levallois-Perret refusent de participer. Résultat : la ville la plus pauvre du département, Nanterre, voit son budget amputé de 9,5 millions d'euros, sans compter une perte de 4 millions de DGF !

Nos analyses divergent toutefois avec les demandeurs de ce débat, car nous n'avons toujours pas compris où ils trouveraient les 100 à 150 milliards d'économies promises... (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Alain Bertrand.  - Très bonne question !

M. Francis Delattre .  - J'ai relu les soixante engagements du candidat Hollande, ouvrage trop méconnu. L'item n°54 promettait un pacte de confiance et de solidarité avec les collectivités et un niveau de dotation stable. Arrive M. Valls, et cela s'effondre : 11 milliards d'euros de baisses de dotation, sans aucune contractualisation - contrairement à ce qu'on avait observé même sous M. Jospin. Cela s'accompagne d'une campagne de dénigrement des collectivités territoriales, taxées de dépensières. Après avoir fait les poches des Français et des entreprises, le Gouvernement fait celles des collectivités territoriales. Après le choc fiscal, le choc des reniements.

De nombreuses communes doivent ainsi augmenter leur fiscalité, réduire leurs investissements et parfois supprimer des services entiers. Avec 3,7 milliards en 2017, nous arriverons à 28 milliards de baisse sur la période - comment nier les effets délétères sur l'emploi local, non délocalisable ?

Même la Cour des comptes reconnaît que la hausse de la masse salariale des collectivités s'explique pour moitié par des décisions prises à Paris. Qui annonce les plans ambitieux de crèches et qui les réalisera ? Qui ferme des commissariats, et qui doit créer des polices municipales ?

Lors d'une réunion du groupe de travail sur la DGF, M. Baylet a dit benoîtement : « je ne vois pas le président de la République venir au Congrès des maires sans quelques annonces ». Moment de grâce ! Mais le démenti de M. Sapin est venu dès le lendemain. Pour justifier une nouvelle ponction de 3,5 milliards, le Gouvernement a prétendu que la situation financière des communes n'était pas si mauvaise et que leur capacité d'autofinancement « enflait ». Mais que dire de l'investissement ?

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Francis Delattre.  - L'État capte 1 000 milliards d'euros et en donne 20 milliards via la DGF. Le moment venu, nos concitoyens sauront mesurer les responsabilités des uns et des autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Michel Canevet applaudit aussi)

M. Bernard Delcros .  - Le couple communes-intercommunalités joue un rôle majeur dans la vie quotidienne des Français et l'économie. Les deux niveaux ne sont pas redondants, mais complémentaires. Avec plus de 30 milliards en 2016 et malgré une baisse de 22 % en deux ans, ils portent plus de 62 % de l'investissement public local.

Mais le bloc communal doit avoir les moyens d'assumer les missions qu'on lui confie. Après trois années de baisse de la DGF, une pause est indispensable. La répartition doit mieux tenir compte de la richesse et des charges des territoires. L'autonomie fiscale des collectivités territoriales doit enfin être respectée, après tant de réformes qui n'ont fait que la bafouer. Laissons aux élus une visibilité sur les recettes, et cessons de leur transférer de nouvelles charges. Les aides à l'investissement telles que la DETR et le fonds d'initiative locale doivent être confortées et contractualisées, afin de passer d'une logique de guichet à une logique de projet.

La ruralité ne doit pas être perçue comme un problème, mais comme une chance. Alors que notre pays gagne 300 000 habitants par an, bâtissons la ruralité de demain, vivante, productive, connectée avec le monde. Donnez-lui les moyens de s'adapter au XXIe siècle. Ce n'est pas de l'assistanat, c'est préparer l'équilibre de la société dans laquelle vivront nos enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC et quelques bancs du groupe Les Républicains ; M. Alain Bertrand applaudit aussi)

M. François Grosdidier .  - Avec plus de 2 000 milliards de dette, la France doit redresser ses comptes. Mais l'État, qui emprunte pour payer ses fonctionnaires, représente plus de 80 % de la dette publique ; la sécurité sociale, qui emprunte pour rembourser les soins, 10 % ; les collectivités, qui n'empruntent que pour investir, moins de 10 % pour 70 % de l'investissement public. Injustement, c'est sur ces dernières que le Gouvernement fait porter l'essentiel de l'effort de redressement. L'État recrute, baisse l'impôt sur le revenu, ouvre les robinets depuis quelques temps ; les collectivités, elles, sont contraintes d'augmenter les impôts locaux. Le président Mitterrand avait initié le transfert des compétences, le président Hollande invente le transfert de l'impôt, en espérant celui de l'impopularité.

Les communes en font les frais, plus encore que les intercommunalités, et elles-mêmes davantage que les départements et les régions. Or plus une collectivité est petite, moins elle a de « gras », parce qu'elle a appris à faire plus avec moins et parce que les dépenses y sont plus visibles. Vous voulez croire que les grandes régions géreront pour moins cher les lycées ? C'est l'inverse qui se passe.

Mme Cécile Cukierman.  - C'est bien vrai !

M. François Grosdidier.  - Le transfert de compétences obligatoires aux intercommunalités ferait faire des économies d'échelle ? Faux : la mutualisation peut-être utile pour les services support, mais lorsque l'on allonge les circuits de décision et d'exécution, cela revient plus cher. Pas de dogme en la matière. Ni small, ni big is beautiful, à chaque politique l'échelon adapté, dans le respect du principe de subsidiarité.

Les régions et les départements eux-mêmes réduisent leurs concours financiers aux communes, comme Mme Lebranchu le leur recommandait. Pour ces dernières, c'est la double, et même la triple peine, si l'on tient compte de la hausse des dépenses obligatoires - dépenses sociales, activités périscolaires, accessibilité, hausse de la rémunération des fonctionnaires de catégorie C... La situation est intenable, conforme aux prédictions du rapport Dallier-Guené-Mézard en novembre 2014. Le Gouvernement est resté sourd, comme aux avertissements de l'AMF. La seule variable d'ajustement est l'investissement.

Madame la ministre, nous ne vous demandons pas de respecter la parole du président Hollande et de revenir à la dotation de 2011. Nous ne demandons pas non plus de revenir sur vos réformes territoriales. Nous demandons simplement un moratoire sur la baisse des dotations et la hausse des dépenses obligatoires ; la proportionnalité de l'effort demandé à la situation locale ; l'assouplissement des règles de la fonction publique locale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Daniel Chasseing .  - 28 milliards d'euros de baisse des dotations sur quatre ans, c'est la moitié du pacte de responsabilité... Si l'on y ajoute la hausse des charges contraintes, les communes sont prises en tenaille. La mienne, avec 7 000 hectares, 120 km de routes - l'horreur ! - 1 300 habitants et un arboretum de 30 hectares, voit sa DGF déduite de 65 000 euros, baisse compensée seulement à hauteur de 35 000 euros pour les autres dotations. Sauf à rétablir les corvées d'Ancien régime, je ne sais pas faire plus avec moins de moyens : internet, maisons de santé, services publics, entretien des routes, tout cela est utile mais coûteux. Et je ne parle pas des rythmes scolaires...

La technocratie parisienne prétend que nous gérons mal. Faut-il fermer les médiathèques, les centres de presse, les clubs ? Certes, lorsqu'il n'y aura plus personne, nous ne dépenserons plus rien - sauf pour entretenir à grands frais le paysage...

Les maires n'ont d'autre choix que d'augmenter les impôts ou de réduire les investissements - qui auront baissé de 30 % en 2017, avec les effets que l'on sait sur l'emploi.

Les communes et communautés de communes doivent participer à l'effort, mais trop c'est trop. Mettons fin à la baisse des dotations, créons des zones franches et ZRR pour soutenir l'activité rurale. Après les paroles de Vesoul, des actes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales .  - Merci d'avoir pris l'initiative de ce débat argumenté. En 2015, la hausse des dépenses de fonctionnement des communes a sensiblement ralenti : 0,85 % au lieu de 1,82 % en 2014. De même pour la masse salariale : 1,4 % au lieu de 4 %. Dans le même temps, leurs recettes de fonctionnement ont augmenté de 1,3 %, augmentant l'épargne brute des collectivités territoriales, portée à 14,1 %. Il n'y a donc pas d'effet ciseau.

Certes, les dépenses d'équipement ont connu une nouvelle baisse de 2,8 milliards. J'entends votre interpellation, mais les collectivités ne contestent pas leur participation au redressement des finances publiques, car nous ne pouvons plus vivre à crédit. La dette publique a augmenté de 600 milliards d'euros entre 2007 et 2012, portant la dette de 60 % à 90 % du PIB. C'était insoutenable pour notre compétitivité - qui avait elle-même reculé de manière inédite entre 2002 et 2012. Les baisses d'impôt, comme celle sur les successions de 2007, étaient irresponsables car financées par le déficit.

Ancien ministre des finances, monsieur le président de l'AMF, vous dites vous-mêmes que les chiffres ne souffrent pas l'imprécision. Eh bien, peut-on cumuler comme vous le faites les baisses de DGF de plusieurs années ? Pourquoi ne pas cumuler aussi les 320 milliards de concours de l'État ?

De même, si dépenses publiques et croissance allaient automatiquement de pair, on comprendrait mal le peu d'effet des plans de relance financés à crédit par la majorité précédente.

M. François Grosdidier.  - Un plan de relance, c'est de l'investissement !

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État.  - Il vous faudra de la créativité pour trouver les 100 milliards d'euros d'économies que vous promettez...

La répartition de l'effort entre les trois niveaux de collectivités serait inéquitable. C'est pourtant le Comité des finances locales qui en a décidé ainsi, en fonction du poids de chacun dans les recettes totales. de la répartition des baisses.

Monsieur Masson, vous parlez de cadeaux aux communes. Pour ma part, je crois à la créativité des communes, qui ont fait de gros efforts pour revoir leur organisation et maîtriser leurs dépenses de fonctionnement. Les collectivités territoriales ont augmenté sensiblement moins la pression fiscale qu'en 2009, autre année post-électorales, démontrant le sens de responsabilité des élus locaux.

Monsieur Perrin, soyons précis. La taxe d'habitation a augmenté d'1,1 milliard d'euros en 2015, soit 5,4 %, ce qui s'explique aux quatre cinquièmes par l'évolution des bases foncières. Le dynamisme de la fiscalité excède la baisse des dotations, et les communes ont des ressources plus diversifiées et plus productives à moyen terme que les autres collectivités.

L'effort demandé s'est accompagné d'une progression de la péréquation, avec une augmentation de 500 millions d'euros du fonds de péréquation en 2015 et 2016. L'effort demandé aux communes les plus pauvres a donc été réduit : 0,36 % des recettes en 2015 pour celles qui sont éligibles à la DSR, 0,30 % pour celles qui le sont à la DSU cible, au lieu de 1,84 % en moyenne. À cela s'ajoute une progression de 220 millions d'euros en 2016 du fonds de péréquation intercommunal et communal. Des communes telles que Clichy-sous-Bois, Villiers-le-Bel pour Mesnières-en-Bray ont même vu leurs dotations augmenter, grâce à un prélèvement plus important sur des communes plus favorisées comme Lacq ou Gravelines.

À l'instar de MM. Dallier, Mézard et Guené, je pense que le système actuel s'essouffle ; je pense comme M. Gattolin qu'il faut réformer une DGF qui ne prend pas assez en compte la réalité des collectivités. Réformer la DGF, c'est corriger les iniquités pointées par le rapport Germain-Pires Beaune, tenir compte des charges spécifiques des territoires vastes et peu peuplés, prendre en considération le degré réel d'intégration des intercommunalités plutôt que leur catégorie. Ce ne sont pas les petites communes qui ont financé la métropolisation, mais l'État.

Des élus se sont inquiétés des effets de la réforme, et certains points méritent examen. Ainsi des DGF négatives : il serait inacceptable de rendre de la DGF à des communes à hauts revenus. En ce qui concerne les charges de centralité, le critère de population n'est peut-être pas suffisant, surtout dans les territoires polycentriques. Nous nous interrogeons sur les mécanismes de garantie, la réforme pouvant mettre 45 ans pour produire tous ses effets. Sur les parts figées, indispensables dans certaines villes industrielles, un subtil équilibre reste à trouver. Il fallait enfin attendre les évolutions de la carte intercommunale avant de produire des simulations.

Le Parlement a donc voté les principes de la réforme dans la loi de finances 2016 et retardé sa mise en oeuvre en 2017. Depuis, le travail a repris, des groupes de travail ont été constitués au sein des deux assemblées en vue d'une « réforme de la réforme ». C'est le rôle du Parlement, et tout particulièrement du Sénat. Les simulations montrent que la réforme projetée atteint ses objectifs, y compris à moyen terme - des simulations pluriannuelles ont été transmises vendredi aux commissions des finances et aux associations d'élus. Selon le rapport de votre délégation aux collectivités territoriales, à l'horizon 2019, la DGF augmentera dans 59 % des territoires regroupant 55 % de la population. Nous disposons d'une base solide.

Le Comité des finances locales se penchait ce matin sur la péréquation. À l'été, le Gouvernement rendra un rapport présentant une simulation actualisée.

Vous avez souligné le poids de l'investissement public local dans l'économie de notre pays. Il a baissé de 6,5 % en 2015, de 9,6 % dans le bloc communal, davantage que lors des précédentes années post-électorales. Je comprends que cela suscite des inquiétudes dans le BTP. C'est pourquoi le Gouvernement a pris des mesures de soutien dès la loi de finances pour 2015, avec la hausse du taux de remboursement du FCTVA et de la DETR. En 2016, le FCTVA a été étendu à certaines dépenses d'entretien des bâtiments et des routes, des mesures d'assouplissement comptable ont été prises, la Caisse des dépôts a octroyé 800 millions d'avances à taux zéro sur les remboursements de TVA, et les préfets disposent d'une enveloppe de 500 millions, le FSIL, pour subventionner de grands projets, notamment de transition énergétique. Cela répond à votre souhait, monsieur Gattolin.

Monsieur Delcros, vous proposez que ces fonds fassent l'objet d'une contractualisation, ce qui pourrait avoir du sens malgré les difficultés. Toujours est-il que ces fonds seront rapidement déployés pour débloquer des projets, M. Baylet et moi-même y sommes très attentifs. Les conditions sont réunies pour une reprise de l'investissement local, raison de plus pour ne pas retarder d'un an la mise en place des nouvelles intercommunalités !

Le Gouvernement agit aussi en s'attaquant à l'inflation normative, monsieur Grosdidier. C'est vrai pour le flux de normes nouvelles, le CNEN s'en félicite.

M. François Grosdidier.  - Nous ne vivons pas dans le même monde !

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État.  - C'est vrai aussi pour le stock : de nombreuses normes ont été supprimées dans la loi NOTRe, grâce notamment à M. Doligé, et de nouvelles simplifications ont été annoncées à Vesoul. Un bilan sera fait lors du prochain comité interministériel aux ruralités.

S'agissant de l'application des normes, le Premier ministre a adressé une instruction aux préfets le 18 janvier dernier leur demandant d'adopter une interprétation facilitatrice et d'accompagner les élus.

Le gel du point d'indice des fonctionnaires a généré 7 milliards d'euros d'économie depuis 2010. Son dégel fait partie d'une politique engagée depuis 2012 avec le PPCR. (On en doute à droite et au centre) Une étude d'impact du PPCR a bien été adressée au CNEN, qui lui a donné un avis favorable.

Je ne dis pas que tout aille pour le mieux...

M. François Baroin.  - Hé ho, ça va mieux ! (Sourires)

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État.  - ... mais oui, les choses vont mieux, et l'on ne peut pas demander à la fois la fin de la baisse des dotations et la baisse des déficits. Notre échange aura été utile, ne serait-ce que pour poser les bases de notre débat au Congrès des maires. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

M. François Grosdidier.  - Si le président de la République vient avec ce discours...